DANA-FIONA ARMOUR ALL TOO HUMAN 2 SEPT - 9 OCT - Stockholm
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Dana-Fiona ARMOUR FR All Too Human 2 septembre – 9 octobre 2021 Andréhn-Schiptjenko a le plaisir de présenter la toute première exposition personnelle de Dana-Fiona Armour pour inaugurer la saison de l’automne 2021. Le vernissage aura lieu jeudi 2 septembre entre 18-20h. Dana-Fiona Armour, née 1988 à Willich, Allemagne, a fait ses études à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts, dont elle a été diplômée en 2019. À l’âge du bio-éditing et du mouvement Ontologie Orientée Objet – mouvement qui peut se résumer comme une école de pensée qui rejette le privilège de l'existence humaine sur l'existence d'objets non humains – Armour imagine une hybridation entre l’humain et l’objet. En souhaitant mettre l’humain et l’objet au même niveau elle crée des hybrides où l’organique se mêle avec les formes rigides du minimalisme et de l’art conceptuel. On pourrait également caractériser son travail par une fusion entre médecine, science et art – elle a d’ailleurs collaboré avec des chercheurs et médecins pour certains de ses projets. L’exposition sera composée d’un certain nombre de pièces mais aura aussi le caractère d’installation globale. Une pièce centrale de l’exposition sera le cercle de marbre suspendu au milieu de la pièce, 145 cm de diamètre, chiffre correspondant parfaitement à l’étendu de la peau de l’artiste. En mettant la matérialité au premier plan, l’exposition se compose également d’œuvres en peaux artificielles en silicone, épousant des barres en inox polis et ainsi drapant leurs surfaces souples et douces autour des courbes des barres froides, chirurgicales. Un troisième genre de pièces – on peut nommer cela des excroissances – crées en stéatite et ayant obtenu une surface aussi lisse que la peau après des longues heures de ponçage, ponctuent l’espace de la galerie. L’art, dans son ensemble, est-il lui-même un élément mort inséré dans le vivant des sociétés humaines ? C’est une question profonde, à laquelle Armour tente de répondre en mettant en avant la calcification ou la cristallisation comme outil de production de formes. En tous cas, son travail s’inscrit dans l’actualité brûlante de l’anthropocène, car il propose un paysage hybride dans lequel l’humain, l’animal et le minéral s’entremêlent — rien de plus réaliste. Extrait du texte de Nicolas Bourriaud accompagnant l’exposition. Avec le soutien aux galeries / exposition du Centre national des arts plastiques.
Dana-Fiona ARMOUR EN All Too Human 2 september – 9 october, 2021 Andréhn-Schiptjenko is pleased to present Dana-Fiona Armour’s very first solo exhibition to open the fall 2021 season. The opening will take place on Thursday September 2nd between 6 and 8 pm. Dana-Fiona Armour, born 1988 in Willich, Germany, studied at the École Nationale Supérieure des Beaux-Arts, Paris, from which she graduated in 2019. In the age of bio-editing and the Object-oriented Ontology movement – movement that can be summed up as a school of thought that rejects the privilege of human existence over the existence of non-human objects - it imagines a hybridization between the human and the object. By wishing to put the human and the object on the same level, Armour creates hybrids where the organic blends with the rigid forms of minimalism and conceptual art. Her work could also be characterized by a fusion of medicine, science and art - she has in fact collaborated with researchers and doctors on some of her projects. The exhibition is comprised of a number of separate pieces but will also have the character of installation. A central piece of the presentation is the marble circle suspended in the middle of the room, 1.45m in diameter and perfectly matching the extent of the artist's skin. By putting materiality in the foreground, the exhibition also consists of works in artificial silicone skins, hugging polished stainless-steel bars and thus draping their supple and soft surfaces around the curves of the cold, surgical bars. A third kind of works – growths of sorts - made of soapstone and exhibiting a surface as smooth as skin after long hours of sanding, punctuate the gallery space. Is art, as a whole, in itself a dead element inserted into the life of human society? This is a profound question, which Armour attempts to answer by emphasizing calcification or crystallization as a tool for producing forms. Either way, her work fits in well with the urgency of the Anthropocene, offering a hybrid landscape in which human, animal and mineral intertwine –there could be nothing more realistic. Extract from the text by Nicolas Bourriaud accompanying the exhibition. With the support of Centre national des arts plastiques (National Centre for Visual Arts), France.
DANA-FIONA ARMOUR : LA SCULPTURE COMME STASE ET CALCUL PAR NICOLAS BOURRIAUD Parmi les bouleversements que nous apporte d’artistes ressent ainsi, plus ou moins confusément, un l’anthropocène, avec les crises climatiques et sanitaires soudain sentiment d’immersion totale dans la réalité, que nous traversons, il en est un qui touche plus comme si l’écran qui diffusait l’image de l’autre était particulièrement la sensibilité humaine, et l’art en tout devenu noir, comme si le miroir dans lequel l’humanité premier lieu, parce qu’il affecte la teneur des dialoguait jusque-là avec elle-même s’était soudain représentations, leur centre de gravité. On pourrait flouté. Pour cette nouvelle génération, qui ne peut plus qualifier ce phénomène de crise de l’échelle humaine. distinguer ni « dedans » ni « dehors », la forme ne Car depuis une dizaine d’années, il semblerait que les s’oppose plus à la matière : l’une comme l’autre forment modes de figuration, la manière qu’ont les artistes de un flux continu de transformations incessantes. Les regarder le monde et de le symboliser, ne soient plus artistes les plus conséquents qui sont apparus ces indexées sur les coordonnées du corps humain. Pierre dernières années informent la matière et en tirent des de touche de l’art occidental depuis la Grèce antique, les informations ; ils/elles observent le monde à partir de rapports fixes et stables qui s’étaient établis entre le ses qualités moléculaires. L’art a cessé de regarder sujet et l’objet, la forme et la matière, se sont l’objet en tant que tel, car il n’y a plus d’objets ; le produit littéralement désorganisés. Plus spectaculaire encore, encore moins, car tout est produit ; il lui reste donc à l’être humain désorienté ne sait plus à qui, ou à quoi aborder l’un et l’autre en fonction de leurs composantes s’adresser, sous l’effet d’une catastrophe écologique qui chimiques ou micro-physiques. Telle est la formule du brouille les limites imaginaires jadis établies entre réalisme contemporain : la rendition des aspects nature et culture. Après avoir réduit la première à un invisibles, gigantesques ou minuscules, de gisement exploitable et colonisé les peuples qui ne l’environnement humain. Quelles sont les forces qui suivaient pas la voie du « progrès », les sociétés post- conduisent aujourd’hui l’histoire de la planète, sinon les industrielles en arrivent ainsi à s’auto-coloniser. Il n’y a bactéries, les virus, les particules, les gaz, les degrés de plus de dehors. Le psychanalyste Félix Guattari, dès les chaleur, les masses nuageuses ? années 1980, avait senti le problème arriver : «C’est le rapport de la subjectivité avec son extériorité, écrivait-il, Assimilant la sculpture à un protocole de dissection qu’elle soit sociale, animale, végétale, cosmique — qui visant à établir de nouveaux rapports entre le corps de se trouve compromis.» Une nouvelle génération l’artiste à son oeuvre, Dana-Fiona Armour pratique la jhbuu mét
métabolisation. Le métabolisme, c’est l'ensemble des formes, Armour coopére avec la matière brute : elle réactions chimiques qui se produisent au sein d'un être procède par enduits, inséminations, imprégnations, et vivant et lui permettent de se maintenir en vie, de se procrée des oeuvres vivantes plus qu’elle ne les fabrique. reproduire, de se développer. Les oeuvres d’Armour Finalement, son travail s’inscrit dans une véritable matérialisent ainsi, dans le corps de ses oeuvres, des logique anthropologique : l’espèce humaine a évolué en phénomènes qui se produisent dans d’autres milieux s’ajoutant des prothèses, en projetant l’intérieur vers vivants, humains ou non-humains. Elle utilise l’extérieur. Au lieu de nous munir d’écailles ou d’ailes, indifféremment du sang, de la peau, des organes nous avons inventé l’armure et l’avion. Les oeuvres animaux, tout autant que des matières synthètiques, car d’Armour rendent hommage à cette logique, dans la on ne peut plus tracer de limites claires entre le mesure où elles s’apparentent à des excroissances, des «naturel» et «l’artificiel». Afin de présenter le corps transpositions, voire des éviscérations ; elles humain d’une manière réaliste, Armour procède ainsi extériorisent des formations organiques. par de légers déplacements, en manipulant des formes qui sont également des matières vivantes. Là encore, on Foie, intestins, coeur… L’art est une médecine plastique, ne peut plus faire la différence. Le porc, qui présente la il rend visible des flux qui traversent la matière vivante particularité de détenir quatre-vingt dix huit pour cent et permet d’établir des diagnostics sur la réalité qui de son ADN en commun avec l’être humain, sert ainsi nous entoure. de support à une tentative d’auto-représentation. Car la clé du travail de Dana-Fiona Armour, c’est la relation Dana-Fiona Armour cherche à se manifester en tant qu’elle instaure entre son corps et les artefacts qu’elle que corps, à se rendre visible et intelligible, autrement produit. Comprenons bien qu’elle prend ici à contrepied que par l’image. Le fait qu’elle ait travaillé comme le mécanisme traditionnel de la sculpture : pas de mannequin, donc en tant qu’objet pris dans le regard façonnage, pas de taille, pas de modelage, pas réifiant des autres, détermine sans doute la forme d’imposition d’une forme sur un fond. Donc, rien qui radicale de son entreprise d’autoportrait : une pure corresponde à l’idée très genrée qu’Aristote se faisait du étendue de chair correspondant à ses mesures exactes, processus artistique, qui commençait selon lui avec « des cercles d’un mètre quarante-cinq de diamètre, une une matière qui aspire à la forme », métaphore de identité aplatie et écartelée. Le Moi est aussi une l’élément féminin « passif » devant se voir fécondé par quantité — et comme le disait Paul Valéry, « le plus un « principe actif ». Plutôt que de lui imposer des profond, c’est la peau ». Pour exposer son intériorité, formes jjjjjjj
l’artiste choisit ainsi de se décomposer en deux : la mort inséré dans le vivant des sociétés humaines? C’est crudité des organes, la nudité de la surface carnée. Félix une question profonde, à laquelle Armour tente de Gonzalez-Torrés, dans les années 1990, avait réalisé des répondre en mettant en avant la calcification ou la autoportraits sous la forme de bilans sanguins, ou des cristallisation comme outil de production de formes. En sculptures composées de perles représentant son tous cas, son travail s’inscrit dans l’actualité brûlante de propre plasma, formant des rideaux que le visiteur l’anthropocène, car il propose un paysage hybride dans devait traverser. Davantage encore que l’actionnisme lequel l’humain, l’animal et le minéral s’entremêlent — viennois, dont elle a tiré son intérêt pour les gestes rien de plus réaliste. De la même manière que les d’équarissages et l’expressionnisme corporel, Armour activités humaines modifient massivement la structure s’inscrit dans l’héritage de l’artiste cubain, qui a géologique de la planète Terre, Armour considère sa renouvelé le traitement de l’intime en art en détournant pratique comme une intervention dans la lithosphère, le vocabulaire formel de l’art minimal. dans l’univers minéral. Elle articule également entre eux deux autres contraires Il est intéressant de noter que d’une certaine manière, : le vivant et la nécrose. Dans le cadre du projet de son travail renoue avec le programme utopiste des recherches qu’elle mène avec des hopitaux et des wunderkammer du seizième et du dix-septième siècles, instituts scientifiques, Nephrolithiasis ACT I (2020), ces cabinets de curiosités dont la présentation opérait Dana-Fiona Armour s’attache aux éléments morts pris une subtile gradation chronologique entre les formes dans les métabolismes, kystes, calculs, caillots, lithiases… naturelles, la sculpture antique, l’art figuratif et les objets Recréant artificiellement des agglomérats inertes mécaniques. Les statues de pierre ou de marbre produits par la vie elle-même, elle propose une nouvelle faisaient transition avec la géologie et les temps métaphore de la sculpture : entre le tissu vivant et la préhistoriques, tandis que les automates étaient liés aux minéralisation, entre marbre et sang (Vénus, 2019), elle efforts des peintres pour rendre l’illusion du vivant. Le la définit comme un calcul. Comme une stase qui travail d’Armour présente une même solution de survient dans un processus. En 2018, elle « cultive » ainsi continuité : du métabolisme au scanner, de la stéatite une surface de marbre avec du sang de porc et de la au sang de porc, du latex au marbre, la sculpture n’est poudre d’os. Le minéral est traité lui aussi comme une autre, chez elle, qu’un flux moléculaire. peau, sur laquelle évolue la vie, le « désordre organique ». L’art, dans son ensemble, est-il lui-même un élément Nicolas Bourriaud
Dana-Fiona ARMOUR Vue de l’exposition "Never Nothing Will Die" avec la photographe Lucile Boiron Poush Manifesto, Clichy, France, 2021
Dana-Fiona ARMOUR Vue de l’exposition "Never Nothing Will Die" avec la photographe Lucile Boiron Poush Manifesto, Clichy, France, 2021
Dana-Fiona ARMOUR Vue d’atelier 2020 Matériaux divers
Nephrolithiasis ACT I Marion Zilio - Critique d’art (AICA) et commissaire d’exposition indépendante (C-E-A) Nous vivons sur la croûte de la lithosphère qui compose l’essentiel de la biosphère, depuis près de 4 milliards d’années. Cette «boule de pierre» enfantée par l’univers est littéralement le support de la vie terrestre, elle contient la mémoire fossile et résiduelle de notre planète, si ce n’est du cosmos dans sa totalité inclusive. Cet astre est, à l’image de la perle dans l’huître, du calcul rénal ou du bézoard dans l’estomac de la chèvre, un joyau amalgamé de déchets qui fait l’objet de tant d’admiration et de tourments. Il est un monde dans un monde, où les cycles de la vie et de la mort ne font plus qu’un, dans un corps. Dana-Fiona Armour anime d’un tremblement à ce qui a priori est voué, comme le marbre, à l’immobilité. Depuis l’Antiquité, les sculpteurs taillent la chair dans, et de, la pierre pour en révéler toute la sensualité, mais chez Armour, la roche paraît plus vivante que jamais, si pleine de vie et de rencontres transformatrices qu’elle en tomberait presque malade. Dures et froides, comme un corps mort, les veines de cette roche métamorphique pulsent d’une présence saturée. Le marbre semble colonisé, devenu l’hôte d’un étrange ballet ; d’un élément intrusif, bientôt complice. De ses recherches sur la matière et l’anatomie, l’artiste imagine, en collaboration avec des scientifiques, une pierre avatar, sorte de créature clonique ou thérapeutique susceptible de recevoir, pour mieux les assimiler et les digérer, les maux et les malaises engendrés par nos sociétés. Dana-Fiona Armour cultive de manière artificielle et in vitro des cristaux sur le corps nervuré du marbre. La roche calcaire se confond ainsi avec une seconde peau qui enveloppe et délimite le territoire des syndromes. L’œuvre désigne cet autre de soi-même qui affirme son altérité dans l’altération. Tandis qu’un organisme peut donner naissance à un objet mort : lithiase ou calcul qui obstruent les conduits, Dana-Fiona Armour préfère insuffler dans les artères de la pierre un cristal réticulaire qui se ramifierait à l’infini. Ce faisant, Nephrolithiasis ACT I détourne le fantasme transhumaniste d’une vie éternelle, qui serait parvenu à extraire toute maladie des individus, au profit d’une existence autre susceptible d’évoluer en plusieurs phases. De cette intrusion inopportune, la réussite du projet dépend d’un équilibre symbiotique permettant au couple de minéraux de vivre ensemble. En co-évoluant avec son support d’accueil, la structure cristalline fertilise le marbre en autant de bifurcations géométriques et régulières, en expansion continue.
Recherches pour Nephrolithiasis ACT I, 2020 1 - Modélisation 3D de l’œuvre Nephrolithiasis avec la participation de l’hôpital Necker, Paris 2- Recherches sur calcul salivaire après scan en micro CT 3- Micro CT - scan de l’œuvre Nephrolithiasis à la Faculté dentaire de Montrouge.
Dana-Fiona ARMOUR Nephrolithiasis ACT II, 2020 Marbre rose du Portugal, cristaux de calcium oxalate, acier .
Dana-Fiona ARMOUR Untitled, 2020 Stéatite.
Dana-Fiona ARMOUR Untitled, 2020 Stéatite.
Dana-Fiona ARMOUR Untitled, 2020 Résine epoxy, colorants, poudre de porc déshydratée, acier
Dana-Fiona ARMOUR Vue d’atelier 2020 «1,45 diamètres», «Nephrolithiasis ACT I», «1,45 diamètres - Hypoderme», «Zehn Liter (figé)
Extrait du texte de l’exposition It takes two, par Hugo Vitrani Dana-Fiona Armour s’est réduite à l’état de cercles de 1,45 mètres, présentés sous la forme classique du triptyque, entre minimalisme et sacralisation. Chaque sculpture circulaire incarne l’étendue de la peau de l’artiste déclinée en latex et tendue sur une structure en acier brut, entre trophée guerrier (le corps de l’ennemi), momification et peau animale tannée. « Cette pièce est venue de l’envie de connaitre mon volume et me réduire à une surface, un chiffre », explique l’artiste qui cite l’art corporel des années 1970 et l’Actionnisme Viennois parmi ses références. Faussement décharnée, Dana-Fiona Armour se met à plat et déploie le rayonnement de son corps libéré d’organes, de formes, de sang, d’os et de chair. Alors cette nouvelle peau synthétique et lisse pourrait évo- quer celles photoshopées du milieu de la mode mais aussi la texture des corps hologrammes ou ceux qui se déploient dans la réalité virtuelle. Autant de corps sans corps.
Dana-Fiona ARMOUR Triangle Polygone, 2019 Sang et gélatine de porc, résine époxy, acier.
Dana-Fiona ARMOUR Vue de l’exposition DNSAP Beaux-Arts de Paris, 2018 Au mur : latex, acier, diamètre 1,45m Au sol : bloc de marbre cultivé, résine acrylique, sang de porc, poudre d’os animal
La mesure de nos dépouilles Extrait par Julie Ackermann Si Julia Kristeva définit l’abject comme un objet exclu qui « tire vers là où le sens s’effondre » , Dana-Fiona Armour s’applique à le projeter dans la matrice de l’ordre et de la raison. Qu’il s’agisse d’un monochrome devenu matière sanguine et odorante ou encore d’un ensemble de carreaux domestiques en peau de porc et calqué sur la forme de la grille, l’organique contamine les formes rigides du mini- malisme et l’art conceptuel (deux courants très mas- culins, faut- il le rappeler ?). À l’instar d’un docteur Frankenstein, l’artiste - muté en chirurgienne - ne leur insuffle pourtant pas la vie, mais leur donne une chair, désincarnée. Dana-Fiona Armour travaille avec des produits porcins, maté- riellement les plus proches de l’humain, plaçant la matérialité et la vulnérabilité des corps de l’ensemble des espèces au même niveau. En réponse à leurs ex- clusions historiques, elle met à nu les fondements biologiques à l’origine de la vie. Cette exposition n’aurait cependant pu avoir lieu si elle ne s’accom- pagnait pas d’une mise à distance, à savoir si l’artiste n’était parvenue à « organiser ce désordre organique in- térieur » et « à le rendre propre » selon ses mots. Pour Winfried Menninghaus en effet, le dégoût consti- tue « l’une des affections les plus violentes du système humain perceptible ». D’où la nécessité de rendre l’abject supportable. Une mue/transformation que - masque au visage, les mains gantées et munie d’un scalpel - Dana-Fiona Armour assure en suivant plu- sieurs protocoles de recouvrement, d’altération et de reproduction. L’organe, la peau ou le sang peuvent être recouverts d’une peau transparente et isolante, comme ils peuvent être représentés par des matières artificielles (latex, résines, toxines botulique...) ou hybridées avec elles. Loin d’être anodines, ces opérations s’indexent sur les mécanismes de production, d’emballage industriel et de dressage des corps et des sujets aux exigences néo-libérales, célébrant propreté et packaging pour faciliter la multiplication et la fluidité des échanges. Les œuvres de Dana-Fiona Armour procèdent d’une mise en circulation de ces produits (humains et non-humains) et tels qu’ils se présentent à l’heure de l’hyper-visibilité : standardisés, dépouillés, traçables. À l’heure du libéralisme high-tech, du trans-huma- nisme ou encore du trafic d’organes, les corps sont non seulement marchandisés mais aussi incomplets (on peut les « augmenter ») et pulvérisés (réduit à l’état de fragment ou de data). Dana-Fiona Armour teste les limites de l’humain du XXIème siècle...
Dana-Fiona ARMOUR Zehn Liter, 2018. Sang de porc et gélatine de porc. Installation in situ
Dana-Fiona ARMOUR Liver and Intestines (Detail), 2018 Silicone et acier
Andréhn-Schiptjenko, Paris Andréhn-Schiptjenko, Stockholm 10, rue Sainte-Anastase, 75003 Linnégatan 31, 114 47 Paris, France Stockholm, Sweden Wed-Fri: 11-19 Tue-Fri: 11-18 Sat: 14-19 Sat: 12-16 +33 (0) 1 81 69 45 67 +46 (0)8 612 00 75 paris@andrehn-schiptjenko.com info@andrehn-schiptjenko.com
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