De la dépression dans - Clinique et prise en charge l'épilepsie Dr Coraline Hingray
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Clinique et prise en charge de la dépression dans l’épilepsie Dr Coraline Hingray 20 février 2018 Caen
Patient, entourage Inconscient que sa qualité de vie est surtout influencée par son humeur plus que par ses crises S’il a une épilepsie ne veut pas forcément reconnaitre un trouble de psy en plus Ne veut pas, en plus d’être épileptique «être fou» Ne veut pas voir de psychiatre…ou prendre un autre médicament Pense que si l’épilepsie est guérie tout ira bien…
Patient, entourage Lit très bien les fiches des médicaments anti dépresseurs ou neuroleptiques… Précautions d’emploi : La surveillance du traitement par XXXX doit être renforcée : • Chez les épileptiques en raison de la possibilité d’abaissement du seuil épileptogène ; la survenue de crises convulsives impose l’arrêt du traitement ;….
Neurologue Perçoit bien la souffrance morale du patient Craint le suicide Sait que l’humeur est le facteur principal influençant la qualité de vie du patient Ne connais pas les subtilités et différences entre les médicaments anti dépresseurs et les anti-psychotiques, s’en méfie, interactions MAE, AD
Psychiatre Perçoit qu’il ne s’agit pas d’une présentation classique de pathologie psychiatrique Donne une sur-importance à la conséquence psychosociale Peut penser aussi que sans épilepsie tout irait bien Doute en cas de diagnostic de CNEP Se méfie des médicaments qu’il pourraient donner Interactions AD, MAE…
Pharmacien A appris que les antidépresseurs abaissent le seuil épileptogène Il se méfie Il parle de ses craintes au patient et au prescripteur
L’épipsy : En fréquence
Fréquence des troubles psychiatriques • Incidence : En moyenne 37 % de troubles psychiatriques (entre 19 et 62 %) • Prévalence : sur la vie entière, 60 % en moyenne • Jusque 80% chez les patients pharmacorésistant • Les plus fréquents les troubles dépressifs puis anxieux De Toffol B ,2003
Patients Population épileptiques générale Troubles dépressifs 11-60 % 12-15 % [2] X 5 Troubles anxieux 19-45 % 2,5-6,5 % [3] X 2,5 Troubles 2-8 % X 8 0,5-0,7 % [4] psychotiques TDAH 25-30 % 2-10 % [5] X 3,5
Relations épilepsie ↔ Troubles psychiatriques Fortes Influence bidirectionnelle des traitements Troubles psychiatriques en rapport temporel avec les crises Risque de récurrence des crises supérieur en présence de troubles psychiatriques Pronostic post chirurgical de l’épilepsie influencé par les ATCD psychiatriques Intérêt des ECT en psychiatrie Petrovski, S et al. Neurology 2010;175:1015-1021 Metternich B et al, S et al. 2009 Cockerell et al 1996
L’épipsy Une intrication entre troubles psychiatriques et épilepsie complexe
Epilepsie et psychiatrie: Troubles Troubles dépressifs anxieux Effets convulsivants des psychotropes Effets psychotropes des Antiépileptiques Crises psychogènes non épileptiques
ETIOPATHOGÉNIE ? L’approche psycho-sociale : conséquences psychiques et sociales L’approche causale : répétition des crises d’épilepsie entraîne une dysfonction cérébrale durable qui serait à l’origine des manifestations psychiatriques L’approche « comorbide » : un organe, une cause, deux conséquences ?
Relation bidirectionnelle TRIANGULAIRE Facteurs physiopathologiques Pathologies Pathologies épileptiques psychiatriques
Pourquoi la dépression est sous diagnostiquée, sous traitée?
Dépression sous-diagnostiquée 1 1) parce que le cadre des dépressions majeures n’est pas adapté à l’épilepsie: Une fois sur deux, pas de trouble caractérisé Tableaux chroniques, fluctuants, entrecoupés de périodes d’amélioration transitoire anhédonie, fatigue, irritabilité, plus que tristesse durant plus de 15j
Dépression sous-diagnostiquée 2 2) parce que les symptômes sont inhabituels: Préoccupations somatiques, douleurs, signes psychotiques, alternance de phases euphoriques brèves
Dépression sous-diagnostiquée 3 3) parce que la dépression est considérée comme un ajustement « normal » à la situation: Chômage, solitude, fréquence des crises, absence de perspectives personnelles et professionnelles
Dépression sous-diagnostiquée 3 3) parce que la dépression est considérée comme un ajustement « normal » à la situation: Chômage, solitude, fréquence des crises, absence de perspectives personnelles et professionnelles
Dépression sous-diagnostiquée 4 4) parce que la dépression est souvent confondue avec les effets secondaires du traitement Perte d’appétit Insomnie ou hypersomnie Agitation ou ralentissement psychomoteur Fatigue Perte de concentration
Dépression sous-diagnostiquée 5 5) parce que le diagnostic de dépression n’est pas systématiquement évalué par le neurologue: Manque de formation Manque de temps Manque d’intérêt
Dépression sous-diagnostiquée 6 6) parce que la survenue des crises modifie la présentation: Dépression pré-ictale (changement de l’humeur 1 à 2 j avant la crise) Dépression ictale (sémiologie dépressive lors de l’aura) Dépression post-ictale
Quelle classification ?
Des spécificités Des tableaux spécifiques ! Parfois méconnu des médecins traitants , des psychiatres Classifications internationales peu adaptées : Critères rarement réunis Pas de spécificité prise en compte Prise en compte des rapports temporels entre crise d’épilepsie et apparition des symptômes psychiatriques
Classification Troubles inter-ictaux « sans rapport chronologique direct avec la crise » Troubles péri-ictaux « en rapport chronologique direct avec la crise » Pré-ictal Ictal Post-ictal Troubles iatrogènes (Antiépileptiques, Chirurgie) Les crises non épileptiques psychogènes CNEP
Classification des Sous-catégories Type principaux troubles Troubles de Troubles Troubles psychiatriques l’humeur anxieux psychotiques -Episode -Trouble anxieux -Schizophrénie dépressif généralisé -Autres troubles caractérisé -Troubles délirants Non spécifiques à -Trouble obsessionnels -Troubles l’épilepsie dépressif compulsifs psychotiques I NTER- secondaire à une -Trouble panique secondaire à une I CTAUX « Répondant aux autre affection -Agoraphobie autre affection « Sans rapport critères classiques de médicale -Phobie sociale médicale chronologique classification des -Troubles de -Phobie spécifique direct avec la pathologies l’adaptation avec -Trouble de stress crise » psychiatriques » humeur post traumatique dépressive -Troubles anxieux -Troubles secondaires à une bipolaires autre affection médicale Hingray C, Troubles psychiatriques de l’épilepsie, EMC neurologie,2017
Classification des Sous-catégories Type principaux troubles Troubles de Troubles Troubles psychiatriques l’humeur anxieux psychotiques I NTER-I CTAUX -Psychose Bref « Sans rapport interictale brève chronologique Spécifiques à direct avec la crise » -Phobie -Psychose l’épilepsie Chronique spécifique de la interictale crise d’épilepsie chronique «Ne répondant pas aux -Trouble critères de panique classification atypique classique » Trouble Trouble Récurrent dysphorique dysphorique interictal (TDI) interictal (TDI) Hingray C, Troubles psychiatriques de l’épilepsie, EMC neurologie,2017
Classification des Sous-catégories Type principaux troubles psychiatriques Troubles de Troubles Troubles psychotiques l’humeur anxieux Pré-ictaux Tous types de symptômes possibles « Précédant la crise » PÉRI -I CTAUX I ctaux -Symptômes -Anxiété ictale -Psychoses ictales « en rapport « Durant la crise» dépressifs (les symptômes psychotiques chronologique sont l’expression de la décharge ictaux direct/immédiat avec la épileptique elle-même) crise » Post-ictaux -Dépression -Symptômes -Psychose post-ictale « Suivant la crise post ictale anxieux post- après un -Manie post ictaux intervalle libre » ictale
Classification des Sous-catégories Type principaux troubles Troubles de Troubles Troubles psychiatriques l’humeur anxieux psychotiques A la prise d’un -Episodes dépressifs -Symptômes -Psychoses médicament anti- secondaires aux anxieux, nervosité, médicamenteuses épileptique (M AE) MAE hypervigilance secondaires aux * dépressiogènes* secondaires aux MAE MAE propsychotiques* anxiogènes* A l’arrêt d’un -Episodes dépressifs -Symptômes antiépileptique* secondaires à l’arrêt anxieux à l’arrêt de I ATROGENES de MAE ayant des MAE propriétés de anxiolytiques* Secondaires aux thymorégulation* -Réactions de antiépileptiques sevrage au valproate, phénytoine, carbamazépine, Aux interactions Tout types de symptômes possibles à l’adjonction de MAE médicamenteuses induisant des perturbations enzymatiques chez des patients prenant des traitements antidépresseurs, anxiolytiques ou
Classification des troubles Sous- Type principaux psychiatriques catégories Troubles de Troubles Troubles l’humeur anxieux psychotiques -Troubles de -Troubles anxieux -Psychoses post I ATROGENE l’humeur: -Aggravation (TOC lobectomie -Aggravation en particulier) (Rare) -De novo -De novo Post-chirugicaux
Quelles sont les formes sémiologiques à connaître? Des troubles de l’humeur et anxieux
Trouble dysphorique interictal Le syndrome de Blumer 70% des patients atteints d’une épilepsie partielle réfractaire Trouble chronique de l’humeur, fluctuant (au moins 3 épisodes de ce type) Durée : de quelques heures à quelques jours Au moins 3 sur 8 symptômes clés Possibles idées suicidaires, plaintes somatoformes Sensible rapidement aux antidépresseurs
Symptômes dysphoriques interictaux Les symptômes dépressifs : Humeur dépressive Asthénie Douleur Insomnie Les symptômes affectifs : Sentiment de peur Angoisse/attaque de panique Les « symptômes spécifiques» : Irritabilité Euphorie, Instabilité thymique Mula et al.2009, Mula et al. 2015
Troubles dépressifs post-ictaux 72H suivant la crise, en moyenne 6-12h après la crise Durée moyenne : 24H 40 à 45 % des patients avec une épilepsie réfractaire Symptômes : Anhédonie, Pleurs, irritabilité, intolérance à la frustration, Désespoir, Culpabilité, auto dépréciation, Idéations suicidaires Sévérité si dépression interictale
Troubles dépressifs iatrogènes Les antiépileptiques peuvent masquer certains symptômes dépressifs : Asthénie Troubles concentration Troubles du sommeil Certains antiépileptiques sont pourvoyeurs d’effets dépressifs
Et les troubles pharmaco-induits?
Pr Louise Tyvaert
Les molécules AE à manier avec prudence sur le plan psychiatrique Lévétiracétam Keppra : exacerbation de l’anxiété, de l’irritabilité, l’apparition d’une labilité émotionnelle, agitation, agressivité , possibles hallucinations Pérampanel Fycompa : comportements colériques, agressifs et hostiles. Des troubles psychotiques Topiramate Epitomax: Troubles de l’humeur, une exacerbation de l’agressivité et l’apparition de troubles psychotiques Zonisamide Zonégran : Agitation, troubles psychotiques,syndrome dépressif
Les molécules AE à manier avec prudence sur le plan psychiatrique Tiagabine Gabitril: Syndrome dépressif, troubles psychotiques , « état de mal » stuporeux non épileptique Clobazam Urbanyl, Clonazépam Rivotril: Réactions paradoxal de troubles du comportement, agravation de trouble dépressif RISQUE DEPENDANCE Vigabatrin Sabril : effets dépressifs, propsychotique Phénytoine: sédatif, dépressiogène Phénobarbital: sédatif, dépressiogène
Les molécules AE plutôt neutres sur le plan psychiatrique Oxcarbazépine Trileptal Lacosamide Vimpat Gabapentine Neurontin
Les molécules AE à intérêt sur le plan psychiatrique Acide Valproique Dépakine: troubles de l’humeur Carbamazepine Tegrétol : troubles de l’humeur Lamotrigine Lamictal :troubles dépressifs Pregabalin Lyrica: trouble anxieux généralisé Eslicarbazépine Zébinix : dépresssion Clobazam Urbanyl : anxiété
Comment les diagnostiquer?
Diagnostiquer Du coté du neurologue : Questions systématiques lors de la consultation Dépistage par auto-questionnaire : NDDI-E (Neurological Disorder Depression Iventory in Epilepsy) Items du MINI pour la suicidalité Etablir le lien temporel avec la crise Rechercher la cause iatrogène Du coté du psychiatre : Eviter le piège « c’est normal » Connaître les spécificités Se méfier de ne pas méconnaitre une épilepsie comorbide
NDDI-E ≥15 = dépression Micoulaud et al 2015
Quelles stratégies? Générale
TROUBLES PÉRI-ICTAUX Bien les caractériser, diagnostiquer précisément Tenir un agenda des crises Information/psychoéducation du patient et sa famille Equilibrer l’épilepsie Traitement symptomatique Peu d’effet des psychotropes au long cours Thérapie cognitivo-comportementale Intérêt du neurofeedback
Troubles interictaux Information/Psychoéducation Identifier et limiter les facteurs environnementaux Etre autant « ambitieux » Troubles de l’humeur : IRS première intention + TCC Troubles anxieux : IRS+ TCC
Troubles iatrogènes Valider l’imputabilité iatrogène Diminuer, arrêter si possible Reprendre si secondaire à l’arrêt Dosage plasmatique si besoin Changement d’antiépileptique selon profil
Quels traitements, stratégies? Médicamenteuses
En cas de patient avec traits dépressifs… EVITER PRÉFÉRER • Topiramate Epitomax • Lamotrigine Lamictal • Lévétiracétam Keppra • Zonisamide Zonégran • Acide Valproique • Vigabatrin Sabril Dépakine • Tiagabine Gabitril • Carbamazepine Tegrétol • Phenobarbital • Eslicarbazépine Zébinix
En cas de patient anxieux… EVITER PRÉFÉRER • Lamotrigine Lamictal • Pregabalin Lyrica • Lévétiracétam Keppra • Felbamate Taloxa • Clobazam Urbanyl • Perampanel Fycompa • Gabapentine • Topiramate Epitomax Neurontin • Zonisamide Zonégran • Tiagabine Gabitril
ANTIDEPRESSEURS Etude sur 75873 patients (tous les essais cliniques psychotropes vs placebo) : IRS et IRSNA : diminution de l’incidence des crises (RR=0,48) Seul bupropion et clomipranine augmentaient l’incidence Risque de crise x 19 chez les patients dépressifs traités par placebo
Difficile à traiter? Idées reçues?
ANTIDEPRESSEURS Usage possible et même NECESSAIRE Les plus étudiés: (Es)citalopram, Sertaline, Venlafaxine Plus efficace sur troubles inter-ictaux que péri-ictaux Augmentation des doses si inducteur enzymatique (Tégrétol voire Epitomax, Trileptal à forte dose) Surveillance du risque d’hyponatrémie ATTENTION : Expliciter la notice
De manière concrète… Débuter avec IRS : paroxétine, citalopram, sertraline… Commencer avec une dose faible (10 mg/j) Augmenter graduellement 20-40mg/j Si échec après (6-8 semaines): essayer une autre classe thérapeutique (exemple, venlafaxine, dose : 75-225 mg/j) Efficacité chez 2/3 des patients (Kanner et al, 2000, Hovorka et al., 2000)
Risque suicidaire des antiépileptiques ? FDA 2008 résultats méta-analyse : AE augmente le risque suicidaire risque 4.3/1000 vs 2.2/1000 pour le groupe contrôle Hesdorffer et Kanner 2009 Fausse alerte Mélange de tous les types de TAE (effet classe non compatible avec la variété des mécanismes d’action) Tendance pour 8 TAE sur 11, 2 significatifs Données des effets secondaires (pas de collection systématique) Non inclusion des études sans événements suicidaires Relation épilepsie et suicide est complexe et multifactorielle ++++
Quels traitements, stratégies? Psychothérapeutiques
Prendre le contrôle sur les crises
Programme de TCC Programme de thérapie cognitivo-comportementale en 12 sessions 1. S’engager dans le processus de prise de contrôle 2. Rechercher du soutien 3. Reprendre le contrôle sur le traitement médicamenteux 4. Apprendre à détecter les déclencheurs 5. Canaliser les émotions négatives vers des issues positives 6. Entraînement à la RELAXATION 7. Identifier votre aura pré-crise 8. Faire face aux stress de la vie quotidienne 9. Faire face aux conflits et tensions internes 10. Potentialiser le bien-être personnel 11. Autres symptômes associés aux crises 12. Prendre contrôle: un processus continu
Quels traitements, stratégies? Autres
Autres approches… Intérêt de la méditation Intérêt du yoga Programme type Diminution du stress et mindfulness amélioration qualité de vie Effet prouvé sur qualité de Réduction fréquence des vie, anxiété , dépression , crises cognition Et même fréquence des crises Tang, 2015, Kotwas, 2017
Intérêt aussi du bio-feedback sur fréquence des crises Micoulaud-Franchi et al. 2014 Rev Neurol
Conclusion
Usage des antidépresseurs est possible et souhaitable chez les patients souffrant d’épilepsie
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