LE SATELLITE, DEUS EX MACHINA DES PROGRAMMES SCOLAIRES

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Ariane Giannoni-Pasco
                                                                                  Lycée Rodin, Paris

       LE SATELLITE, DEUS EX MACHINA
           DES PROGRAMMES SCOLAIRES

Introduction
     Au-delà de leurs seuls aspects pratiques, les utilisations de l'espace paraissent sans limites.
Pour le public, elles symbolisent une modernité toujours triomphante, exemplaire d'un progrès
scientifique et technique destiné à fournir des solutions à l'ensemble des problèmes humains.
Cette image positive est largement exploitée dans les scénarios de films1. Moins spectaculaire, la
perception de l'espace à travers les pratiques de l'enseignement secondaire nous en donne une autre
preuve. Les nouveaux programmes scientifiques en Collège et Lycée font de plus en plus appel aux
nouvelles technologies, avec des thèmes très ambitieux dont la vocation est de ne pas se laisser
distancer par l'évolution des Sciences et des Techniques, de tirer parti des outils et d'être à la pointe
des innovations. À ce titre, l'Espace est emblème de modernité et de technologie, et l'Éducation
nationale a dès les années 1970, tenté d'intégrer les apports de l'Espace, notamment dans le
domaine de l'imagerie, aux programmes d'enseignement. Aujourd'hui, 25 ans après, qu'en est-il
sur le terrain ? Que reste-t-il de ces ambitions dans la réalité d'un enseignement ? Quel en est
l'impact à l'échelle d'une classe, d'un maître et de ses élèves ? Quel est le point de vue de l'ensei-
gnant « de base » confronté à la réalité du message éducatif ?

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Ariane Giannoni-Pasco

L'espace comme « outil d'information et de communication »
au Collège
     Il n'est nulle part mentionné dans les programmes officiels d'avoir recours à des données ou a
des images obtenues à partir de satellites. Par contre, on recommande « l'utilisation des outils
actuels d'information et de communication ». Ce souci de modernité et de se placer à la pointe des
innovations technologiques conduit les auteurs des programmes scolaires à proposer des activités
(sans pour autant les imposer) telles que « l'observation de cartes de reliefs sous-marins » ou bien
« l'observation d'images satellitales2 afin d'identifier des aires de sédimentation actuelles dans la
mer et dans les estuaires ».

Le satellite : mythes et réalités        pédagogiques

      S'appuyant sur les recommandations des programmes et des compléments, les manuels
scolaires font appel à l'abondante iconographie disponible sur ces thèmes. Le plus souvent, l'icono-
graphe du manuel ne dispose pas de la légende précise de l'image, trop complexe et rarement
fournie par les photothèques scientifiques consultées, et il appartient à l'auteur, et à l'éditeur, de
retrouver les bonnes légendes et de réinterpréter notamment les échelles de couleur. Il est très rare-
ment précisé que ces couleurs sont de fausses couleurs, choisies pour leur aspect esthétique, mais
qu'elles correspondent en fait à une réalité numérique.
      L'enseignant et l'élève disposent donc d'images tronquées, voire inexactes, dont l'interpré-
tation est inaccessible. Le plus souvent, le nom du satellite, et a fortiori ses caractéristiques, ne sont
même pas indiquées ! 3
      Resituons tout d'abord l'enseignement scientifique en Collège . Dans des séquences de classe
de 5 5 minutes découpées en activités motivées pour les élèves de collège, il est impératif de traiter
un sujet à partir de problèmes scientifiques. On utilise pour cela un raisonnement type : le raison-
nement par problèmes s'articule de façon stéréotypée. Le problème est énoncé ou non à partir
d'observations de la réalité, puis on formule une hypothèse, qui est présentée à ce niveau comme
une solution provisoire au problème posé. On cherche pour cette hypothèse une conséquence véri-
fiable. À partir de là, on définit un protocole expérimental qui vérifie la conséquence et donc
permet de valider l'hypothèse. Ce type de raisonnement itératif est à la base de tout l'enseignement
de Collège et plus largement du Lycée5.
      Appliquons à ce raisonnement les contraintes inhérentes au Collège unique : une durée de
55 minutes, l'obligation de ne traiter qu'un problème à la fois, de le traiter entièrement, et
surtout l'absence de culture scientifique et historique des élèves. Nous arrivons très vite à un
constat inquiétant : l'enseignement scientifique est artificiellement mené, et de façon fort hété-
rogène selon les thèmes abordés. J'en veux pour exemple l'enseignement des Sciences de la Terre

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Le satellite, deus ex machina des programmes scolaires

du cycle central des Collèges6. Dans cette construction artificielle et très codifiée, qui s'appa-
rente fort aux tragédies classiques, le satellite joue souvent le rôle de Deus ex Machina pour sauver
la mise des professeurs souvent fort empêtrés dans une problématique qu'ils ont bien du mal à
maîtriser...
      Nous allons par la suite balayer rapidement une partie du programme, en envisageant des
utilisations judicieuses, d'autres plus audacieuses et d'autres encore erronées du Spatial au
Collège.

Le satellite ré-approprié    : activités « motivantes et motivées » en classe de         quatrième

      Dans la partie du programme qui a trait à l'activité interne du globe, on en voit les mani-
festations de surface, séismes et volcanisme, à l'exception de la tectonique et des déformations de
l'écorce terrestre, qui ne sont abordées que plus tard. Un exemple de problème : « comment se
déclenchent les séismes ? ». L'hypothèse proposée est souvent : les séismes sont déclenchés par des
cassures de l'écorce terrestre. Cherchons les conséquences vérifiables de cette hypothèse, sans
oublier qu'elles doivent permettre une approche expérimentale réalisable en classe.
      Contrainte supplémentaire, les élèves doivent « être mis en activité ». Cette activité doit être
« motivante pour l'élève, et motivée, c'est-à-dire construire une notion et contribuer à la résolu-
tion du problème ».
      Tranchons dans le vif ! Il est hors de question de modéliser un séisme en soumettant un bloc
de roche à une contrainte, en l'équipant de capteurs, et de mesurer l'onde produite lors de la
rupture ! C'est mal connaître le matériel qui équipe nos salles de classe ! Le professeur aura donc
recours aux satellites d'observation de la Terre. La conséquence verifiable devient donc : « dans les
zones sismiques, on doit trouver des failles actives », et l'expérimentation devient donc : « si on
équipe une faille de capteurs, et qu'on mesure le déplacement relatif des témoins avant et après un
séisme, on doit mesurer un déplacement brutal des témoins ». Comment allons-nous expéri-
menter cela ? Grâce aux satellites ! Etudions la région de Spitak, ou bien de El Asnam7. Que voit-
on apparaître après le séisme ? De nouvelles failles dont on peut calculer le rejet. Ici, les photos
satellites offrent un enregistrement multitemporel relatif de phénomènes brutaux et permettent
de vérifier, puis de valider très rapidement notre hypothèse.
      On peut également faire intervenir les satellites à bon escient pour la prévision des éruptions
volcaniques. Les documents ne manquent pas sur l'activité de surveillance : on y voit générale-
ment des géologues posant des balises sur les flancs d'un volcan. L'échelle change ensuite et le
satellite prend le relais, envoyant des signaux à des stations de mesure où d'autres géologues analy-
sent l'évolution des déformations mesurées significatives du gonflement du volcan. On peut aussi
évoquer le rayonnement infrarouge pour parler d'anomalies de chaleur, que les élèves relient assez
facilement à la remontée de magma. Cet exemple est très formateur, car partant du terrain, il

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montre des scientifiques à l'œuvre, et restitue au satellite son rôle effectif: un moyen de
surveillance qui relaye une information jusqu'aux centres de traitement. Le satellite ne prévoit pas
les éruptions : il recueille et transmet des données aux géologues.
      Le système de localisation par satellite (GPS) apparaît ainsi comme un outil bien adapté à la
compréhension de la dynamique des plaques tectoniques. Les failles et les séismes sont les mani-
festations de surface de l'activité interne du globe et jalonnent les limites des plaques lithosphé-
riques. Le système GPS 8 est le seul outil qui permette très simplement d'appréhender le
mouvement des plaques en convergence ou en divergence. Le principe est simple : on dispose des
coordonnées précises de plusieurs stations relevées au cours de ces dernières années, de part et
d'autre d'une dorsale océanique, et l'on compare les positions : la divergence des relevés permet de
calculer une distance parcourue, et en la divisant par le temps, de calculer la vitesse, puis le sens, et
enfin d'en déduire qu'au niveau des dorsales actives, il y a divergence, expansion, et donc accrétion.
Partant de cette activité, le professeur peut dès lors utiliser des cartes où aux limites de plaques sont
associés les déplacements moyens en convergence, et aborder la subduction. Ici le GPS s'avère être
un outil simple, qui à partir d'un calcul accessible à ce niveau permet une activité réellement moti-
vante. Ce type d'exercice peut être couplé à une recherche de données à partir de fichiers dispo-
nibles sur Internet.

Le satellite étranger: un outil dont on connaît malles possibilités             et le   fonctionnement

     Allons plus loin et abordons la morphologie des fonds océaniques, avec les fosses et les
dorsales, les alignements de points chauds. Le programme préconise l'utilisation de planisphères
et de la carte des reliefs. Comment l'établit-on ? Grâce aux satellites, bien entendu. L'outil est
commode, aussi l'utilise-t-on à discrétion : en bonne place dans toutes les salles de classe se trouve
ce planisphère, avec la morphologie des fonds océaniques.
     Mais à ce niveau se glisse une importante ambiguïté. En effet, il est hors de question d'expli-
quer pourquoi une cartographie de la surface de l'eau reflète les reliefs à plus de 3000 mètres de
profondeur ! Il faudrait pour cela parler des anomalies du géoïde, de la gravité et de notions inac-
cessibles à un élève de Collège.
     Et sans être polémique, il est fort probable que la plupart des enseignants de collège ne se sont
jamais posé la question, d'autant plus qu'ils ne sont ni géologues, ni géographes de formation !
     Toujours dans la partie « La machine Terre », on aborde la structure interne du globe. Le
problème scientifique est ici « Comment peut-on connaître la structure interne du Globe ? ».
Faut-il s'étonner de la réponse unanime des élèves ? « Avec les satellites ! ! ! »
     Une mise au point s'impose : même avec un outil tel que le radar, dont les élèves de quatrième
n'ont aucune idée du fonctionnement, il est impossible de pénétrer une roche, du moins sur une
grande épaisseur.

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Le satellite, deus ex machina des programmes scolaires

Quels acquis au Collège ?

      Sortant du Collège, l'élève voit donc un satellite comme une boîte noire céleste, capable de
photographier le monde, de surveiller ses déformations, de voir sous l'eau (!), mais incapable de
traverser les roches, capable de voir avec des yeux Radar à travers les nuages et la nuit, et de
permettre, grâce au GPS de connaître et de surveiller finement toutes les déformations de la Terre.
Le fonctionnement du satellite n'étant pas en soi un objectif cognitif, l'élève ignore tout du fonc-
tionnement, de la position, des orbites, des capteurs et des systèmes GPS ou ARGOS, sans parler
du sens du mot « Télédétection » ! Pourtant, et c'est un problème qui se rencontre à tous les
niveaux et dans toutes disciplines, la presse et la télévision utilisent à outrance tous ces mots, le
plus souvent dans un contexte peu rigoureux. Les enfants ont, d'un côté, des acquis scientifiques
plus ou moins solides, rencontrés en classe ou dans les manuels scolaires, et de l'autre un vernis
jargonnant, mal assimilé, souvent inexact car plus spectaculaire que scientifique. Le rôle de l'ensei-
gnant est-il de démolir patiemment les erreurs véhiculées par les médias ? En a-t-il les moyens ? Et
a-t-il le bagage nécessaire ? Car faute d'une formation adaptée, d'où tire-t-il ses informations, si ce
n'est de ces mêmes médias ?
      Le satellite est une boîte noire. Quand les élèves vont-ils entrer dans la boîte ? Selon le prin-
cipe de la « cohérence verticale » des programmes scolaires, ce n'est qu'au lycée qu'ils reprendront
l'outil en allant un peu plus loin et de classe en classe ; comme des poupées gigognes, les boîtes
noires s'ouvriront une à une. Aussi, quel que soit le niveau de fin d'études, les jeunes sortiront du
système éducatif en ayant vu tous les problèmes, mais en ne possédant qu'un nombre limité de clés.
Un Collège unique, certes, mais qui réserve le savoir à ceux qui iront jusqu'au bout de leur cursus.
Pour ceux qui quitteront le système pour des études courtes ou professionnelles, les boîtes noires
ne s'ouvriront jamais.
      Le cloisonnement des disciplines au Collège est tel que l'enseignant de sciences (physiques et
naturelles) ignore ce que fait celui de géographie. Les deux disciplines se privent ainsi d'un outil de
transdisciplinarité qui leur permettrait de décloisonner utilement un enseignement souvent
complémentaire ! Les propositions d'Itinéraires en classe de quatrième et de cinquième du Cycle
Central font appel à cette transdisciplinarité, et devraient permettre à des groupes d'élèves volon-
taires de travailler « autrement » sur des thèmes bi ou tri disciplinaires à raison de deux heures/
semaine et par trimestre. Si ces itinéraires étaient effectivement appliqués, le satellite en serait un
outil privilégié9.

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Le satellite comme « clef de la compréhension
des grands problèmes » au Lycée
      Les élèves de Collège arrivent au Lycée en classe de seconde après un tri sélectif poussé. À la fin
de cette première année de Lycée, les classes se diviseront en trois filières différentes, littéraire,
économique ou scientifique, qui conduisent au Baccalauréat L, ES ou bien S. Aussi l'un des objec-
tifs de ce niveau est d'aider10 les élèves dans leur choix, et de « fournir les clefs de la compréhension
de grands problèmes »11 d'actualité, comme les OGM, le réchauffement climatique, le trou de la
couche d'ozone ou bien encore l'évolution moléculaire...
      Comme au Collège, l'enseignement scientifique au Lycée n'est plus basé sur le cours magis-
tral, mais sur des séquences de travaux pratiques en effectif restreint (18 à 19 élèves) où l'approche
par problème scientifique amène à un bilan, et l'heure de cours (une par quinzaine) est réservée à
des mises au point méthodologiques et (surtout) aux évaluations.
      Encore plus qu'au Collège, les activités doivent être motivantes et mettre en activité l'élève.
Les documents abondants et illustrés des manuels ne suffisent pas ! Il faut que ça bouge, qu'il y ait
des couleurs ! C'est à cette condition que les meilleurs élèves ne déserteront pas la filière scien-
tifique pour se tourner vers les Lettres ou les Sciences économiques et sociales ! 12 Dans cette
démarche prosélyte, que devient le satellite ?

La diversité des approches        de la Terre en classe de seconde

      La première partie du programme 13 : « La planète Terre et son environnement » fait très
largement appel aux données fournies par les satellites et par les sondes spatiales, car elle aborde
aussi bien la planétologie que les interactions entre atmosphère, hydrosphère et lithosphère, sous
un angle dynamique .
      Parmi les activités envisageables figurent l'observation d'images de satellites météorologi-
ques dans les différents canaux, l'analyse sur un an de la productivité des océans, le suivi des
cyclones, le suivi des pollutions naturelles (éruption du Pinatubo) ou accidentelles d'origine
humaine (catastrophe de Tchernobyl ou encore la marée noire de l'Erika).
     Ainsi, il est proposé aux élèves de suivre les mouvements des masses d'eau superfi-
cielles dans l'Atlantique Nord. On dispose de fichiers avec les coordonnées géographiques
de certaines bouées dérivantes équipées de balises ARGOS. Les élèves placent les points sur
un fond de carte, puis reportent sur un calque ou sur un transparent l'itinéraire parcouru en
fonction du temps. À partir de la superposition des tracés, on reconstitue à un moment
donné une circulation océanique tourbillonnante, globalement dans le sens horaire dont on
peut mesurer la vitesse moyenne. À partir de ces données mesurées et représentées graphi-
quement, l'élève est capable d'interpréter des images (par exemple NOAA) du Gulf Stream

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Le satellite, deus ex machina des programmes scolaires

et de comprendre le rôle des courants marins dans le transfert d'énergie de l'équateur vers
les pôles.
      Dynamique des masses d'eau, transferts de chaleur, couplages des enveloppes : autant de
thèmes d'étude pour aboutir à une vision globale et synoptique des phénomènes planétaires... Le
phénomène el Niño est peut-être le cas le plus étudié, et ce à travers des enregistrements réalisés
par le satellite Topex Poseidon. À partir d'animations très largement diffusées sur le Web, on
visualise très bien des tâches de couleur qui oscillent au gré des saisons, et dont les teintes vives et
acidulées flattent l'œil de l'élève. Comment obtient-on ces couleurs ? Que signifient-elles ? Quel
est le rapport avec les anchois péruviens et les inondations aux Etats-Unis ? Tout le talent du péda-
gogue permet à l'élève de construire son savoir en lh30 (à condition de ne pas prendre de pause et
d'avoir des élèves sages et concentrés).

Des images qui restent        incomplètes

      Il est très difficile de traiter cette partie du programme sans traiter même très sommai-
rement les bases qui permettaient de comprendre la façon d'obtenir toutes ces images et
tous ces documents ! 15 Mais ici, le temps manque et les bases nécessaires ne sont pas
acquises. Les enseignants ont donc recours à une séance de travaux pratiques 16 sur la
réflectance de divers matériaux (sable sec, végétation) avec différents filtres, s'appuyant
pour cela sur le programme de Sciences physiques qui traite de la lumière et des longueurs
d'onde.
      Est-ce suffisant pour permettre à un élève de comprendre comment on obtient une image ? Le
même manuel cité en note consacre une double page intéressante à la construction d'une image
numérique par ordinateur, à partir d'une image SPOT de l'île d'Oléron. Cette double page infor-
mative aborde la notion de pixel, de numérisation et montre les trois canaux XS1, XS2 et XS3. Ce
document, qui a paru essentiel aux auteurs du manuel est présenté en annexe sous le label « Pour
mieux comprendre »... Le mieux est ici superflu !
      Dans cette partie, toute latitude est donnée à l'enseignant pour choisir parmi les activités
envisageables celles qui servent le mieux son propos. Il serait intéressant de comparer les progres-
sions des enseignants et de voir quelle est la proportion de ceux qui choisissent de montrer
comment on obtient une image numérique et comment se fabriquent les documents largement
utilisés à ce niveau ! Or, dans cette même classe de seconde, il existe une option MPI (Mesures
Physiques Informatiques) où l'une des activités proposées est justement de numériser une image,
souvent une photo, à partir d'un montage simple, en découpant un agrandissement en pixels
auxquels on attribue un code numérique. On voit aisément ce que pourrait apporter un travail
d'équipe à cette option et le réinvestissement utile qui en découlerait pour l'enseignement
général !

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Conclusion
      En conclusion provisoire de ce panorama de l'utilisation du satellite dans l'enseignement des
Sciences naturelles, je dirais qu'il s'agit d'un outil irremplaçable par la qualité des données et le
suivi temporel qui permet une approche dynamique dans le temps et dans l'espace.
      Couplé à l'outil informatique, accessible via Internet, il permet aux élèves de Lycée de recher-
cher l'information et d'être acteurs de la démarche scientifique. Il est cependant très difficile à
gérer car conceptuellement hors de portée des élèves de Lycée, et à plus forte raison de Collège.
      Il est aussi hors de portée de la plupart des enseignants qui sont principalement biologistes de
formation, et dont la remise à niveau est une démarche le plus souvent autodidacte.
      Utilisées sans précaution, les images satellites conduisent à de graves erreurs : le satellite voit
sous l'eau, le satellite prévoit le temps, le satellite indique la direction du vent, le satellite traverse
les roches et permet de prospecter les gisements minéraux, d'eau ou de pétrole...
      Utilisée avec précaution ou avec des explications à la clef, l'image satellite devient totalement
inadaptée au niveau des enfants, ou bien se vide de son contenu. Alors, pour initier les futurs
citoyens et pour poser les bases de la connaissance des futurs scientifiques, la marge est étroite entre
erreur involontaire et mensonge par omission.
      Comme toutes les nouvelles technologies, le satellite est à la fois séduisant par la qualité de ses
images, irremplaçable par la variété des documents fournis et racoleur par son aspect moderne.
Aussi, les concepteurs des programmes et les auteurs de manuels scolaires aiment à en saupoudrer
leurs documents, en oubliant bien souvent que les enseignants n'ont pas le temps ni souvent les
moyens de s'initier à ces nouvelles techniques et de les intégrer suffisamment pour pouvoir les
utiliser efficacement. Dans ces conditions, l'effet atteint peut être parfois à l'inverse de l'effet
recherché.
      Toutes les agences et tous les organismes qui s'occupent de l'espace consacrent une part
importante de leurs efforts à la communication et à l'enseignement. Il semble qu'entre les agences
et le monde de l'éducation17, la connexion est loin d'être établie.

NOTES

1. Voir l'article d'Olivier CHOPIN sur les satellites et le cinéma d'action.
2. L'expression « d'image satellitale » consacrée par le lexique officiel n'est d'ailleurs pas la plus employée, les spé-
   cialistes utilisant plutôt l'expression d'image spatiale ou satellitaire.
3.   Bordas quatrième, p. 150, image METEOSAT en couleurs, p. 152, photographie de la Mer Rouge légendée
     cette fois, comme ayant été prise par un satellite à 630 km d'altitude, p. 154, la collision de l'Inde et de l'Asie,
     puis p. 156, l'Europe, attribuée à MSAT, Clermont-Ferrand, ou encore Hatier quatrième : Collision de l'Inde
     en 3D, p. 69, et collision p. 71.

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Le satellite, deus ex machina des programmes scolaires

4.   Pour rafraîchir ses connaissances sur le Collège, on peut consulter par exemple l'amusant ouvrage d'Anne BAU-
     DIER, Dictionnaire du Collège à l'usage des Parents, Paris, ed. Garnier, 2001.
5.   Pour mieux comprendre l'évolution de la didactique au cours de ces dernières années, on peut se référer à
     l'Introduction à la distique des Sciences et des Mathématiques, Samuel JOSHUA et Jean Jacques DUPIN, Paris, PUF,
     coll. « Premier Cycle », 1993.
6. Le cycle Central regroupe les classes de cinquième et de quatrième. Le programme peut être traité sur ces deux
   années.
7.   Le réseau de failles de San Andreas n'est pas au programme du Collège.
8. Voir par exemple www2.ac-lyon.fr/enseigne/biologie/ress/geologie/gps.html : Le déplacement de la surface du
   globe terrestre mesuré par GPS.
9. Ce type d'itinéraires est à rapprocher de l'initiative « La main à la Pâte », qui a lieu dans le primaire. Consulter
   pour cela le site de l'INRP, www.inrp.fr.
10. Chaque enseignant confronté à cette orientation des élèves tente au cours de l'année d'évaluer les capacités de
    l'élève et de le guider dans ses choix. Cette étape est cruciale, car du bon remplissage en qualité et en qualité de
    chaque filière dépend le maintien ou non du nombre de classes en terminale et les pourcentages de réussite au
    Bac. Sur ces pourcentages de réussite est basé le Classement national des Lycées, largement publié par la presse.
11. « ...Le programme vise à apporter les éléments de connaissance et plus largement de culture permettant de sai-
    sir les enjeux éthiques et sociaux auxquels est confronté le citoyen de notre temps. » J.-C. Boucault, président
    du GTD. Document d'accompagnement des programmes de SVT applicable à la rentrée 2000.
12. S, L et ES.
13. On pourra se référer aux travaux et publications du GTD par exemple sur le site : www.ens-lyon.fr/Planet-
    Terre/GTD/motGTD.html.
14. BO, n° 6 du 12 août 1999, Hors Série.
15. On remarquera que faute d'avoir travaillé sur les orbites ou plus simplement sur les types de satellites,
    géostationnaires ou non, il est difficile de comprendre la différence entre les images de METEOSAT et les ima-
    ges SPOT, Landsat et autres !
16. Voir par exemple le manuel Sciences de la Vie et de la Terre, seconde, Bordas.
17. Il ne s'agit pas ici d'évaluer les projets pilotes mais bien de voir la place tenue par les satellites dans l'enseigne-
    ment plus de 45 ans après le lancement du Spoutnik.

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