Digest commenté du discours de Nicolas Sarkozy à Antony
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Digest commenté du discours de Nicolas Sarkozy à Antony Avant toute étude de responsabilité le président récuse la fatalité et pointe des lacunes : … ces faits divers doivent nous interroger tous, moi compris, sur les lacunes que peut révéler notre système d’organisation et de fonctionnement de la prise en charge. Surtout lorsque des drames ne peuvent pas être imputés à la seule fatalité. C’est vraiment la maladie de notre temps, de tout expliquer par la fatalité : tout, la crise, les problèmes. Non, C’est trop simple. On ne peut pas simplement dire : c’est la fatalité. Pourquoi être responsable si la fatalité explique tout ? NS confirme les lacunes dans la prise de conscience de la dangerosité et dans la surveillance et dénonce l’indifférence à la souffrance des victimes… Vous vous souvenez tous du meurtre, dont on me parlait il y a quelques instants, commis il y a quelques jours à Grenoble sur une personne de 26 ans par un malade qui avait fugué de l’hôpital psychiatrique de Saint-Egrève. Je veux adresser mes pensées à la famille de ce jeune homme. Et vous dire que j’ai été choqué par cette affaire. Voilà une personne -je veux dire le futur meurtrier qui avait déjà commis plusieurs agressions très graves dans les murs et hors les murs ! Voilà une personne éminemment dangereuse qui bénéficiait pourtant de deux sorties d’essai par semaine ! Et j’entends dire que rien n’indiquait que cette personne pouvait à nouveau passer à l’acte, que rien n’avait été fait pour renforcer sa surveillance ? Et j’ai été choqué de ne pas entendre beaucoup de mots pour la famille de la victime. Entendons-nous bien. La place des malades n’est pas en prison. Si on est malade, on va à l’hôpital. . Mon propos n’est pas de dire que la seule solution est l’enfermement. Surtout l’enfermement à vie. Mon propos n’est pas de dire que seuls comptent les risques pour la société et jamais le cas particulier du malade. Vous êtes du côté du malade mais si vous ne l’étiez pas, qui le serait ? C’est le rôle des praticiens. C’est le rôle des soignants que d’être en quelque sorte inconditionnels du malade et de sa guérison. Mais je ne peux pas, moi, me mettre sur le même plan. La Ministre ne peut pas se mettre sur le même plan. C’est dans la rencontre de nos deux responsabilités que l’on trouvera le bon équilibre. Un schizophrène est, avant toute autre considération, une personne malade. Je mesure l’apport extraordinaire de la psychiatrie à la médecine d’aujourd’hui et la singularité de votre mission. Le Président confirme que le dispositif de sortie des patients est trop libéral et que l’état devra freiner…pour mieux protéger le citoyen et nous protéger de notre inconséquence par la même occasion : Il faut trouver un équilibre, que nous n’avons pas trouvé, entre la réinsertion du patient absolument nécessaire et la protection de la société. Dire cela ce n’est bafouer personne. Mon devoir c’est de protéger la société et nos compatriotes, de la même façon que les personnels. Parce que vous êtes les premiers au contact de cette violence éruptive, imprévisible et soudaine. L’espérance, parfois ténue, d’un retour à la vie normale, j’ose le dire ici ne peut pas primer en toutes circonstances sur la protection de nos concitoyens. 1
Mettez-vous aussi à ma place. Je dois répondre à l’interrogation des familles des victimes que je reçois. Les malades potentiellement dangereux doivent être soumis à une surveillance particulière afin d’empêcher un éventuel passage à l’acte. Et vous savez fort bien, mieux que moi, que des patients dont l’état s’est stabilisé pendant un certain temps peuvent soudainement devenir dangereux. Cela pose la question des moyens. Il faut plus de sécurité et de protection dans les hôpitaux psychiatriques. Cette protection, nous vous la devons d’abord à vous, qui êtes en première ligne. Aux familles, parce que les familles sont les premières à porter le risque quotidien de la dangerosité. Je souhaite que plusieurs mesures soient mises en œuvre à cette fin. On passe à la déclinaison : Nous allons d’abord, chère Roselyne BACHELOT, réaliser un plan de sécurisation des hôpitaux psychiatriques. Et la Ministre de la santé a dégagé 30 millions d’euros. Ces investissements serviront à mieux contrôler les entrées et les sorties des établissements et à prévenir les fugues. Quand un patient hospitalisé d’office sort du périmètre autorisé par son médecin, l’équipe soignante doit en être informée tout de suite. Certains patients hospitalisés sans leur consentement seront équipés d’un dispositif de géolocalisation qui, si cela se produit, déclenche automatiquement une alerte. Ce système est déjà utilisé à l’hôpital, par exemple dans les unités qui soignent des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Cela permettra de rassurer les personnels et d’alléger leurs tâches. Par ailleurs, au moins une unité fermée va être installée dans chaque établissement qui le nécessite. Ces unités seront équipées de portes et de systèmes de vidéosurveillance pour que les allées et venues y soient contrôlées. Enfin, nous allons aménager 200 chambres d’isolement. Ces chambres à la sécurité renforcée sont destinées aux patients qui peuvent avoir des accès de violence envers le personnel. La création d’unités fermées et de chambres d’isolement supplémentaires est une mesure dont je veux souligner l’importance. Ce n’est pas à vous que je vais apprendre que certaines personnes malades sont plus agressives que d’autres ; que certains patients ne sont pas faits pour l’hospitalisation conventionnelle sans pour autant relever des unités pour malades difficiles. Il manque, entre les deux, une prise en charge intermédiaire. C’est précisément ce vide que viendront combler les unités fermées et les chambres d’isolement. Pour les malades les plus difficiles, nous allons, là aussi, renforcer le dispositif de prise en charge. Quatre unités supplémentaires pour malades difficiles de quarante lits chacune vont être créées. C’est une mesure, qui doit permettre aux personnels de travailler dans les conditions les plus appropriées à la spécificité de certains malades. C’est 40 millions d’euros d’investissement et 22 millions d’euros de fonctionnement en plus car, naturellement, il faut le personnel qui va avec ces nouvelles places. L’Etat investira 70 millions d’euros 30 pour la sécurisation des établissements et 40 pour les unités pour malades difficiles. Et je souhaite que l’on aille plus loin. J’ai annoncé une réforme sanitaire des procédures de l’hospitalisation d’office. J’ai bien conscience que ce sont des sujets qu’il n’est pas raisonnable pour un Président de la République d’évoquer, m’a-t-on dit. Pourquoi se mettre là-dedans ? Tout le monde s’est cassé les dents. Je vais me mettre là-dedans parce que c’est indispensable. Et, justement, parce que c’est difficile, c’est mon rôle de ne pas me cacher et de ne pas fuir les problèmes difficiles. Le drame de Grenoble ne doit pas se reproduire. C’est donc bien le curseur qu’il faut bouger vers le +sécuritaire… : J’ai demandé à Roselyne BACHELOT, qui a toute ma confiance, de préparer un projet de loi. Alors, vous me direz que le placement d’office ne concerne que 13% des hospitalisations (Non ! 2% !). Mais ce sont celles qui exigent le plus de précautions, ce sont les plus difficiles. Là encore, je pense qu’un meilleur équilibre entre la réinsertion absolument nécessaire et la sécurité est nécessaire. Entre le tout angélique et le tout sécuritaire, est-ce que l’on ne peut pas se mettre autour d’une table pour trouver le bon équilibre, 2
raisonnable, entre gens de bon sens ? Il faut réformer l’hospitalisation d’office pour concilier la qualité des soins et la sécurité des personnes. Nous allons d’abord instaurer une obligation de soins en milieu psychiatrique. 80% de vos patients sont pris en charge en ville. De même qu’il existe l’hospitalisation sans consentement, il faut qu’il y ait des soins ambulatoires sans consentement. C’est l’intérêt même du patient et de sa famille. L’obligation de soins doit être effective même en cas d’absence ou de défaut de la famille. On ne peut pas laisser seul un patient qui a un besoin manifeste de soins et qui peut, parfois, refuser de s’y soumettre. Je connais bien le principe : nul ne peut être soigné sans son consentement. Encore faut-il que son consentement soit lucide. Vaste débat, me direz-vous, mais j’ai des obligations de résultats vis-à-vis de la société. Peut-on laisser des gens qui ont besoin d’être soignés sans être soignés, simplement pour la liberté qu’ils peuvent avoir de se détruire ? Ayons ce débat. Moi je pense que c’est de la non assistance à personne en danger. Mais j’accepte bien volontiers qu’on discute, mais discutons-en vraiment, allons jusqu’au bout de la discussion. Et il sera mis fin à la légèreté des psychiatres : Les sorties de patients, absolument indispensables, doivent être davantage encadrées. La décision d’autoriser une personne hospitalisée d’office à sortir de son établissement ne peut pas être prise à la légère. Je ne dis pas qu’elle est prise à la légère. Vous avez des convictions j’en ai aussi. Je dis que la décision de sortie est une décision qu’on ne peut pas prendre à la légère. Elle ne l’est pas, tant mieux. Mais allons plus loin, c’est une décision qui est lourde de conséquences. Je réfléchis à un système où le préfet doit prendre ses responsabilités. Pourquoi le préfet ? Parce que c’est le représentant de l’Etat. En cas de sortie d’essai ou définitive, il doit y avoir un avis rendu par un collège de trois soignants : le psychiatre qui suit le patient, le cadre infirmier qui connaît la personne, ses habitudes et un psychiatre qui ne suit pas le patient. Et les psychiatres libéraux doivent pouvoir en faire partie. L’exercice collégial est la clé de la réforme. L’avis des experts est indispensable, mais je veux poser la question les experts. Les experts donnent leur avis mais la décision, ce doit être l’Etat, ou dans certains cas la justice, mais pas l’expert. Je ne suis pas pour une société d’experts : les experts en comptabilité, les experts en bâtiment, les experts en médecine, les experts encore toujours. Mais il y a un Etat, une justice, qui doivent trouver un équilibre entre des intérêts contradictoires et des points de vue contradictoires. Et le patricien doit pouvoir donner son avis de praticien : à son avis, cette personne est-elle capable de sortir, en a-t-elle besoin pour être soignée. Cette appréciation là, cette conviction là, sont parfaitement nécessaires et respectables, mais il faut qu’elles soient confrontées à une autre appréciation, celle de celui qui a à garantir l’ordre public et la sécurité des autres. Et c’est dans la rencontre entre ces deux points de vue, le point de vue de celui qui soigne le patient et le point de vue de celui qui a la charge de l’ordre public qu’on peut trouver le bon équilibre. Et le préfet est là pour représenter l’Etat. Je ne veux plus que les préfets décident de façon aveugle, automatique. Quand il y a un drame, chacun se renvoie la responsabilité et au fond trop de responsables tuent la responsabilité. Je veux qu’ils engagent leur responsabilité en connaissance de cause. Enfin, le Gouvernement s’assurera que les informations administratives sur les hospitalisations d’office soient partagées entre tous les départements avec un secret médical respecté de la façon la plus stricte. Je voudrais vous dire que l’hôpital psychiatrique, c’est, à mes yeux, d’abord et avant tout un hôpital. Il faut une grande ambition pour nos établissements psychiatriques qui doivent être considérés comme une composante à part entière du service public de l’hospitalisation. Je souhaite que vous soyez davantage concernés par la réforme de l’hôpital et mieux impliqués dans sa mise en œuvre. Cette réforme, elle est aussi faite pour vous. Et si la question de l’organisation et des ressources de l’hôpital psychiatrique se pose, alors nous devons, avec votre ministre, la poser sans tabou. Et c’est pour moi une priorité. Grâce au plan de santé mentale 2005/2008, les moyens de fonctionnement alloués au secteur public ont 3
progressé d’un peu plus d’un milliard d’euros entre 2004 et 2008. 3 000 postes de médecins et de soignants ont été créés. Le nombre de lits d’hospitalisation est resté stable depuis 2004, alors même que la prise en charge ambulatoire s’est développée, ce qui est heureux. Un plan d’investissement important, en plus de celui que je viens de vous annoncer, est en cours. 342 opérations de modernisation doivent être réalisées entre 2006 et 2010 pour un montant total d’1,5 milliard d’euros. Je le dis au ministre de la Santé, s’il apparaît qu’il faut investir davantage, nous investirons davantage. S’il faut accélérer certains projets, nous les accélérerons. J’y suis prêt. Mais je le dis aux praticiens que vous êtes, des moyens supplémentaires, oui, mais des réformes aussi : les deux vont de pair. Des moyens supplémentaires au service d’une politique de réforme : pas d’immobilisme dans ce secteur non plus. Il faut que l’hôpital psychiatrique allez, j’ose le mot ait un patron, et un seul, qui ait le pouvoir de dire oui, de décider et d’agir. Il faut aussi que l’hôpital psychiatrique coopère davantage avec les autres acteurs de l’offre de soins, pour mieux gérer les urgences et pour rendre le parcours du patient plus fluide. Il est enfin important, essentiel, d’accroître l’attractivité de vos métiers et de vos carrières. C’est un problème majeur dans notre pays. Vous avez un pays passionnant mais extrêmement exigeant. Il faut que l’on renforce l’attractivité de vos métiers et de vos carrières, tout en développant les passerelles avec les autres établissements de santé pour qu’il n’y ait pas de ghetto. Je vois bien les avantages de la spécialisation mais je crains la ghettoïsation, tellement facile dans notre pays. Permettez-moi d’adresser un message particulier aux directeurs d’hôpitaux, qui sont au cœur de la réforme de l’hôpital que j’ai voulu avec Roselyne BACHELOT. Je leur fais confiance. J’ai de l’estime pour le travail remarquable qui est le leur. Mais pourquoi dis-je qu’il faut un patron à l’hôpital ? Parce qu’aucune structure humaine ne peut fonctionner sans un animateur. Et à l’hôpital, il y a tant d’intérêts contradictoires et de tensions. On est dans un système où tous peuvent dire non, personne ne peut dire oui. Celui qui a le plus petit pouvoir peut empêcher de faire une petite chose. Mais celui qui a le plus grand pouvoir ne peut pas permettre de faire une petite chose. Le pouvoir de dire non, en fait, existe et le pouvoir de dire oui, non. Parce que chaque pouvoir équilibre l’autre dans un mouvement de paralysie quasi générale. Je préfère de beaucoup qu’il y ait un vrai animateur, un vrai patron animateur et responsable, qui écoute tout ce qu’on lui dit, je pense notamment aux avis indispensables des médecins, qui prend des décisions et qui assume les responsabilités si cela ne va pas. C’est un système clair. NS semble prendre acte de la stigmatisation de la maladie et des soignants, semble vouloir nous consoler de faire un métier presque honteux « il n’y a aucune raison de cacher votre métier » et dans des établissements où l’excellence n’a pas cours : Vous le voyez, il n’est pas question que la psychiatrie soit oubliée ou négligée. Notre pays a besoin d’une hospitalisation psychiatrique qui soigne et guérit, une hospitalisation psychiatrique en progrès, où le bien-- être des malades et des personnels doit être pris en compte et amélioré. Nous avons besoin d’une hospitalisation psychiatrique qui protège, et en même temps qui soit plus transparente. Ce n’est pas mystérieux ce qui se passe ici. Il ne faut pas avoir peur de la psychiatrie et de l’hôpital psychiatrique. C’est un besoin. C’est une nécessité. Et le fait que j’ai voulu venir ici, c’est pour montrer aux Français qu’ici il y a des femmes et des hommes qui travaillent avec passion, avec compétence, avec dévouement et qu’on a besoin d’eux. On n’a pas besoin de changer de trottoir quand on passe à côté d’un hôpital psychiatrique. La maladie psychiatrique, cela peut arriver à tout le monde dans toutes les familles. Par ailleurs, et je terminerai par cela, c’est trop important pour qu’on ait des débats d’école, de secte, d’idéologie. Il n’y a pas d’un côté ceux qui ont raison sur tout, moi compris, et ceux qui ont tort de l’autre côté sur tout. Il y a une nécessité de progresser. Des moyens supplémentaires, mais aussi une réforme. Une réforme pour que vous puissiez travailler mieux et que nous ayons moins de drames, comme ceux que nous avons connus. Parce que les premiers qui sont traumatisés, c’est le personnel, ce sont les médecins, dans un cas comme dans l’autre. Voilà, Mesdames et Messieurs, j’espère que vous avez compris, pour moi, ces quelques heures passées 4
dans votre établissement, ce n’était pas une visite comme les autres. Je voudrais vous dire combien je respecte le travail qui est le vôtre et le choix de carrière qui a été le vôtre. Parce que, j’imagine que, y compris dans votre entourage familial et personnel, il doit falloir passer du temps pour expliquer ce que vous faites et pourquoi vous le faites avec tant de passion. Et enfin, je comprends parfaitement que le malade est une personne dans toute sa dignité et que sa maladie ne fait que le rendre plus humain encore, qu’un hôpital ne sera jamais une prison. Mais en même temps, des malades en prison, c’est un scandale. Mais des gens dangereux dans la rue, c’est un scandale aussi. Je veux dire les deux choses et qu’on ne vienne pas me dire que c’est un cas de temps en temps. Parce que si c’était nous, un membre de notre famille, on ne dirait pas cela. Donc, il va falloir faire évoluer une partie de l’hôpital psychiatrique pour tenir compte de cette trilogie : la prison, la rue, l’hôpital, et trouvez le bon équilibre et le bon compromis. Mesdames et Messieurs, je vous remercie de votre attention et de votre accueil. 5
Syndicat des Psychiatres d'Exercice Public (SPEP-IDEPP) Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux [SPH] Syndicat des Psychiatres de Secteur (SPS-IDEPP) Union Syndicale de la Psychiatrie [USP] Le 2 décembre 2008 COMMUNIQUE Après le discours du 2 décembre 2008 du Président de la République sur l'Hospitalisation Psychiatrique, les responsables professionnels en dénoncent les orientations qui traduisent une approche exclusivement sécuritaire de la Psychiatrie, ce qui apparaît comme une régression inacceptable pour une organisation des soins qui a fait ses preuves et n'a pas à rougir de ses résultats. C'est l'assurance d'une perte de chance et d'une nouvelle stigmatisation pour les patients. La Psychiatrie est en tension et au coeur de multiples contraintes, liées à l'augmentation constante de son activité et à l'érosion de ses moyens, liées également à la nécessité d'articuler en permanence les exigences parfois contradictoires de pratiques sécurisées pour les hospitalisations sans consentement et celles qui relèvent du respect des droits des patients. La qualité, l'efficience et la sécurité des soins pour les usagers depuis l'admission jusqu'à la sortie ne peuvent se décréter, elles reposent sur des organisations institutionnelles stables disposant de moyens et d'effectifs suffisants, ce qui n'est plus le cas actuellement. Dr Marie NAPOLI Dr Norbert SKURNIK Dr Angelo POLI Dr Pierre FARAGGI 6
SPH - Yves Hémery Les figures de la peur La disparition brutale, absurde, d’un jeune homme, le deuil d’une famille, ont, évidemment, marqué les esprits et engendré une forme particulièrement torpide de la peur : et si, où que l’on soit, on restait, malgré tout, à portée d’une agression que rien ne peut justifier... Le fou tue, le fou peut tuer, le fou va tuer, si on ne ... Mais, sans alourdir un débat public bien engagé, il se trouve que toutes les statistiques, policières, judiciaires, attestent que le malade mental est plus souvent victime qu’auteur d’actes d’agression, et que le meurtre impromptu représente une occurrence rarissime, le plus souvent cantonnée à la scène intrafamiliale... Alors, quelle finalité à l’œuvre dans cette offensive de la stigmatisation du malade mental, sinon que d’alimenter à l’excès le catalogue morbide des peurs sociales, que d’instiller chez le voisin de l’hôpital le réflexe de défiance qui, précisément, l’amènera à présumer cette radicale altérité de la folie dangereuse ? Le fou rejoint, pour de bon, dans l’imagier de la terreur, le prédateur sexuel, l’étranger, le sauvageon, le terroriste, mais dans quel but ? A la suite du terrible drame de Pau, les pouvoirs publics avaient initié un « plan Santé Mentale », devant le constat d’une psychiatrie publique sans moyens, sans soutien institué, en perte de reconnaissance. Les résultats de cet engagement restent modestes...comme les financements engagés. Mais aujourd’hui, après un autre drame, la réponse s’impose, sans équivoque, dans le registre sécuritaire : plus de surveillance, des unités hospitalières fermées, des contrôles par caméras vidéo, plus de chambres d’isolement, plus d’Unités pour Malades Difficiles, des sorties très encadrées pour les patients, un fichier, etc... En réalité, un alourdissement des mesures envisagées dans les articles 18 à 24 de la loi de prévention de la délinquance, et retirées en 2007 devant l’hostilité traduite par les professionnels. Et cette annonce d’une révision, forcément urgente et déjà dictée, de la loi du 27 juin 1990, attendue depuis... 1995 ! Ne voit-on pas réapparaitre les préoccupations les plus autoritaires, celles qui ont prévalu lors de l’élaboration de la loi du 30 juin 1838 ? De Portalis, Pair de France, déclarait le 8 février 1838, lors du débat parlementaire : « nous ne faisons pas une loi pour la guérison des personnes menacées ou atteintes d’aliénation mentale; nous faisons une loi d’administration de police et de sûreté. » Cette loi, faut-il le rappeler, plaçait l’asile, les professionnels et les malades, sous l’autorité du Ministre de l’Intérieur. S’agit-il là, de l’orientation de la réforme, que l’on ne saurait éviter ? Quelle place pour la Santé Mentale, lorsque l’on pense Sécurité Publique ? Quelle place pour le malade dans une société peu tolérante, sinon implacable ? S’agit-il d’angélisme que d’envisager un patient comme sujet de droit(s), comme une personne digne, non seulement d’estime pour ce qu’elle est, mais aussi de soins appropriés dans les meilleures conditions, jusqu’à la garantie de sa sécurité et de celle d’autrui ? Comment entendre le terrible contresens sur le chiffre des hospitalisations sans consentement ? Le « placement d’office » (nous revoilà bien en 1838) ne concerne pas 13 % des hospitalisations en psychiatrie, mais 1,80 %, en 2003 comme en 2005 (et, pour mémoire, 2,13 % en 1988), selon les données collectées par la DGS. Un peu plus de 11400 personnes ont été hospitalisées d’office en 2005, et 3300 restaient hospitalisées au-delà de quatre mois...Et 8000 de ces personnes faisaient l’objet de mesures provisoires, initiées par les maires ou commissaires de police. Faudra-t-il donc bouleverser l’organisation de tous les hôpitaux, et déséquilibrer leurs projets d’investissements, pour assurer la mise hors d’état de nuire de cette cohorte de malades présumés dangereux ? 7
Faudra-t-il rendre à l’hôpital psychiatrique son statut de citadelle ou de geôle ? De quels renoncements éthiques parlera-t-on, si ces mots ont encore un sens ? Les professionnels de la santé mentale ne peuvent adhérer à de telles propositions, d’autant qu’elles ne traitent qu’une parcelle de leurs champs d’activité clinique et institutionnel. Si nul ne peut récuser le besoin d’une meilleure sécurité, pour tous, bien entendu, une réponse cantonnée au domaine sécuritaire porte en elle-même ses limites. Aucune approche de la psychiatrie ne peut tenir d’une conception manichéenne ou déterministe : la réponse thérapeutique se trouve dans l’approche individuelle de chaque patient et dans l’élaboration de projets de soins qui ne peuvent reposer sur un postulat d’exclusion. Il est bien temps d’instaurer le temps de la réflexion, et de traiter au fond de ces problématiques, sans arrière pensée, mais sans précipitation : psychiatrie et précarité, psychiatrie en prison, psychiatrie et défense sociale, organisation des soins sans consentement, avec un regard du côté de l’Europe, et des procédures de judiciarisation, place et rôle de l’expertise, etc... Tous ces sujets méritent une approche globale et réfléchie, en concertation avec les représentants des usagers, les élus, l’encadrement administratif et gestionnaire et les professionnels Certes, la psychiatrie continuera de souffrir d’un déficit de reconnaissance, mais il est aussi à son honneur que de promouvoir la modestie de sa démarche, fondée sur la patience et la continuité des prises en charge. Erasme, qui s’est probablement retourné plusieurs fois dans sa tombe, proposait ses propres conceptions : « La Sagesse rend les gens timides ; aussi trouvez-vous partout des sages dans la pauvreté, la faim, la vaine fumée ; ils vivent oubliés, sans gloire et sans sympathie. Les fous, au contraire, regorgent d’argent, prennent le gouvernail de l’Etat et, en peu de temps, sur tous les points, sont florissants. » (Eloge de la Folie, LXI, GF Flammarion, p.80) Yves Hémery Morlaix 8
SPH – Isabelle Montet Comme il fallait le craindre, le président de tous les Français, dont ceux atteints de troubles psychiatriques ou susceptibles de l’être, utilise un drame pour faire resurgir les peurs et les clichés les moins glorieux visant la santé mentale. Dans cette « réforme en profondeur de l’hospitalisation psychiatrique » qu’il nous annonce, aucune des mesures n’est prévue pour en améliorer la qualité, mais s’additionnent pour enfoncer le clou des méthodes strictement sécuritaires, en affichant derrière le devoir de protection dû à la société, le mépris pour les personnels soignants, pour les patients et leur entourage. Mépris pour les personnels et psychiatres qui se trouvent relégués eux-mêmes au rang d’irresponsables incapables, en dépit de tout le travail accompli mais trop discret pour mériter de figurer dans l’actualité, de prendre des décisions autrement qu’à la légère, ce qui permet de justifier d’un renforcement du contrôle de l’Etat dans des décisions d’ordre médical. Mépris pour tous les efforts déployés avec succès pour la réinsertion des malades, le développement de solutions alternatives à l’hospitalisation, réinsertion qui se trouve mise en position de n’être plus qu’une option, voire un risque pris par la société qui devrait choisir entre sa protection et la réinsertion de ses malades. Mépris pour une conception évolutive de la psychiatrie qui a permis depuis 30 ans de faire passer les hôpitaux du statut d’asiles refermés sur la misère et la souffrance morale à l’abri des regards, à celui de dispositifs de soins offerts dans le parcours de vie d’un patient Mépris pour les demandes réitérées de la discipline de psychiatrie de pouvoir disposer de moyens et compétences humaines adéquats face à l’inflation des missions que la société lui demande d’assumer et de pouvoir offrir aux malades des conditions dignes dans ses lieux de soins et d’hébergement, alors que 70 millions d’euros se trouvent miraculeusement disponibles pour renforcer les enceintes des hôpitaux et créer des chambres d’isolement Mépris pour les travaux qui ont été menés depuis plus d’un an pour la réforme de la loi de 1990, en concertation, par les professionnels de psychiatrie et les familles d’usagers, arrêtés en plein élan pour être bradés pour des dispositions autoritaires et sans aucun débat contradictoire, ce que ne méritent pas les questions d’éthique, de dignité et droits des personnes qui sont en jeu dans un pays qui occupe en outre la présidence de l’union européenne. Mépris pour la condition de l’Homme même en réduisant la personne atteinte de troubles mentaux à celle du fou furieux, imprévisible et prêt à toutes les extrémités, et requérant le déploiement de mesures sécuritaires telles que la surveillance par satellite, dispositif digne des univers délirants de certains de nos patients qui ne sont pas, eux, en poste au gouvernement. Les murs et les procédés de géolocalisation ne se substituent pas aux personnels, formés et motivés, préalable indispensable à des soins de qualité en psychiatrie, sauf à vouloir retourner à une psychiatrie vouée au grand enfermement des fous que nous redessine le président, mission que peu de soignants sont prêts à considérer comme « leur cœur de métier ». 9
SPH - Denis Leguay Comme beaucoup à Antony, j'ai été partagé entre satisfaction d'entendre un Président de la République parler de psychiatrie dans l'enceinte d'un EPSM, curiosité de voir l'animal politique, incrédulité devant certaines mesures dont la naïveté fait mesurer la méconnaissance de nos décideurs, et irritation, voire indignation d'entendre encore et toujours s'illustrer l'amalgame maladie/dangerosité. Il nous a fallu digérer, prendre la mesure, appréhender dans l'après-coup la portée de ce qui fut dit. Dans l'instant, aucun mouvement, aucun sifflet, et nous l'avons applaudi. Premier constat: N. Sarkozy est habité par cette problématique, elle le concerne, elle l'obsède: la violence, la culpabilité, la responsabilité, la sécurité, il en parle avec des accents de vérité indiscutables, il trouve naturellement les mots quand il s'affranchit de son texte. Son discours laisse affleurer des tonalités tragiques, à l'évidence personnelles. Cette problématique, il ne la laissera donc pas oublier, se diluer dans le fatalisme de l'irresponsabilité collective, c'est justement ce qu'il abhorre. Pensons à la manière dont il avait assumé le résultat de sa liste aux européennes en 99, à son choix de la profession d'avocat, à son insistance sur la recherche des responsables, à sa préoccupation ancienne de la dimension religieuse. A l'inverse de beaucoup d'hommes politiques, il n'est pas dissimulé, il accepte d'être transparent aux autres. La sécurité, la responsabilité, c'est son thème, à son insu, peut-être. Il a donc de vraies convictions, et n'est pas prêt à adhérer à ce qu'il dénonce clairement comme de la langue de bois. Deuxième constat, deuxième évidence, qui nous fut assénée: il n'est plus possible de se réfugier derrière "la fatalité", ou, plus savamment, le "risque assumé", car, précisément, ce risque n'est plus assumé par personne dès lors que l'instruction rétrospective des accidents met en lumière négligence, insouciance, voire désinvolture à l'égard d'une société qui ne respecterait, selon nous, pas l'exceptionnalité de la folie (cf la lettre, insultante, de Guyader). Et peu importe que ces accidents soient rarissimes (ce qui n'est pas tout à fait le cas d'ailleurs), peu importe que ce problème soit quantitativement considérablement moindre que le tribut payé à l'alcoolisme (accepté?) au volant (1500 morts), que les violences conjugales (80 morts), ou que le suicide (10.000 morts). A tort sans doute, ces fléaux sont ressentis comme compréhensibles, partagés, humains, alors que l'agression du patient schizophrène fait surgir le spectre terrifiant de l'irreprésentable, et de l'étrangeté radicale. Si l'on ajoute la focalisation perverse de l'appareil médiatique qui institue la personne psychotique en bouc émissaire commode, l'absence de pédagogie vulgarisatrice d'une clinique psychique minimale (encore faudrait-il s'entendre sur un contenu moins mortifère que la clinique classique), la prégnance des représentations de l'homme de la rue, le piège qui se referme sur le malade psychiatrique est parfait. Se donner pour objectif de combattre les idées reçues de la population, et s'engager dans des "campagnes", on l'a vu, ne peut suffire, même si c'est un premier pas indispensable. Immédiatement, la démarche est ressentie comme un plaidoyer pro domo, un tour de passe passe, une sorte de publicité mensongère. "On veut bien vous écouter Docteur mais..., n'allez pas quand même nous faire croire que..." Le discours de N. Sarkozy en était une illustration parfaite. "On me dit que..., mais...". Et les témoignages des familles plombent définitivement nos affirmations militantes: "c'est tellement difficile de faire hospitaliser quand on a besoin, qu'on est dans la difficulté, quand il y a de la violence à la maison, les soignants n'interviennent pas immédiatement, et en plus, ils sont réticents à l'hospitalisation". On connait le refrain. Et notre "communication" souligne nos contradictions, quand nous rappelons, à juste titre, que les crimes des patients schizophrènes ont lieu les 4/5 du temps à l'intérieur des familles. Et alors, y aurait-il des vies qui ne mériteraient pas d'être protégées? Enfin, l'abord par la condamnation politique (Sarko-facho), idéologique (les droits de l'homme), ou morale des représentations mentales péjoratives sur les personnes présentant des troubles psychiques est, on le sait totalement contre- productive. Vécue comme une police de la pensée, elle les renforce plutôt. Et chacun garde au chaud ses préventions, du coup sans oser les exprimer, mais sans les remettre en cause non plus. Comme dit la chanson, "on n'enlève pas la liberté de penser..." Alors que faire? 10
1 - D'abord, oui, lutter contre les idées fausses. Mais en restant factuels, sans y mêler considérations historiques, philosophiques, idéologiques. Ras le bol de la sempiternelle référence au nazisme (C. Prieur dans Le Monde du 5-12-2008). Rappeler que les malades sont plus victimes que coupables, que leur violence n'est que rarement liée à leur pathologie, et que si tel n'est pas le cas en effet, qu'elle est soit secondaire à leur précarité, et à leur désadaptation, soit qu'elle procède de leur subjectivité propre, de leurs réactions affectives personnelles (pourquoi ne pourraient-ils se mettre en colère ?), voire du noyau universel de la violence, du "mal" (dimension à laquelle ils ont droit comme tout le monde) et qui pose donc la question de la pertinence de leur pénalisation. Si les malades mentaux ne sont pas a priori des criminels, ce que nous soutenons, ils ne sont pas, par voie de conséquence, a priori des innocents. Dans le cas où leur violence/criminalité est directement consécutive à leur pathologie, rappeler que la meilleure prévention est la continuité du soin, que l'attention clinique peut permettre de dépister les prémisses d'une décompensation, voire une menace de passage à l'acte, ce qui suppose donc des moyens (entre parenthèses 70 millions d'euros est, de ce simple point de vue, ridiculement insuffisant). Mais ce qui veut dire également qu'il ne nous est plus possible de tenir le discours de l'imprévisibilité totale, et qu'il faut que nous acceptions tant d'entrer dans des démarches de recherche sur les outils cliniques d'évaluation de la dangerosité, que leur mise en application, à terme, dans des protocoles à mettre au point. Ainsi nous serons nous conformés à une vision plus moderne de la prise en charge, et pourrons nous opposer, dans les contentieux inévitables à venir avec les victimes, ou les familles, le respect de bonnes pratiques de prise en charge, quand bien même nous savons que nous ne pourrons jamais totalement éviter les accidents, qui nous pendent au nez tous les jours dans nos services. Définir un consensus de ce qui est scientifiquement valide en matière de mesure du risque, et élaborer et mettre en œuvre des conduites à tenir sera notre meilleure protection. 2 - Proposer notre propre approche légale des questions de dangerosité Ce qui précède suppose que nous acceptions, par exemple, l'obligation de soins ambulatoires. On peut relever qu'aujourd'hui tout le monde s'accorde à approuver cette nouvelle disposition, qui est par exemple retenue par le "document de synthèse des positions des partenaires sur les évolutions à apporter à la loi de 90" rédigé en 2006. Si l'on se reporte à une dizaine d'années en arrière, cette proposition était loin de faire l'unanimité, et c'est une litote. Comme quoi les conceptions évoluent, dans la société et chez les professionnels en fonction de ce qui est majoritairement retenu comme acceptable dans un contexte culturel et sociétal donné. Quelles évolutions du dispositif réglementaire serions nous donc en mesure d'accepter aujourd'hui? Le travail effectué en 2006 mériterait d'être revisité, et par les mêmes partenaires. Peut-être aurons nous d'ailleurs évolué sur la question de la judiciarisation. Voilà pour la loi. On peut d'ailleurs mesurer dans le discours de Sarkozy ce qui relève du pur symbole dans cette demande de sécurité, puisque beaucoup des propositions faites sont soit franchement irréalistes, soit déjà en vigueur. Placer le débat sur le terrain concret pourrait donc nous éviter les ornières de la polémique idéologique et des confrontations stériles. Les bracelets? Horrible, et stigmatisants, mais il faut alors se poser la question de leur utilisation dans le cadre des maisons de retraite, revenir sur nos pratiques de l'alcootest après une sortie d'essai de quelques heures, proscrire nos pratiques de fermeture de pavillon, nos encadrements d'horaires de sortie, ou alors s'avouer que nous pratiquons déjà la surveillance étroite de la "liberté" de certains patients sans leur laisser déjà le choix des moyens, et certains pas vraiment glorieux. Plus discutable à mon goût est la décision de sortie après avis de trois soignants, quand on sait la légèreté avec laquelle certaines HO sont prononcées. Ainsi on pourrait faire hospitaliser sous contrainte quiconque sous n'importe quel prétexte, quand on ne pourrait sortir qu'après un parcours du combattant. Mais si, à l'inverse cette procédure permettait d'aligner la procédure d'entrée sur celle de sortie, peut-être les droits du malade y auraient-ils gagné quelque chose. Les orientations formulées par ailleurs par N. Sarkozy ne vont pas vraiment dans le sens de la judiciarisation, puisqu'on y entend un renouvellement appuyé du rôle du préfet. Est-ce simple effet de discours, d'impréparation? Et d'une manière plus générale, comment sera envisagée cette réforme? Y a-t-il place pour une négociation, et avec qui? D'un côté le ministre de la santé, et de l'autre? Les orientations retenues par le groupe des partenaires seront-elles réexaminées? Qu'en sera-t-il, par exemple, de l'hypothèse de l'unification des formules de soins sous contrainte? Des 11
soixante douze premières heures?, du statut des sorties d'essai versus les soins sous contrainte ambulatoires?, de la question des transports, délicate parce qu'elle engage les actions des professionnels versus celles des forces de l'ordre, etc,,, Il y a donc là un enjeu majeur pour l'exercice de la profession et nous devons clairement revendiquer une mise à plat complète de la Loi, en posant comme préalable absolu que sa révision se fasse en partant d'une concertation pour laquelle le "groupe des partenaires" devra être l'interlocuteur mandaté pour représenter, en face des responsables de la société civile, les acteurs directement concernés par cette problématique. Mais ceci suppose de ne pas récuser par avance les protagonistes du débat, et de décider de se placer d'emblée sur le terrain de la pratique. 3 - Affirmer nos objectifs de soins, et refuser de jouer un rôle dans le processus de contrôle social Puisque nous serons entrés dans une discussion concernant l'ordre public, nous aurons là l'opportunité de rappeler au nom de quoi nous sommes légitimes pour y intervenir: c’est parce que nous soignons des malades, et que ces malades n'ont parfois pas tout le discernement nécessaire à la vie en société que nous y sommes requis. C'est de cette place de soignants que nous parlons, et c'est de notre compétence pour reconnaître la pathologie, et statuer sur le besoin de soins que nous pouvons nous prévaloir pour faire constater notre nécessité sociale. Paradoxalement, il a bien fallu que Sarkozy le formule aussi ainsi, dès lors qu'il nous demandait de veiller à la sécurité mise en cause par les malades. Nous avons donc maintenant l'opportunité de nous appuyer sur son discours pour défendre la spécificité de notre place. Notre mission, c'est de soigner, de permettre aux malades de réinvestir leur rôle social, de reconquérir leur pouvoir d'agir sur leur destin. Cette mission répond aux droits dont dispose tout citoyen. Si nous ne la remplissons pas, qui le fera? Et puisque nous ne pouvons occuper deux places à la fois, nous pouvons affirmer que nous n'avons aucun rôle à jouer dans le processus de contrôle social. Nous n'avons pas à faire la police, c'est la mission des forces de l'ordre. Nous n'avons pas à intervenir si les conduites des personnes, pour antisociales qu'elles puissent être, ne procèdent pas d'une pathologie qui altère leur discernement. Nous devons donner nos soins à qui nous le demande, ou à qui le nécessite, si le consentement ne peut être donné. Ce qui veut toutefois dire que la psychiatrie (et les psychiatres) doi(ven)t consentir à théoriser sur ce qui constitue l’extérieur de son champ, et en particulier sur les conduites antisociales. Car si nous savons ce qui relève de notre intervention, nous devons aussi pouvoir dire ce qui n'en relève pas. Si la société entend solliciter nos compétences cliniques dans le cadre de son interrogation sur les déterminants d’un comportement, ce doit être dans le cadre d’une démarche expertale, où il s’agira de statuer sur l’existence ou non d’un trouble, qui n'est nullement systématique. En deçà de cette limite, nous sommes seuls à être compétents, et au delà, c'est-à-dire dans le champ civil ou pénal, nous n'avons aucun jugement à formuler sur les choix que la société ou ses représentants estiment en conscience souhaitables ou nécessaires. Je crois, de ce point de vue, que les positions que certains d'entre nous ont cru devoir prendre sur la question de la prévention de sûreté, mélangeant message professionnel et militantisme citoyen, ne peuvent que brouiller notre message de défense de notre champ spécifique et de nécessaire refondation identitaire. Or ce positionnement est fondamental si nous voulons pouvoir poursuivre et développer les prises en charge de progrès, d’une psychiatrie communautaire, en faveur des personnes frappées de troubles graves et invalidants, cœur de métier de la psychiatrie publique. Pour le dire autrement, ma conviction est que si nous n'entrons pas, avec des idées claires mais ouvertes, dans ce débat de la sécurité liée à la pathologie mentale, cette problématique vampirisera pour longtemps celle des progrès que la psychiatrie peut se donner pour objectif d'accomplir. Pour les malades plus que pour nous, nous n'avons pas le droit de nous tromper d'orientation stratégique. 12
AU CREPUSCULE DE LA PSYCHIATRIE, LA NUIT SECURITAIRE A partir de ce texte, une pétition est en ligne à l’adresse : http://www.collectifpsychiatrie.fr/phpPetitions/?petition=1 Ont participé à la décision et l’élaboration de ce texte • yacine AMHIS (Psychiatre reims membre de la criée ), • Jean-marc ANTOINE (Psychologue. association aurore. paris. directeur du pôle aurore habitat.), • Mathieu BELLAHSEN (Interne en psychiatrie,secrétaire d'utopsy), • Dominique BESNARD (Psychologue et représentant des cemea), • Antoine BESSE (Psychiatre, psychanalyste ), • Guilhem BLEIRAD (Psychologue), • Olivier BOITARD (Psychiatre, président du casp), • Hervé BOKOBZA (Psychiatre, saint martin de vignogoul), • Loriane BRUNESSAUX (Interne en psychiatrie, présidente d'utopsy), • Patrice CHARBIT (Psychiatre psychanalyste vice-président de l'afpep-snpp), • Jean-paul CHARDON (Chef de service pédopsychiatrie, ), • Franck CHAUMON (Psychiatre, psychanalyste ), • Patrick CHEMLA (Psychiatre chef de service , centre antonin artaud reims , président de la criée, membre del'usp ), • Sarah COLIN (Psychiatre à reims), • Guy DANA (Psychiatre psychanalyste chef de service), • Alexandra DE SEGUIN (Interne en psychiatrie, vice-présidente d'utopsy), • Pierre DELION (Professeur de psychiatrie), • Barbara DIDIER (Psychologue, psychanalyste), • Eric DIDIER (Psychanalyste), • Léa DIDIER (Etudiante en psychologie clinique), • Bernard DURAND (Psychiatre, président de la fédération d'aide à la santé mentale fasm croix marine ), • Joël DUTERTRE (Médecin (mp4 champ social)), • Lysia, EDELSTEIN (Psychologue clinicienne à la protection judiciaire de la jeunesse, pantin (93), snpes/pjj/fsu), • Roger FERRERI ("psychiatre chef de service infanto juvénile 91000 evry, association ""pratiques de la folie"""), • Florent GABARRON-GARCIA (Vice président d'utopsy, moniteur psychiatrique à la clinique de la borde), • Yves GIGOU (Infirmier de secteur psychiatrique - militant associatif), • Pascale GIRAVALLI (Psychiatre, marseille), • Roland GORI (Professeur de psychopathologie clinique à l'université d'aix-marseille, président du séminaire inter-universitaire européen d'enseignement et de recherche en psychopathologie et psychanalyse (siueerpp) et psychanalyste), • Michaël GUYADER (Chef de service du 8ème secteur de psychiatrie générale de l’essonne, psychanalyste), • Liliane IRZENSKI (Psychiatre. psychanalyste), • Serge KLOPP (Cadre de santé, chargé des questions de psychiatrie commission santé du pcf), • Olivier LABOURET (Psychiatre public, chef de service), • Jean-jacques LABOUTIERE (Psychiatre), • Paul LACAZE (Neuropsychiatre, psychanalyste, montpellier), • Laurent LE VAGUERESE (Psychiatre, psychanalyste responsable du site oedipe.org), • Claude LOUZOUN (Psychiatre, président du cedep), • Emile LUMBROSO (Centre van gogh reims, président d'euro-psy, membre de la criée), • Paul MACHTO (Psychiatre. psychanalyste. montfermeil 93. pratiques de la folie. usp), • Jean-pierre MARTIN (Psychiatre), • Bénédicte MAURIN , • Simone MOLINA (Psychanalyste, psychologue clinicienne présidente du point de capiton (vaucluse)), • Isabelle MONTET (Psychiatre, chef de service, sph), • Jean OURY (Médecin directeur de la clinique de la borde, cour cheverny), 13
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