Digest commenté du discours de Nicolas Sarkozy à Antony

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Digest commenté du discours de Nicolas Sarkozy à Antony

Avant toute étude de responsabilité le président récuse la fatalité et pointe des
lacunes :

… ces faits divers doivent nous interroger tous, moi compris, sur les lacunes que peut révéler notre système
d’organisation et de fonctionnement de la prise en charge. Surtout lorsque des drames ne peuvent pas être
imputés à la seule fatalité. C’est vraiment la maladie de notre temps, de tout expliquer par la fatalité : tout, la
crise, les problèmes. Non, C’est trop simple. On ne peut pas simplement dire : c’est la fatalité. Pourquoi être
responsable si la fatalité explique tout ?

NS confirme les lacunes dans la prise de conscience de la dangerosité et dans la
surveillance et dénonce l’indifférence à la souffrance des victimes…

Vous vous souvenez tous du meurtre, dont on me parlait il y a quelques instants, commis il y a quelques
jours à Grenoble sur une personne de 26 ans par un malade qui avait fugué de l’hôpital psychiatrique de
Saint-Egrève. Je veux adresser mes pensées à la famille de ce jeune homme. Et vous dire que j’ai été
choqué par cette affaire. Voilà une personne -je veux dire le futur meurtrier qui avait déjà commis plusieurs
agressions très graves dans les murs et hors les murs ! Voilà une personne éminemment dangereuse qui
bénéficiait pourtant de deux sorties d’essai par semaine ! Et j’entends dire que rien n’indiquait que cette
personne pouvait à nouveau passer à l’acte, que rien n’avait été fait pour renforcer sa surveillance ? Et j’ai
été choqué de ne pas entendre beaucoup de mots pour la famille de la victime.

Entendons-nous bien. La place des malades n’est pas en prison. Si on est malade, on va à l’hôpital. . Mon
propos n’est pas de dire que la seule solution est l’enfermement. Surtout l’enfermement à vie. Mon propos
n’est pas de dire que seuls comptent les risques pour la société et jamais le cas particulier du malade. Vous
êtes du côté du malade mais si vous ne l’étiez pas, qui le serait ? C’est le rôle des praticiens. C’est le rôle
des soignants que d’être en quelque sorte inconditionnels du malade et de sa guérison. Mais je ne peux pas,
moi, me mettre sur le même plan. La Ministre ne peut pas se mettre sur le même plan. C’est dans la
rencontre de nos deux responsabilités que l’on trouvera le bon équilibre. Un schizophrène est, avant toute
autre considération, une personne malade. Je mesure l’apport extraordinaire de la psychiatrie à la médecine
d’aujourd’hui et la singularité de votre mission.

Le Président confirme que le dispositif de sortie des patients est trop libéral et que
l’état devra freiner…pour mieux protéger le citoyen et nous protéger de notre
inconséquence par la même occasion :

Il faut trouver un équilibre, que nous n’avons pas trouvé, entre la réinsertion du patient absolument
nécessaire et la protection de la société. Dire cela ce n’est bafouer personne. Mon devoir c’est de protéger la
société et nos compatriotes, de la même façon que les personnels. Parce que vous êtes les premiers au
contact de cette violence éruptive, imprévisible et soudaine. L’espérance, parfois ténue, d’un retour à la vie
normale, j’ose le dire ici ne peut pas primer en toutes circonstances sur la protection de nos concitoyens.

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Mettez-vous aussi à ma place. Je dois répondre à l’interrogation des familles des victimes que je reçois. Les
malades potentiellement dangereux doivent être soumis à une surveillance particulière afin d’empêcher un
éventuel passage à l’acte. Et vous savez fort bien, mieux que moi, que des patients dont l’état s’est stabilisé
pendant un certain temps peuvent soudainement devenir dangereux.

Cela pose la question des moyens. Il faut plus de sécurité et de protection dans les hôpitaux psychiatriques.
Cette protection, nous vous la devons d’abord à vous, qui êtes en première ligne. Aux familles, parce que les
familles sont les premières à porter le risque quotidien de la dangerosité.

Je souhaite que plusieurs mesures soient mises en œuvre à cette fin.

On passe à la déclinaison :

Nous allons d’abord, chère Roselyne BACHELOT, réaliser un plan de sécurisation des hôpitaux
psychiatriques. Et la Ministre de la santé a dégagé 30 millions d’euros. Ces investissements serviront à
mieux contrôler les entrées et les sorties des établissements et à prévenir les fugues. Quand un patient
hospitalisé d’office sort du périmètre autorisé par son médecin, l’équipe soignante doit en être informée tout
de suite. Certains patients hospitalisés sans leur consentement seront équipés d’un dispositif de
géolocalisation qui, si cela se produit, déclenche automatiquement une alerte. Ce système est déjà utilisé à
l’hôpital, par exemple dans les unités qui soignent des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Cela
permettra de rassurer les personnels et d’alléger leurs tâches.

Par ailleurs, au moins une unité fermée va être installée dans chaque établissement qui le nécessite. Ces
unités seront équipées de portes et de systèmes de vidéosurveillance pour que les allées et venues y soient
contrôlées.

Enfin, nous allons aménager 200 chambres d’isolement. Ces chambres à la sécurité renforcée sont
destinées aux patients qui peuvent avoir des accès de violence envers le personnel.

La création d’unités fermées et de chambres d’isolement supplémentaires est une mesure dont je veux
souligner l’importance. Ce n’est pas à vous que je vais apprendre que certaines personnes malades sont
plus agressives que d’autres ; que certains patients ne sont pas faits pour l’hospitalisation conventionnelle
sans pour autant relever des unités pour malades difficiles. Il manque, entre les deux, une prise en charge
intermédiaire. C’est précisément ce vide que viendront combler les unités fermées et les chambres
d’isolement.

Pour les malades les plus difficiles, nous allons, là aussi, renforcer le dispositif de prise en charge. Quatre
unités supplémentaires pour malades difficiles de quarante lits chacune vont être créées. C’est une mesure,
qui doit permettre aux personnels de travailler dans les conditions les plus appropriées à la spécificité de
certains malades. C’est 40 millions d’euros d’investissement et 22 millions d’euros de fonctionnement en
plus car, naturellement, il faut le personnel qui va avec ces nouvelles places.

L’Etat investira 70 millions d’euros 30 pour la sécurisation des établissements et 40 pour les unités pour
malades difficiles. Et je souhaite que l’on aille plus loin. J’ai annoncé une réforme sanitaire des procédures
de l’hospitalisation d’office. J’ai bien conscience que ce sont des sujets qu’il n’est pas raisonnable pour un
Président de la République d’évoquer, m’a-t-on dit. Pourquoi se mettre là-dedans ? Tout le monde s’est
cassé les dents. Je vais me mettre là-dedans parce que c’est indispensable. Et, justement, parce que c’est
difficile, c’est mon rôle de ne pas me cacher et de ne pas fuir les problèmes difficiles. Le drame de Grenoble
ne doit pas se reproduire.

C’est donc bien le curseur qu’il faut bouger vers le +sécuritaire… :

J’ai demandé à Roselyne BACHELOT, qui a toute ma confiance, de préparer un projet de loi. Alors, vous me
direz que le placement d’office ne concerne que 13% des hospitalisations (Non ! 2% !). Mais ce sont celles
qui exigent le plus de précautions, ce sont les plus difficiles. Là encore, je pense qu’un meilleur équilibre
entre la réinsertion absolument nécessaire et la sécurité est nécessaire. Entre le tout angélique et le tout
sécuritaire, est-ce que l’on ne peut pas se mettre autour d’une table pour trouver le bon équilibre,

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raisonnable, entre gens de bon sens ? Il faut réformer l’hospitalisation d’office pour concilier la qualité des
soins et la sécurité des personnes.

Nous allons d’abord instaurer une obligation de soins en milieu psychiatrique. 80% de vos patients sont pris
en charge en ville. De même qu’il existe l’hospitalisation sans consentement, il faut qu’il y ait des soins
ambulatoires sans consentement. C’est l’intérêt même du patient et de sa famille. L’obligation de soins doit
être effective même en cas d’absence ou de défaut de la famille. On ne peut pas laisser seul un patient qui a
un besoin manifeste de soins et qui peut, parfois, refuser de s’y soumettre.

Je connais bien le principe : nul ne peut être soigné sans son consentement. Encore faut-il que son
consentement soit lucide. Vaste débat, me direz-vous, mais j’ai des obligations de résultats vis-à-vis de la
société. Peut-on laisser des gens qui ont besoin d’être soignés sans être soignés, simplement pour la liberté
qu’ils peuvent avoir de se détruire ? Ayons ce débat. Moi je pense que c’est de la non assistance à personne
en danger. Mais j’accepte bien volontiers qu’on discute, mais discutons-en vraiment, allons jusqu’au bout de
la discussion.

Et il sera mis fin à la légèreté des psychiatres :

Les sorties de patients, absolument indispensables, doivent être davantage encadrées. La décision
d’autoriser une personne hospitalisée d’office à sortir de son établissement ne peut pas être prise à la
légère. Je ne dis pas qu’elle est prise à la légère. Vous avez des convictions j’en ai aussi. Je dis que la
décision de sortie est une décision qu’on ne peut pas prendre à la légère. Elle ne l’est pas, tant mieux. Mais
allons plus loin, c’est une décision qui est lourde de conséquences. Je réfléchis à un système où le préfet
doit prendre ses responsabilités. Pourquoi le préfet ? Parce que c’est le représentant de l’Etat. En cas de
sortie d’essai ou définitive, il doit y avoir un avis rendu par un collège de trois soignants : le psychiatre qui
suit le patient, le cadre infirmier qui connaît la personne, ses habitudes et un psychiatre qui ne suit pas le
patient. Et les psychiatres libéraux doivent pouvoir en faire partie. L’exercice collégial est la clé de la
réforme. L’avis des experts est indispensable, mais je veux poser la question les experts. Les experts
donnent leur avis mais la décision, ce doit être l’Etat, ou dans certains cas la justice, mais pas l’expert. Je ne
suis pas pour une société d’experts : les experts en comptabilité, les experts en bâtiment, les experts en
médecine, les experts encore toujours. Mais il y a un Etat, une justice, qui doivent trouver un équilibre entre
des intérêts contradictoires et des points de vue contradictoires. Et le patricien doit pouvoir donner son avis
de praticien : à son avis, cette personne est-elle capable de sortir, en a-t-elle besoin pour être soignée. Cette
appréciation là, cette conviction là, sont parfaitement nécessaires et respectables, mais il faut qu’elles soient
confrontées à une autre appréciation, celle de celui qui a à garantir l’ordre public et la sécurité des autres. Et
c’est dans la rencontre entre ces deux points de vue, le point de vue de celui qui soigne le patient et le point
de vue de celui qui a la charge de l’ordre public qu’on peut trouver le bon équilibre. Et le préfet est là pour
représenter l’Etat.

Je ne veux plus que les préfets décident de façon aveugle, automatique. Quand il y a un drame, chacun se
renvoie la responsabilité et au fond trop de responsables tuent la responsabilité. Je veux qu’ils engagent leur
responsabilité en connaissance de cause.

Enfin, le Gouvernement s’assurera que les informations administratives sur les hospitalisations d’office
soient partagées entre tous les départements avec un secret médical respecté de la façon la plus stricte.

Je voudrais vous dire que l’hôpital psychiatrique, c’est, à mes yeux, d’abord et avant tout un hôpital.

Il faut une grande ambition pour nos établissements psychiatriques qui doivent être considérés comme une
composante à part entière du service public de l’hospitalisation. Je souhaite que vous soyez davantage
concernés par la réforme de l’hôpital et mieux impliqués dans sa mise en œuvre. Cette réforme, elle est
aussi faite pour vous.

Et si la question de l’organisation et des ressources de l’hôpital psychiatrique se pose, alors nous devons,
avec votre ministre, la poser sans tabou. Et c’est pour moi une priorité.

Grâce au plan de santé mentale 2005/2008, les moyens de fonctionnement alloués au secteur public ont

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progressé d’un peu plus d’un milliard d’euros entre 2004 et 2008. 3 000 postes de médecins et de soignants
ont été créés. Le nombre de lits d’hospitalisation est resté stable depuis 2004, alors même que la prise en
charge ambulatoire s’est développée, ce qui est heureux.

Un plan d’investissement important, en plus de celui que je viens de vous annoncer, est en cours. 342
opérations de modernisation doivent être réalisées entre 2006 et 2010 pour un montant total d’1,5 milliard
d’euros.

Je le dis au ministre de la Santé, s’il apparaît qu’il faut investir davantage, nous investirons davantage. S’il
faut accélérer certains projets, nous les accélérerons. J’y suis prêt. Mais je le dis aux praticiens que vous
êtes, des moyens supplémentaires, oui, mais des réformes aussi : les deux vont de pair. Des moyens
supplémentaires au service d’une politique de réforme : pas d’immobilisme dans ce secteur non plus.

Il faut que l’hôpital psychiatrique allez, j’ose le mot ait un patron, et un seul, qui ait le pouvoir de dire oui, de
décider et d’agir. Il faut aussi que l’hôpital psychiatrique coopère davantage avec les autres acteurs de l’offre
de soins, pour mieux gérer les urgences et pour rendre le parcours du patient plus fluide. Il est enfin
important, essentiel, d’accroître l’attractivité de vos métiers et de vos carrières. C’est un problème majeur
dans notre pays. Vous avez un pays passionnant mais extrêmement exigeant. Il faut que l’on renforce
l’attractivité de vos métiers et de vos carrières, tout en développant les passerelles avec les autres
établissements de santé pour qu’il n’y ait pas de ghetto. Je vois bien les avantages de la spécialisation mais
je crains la ghettoïsation, tellement facile dans notre pays.

Permettez-moi d’adresser un message particulier aux directeurs d’hôpitaux, qui sont au cœur de la réforme
de l’hôpital que j’ai voulu avec Roselyne BACHELOT. Je leur fais confiance. J’ai de l’estime pour le travail
remarquable qui est le leur. Mais pourquoi dis-je qu’il faut un patron à l’hôpital ? Parce qu’aucune structure
humaine ne peut fonctionner sans un animateur. Et à l’hôpital, il y a tant d’intérêts contradictoires et de
tensions. On est dans un système où tous peuvent dire non, personne ne peut dire oui. Celui qui a le plus
petit pouvoir peut empêcher de faire une petite chose. Mais celui qui a le plus grand pouvoir ne peut pas
permettre de faire une petite chose. Le pouvoir de dire non, en fait, existe et le pouvoir de dire oui, non.
Parce que chaque pouvoir équilibre l’autre dans un mouvement de paralysie quasi générale. Je préfère de
beaucoup qu’il y ait un vrai animateur, un vrai patron animateur et responsable, qui écoute tout ce qu’on lui
dit, je pense notamment aux avis indispensables des médecins, qui prend des décisions et qui assume les
responsabilités si cela ne va pas. C’est un système clair.

NS semble prendre acte de la stigmatisation de la maladie et des soignants, semble
vouloir nous consoler de faire un métier presque honteux « il n’y a aucune raison
de cacher votre métier » et dans des établissements où l’excellence n’a pas cours :

Vous le voyez, il n’est pas question que la psychiatrie soit oubliée ou négligée. Notre pays a besoin d’une
hospitalisation psychiatrique qui soigne et guérit, une hospitalisation psychiatrique en progrès, où le bien--
être des malades et des personnels doit être pris en compte et amélioré. Nous avons besoin d’une
hospitalisation psychiatrique qui protège, et en même temps qui soit plus transparente. Ce n’est pas
mystérieux ce qui se passe ici. Il ne faut pas avoir peur de la psychiatrie et de l’hôpital psychiatrique. C’est
un besoin. C’est une nécessité. Et le fait que j’ai voulu venir ici, c’est pour montrer aux Français qu’ici il y a
des femmes et des hommes qui travaillent avec passion, avec compétence, avec dévouement et qu’on a
besoin d’eux. On n’a pas besoin de changer de trottoir quand on passe à côté d’un hôpital psychiatrique. La
maladie psychiatrique, cela peut arriver à tout le monde dans toutes les familles.

Par ailleurs, et je terminerai par cela, c’est trop important pour qu’on ait des débats d’école, de secte,
d’idéologie. Il n’y a pas d’un côté ceux qui ont raison sur tout, moi compris, et ceux qui ont tort de l’autre
côté sur tout. Il y a une nécessité de progresser. Des moyens supplémentaires, mais aussi une réforme.
Une réforme pour que vous puissiez travailler mieux et que nous ayons moins de drames, comme ceux
que nous avons connus. Parce que les premiers qui sont traumatisés, c’est le personnel, ce sont les
médecins, dans un cas comme dans l’autre.

Voilà, Mesdames et Messieurs, j’espère que vous avez compris, pour moi, ces quelques heures passées

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dans votre établissement, ce n’était pas une visite comme les autres. Je voudrais vous dire combien je
respecte le travail qui est le vôtre et le choix de carrière qui a été le vôtre. Parce que, j’imagine que, y
compris dans votre entourage familial et personnel, il doit falloir passer du temps pour expliquer ce que vous
faites et pourquoi vous le faites avec tant de passion. Et enfin, je comprends parfaitement que le malade est
une personne dans toute sa dignité et que sa maladie ne fait que le rendre plus humain encore, qu’un
hôpital ne sera jamais une prison. Mais en même temps, des malades en prison, c’est un scandale. Mais
des gens dangereux dans la rue, c’est un scandale aussi. Je veux dire les deux choses et qu’on ne vienne
pas me dire que c’est un cas de temps en temps. Parce que si c’était nous, un membre de notre famille, on
ne dirait pas cela. Donc, il va falloir faire évoluer une partie de l’hôpital psychiatrique pour tenir compte de
cette trilogie : la prison, la rue, l’hôpital, et trouvez le bon équilibre et le bon compromis.
Mesdames et Messieurs, je vous remercie de votre attention et de votre accueil.

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Syndicat des Psychiatres d'Exercice Public (SPEP-IDEPP)
                Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux [SPH]
              Syndicat des Psychiatres de Secteur (SPS-IDEPP)
                  Union Syndicale de la Psychiatrie [USP]

                                                                                Le 2 décembre 2008

                                          COMMUNIQUE

      Après le discours du 2 décembre 2008 du Président de la République sur l'Hospitalisation
Psychiatrique, les responsables professionnels en dénoncent les orientations qui traduisent une
approche exclusivement sécuritaire de la Psychiatrie, ce qui apparaît comme une régression
inacceptable pour une organisation des soins qui a fait ses preuves et n'a pas à rougir de ses
résultats. C'est l'assurance d'une perte de chance et d'une nouvelle stigmatisation pour les
patients.

     La Psychiatrie est en tension et au coeur de multiples contraintes, liées à l'augmentation
constante de son activité et à l'érosion de ses moyens, liées également à la nécessité d'articuler
en permanence les exigences parfois contradictoires de pratiques sécurisées pour les
hospitalisations sans consentement et celles qui relèvent du respect des droits des patients.

      La qualité, l'efficience et la sécurité des soins pour les usagers depuis l'admission jusqu'à la
sortie ne peuvent se décréter, elles reposent sur des organisations institutionnelles stables
disposant de moyens et d'effectifs suffisants, ce qui n'est plus le cas actuellement.

Dr Marie NAPOLI
Dr Norbert SKURNIK
Dr Angelo POLI
Dr Pierre FARAGGI

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SPH - Yves Hémery

Les figures de la peur

 La disparition brutale, absurde, d’un jeune homme, le deuil d’une famille, ont, évidemment,
marqué les esprits et engendré une forme particulièrement torpide de la peur : et si, où que l’on
soit, on restait, malgré tout, à portée d’une agression que rien ne peut justifier... Le fou tue, le fou
peut tuer, le fou va tuer, si on ne ...
 Mais, sans alourdir un débat public bien engagé, il se trouve que toutes les statistiques, policières,
judiciaires, attestent que le malade mental est plus souvent victime qu’auteur d’actes d’agression,
et que le meurtre impromptu représente une occurrence rarissime, le plus souvent cantonnée à la
scène intrafamiliale...

Alors, quelle finalité à l’œuvre dans cette offensive de la stigmatisation du malade mental, sinon
que d’alimenter à l’excès le catalogue morbide des peurs sociales, que d’instiller chez le voisin de
l’hôpital le réflexe de défiance qui, précisément, l’amènera à présumer cette radicale altérité de la
folie dangereuse ?
 Le fou rejoint, pour de bon, dans l’imagier de la terreur, le prédateur sexuel, l’étranger, le
sauvageon, le terroriste, mais dans quel but ?
 A la suite du terrible drame de Pau, les pouvoirs publics avaient initié un « plan Santé Mentale »,
devant le constat d’une psychiatrie publique sans moyens, sans soutien institué, en perte de
reconnaissance. Les résultats de cet engagement restent modestes...comme les financements
engagés.

Mais aujourd’hui, après un autre drame, la réponse s’impose, sans équivoque, dans le registre
sécuritaire : plus de surveillance, des unités hospitalières fermées, des contrôles par caméras
vidéo, plus de chambres d’isolement, plus d’Unités pour Malades Difficiles, des sorties très
encadrées pour les patients, un fichier, etc... En réalité, un alourdissement des mesures
envisagées dans les articles 18 à 24 de la loi de prévention de la délinquance, et retirées en 2007
devant l’hostilité traduite par les professionnels.
 Et cette annonce d’une révision, forcément urgente et déjà dictée, de la loi du 27 juin 1990,
attendue depuis... 1995 !
 Ne voit-on pas réapparaitre les préoccupations les plus autoritaires, celles qui ont prévalu lors de
l’élaboration de la loi du 30 juin 1838 ? De Portalis, Pair de France, déclarait le 8 février 1838, lors
du débat parlementaire : « nous ne faisons pas une loi pour la guérison des personnes menacées
ou atteintes d’aliénation mentale; nous faisons une loi d’administration de police et de sûreté. »
 Cette loi, faut-il le rappeler, plaçait l’asile, les professionnels et les malades, sous l’autorité du
Ministre de l’Intérieur.
 S’agit-il là, de l’orientation de la réforme, que l’on ne saurait éviter ?
 Quelle place pour la Santé Mentale, lorsque l’on pense Sécurité Publique ? Quelle place pour le
malade dans une société peu tolérante, sinon implacable ?
S’agit-il d’angélisme que d’envisager un patient comme sujet de droit(s), comme une personne
digne, non seulement d’estime pour ce qu’elle est, mais aussi de soins appropriés dans les
meilleures conditions, jusqu’à la garantie de sa sécurité et de celle d’autrui ?

Comment entendre le terrible contresens sur le chiffre des hospitalisations sans consentement ?
Le « placement d’office » (nous revoilà bien en 1838) ne concerne pas 13 % des hospitalisations
en psychiatrie, mais 1,80 %, en 2003 comme en 2005 (et, pour mémoire, 2,13 % en 1988), selon
les données collectées par la DGS. Un peu plus de 11400 personnes ont été hospitalisées d’office
en 2005, et 3300 restaient hospitalisées au-delà de quatre mois...Et 8000 de ces personnes
faisaient l’objet de mesures provisoires, initiées par les maires ou commissaires de police.
Faudra-t-il donc bouleverser l’organisation de tous les hôpitaux, et déséquilibrer leurs projets
d’investissements, pour assurer la mise hors d’état de nuire de cette cohorte de malades
présumés dangereux ?

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Faudra-t-il rendre à l’hôpital psychiatrique son statut de citadelle ou de geôle ?
De quels renoncements éthiques parlera-t-on, si ces mots ont encore un sens ?

 Les professionnels de la santé mentale ne peuvent adhérer à de telles propositions, d’autant
qu’elles ne traitent qu’une parcelle de leurs champs d’activité clinique et institutionnel. Si nul ne
peut récuser le besoin d’une meilleure sécurité, pour tous, bien entendu, une réponse cantonnée
au domaine sécuritaire porte en elle-même ses limites. Aucune approche de la psychiatrie ne peut
tenir d’une conception manichéenne ou déterministe : la réponse thérapeutique se trouve dans
l’approche individuelle de chaque patient et dans l’élaboration de projets de soins qui ne peuvent
reposer sur un postulat d’exclusion.

 Il est bien temps d’instaurer le temps de la réflexion, et de traiter au fond de ces problématiques,
sans arrière pensée, mais sans précipitation : psychiatrie et précarité, psychiatrie en prison,
psychiatrie et défense sociale, organisation des soins sans consentement, avec un regard du côté
de l’Europe, et des procédures de judiciarisation, place et rôle de l’expertise, etc... Tous ces sujets
méritent une approche globale et réfléchie, en concertation avec les représentants des usagers,
les élus, l’encadrement administratif et gestionnaire et les professionnels
Certes, la psychiatrie continuera de souffrir d’un déficit de reconnaissance, mais il est aussi à son
honneur que de promouvoir la modestie de sa démarche, fondée sur la patience et la continuité
des prises en charge.

 Erasme, qui s’est probablement retourné plusieurs fois dans sa tombe, proposait ses propres
conceptions : « La Sagesse rend les gens timides ; aussi trouvez-vous partout des sages dans la
pauvreté, la faim, la vaine fumée ; ils vivent oubliés, sans gloire et sans sympathie. Les fous, au
contraire, regorgent d’argent, prennent le gouvernail de l’Etat et, en peu de temps, sur tous les
points, sont florissants. » (Eloge de la Folie, LXI, GF Flammarion, p.80)

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                                                                                             Morlaix

                                                                                                     8
SPH – Isabelle Montet

Comme il fallait le craindre, le président de tous les Français, dont ceux atteints de troubles
psychiatriques ou susceptibles de l’être, utilise un drame pour faire resurgir les peurs et les clichés
les moins glorieux visant la santé mentale.
 Dans cette « réforme en profondeur de l’hospitalisation psychiatrique » qu’il nous annonce,
aucune des mesures n’est prévue pour en améliorer la qualité, mais s’additionnent pour enfoncer
le clou des méthodes strictement sécuritaires, en affichant derrière le devoir de protection dû à la
société, le mépris pour les personnels soignants, pour les patients et leur entourage.
    ƒ Mépris pour les personnels et psychiatres qui se trouvent relégués eux-mêmes au rang
        d’irresponsables incapables, en dépit de tout le travail accompli mais trop discret pour
        mériter de figurer dans l’actualité, de prendre des décisions autrement qu’à la légère, ce qui
        permet de justifier d’un renforcement du contrôle de l’Etat dans des décisions d’ordre
        médical.
    ƒ Mépris pour tous les efforts déployés avec succès pour la réinsertion des malades, le
        développement de solutions alternatives à l’hospitalisation, réinsertion qui se trouve mise
        en position de n’être plus qu’une option, voire un risque pris par la société qui devrait
        choisir entre sa protection et la réinsertion de ses malades.
    ƒ Mépris pour une conception évolutive de la psychiatrie qui a permis depuis 30 ans de faire
        passer les hôpitaux du statut d’asiles refermés sur la misère et la souffrance morale à l’abri
        des regards, à celui de dispositifs de soins offerts dans le parcours de vie d’un patient
    ƒ Mépris pour les demandes réitérées de la discipline de psychiatrie de pouvoir disposer de
        moyens et compétences humaines adéquats face à l’inflation des missions que la société
        lui demande d’assumer et de pouvoir offrir aux malades des conditions dignes dans ses
        lieux de soins et d’hébergement, alors que 70 millions d’euros se trouvent miraculeusement
        disponibles pour renforcer les enceintes des hôpitaux et créer des chambres d’isolement
    ƒ Mépris pour les travaux qui ont été menés depuis plus d’un an pour la réforme de la loi de
        1990, en concertation, par les professionnels de psychiatrie et les familles d’usagers,
        arrêtés en plein élan pour être bradés pour des dispositions autoritaires et sans aucun
        débat contradictoire, ce que ne méritent pas les questions d’éthique, de dignité et droits
        des personnes qui sont en jeu dans un pays qui occupe en outre la présidence de l’union
        européenne.
    ƒ Mépris pour la condition de l’Homme même en réduisant la personne atteinte de troubles
        mentaux à celle du fou furieux, imprévisible et prêt à toutes les extrémités, et requérant le
        déploiement de mesures sécuritaires telles que la surveillance par satellite, dispositif digne
        des univers délirants de certains de nos patients qui ne sont pas, eux, en poste au
        gouvernement.
Les murs et les procédés de géolocalisation ne se substituent pas aux personnels, formés et
motivés, préalable indispensable à des soins de qualité en psychiatrie, sauf à vouloir retourner à
une psychiatrie vouée au grand enfermement des fous que nous redessine le président, mission
que peu de soignants sont prêts à considérer comme « leur cœur de métier ».

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SPH - Denis Leguay

Comme beaucoup à Antony, j'ai été partagé entre satisfaction d'entendre un Président de la
République parler de psychiatrie dans l'enceinte d'un EPSM, curiosité de voir l'animal politique,
incrédulité devant certaines mesures dont la naïveté fait mesurer la méconnaissance de nos
décideurs, et irritation, voire indignation d'entendre encore et toujours s'illustrer l'amalgame
maladie/dangerosité. Il nous a fallu digérer, prendre la mesure, appréhender dans l'après-coup la
portée de ce qui fut dit. Dans l'instant, aucun mouvement, aucun sifflet, et nous l'avons applaudi.

Premier constat: N. Sarkozy est habité par cette problématique, elle le concerne, elle l'obsède: la
violence, la culpabilité, la responsabilité, la sécurité, il en parle avec des accents de vérité
indiscutables, il trouve naturellement les mots quand il s'affranchit de son texte. Son discours
laisse affleurer des tonalités tragiques, à l'évidence personnelles. Cette problématique, il ne la
laissera donc pas oublier, se diluer dans le fatalisme de l'irresponsabilité collective, c'est justement
ce qu'il abhorre. Pensons à la manière dont il avait assumé le résultat de sa liste aux européennes
en 99, à son choix de la profession d'avocat, à son insistance sur la recherche des responsables,
à sa préoccupation ancienne de la dimension religieuse. A l'inverse de beaucoup d'hommes
politiques, il n'est pas dissimulé, il accepte d'être transparent aux autres. La sécurité, la
responsabilité, c'est son thème, à son insu, peut-être. Il a donc de vraies convictions, et n'est pas
prêt à adhérer à ce qu'il dénonce clairement comme de la langue de bois.

Deuxième constat, deuxième évidence, qui nous fut assénée: il n'est plus possible de se réfugier
derrière "la fatalité", ou, plus savamment, le "risque assumé", car, précisément, ce risque n'est plus
assumé par personne dès lors que l'instruction rétrospective des accidents met en lumière
négligence, insouciance, voire désinvolture à l'égard d'une société qui ne respecterait, selon nous,
pas l'exceptionnalité de la folie (cf la lettre, insultante, de Guyader). Et peu importe que ces
accidents soient rarissimes (ce qui n'est pas tout à fait le cas d'ailleurs), peu importe que ce
problème soit quantitativement considérablement moindre que le tribut payé à l'alcoolisme
(accepté?) au volant (1500 morts), que les violences conjugales (80 morts), ou que le suicide
(10.000 morts). A tort sans doute, ces fléaux sont ressentis comme compréhensibles, partagés,
humains, alors que l'agression du patient schizophrène fait surgir le spectre terrifiant de
l'irreprésentable, et de l'étrangeté radicale. Si l'on ajoute la focalisation perverse de l'appareil
médiatique qui institue la personne psychotique en bouc émissaire commode, l'absence de
pédagogie vulgarisatrice d'une clinique psychique minimale (encore faudrait-il s'entendre sur un
contenu moins mortifère que la clinique classique), la prégnance des représentations de l'homme
de la rue, le piège qui se referme sur le malade psychiatrique est parfait.
Se donner pour objectif de combattre les idées reçues de la population, et s'engager dans des
"campagnes", on l'a vu, ne peut suffire, même si c'est un premier pas indispensable.
Immédiatement, la démarche est ressentie comme un plaidoyer pro domo, un tour de passe
passe, une sorte de publicité mensongère. "On veut bien vous écouter Docteur mais..., n'allez pas
quand même nous faire croire que..." Le discours de N. Sarkozy en était une illustration parfaite.
"On me dit que..., mais...". Et les témoignages des familles plombent définitivement nos
affirmations militantes: "c'est tellement difficile de faire hospitaliser quand on a besoin, qu'on est
dans la difficulté, quand il y a de la violence à la maison, les soignants n'interviennent pas
immédiatement, et en plus, ils sont réticents à l'hospitalisation". On connait le refrain. Et notre
"communication" souligne nos contradictions, quand nous rappelons, à juste titre, que les crimes
des patients schizophrènes ont lieu les 4/5 du temps à l'intérieur des familles. Et alors, y aurait-il
des vies qui ne mériteraient pas d'être protégées? Enfin, l'abord par la condamnation politique
(Sarko-facho), idéologique (les droits de l'homme), ou morale des représentations mentales
péjoratives sur les personnes présentant des troubles psychiques est, on le sait totalement contre-
productive. Vécue comme une police de la pensée, elle les renforce plutôt. Et chacun garde au
chaud ses préventions, du coup sans oser les exprimer, mais sans les remettre en cause non plus.
Comme dit la chanson, "on n'enlève pas la liberté de penser..."

Alors que faire?

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1 - D'abord, oui, lutter contre les idées fausses. Mais en restant factuels, sans y mêler
considérations historiques, philosophiques, idéologiques. Ras le bol de la sempiternelle référence
au nazisme (C. Prieur dans Le Monde du 5-12-2008). Rappeler que les malades sont plus victimes
que coupables, que leur violence n'est que rarement liée à leur pathologie, et que si tel n'est pas le
cas en effet, qu'elle est soit secondaire à leur précarité, et à leur désadaptation, soit qu'elle
procède de leur subjectivité propre, de leurs réactions affectives personnelles (pourquoi ne
pourraient-ils se mettre en colère ?), voire du noyau universel de la violence, du "mal" (dimension
à laquelle ils ont droit comme tout le monde) et qui pose donc la question de la pertinence de leur
pénalisation. Si les malades mentaux ne sont pas a priori des criminels, ce que nous soutenons, ils
ne sont pas, par voie de conséquence, a priori des innocents.
Dans le cas où leur violence/criminalité est directement consécutive à leur pathologie, rappeler que
la meilleure prévention est la continuité du soin, que l'attention clinique peut permettre de dépister
les prémisses d'une décompensation, voire une menace de passage à l'acte, ce qui suppose donc
des moyens (entre parenthèses 70 millions d'euros est, de ce simple point de vue, ridiculement
insuffisant). Mais ce qui veut dire également qu'il ne nous est plus possible de tenir le discours de
l'imprévisibilité totale, et qu'il faut que nous acceptions tant d'entrer dans des démarches de
recherche sur les outils cliniques d'évaluation de la dangerosité, que leur mise en application, à
terme, dans des protocoles à mettre au point. Ainsi nous serons nous conformés à une vision plus
moderne de la prise en charge, et pourrons nous opposer, dans les contentieux inévitables à venir
avec les victimes, ou les familles, le respect de bonnes pratiques de prise en charge, quand bien
même nous savons que nous ne pourrons jamais totalement éviter les accidents, qui nous pendent
au nez tous les jours dans nos services. Définir un consensus de ce qui est scientifiquement valide
en matière de mesure du risque, et élaborer et mettre en œuvre des conduites à tenir sera notre
meilleure protection.

2 - Proposer notre propre approche légale des questions de dangerosité

Ce qui précède suppose que nous acceptions, par exemple, l'obligation de soins ambulatoires. On
peut relever qu'aujourd'hui tout le monde s'accorde à approuver cette nouvelle disposition, qui est
par exemple retenue par le "document de synthèse des positions des partenaires sur les
évolutions à apporter à la loi de 90" rédigé en 2006. Si l'on se reporte à une dizaine d'années en
arrière, cette proposition était loin de faire l'unanimité, et c'est une litote. Comme quoi les
conceptions évoluent, dans la société et chez les professionnels en fonction de ce qui est
majoritairement retenu comme acceptable dans un contexte culturel et sociétal donné. Quelles
évolutions du dispositif réglementaire serions nous donc en mesure d'accepter aujourd'hui? Le
travail effectué en 2006 mériterait d'être revisité, et par les mêmes partenaires. Peut-être aurons
nous d'ailleurs évolué sur la question de la judiciarisation.
Voilà pour la loi. On peut d'ailleurs mesurer dans le discours de Sarkozy ce qui relève du pur
symbole dans cette demande de sécurité, puisque beaucoup des propositions faites sont soit
franchement irréalistes, soit déjà en vigueur. Placer le débat sur le terrain concret pourrait donc
nous éviter les ornières de la polémique idéologique et des confrontations stériles. Les bracelets?
Horrible, et stigmatisants, mais il faut alors se poser la question de leur utilisation dans le cadre
des maisons de retraite, revenir sur nos pratiques de l'alcootest après une sortie d'essai de
quelques heures, proscrire nos pratiques de fermeture de pavillon, nos encadrements d'horaires
de sortie, ou alors s'avouer que nous pratiquons déjà la surveillance étroite de la "liberté" de
certains patients sans leur laisser déjà le choix des moyens, et certains pas vraiment glorieux.
Plus discutable à mon goût est la décision de sortie après avis de trois soignants, quand on sait la
légèreté avec laquelle certaines HO sont prononcées. Ainsi on pourrait faire hospitaliser sous
contrainte quiconque sous n'importe quel prétexte, quand on ne pourrait sortir qu'après un
parcours du combattant. Mais si, à l'inverse cette procédure permettait d'aligner la procédure
d'entrée sur celle de sortie, peut-être les droits du malade y auraient-ils gagné quelque chose. Les
orientations formulées par ailleurs par N. Sarkozy ne vont pas vraiment dans le sens de la
judiciarisation, puisqu'on y entend un renouvellement appuyé du rôle du préfet. Est-ce simple effet
de discours, d'impréparation? Et d'une manière plus générale, comment sera envisagée cette
réforme? Y a-t-il place pour une négociation, et avec qui? D'un côté le ministre de la santé, et de
l'autre? Les orientations retenues par le groupe des partenaires seront-elles réexaminées? Qu'en
sera-t-il, par exemple, de l'hypothèse de l'unification des formules de soins sous contrainte? Des

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soixante douze premières heures?, du statut des sorties d'essai versus les soins sous contrainte
ambulatoires?, de la question des transports, délicate parce qu'elle engage les actions des
professionnels versus celles des forces de l'ordre, etc,,,
Il y a donc là un enjeu majeur pour l'exercice de la profession et nous devons clairement
revendiquer une mise à plat complète de la Loi, en posant comme préalable absolu que sa
révision se fasse en partant d'une concertation pour laquelle le "groupe des partenaires" devra être
l'interlocuteur mandaté pour représenter, en face des responsables de la société civile, les acteurs
directement concernés par cette problématique. Mais ceci suppose de ne pas récuser par avance
les protagonistes du débat, et de décider de se placer d'emblée sur le terrain de la pratique.

3 - Affirmer nos objectifs de soins, et refuser de jouer un rôle dans le processus de contrôle social

Puisque nous serons entrés dans une discussion concernant l'ordre public, nous aurons là
l'opportunité de rappeler au nom de quoi nous sommes légitimes pour y intervenir: c’est parce que
nous soignons des malades, et que ces malades n'ont parfois pas tout le discernement nécessaire
à la vie en société que nous y sommes requis. C'est de cette place de soignants que nous parlons,
et c'est de notre compétence pour reconnaître la pathologie, et statuer sur le besoin de soins que
nous pouvons nous prévaloir pour faire constater notre nécessité sociale. Paradoxalement, il a
bien fallu que Sarkozy le formule aussi ainsi, dès lors qu'il nous demandait de veiller à la sécurité
mise en cause par les malades. Nous avons donc maintenant l'opportunité de nous appuyer sur
son discours pour défendre la spécificité de notre place. Notre mission, c'est de soigner, de
permettre aux malades de réinvestir leur rôle social, de reconquérir leur pouvoir d'agir sur leur
destin. Cette mission répond aux droits dont dispose tout citoyen. Si nous ne la remplissons pas,
qui le fera? Et puisque nous ne pouvons occuper deux places à la fois, nous pouvons affirmer que
nous n'avons aucun rôle à jouer dans le processus de contrôle social. Nous n'avons pas à faire la
police, c'est la mission des forces de l'ordre. Nous n'avons pas à intervenir si les conduites des
personnes, pour antisociales qu'elles puissent être, ne procèdent pas d'une pathologie qui altère
leur discernement. Nous devons donner nos soins à qui nous le demande, ou à qui le nécessite, si
le consentement ne peut être donné.
Ce qui veut toutefois dire que la psychiatrie (et les psychiatres) doi(ven)t consentir à théoriser sur
ce qui constitue l’extérieur de son champ, et en particulier sur les conduites antisociales. Car si
nous savons ce qui relève de notre intervention, nous devons aussi pouvoir dire ce qui n'en relève
pas. Si la société entend solliciter nos compétences cliniques dans le cadre de son interrogation
sur les déterminants d’un comportement, ce doit être dans le cadre d’une démarche expertale, où
il s’agira de statuer sur l’existence ou non d’un trouble, qui n'est nullement systématique. En deçà
de cette limite, nous sommes seuls à être compétents, et au delà, c'est-à-dire dans le champ civil
ou pénal, nous n'avons aucun jugement à formuler sur les choix que la société ou ses
représentants estiment en conscience souhaitables ou nécessaires. Je crois, de ce point de vue,
que les positions que certains d'entre nous ont cru devoir prendre sur la question de la prévention
de sûreté, mélangeant message professionnel et militantisme citoyen, ne peuvent que brouiller
notre message de défense de notre champ spécifique et de nécessaire refondation identitaire. Or
ce positionnement est fondamental si nous voulons pouvoir poursuivre et développer les prises en
charge de progrès, d’une psychiatrie communautaire, en faveur des personnes frappées de
troubles graves et invalidants, cœur de métier de la psychiatrie publique.

Pour le dire autrement, ma conviction est que si nous n'entrons pas, avec des idées claires mais
ouvertes, dans ce débat de la sécurité liée à la pathologie mentale, cette problématique
vampirisera pour longtemps celle des progrès que la psychiatrie peut se donner pour objectif
d'accomplir. Pour les malades plus que pour nous, nous n'avons pas le droit de nous tromper
d'orientation stratégique.

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AU CREPUSCULE DE LA PSYCHIATRIE,
LA NUIT SECURITAIRE

A partir de ce texte, une pétition est en ligne à l’adresse :
http://www.collectifpsychiatrie.fr/phpPetitions/?petition=1

Ont participé à la décision et l’élaboration de ce texte
   •   yacine AMHIS (Psychiatre reims membre de la criée ),
   •   Jean-marc ANTOINE (Psychologue. association aurore. paris. directeur du pôle aurore habitat.),
   •   Mathieu BELLAHSEN (Interne en psychiatrie,secrétaire d'utopsy),
   •   Dominique BESNARD (Psychologue et représentant des cemea),
   •   Antoine BESSE (Psychiatre, psychanalyste ),
   •   Guilhem BLEIRAD (Psychologue),
   •   Olivier BOITARD (Psychiatre, président du casp),
   •   Hervé BOKOBZA (Psychiatre, saint martin de vignogoul),
   •   Loriane BRUNESSAUX (Interne en psychiatrie, présidente d'utopsy),
   •   Patrice CHARBIT (Psychiatre psychanalyste vice-président de l'afpep-snpp),
   •   Jean-paul CHARDON (Chef de service pédopsychiatrie, ),
   •   Franck CHAUMON (Psychiatre, psychanalyste ),
   •   Patrick CHEMLA (Psychiatre chef de service , centre antonin artaud reims , président de la criée,
       membre del'usp ),
   •   Sarah COLIN (Psychiatre à reims),
   •   Guy DANA (Psychiatre psychanalyste chef de service),
   •   Alexandra DE SEGUIN (Interne en psychiatrie, vice-présidente d'utopsy),
   •   Pierre DELION (Professeur de psychiatrie),
   •   Barbara DIDIER (Psychologue, psychanalyste),
   •   Eric DIDIER (Psychanalyste),
   •   Léa DIDIER (Etudiante en psychologie clinique),
   •   Bernard DURAND (Psychiatre, président de la fédération d'aide à la santé mentale fasm croix
       marine ),
   •   Joël DUTERTRE (Médecin (mp4 champ social)),
   •   Lysia, EDELSTEIN (Psychologue clinicienne à la protection judiciaire de la jeunesse, pantin (93),
       snpes/pjj/fsu),
   •   Roger FERRERI ("psychiatre chef de service infanto juvénile 91000 evry, association ""pratiques de
       la folie"""),
   •   Florent GABARRON-GARCIA (Vice président d'utopsy, moniteur psychiatrique à la clinique de la
       borde),
   •   Yves GIGOU (Infirmier de secteur psychiatrique - militant associatif),
   •   Pascale GIRAVALLI (Psychiatre, marseille),
   •   Roland GORI (Professeur de psychopathologie clinique à l'université d'aix-marseille, président du
       séminaire inter-universitaire européen d'enseignement et de recherche en psychopathologie et
       psychanalyse (siueerpp) et psychanalyste),
   •   Michaël GUYADER (Chef de service du 8ème secteur de psychiatrie générale de l’essonne,
       psychanalyste),
   •   Liliane IRZENSKI (Psychiatre. psychanalyste),
   •   Serge KLOPP (Cadre de santé, chargé des questions de psychiatrie commission santé du pcf),
   •   Olivier LABOURET (Psychiatre public, chef de service),
   •   Jean-jacques LABOUTIERE (Psychiatre),
   •   Paul LACAZE (Neuropsychiatre, psychanalyste, montpellier),
   •   Laurent LE VAGUERESE (Psychiatre, psychanalyste responsable du site oedipe.org),
   •   Claude LOUZOUN (Psychiatre, président du cedep),
   •   Emile LUMBROSO (Centre van gogh reims, président d'euro-psy, membre de la criée),
   •   Paul MACHTO (Psychiatre. psychanalyste. montfermeil 93. pratiques de la folie. usp),
   •   Jean-pierre MARTIN (Psychiatre),
   •   Bénédicte MAURIN ,
   •   Simone MOLINA (Psychanalyste, psychologue clinicienne présidente du point de capiton
       (vaucluse)),
   •   Isabelle MONTET (Psychiatre, chef de service, sph),
   •   Jean OURY (Médecin directeur de la clinique de la borde, cour cheverny),

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