Droit à des logements sains pour les occupants, droit d'agir pour les propriétaires
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CSSS – 030M C.P. – P.L. 2 Encadrement du cannabis Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi no 2, Loi resserrant l’encadrement du cannabis Droit à des logements sains pour les occupants, droit d’agir pour les propriétaires Mémoire présenté à la Commission de la santé et des services sociaux Québec, 20 février 2019
Montréal et Ouest du Québec 750, boulevard Marcel Laurin, bureau 131 Montréal (Québec) H4M 2M4 Téléphone : 514 748-1921 Sans frais : 1 800 548-1921 Québec, Centre et Est du Québec 1750, avenue de Vitré, bureau 500 Québec (Québec) G1J 1Z6 Laurentides et Abitibi 297, rue Parent Saint-Jérôme (Québec) J7Z 1Z8 corpiq@corpiq.com www.corpiq.com 2
Table des matières I. Sommaire des recommandations 5 II. Présentation de la CORPIQ 7 III. Les propriétaires et les immeubles de logements 9 IV. Introduction 13 V. Analyse et recommandations 1. Des amendes qui encouragent la culture illégale de cannabis plutôt que de la contrer 14 2. La culture et la consommation de cannabis à des fins médicales : une échappatoire pour les contrevenants 24 3. Inquiétudes quant aux lieux prévus pour la consommation de cannabis tant de la part des propriétaires que des locataires 32 VI. Conclusion 35 3
Remerciements La CORPIQ remercie les membres de la Commission de la Santé et des services sociaux, ainsi que le ministre délégué, pour leur intérêt à l’égard de son positionnement sur le projet de loi no 2. Nous espérons que les constats et les recommandations contenus dans ce mémoire nous permettront de régler les iniquités auxquelles font face les propriétaires. La CORPIQ demeure à la disposition des membres de la Commission pour tout complément d’information qu’elle pourrait fournir ultérieurement afin de les éclairer dans leur analyse. 4
I Sommaire des recommandations Recommandation #1 Que les amendes prévues aux articles 5 concernant la possession de plants de cannabis et 10 concernant la culture à des fins soi-disant « personnelles » soient multipliées par dix, et ce afin de les rendre réellement dissuasives et cohérentes avec les autres pénalités prévues par la loi. Recommandation #2 Que l’article 70 de la loi soit amendé pour autoriser expressément un inspecteur à pénétrer à une heure raisonnable dans une habitation s’il lui est permis de croire que du cannabis y est cultivé sans droit. Recommandation #3 Que les propriétaires de logements soient autorisés à exiger une caution en argent au locataire lors de la signature d’un bail afin de favoriser la responsabilisation, ainsi que couvrir d’éventuels dommages. Recommandation #4 Que la loi prévoit explicitement que le locataire qui se voit refuser par le tribunal le droit de cultiver ou de fumer du cannabis soit tenu de rembourser tous dommages subis par le propriétaire de son logement. 5
Recommandation #5 Qu’un locataire qui invoque son droit de fumer du cannabis à des fins médicales soit tenu de fournir au propriétaire un certificat médical reconnu à cet effet et délivré par un professionnel membre du Collège des médecins du Québec. Recommandation #6 Qu’un propriétaire puisse exiger que le locataire soit évalué par un médecin de son choix afin de statuer sur la nécessité pour ce locataire de consommer du cannabis à des fins médicales. 6
II Présentation de la CORPIQ La CORPIQ, au service des propriétaires de logements depuis 39 ans Regroupant 25 000 propriétaires, copropriétaires et gestionnaires de près de 500 000 logements issus de toutes les régions, la CORPIQ est de loin la plus importante association en immobilier locatif au Québec. Elle est la seule à refléter de façon représentative l’ensemble des profils des 275 000 propriétaires : propriétaires occupants, propriétaires non occupants, sociétés immobilières, gestionnaires, lesquels exploitent des duplex, triplex, complexes immobiliers, résidences pour aînés, etc.). Ses publications joignent 50 000 propriétaires. La CORPIQ est une association à but non lucratif dont la mission consiste à offrir une gamme de services à ses membres afin d’améliorer leur environnement, ainsi que celui de leurs clientèles, de façon à contribuer à l’essor financier des Québécois dans une perspective de développement durable. Son conseil d’administration se compose de 15 propriétaires ou gestionnaires immobiliers élus lors de l’assemblée générale annuelle. La CORPIQ emploie 50 personnes dans trois bureaux afin d’offrir une vaste gamme de services à ses membres : • Conseils en gestion immobilière • Applications de gestion en ligne ProprioEnquête®, Kangalou® et Pronotif® • Programme d’économies • Conférences thématiques • Publications : Magazine Proprio, Infolettre Proprio+ • Programme d’assurances • Répertoire de fournisseurs • Référencement d’avocats spécialisés • Formations en investissement immobilier et en gestion immobilière 7
La CORPIQ offre les meilleurs produits et services web en immobilier locatif, dont ProprioEnquête®, qui figure au premier rang des solutions d'enquête de crédit au Québec, ainsi que Kangalou®, gagnant du prix Boomerang 2016 et figurant au deuxième rang des sites de location de logements. De plus, la CORPIQ a été couronnée Entreprise de l'année au gala des Mercuriades 2018 dans la catégorie Développement d'une technologie web ou mobile. Enfin, la CORPIQ agit à titre de porte-parole des propriétaires auprès des autorités gouvernementales et des médias. Elle a publié des centaines de mémoires, études et sondages, en plus de participer à tous les débats touchant de près ou de loin l’habitation au Québec. 8
III Les propriétaires et les immeubles de logements Au Québec, le parc de logements locatifs d’initiative privée compte 1,3 million d’unités d’habitation détenues par environ 275 000 propriétaires. Celles-ci se répartissent comme suit : 59 % dans la région métropolitaine de Montréal, 10 % dans la région métropolitaine de Québec et 31 % dans les autres régions. 1 La grande majorité des propriétaires québécois (80 %) ne possèdent qu’un immeuble (duplex ou triplex), tandis que quelque 800 propriétaires (0,3 %) détiennent 100 logements ou plus. La quasi-totalité des propriétaires est donc composée de petits investisseurs dont l’occupation principale est autre que l’immobilier. Leur motivation première est d’investir à long terme en prévision de leur retraite. Avoir autant de petits propriétaires constitue une grande richesse collective unique au Canada, tant sur le plan social qu’économique. Sur le plan social, les propriétaires agissent régulièrement comme répondants de première ligne en fournissant un support et une batterie de services à leurs locataires, bien souvent de façon bénévole. Avec un loyer moyen de près de 800 $, l’industrie de la location de logements au Québec génère des revenus bruts de 10,5 milliards $ par an. 2 Le Québec compte 372 399 immeubles de logements locatifs, soit 320 586 plex (2 à 5 logements) d’une valeur foncière totale de 121 milliards $, ainsi que 51 813 immeubles abritant 6 logements ou plus, d’une valeur foncière de 69 milliards $). À cela s’ajoutent des dizaines de milliers de copropriétés et maisons louées. 3 1 Recensement 2016 et INRS – Urbanisation, culture et société : Les logements privés au Québec, juin 2002 2 Statistique Canada (2016) Location à bail et gestion de biens immobiliers, Tableau 352-0030 3 MAMOT (2018) Données de l’évaluation foncière 9
Valeur foncière Immeubles (milliards $) 2 logements 188 251 61,734 $ 3 logements 82 190 35,432 $ 86% 64% 4 logements 38 369 17,311 $ 5 logements 11 776 6,671 $ 6 à 9 logements 33 684 20,914 $ 10 à 19 logements 10 598 12,288 $ 20 à 29 logements 3 259 6,333 $ 30 à 49 logements 2 412 14% 7,658 $ 36% 50 à 99 logements 1 173 7,664 $ 100 à 199 logements 528 7,594 $ 200 logements et plus 159 6,305 $ TOTAL 372 399 189,903 $ Les immeubles ne sont plus rentables Cela peut paraître surprenant, mais la très grande majorité des immeubles locatifs québécois récemment transigés n’apportent pas de flux financiers positifs, et cela n’est absolument pas normal. C’est le résultat d’un marché réglementé qui, avec les années, a rendu l’exercice dans ce secteur complètement dysfonctionnel, ce qui le conduit à une situation de crise. Selon un rapport sur la rentabilité des petits immeubles à logements à Montréal 4 réalisé par l’éminent professeur François Des Rosiers, les propriétés de type « plex » récemment transigées dégagent, en moyenne, des encaisses nettes annuelles insignifiantes, voir négatives, et ce, même après 10 ans de détention : • immeuble de 4 logements non occupé par le propriétaire : -0,7 % à 2,1 % • immeuble de 4 logements occupé par le propriétaire : -3,3 % à -0,4 % 4 François Des Rosiers PH.D. (2011) La rentabilité des immeubles locatifs de 4 et 6 logements – simulations pour la région de Montréal, secteur Rosemont-La-Petite-Patrie 10
Cela signifie que les propriétaires n’ont pas les liquidités nécessaires pour assurer le maintien de leur actif et encore moins pour effectuer des rénovations majeures. Ce manque de rentabilité conduit l’industrie vers deux crises majeures : Une crise de l’investissement en rénovation, car 17 % des logements au Québec ont besoin de rénovations majeures, tandis que 24 % nécessitent des rénovations mineures; 5 Une crise de disponibilité du logement avec un taux d’inoccupation en net repli à 1,9 % à Montréal en 2018, comparativement à 4 % en 2016, selon la SCHL. Environ les trois quarts du parc de logements locatifs a 40 ans ou plus 6 Période de Logements construction occupés recensés 1920 ou avant 78 090 1921 à 1945 94 550 1946 à 1960 223 955 72 % 1961 à 1970 252 000 1971 à 1980 243 290 1981 à 1990 175 030 1991 à 2000 112 380 2001 à 2010 115 215 28 % 2011 à 2016 67 505 C’est au Québec qu’on retrouve les loyers les plus bas au pays, soit 37 % moins cher (449 $) que la moyenne des 9 autres provinces. 7 L’écart est probablement encore plus important puisque l’offre québécoise se compose surtout de 5 Sondage de la CORPIQ en octobre 2016 auprès d’un échantillon représentatif de l’ensemble des propriétaires de logements du Québec. 1 155 répondants, marge d'erreur de 2,7 % 19 fois sur 20 6 Statistique Canada, Recensement 2016 7 SCHL, Rapports annuels sur le marché locatif et calculs pondérés par la CORPIQ 11
logements dans des petits immeubles, lesquels ne sont pas répertoriés dans l’enquête de la SCHL. Pour plusieurs raisons, dont un taux de rotation plus faible, les loyers y sont assurément plus bas, ce qui conduit à cet aussi grand écart avec les loyers du reste du Canada. Le loyer moyen d’un logement 4½ représente 25 % du revenu net moyen des locataires québécois(8) et pour un 3½, moins de 22 %. Durant le dernier cycle immobilier de 20 ans, le niveau des loyers au Québec pour un 3½ a progressé en dollars constants de 11 % et le revenu net des locataires, de 26 %. 8 Manque d’entretien et de rénovations d’environ 2 milliards $ par an Le parc immobilier locatif est dans un état alarmant. Dans plusieurs catégories d’immeubles, l’état du parc s’enfonce sous la barre du maintien d’actif et les immeubles se dégradent au fil des ans. Avec un rendement négatif sur des dépenses en rénovations majeures dont le retour sur investissement est de 37 ans, cela n’a rien de surprenant. Avec un retour sur investissement de 10 ans comme ce fut le cas durant les premières années de la mise en œuvre de la méthode de fixation de loyer, les investissements seraient beaucoup plus élevés et le parc locatif en bien meilleur état. Une étude réalisée par la CORPIQ en 2010 démontrait qu’à l’époque, les propriétaires dépensaient 3 milliards par an dans la rénovation des logements locatifs, mais compte tenu des besoins, ils en investiraient 5 milliards si les conditions réglementaires étaient moins restrictives. Ces 2 milliards $ potentiels supplémentaires généreraient sur trois ans 1 milliard $ en recettes fiscales pour le gouvernement du Québec (impôt sur le revenu des travailleurs et TVQ sur les biens et services nécessaires aux rénovations). 8 Statistique Canada, Statistique du revenu, EDTR & ECR. Tableau personnalisé pour la CORPIQ 12
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IV Introduction La CORPIQ a participé en janvier 2018 aux consultations particulières sur le projet de loi no157 édictant la Loi encadrant le cannabis. Son intervention a contribué, de façon constructive, à resserrer la législation afin d’éviter des situations hautement indésirables une fois cette drogue légalisée. Cependant, plusieurs failles, pourtant évoquées tôt, n’ont pas été colmatées au moment opportun. Dans le moins pire des cas, cela a pour résultat de rendre difficile l’application de la loi et d’assurer la protection des personnes et des lieux. Dans le pire des cas, la mollesse de certaines dispositions législatives encourage même les comportements illégaux. Dans ce contexte, la CORPIQ voit dans le projet de loi no2 du gouvernement du Québec l’occasion pour les propriétaires que soit bonifiée la loi encadrant le cannabis. Il ne s’agit pas de reprendre le processus législatif depuis le début, mais plutôt d’améliorer la loi. Il faut le reconnaître, celle-ci a dû être débattue et adoptée dans une contrainte de temps imposée par le gouvernement fédéral et tout à fait incompatible avec l’importance des enjeux du cannabis dans notre société. La CORPIQ traite dans ce mémoire de trois problèmes en particulier, dans le contexte des habitations collectives: la culture à des fins personnelles, la consommation/production de cannabis pour des raisons médicales, et la question des lieux de consommation permis. Comme nous le verrons, les recommandations formulées visent à assurer un respect de l’esprit de la loi. Elles visent aussi à prévenir à la source les comportements illégaux et les recours devant les tribunaux, lesquels sont rendus nécessaires par la mauvaise foi de certains locataires consommateurs de cannabis. 14
V Analyse et recommandations 1. Des amendes qui encouragent la culture illégale de cannabis plutôt que de la contrer La culture de 5 plants ou plus de cannabis demeure une infraction en vertu du Code criminel fédéral. La culture de 4 plants ou moins est, pour sa part, régie par les lois provinciales. À l’instar du Manitoba et du Nunavut, le Québec a fait le choix judicieux et responsable d’interdire la culture de cannabis à des fins personnelles. Nous reviendrons sur les conséquences d’une telle culture dans un domicile. Ce qui est extrêmement troublant, c’est que l’article 10 de la Loi encadrant le cannabis au Québec prévoit une amende minimale ridicule de 250 $ et maximale de seulement 750 $. En outre, un inspecteur n’a pas le pouvoir de procéder à la visite d’une habitation sans que l’occupant n’y consente, ce qu’un contrevenant n’a aucun intérêt à permettre. C’est bien connu, pour changer des comportements illégaux ou répréhensibles, il faut une combinaison de deux éléments que tout individu apprend à connaître dès son plus jeune âge. Le premier consiste à imposer une conséquence sérieuse en réponse à ce comportement. Le deuxième consiste à inculquer qu’il existe un risque élevé de se faire prendre. En ce qui a trait à la culture de cannabis, aucun de ces deux facteurs ne sont présentement en place. Au Manitoba, une personne qui cultive du cannabis à des fins personnelles (mais non médicales) encourt une amende minimale de 2500 $. C’est dix fois plus qu’au Québec. Au Québec, en vertu de la Loi concernant la lutte contre le tabagisme, un propriétaire qui omet simplement d’apposer dans les aires communes de son immeuble de logements une affiche indiquant qu’il est interdit de fumer (du tabac) 15
est passible d’une amende de 500 $ plus les frais. C’est le double de l’amende prévue pour la culture de cannabis à domicile. Au Québec, quelqu’un qui fume dans un endroit interdit est passible, toujours en vertu de la Loi concernant la lutte contre le tabagisme, d’une amende de 500 $ à 1500 $. Est-ce normal que la culture illégale de cannabis entraîne une sanction deux fois moindre? Les articles 7 et 8 de la Loi encadrant le cannabis imposent une amende minimale de 250 $ et maximale de 750 $ lorsqu’un individu a en sa possession une quantité interdite de cannabis. Doit-on en comprendre que le fait de produire du cannabis n’est pas plus grave qu’en avoir dans ses poches? Selon l’article 18, l’exploitant d’un lieu (par exemple un propriétaire de logements) ne doit pas tolérer qu’une personne fume du cannabis dans un endroit interdit, sous peine d’amende de 500 $ à 12 500 $. En revanche, cultiver du cannabis ne coûte au contrevenant que 250 $ à 750 $ d’amende… La production de cannabis est réservée aux détenteurs de permis, tandis que le commerce de cannabis est exclusif à la SQDC. Les contrevenants encourent une amende de 5000 $ à 500 000 $. En s’adonnant à la culture illégale de cannabis dans son domicile, le contrevenant peut quant à lui s’en tirer avec une amende 20 fois moindre. Un commerçant qui distribue des produits qui, sans être du cannabis, comportent un logo ou une référence directe au cannabis encourt une amende de 2 500 $ à 62 500 $. Comment expliquer qu’une image pouvant simplement influencer la consommation (c’est ce qu’on doit en comprendre) conduise à une sanction minimale 10 fois plus élevée que celle imposée à celui qui cultiverait illégalement? Voici une autre comparaison qui démontre encore une fois l’absurdité des amendes pour la culture à domicile. Une personne qui refuse de donner suite à un renseignement demandé par courrier par un inspecteur enfreint l’article 71 de la Loi encadrant le cannabis. Cela est suffisamment grave pour être passible 16
d’une amende de 500 $ à 12 500 $. Dans le cas d’un contrevenant qui cultive des plants à des fins personnelles, répétons que l’amende n’est que de 250 $ à 750 $. Les faibles amendes prévues à l’article 10 concernant la culture à des fins personnelles sont disproportionnées face aux revenus que peut rapporter un plant de cannabis annuellement. Prenons par exemple le cannabis « mode avion » vendu par la SQDC. Le prix que doit payer un individu pour planer est de 34,50 $ pour 3,5g ou 9,85 $/g. Supposons maintenant qu’il produit du cannabis chez lui. Des cultivateurs experts en la matière expliquent sur Internet qu’il faut 65 jours pour la croissance et la floraison des plants, ce qui conduit à 5,6 floraisons par an. Une floraison peut générer de 15 à 30g par plant. Au prix de la SQDC, le revenu est donc au minimum de 148 $ par plant par floraison s’il génère 15g, soit 827 $ par année. Si ce plant produit 30g, le producteur illégal peut espérer un revenu potentiel de 296 $ par floraison, soit 1 655 $ par année! On doit aussi considérer que ni la police, ni les inspecteurs ne trouveront intérêt à se déplacer, à assembler une preuve et à entreprendre une procédure judiciaire pour une amende de 250 $ à 750 $. En novembre 2018, la CORPIQ a tenu des conférences sur le cannabis dans différentes villes lors desquelles les corps policiers devaient expliquer comment ils interviendraient en cas d’infraction. Malheureusement, les propriétaires n’ont rien appris, la police n’ayant elle-même pas encore d’idée précise quant à ses moyens d’intervention dans les logements. Les interventions policières, pourtant nécessaires pour faire respecter la loi, apparaissent disproportionnées face au montant des amendes sensées dissuader la culture à domicile. Il faut également garder à l’esprit que le caractère risible de ces amendes engendre d’autres coûts. La dissuasion en amont étant inexistante ou presque, elle encourage les comportements délinquants et illégaux. Pour un propriétaire, cela implique de devoir alors se tourner vers la Régie du logement pour obtenir 17
une décision du tribunal, c’est-à-dire une ordonnance ou une résiliation du bail. Cela entraîne des coûts, tant pour le propriétaire que pour la Régie du logement, déjà surchargée. De plus, les propriétaires n’ont pas non plus l’assurance qu’en s’adressant à ce tribunal, ils pourront ensuite exécuter leur jugement favorable et recouvrer un quelconque montant auprès du locataire. Ce locataire de l’arrondissement Sud-Ouest, à Montréal ne semble avoir aucune crainte de cultiver son cannabis au vu et au su de son voisinage, mais au grand dam du propriétaire. (CORPIQ, 2018) Dommages au logement et menace à la sécurité Il faut savoir que la culture à l’intérieur n’est pas compatible avec les caractéristiques des habitations et cause toutes sortes de dommages matériels. Elle constitue aussi une menace à la sécurité des personnes. Énumérons ici l’humidité élevée requise lors des phases préliminaires de la culture de cannabis, l’installation de lampes chauffantes dans des conditions dangereuses pour accélérer la croissance des plants ou encore la neutralisation du système de ventilation. Il en résulte une prolifération de moisissures toxiques, une détérioration des surfaces et des structures, ainsi que des risques d’incendie dans le cas des systèmes électriques manipulés. Quelqu’un qui produit du cannabis à domicile voudra en récolter à différents moments dans l’année pour s’assurer un approvisionnement continu, indépendamment des saisons. Cela implique donc des phases de culture nécessitant un taux d’humidité élevé (exemple 70 %). Un tel taux est en totale 18
contradiction avec le taux d’humidité requis dans une demeure en hiver pour éviter la condensation et les moisissures (exemple 30 %). Il est très difficile de chiffrer les dommages matériels causés par la culture. Le spectre est large entre des moisissures circonscrites et la destruction totale d’un immeuble par un incendie. Ceux qui s’adonnent déjà à la culture ne se satisfont évidemment pas tous de regarder croître les plants. Par la suite, ils transforment le cannabis. Cela peut prendre différentes formes et aller jusqu’à l’extraction de résine, un procédé qui implique l’utilisation d’un solvant, donc inflammable. Comme nous l’avons vu dans les médias, cette activité criminelle provoque chaque année des explosions dans des logements ou des maisons, parfois mortelles. Un autre type de risque pour la sécurité des personnes est le commerce du cannabis dans les immeubles de logements. Le va-et-vient de clients, étrangers à l’immeuble, mais dont l’accès leur est rendu possible grâce au locataire- distributeur, augmente le risque pour la sécurité des autres locataires, de leurs enfants et de leurs biens matériels. Impacts financiers pour les propriétaires et les locataires Comme la CORPIQ l’a expliqué dans son mémoire en 2018, la culture du cannabis à des fins personnelles n’a pas sa place dans une habitation, surtout lorsque l’occupant est locataire. Cet enjeu est particulièrement important au Québec, pour plusieurs raisons, dont celles-ci : • C’est au Québec qu’on compte les délais judiciaires les plus longs; • Le Québec est le seul endroit en Occident où les propriétaires n’ont le droit d’exiger au locataire ni montant pour garantir le maintien du logement en bon état, ni montant servant à compenser un loyer impayé; 19
• Le Québec impose les pires conditions réglementaires pour rénover un logement laissé en mauvais état (le Règlement sur les critères de fixation de loyer ne permet de recouvrer la dépense que sur 37 ans); • Le Québec a la moyenne d’âge la plus élevée du patrimoine construit, ce qui implique moins de pouvoir isolant, conséquemment, les odeurs voyagent facilement d’un logement à l’autre. Primes d’assurance, déclaration du vendeur Avec son humidité causant de la moisissure, ses odeurs et les risques d’incendie, la culture de cannabis dans les logements peut entraîner des dépenses et dommages considérables pour un propriétaire bailleur. On pense ici aux hausses de primes d’assurance, à la difficulté de revendre la propriété, ou même à la hausse des coûts d’électricité du propriétaire – pour la production des plants – lorsque le loyer inclut l’énergie. On doit également s’attendre à davantage de démêlés judiciaires avec les inspecteurs municipaux qui, très prochainement, auront comme outil d’intervention supplémentaire la nouvelle norme sur les moisissures élaborée par le Bureau de normalisation du Québec (BNQ 3009-600). Or, l’expérience a démontré que les villes n’émettent leurs avis de non-conformité et constats d’infraction qu’aux propriétaires, jamais aux occupants lorsqu’ils sont pourtant fautifs. Par ailleurs, il y a une décennie, nous avons vu se multiplier dans les contrats des assureurs une clause d’exclusion des dommages causés par des activités liées à la plantation de cannabis. Dès lors qu’un propriétaire a connaissance qu’une telle production existe dans son immeuble, il doit la déclarer à son assureur. En 2008, un assureur a refusé d’indemniser un propriétaire parce que l’incendie ayant détruit deux des cinq logements avait comme origine celui où se trouvait une plantation. En cour, ce propriétaire a toutefois réussi à démontrer qu’il ne pouvait pas être au courant de ce qui se passait derrière la porte de 20
chaque logement. Cinq ans plus tard, le tribunal a ordonné à l’assureur de lui verser 70 000 $. 9 À titre de cas vécu en 2017, un propriétaire de Lanaudière, membre de la CORPIQ, a découvert que son locataire détenait un permis de Santé Canada pour cultiver 25 plants de cannabis à domicile, pour son usage médical. Lors d’une visite, le propriétaire en avait compté 35. La police a refusé d’intervenir pour quelques plants de trop. Ce locataire avait donc transformé une chambre de son logement en véritable serre hydroponique, trafiquant le système électrique (pour ses trois lampes de 1000 watts), le système de ventilation, en plus de rendre l’endroit hermétique. Risquant de ne pas être indemnisé en cas de sinistre, ce propriétaire s’est résolu à déclarer sa connaissance de la situation à son assureur. Résultat : celui-ci lui a demandé de vider les lieux dans les 30 jours, à défaut de quoi la prime d’assurance du triplex passerait de 800 $ à 4000 $. On comprend l’assureur qui cherche à minimiser son risque. Incidemment, les pompiers ont dû être appelés quand un électricien venu inspecter pour le compte du propriétaire a déclenché un début d’incendie en débranchant le système d’éclairage artisanal servant aux plants. Mentionnons qu’une telle explosion de la prime d’assurance aurait eu un impact majeur et injuste sur le loyer de tous les locataires de l’immeuble. Il faut comprendre ici qu’en vertu du Règlement sur les critères de fixation de loyer, une hausse de la prime d’assurance est directement transférable aux locataires, au prorata de leur loyer. Les locataires diligents paient donc pour les comportements irresponsables des autres. Au même moment, ce propriétaire tentait de vendre sa propriété. L’acheteur était au courant qu’une culture de cannabis avait cours dans un des logements. Il était tout de même d’accord pour transiger. Malheureusement, sa banque a refusé la transaction pour ce motif. En effet, la déclaration du vendeur d’une propriété doit 9 Lévesque c. Compagnie d'assurances Desjardins, Cour supérieure, 2013-4-16, #500-17-055870-102 21
contenir les renseignements importants pouvant en affecter la valeur 10. Si on y a cultivé du cannabis, on doit le déclarer, ce qui a un impact considérable pour l’acheteur, le vendeur, l’assureur et le prêteur hypothécaire. Les mêmes enjeux surviennent lorsqu’il s’agit de maisons et de copropriétés utilisées pour la culture. Les constats sur les dommages causés par la culture de cannabis sont corroborés, notamment par l’Association canadienne de l’immeuble (ACI) : « Tant Santé Canada que la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) affirment que la qualité de l’air intérieur est l’un des éléments les plus importants d’une maison saine. Pourtant, le gouvernement fait fi des preuves accablantes que la culture du cannabis à l’intérieur peut présenter des risques pour la santé. Les risques liés à des niveaux extrêmes de moisissure, de spores et de champignons sont très élevés, notamment lorsqu’une personne qui fait de la culture à domicile n’est pas bien équipée. La contamination due aux pesticides et engrais peut causer d’autres problèmes de qualité d’air. Par ailleurs, les produits chimiques peuvent poser un risque pour le quartier ou les enfants qui ne sont pas au courant de leur proximité et de leur utilisation. Qui plus est, des risques accrus pour la sécurité publique découlant d’une installation électrique inadéquate et les risques d’incendie connexes deviennent un problème majeur dans les installations de culture à l’intérieur parce que la culture du cannabis nécessite une quantité énorme d’électricité. Un autre risque pour la sécurité publique a trait à la hausse du nombre d’introductions par effraction et de vols. Plus important encore, le cannabis facilement accessible dans une maison augmente la possibilité que les produits contenant du cannabis tombent entre les mains d’enfants et de jeunes, ce qui constitue une violation directe d’un des principaux objectifs de la législation. Ces préoccupations pourraient occasionner de graves dommages à l’infrastructure des logements et menacer la sécurité des quartiers. Plusieurs membres de l’ACI ont vu de près les dommages que la culture du cannabis a occasionnés aux maisons en raison d’une ventilation ou d’une installation électrique inadéquate. Ils connaissent également la stigmatisation et la perte de valeur des propriétés reconnues comme ayant déjà abrité d’anciennes « maisons de culture ». (ACI, 10 novembre 2017) Des inspecteurs sans pouvoir La CORPIQ se doit également de déplorer la faiblesse de l’article 70 de la loi qui ne permet pas aux inspecteurs de pénétrer dans un lieu où il leur est raisonnablement permis de croire que du cannabis est cultivé à des fins soi- disant personnelles, donc illégalement. Dans les autres cas où une telle 10 OACIQ – Déclaration du vendeur sur l’immeuble, D13.7 : À votre connaissance, y a-t-il eu une culture de cannabis ou la production de toute autre drogue, produit chimique ou dangereux à l’intérieur du bâtiment? 22
inspection est permise, celle-ci est conditionnelle à l’autorisation de l’occupant s’il s’agit de sa demeure. Les propriétaires de logements, eux, doivent fournir un préavis de 24 h au locataire avant d’effectuer une inspection de son logement, ce qui lui laisse tout le temps d’emporter ailleurs ses plants de cannabis. Pire, les locataires opérant une activité illégale refusent obstinément l’entrée de leur logement, malgré une mise en demeure et le droit reconnu du propriétaire. Celui-ci n’a donc ultimement comme recours que de demander au tribunal de la Régie du logement une ordonnance d’accès, ce qui peut prendre plus d’un mois. En 2014, une décision de la Cour supérieure a reconnu aux inspecteurs municipaux le droit d’effectuer des inspections de routine, même sans avoir des motifs de croire qu’une infraction y est commise. 11 Il y a donc lieu de colmater cette brèche dans la loi, car, comme nous l’avons dit précédemment, s’il ne perçoit pas de risque élevé de se faire prendre, ni de conséquences suffisamment sévères, le contrevenant de modifiera pas son comportement. Considérant ce qui précède concernant la culture illégale de cannabis, la CORPIQ recommande respectueusement à la Commission d’adopter les mesures suivantes : Recommandation #1 Que les amendes prévues aux articles 5 concernant la possession de plants de cannabis et 10 concernant la culture à des fins soi-disant « personnelles » soient multipliées par dix, et ce afin de les rendre réellement dissuasives et cohérentes avec les autres pénalités prévues par la loi. 11 Rossdeutscher c. Ville de Montréal, Cour supérieure, 2014-5-30, dossier 500-17-081396-148 23
Recommandation #2 Que l’article 70 de la loi soit amendé pour autoriser expressément un inspecteur à pénétrer à une heure raisonnable dans une habitation s’il lui est permis de croire que du cannabis y est cultivé sans droit. De plus, considérant que ni les amendes, ni l’intervention d’inspecteurs ne peuvent réparer après coup des dommages causés par la culture illégale ou légale de cannabis dans un logement, la CORPIQ recommande de modifier l’article 1904 du Code civil du Québec qui interdit d’exiger tout montant au locataire autre que le premier loyer : Recommandation #3 Que les propriétaires de logements soient autorisés à exiger une caution en argent au locataire lors de la signature d’un bail afin de favoriser la responsabilisation, ainsi que couvrir d’éventuels dommages. 24
2. La culture et la consommation de cannabis à des fins médicales : une échappatoire pour les contrevenants La CORPIQ est bien consciente que la loi fédérale permet la consommation à domicile et la culture de cannabis à domicile aux fins médicales. Cette loi est à revoir complètement puisqu’elle conduit à des aberrations, avec notamment des permis délivrés par Santé Canada pour cultiver jusqu’à des centaines de plants dans un logement. Dans la mesure où un individu malade peut dorénavant s’approvisionner sur le marché légal (en succursale ou sur commande en ligne), dans la mesure aussi où l’on peut consommer du cannabis médical autrement que par inhalation, le gouvernement du Canada doit revoir sa loi complètement. Ceci étant dit, le Québec a le pouvoir d’intervenir lorsque ce droit est utilisé de mauvaise foi par des individus prétendument malades, mais qui, dans les faits, veulent s’adonner à une consommation récréative et à une culture à des fins personnelles ou lucratives. Pour bloquer cette échappatoire, il faudrait instaurer un mécanisme simple et rapide de contestation du droit d’un locataire de fumer du cannabis dans son logement pour des raisons médicales. Ce droit serait accompagné d’une conséquence pécuniaire pour celui qui utilise de façon dilatoire les exceptions prévues par la loi. On pourrait, par exemple, le tenir financièrement responsable en vertu de tout dommage si la Régie du logement en arrive à la conclusion que le droit invoqué par le locataire de fumer du cannabis à des fins médicales était non fondé. Lors des consultations particulières sur le projet de loi 157, en janvier 2018, la CORPIQ avait signifié ses préoccupations concernant l’impact de la légalisation sur le comportement des individus. Dans le cadre de leur gestion immobilière, les propriétaires de logements constatent depuis toujours que la consommation de substances psychotropes par leurs locataires altère le comportement et le 25
jugement de ces derniers. Lorsqu’ils doivent intervenir auprès d’un locataire intoxiqué, les propriétaires n’obtiennent pas souvent la collaboration voulue. De plus, tout comme le tabac, la fumée secondaire et la fumée tertiaire du cannabis sont en effet susceptibles de causer de sérieux désagréments, de menacer la santé et de troubler la jouissance paisible et normale des autres locataires d’un même bâtiment. Le gouvernement de l’époque avait accueilli favorablement la recommandation de la CORPIQ et avait ajouté au projet loi la possibilité pour un propriétaire de modifier unilatéralement le bail en milieu de location (article 107 de la présente loi). Il disposait alors de trois mois pour s’en prévaloir : 107. Un locateur peut, d’ici le 15 janvier 2019, modifier les conditions d’un bail de logement en y ajoutant une interdiction de fumer du cannabis. À cette fin, le locateur remet au locataire un avis de modification décrivant l’interdiction de fumer du cannabis applicable à l’utilisation des lieux. Le locataire peut, pour des raisons médicales, refuser cette modification. Il doit alors aviser le locateur de son refus dans les 30 jours de la réception de l’avis. Dans un tel cas, le locateur peut s’adresser à la Régie du logement dans les 30 jours de la réception de l’avis de refus pour faire statuer sur la modification du bail. En l’absence de refus, l’interdiction est réputée inscrite au bail 30 jours après la réception par le locataire de l’avis de modification. Comme on vient de le lire, le locataire pouvait malgré cela refuser cette interdiction au bail pour des raisons médicales, et ce sans autres formalités. Tout en saluant l’ajout de cette mesure, la CORPIQ avait exprimé ses craintes – qui se sont avérées par des jugements rendus ces derniers mois12 – de voir des locataires continuer de fumer leur cannabis en dépit de l’interdiction, et ce, sans détenir une preuve médicale suffisante. Nous avions alors suggéré que le locataire soit tenu de produire sa preuve médicale en même temps que son refus. 12 Dans la cause Aguilar c. Hébert, le locataire a refusé l’ajout d’une interdiction au bail, forçant inutilement la tenue d’une audience. Régie du logement, 21 décembre 2018. 26
Cette même solution a été déposée comme sous-amendement par la Coalition Avenir Québec lors des audiences. Le 17 mai 2018, la députée de Repentigny justifiait la démarche : « Parce qu'on a aussi entendu parler en commission parlementaire, là, lorsqu'on a reçu des membres, qu'actuellement il se fait des prescriptions de complaisance. Donc, moi, je trouvais approprié de dire, bien, que 30 jours de la réception de l'avis et que le locataire ait présenté sa prescription médicale, bien, à ce moment-là, le locateur pourrait décider de, bon, se contenter de ça puis on arrête la procédure, ou dire : Malgré tout, je vais y aller, parce qu'il n'est pas satisfait de ce que le locataire a présenté. Mais je pense qu'on vient quand même de donner une possibilité au locateur de recevoir la confirmation de la raison médicale qui fait que la personne… Pas juste une parole en disant : Bien, moi, je refuse la modification, parce que… pour des raisons médicales. Point. Je trouve que c'est trop facile. Puis en ajoutant l'exigence de présenter la prescription émise par un médecin du Collège des médecins, bien là, on vient de donner un document de plus au locateur qui décidera s'il arrête ça là ou s'il décide quand même d'aller de l'avant avec une demande à la Régie. » – Lise Lavallée, députée de Repentigny Ce sous-amendement avait été refusé par le gouvernement d’alors pour le motif que cela aurait porté atteinte à la vie privée du locataire. L’argument ne tenait pas, selon la CORPIQ, puisque le locataire aurait de toute façon à déposer éventuellement cette preuve au tribunal. De même, un locataire qui invoque le droit de résilier son bail avec deux mois de préavis pour emménager dans un lieu où il obtiendra des services rendus nécessaires par son état de santé doit fournir un certificat médical (article 1974 C.c.Q. révisé en 2011). Il est primordial de resserrer l’échappatoire du cannabis utilisé à des fins médicales. Au premier trimestre 2017, le gouvernement du Canada rapportait que 236 personnes au Québec détenaient un permis pour produire du cannabis à 27
des fins médicales personnelles. En septembre 2018, leur nombre atteignait 3949. C’est 16 fois plus en seulement dix- huit mois à peine…13 Ce commerce de l’arrondissement Ville Saint- Laurent, à Montréal, fait la promotion de prescriptions médicales pour l’usage de cannabis. (CORPIQ, 2018) Avec le projet de loi 2 présentement à l’étude, lequel viendrait élargir les endroits où il serait dorénavant interdit de fumer du cannabis, nous sommes d’avis que cela augmentera le nombre de locataires qui ne verront d’autre choix que de fumer du cannabis dans leur logement. Certains percevront un risque moindre de fumer du cannabis en contravention avec leur bail plutôt que de risquer d’avoir une amende s’ils optent pour fumer dans tout autre endroit prescrit par la nouvelle loi. Comme nous y avons fait référence précédemment, il existe de nombreux cas où la culture pour des motifs médicaux s’est avérée, dans les faits, à des fins d’activités criminelles. D’autres tenteront plutôt d’obtenir une prescription médicale de complaisance. Nous remarquons qu’il y a de plus en plus de commerces ayant pignon sur rue qui offrent ce service contre rémunération. Mentionnons aussi que le Collège des médecins du Québec a relâché ses règles encadrant la prescription de cannabis à des fins thérapeutiques. Quelques semaines avant l’entrée en vigueur de la loi légalisant le cannabis, il a annoncé qu’il ne serait plus nécessaire que cette drogue soit prescrite dans le cadre d'un projet de recherche pour que les patients puissent en obtenir. 13 Gouvernement du Canada, données sur le marché du cannabis 28
Que ce soit un médecin qui prescrive du cannabis ou que ce soit le locataire qui décide d’en fumer pour le plaisir et en contravention avec son bail, dans un cas comme dans l’autre, cela met en péril l’obligation par le propriétaire d’assurer la jouissance paisible des lieux aux autres locataires. En souhaitant octroyer un droit à une faible minorité de citoyens, on brime le droit de la majorité des locataires et de leurs familles de vivre dans un environnement exempt de fumée et d’odeurs de drogue. Il est primordial de connaître les obligations qui incombent aux propriétaires de logements en vertu des tout premiers articles du Code civil du Québec au chapitre du louage : « Il s’engage envers le locataire à lui procurer la jouissance d’un bien » (art. 1851) et « Le locateur est tenu de délivrer au locataire le bien loué en bon état de réparation de toute espèce et de lui en procurer la jouissance paisible pendant toute la durée du bail » (art. 1854). Plus encore, le propriétaire a une obligation légale de résultat envers ses locataires. C’est-à-dire qu’il ne lui suffit pas de démontrer qu’il a agi ou tenté d’agir pour corriger une entrave à la jouissance des lieux, le propriétaire doit réussir à corriger la situation. L’incapacité d’en arriver à un résultat entraîne des sanctions contre le propriétaire, tel le droit au locataire à une diminution de loyer, à des dommages pécuniaires sous une autre forme et même à la résiliation du bail. En permettant à un locataire de consommer du cannabis à des fins médicales, le législateur place donc les propriétaires dans une contradiction législative et dans une situation sans solution, ou presque. Permettre un mécanisme de contestation concernant le droit de fumer du cannabis pour des raisons médicales Nous sommes d’avis à la CORPIQ que le propriétaire devrait avoir la possibilité de demander un deuxième avis médical, provenant d’un spécialiste exerçant 29
uniquement au Québec, lorsque le locataire détient une prescription pour usage de cannabis à des fins médicales. Nous nous appuyons sur la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP) où un mécanisme est prévu pour qu’un employeur puisse obtenir un deuxième avis d’un médecin désigné et de contester l’opinion du médecin qui a charge. 212. L’employeur qui a droit d’accès au dossier que la Commission possède au sujet d’une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l’attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s’il obtient un rapport d’un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l’un ou plusieurs des sujets suivants. La CORPIQ est disposée à travailler avec le gouvernement pour se pencher sur des mécanismes et solutions permettant ainsi l’application de cette demande. Responsabiliser le locataire fautif et permettre de le tenir financièrement responsable des dommages, lors de recours à la Régie du logement Un problème auquel font déjà face les propriétaires est la lenteur de la Régie du logement à traiter les demandes. Le phénomène est notoire et il est pire que lorsque le Vérificateur général du Québec avait déposé un premier rapport accablant en 2001. Que la Régie du logement les qualifie, selon le cas, de demandes « urgentes » (2 mois d’attente en moyenne avant une première audience) ou « prioritaires » (15 mois d’attente), les litiges impliquant le cannabis ont le temps de s’envenimer avant qu’une décision soit rendue par le tribunal. Si celui-ci prononce une ordonnance plutôt que la résiliation du bail, le locataire fautif peut même continuer de fumer pendant des mois, le temps que le propriétaire dépose une nouvelle demande au tribunal pour enfin l’expulser. 30
En octobre 2017, une entreprise de location de logement a finalement obtenu son audience après 1 an et 8 mois d’attente. Elle demandait la résiliation du bail d’un locataire qui consommait du cannabis. Le bail n’interdisait pas de fumer et le locataire détenait une autorisation de Santé Canada, mais des locataires voisins se plaignaient des odeurs fortes. L’un avait quitté et un autre menaçait de faire de même si la situation n’était pas corrigée. 14 La Régie du logement avait 30 000 dossiers de toutes sortes en attente en date du 31 mars 2018, un chiffre qui a doublé depuis 2000. Pourtant, le nombre de nouvelles demandes est le même. Or, elle constitue le seul recours qu’ont les propriétaires (et les locataires indisposés) face à un locataire dont la consommation de cannabis nuit aux autres. L’attente accentue les conflits et le préjudice subi par les plaignants, à plus forte raison lorsque la situation constitue une menace pour leur santé. Pour cette raison, nous sommes d’avis que le locataire fautif devrait être tenu responsable lorsque celui-ci est reconnu coupable par la Régie du logement, et ce à partir du jour 1 où la demande a été déposée, de tout préjudice financier subi par le propriétaire. Par exemple : diminution des loyers accordés par le tribunal aux autres locataires pour perte de jouissance des lieux, logements voisins impossibles à relouer en raison des odeurs, etc., ainsi que tous frais afférents au litige. Recommandation #4 Que la loi prévoit explicitement que le locataire qui se voit refuser par le tribunal le droit de cultiver ou de fumer du cannabis soit tenu de rembourser tous dommages subis par le propriétaire de son logement. Recommandation #5 14 Corporation Headway Ltée c. Desrosiers, Régie du logement, 2017-10-25, dossier 255369 31 20160115G 31
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