Dyspnée et angoisse Quadrimed 2018 - Michael Saraga Service de Psychiatrie de Liaison

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Quadrimed 2018
           Dyspnée et angoisse

                                           Michael Saraga
                          Service de Psychiatrie de Liaison
                                                     CHUV
                                 Michael.Saraga@chuv.ch

12/02/18            1
Vignette: J.S., 40 ans

• Arrive avec le SMUR pour DRS latérale gauche constrictive
  ayant cédé à la TNT, vertiges, stress important (n’arrive pas
  à joindre son épouse au téléphone)
• Tabagisme (20-30 UPA), -OH (5U/j.), ‘HTA’ puis
  ‘hypercholestérolémie’, sans traitement
• ‘Stress, problèmes financiers’
• Status normal
• ECG: sus-décalage minime inféro-latéral
• US : suspicion d’hypokinésie inférieure
• Hospitalisé aux soins intensifs pour une coronarographie
Structure du cours

Psycho/somatique
Sources et déclencheurs de l’angoisse, nosologie des troubles
 anxieux

Trouble panique : aspects diagnostiques

La démarche clinique
Signes et symptômes physiques de l’anxiété
Perte d’appétit         Souffle court      Dleur thoracique     Bouche sèche
                                           Angor

Sudations               Palpitations       Tachycardie          Tensions musculaires
Diarrhées               Paresthésies       Tremor               ‘Tête qui tourne’
Dleur abdominale
Nausées,Vomissements    Dyspnée            Vertiges             Rougeurs
                                                                Pâleur

Urgence mictionnelles   Hyperventilation   Pré-syncope
Tr.sexuels

     Viscéral               Respiratoire    Cardio-vasculaire           Vagal
Dyspnée et angoisse
un problème clinique

• Dyspnée et angoisse sont des concepts très voisins – ‘truth is in the eye
  of the beholder’
• Néanmoins, la clinique isole un problème spécifique : une ‘dyspnée’
  dont l’origine n’est pas à chercher dans les gaz sanguins, ni dans la
  mécanique cardio-respiratoire, ni dans la formule sanguine…
• C’est de la démarche clinique qu’il s’agit ici, pas d’un présupposé
  ontologique sur la nature ‘corporelle’ ou ‘psychique’ du problème
• Mais il est difficile de résister au « si c’est pas physique, c’est psy », au
  « c’est dans la tête », au « c’est rien »
Le modèle biopsychosocial

 • Postule qu’il existe des niveaux de pertinence psychique et sociale aussi
   bien que biologique pour le même problème;
 • N’est pas une classification des maladies selon le secteur affecté
   (infarctus ‘biologique’, trouble panique ‘psycho’, diabète ‘social’) – c’est
   l’humain qui est biopsychosocial, a fortiori ses maladies, comme sa
   bonne santé, ses choix existentiels, ses préférences culinaires, etc.
 • Un infarctus est ainsi « tout autant » biopsychosocial qu’une attaque de
   panique, et vice-versa.
 • Dans le modèle, ces niveaux sont distincts (ainsi, il est dualiste) mais ne
   s’opposent pas (ainsi, il n’est pas dualiste).
 • L’opposition psy/soma est cependant un fait d’expérience – les
   psychiatres, même de liaison, ne sont pas immunisés non plus. Si c’est
   pas là, c’est ici; si c’est pas ici, c’est là-bas.
Structure du cours

Psycho/somatique
Sources et déclencheurs de l’angoisse, nosologie
 des troubles anxieux
Trouble panique : aspects diagnostiques

La démarche clinique
Peur, angoisse, anxiété ?

•Une question de degré (‘peur déraisonnable, excessive’) ou
 de nature (danger ‘réel’, danger ‘imaginaire’) – ou
 seulement de point de vue?
•Un processus psychopathologique?
  •« Autonomisation » de l’angoisse
  •Persistance/retour de l’angoisse
  • Impact sur le fonctionnement
          - physique (neurovégetatif)
          - psychologique (ruminations, évitement)
          - interpersonnel/social (repli, démission)
Déclencheurs d’angoisse

•Signal de présence de danger dans l’inconscient de
 l’espèce (atavisme?)
•Objets et situations symboliques à haute valeur
 significative
•Signaux du corps
•Mais aussi situations spécifiques au sujet?
•Variations de l’expérience humaine normale
 (phobie sociale, vertige, agoraphobie, TOC…)
Sources d’angoisse – le plus souvent,
inconscientes

•Séparations (ou menaces de séparation) et pertes (menace
 de pertes)
•Transgressions (sexualité, agression) ou désirs de
 transgression
•« Castration » (perte/atteinte symbolique), menace sur
 l’intégrité/traumatisme (perte/atteinte narcissique),
 morcellement (perte de l’unité de soi)
•Mais aussi:
   •distorsions cognitives, schémas inconscients
     d’insuffisance personnelle, d’exigences élevées
   •expression d’un conflit systémique
   •vulnérabilité biologique…
Vignette : M.L., 34 ans
• Enfant turbulent, remuant, impulsif, scolarité en classe spéciale
• ‘Enfance heureuse’ mais père violent (envers la mère également),
  frappait avec une ceinture, un fouet
• A 16 ans, il répond aux coups et laisse son père inconscient sur le sol;
  dans les semaines qui suivent, il fait un problème coronarien aigu
  (depuis, plus de violence)
• Première attaque de panique à 33 ans, sous AINS pour des lombalgies
  (‘crise gastrique’) et peu après avoir été cambriolé
• Toujours la même année, son amie perd une première grossesse de 3
  mois; l’histoire se répète six mois plus tard - il consulte peu après aux
  urgences psychiatriques pour une attaque de panique
Nosologie: gérer l’anxiété…

• Du côté du contrôle, de la tentative de maîtrise : TOC/anxiété
  généralisée/hypocondrie
• Du côté de l’évitement : phobies variées
• Un peu des deux? - trouble panique/trouble panique et
  agoraphobie
Le problème clinique: le trouble panique

•Population générale 1-4% (prévalence à vie)
•Consultations psychiatriques 10%
•Consultations pour pathologies vestibulaires,
 respiratoires et neurologiques 10%-30%
•Consultations cardiologiques 60%
Vignette : M.L., 34 ans

• Première crise à 33 ans: sous AINS pour lombalgies,
  consulte aux urgences pour une ‘crise gastrique’
  accompagnée d’anxiété.
• Pansements gastriques, OGD qui montre une hernie hiatale
• Depuis, nombreuses AP caractéristiques (gorge serrée,
  bouche sèche, palpitations, sudations, angor, dyspnée,
  troubles visuels) durant 30’ avec une anxiété anticipatrice
• Tendance à moins sortir de chez lui, nervosité dans le trafic
• Dg de SA et prescription d’AINS non pris.
Structure du cours

Psycho/somatique
Sources et déclencheurs de l’angoisse, nosologie des troubles
 anxieux
Trouble panique : aspects diagnostiques
La démarche clinique
Caractéristiques de l’AP: imprévisible, brutale

               2-10’   1-4h
Attaque de panique: critères diagnostiques

 Une période bien délimitée de crainte ou de malaise intense,
 inattendue, dans laquelle au minimum 4/13 symptômes suivants sont
 survenus de façon brutale et ont atteint leur acmé en moins de dix
 minutes.
Symptômes d’une attaque de panique
1.    Palpitations, accélération du rythme cardiaque
2.    Transpiration
3.    Tremblements ou secousses musculaires
4.    « Souffle coupé » ou impression d’étouffement
5.    Sensation d’étranglement
6.    Douleur ou gêne thoracique
7.    Nausée ou gêne abdominale
8.    Vertige, « tête vide » ou impression d’évanouissement
9.    Déréalisation ou dépersonnalisation
10.   Peur de perdre le contrôle, de devenir fou
11.   Peur de mourir
12.   Paresthésies
13.   Frissons ou bouffées de chaleur
Agoraphobie

• La ‘peur des espaces libres et des lieux publics’…
• L’expérience: être bloqué, coincé, privé
  d’échappatoire – transports publics, distance,
  tunnels, ponts, supermarchés, files d’attentes, repas
  au restaurant, auditoire de médecine…
• Le comportement phobique
M.J.S., 44 ans

• Consulte en psychiatrie; AP caractéristiques (angoisse,
  oppression thoracique, palpitations, sudation, vertiges,
  crainte d’un infarctus).
• Les AP ont débuté à la suite de l’hospitalisation aux soins
  intensifs, où une coronaire a été dilatée.
• Situations axiogènes: conduite, tunnels, cinéma, bus, foule,
  croiser un chien; il ne sort plus que pour aller au travail (le
  travail et le domicile sont des lieux ‘sûrs’); il se fait
  accompagner par sa femme lors des déplacements
  indispensables; il s’est replié, ne participe à aucune activité
  familiale hors de la maison.
Structure du cours

Psycho/somatique
Sources et déclencheurs de l’angoisse, nosologie des troubles
 anxieux
Trouble panique : aspects diagnostiques
La démarche clinique
Diagnostic différentiel (pathologies induisant l’anxiété
        et présentant des symptômes d’AP)

   • Maladies pulmonaires (asthme, COPD, pneumothorax, embolie
     pulmonaire)
   • Maladies cardiaques (pathologies coronariennes, aortiques,
     troubles du rythme, prolapsus mitral?)
   • Pathologies neurologiques (perturbations vestibulaires, épilepsie,
     migraines)
   • Troubles endocriniens (hypoglycémie, hypo/hyperthyroïdie,
     phéochromocytome, hyperparathyroïdie)
   • Médicaments (bronchodilatateurs, stéroïdes, théophylline, etc.),
     substances (caféine, cocaïne, amphétamines), sevrage
     (benzodiazépines, OH, opiacés)
Démarche clinique AP: examens

•Fréquence respiratoire, respiration thoracique,
 tachycardie, élévation modérée de la pression
 artérielle systolique, tonus musculaire augmenté,
 absence de cyanose, tremblement, sudations,
 éventuellement tétanie, signe de Trousseau

•Examens complémentaires: si nécessaire
En principe, l’anamnèse (et éventuellement le
status) suffit à poser un diagnostic d’AP, surtout si
             le médecin y assiste (permet d’exclure
    immédiatement troubles du rythme, détresse
 respiratoire, etc.). Le diagnostic d’AP implique un
           différentiel mais n’est pas un diagnostic
 d’exclusion (on n’a pas un trouble panique ‘parce
      qu’on n’a rien d’autre’…); c’est un diagnostic
       positif (et surtout pas des ‘DRS atypiques’).
Trouble panique et comorbidités somatiques

• CAVE: le garçon qui criait au loup…
• Prévalence augmentée des maladies cardio-vasculaires
         -   Tabagisme, OH, obésité, manque d’exercice,
              HTA, effets sur les systèmes endocriniens,
              immunitaires et neurovégétatifs, évitement
Conséquences/complications

• Anticipation d’AP, peur d’être malade
• Comportement d’évitement
• Besoin de réassurance, désespérance
• Absentéisme, arrêts de travail, invalidité
• Comorbidité psychiatrique et somatique
• Abus de substances et de médicaments
• Amélioration et stabilisation (> 2/3)
M.J.S., 46 ans
• Désormais suivi en psychiatrie.
• On met en évidence une dépendance –OH (1l.vin/j… 3l./j. 4 ans plus tard).
• Un problème d’eczéma lui interdit son activité de cuisinier mais
  l’agoraphobie s’oppose à toute reconversion professionnelle.
• L’évitement massif inclut notamment sa famille, à qui il dissimule sa
  situation et notamment la dépendance –OH.
• L’agoraphobie est sévère: il ne peut pas prendre l’ascenseur, ne sort que
  pour conduire ses proches (il reste dans la voiture) ou se rendre chez le
  médecin; il doit alors se parquer tout près de l’accès (quitte à payer une
  amende) pour minimiser la distance à parcourir à pied.
• L’évitement complique la compliance médicamenteuse (il redoute de
  perdre le contrôle, et d’être incapable de réagir s’il arrivait malheur à ses
  proches); thérapie de groupe impossible; il s’oppose longtemps à un
  sevrage hospitalier.
L’entretien en urgence/la première attaque

• Ne pas banaliser! Ne pas banaliser! Ne pas banaliser!
• On peut parler du diagnostic – surtout si on l’a posé…
• On peut informer le patient de ce qui lui arrive
• Il lui est arrivé quelque chose – ce n’est pas « rien », ce n’est pas
  « dans sa tête »
Information I

•Qu’est-ce qu’une AP ? Malaise brutal associé à des
 symptômes physiques (énumérer) et psychologiques
 (énumérer), de durée et fréquence variables (minutes à
 heures, parfois plusieurs fois par jour), aperçus ou pas de
 l’entourage

•Est-ce que c’est un problème physique ou
 psychologique ? AP se passe dans la « tête » et dans le
 corps, c’est une forme fréquente et particulière d’anxiété
 (paroxystique), entretenue par un cercle vicieux (avec un
 substrat biologique, notamment l’alcalose respiratoire et ses
 conséquences neurologiques)
Information II

• Une seule attaque? Informer quand même
• Ça peut être grave – mais pas nécessairement
• Mais ça se soigne
• Mais souvent on préfère ‘ne plus y penser’, avec le danger d’une
  évolution agoraphobique et l’évitement d’un traitement, (toujours)
  anxiogène
Information III – ça se traite si nécessaire…

•Relaxation, physiothérapie respiratoire, yoga,
 méditation, phytothérapie
•Psychothérapie individuelle ou en groupe
•Benzodiazepines (début, réserve) et
 antidépresseurs sérotoninergiques (traitement de
 fond)
M.J.S., 42 ans

• Consulte aux urgences pour des douleurs thoraciques
  gauches fluctuantes, associées à des palpitations subjectives,
  répondant au lorazepam; deux épisodes aigus le jour même
• Ttt habituel: Blopress, Aspirine cardio, Sortis, pris
  irrégulièrement (‘se sentait bien’)
• Ergométrie négative 6 semaines auparavant
• Dg: crise d’angoisse; att: Holter, Temesta en réserve
M.J.S., 40 ans

• Coronarographie normale
• Dg: ‘douleur thoracique d’origine indéterminée’
• Discussion:
   • vasospasme ‘pas exclu’, introduction de diltiazem
   • Étiologie oesophagienne ‘tout à fait probable’, OGD et
     manométrie à organiser avant d’introduire de l’aspirine
L’entretien avec le patient

• Reconnaître (sincèrement…) la détresse: une attaque de panique
  peut être un événement dévastateur, associé à des envies
  suicidaires intenses, des sentiments de honte, de perte de
  contrôle sur son existence, etc.
• Nommer/confronter à l’évitement-déni
• Entretenir la narration
• S’intéresser à la première attaque et à son contexte
• Contextualiser les attaques de panique
• Identifier la source de l’angoisse
• Chercher la signification des déclencheurs
• Construire des hypothèses, favoriser les liens (psyché et corps,
  émotions et pensées, présent et passé)
Vignette : M.L., 34 ans – des liens?...

• le projet de paternité et son histoire violente avec son
  propre père
• la perte narcissique (la fin du football, la perte de la
  grossesse, la SA)
• les symptômes physiques et les difficultés relationnelles
• les fausses couches, les difficultés conjugales
• la santé déclinante de son père et leur histoire violente
• la démarche thérapeutique et la diminution de l’angoisse
Traitements psychopharmacologiques

Benzodiazépines
Lorazepam (10h-20h), oxazepam (5h-15h), alprazolam (12h-
 15h); sans métabolites, élimination hépatique, forme retard
 et clorazepam selon l’évolution
Indications (réserve, urgence, début de traitement… mais
 parfois à plus long terme), effets secondaires et dangers
 (COPD et SAS, tolérance, dépendance, abus)
Antidépresseurs
Sérotoninergiques: SSRIs, SNRIs, tricycliques
Long délai d’action, effets secondaires, ambivalence du
 patient
As a rule, what is out of sight disturbs men’s minds more seriously
than what they see

                        Julius Caesar
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