ECO NEWS Une ère nouvelle Mohamed Choucair - CCIA-BML

 
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                                      The Chambers’ Newsletter Numéro 81 Juin 2018

Publication «CCIA-BML»

 Une ère nouvelle                                                                                         Mohamed Choucair

La politique comme chacun le sait                       sentée très largement au Parle-                          le monde peut le savoir, le consen-
a son mot à dire dans l’écono-                          ment.                                                    sus est une chose difficile du fait
mique. Au Liban plus qu’ailleurs,                                                                                non seulement du conflit d’intérêt
                                                        Dans le système majoritaire que
et aujourd’hui plus que jamais.                                                                                  mais souvent pour un conflit d’hu-
                                                        l’on a suivi jusqu’à présent, les
Une nouvelle loi électorale a porté                                                                              meur. L’action du gouvernement
                                                        listes qui recueillaient le plus de
au Parlement plus de la moitié de                                                                                et du Parlement sont inhibés. Le
nouveaux députés, dont une majo-                        voix grâce à un parti ou à un leader
                                                                                                                 programme gouvernemental est
rité de jeunes.                                         pouvaient rafler tous les sièges. Et
                                                                                                                 bloqué. Le budget est impossible
                                                        l’opposition, qui pouvait se trouver
C’est important en soi, mais plus                                                                                à finaliser, et le 12e provisoire de-
                                                        à un faible intervalle, pouvait être
important encore, sont les ef-                                                                                   vient la règle.
                                                        totalement écartée.
fets du système proportionnel. Il                                                                                Il fallait décrire la situation que
est évident qu’il n’est pas parfait.                    L’harmonie exigeait de ne déci-
                                                                                                                 nous avons vécue ces dernières
Nous savions qu’il ne pouvait l’être                    der qu’à l’unanimité pour éviter le
                                                                                                                 années, et dont la loi électorale,
dès le premier essai. Cependant,                        conflit, souvent justifié, car la déci-                  compte tenu de la réalité libanaise,
il marque une grande avancée :                          sion pouvait ignorer une large fac-                      porte la plus lourde responsabilité.
l’opposition est désormais repré-                       tion de la société. Or comme tout                                                                        uu

p5.   Nouveau parlement : du pain sur la                                                                          p13. Le Conseil libanais des femmes
      planche en matière de législation !                p7.    Les trois visages de la réforme                          leaders discute de CEDRE

p17. Ali Hassan Khalil lance le «budget                                                                           p25. The Joint Italian Arab Chamber
      du citoyen et de la citoyenne»                     p19. Karim Daher, invité de la CCFL                             of Commerce (JIACC)

                                                                                                                  p31.   Joumana Bassil Chelala: We should
p23. Hariri from Tripoli: The Chamber                    p27. Saleh: we rely heavily on Lebanon’s                        make Lebanon a year-round destination
      augurs well with many good deeds                          ability to invest in its oil resources                   and diversify our tourism offering

                                                                                                                                   L'index page 2

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tt
Désormais, nous attendons du              ces travaux à un développement          jets. La nouvelle structure politique
gouvernement et de l’Assemblée            inclusif qui s’inscrit dans :           doit lui faciliter la tâche.
une action plus efficace pour enca-
                                          - Une promotion sociale conforme        Nous ne sommes pas défavo-
drer les projets qui ont été soumis
                                            aux normes internationales -
à la conférence CEDRE le 6 avril                                                  rables au projet du président de
                                            sustainable development goals
passé. La relance économique et                                                   la République d’un gouvernement
                                            - et aux moyens du pays ;
l’avenir de la nation en dépendent.                                               qui gouverne et d’un Parlement qui
                                          - Un climat des affaires qui réta-
Ces projets n’attendent que les ré-                                               contrôle au plein sens du terme, en
                                            blisse la productivité des en-
formes promises. Avant d’être une                                                 séparant les fonctions de ministre
                                            treprises, attire les investisse-
exigence de CEDRE, ces réformes                                                   et de député de la nation.
                                            ments, et résorbe le chômage ;
sont une exigence des organisa-
tions économiques et de la société        - Une attention particulière envers     Si de telles mesures voient le jour,
civile que le Premier ministre Saad         les régions périphériques et l’ex-    les anticipations favorables suffi-
El Hariri a solennellement assumée          ploitation rationnelle de leurs po-   raient à relancer l’activité, l’inves-
lors de la conférence.                      tentiels humain et technique.
                                                                                  tissement et l’emploi dans le pays,
Restaurer l’infrastructure va au          Nous attendons avec le plus grand       sans attendre leur pleine réalisa-
delà de la rénovation des routes, la      intérêt le programme du nouveau         tion.
dispense de l’électricité, le ramas-      gouvernement qui doit matériali-
sage des déchets, l’assainisse-           ser ces objectifs, formaliser les ré-   Je suis confiant dans l’avenir du
ment de l’eau… elle vise à indexer        formes, et entamer les grands pro-      Liban.

  INDEX
  En français                                                 In English
  p3. Actus du mois                                           p21. Lebanon-UAE: Renew links for promising
  p5. Nouveau parlement : du pain sur la planche                   partnerships
       en matière de législation !
                                                              p23. Hariri from Tripoli: The Chamber augurs well
  p7. Les trois visages de la réforme                              with many good deeds
  p9. Les enjeux de la lutte contre la corruption à
       l’ESA                                                  p25. The Joint Italian Arab Chamber of
  p11. La loi des PPP, un outil de transparence                    Commerce (JIACC)
  p13. Le Conseil libanais des femmes leaders                 p27. Saleh: we rely heavily on Lebanon’s ability to
       discute de CEDRE                                            invest in its oil resources
  p15. Nagi Mouzannar : Le Liban a anticipé sur               p29. Strategic and development vision of
                                                                                                    Zahle
       ses capacités pour s’adapter aux actuelles
       règles du jeu du commerce international et                  and Bekaa Chamber: Actual competencies
       ne semble pas encore être à niveau                          and labor market needs
  p17. Ali Hassan Khalil lance le « budget du                 p31. Joumana Bassil Chelala: We should make
       citoyen et de la citoyenne »                                Lebanon a year-round destination and
  p18. La réforme en cours au Conseil supérieur                    diversify our tourism offering
       des douanes
                                                              p33. How industry can make savings while
  p19. Karim Daher invité de la CCFL développe                     preserving the environment
       « La fiscalité libanaise dans la perspective
       des relations France-Liban »                           p34. Federation News

     p35. Lebanon in       p36. Upcoming            p38. Exhibitions         p39. Business         p39. Conferences
         Figures              Trainings                                      Opportunities
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ACTUS DU MOIS
Réunion élargie entre les organisations économiques et le conseil supérieur des douanes
                                  Initiée par le président des organisations économiques, une réunion élargie a
                                  été organisée le 11 mai dernier à la Chambre de commerce de Beyrouth et du
                                  Mont-Liban rassemblant des membres du conseil supérieur des douanes et
                                  des présidents d’associations économiques, des ONG et des syndicats. Étaient
                                  notamment présents, le président du conseil supérieur des douanes, Assaad Al
                                  Toufaili, et des membres du conseil, Gharasia Azzi et Hani Al hajj-Chehadé. Cette
                                  réunion avait pour objectif de discuter de la coopération entre les deux parties et de
                                  faciliter les transactions des commerçants et des industriels ainsi que l’amélioration
de la gestion des douanes afin de mieux servir l'économie nationale. Dans son mot, Mohamed Choucair a déclaré:
« Les organisations économiques souhaitent consolider le partenariat solide avec le service des douanes comme
serviteur des institutions et de l'économie nationale ». Il a aussi salué les performances des douanes enregistrées
dans la dernière période, ce qui a conduit à la lutte contre la contrebande dans une large mesure et à faciliter
les transactions des commerçants et des industriels. « Il est nécessaire de faire des efforts de concertation afin
d’arrêter la contrebande à la frontière avec la Syrie, et la poursuite du processus de développement des douanes»,
a-t-il ajouté. Le président a aussi dénoncé la contrebande à travers la frontière et la contrefaçon qui touchent les
structures commerciales et industrielles légales. Mohamed Choucair a alors appelé « à y mettre fin car c’est une
menace pour notre économie nationale ». De son côté, le président du conseil supérieur des douanes a présenté
plusieurs projets de développement sur lesquels planche le conseil : « une nouvelle loi douanière, une structure
et un plan stratégique pour les douanes ». Assaad Al Toufaili a aussi insisté : « Le rôle des douanes est non
seulement de percevoir des redevances mais aussi de protéger l'économie et le citoyen ».

Renforcer les relations libano-hongroises
                               Mohamed Choucair a reçu le 27 avril dernier l'ambassadeur adjoint de Hongrie
                               au Liban, Geza Mihalyi, ainsi que le président de la Chambre de commerce
                               arabo-hongroise, Riad Naboulsi. Les discussions ont porté sur les moyens de
                               développer les relations libano-hongroises, le renforcement de la coopération
                               entre les secteurs public et privé des deux pays, et la mise en place d’un
                               conseil d’affaires libano-hongrois. Dans son mot de bienvenue, le président des
                               organisations économiques a fait part de son vif intérêt à renforcer les relations
                               économiques entre le Liban et la Hongrie et à travailler dans les limites des
moyens disponibles pour progresser sur cette voie. « Il y a beaucoup d'opportunités, notamment la nécessité
d'augmenter les exportations libanaises vers la Hongrie », a assuré le responsable. Un vœu qui a été bien
accueilli par le bord hongrois. L'ambassadeur adjoint et Riad Naboulsi ont noté le dynamisme de Mohamed
Choucair et son intérêt pour le développement des relations économiques du Liban avec l'étranger, notamment
avec la Hongrie. Ils ont aussi souligné « le grand intérêt de la partie hongroise dans le développement des
relations économiques avec le Liban ». Une coopération renforcée avec des visites bilatérales des secteurs
privés des deux pays et la création de partenariats d’affaires ont été décidés à l’issue de cette rencontre.

Mohamed Choucair ouvre grand ses portes aux élèves du Collège international
                                 Mohammed Choucair a reçu le 25 avril dernier au siège de la Chambre de commerce
                                 de Beyrouth du Mont-Liban quatre élèves du Collège International (IC). Amin
                                 Choucair, Malek Damerji, Rafic Yaman et Ibrahim Tawil étaient accompagnés de
                                 leur professeur Farah Marchi. Avec le président des organisations économiques,
                                 ils ont notamment discuté des élections législatives le 6 mai dernier et de leur
                                 importance dans le renouvellement de la vie politique. Mohamed Choucair a
                                 notamment expliqué à la nouvelle génération l’importance de la tenue de ces
                                 élections après neuf ans, lesquelles ont permis de redonner vie à la démocratie
libanaise. Il a ajouté : « Nous avons entendu ces dernières années de nombreuses critiques visant le pouvoir et

                                                                                                                      uu
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tt    ACTUS DU MOIS
les politiciens. Je pense que l'occasion est venue de choisir qui travaille pour l’intérêt supérieur du Liban et de
son peuple. Mohamed Choucair a donné la priorité « à l’économie libanaise qui devrait être au cœur des futures
politiques afin de retrouver un essor et une confiance des investisseurs, notamment étrangers ».

Déclaration de Federica Mogherini à l'occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse
                                « Nous célébrons aujourd'hui la Journée mondiale de la liberté de la presse dans
                                un contexte difficile pour le journalisme. La liberté d'expression et la liberté de la
                                presse sont menacées dans le monde entier », a déclaré la haute représentante,
                                Frederica Mogherini, au nom de l’Union européenne, à l’occasion de la journée
                                mondiale de la liberté de la presse, le 3 mai dernier. « Les attaques contre les
                                médias et les journalistes sont des attaques contre la démocratie, contre la liberté
                                de chacun d'entre nous. Nous rendons hommage à tous les journalistes qui, en
Europe et dans le monde, ont perdu la vie dans l'exercice de leur profession. Nous appelons tous les États
à condamner les violences commises à l'encontre de journalistes, à prendre des mesures afin d'améliorer la
sécurité des journalistes, en accordant une attention particulière aux femmes journalistes, et à traduire en justice
les auteurs et les instigateurs de ces violences », a-t-elle poursuivi. « Le respect de la liberté d'expression est
intégré dans tous les programmes de développement et politiques de l'UE. (…) L'UE continuera à financer
des projets ciblés dans les pays tiers destinés à améliorer la qualité du journalisme, l'accès aux informations
publiques et la liberté d'expression », a aussi affirmé la responsable.

Les prix des appartements à Beyrouth toujours en baisse
                              Selon l’agence de conseil Ramco, qui a recensé 194 nouveaux projets dans
                              la capitale, les prix affichés ont baissé de 1,8% en 2017. C’est la plus forte
                              correction depuis 2014. Les difficultés du marché immobilier ne faiblissent pas.
                              Au contraire, le baromètre de Ramco relève qu’ « en 2017 les prix demandés par
                              les promoteurs, qui excluent toute marge de négociation et tout escompte, n’ont
                              jamais autant baissé depuis 2014 ». Le communiqué note aussi que de 2014 à
                              2016, la baisse s’était située entre 0,7 et 1,5%. Elle s’est amplifiée en 2017 avec
une baisse de 63 dollars par m2 dans les projets en construction. Cela représente une baisse d’environ 5 % des
prix annoncés depuis quatre ans.

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                                          Diffusion: 22 000 destinataires: chambres de commerce des pays médi-
                                          ter- ranéens, ambassades du Liban, ministères, parlementaires, ambassades
                                          étrangères, sociétés commerciales, industrielles, de services, syndicats, organi-
                                          sations et commissions économiques, banques.
                                          Website: www.ccib.org.lb Email: econews@ccib.org.lb
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ECONEWS                                      Numéro 81 | PAGE 5

Nouveau parlement : du pain sur la planche en
matière de législation !                                                                              Sasha Boutros

La nouvelle Assemblée devra se pencher sur de nombreux projets de loi en gestation ou
croulant depuis des années dans les tiroirs de l’Hémicycle, essentiels pour la mise en
application du plan CEDRE et la relance de l’économie.

L’élection d’un nouveau Parlement
le 6 mai dernier, qui a mis fin à une
longue période d’absence de re-
nouveau parlementaire, constitue
certes un pas positif vers le re-
nouvellement de la vie institution-
nelle au Liban. Mais la reconduc-
tion des mêmes partis politiques
au pouvoir, à quelques nuances
près, n’augure pas d’une nouvelle
phase en matière de réformes lé-
gislatives, désormais plus que né-
cessaires pour éviter un effondre-
ment du pays.
Si l’ancienne Assemblée a réus-
si, depuis l’élection d’un nouveau
président fin 2016, à entériner plu-
sieurs lois relatives à l’économie,
dont celles des Finances de l’État        risque de faire basculer le pays        Si le plan est critiqué par certains
pour 2017 et 2018, après douze            dans l’inconnu.                         car non inscrit dans le cadre d’un
ans de fonctionnement sans bud-                                                   schéma global de transports qui
get, du partenariat-public-privé          Le Parlement actuel devra égale-
                                                                                  couvre l’ensemble du territoire,
(PPP) – mise en veilleuse durant          ment entériner des décrets d’ap-
                                                                                  il n’en reste pas moins essentiel
une décennie – et le dispositif           plication liés à la loi sur le PPP,
                                                                                  pour désengorger la capitale et
                                          nécessaires à la concrétisation
fiscal relatif à l’exploration et l’ex-                                           ses environs.
                                          de nombreux projets infrastructu-
ploitation du gaz offshore, ayant
                                          rels aussi bien dans le cadre de la     Le Parlement devrait également
permis de lancer le premier appel
                                          conférence CEDRE qu’en dehors.          mettre à jour le schéma directeur
d’offres, la nouvelle Assemblée a
encore beaucoup de pain sur la            Toujours sur le plan infrastructurel,   d’aménagement territorial, ayant
planche. Le vote des quatre pro-          une panoplie de lois devront être       fait l’objet d’un décret présiden-
chains budgets, dans les délais           avalisées par la nouvelle assem-        tiel en 2009, et le transformer en
constitutionnels, et conformément         blée : le projet de développement       loi-cadre contraignante qui tienne
aux engagements du Liban à CE-            des transports en commun dans le        compte des évolutions au cours
DRE, consistant, parmi d’autres, à        Grand Beyrouth approuvé par la          des neuf dernières années, dont
réduire le déficit budgétaire à 5%        Banque mondiale - qui prévoit la        les découvertes de gaz offshore.
du PIB d’ici à cinq ans, constitue        construction de 40 kilomètres de        Des lois spécifiques pourront, par
l’exercice le plus basique mais           voies rapides et la circulation de      la suite, en découler concernant
sans doute l’un des plus capitaux         120 grands bus - doit encore être       chaque domaine propre à l’amé-
à mener par le Parlement actuel.          approuvé par le conseil des mi-         nagement : transports publics, es-
Tout manquement à cet égard               nistres, puis par le Parlement.         paces verts, routes, préservation
                                                                                                                  uu
ECO NEWS Une ère nouvelle Mohamed Choucair - CCIA-BML
Numéro 81 | PAGE 6                        ECONEWS

tt
et organisation de l’espace agri-      quelques amendements y ont été           chain Parlement.
cole, etc.                             apportés au cours des cinq der-
                                       nières décennies.
                                                                                Mise en garde de Fitch
Dans le domaine pétrolier et ga-
zier, une panoplie de lois capi-                                                Sur le plan économique, le dérou-
                                       Dans ce registre, le Parlement ac-
tales pour le lancement en bonne                                                lement et les résultats des élec-
                                       tuel devra ainsi réexaminer le der-
et due forme du secteur doit, par                                               tions législatives du 6 mai n’ont pas
                                       nier amendement ayant permis
ailleurs, faire l’objet d’un vote au                                            toutefois suffi à rassurer certains
                                       l’extension de la couverture san-
cours des quatre prochaines an-                                                 au Liban comme à l’international,
                                       té aux retraités. Votée en janvier
nées : la loi sur la création d’un                                              notamment les institutions concer-
                                       par l’ancienne Assemblée, cette
fonds souverain – dont la struc-                                                nées par l’évolution dramatique
                                       avancée sociale majeure exclut
ture gouvernante et les principes                                               de la situation socioéconomique,
                                       plusieurs catégories profession-
de dépôt et de retrait ont fait et                                              y compris les principales agences
                                       nelles (ex : les enseignants dans
                                                                                de notation financière.
feront, sans doute encore, l’objet     les écoles privées) et s’applique
d’âpres discussions -, la loi sur      par ailleurs aux personnes dont          L’agence Fitch a ainsi souligné
la transparence dans le secteur        le départ de la vie professionnelle      dans un communiqué publié au
(dont le principe de divulgation       s’est effectué après le 16 février       lendemain du scrutin que les ré-
des informations n’est pas en-         2017, date de la publication de la       sultats des élections « n’ont pas
core en phase avec les normes          loi au Journal officiel.                 fondamentalement modifié le statu
de bonne gouvernance), la loi sur                                               quo politique » malgré l’adoption
la création d’une direction des ac-                                             d’une nouvelle loi électorale, crai-
tifs pétroliers au sein du ministère                                            gnant que les enjeux confession-
des Finances – dont les préroga-                                                nels continuent de « freiner » l’ac-
tives sont à définir de sorte à ne       UN RETARD DANS LA FORMATION            tion publique et le lancement des
pas empiéter sur l’autonomie du               D’UN GOUVERNEMENT                 réformes exigées par les créan-
fonds souverain - ainsi que la loi       EMPÊCHERAIT L’ÉTAT DE MENER            ciers et les soutiens du pays. Fitch
sur la création de la compagnie                                                 a ajouté que l’ancrage du pouvoir
pétrolière nationale. Le Parlement
                                         EFFICACEMENT TOUTE NOUVELLE            du Hezbollah au Parlement expose
actuel devra également discu-                   POLITIQUE EN 2018               un peu plus le Liban « aux tensions
ter de la loi sur l’exploration des                                             liées à l’Iran ».
ressources pétrolières et gazière
onshore, à la lumière des opéra-                                                Le premier défi dans ce contexte,
                                       Les lois sur la protection de l’envi-    poursuit Fitch, consiste pour la
tions de balayage aérien ayant
                                       ronnement et du patrimoine cultu-        classe politique à s’entendre ra-
couvert le territoire, de sorte à
                                       rel constituent par ailleurs une         pidement sur la formation d’un
profiter de cette manne tout en
                                       nécessité non moins importante           nouveau gouvernement. L’agence
tenant compte du respect de l’en-
                                       que celles mentionnées ci-des-           a exprimé à cet égard son scep-
vironnement et des communautés
                                       sus. D’autres lois relatives aux         ticisme quant à la capacité des
locales dans les lieux d’éventuels
                                       droits des femmes, qu’il s’agisse        politiques libanais à parvenir ra-
forages et exploitation.
                                       de la transmission de la nationa-        pidement à un consensus. Or, un
Au niveau social, un dossier sans      lité ou des différentes formes de        retard dans la formation d’un gou-
cesse reporté depuis cinq dé-          violences subies, ou encore des          vernement empêcherait l’État de
cennies devrait en priorité être       textes légaux ayant trait à l’évo-       mener efficacement toute nouvelle
remis sur le tapis : le régime de      lution des libertés individuelles et     politique en 2018, alors qu’il s’est
couverture sociale et d’assurance      collectives, à l’instar de l’abolition   engagé à lancer au plus vite d’im-
vieillesse, pour lequel un nouveau     ou l’amendement de la loi sur l’ho-      portantes réformes structurelles
projet de loi est prêt mais n’a tou-   mosexualité et le vote d’une loi sur     dans le cadre de la conférence
jours pas été adopté. La loi ac-       le mariage civil, devraient égale-       CEDRE qui s’est tenue début avril
tuelle date de 1963, sachant que       ment figurer à l’agenda du pro-          à Paris, a mis en garde Fitch.
ECO NEWS Une ère nouvelle Mohamed Choucair - CCIA-BML
ECONEWS                                      Numéro 81 | PAGE 7

Les trois visages de la réforme                                                                   Roger Khayat

Le gouvernement sortant a réussi une prouesse qui a étonné le monde, un acte de
foi dans la nation. Il a rassemblé 250 grands projets d’une valeur de 23 milliards
de dollars à exécuter en 12 ans, s’est présenté avec à Paris en avril dernier pour la
conférence CEDRE, et a finalement obtenu le financement de la moitié d’entre eux.
Ce financement est soumis à une condition : le Liban doit opérer des réformes.

Quelles sont-elles ?
En attendant que la France et la
Banque mondiale se prononcent,
les spéculations vont bon train.
Et pour cause. Les édiles et les
experts libanais font nécessaire-
ment partie de la consultation.
Pour certains, la réforme est syno-
nyme d’équilibre budgétaire et de
stabilisation de la dette.
Pour d’autres, elle consiste princi-
palement à éliminer la corruption
surtout dans ses deux principaux
aspects : la partialité monnayée
dans les adjudications et le favo-
ritisme dans l’emploi.                 l’effet est d’exacerber la crise.      Les élections viennent de s’ache-
                                                                              ver. Elles ont dégagé les lignes
Enfin, un troisième groupe insiste     Il faut se rendre à l’évidence : ce
                                                                              qui déterminent un « pouvoir
sur les tares qui minent la produc-    n’est pas par l’équilibre financier
                                                                              fort ». Une poignée d’hommes
tivité.                                qu’on retrouvera la productivité,
                                                                              peut s’entendre pour les mettre
                                       mais par la productivité qu’on re-
                                                                              en œuvre. Ils doivent le faire sans
Critères de base                       trouvera l’équilibre financier. En-    concession ni faiblesse car le sa-
Il est impossible de s’atteler aux     rayer la corruption ne ramènera pas    lut de la République en dépend :
trois aspects à la fois. Comme il      la prospérité, mais aucune prospé-     l’endurance sociale n’est plus loin
est peu probable d’obtenir un ré-      rité n’est envisageable dans un en-    de son seuil de rupture.
sultat en les traitant séparément.     vironnement corrompu. Ceci dicte
                                       clairement les priorités qui rendent   La première manifestation de l’au-
D’ailleurs, une grande partie des
                                       la réforme possible.                   torité est dans la réforme, l’indé-
mesures soi-disant favorables se-
                                                                              pendance et la suprématie de la
raient contradictoires. La réforme
fiscale dans une conjoncture dé-
                                       Tout repose sur le pouvoir             justice. Le président Aoun a ex-
                                                                              primé son appui aux magistrats
flationniste ne peut qu’exacerber      Durant le court laps de temps du-
                                                                              au lendemain de son élection.
la crise. Le marasme dans le sec-      rant lequel Bachir Gemayel a accé-
                                                                              Il est temps que la justice rede-
teur privé ainsi que le favoritisme    dé à la tête de l’État, aucun fonc-
                                                                              vienne le garant absolu du droit
dans le secteur public dégradent       tionnaire n’a accepté de pot de vin,
                                                                              et le gardien de la liberté et de la
la productivité nationale. Les pro-    aucun entrepreneur n’a cherché         démocratie dans le pays.
jets, en l’absence de production,      de passe-droit, l’administration n’a
provoquent des tensions inflation-     connu aucune absence ou retard         Croissance et productivité
nistes qui nécessitent une poli-       injustifiées, aucun encaissement       Il faut savoir que ce sont deux
tique monétaire restrictive dont       indu.                                  facteurs autonomes. La producti-
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tt
vité génère de la croissance et de      Le Liban a déjà perdu une grande           Conclusion
l’emploi. Mais il peut exister de la    partie de ses cadres qualifiés, et le
                                                                                   Les mesures qui se trouvent sur le
croissance sans amélioration de         mouvement s’est accéléré ces der-
                                                                                   chemin critique des réformes, c’est
la productivité, notamment à tra-       nières années par la déconfiture           à dire qui sont indispensables, et
vers la protection en mettant un        d’un nombre croissant d’entreprises        qui peuvent s’opérer au plus vite et
plus grand nombre d’individus au        de production, en l’absence d’em-          à moindre coût sont les suivantes :
travail. C’est un cas classique qui     bauche ailleurs. De même, les étu-
                                                                                   1. Un pouvoir fort capable d’impo-
permet de résorber pour un temps        diants les plus doués s’expatrient
                                                                                      ser les réformes, et qui assume
le chômage, mais n’améliore pas         dès l’obtention de leur diplôme. Le
                                                                                      d’abord la consolidation du sys-
le niveau de vie du citoyen. À long     Liban, qui génère les ressources
                                                                                      tème judiciaire sur lequel tout re-
terme, le retard que prend la na-       humaines les plus qualifiées de la            pose en fin de compte ;
tion devient irréversible.              région, en dispose de très peu pour
                                                                                   2. Une justice indépendante, ga-
Comme la croissance peut pro-           ses propres entreprises.
                                                                                      rante du droit, des libertés, de
venir d’une majoration des profits      Budget et dette publique                      l’exercice de la démocratie, et de
que facilite l’économie de rente                                                      l’application impartiale des lois ;
                                        Rien de cohérent ne peut être fait
dans les secteurs privilégiés.
                                        avant de rationaliser les taux appli-      3. Le respect et la stricte applica-
Malheureusement, dans une telle
                                        qués à la dette publique. Le Liban            tion des lois priment sur tout pro-
conjoncture, le chômage demeure
                                        est en train de payer en moyenne              jet portant leurs modifications ;
élevé, la productivité basse, l’iné-
                                        6% alors que le peg au dollar se              lesquelles sont souvent proposés
galité sociale se creuse, la classe                                                   pour faire échec aux lois en vi-
                                        maintient depuis plus de 20 ans. Il
moyenne disparaît, les bruits de                                                      gueur et retarder leur application ;
                                        est urgent de s’approcher des taux
la révolte deviennent audibles et
                                        internationaux ou d’abandonner le          4. Faciliter la fusion des entre-
l’avenir incertain.
                                        peg. Un prolongement de la situa-             prises en les exemptant de la
La consolidation de la productivité     tion actuelle serait hasardeux. La            taxe sur la plus-value de l’actif et
est la seule voie économique qui        situation est suffisamment complexe           du quitus qui sera pris en charge
s’identifie à la réforme. Elle repose   pour justifier ce que nombre de dé-           par la nouvelle entité ;
sur deux facteurs : le capital tech-    putés réclament depuis un certain          5. Créer une administration indé-
nique et les ressources humaines.       temps déjà : une administration in-           pendante de la dette avec les
Les entreprises ont pris beaucoup       dépendante de la dette.                       pouvoirs nécessaires pour la
de retard dans la capacité de pro-      Il est clair que le budget de l’État,         gestion de l’émission et la déter-
duction des biens et services, ce       après les exercices de 2017 et                mination des taux d’intérêt ;
qui explique le déficit abyssal du      2018, est dans la bonne voie. Le           6. Refonte de la politique fiscale
compte courant. Pour remonter la        document a énormément gagné en                avec un objectif absolu, celui de
pente, il faut créer un environne-      clarté et permet de dégager deux              réduire les inégalités parmi les
ment qui facilite aux entreprises       lignes d’action prioritaires. La fraude       couches de la population.
le moyen d’atteindre leur seuil         fiscale est loin d’être le problème        Il n’est pas nécessaire de se bra-
optimum de productivité. L’action       majeur de la politique fiscale ; la tare   quer sur la corruption, l’application
la plus radicale est la fusion des      principale se situe dans l’inégalité       des lois en vigueur suffirait à l’en-
entreprises similaires ou complé-       des revenus que favorise cette po-         rayer. De même les nombreuses
mentaires dont l’effet immédiat         litique. Le gel de l’embauche dans         mesures auxquelles les uns et les
est dans la rationalisation des         l’administration civile est une erreur     autres sont attachés peuvent être
coûts et l’amélioration du mar-         monumentale. Aucune réforme                très louables, elles ne peuvent en-
keting et du management. C’est          n’est possible avant de pourvoir           diguer les risques que nous cou-
bien ce qui s’est passé au niveau       aux postes vacants. L’allocation aux       rons en ce moment si la réforme
des banques à partir des années         salaires et bénéfices de l’adminis-        n’a pas lieu. Demeure le grand
1990. La taxe sur la plus-value de      tration s’élève à environ 3% des dé-       dossier de Taëf sur le confession-
l’actif et l’exigence de quitus sont    penses publiques, et rien ne justifie      nalisme et ses effets nocifs. Il est
les éléments critiques qui em-          le gel d’une embauche rationnelle          certain que la réforme, comme
pêchent aujourd’hui la fusion des       soumise aux règles et conditions du        l’avait prévue la conférence, serait
entreprises.                            conseil de la fonction publique.           la voie royale à son dépassement.
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Les enjeux de la lutte contre la corruption à l’ESA
Comment lutter contre la corruption ? À l’initiative de l’avocate Sandrine Richard, l’École
supérieure des affaires a organisé le 3 mai dernier une conférence intitulée « défis et
remèdes ». Elle a rassemblé un parterre d’experts ainsi que l’ancien ministre français
des Finances, Eric Woerth.
« Il est important pour notre grande
école de management de pouvoir ac-
cueillir cette rencontre initiée par Me
Sandrine Richard, parce que notre
mission est de former des managers,
des jeunes et moins jeunes dirigeants
et de les sensibiliser au phénomène
de la corruption auquel ils ne pour-
ront pas échapper », confie le direc-
teur général de l’ESA, Stéphane Attali,     Démarrage de la conférence en présence notamment de l'avocate Sandrine Richard et
interrogé par Econews en marge de           de Alain Bifani, directeur général du ministère des Finances.
la conférence. « Ce phénomène est          phénomène dans sa réalité profonde,          Pour Charbel Massaad, doyen de
global, on le retrouve dans tous les       pour porter un jugement rationnel et         l’Université Paris Descartes : « La cor-
pays et pas seulement dans les plus        déterminer des mesures salutaires.           ruption est un mal global qui appauvri
pauvres », ajoute le responsable.          Oui, il s’agit d’abord d’un abus de pou-     les peuples en assouvissant quelques
D’où l’importance selon lui de préve-      voir, de détenteurs de postes de res-        hommes ». Pour y remédier, il propose
nir et sensibiliser les diplômés et fu-    ponsabilité qui détournent des avan-         « de se doter d’un arsenal juridique
turs diplômés qui durant leur carrière     tages à leur profit personnel. C’est         qui réprime et d’enseigner les bonnes
ne pourront pas échapper à ces pro-        l’un des torts causés aux citoyens »,        pratiques à travers l’éducation ».
blématiques. « Être sensibilisé, c’est     a-t-il affirmé. « Là où il y a corruption,
déjà se préparer et être mieux armé        il ne peut exister de développement »,       Défis et outils de lutte contre la
pour faire face à ces enjeux et défis »,   a-t-il assuré. Le responsable a aussi        corruption
assure-t-il.                               salué l’opportunité CEDRE, « le train
                                                                                        Lors d’un premier panel « Corruption:
                                           de la dernière chance pour relancer
De l’importance de la prévention           l’économie, reprendre le chemin de
                                                                                        un moyen de dissuasion pour les in-
En ouverture de la conférence, San-                                                     vestissements publics et privés », Phi-
                                           l’investissement (…), à condition que
drine Richard, seule avocate anti-cor-                                                  lippe Montigny, le président d’Ethic
                                           la corruption ne s’en mêle pas à nou-
ruption accréditée au Moyen-Orient, a                                                   Intelligence, a donné quelques ou-
                                           veau ».
déclaré : « À ma petite échelle, j’es-                                                  tils : « Une entreprise qui a le pouvoir
                                           « Dans ma carrière j’aurais pu être cor-     d’afficher clairement et visiblement
saye de prévenir et de sensibiliser car
                                           rompu à maintes reprises mais s’en-          ses objectifs anti-corruption a déjà un
j’aime le Liban, mon pays d’origine,
                                           dormir du sommeil du juste n’a pas           atout ». « L’autre moyen de rassurer
et en tant qu’avocate et personne, il
                                           de prix », confie à son tour Jean-Paul       les investisseurs est l’obtention de la
est de mon devoir de former la future
                                           Vermès, le président de HEC Paris            norme ISO 37001, systèmes de ma-
génération ». L’avocate a notamment
                                           et vice-président de l’ESA. Selon lui,
appelé « les secteurs privé et public                                                   nagement anti-corruption, qui définit
                                           dans toute ascension professionnelle,
libanais à se mettre sur une même                                                       une série de mesures pour aider les
                                           de nombreuses personnes tenteront
table pour envisager des solutions                                                      organismes à prévenir, détecter et
                                           de vous corrompre et l’accepter, c’est
concrètes qui permettraient de lutter                                                   traiter les problèmes de corruption ».
                                           « attirer la délation et s’empêcher de
au quotidien contre la corruption ».                                                    « L’entreprise met ainsi en place un
                                           dormir ». Il ajoute : « La philosophie de
À son tour, Mohamed Choucair, le                                                        processus vertueux », a-t-il expliqué.
                                           l’ESA et d’HEC est d’apprendre aux
président des organisations écono-         jeunes à ne jamais tenter leur chance        « Pour se protéger, elle doit aussi
miques s’est penché sur les méfaits        dans la corruption défendant plutôt la       vérifier si ses partenaires et intermé-
de la corruption au Liban. « Il faut que   culture d’apprendre à vivre dans des         diaires en font de même ».
les citoyens prennent conscience du        conditions décentes ».                        « La corruption est le terreau fertile
                                                                                                                          uu
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d’un pays qui touche en premier lieu        qui ont été enregistrées notamment :          ruption qui ne vienne pleurer sur les
à son attractivité », a expliqué ensuite    1- « Le Liban a réussi à élargir son as-      plateaux télévisés et l’absence de
Eric Woerth, ancien ministre français       siette fiscale en multipliant par six le      plainte.
des Finances. Il rappelle que la France     nombre de contribuables inscrits en           - L’argent quand ça vient c’est bien.
a beaucoup évolué ces dernières an-         moins de quinze ans. Cela contribue           Alors ça ne pousse pas certains inter-
nées en créant la Haute autorité de         grandement à limiter l’enrichissement         médiaires à dénoncer la corruption.
la transparence dans la vie publique.       illégal de certains sur le dos de la          D’ailleurs, comment lutter contre cet
« L’attractivité n’est pas possible pour    communauté.                                   argent qui n’a pas d’odeur dans une
un pays ou une entreprise sans des                                                        structure souvent opaque ?
règles stables », a-t-il aussi défendu.     2- Aucune région libanaise ne reste
D’où l’intérêt pour un pays « d’avoir       réfractaire à l’impôt. En attendant de        - Pas de culture de la corruption. Ce
une armature administrative, fiscale et     collecter tout ce qu’il faut collecter, les   sont des acquis et des habitudes
gouvernementale saine ». Le numé-           régions les plus récalcitrantes com-          prises surtout quand la corruption est
rique est aussi un outil pour assainir      mencent à jouer le jeu.                       à tous les étages de façon invisible.
un certain nombre de pratiques.             3- Pour une fois, certaines mesures           - L’instrumentalisation de la lutte
Le rôle des lanceurs d’alerte a aussi       permettant de rendre les citoyens             contre la corruption pour éliminer la
été abordé. « Il faut faire attention à     égaux devant l’impôt ont été prises,          concurrence rend la sensibilisation
la frontière fine qui existe entre déla-    et on a soumis à l’impôt des activités        difficile. »
tion et alerte, entre dénonciation et vie   et des lobbies qui avaient réussi à           De son côté, Charles Duchaine, di-
privée surtout dans une démocratie »,       s’en soustraire très longtemps. Cela          recteur de l’Agence française anti-
prévient l’ancien ministre.                 a permis de limiter des pressions             corruption (Afa), a soutenu que l’édu-
                                            supplémentaires sur les gens qui              cation est le meilleur moyen de prise
Alain Bifani : Le grand chantier            respectent la loi.                            de conscience des nouvelles généra-
de la transparence fiscale a                4- Le grand chantier de la transpa-           tions. « Lutter contre la corruption se
réussi envers et contre tout                rence fiscale a réussi envers et contre       fait aussi à travers des valeurs qu’on
                                            tout. Nous avons gagné une bataille           inculque », a-t-il assuré. « La corrup-
« Parce qu’il ne suffit pas de dénoncer     féroce qui a permis au Liban d’échap-         tion a toujours existé et la sanction a
la corruption, c’est d’action dont nous     per aux listes noires du G20, de l’OC-        encore ses mérites, pas pour l’éra-
avons besoin », défend Alain Bifani,        DE et de l’Union européenne. Les lois         diquer mais pour l’amener à un seuil
directeur général du ministère des          et règlementations passées ouvrent la         raisonnable », a-t-il poursuivi. « Il faut
Finances. « Tant qu’on ne se soumet         voie à une plus grande transparence           surtout se poser la question suivante :
pas à la loi quelle qu’elle soit, com-      et à la lutte contre la corruption.           dans quel monde voulons-nous vivre ?
battre la corruption restera dans le                                                      Surtout dans un monde où l’argent a
meilleur des cas un exercice digne de       5- Nous avons également réussi à
                                            nous mettre au diapason de la légis-          été érigé comme seule valeur dans
Sisyphe », a-t-il expliqué. « Contrai-                                                    nos sociétés actuelles ». C’est pour-
rement à une idée reçue, la corrup-         lation relative à la lutte contre le blan-
                                            chiment d’argent et le financement du         quoi, l’expert a préconisé « une volon-
tion n’est pas confinée à la sphère                                                       té politique réelle et pérenne et d’éviter
publique. Elle trouve son équivalent        terrorisme.
                                                                                          la confusion entre pouvoir et argent ».
puissant et bien ancré dans le privé »,     6- Le pays entier est sensibilisé sur
a-t-il rappelé tout en reconnaissant        le sujet et les citoyens commencent           Constats et recommandations
que l’administration libanaise devait       à mesurer l’impact de la corrup-              Si les intervenants ont reconnu que la
être reformée et nettoyée des corrup-       tion sur leur vie quotidienne, et les         lutte contre la corruption est un travail
teurs. Mais il a refusé que l’on jette      responsables vont probablement                de longue haleine, ils ont aussi estimé
l’opprobre sur tous les fonctionnaires.     commencer à sentir le besoin d’agir           que le moment est propice car la prise
Pour le responsable, les premiers           contre ce fléau.»                             de conscience est internationale. Ils
signes sérieux de lutte contre la cor-      Prise de conscience                           ont assuré que la lutte ne doit pas être
ruption sera « le renforcement des lois                                                   en façade, il s’agit d’agir avant de par-
et de l’arsenal judiciaire ». Lorsqu’il     Pour Bruno Dalles, à la tête de Trac-         ler. Elle doit aussi être collective entre
verra cela se produire, il saura que le     fin, la cellule de renseignement an-          plusieurs pays et les sanctions glo-
processus est enclenché au Liban.           tiblanchiment de Bercy, la prise de           bales. Ils ont appelé à repenser une
Après avoir dressé un constat plutôt        conscience est difficile mais néces-          définition commune. Aussi la justice
noir, Alain Bifani a cependant reconnu      saire pour les raisons suivantes :            doit être indépendante, une condition
qu’il y a beaucoup de petites victoires     - « Pas de victime en matière de cor-         sinequanone.
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La loi des PPP, un outil de transparence                                                                       Marilyne Jallad

Pour Ziad Hayek, le secrétaire général du Haut Conseil de la Privatisation (HCP) et des
partenariats public-privé (PPP), la législation entrée en vigueur en septembre dernier est
capitale pour la relance de l’économie du pays.
À quoi va servir cette loi ?                 d’experts financiers est nécessaire.
Le premier objectif est la transparence.     C’est pourquoi, partout dans le monde,
Cinq éléments dans la loi l’assurent :       on a établi des unités spécialisées en
                                             PPP. Notre loi a elle aussi prévu d’éta-
1- Faire participer toutes les parties
                                             blir cette unité au sein du HCP.
prenantes à l’élaboration du cahier
des charges. Ce n’est donc plus l’af-        Le troisième objectif est de rassurer
faire exclusive d’une administration ou      le secteur privé. Ceci est effectué en
d’un ministère. Les documents sont           sauvegardant les droits du partenaire
distribués à tout le monde, il n’y a plus    privé, en ce sens la loi stipule que les
d’obscurité.                                 compagnies pré-qualifiées seraient
                                             consultées sur le cahier des charges
2- Consulter les compagnies pré-qua-
                                             et sur les contrats et auraient la possi-
lifiées sur le cahier des charges et le      bilité de faire appel à un arbitrage local
contrat de partenariat. Ceci permet de       ou international. Ainsi, elles participent
s’assurer que le document n’est pas          avec nous en partenariat pour exécu-
taillé sur mesure pour une compagnie         ter ce projet.                                Ziad Hayek.
au détriment d’une autre.
                                             Quel est le travail effectué en amont
3- Le contrat de partenariat doit faire                                                   pour chacun de ces projets. Ces
                                             depuis l’adoption de la loi en ce qui
partie du cahier des charges. Lors-                                                       consultants travaillent avec le comité
                                             concerne les projets et l’organisa-
qu’une compagnie participe à l’ap-                                                        du projet dans chaque cas pour l’ai-
                                             tion en interne ?
pel d’offres, elle connaît d’avance le                                                    der notamment à écrire le cahier des
                                             Nous avons dû nous organiser en in-          charges et gérer la transaction.
contrat à signer en cas de victoire.
                                             terne en travaillant sur des décrets
4- On ne peut pas adjudiquer le contrat                                                   Le premier est celui du Terminal 2 de
                                             expliquant comment on va travailler
s’il y a moins de trois offres. S’il n’y a                                                l’aéroport International Rafic Hariri.
                                             au sein du HCP. Nous avons soumis
que deux offres, on refait l’adjudication                                                 Nous venons de signer un contrat
                                             ces décrets au conseil d’État en février
avec l’accord du conseil des ministres.                                                   avec IFC (International Finance
                                             dernier. Puis en mars dernier, nous
Si l’on n’en reçoit qu’une, il n’est pas                                                  Corporation). Nous nous donnons 21
                                             avons organisé une conférence trai-
possible d’adjudiquer l’appel d’offres.                                                   mois pour terminer l’appel d’offres et
                                             tant des PPP au sein du Capital Invest-
Il faut recommencer tout le processus                                                     l’adjudiquer.
                                             ment Plan (CIP) du gouvernement, une
dès le début. Un processus long qui          étape préparatoire à la Conférence           Le deuxième est la route qui mène de
prend plus d’un an.                          économique pour le développement,            Khaldé à Nahr-Brahim. Pour réaliser ce
5- Une fois que l’adjudication a été         par les réformes et avec les entre-          projet, nous avons un contrat avec la
faite, la compagnie pré-qualifiée devra      prises (CEDRE) à laquelle nous avons         Banque européenne pour la recons-
présenter un rapport au gouvernement         participé. Enfin, nous venons de signer      truction et le développement (BERD).
tous les six mois pour prouver qu’elle       des contrats avec des conseillers qui        Le projet devrait prendre trois ans.
avance en adéquation avec le contrat.        vont nous aider à lancer des appels          Le troisième est la création d’un centre
Le deuxième objectif de la loi est de        d’offres.                                    de données, un « cloud » libanais qui
garantir le professionnalisme notam-         Le Haut conseil de la privatisation et       inclura tous les serveurs Internet. Pour
ment du gouvernement. Que ce soit au         des PPP a mandaté le Secrétariat gé-         ce projet qui doit prendre 14 mois,
Liban ou ailleurs, les ministères ont des    néral pour trois projets prioritaires.       nous avons signé avec KPMG et avec
experts en matière de secteur mais ils       Qu’en est-il ?                               la compagnie Solon.
n’en n’ont pas en matière de finance,        Oui, nous avons été mandatés par le          Avec ces équipes nous travaillerons
de structuration de financement et sur       HCP pour la mise en place de trois           jusqu’à la mise en place et le lance-
le plan légal. C’est là où l’expertise       projets. Nous avons signé des contrats       ment de l’appel d’offres. Les choses
d’avocats, de banquiers d’affaires et        avec des conseillers en appels d’offres      avancent, ce sont les premiers pas,
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tt
nous sommes confiants.                       ce long processus. Je suis bien sûr        des problèmes avec les PPP, notam-
Que peuvent apporter ces trois pro-          très content et j’espère qu’à l’avenir     ment par manque de transparence.
jets en termes d’emplois ?                   nous ne ferons plus que des projets
                                                                                        Ainsi, nous pourrons réaliser le rêve
Ils devraient générer environ 100 000        de PPP qui seront soumis à cette loi.
                                             Elle assure le succès des projets alors    que nous avons tous de voir une in-
opportunités d’emplois dans différents
secteurs d’ici cinq ans. Mais il est im-     qu’auparavant nous avions toujours         frastructure moderne au Liban.
portant de noter que ce sont des em-
plois qui ont une durée de vie limitée        Jacques Sarraf : Parler de lacunes avant
par projet et par mission.
Beaucoup estiment que CEDRE est
                                              l’application de la loi n’est pas sérieux
l’opportunité de la dernière chance           Longtemps président de l’Association des indus-
pour que le Liban évite la faillite.          triels, son doyen, l’homme d’affaires Jacques
Comment la loi des PPP rejoint CE-            Sarraf, estime que l’entrée en vigueur du parte-
DRE ?                                         nariat public-privé est « une opportunité pour le
CEDRE est effectivement une dernière          Liban de faire redémarrer l’économie nationale
opportunité pour le Liban pour assai-         sans alourdir le fardeau des finances publiques».             Jacques Sarraf.
nir sa situation économique, monétaire
                                              Quels sont les avantages de l’adoption de cette loi pour l’économie en
et fiscale et bien sûr relancer l’inves-
                                              général et l’industrie en particulier ?
tissement dans l’infrastructure. Or,
pour accomplir ces points, il faut deux       Nous avons une réelle opportunité de faire progresser notre économie sans
conditions sinequanone : la confiance,        alourdir le fardeau des finances publiques. Le partenariat entre les secteurs
c’est à dire une réduction drastique          public et privé est désormais à portée de main, après l’adoption d’une loi
de la corruption. On en revient donc          que l’on attendait depuis plus de dix ans. Elle est le moyen de parvenir à une
à la transparence. Secundo, il s’agit         reprise économique, de réduire le gaspillage et le déficit croissant.
d’adopter les bonnes pratiques, les           Je pense que la période post-élections parlementaires et les résultats obte-
bons projets et de travailler de manière      nus lors de CEDRE seront prometteurs. Je crois aussi que l’adoption de cette
professionnelle. C’est là où la loi des       loi a encouragé les pays participants à promettre au Liban de financer des
PPP rencontre CEDRE ainsi que nos             projets majeurs.
ambitions et espoirs, attentes et rêves       Nous attendons que le prochain gouvernement élabore un plan d’urbanisme
pour le Liban. Finalement, qu’attend le       financé et géré en partenariat avec le secteur privé, en particulier pour l’in-
citoyen de CEDRE ? Il souhaite avoir          frastructure qui doit être rénovée et développée dans les domaines de l’éner-
confiance en son gouvernement, qu’il          gie, de l’eau, des routes, des communications et des stations d’épuration.
ne soit pas corrompu et qu’il travaille       Ces projets représentent une priorité. La participation du secteur privé en-
de manière professionnelle.                   courage les résidents libanais et les expatriés à employer leurs investisse-
Certaines personnes mettent en                ments et leur potentiel humain dans la reconstruction de leur pays et de réa-
doute cette loi. Quelles sont les cri-        liser le miracle à nouveau.
tiques auxquelles vous souhaiteriez           Certaines voix se sont élevées pour dénoncer des failles dans cette
répondre ?                                    loi. Que répondez-vous ?
Nous avons entendu ici et là des cri-         Parler de lacunes dans la loi du partenariat avant même son application, c’est
tiques et des craintes, notamment que         manquer de sérieux ! La vérité c’est que le retard de son adoption a coûté des
le gouvernement allait tout donner au         milliards de dollars à l’économie nationale. Le partenariat permettra de mettre
secteur privé et aux plus riches. Or,         les capacités de financement et les compétences administratives du secteur
ces critiques ne sont fondées sur rien.       privé au service de l’État. Les PPP ce n’est donc pas seulement un partenariat
Certains n’ont même pas lu cette loi.         dans les bénéfices et les capitaux, mais aussi dans la prise de risque, ce qui le
Elles relèvent soit de l’idéologie soit de    distingue de la privatisation et des contrats de gestion dans le secteur de télé-
la peur. J’invite donc les Libanais à lire    phonie mobile. On peut affirmer que le PPP est un projet de réforme qui stimule
cette loi qui va les rassurer.                toutes les capacités et ne se limite pas à la mise en œuvre des infrastructures,
Durant des années, vous avez                  mais peut être étendu pour financer la reconstruction, la gestion et l’améliora-
œuvré en coulisses pour faire adop-           tion des services publics : écoles, hôpitaux, lignes de transports, ports, etc.
ter ce texte. Êtes-vous satisfait ?           Il s’agit d’un nouveau concept de gestion des affaires de l’État et d’élargisse-
Depuis 2006, date à laquelle j’ai pris        ment de la taille de l’économie, que nous devons utiliser pour assurer notre
mes fonctions au HCP, je travaille sur        stabilité, atteindre la croissance souhaitée et réduire la dette publique.
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