Enquête autour de la reproduction ovine : 3 CIA s'unissent.

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Enquête autour de la reproduction ovine : 3 CIA s'unissent.
Enquête autour de la reproduction ovine : 3 CIA s’unissent.
               Jean-Marc ARRANZ (GIS id64 Ord iarp), Sandrine FRERET et A lice FATET (INRA de Nou zilly)

Les enquêtes menées en 2007-2008 dans près de 100 élevages ovins de 3 CIA
du Pays-Basque (français et espagnol) ont montré l’importance du sanitaire
et de l’alimentation sur les résultats de reproduction. Mais la réussite à l’IA
dépend aussi d’autres facteurs comme le choix des brebis, le respect des
dates d’IA/mise bas…

                            Comprendre pour améliore r les résultats d’IA

Dans les élevages ovins laitiers, l’insémination          Plusieurs hypothèses ont été formulées sur le
animale (IA) est un outil technique indispensable         « terrain », invoquant des facteurs sanitaires
pour la création et la diffusion du progrès génétique     (pathologies abortives) en particulier pour les
(Fatet et al., 2008), et ce, malgré des contraintes       troupeaux regroupés en estive. Un autre débat s’est
propres à l’espèce : nécessité de synchroniser les        cristallisé sur les aspects alimentaires : sur le rôle
chaleurs, utilisation de semence fraîche, coût relatif    possible du coumestrol des luzernes, sur
des actes élevé. Au niveau national, le tau x de          l’incorporation de plus en plus fréquente des rations
fertilité moyen en brebis laitières est d’environ 64.6    sèches (type unifeed ou mash), sur l’impact de la
% en 2008 (Raoul et Lagriffoul, 2009), mais ce            transhumance, sur l’opposition entre stratégies de
niveau peut varier d’une région à l’autre, voire          traite et de reproduction.
d’une race à l’autre.
Les centres d’IA (CIA) d’Ordiarp (France,                 L’objectif de cette étude, à l’instar des travaux
Pyrénées Atlantiques : FR), d’Osko z (Espagne,            menés en élevages bovins laitiers, est d’étudier les
Navarre : NA) et d’Arkaute (Espagne, communauté           facteurs de variation de la réussite à l’IA ovine liés
Autonome d’Euskadi : CAE), qui interviennent sur          à la conduite des troupeaux et de quantifier
les mêmes races ovines, sont confrontés à des             l’importance des échecs de gestation (mortalités
situations d’élevage contraignantes (transhumance,        embryonnaires et foetales, avortements). Le niveau
déficits alimentaires saisonniers, risques sanitaires     de pertes embryonnaires et foetales et la variabilité
liés aux fortes densités et aux regroupements de          de ces pertes restent peu connus en ovins, alors
troupeaux) et présentent des résultats d’IA               qu’ils ont été bien décrits et analysés ces dernières
inférieurs à la moyenne nationale. Ces CIA se sont        années chez la vache. Il s’agit en particulier de
associés pour mieu x connaître les facteurs de            pouvoir apprécier leur impact dans les situations
variation de la réussite à l’IA et améliorer leurs        d’élevages « rustiques », au sein desquels les
résultats.                                                risques sont considérés comme élevés.
Dans les Pyrénées Atlantiques, après plusieurs            Ce travail débouche, très concrètement, sur un
années de résultats stables, une baisse de la fertilité   renouvellement et un enrichissement du conseil en
moyenne à l’IA a été observée en 2003 et 2004             élevage, sur une améliorat ion et une plus grande
(Figure 1).                                               maîtrise de la conduite de la reproduction.
Enquête autour de la reproduction ovine : 3 CIA s'unissent.
Figure 1 : Les résultats du centre d’insémination d’Ordiarp (Pyrénées Atlantiques) depuis sa création (94
000 IA en 2007, 88 000 IA en 2008)

                                 Evolution de la fertilité et prolificité à l'IA
                                            entre 1975 et 2008
                   70                                                                 170
                                                                              58,8    165
                   60
                                                                                      160
                   50                                                         155     155
                   40                                                                 150
                                                                                      145
                   30
                                                                                      140
                   20                             fertilité     prolificité           135
                   10                                                                 130
                        1975 1978 1981 1984 1987 1990 1993 1996 1999 2002 2005 2008

 Un dispositif de collaboration transfrontalier, pour une approche identique dans les 3
                      CIA et une valorisation collective des travaux

                                                              (MTR), Manech Tête Noire (MTN, rameau
Les Pyrénées sont une région traditionnelle                   français).
d’élevage ovin : allaitant sur la partie centrale et          Le CIA d’Arkaute (Vitória) est rattaché à la
orientale, laitier sur la partie occidentale. Cette           « granja model d’Arkaute », domaine regroupant
opposition lait/viande s’observe autant sur le                diverses activités de recherche-développement et de
versant français que sur le versant espagnol. Les             formation. Un CIA spécifique est dédié au x races
bassins laitiers français et espagnols des Pyrénées           ovines laitières locales : Lat xa Cara Rubia (LCR,
occidentales ont de nombreux points communs                   7200 IA), Lat xa Cara Negra (LCN, rameau
(races, produits) en raison de leur histoire. Les             régional) (11.000 IA), et la Caran zana (500 IA).
structures techniques se sont développées                     Le CIA d’Oskoz (http://www.itgganadero.com) est
parallèlement ; des liens et des échanges se sont             un centre co-géré par les associations d’éleveurs
noués entre ces structures techniques, en particulier         (ASLANA pour les producteurs ovins laitiers en
autour des activités de sélection et d’insémination           races locales) et l’Institut technique navarrais
surtout à partir de 1990. La permanence des ces               (ITGG : Instituto Tecnico de Gestion y Ganaderia).
échanges a permis de trouver rapidement une                   C’est un centre multi-espèces (ovins lait et viande,
convergence des préoccupations techniques et la               porcins, équins, lapins). Les IA ovines laitières
capacité à travailler autour d’un projet commun.              portent sur les races locales (LCR : 5.000 IA ; LCN
Le CIA d’Ord iarp (Figure 2), spécialisé sur les              rameau navarrais : 7.000 IA), et dans une moindre
ovins, réalise aujourd’hui entre 85 et 95.000 IA par          mesure en race Lacaune.
an, dont les ¾ en races ovines laitières locales :
Basco-Béarnaise (BB), Manech Tête Rousse

Figure 2 : Localisation des 3 centres d’insémination et des élevages participant à l’étude
(1 losange=1 élevage ; MTR/LCR : rouge ; MTN/LCN : noir,BB & Caranzana : bleu, le trait rouge délimite la
zone montagne)
données de mises-bas ont été recueillies dans le
          Des enquêtes en élevage                      cadre des contrôles de performance, la p lupart des
(ali mentation, reproduction et sanitaire) et des       élevages étant inscrits au contrôle laitier officiel. La
données à l’animal                                      date de mise bas permet de savoir si la brebis a mis
                                                        bas sur IA, sur retours voire p lus tardivement, ou
          Les protocoles de travail ont été définis     est restée vide durant toute la campagne.
conjointement, les enquêtes ont été menées à partir               Nous avons retenu, pour chaque lot (ou
de trames communes et les bases de données sur les      sous-lot) d’IA, 3 critères d’appréciation de l’issue
individus (brebis, mâles d’insémination) ont été        de l’insémination (Figure 3) :
harmonisées.                                                 -    le tau x de gestation à 28 jours,
Les données mises en commun sont partagées et                -    le tau x de mises bas sur IA,
permettent une description et analyse des pratiques          -    l’écart entre les tau x précédents, appelé
au niveau régional (Arran z et al., 2008). Les                    « pertes »
enquêtes et les suivis ont été menés durant 2
campagnes d’inséminations consécutives:                 Figure 3 : Protocole de suivi de gestation
     - Une enquête à grande échelle en 2007 : 99
     lots d’IA (9810 brebis) ont été sélectionnés
     dans 75 élevages commerciau x représentatifs
     de la diversité des systèmes d’élevages, avec
     des résultats d’IA répétables et contrastés. Les
     IA ont été réalisées entre le 21/05/2007 et le
     30/ 08/ 2007.
     - Une enquête complémentaire plus réduite en
     2008, recentrée sur des élevages « contrastés »,
     et permettant de recueillir des informations
     complémentaires : 20 lots d’IA (2206 brebis)
     issus de 20 élevages. Les IA ont été réalisées
     entre le 15/ 05/ 2008 et le 08/ 08/ 2008.
                                                                  Un sui vi de l’état corporel des brebis
    Les enquêtes ont porté sur l’alimentation, la
conduite au mo ment de la reproduction et en début      En élevages ovins, les techniciens utilisent
de gestation, les conditions de réalisation des IA,     généralement pour la notation de l’état corporel une
les pathologies rencontrées et les conduites            grille issue de la grille Russel, sur une échelle de
sanitaires.                                             notation de 0 (ou 1) à 5. Toutefois, les niveaux
Le suivi individuel repose sur des informations         d’appréciation peuvent varier entre techniciens ou
produites en routine : informations généalogiques       régions, en particulier en fonction des
des femelles, données du contrôle laitier,              conformat ions (vertèbres plus ou moins saillantes)
caractéristiques de reproduction de l’année             et des modes de dépôt du gras dorsal propres à
précédente et de la campagne en cours, fiches d’IA,     chaque race.
données sur les doses de semence utilisées.             Dans nos suivis d’élevage, nous avons effectué des
                                                        notations individuelles sur environ 5300 breb is à 2
                                                        mo ments :
         Une évaluation des échecs de
                                                              -   au mo ment de la pose des éponges (soit 2
gestation
                                                                  semaines avant l’IA)
                                                              -   au mo ment de la prise de sang pour le
         Pour mesurer ces interruptions, il faut
                                                                  constat de gestation (soit 4 semaines après
détecter le plus tôt possible l’état gestatif des
                                                                  l’IA).
femelles. Nous avons utilisé le dosage dans le
sérum sanguin d’une protéine spécifique de la
                                                        Pour étudier l’effet des niveaux de réserves
gestation,    la    PA G     (Pregnancy-Associated
                                                        corporelles et de leurs variat ions, nous avons
Glycoprotein, El A miri et al., 2007), qui peut être
                                                        calculé :
détectée avec certitude dès le 25ème jour après
                                                            -     une note d’état corporel (NEC) au mo ment
fécondation. Ce dosage doit aussi intervenir moins
                                                                  de l’IA (par interpolation, ce qui permet de
de 35 jours après l’IA si on ne veut pas risquer de
                                                                  tenir co mpte des 2 notations),
détecter une gestation sur le premier retour (les
                                                            -     la variation journalière de NEC entre les 2
béliers étant alors présents dans les troupeaux).
                                                                  interventions.
11250 constats de gestation précoces ont ainsi été
réalisés dans 72 troupeaux en 2007 et 20 troupeaux
en 2008. Des échographies ont aussi été réalisées
durant le 3ème mois de gestation présumé. Les
Des résultats et des pistes d’amélioration de la réussite à l’IA
                                                                                           perceptibles par les éleveurs         et   les   causes
                            Interruptions de gestation                                    difficilement indentifiab les.

En moyenne, ces pertes se sont élevées à 5.2 points.                                                 Importance du choi x des brebis à
Elles ont été un peu plus importantes en 2008 (8.9                                         inséminer
points vs 5.2 points en 2007), cette augmentation
pourrait être reliée à l’ép isode de fièvre catarrhale                                     Les facteurs individuels (âge, stade physiologique,
(et/ou à l’impact de la vaccination autour de la                                           production laitière, mode de reproduction de
période de lutte). Ces pertes ont aussi été plus                                           l’année précédente, protocole de synchronisation
importantes en LCR/MTR (- 7,8 points) que sur les                                          des chaleurs, caractéristiques de la semence et des
brebis LCN/MTN (- 4,6 points) et BB (- 3,7 points).                                        béliers utilisés) ont été étudiés par région et par
                                                                                           race. Les traitements statistiques simples ou plus
                                                                                           complexes (modèles mult ivariés) ont porté sur les 2
Si on raisonne sur l’ensemble des lots d’IA (Figure                                        races dominantes (LCR/MTR et LCN/MTN).
4) :                                                                                       Au delà des effets race et région, qui renvoient à
     -   62 % ont perdu entre 0 et 7 points,                                               des systèmes d’élevage, des conduites de troupeaux
     -   24 % entre 7 et 14 points,                                                        mais aussi à une mise en œuvre d ifférente de
     -   13 % ont perdu plus de 14 points                                                  l’insémination, nous avons retrouvé des facteurs de
                                                                                           variation classiques du taux de mise bas après IA
Figure 4 : Taux de mise-bas en fonction du taux de                                         (Figure 5) : intervalle entre mise-bas précédente et
gestation à 28 jours et classes de pertes en cours de                                      IA, mode de reproduction de l’année précédente,
gestation (2007 & 2008)                                                                    niveau laitier au mo ment de la mise à la
                                                                                           reproduction, âge des brebis (David, 2008 ; David
                                                                            Pertes         et al., 2008).
                 90
                                                                               0- 7 pts    Si on considère les pertes durant la gestation, elles
                                                                               7-1 4 pts
                                                                                           sont plus élevées sur les brebis jeunes, ainsi que sur
                 80
                                                                                           les brebis à mises bas tardives.
                                                                               >14 pts
 Taux de MB IA

                 70
                                                                                           Concernant les conditions d’IA, le fait que les
                                                                                           brebis soient inséminées en salle de traite ou à
                 60
                                                                                           l’attache en bergerie n’a pas eu d’incidence sur la
                 50
                                                                                           fertilité. La prise en compte des températures le
                                                                  Lo ts                    jour de l’IA n’a fait pas apparaître d’effet dépressif
                                                           ◙ ma nech la txa tê te roug e   des températures les plus élevées : 5 des 7 lots
                 40                                        ◙ma nech la txa tê te noire
                                                                                           inséminés avec une température extérieure
                 30
                                                                                           supérieure à 28° ont de très bons résultats (mais
                      30     40        50     60      70        80        90               2007 a été une année sans journée
                                  Taux de gestation à 28 jou rs                            « caniculaire » !). L’estimation du niveau
                                                                                           d’agitation est presque toujours satisfaisant, ce
On peut considérer que des pertes supérieures à 14                                         critère n ’a pas pu être mis en relat ion avec les
points sont symptomatiques d’un épisode infectieux                                         résultats de reproduction.
important (en général perçu par les éleveurs) et/ou
d’un problème de conduite majeur (stress,
transhumance). Dans le cas des troupeaux avec des
pertes entre 7 et 14 points, les pertes sont moins
Figure 5a,b,c,d : Taux de gestation à 28 jours et taux de mise bas en fonction de l’âge des brebis, de l’intervalle mise-bas
précédente - IA, du mode de reproduction lors de la campagne précédente(MB sur IA ou sur retour d’IA ou après lutte
naturelle) et du niveau de production laitière au dernier contrôle.

                                                                           - les boiteries touchent 60% à 64% des
En prati que : constituer un lot d’insémination est               élevages.
une étape importante qui permet d’accroître les                            - la fréquence d’observation des toxémies
chances de réussite à l’IA, en écartant les brebis                de gestation est plus réduite, mais peut concerner
âgées, celles qui ont des échecs de gestation, celles             une majorité d’élevages.
qui ont mis bas très tardivement. En ce qui                       Les autres pathologies évoquées dans l’enquête
concerne les jeunes, il s’agit plus d’un problème de              concernent moins d’un tiers des élevages :
pertes embryonnaires que d’échec lors de                          pathologies       des        agneaux       (coccid iose,
l’insémination :    une       conduite     appropriée             cryptosporidiose),        listérioses,       problèmes
(alimentation, limitation du stress, suivi sanitaire)             respiratoires (pasteurelloses), diarrhées.
peut limiter ces pertes et donc permettre d’obtenir
des résultats comparables au x breb is adultes.                   Ainsi, les problèmes abortifs restent, avec les
                                                                  mammites, des pathologies dominantes au sein des
           Sanitaire : un risque toujours                        troupeaux enquêtés : ils peuvent, à des degrés
présent                                                           divers, contribuer à perturber la reproduction.

La description des pathologies fait ressortir 3 à 4               Les stratégies de traitements antiparasitaires et de
pathologies dominantes :                                          vaccination ont également été répertoriées.
         - des mammi tes dans 60 à 100% des                       Parmi les vaccins, seul le vaccin contre
troupeaux selon les régions (9 à 20 cas dans les                  l’entéroto xémie est mis en œuvre dans la plupart
troupeaux déclarants)                                             des troupeaux sur l’ensemble des catégories de
         - des avortements relevés par 67% à 82%                  femelles (du fait des conséquences économiques
des éleveurs selon les régions. Pour près de 10%                  d’une non-vaccination). Pour les autres maladies,
des élevages, le no mbre d’avortements est supérieur              seuls les élevages de Navarre ont recours de
à 30, il est compris entre 10 et 30 pour 30% des                  man ière assez fréquente à la vaccination contre la
troupeaux.                                                        salmonellose et la chlamydiose. Pour les deux
autres régions, les           vaccins    (chlamydiose,
salmonellose, toxoplas mose, fièvre Q, Border                      Il n ’y a pas eu de lien direct observé avec les
disease, ecthyma contagieux, p iétin... ) sont utilisés            résultats d’IA ou les pertes emb ryonnaires : 15 %
marginalement : mo ins d’un troupeau sur 10 (d ’où                 des éleveurs ont eu recours à un traitement
un risque réel notamment vis-à-vis des malad ies                   antiparasitaire proche du mo ment de l’IA, mais sans
abortives).                                                        incidence visible sur le résultat de l’IA. La
         En ce qui concerne les traitements                        fréquence des traitements antiparasitaire ou le
antiparasitaires, on relève une grande diversité de                nombre de vaccins réalisés n’ont pas eu d’effet
fréquence et de modalités de traitements. Le                       mesurable sur les résultats de reproduction. Plus
nombre moyen de traitements sur adultes se situe en                paradoxalement, si on considère les 11 lots ayant eu
moyenne entre 2.4 et 3.3 selon la région, entre 1.9                des pertes supérieures à 10 points, 6 sont issus
et 3.1 sur agnelles, mais avec une relative diversité              d’élevages n’ayant pas indiqué d’avortements la ou
entre élevage (de 0 à 7), ainsi que pour les périodes              les 2 années précédentes. Inversement, de forts
de soin. Ainsi, les traitements en Espagne sont                    épisodes abortifs l’année précédente n’entraînent
réalisés principalement en été et à l’automne, alors               pas systématiquement un niveau de pertes supérieur
que ceux-ci sont beaucoup plus étalés en France.                   l’année qui suit.
45% des éleveurs des 3 régions confondues ont eu
recours à un traitement à base de mo lécules de la                 En résumé : Il subsiste un « bruit de fond » de
famille des avermectines (Dectomax®, Ivo mec®                      pathologies diverses, en particulier de type abortif,
pour les plus utilisés) en été ou à l’automne.                     qui montre que le risque d’apparition d’épisodes
         Les différentes stratégies s’exp liquent par              graves est réel, permanent, et difficile à contrôler.
les restrictions d’utilisation des différentes                     Ce risque est peu prévisible, mais on arrive
mo lécules en période de production : ainsi en                     généralement à relier, a posteriori, les forts niveaux
France, ne sont utilisables en période de traite que               de pertes (supérieurs à 10 points) avec un épisode
les produits à base de benzimidazoles (type                        infectieu x ou abortif.
Panacur®), alo rs qu’en Espagne toutes les
mo lécules sont interdites en période de traite.

 Variati on d’état corporel au moment de l’IA
                                                                   En moyenne, les notes d’état corporel ont eu
Figure 6 : Variations moyennes de NEC par lot entre les            tendance à baisser durant la période de lutte (63%
2 notations :                                                      des lots présentent une baisse ; Figure 6) : les
                                                                   mauvaises conditions climat iques (temps très
                                                                   pluvieu x) et la qualité des fourrages ou de l’herbe
               4              Augmentation                         disponibles peuvent expliquer, au mo ins pour le
                              de la NEC                            versant français, cette baisse des NEC.
              3,5
                                                                   Les NEC dépendent du stade physiologique et de la
  NEC + 28j

                                               D iminution         production laitière :
                                               de la N EC              -   plus les brebis ont mis bas tardivement,
               3

                                                             CAE
                                                                           plus elles sont maigres,
                                                             Fr
                                                                       -   plus elles produisent de lait au dernier
              2,5                                            Nav           contrôle (proche de l’IA), plus elles
                                                                           présentent des notes faibles.

               2                                                            Si on s’intéresse aux résultats moyens par
                    2   2,5       3          3,5        4
                                 NEC - 15j
                                                                   lot, on observe des résultats et des tendances
                                                                   différentes d’une région à l’autre.(Figure 7).
Figures 7 a,b : Taux de gestation à 28jours en fonction des variations moyennes de NEC par lot d’IA et en fonction
de la NEC moyenne du lot d’IA (1 point = 1 lot d’IA)

                                       85                 CAE      Fr           Nav
                                                                                          85
                                       80
                                                                                          80
                                       75
                                                                                          75
                                                                                                                                 tendance CAE
                                       70                       tendance CAE              70
                                       65                                                                                        tendance Nav
                                                                                          65
                                       60
                                                                tendance Nav                                                                     CAE
                                                                                          60
                                       55
                                                                                          55                                                     Fr
                                       50                       tendance Fr
                                                                                          50
                                                                                                                                                 Nav
                                       45
                                                                                          45                                     tendance Fr
                                       40
                                                                                          40
                                       35
             -0,015   -0,01   -0,005        0     0,005     0,01        0,015             35
                                                                                               2    2,5      3             3,5     4           4,5
                                 Va riation de la NEC                                                            NEC lot

         Sur les lots de la région FR, les taux de gestation tendent à être plus élevés sur les lots présentant les
NEC les plus faibles, ainsi que sur des lots qui ont subi une diminution de leur NEC moyenne pendant la lutte.
Cette tendance est inverse en CAE, et interméd iaire en Navarre.

          Si on considère l’ensemble des brebis indépendamment des élevages/lots d’IA, on observe globalement
de meilleurs taux de gestation pour les brebis ayant des NEC stables, mais des taux de mises bas légèrement
supérieur pour les brebis dont la NEC a augmenté (Figure 8). Si on considère la NEC estimée au mo ment de
l’IA, les taux de fertilité moyens sont plus élevés pour les brebis en bon état (classes autour de la note 3 et 3,5).

          Figure 8 a,b : Taux de gestation à 28 jours et taux de mise bas moyens par classe de variation des NEC et par
classe de NEC

   Mais des situati ons qui diffèrent d’une région                                    brebis peut, lui, résulter d’une difficu lté à ajuster le
à l’autre.                                                                            rationnement, et d’une suralimentation prolongée
   Si ces tendances sont globalement concordantes                                     tout au long de la lactation. A contrario, dans les
avec les connaissances bibliographiques, nous                                         élevages de CAE, qui sont beaucoup plus
avons pu observer des situations contrastées d’une                                    dépendants de la ressource en herbe et de sa qualité
zone à l’autre. C’est ainsi que de très bons résultats                                et où les NEC sont en moyenne plus faibles, on
d’IA sur des troupeaux « maigres » dans la région                                     observe très nettement un effet favorable de
FR nous incitent à moduler les conclusions                                            l’amélioration de l’état corporel.
précédentes. Dans certains élevages, le maintien du
troupeau avec des réserves corporelles limitées
relève d’un choix parfaitement maît risé, le
rationnement étant alors ajusté pour maintenir la
production de lait. L’engraissement excessif des
 Alimentati on : nature des aliments,           Pour la pâture, nous avons affecté une même valeur
ni veaux d’apports et changements                                  « moyenne » à toutes les pâtures. Il n’est guère
                                                                   possible d’être plus précis, tant les sources de
          Pour ce qui concerne l’alimentation,                     variations (type de végétation, hétérogénéité des
l’enquête est centrée sur la période de lutte, avec 5              milieu x, âge des plantes) sont nombreuses et
mo ments d’enregistrements de la ration apportée :                 difficiles à appréhender.
15 j avant IA, le jour de l’IA , 15 j après IA, 28 j               Au-delà de la variabilité entre élevages, on constate
après, IA et 3 mois après IA. Sont notées la nature                que les pratiques diffèrent profondément d’une
des     aliments    offerts   et leurs quantités.                  région à l’autre (Figure 9). Malgré des niveaux
L’appréciation des apports alimentaires, en fin de                 d’apport de concentrés équivalents (300 à 400 g en
printemps ou en été est difficile à réaliser du fait de            moyenne), on constate des niveaux de fourrages
la part importante du pâturage : si on peut assez                  apportés en bergerie très différents, avec des
facilement relever les quantités d’aliments apportés               apports faibles ou nuls en CAE (troupeaux souvent
en bergerie ou à l’auge (fourrages et concentrés),                 en montagne), et au contraire très élevés en FR
l’appréciat ion de la pâture, surtout en montagne,                 (apport en bergerie proche de1 kg de MS par jour).
n’est guère réalisable par enquête. Toutefois, en
situation de durée de pâturage réduite, comme c’est                Concernant les changements de régime alimentaire,
le cas en France, nous avons pris l’habitude de nous               le lien est fréquent avec le tarissement et/ou le
baser sur le temps d’accès à l’herbe, en corrigeant,               départ en montagne, celui-ci est plus précoce en
le cas échéant, en fonction de la disponibilité ou la              CA E que dans les autres régions.
qualité..                                                          Les niveau x d’apports calculés en FR, sur la base
La transhumance est décrite à partir des dates de                  des estimations d’herbe, se situent en moyenne à
mouvement. Les valeurs alimentaires des différents                 1.5 UFL et 180g de PDI, pour un niveau lait ier
types d’aliments sont estimées en se référant aux                  avoisinant 0.5 l/jour au mo ment de l’IA : ces
tables INRA et au x références locales, exp rimées en              niveaux couvrent largement les besoins, voire
unités     françaises (UFL,       PDI) et unités                   dépassent les recommandations à cette période.
internationales (fib res brutes, matières azotées).

Figure 9 a, b : Apports alimentaires (en kg MSI/j) en fonction du moment d’observation par rapport à l’IA et selon la région
et Apports alimentaires calculés pour la région Fr (en UFL et PDI par j et par brebis)

           1,00                                       Fr berg       2, 00                                                 190
                                                      Fr co nc
                                                                    1, 90                                                 180
                                                      C AE berg
                                                                                                      UFL
           0,80                                                     1, 80
                                                                                                      PDIN                170
                                                      C AE co nc
                                                                            UFL/j

                                                                    1, 70                             PDIE
                                                                                                                 PDI /j
                                                                                                                          160
           0,60                                       N av berg
                                                                    1, 60
 Kg MS/j

                                                      N av conc                                                           150
                                                                    1, 50
                                                                                                                          140
           0,40                                                     1, 40
                                                                                                                          130
                                                                    1, 30
           0,20                                                     1, 20                                                 120

                                                                    1, 10                                                 110

           0,00                                                     1, 00                                                 100
                   IA-15    IA    IA+15   IA+30   IA+90                     IA-15 IA-15 IA+15 IA+30           IA+90

                                                                   distribuées au moment de l’IA sont modérées (0,1 à
De man ière générale, pour les troupeaux non                       0,5 kg/j), et les pertes embryonnaires sont
transhumants ou transhumant très tard,                             également les plus faibles pour les lots recevant des
l’alimentation est maîtrisée, et les niveaux d’apport              quantités de concentrés modérées 15 j après l’IA.
directement contrôlable dans le tank à lait.                       Pour les fourrages distribués, il n’y a pas d’effet
Ainsi, en région FR, avec une appréciation précise                 notable sur la fertilité, mais les pertes tendent à être
possible de l’herbe, on observe en général une                     plus faibles quand les quantités apportées au
grande stabilité des apports durant la période de                  mo ment de l’IA ou 15 jours après sont supérieures
lutte (entre -15 et +15j par rapport à l’IA).                      à 500 g/j. Les effets du niveau de MS totale ingérée
                                                                   et la part de pâturage aux différentes périodes n’ont
Les effets sur la reproduction sont difficiles à                   pas d’effet significatif sur la fertilité, bien que l’on
apprécier.                                                         observe une corrélation positive entre la fertilité et
Les meilleurs résultats de fertilité à 28 j (PA G) sont            les apports totaux d ’énergie 15 j avant et au
observés lorsque les quantités de concentrés                       mo ment de l’IA.
La consommat ion de lu zerne (bouchons, foin) n’a
pas eu d’effet significatif. Mais de meilleurs                                                             Dates d’IA et de tarissement
résultats sont observés lorsque les éleveurs utilisent                                           Les lots d’IA sont réalisés majoritairement sur 2
des bouchons (luzerne ou pulpes de betterave). Les                                               époques :
variations de niveau d’apport de MS ou d’énergie                                                          - fin mai - juin
entre le jour de l’IA et 15 ou 30 jours après l’IA (>                                                     - en août pour une partie des troupeaux
-10 % vs
Conclusion

          Durant ces 3 dernières décennies, l’élevage ovin laitier, y compris dans les zones difficiles telles que les
Pyrénées, a profondément évolué tant au niveau des animau x (accroissement des productions laitières et des
durée de traite) que des conduites de troupeaux (alimentation, sanitaire, gestion de l’espace) qui s’intensifient
tout en maintenant des aspects traditionnels.
          L’insémination est une technique nécessaire, tant pour la mise en œuvre des programmes de sélection
collectifs que pour la maîtrise de la reproduction, mais son coût étant relativement élevé (en regard de la
production d’une brebis), elle ne peut être attractive que si la fert ilité après IA est satisfaisante.
          L’étude menée a permis de redéfinir les facteurs de variation de la réussite à l’IA, et d’enrichir notre
compréhension en abordant de nouveaux aspects telles que les pertes embryonnaires et fœtales durant la
gestation.

Ces résultats sont issus d’une étude associant des équipes de chercheurs, des techniciens et vétérinaires des 3 centres
d’insémination :
Freret S. , Fatet A. , Druart X. , INRA, UMR Physiologie de la Reproduction et des Comportements, 37370 Nouzilly
Fidelle F., Arranz JM, C. Vial Novella, H. Isasa, CDEO 64130 Ordiarp (www.gis-id64.com)
Beckers J.F., Sulon J. , Sousa N.M. , Université de Liège (Belgique)
Bodin L. , David I. , INRA, UR Amélioration Génétique des Animaux, 31320 Castanet Tolosan
Lagriffoul G. , Comité National Brebis Laitières et Association Nationale Insémination Ovine, 31320 Castanet Tolosan
Beltran De Heredia I. , Sasieta L. , Arrese F. , Neiker Arkaute (Communauté autonome du Pays Basque)
Maetzu Sardina F. , Puy Lana Soto M. , Lasarte M. ITGG et ASLANA, Pamplona (Navarre)
Ces travaux ont été menés, pour la partie française, avec le concours du Conseil Régional d’Aquitaine et des fonds de
coopération transfrontaliers.

                                                        Références
Arranz, J.M., Freret, S ., Fidelle, F., Fatet, A., Druart, X., Beckers, J.F., Sulon, J., S ousa, N.M., Bodin, L., David, I.,
Lagriffoul, G., Beltran De Heredia, I., S asieta, L., Arrese, F., Maeztu S ardina, F., Lana S oto, M.P., Lasarte, M., 2008.
Réussite à l’insémination en élevages ovins laitiers pyrénéens : facteurs de variation liés aux conduites de troupeaux. 15èmes
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Raoul J., Lagriffoul G., 2009. Compte rendu annuel de l’insémination artificielle ovine 2008, Institut de l’élevage, 32p
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