ENSEIGNER LES LANGUES ÉTRANGÈRES DÈS L'ÉCOLE MATERNELLE
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IUFM Gaëlle CALLEWAERT Académie de Bourgogne N°dossier: 0402776A Site d'Auxerre ENSEIGNER LES LANGUES ÉTRANGÈRES DÈS L'ÉCOLE MATERNELLE Concours de recrutement : Directrice de mémoire: Professeur des écoles Mme Sylvie GERMAIN Année 2006
SOMMAIRE INTRODUCTION............................................................................. 3 PREMIERE PARTIE......................................................................... 5 I.L’enseignement des langues vivantes à l’école primaire.......... 5 1.Les dispositifs institutionnels................................................................. 5 A.Bref historique : alternance entre sensibilisation et apprentissage.......... 5 B.Depuis 2002 : un apprentissage obligatoire........................................ 6 2.Etats des lieux........................................................................................ 7 A.Les langues vivantes en Europe........................................................ 7 B.Le niveau des Français.................................................................... 7 C.Les attentes et craintes des familles.................................................. 8 II.Introduire les langues étrangères dès l’école maternelle : pourquoi ?................................................................................ 10 1.Un âge propice….................................................................................. 10 A.Capacités de discrimination et de reproduction des schémas phonologiques................................................................................. 10 B.Capacités d’imitation et de prise de parole........................................ 11 2.Une meilleure maîtrise de la langue..................................................... 12 DEUXIEME PARTIE....................................................................... 14 I.Le cycle des approfondissements........................................... 14 1.Présentation des séances..................................................................... 14 2.Analyse des séances.............................................................................17 II.Le cycle des apprentissages fondamentaux.......................... 21 1.Présentation des séances..................................................................... 21 1
2.Analyse des séances.............................................................................23 III.Le cycle des apprentissages premiers................................. 26 1.Présentation des séances..................................................................... 26 2.Analyse des séances.............................................................................28 TROISIEME PARTIE...................................................................... 30 I.Les caractéristiques des activités........................................... 30 1.Des activités de communication........................................................... 30 2.Des activités sensori-motrices..............................................................30 3.Des activités ludiques...........................................................................31 II.Le rôle de l’enseignant......................................................... 33 1.Une maîtrise de la langue étudiée........................................................ 33 2.Un « bain de langue ».......................................................................... 33 3.Des conditions de travail favorables..................................................... 34 4.Une valorisation de la prise de parole.................................................. 35 III.L’école maternelle............................................................... 35 1.L’importance du jeu..............................................................................35 2.Des activités régulières........................................................................ 36 CONCLUSION............................................................................... 37 BIBLIOGRAPHIE.......................................................................... 39 ANNEXES..................................................................................... 40 2
INTRODUCTION Depuis 2002, les langues vivantes étrangères représentent une discipline à part entière: elles ont trouvé leur place dans les emplois du temps de l'école élémentaire, au même titre que les autres domaines d'apprentissages. Les nouveaux programmes exposent clairement les compétences (principalement communicationnelles) que les élèves doivent acquérir au cycle des approfondissements. Cependant, en ce qui concerne la méthode à utiliser par les enseignants, les réponses ne sont pas aussi explicites. Avant ma formation, je m'interrogeais déjà sur la qualité de l'enseignement que j'avais moi-même reçu: durant ma scolarité, j'avais un bon niveau à l'écrit. Cependant, lors d'un séjour à l'étranger, j'ai eu de nombreuses difficultés à la fois pour comprendre et m'exprimer dans la langue. Je me suis alors demandé quel enseignement permettrait à des élèves de savoir communiquer dans une langue étrangère. J'étais convaincue qu'il était inutile, voire pernicieux de proposer cet enseignement dès l'école maternelle, d'autres apprentissages comme la maîtrise de la langue française étant prioritaires. Je pensais alors qu'il fallait envisager un changement dans la manière d'enseigner au collège. L'expérience vécue au sein d'une classe de CM1 durant mon stage de pratique accompagnée m'a permis de faire évoluer mon questionnement: quelles sont les raisons qui poussent à généraliser l'enseignement des langues vivantes étrangères dès la grande section de la maternelle? Quel type d'enseignement faudrait-il proposer? Ces questions m'ont progressivement amenée à formuler la problématique suivante: pourquoi et comment enseigner les langues vivantes étrangères dès l'école maternelle? Je parle « d'apprentissage » et non de « sensibilisation »: je pense en effet que l'acquisition d'une langue ne peut s'effectuer que sur le long terme. Ainsi, l'apprentissage s'étendrait de l'école maternelle jusqu'à la fin de l'enseignement secondaire. De la même manière, je n'évoque pas le « bilinguisme », qui non seulement n'est pas l'objectif à atteindre, et dont l'apprentissage s'effectue dans le milieu naturel de l'enfant, comme pour la langue maternelle. Par ailleurs, je n'emploie pas le terme « précoce »: celui-ci signifie « qui apparaît avant l'âge normal ». Or, la question est justement de savoir quel est l'âge « normal » de l'apprentissage d'une seconde langue. 3
Il apparaît évident qu'à l'issue de ma réflexion, je serai dans l'impossibilité de répondre définitivement à la problématique. Pour cela, il serait nécessaire d'effectuer des recherches sur plusieurs années. Cependant, je souhaite exposer tout au long de ce mémoire quelques pistes de réflexion. Dans une première partie, après un rappel des dispositifs institutionnels, je tente d'exposer les raisons pour lesquelles l'enseignement des langues vivantes étrangères doit être introduit dès l'école maternelle. Dans une deuxième partie, je présente mes différentes expériences professionnelles vécues au cours de ma formation, dont l'analyse m'a permis d'identifier progressivement les caractéristiques des conditions de cet apprentissage qui sont présentées dans une troisième partie. 4
PREMIERE PARTIE I. L’enseignement des langues vivantes à l’école primaire 1. Les dispositifs institutionnels A. Bref historique : alternance entre sensibilisation et apprentissage La première expérience d’enseignement des langues vivantes à l’école primaire a lieu en 1954 à Arles.1 Au cours des années suivantes, les expériences se poursuivent dans quelques départements. Les événements de Mai 1968 suscitent un engouement pour l’apprentissage précoce des langues lié à une volonté d’ouverture sur le monde, mais de nombreuses écoles abandonnent par la suite les expériences. C’est en 1989, dans le cadre de la construction européenne, que l’enseignement des langues vivantes à l’école primaire est relancé au Cours Moyen (dispositif EILE : Enseignement d’Initiation aux Langues Etrangères) : les textes de 1989 et 1990 évoquent une initiation qui doit servir le véritable apprentissage au collège, tandis qu’en 1991, un texte précise qu’il s’agit d’un « véritable apprentissage de la langue qui ne saurait se limiter à une simple sensibilisation à la langue étrangère. »2 En 1995, le ministre de l’Education Nationale parle d’initiation aux langues vivantes dès le CE1 en utilisant des techniques audiovisuelles ( CE1, CE2, CM1 Sans frontières) et « à titre expérimental et sur la base du volontariat des maîtres. »3 L’objectif est de proposer une première sensibilisation en CE1, en prévision d’un véritable apprentissage au cycle des approfondissements, non systématique en CE2 et CM1. En 1998, Claude Allègre annonce la généralisation d’un véritable apprentissage des langues vivantes à l’école primaire, dans toutes les classes de CM2 dès la rentrée de 1998 et de CM1 en 1999. En 2000, J.Lang annonce un plan qui vise la généralisation progressive de l’enseignement d’une langue étrangère dont l’apprentissage sera effectif dès la grande section de maternelle d’ici 2005 : « Tous les CM2 bénéficieront de cet enseignement à la rentrée 2001 et cette obligation descendra jusqu’à la grande section de maternelle en 2005 ( au CP en 2004). »4 1 C.LELIEVRE, Les politiques scolaires mises en examen, ESF, Pédagogies essais, 2002 2 F.BABLON, Enseigner une langue étrangère à l’école, Hachette éducation, 2004 3 C.LELIEVRE, Les politiques scolaires mises en examen, ESF, Pédagogies essais, 2002 4 C.LELIEVRE, Les politiques scolaires mises en examen, ESF, Pédagogies essais, 2002 5
B. Depuis 2002 : un apprentissage obligatoire Les nouveaux programmes rendent l’apprentissage des langues obligatoire au cycle des approfondissements et visent la généralisation au cycle des apprentissages fondamentaux (de la grande section de l’école maternelle jusqu’à la fin du CE1) autour de trois objectifs d’apprentissage : - « développer chez l’élève les comportements indispensables pour l’apprentissage des langues vivantes (curiosité, écoute, mémorisation, confiance en soi dans l’utilisation d’une autre langue) et faciliter ainsi la maîtrise du langage, - familiariser son oreille à des réalités phonologiques et accentuelles d’une langue nouvelle, - lui faire acquérir les premières connaissances dans cette langue. »5 Au cycle des approfondissements, l’enseignement « vise l’acquisition de compétences assurées permettant l’usage efficace d’une langue autre que la langue française dans un nombre limité de situations de communication adaptées à un jeune enfant. Il contribue à construire des connaissances linguistiques précises (formules usuelles de communication, lexique, syntaxe et morphosyntaxe), ainsi que des connaissances sur les modes de vie et la culture du ou des pays où cette langue est parlée. »6 L’accent est mis sur les activités de communication avec un entraînement régulier et méthodique autour des compétences suivantes : « écouter et comprendre », « s’exprimer à l’oral », « lire et comprendre », « s’exprimer à l’écrit ». L’apprentissage concerne enfin le renforcement de la maîtrise du langage, la découverte de faits culturels favorisant une ouverture sur le monde (dimension internationale). Contrairement à ce qui avait été annoncé, l’apprentissage d’une langue étrangère dès la grande section de maternelle est par la suite « reculé » : conformément à la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’Ecole, le ministère de l’éducation nationale , de l’enseignement supérieur et de la recherche a lancé en 2005 un plan de rénovation de l’enseignement des langues étrangères. Celui-ci vise l’amélioration de l’efficacité de cet enseignement et le renforcement des capacités des élèves, notamment à l’oral. Cette volonté se traduit notamment par l’adoption du cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) publié en 2001 par le Conseil de l’Europe : « la France est le premier pays à inscrire dans les textes réglementaires cette référence européenne qui définit six niveaux de compétences en langues : de A1 (première découverte) à C2 (utilisateur expérimenté s’exprimant couramment sur des sujets 5 Ministère de l’Education Nationale, Qu’apprend-on à l’école élémentaire ?, CNDP, 2004 6 Ministère de l’Education Nationale, Qu’apprend-on à l’école élémentaire ?, CNDP, 2004 6
complexes). » A la fin du cycle des approfondissements, les élèves doivent avoir atteint le niveau A1. A la rentrée 2005, tous les élèves de CE2 doivent étudier une langue étrangère, et à compter de la rentrée 2007, l’apprentissage d’une langue vivante débutera en CE1. 2. Etats des lieux A. Les langues vivantes en Europe « Tous les pays sauf l’Irlande imposent qu’une langue étrangère au moins soit enseignée à tous les enfants. »7 En Irlande, l’anglais et l’irlandais y sont enseignés, mais ne sont pas considérés comme des langues étrangères. Dans la majorité des pays européens, l’enseignement de la première langue étrangère comme matière obligatoire débute entre l’âge de 8 et 11 ans (ce qui correspond environ à la fin de la scolarité en primaire et le début du secondaire). Seuls cinq pays s’en écartent : le Luxembourg, la Norvège, l’Autriche, où l’enseignement obligatoire commence à l’âge de 6 ans, l’Italie (7 ans) et la Belgique (12 ans). B. Le niveau des Français Beaucoup d’enfants ont des difficultés à entrer dans le système linguistique. Les dernières évaluations internationales montrent que le niveau des jeunes Français en anglais a régressé entre 1996 et 2002.8 « Une étude conduite en 2002 dans sept pays européens révèle les disparités des compétences des élèves de 15-16 ans en anglais : en 1996 (trois pays participants), les élèves français avaient un niveau nettement inférieur aux élèves suédois, mais quasiment équivalent à celui des élèves espagnols. En 2002, leurs performances sont nettement inférieures à celles des six autres pays participants, quel que soit le domaine de compétences évalué. Et leurs compétences sont moins bonnes en 2002 qu’en 1996, quel que soit le domaine. »9 En ce qui concerne l’enseignement primaire, une évaluation-bilan des acquis des élèves de CM2 effectuée au mois de juin 2004 révèle les résultats suivants : - en fin d’école primaire, 51.2% des élèves maîtrisent de façon satisfaisante la compréhension de l’oral, dont 23% de manière très satisfaisante. - 23.2% maîtrisent de manière très satisfaisante la compréhension de l’écrit et 10% en production d’écrit. 7 L’enseignement des langues étrangères en milieu scolaire en Europe, Eurydice, 2001 8 Le monde de l’éducation, n°333, 02/2005 9 Ministère de la jeunesse de l'éducation et de la recherche, Note Evaluation 04.01 Mars, DEP 7
- A l’opposé, 2.8% d’élèves ont une maîtrise très réduite des compétences en compréhension de l’oral, 15% en compréhension de l’écrit, 70.4% en production écrite. Cette différence s’explique par l’inégale importance accordée aux différentes compétences dans les programmes, donnant la priorité à l’oral. Il est important de noter que ces évaluations précisent que « les élèves qui ont commencé l’anglais en CE1 ou CE2 réussissent nettement mieux que ceux qui n’ont qu’un an d’enseignement en élémentaire. » « Plus l’apprentissage de l’anglais à l’école est précoce et plus les élèves appartiennent aux meilleurs groupes de l’échelle de compréhension de l’oral en anglais. On retrouve les mêmes constats pour la compréhension de l’écrit et la production écrite. » « Quant aux effectifs des élèves qui ont commencé un apprentissage de l’anglais à l’école maternelle (3.7%) et au CP (5.5%), ils sont trop faibles pour en tirer des conclusions. »10 C. Les attentes et craintes des familles L’apprentissage d’une langue étrangère répond aussi à une demande sociale liée à la dimension européenne et internationale. Les familles veulent que leurs enfants s’adaptent au monde actuel. Néanmoins en ce qui concerne un enseignement des langues dès le plus jeune âge, les familles craignent un retard dans d’autres disciplines telles que la maîtrise de la langue française : certaines considèrent qu’il peut être dommageable de commencer l’apprentissage d’une seconde langue avant que la première ne soit stabilisée, d’autres se demandent si cet enseignement n’est pas une surcharge inutile pour des enfants si jeunes. Suite à ce constat récurrent à travers diverses lectures, j’ai souhaité connaître précisément l'opinion des familles à ce sujet par le biais d’un questionnaire destiné aux parents d'élèves de mes deux stages responsabilité (annexe 1). J’ai donc transmis ce questionnaire en 29 exemplaires dans une classe de Moyenne et Grande section de maternelle et en 21 exemplaires dans une classe de CP. Afin de ne pas influencer les réponses des familles, j’ai préféré parfois la formulation de questions ouvertes. Après exploitation des données, voici les principales informations qui en ressortent : A la question concernant l’importance ou non de connaître une langue étrangère, toutes les familles répondent favorablement. L’argument le plus souvent évoqué 10 Ministère de la jeunesse de l'éducation nationale, Note Evaluation 05.06 Septembre, DEP 8
est celui de l’intégration professionnelle. Les familles mettent également en avant le caractère indispensable de la maîtrise d’au moins une langue étrangère_ et plus particulièrement l’anglais_ à l’heure de la mondialisation et de l’Europe. Enfin l’aspect culturel (culture personnelle, ouverture aux autres personnes, aux autres cultures, voyages) est aussi régulièrement cité. Concernant l’intérêt de proposer un enseignement d’une langue étrangère dès le CE2, les raisons sont variées ; une majorité considère cet enseignement comme une préparation au collège où l’apprentissage n’en sera que plus facile. Certains parents expliquent que plus l’enfant est jeune, plus il dispose de facilités pour apprendre et mémoriser. Pour d’autres, la notion de temps est importante : donner du temps à l’enfant pour apprendre une nouvelle langue permet une acquisition plus naturelle et non plus une traduction systématique. Enfin quelques parents évoquent la curiosité des enfants de cet âge, la possibilité d’apprendre de manière ludique, la facilité pour les jeunes enfants de s’exprimer oralement, et de prononcer un accent différent du leur. Sur l’échantillon interrogé, environ la moitié des parents estime qu’il serait judicieux de proposer un enseignement des langues étrangères dès la maternelle : là encore, la capacité du jeune enfant à acquérir et enregistrer des connaissances est l’argument le plus fréquent. Certains insistent sur l’aspect ludique de l’apprentissage à cette période. Environ un quart ne se prononce pas sur la question. Enfin, parmi ceux qui réfutent l’apprentissage dès la maternelle, certains considèrent que le programme de CP est suffisamment « chargé » ou encore que la priorité est de maîtriser la langue française, et donc que l’apprentissage d’une nouvelle langue pourrait engendrer des confusions dans les autres processus d’apprentissage. Voici quelques opinions ou questions exprimées par certains parents : - « L’enseignement même des langues vivantes est à revoir. A nombre d’années égales, nous maîtrisons moins bien les langues que nos voisins européens. Peut- être faudrait-il développer la pratique orale de la langue et l’accentuer, et très certainement débuter l’apprentissage le plus tôt possible. » - « La France est en retard par rapport à l’Allemagne et aux pays nordiques. » - « A l’école maternelle, l’enfant apprend du vocabulaire. Pourquoi ne pas lui apprendre le mot en français et sa traduction en anglais : un enseignement comme dans les écoles bretonnes où on apprend le dialecte de la région. » - « Quelle qualification pour l’enseignant chargé de cet enseignement ? ». 9
Finalement, la majeure partie des familles s’accorde pour dire que la maîtrise d’au moins une langue étrangère est aujourd’hui indispensable, et considère pour la plupart qu’elle doit être enseignée à l’école primaire. Cependant, proposer cet enseignement dès l’école maternelle ne va pas de soi, et peut être considéré comme un frein à d’autres apprentissages. A ce sujet, C. Hagège pense que « les craintes souvent exprimées des familles quant à la prétendue surcharge des disciplines et aux menaces qu’elle ferait peser sur l’équilibre intellectuel et social des enfants sont dépourvues de fondement. »11 II.Introduire les langues étrangères dès l’école maternelle : pourquoi ? 1. Un âge propice… A. Capacités de discrimination et de reproduction des schémas phonologiques. L’âge de l’enfant est une variable essentielle à prendre en compte. Tout d’abord, il apparaît évident que la « durée d’exposition » exerce une influence sur la maîtrise de la langue étrangère : plus tôt l’enfant est exposé à une nouvelle langue, plus il aura de temps pour se l’approprier. Par ailleurs, les capacités d’assimilation du jeune enfant sont immenses. Dès sa naissance, il possède de puissants « mécanismes acquisitionnels ». Mais faute d’être sollicités, ceux-ci régressent progressivement. Dès l’âge de 7 mois, on assiste à une spécialisation de l'oreille à la langue maternelle. Cette régression perdure jusqu’à l’âge de 10-11 ans où la peur de l’erreur apparaît. Cette période (7 mois – 11 ans) correspond à la « période critique ». Certes des études montrent que l’adulte et l’adolescent ont de plus grandes facilités pour se concentrer, développer un raisonnement et une analyse (« leur expérience linguistique plus riche leur permet de comprendre rapidement certaines règles de fonctionnement de la langue étrangère »), mais « il semble reconnu que certains aspects langagiers, tels que ceux touchant à la phonologie, sont mieux et plus facilement acquis par de jeunes enfants. »12 A l’âge de 3-4 ans, les capacités de reproduction orale et de discrimination auditive des enfants sont effectivement maximales, et diminuent dès l’âge de 10 ans (début de la puberté). A l’inverse, un adulte ou un adolescent qui est resté pendant plusieurs années en contact avec un seul type de sons (ceux de sa langue maternelle), éprouve beaucoup plus de difficultés à reproduire les sons d’une autre langue. 11 C.HAGEGE, L’enfant aux deux langues, Odile Jacob, 1996 12 F BABLON, Enseigner une langue étrangère à l’école, Hachette éducation, 2004 10
Lise Kern, directrice d’une école maternelle rurale à deux classes, explique que la « réceptivité des jeunes enfants, leur écoute, leur discrimination auditive fine leur permettent d’ancrer les fondements d’une langue étrangère. »13 Selon C.Hagège : « Au delà de 10 ou 11 ans, la fossilisation des aptitudes non stimulées n’est guère réversible. En effet, vers cet âge, l’oreille, jusque-là organe normal d’audition, devient nationale. » Cela signifie que « au lieu de traiter de la même façon la totalité des sons perçus en leur ouvrant un itinéraire jusqu’à l’enregistrement cérébral, l’oreille fonctionne en fait comme un filtre, n’ouvrant passage qu’à ceux que la langue maternelle connaît. […] Le même phénomène existe chez tous les unilingues du monde à partir de 11 ans et il est une des causes principales de « l’accent étranger ».»14 Ainsi, dès la petite section, un travail sur le rythme, l’intonation, la mélodie, la hauteur peut se mettre en place: former l’oreille aux réalités sonores du langage, tel serait l’objectif de l’école maternelle. B. Capacités d’imitation et de prise de parole Les capacités d’imitation entre 4 et 8 ans sont au maximum : C. Hagège parle de « pulsion d’imitation qui joue un rôle considérable dans l’apprentissages des langues, comme celui de toute vie sociale. » Lise Kern a observé que les élèves sensibilisés dès la moyenne section de maternelle à l’anglais, osent facilement prendre la parole lors de l’apprentissage systématique en classe de 6°, possèdent un meilleur accent, acceptent de comprendre globalement une phrase sans avoir recours à l’identification de chaque mot et cherchent à comprendre sans passer par la traduction. Elle a également remarqué l’apparition de certains blocages à l’oral dès le CE1, qui n’apparaissent pas chez un enfant de 4 ans. La curiosité et la spontanéité sont des caractéristiques du jeune enfant : elles sont sources de motivation et lui donnent donc l'envie d'apprendre. Le phénomène d’inhibition semble en effet moins présent chez le jeune enfant, et ce dans tous les domaines d’apprentissage. Plus l’enfant grandit, plus il devient attentif et sensible à l’image que le milieu lui renvoie. C. Hagège explique à ce propos : « Au delà de la période critique, on risque de se heurter à ce que certains ont appelé la butée pubertaire. Il s’agit d’un seuil au-delà duquel les adolescents, durant quelques années cruciales, deviennent de moins en moins avides d’apprendre et sont de plus en plus préoccupés par leur état de transition vers l’âge adulte et par les signes qu’en portent leur corps et leur esprit. A la puissante motivation […] succède une inquiète curiosité, qu’alimentent bien d’autres aspects de l’existence. Dès lors, le goût enfantin par les manipulations verbales se trouve fortement réduit. La 13 Education enfantine, n°4, 04/1997 14 C. HAGEGE, L’enfant aux deux langues, p.34, Odile Jacob, 1996. 11
faute, au lieu d’être sereinement assumée comme profitable par la correction qu’elle appelle, est obstinément redoutée comme disqualifiante par le ridicule qu’elle produirait. »15 De plus, la prononciation de sons différents de sa propre langue oblige l’enfant à articuler et adopter des mouvements de bouche inhabituels, associés parfois à une apparence ridicule. Concernant la prononciation des sons d’une langue étrangère, et donc la difficulté à se distancier de sa propre langue, ce même auteur précise que « les habitudes articulatoires acquises dès l’enfance dans la langue première sont des gestes sociaux. Elles appartiennent à la culture d’une communauté tout comme les autres gestes. L’acquisition des gestes culturels, parfaitement aisée et naturelle chez l’enfant, devient de plus en plus difficile à partir de 6 ou 7 ans, les situations étant évidemment fort variables selon les sujets. Dans les premières années de la vie, l’avidité d’apprendre et la docilité à reproduire ne sont pas, ou sont à peine, inhibées par les pressions sociales. L’enfant de moins de 6 ans ne redoute pas les railleries qui disqualifient le son exotique en s’en prenant aux mimiques nécessaires à sa production. Peu lui importe que les gestes de sa langue, des ses lèvres, de son nez et de ses dents se heurtent au rejet du groupe, habitué par la culture dominante du lieu à d’autres mouvements du visage, dans lesquels il reconnaît son identité. » 2. Une meilleure maîtrise de la langue « Celui qui ne sait aucune langue étrangère ne sait pas sa propre langue. »(Goethe) A l’école maternelle, l’accent est mis sur le langage oral (« le langage au cœur des apprentissages »), dans le but de maîtriser la langue française. Ceci qui suscite quelques interrogations sur l’existence de risques éventuels que l’enseignement d’une langue étrangère peut engendrer sur ces apprentissages. Certains auteurs non seulement réfutent cette notion de danger, mais défendent de surcroît l’idée selon laquelle l’enseignement d’une langue étrangère pourrait améliorer la maîtrise de la langue française. Christiane Luc, par exemple, considère que l’apprentissage d’une langue à l’école est bénéfique pour l’apprentissage de sa langue maternelle, car c’est un moyen de redécouvrir sa propre langue et de la consolider : « L’analyse du fonctionnement de la langue étrangère va être un moyen de redécouvrir la langue maternelle et ses particularités. »16 Line Audin, responsable d’un groupe de recherche de l’INRP, pense même qu’il faut insister sur l’observation réfléchie de la langue étrangère afin de la comparer avec sa langue maternelle et de trouver des ressemblances : le but étant de donner à l’enfant 15 C. HAGEGE, L’enfant aux deux langues, Odile Jacob, 1996 16 C.LUC, Les langues vivantes à l’école élémentaire, Actes ce colloque, INRP, Paris, 1991 12
des outils, des repères pour qu’il puisse entrer véritablement dans le nouveau système de la langue étrangère.17 De manière générale, l’introduction des langues vivantes à l’école présente un intérêt sur le plan de la réussite scolaire, et ce pour un grand nombre d’élèves. Tout au long de l’enseignement, ils développent des stratégies d’ apprentissage qu’ils peuvent transférer à d’autres champs disciplinaires.18 Maîtriser, même manipuler une ou plusieurs langues étrangères permet à l’enfant de développer une conscience métalinguistique, c’est-à-dire être capable de réfléchir sur le fonctionnement de la langue. C’est la prise de conscience des fonctionnements différents des langues, qui amène l’enfant à développer des stratégies d’analyse comparative. 17 Le monde de l’éducation, n°333, 02/2005 18 Education enfantine, n° 4, 04/1997 13
DEUXIEME PARTIE Tout au long de cette deuxième partie, je présente les séances d’apprentissage d’anglais que j’ai pu mettre en place au cours de mes différents stages. Mes diverses expériences professionnelles sont exposées dans un ordre chronologique qui suit le déroulement de ma formation, afin de montrer la progression de ma réflexion. L’analyse que j’effectue par la suite, en me centrant plus spécifiquement sur les réactions des élèves et les difficultés auxquelles j’ai été confrontée, me permet progressivement d’identifier les caractéristiques des conditions d’apprentissages d’une langue étrangère, que j’énoncerai dans la troisième partie. I. Le cycle des approfondissements 1. Présentation des séances Le contexte : Au cours de mon stage tutelle, j’ai élaboré et mis en place deux séances en anglais avec une classe de CM1 (20 élèves). Cette classe avait commencé à apprendre l'anglais depuis une année. Ce sont ces deux séances qui m’ont amenée à m’interroger sur l’enseignement des langues étrangères à l’école de manière générale : comme je l’ai expliqué en introduction, je pensais que les langues étrangères n’avaient pas réellement leur place à l’école, d’autres apprentissages étant à mon sens plus prioritaires. Auparavant, j’avais observé une séance sur le lexique du matériel de la classe, que les élèves commençaient à bien assimiler. Les objectifs visés : L’objectif général est d’amener les élèves à parler de leur environnement, et plus précisément de désigner les objets de la classe. Pour la première séance, l’objectif est principalement lexical et vise l’apprentissage du vocabulaire des couleurs : red, green, yellow, blue, pink, white, black, orange, purple. Parallèlement, l’apprentissage linguistique visé est l’utilisation de l’expression : « What colour is this ? It’s… » dans une situation de communication. Pour la deuxième séance, au-delà de l’objectif de réinvestissement du vocabulaire étudié lors des séances précédentes, l’intérêt est d’amener les élèves à associer l’adjectif de couleur aux différents objets de la classe : dans ce cas, l’apprentissage est essentiellement syntaxique, puisqu’il s’agit de placer correctement l’adjectif épithète dans le groupe de mots. 14
Il est intéressant alors de permettre aux élèves de réfléchir sur le fonctionnement de la langue et de le comparer avec celui de la langue française. Les supports utilisés : Afin de rendre ces séances attractives, j’ai fait le choix de varier les supports. J’ai utilisé des flashcards : ces représentations illustrées permettent d’introduire le vocabulaire nouveau, mais elles peuvent également être utilisées au cours d’activités de réinvestissement. Le fait de présenter aux élèves des images tout en parlant une langue étrangère les aide à inférer le sens de ce que l’enseignant est en train de dire ; pour cela, il est indispensable que ces illustrations soient très explicites et ne présentent aucune ambiguïté, au risque alors d’entraîner des confusions chez les élèves. Comme support visuel, j’ai également fabriqué des cartes de couleurs (format A5) qui présentent le même intérêt que les flashcards. Enfin, j’ai utilisé une cassette audio avec une chanson enregistrée (« What color is this ?) : les élèves, de manière générale, prennent plaisir à chanter, et ceci est valable à tout âge. J’ai donc fait le choix de leur proposer une chanson particulièrement rythmée, simple et assez répétitive afin qu’ils puissent s’approprier et mémoriser le vocabulaire et les expressions linguistiques. Le déroulement de la première séance : Phase 1 : découverte du lexique des couleurs J’affiche les cartes de couleurs au tableau, et pose la question suivante : « Do you know what colour this is ? » ; je fais répéter quelques enfants individuellement puis collectivement. Phase 2 : appropriation de l’expression linguistique: « What colour is this ? » Apprentissage de la chanson : What color is this ? What color is this ? It’s red. It’s pink. What color is this? What color is this? It’s green. It’s blue. What color is this? What color is this? It’s red and green and black and white and It’s pink and blue and black and white and purple. purple. 15
Phase 3 : utilisation de l’expression « What colour is this? » et du lexique des couleurs Je distribue une carte de couleur à chaque enfant : un enfant se lève et pose la question en montrant sa carte ; un deuxième enfant répond et pose la question à un troisième, etc… Phase 4 : trace écrite Je demande aux élèves coller la feuille de la chanson, puis de colorier les pots de peinture de la bonne couleur (annexe 2). Le déroulement de la deuxième séance: Phase1: « recycling » Rappel des connaissances lexicales et syntaxiques: •couleurs et « what colour is this? ». Je pose la question en montrant la carte de couleur. Un élève répond. Je fais répéter quelques enfants. L'enfant qui a répondu vient au tableau, choisit une carte et pose la question à son tour, etc... •matériel scolaire: pencil, pencil-case, desk, pen, chair, table, schoolbag, book.... Je pose la question « What's this? » en montrant l'image. Un enfant répond, puis je procède à des répétitions individuelles. Phase 2: « learning and speaking» Il s'agit maintenant d'apprendre à associer une couleur à un objet, en utilisant les objets de la classe. Par exemple: je montre un stylo vert et demande: « What's this? ». Je m'attends à ce que les enfants répondent « It's a pen. ». Alors, je demande: « Yes, and what color is this? ». Ils répondent: « It's green. »; je dis: « So, what's this? » et je leur formule la bonne structure syntaxique: « It's a green pen. ». Je procède de la même manière avec différents objets. Ensuite, les élèves doivent répondre à la question. Je fais répéter quelques enfants individuellement, puis par groupes, et collectivement. Remarque: dans le cas où les élèves proposeraient des structures identiques à la langue française, il serait intéressant de les écrire au tableau, afin de comparer les deux fonctionnements et visualiser la différence. Phase 3: Bingo game (annexe 3) Préalablement, je fabrique des cartes de jeu comportant chacune 9 objets scolaires de couleurs différentes. 16
Je distribue une carte de jeu à chaque élève. Après avoir expliqué la règle du Bingo, j'annonce un objet (exemple: a yellow schoolbag): l'élève qui repère cet objet sur sa carte, met une croix dans l'emplacement prévu à cet effet. Le gagnant est celui qui obtient une carte complète. Pour terminer, l'élève gagnant peut venir devant la classe, et énoncer (avec l'aide de ses pairs) tous les objets dessinés sur sa carte. Phase 4: « writing » la trace écrite (à coller dans le cahier) (annexe 4) C'est un exercice de réinvestissement. En utilisant leurs traces écrites précédentes (couleurs et matériel), les élèves doivent dessiner l'objet désigné par le groupe de mots. Inversement, ils doivent écrire le groupe de mots que représente l'objet. 2. Analyse des séances Les réactions des élèves: De manière générale, les élèves manifestaient un réel plaisir d’apprendre tout au long de ces deux séances (participation active, attention maintenue un long moment), et plus particulièrement ceux qui sont en difficulté dans d’autres domaines d’apprentissages. Cette motivation est probablement liée à la variété des supports, mais aussi (deuxième séance) au fait que la situation de communication est en lien avec le quotidien, c’est-à-dire l’utilisation de leur propre matériel scolaire. Cependant, j'ai pu observer chez quelques élèves des réactions qui pourraient s’apparenter à un phénomène d’inhibition : par exemple, lorsque l’un d’entre eux prenait la parole, un certain nombre d’élèves riait, comme si ce n’était pas normal ; d’autres élèves semblaient gênés lorsqu’ils s’exprimaient (ils tiraient les manches de leur pull, articulaient à peine : parlaient « dans leur moustache », etc.). Si je me réfère aux propos de C.Hagège, ce type de comportement peut être observé à l’adolescence ; pourtant, à l’âge de 9 ans, les enfants de sont pas encore considérés comme des adolescents. Qu’est-ce que l’inhibition exactement ? Selon la définition du dictionnaire Hachette, elle correspond à un « blocage des fonctions intellectuelles ou de certains actes ou conduites, dû le plus souvent à un interdit affectif ». Ainsi, l’attitude adoptée par ces élèves correspondrait plus à l’expression d’une timidité ou même d’une peur de l’erreur, qu’à un comportement inhibé. En ce qui concerne la chanson, j’ai fait le choix de ne pas leur faire écouter avant : ils l’ont apprise progressivement, en parlé puis en chanté. Ensuite je leur ai fait écouter une fois, puis ils ont chanté une fois avec la bande sonore. 17
Les enfants étaient très attentifs lors de l’écoute de la chanson et très motivés parce qu’ils la connaissaient et avaient certainement envie de chanter ; cependant, il aurait été intéressant de leur proposer cette première écoute avant l’apprentissage, de façon à ce qu’ils puissent exprimer ce qu’ils avaient reconnu et compris comme vocabulaire ou expressions. Par ailleurs, les enfants n’ont chanté qu'à une seule reprise avec la musique, ce qui a été sans doute frustrant pour eux : dans l’ensemble de cette séance, le temps du chant était celui où les enfants prenaient le plus de plaisir à participer et ils semblaient être fiers de chanter une chanson en anglais. Peut-être aurais-je du consacrer plus de temps à cette phase et privilégier le plaisir des élèves ? Comme je l'avais envisagé, lorsqu’il fallait nommer un objet de la classe en précisant sa couleur, les élèves avaient tendance à ne prendre en compte que le critère objet sans en spécifier la couleur. En effet, chaque fois que je posais la première question (« what's this? »), j'étais obligée de continuer mon questionnement pour les amener progressivement à la formulation correcte. Puis, au fur et à mesure des répétitions, les enfants s'appropriaient cette nouvelle structure syntaxique: ils précisaient systématiquement la couleur de l'objet en plaçant correctement l'adjectif épithète. Cette expérience montre à mon avis l'importance de la répétition dans l'apprentissage d'une langue étrangère, mais aussi le rôle de l’enseignant face à l’erreur : à chaque fois qu’un élève me proposait une formulation erronée, je ne stigmatisais pas son erreur, mais l’encourageais à répéter après ma formulation, pour ensuite le féliciter. Du point de vue des apprentissages linguistiques, la deuxième difficulté observée concerne l'oubli de l'article indéfini (a/an) lorsque les élèves formulaient par exemple la phrase (spontanément ou en répétant) « It’s a green pen. » En effet, la discrimination de cet article n'est pas facile à effectuer. Ma réaction a été alors de décomposer le groupe de mots (exemple: a / green / pen). Or, cette décomposition en mots isolés ne correspond pas à la réelle prononciation, qui devient alors artificielle. Il me paraît essentiel de favoriser une imprégnation de la langue et ce, en la préservant de tout caractère artificiel. Il aurait été plus judicieux que je leur demande de prononcer la phrase progressivement, c'est-à-dire: «a pen » (répétition), «a green pen » (répétition), « it's a green pen » (répétition). Cet obstacle que j’ai rencontré montre la nécessité de la maîtrise de la langue étrangère par l’enseignant. Les difficultés rencontrées: Les consignes tout au long de la séance étaient trop souvent énoncées en français, ce qui ne permettait pas une réelle immersion dans la langue. Cependant, 18
lorsque dans la première phase je posais directement la question « What color is this ? », les élèves ne semblaient pas comprendre la question : seul un élève (qui avait pratiqué l’anglais dans une autre école l’année précédente) a pu y répondre. Je pensais que la plupart réussiraient à faire le lien entre « color » et « couleur », mais ce n’était pas si évident : donc, les consignes doivent être proposées le plus souvent possible dans la langue, mais il faut être attentif au degré de difficulté des questions posées, de façon à ne pas mettre les élèves face à un échec dès le début. C’est la raison pour laquelle l’enseignant doit trouver des moyens sur lesquels les élèves peuvent s’appuyer afin de réaliser la tâche demandée. C’est ainsi que, pour la deuxième séance, dans le souci de proposer un « bain de langue » à la classe, j'ai fait le choix de présenter le jeu du bingo avec un maximum de consignes en anglais. Pour cela, j'ai utilisé la comparaison avec le loto: « Let's play Bingo game. In English: bingo / in French: loto / Do you know loto? ». Les élèves ne semblaient pas comprendre ce que je tentais de leur expliquer. J'avais alors passé beaucoup de temps à leur expliquer les règles du jeu par l'intermédiaire des gestes et des images: je jouais le rôle du joueur et du meneur de jeu, pour leur donner un exemple. Cette phase d'explication était trop longue et apparemment peu efficace. Dès le début du jeu, je me suis aperçu que certains d'entre eux n'avaient pas compris ce qu'il fallait faire: après la distribution des cartons, certains élèves s'empressaient de cocher toutes les cases; d'autres semblaient désemparés et regardaient autour d'eux sans doute pour prendre quelques indices.… Cette situation qui aurait due être ludique et une source de plaisir pour tous, ne l’a été que pour les élèves qui avaient compris la règle du jeu. Pour faciliter la compréhension de tous, j’aurais peut-être dû donner une première fois les consignes en français, puisque c’était la première fois qu’il jouaient à ce jeu dans une langue étrangère ; de plus la présentation des cartons de jeu étant personnelle (fabrication moi-même), tous n’ont pu établir le lien avec le loto français. Cependant, pour garder une immersion dans la langue, j’aurais pu, au moment de la démonstration du jeu, faire venir deux élèves devant le reste de la classe pour simuler une partie de Bingo game ; les élèves auraient peut-être mieux compris: le modèle aurait eu en effet plus de lien avec la réalité, c’est-à-dire un meneur de jeu et plusieurs joueurs. Contrairement à ce que j’avais précisé dans ma fiche de préparation, j’ai le plus souvent procédé à des répétitions collectives ; celles-ci ne m’ont pas permis de vérifier la prononciation de chacun, et j’ai pu me rendre compte par la suite que certains enfants déformaient la prononciation des adjectifs de couleurs (notamment « purple »). 19
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