Esther Tefana - archives.pf

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J O U R N A L
                                                                       D ’ I N F O R M A T I O N S
                                                                       C U L T U R E L L E S

               Hommage à une grande dame,

              Esther Tefana
_ DOSSIER :

                                                             , drôle, émouvante
                              Cendrillon, une pièce décalée
_ culture bouge :                - -                        ge
                              Mama Mélia, une vie de tressa
_	un visage, une histoire :
                                                            du salon de Ua Pou
                              La pierre fleurie, fine fleur
_	trésor de polynésie :
                                                               aérien polynésien
                              Soixante-dix ans de transport
 _	le saviez-vous ? :                                           her un autre
                               Mo´orea : un marae peut en cac
 		                                                              plus de visibilité
                               L’Artisanat traditionnel s’offre

                               L’art au service de l’environnement

                        NUMÉRO 174
   AVRIL 2022
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La photo du mois
                                                                                                                                                                 3

                                                                                                                                                          HIRO’A JOURNAL D’INFORMATIONS CULTURELLES
                                                            Ta’iri Paumotu 2022 :
                                                            ouverture des inscriptions au Conservatoire !

                                                            «        Le Conservatoire artistique et la Maison de la culture l’avaient programmé pour
                                                            2022 : revoici donc le concours de Ta’iri 2022, le « Rakuraku », qui se tiendra cette année
                                                            encore sur le Paepae a Hiro de TFTN le jeudi 21 avril prochain, à 18 heures. Rappelons
                                                            que ce concours, dont l’entrée est libre et qui a lieu tous les deux ans, met en lice les
                                                            meilleurs spécialistes du genre et est doté de prix en espèces. La quatrième édition,
                                                            en octobre 2020, avait été remportée par le célèbre groupe des Tamarii Taenga. Les
                                                            inscriptions sont ouvertes jusqu’au 19 avril auprès de Fabiola Teahui (tél. : 40 501 414
                                                            ou secretariat@conservatoire.pf ).

                                                                             »
                                                            Enfin, un hommage spécial sera rendu à Fenuakura, qui avait été l’un des lauréats de la
                                                            dernière édition.

© Terehau Tahiata, département communication pour Capf/20
Esther Tefana - archives.pf
QUI SOMMES-NOUS ?                                                                                                                                                                                               avril 2 0 2 2

                                                             Présentation                                                                                                                                                                                        SOMMAIRE
                                                               des Institutions
                                                                                                                                                                                                                                                                           Tous les événements proposés par les partenaires du Hiro'a
   4                                                                                                                                                                                                                                                                    sont organisés dans le respect des mesures sanitaires en vigueur.                         5
HIRO’A JOURNAL D’INFORMATIONS CULTURELLES

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                           HIRO’A JOURNAL D’INFORMATIONS CULTURELLES
                                                                                                                                                                                                                                                                  6-7      dix questions à
                                                                                                                                                                                                                                                                           Il y a mille ans, on mangeait les tortues
                                                                                                     Direction de la culture et du patrimoine - Te Papa Hiro'a 'e Faufa'a tumu (DCP)
                                                                                                     La Direction de la culture et du patrimoine remplace en octobre 2018 le Service de la Culture                                                                8        culture bouge
                                                                                                     et du Patrimoine créé en novembre 2000. Sa mission relève d’une compétence générale
                                                                                                     règlementaire et de contrôle en matière culturelle, de propriété littéraire et artistique, de
                                                                                                                                                                                                                                                                           Cendrillon, une pièce décalée, drôle, émouvante
                                                                                                                                                                                                                                                                           e reo to-‘u
                                                                                                     protection, conservation et valorisation du patrimoine culturel de la Polynésie française, y
                                                                                                                                                                                                                                                                  9
                                                                                                                                                                                                                                                                           Te tahi mau fa´a´ite´itera´a no- na- manu to´otoru,
                                                                                                     compris des langues polynésiennes et de soutien de ses acteurs.
                                                                                                     Tél. (689) 40 507 177 - Fax : (689) 40 420 128 - Mail : direction@culture.gov.pf - www.culture-patrimoine.pf
                                                                                                                                                                                                                                                                           te ´o- tatare, te putu n-Inamu e te he-
                                                                                                         SERVICE DE L’ARTISANAT TRADITIONNEL – PU OHIPA RIMA’I (ART)
                                                          Le Service* de l’Artisanat Traditionnel de la Polynésie française, créé en 1984, a pour mission                                                                                                         10-11    un visage, une histoire
                                                          d’établir la réglementation en matière d’artisanat, de conseiller et d’assister les artisans,                                                                                                                    Ma-ma- Mélia, une vie de tressage
                                                          d’encadrer et de promouvoir des manifestations à vocation artisanale. Il est chargé de la
                                                          programmation du développement de l’artisanat, de la prospection des besoins et des                                                                                                                     12-13 l’œuvre du mois
                                                          marchés, ainsi que de la coordination des moyens de fonctionnement de tout organisme à
                                                          caractère artisanal ou de formation à l’artisanat.
                                                                                                                                                                                                                                                                        Les Gambier croqués par Lamazou
                                                             Tél. : (689) 40 545 400 – Fax. : (689) 40 532 321 – Mail : secretariat@artisanat.gov.pf - www.artisanat.pf
                                                                                                                                                                                                                                                                  14-19 dossier
                                                                                                     MAISON DE LA CULTURE – TE FARE TAUHITI NUI (TFTN)                                                                                                            	Hommage à une grande dame, Esther Tefana
                                                                                                     La Maison des Jeunes a été créée en 1971, et devient en avril 1998 l’EPA* actuel. Longtemps
                                                                                                     en charge du Heiva i Tahiti, ses missions sont doubles : l’animation et la diffusion de la                                                                   20-21    trésor de polynésie
                                                                                                     culture en Polynésie en favorisant la création artistique et l’organisation et la promotion de                                                                        La pierre fleurie, fine fleur du salon de Ua Pou
                                                                                                     manifestations populaires. L’établissement comprend deux bibliothèques, une discothèque,
                                                                                                     des salles d’exposition, de cours, de projections, ainsi que deux théâtres et de nombreux                                                                    22-27    le saviez-vous ?
                                                                                                     espaces de spectacle et d’exposition en plein air.                                                                                                                    Soixante-dix ans de transport aérien polynésien
                                            © JK

                                                                                                     Tél. : (689) 40 544 544 - Fax : (689) 40 428 569 - Mail : tauhiti@mail.pf - www.maisondelaculture.pf
                                                                                                                                                                                                                                                                           Mo´orea : un marae peut en cacher un autre
                                                                                                                      MUSÉE DE TAHITI ET DES ÎLES – TE FARE MANAHA (MTI)                                                                                                   L’Artisanat traditionnel s’offre plus de visibilité
                                                          Le Musée voit le jour en 1974 et devient un EPA* en novembre 2000. Ses missions sont de                                                                                                                          L’art au service de l’environnement
                                                          recueillir, conserver, restaurer des collections liées à l’Océanie, plus particulièrement à la
                                                          Polynésie, et de les présenter au public. Chargé de la valorisation, de l’étude et de la diffusion                                                                                                      28-29    programme
                                                          de ce patrimoine, le Musée a acquis un rôle d’expertise dans la préservation des biens
                                                          culturels matériels et mobiliers.                                                                                                                                                                       30       actus
                                                                     Tél. : (689) 40 548 435 - Fax : (689) 40 584 300 - Mail : info@museetahiti.pf - www.museetahiti.pf
                                                                                                                                                                                                                                                                  31-34    retour sur
                                                                                                     CONSERVATOIRE ARTISTIQUE DE POLYNÉSIE FRANÇAISE – TE FARE UPA RAU (CAPF)                                                                                              Jeunesse et culture
                                                                                                     Créé en 1978, le Conservatoire est un EPA* reconnu depuis février 1980 en qualité d’école
                                                                                                     Nationale de Musique. Les diplômes qu’il délivre ont donc une reconnaissance nationale. Ses
                                                                                                     missions sont l’enseignement théorique et pratique de la musique, de la danse, du chant et
                                                                                                     des arts plastiques, la promotion et la conservation de la culture artistique. Il a également
                                                                                                     pour vocation de conserver le patrimoine musical polynésien.
                                            © GB

                                                                                                     Tél. : (689) 40 501 414 - Fax : (689) 40 437 129 - Mail : conservatoire@conservatoire.pf - www.conservatoire.pf
                                                                                                                                                                                                                                       _ HIRO’A
                                                                                                                                                                                                                                         Journal d’informations culturelles mensuel gratuit
                                                                                                      Centre des métiers d’art – Pu Ha’api’ira’a toro’a rima’i (CMA)                                                                     tiré à 2 000 exemplaires
                                                                                                                                                                                                                                       _ Partenaires de production et directeurs de publication :           DES LECTEURS
                                                          Le Centre des Métiers d’Art est un établissement public administratif, créé en février                                                                                                                                                            Votre avis nous intéresse !
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                                                          1980. Il a pour vocation de préserver les spécificités artistiques inhérentes à la tradition                                                                                   et du Patrimoine, Conservatoire Artistique                         Des questions, des suggestions ? Écrivez à :
                                                          et au patrimoine polynésien, mais aussi d’œuvrer à leur continuité à travers les pratiques                                                                                     de Polynésie française, Maison de la Culture - Te Fare             communication@maisondelaculture.pf
                                                          contemporaines. Les élèves peuvent suivre un cursus en trois années, lors duquel ils sont                                                                                      Tauhiti Nui, Centre des Métiers d’Art, Service de l’Artisanat
                                                          formés à différentes pratiques artistiques (sculpture, gravure, etc.), mais également à des                                                                                    Traditionnel, Service du Patrimoine 			                            HIRO’A SUR LE NET
                                                                                                                                                                                                                                         Archivistique et Audiovisuel.                                      À télécharger sur :
                                                          cours théoriques (langue et civilisation polynésiennes). Le CMA délivre un titre qui lui est
                                                          propre, le Certificat de Formation aux Métiers d’Art de Polynésie.
                                                                                                                                                                                                                                       _ édition : Tahiti Graphics                                          www.conservatoire.pf
                                                                                                                                                                                                                                         Punaauia
                                                                          Tél. : (689) 40 437 051 – Fax (689) 40 430 306 – Mail : secretariat.cma@mail.pf - www.cma.pf
                                                                                                                                                                                                                                         Tél. : (689) 40 810 936
                                                                                                                                                                                                                                                                                                            www.maisondelaculture.pf
                                                                                                                                                                                                                                       _ Réalisation : pilepoildesigntahiti@gmail.com                       www.culture-patrimoine.pf
                                                                                                                                                                                                                                       _ Direction éditoriale : Jean-Christophe Shigetomi - 40 503 105      www.museetahiti.pf
                                                                                                     Service du Patrimoine Archivistique Audiovisuel - Te piha faufa’a tupuna                                                          _ Rédactrice en chef : Alexandra Sigaudo-Fourny
                                                                                                     Le Service du Patrimoine Archivistique Audiovisuel a été créé en 1962 sous les traits du                                            alex@alesimedia.com
                                                                                                                                                                                                                                                                                                            www.cma.pf
                                                                                                     Patrimoine Archivistique Audiovisuel. Sa mission première de conservation et de mise à                                            _ Secrétaire de rédaction : Hélène Missotte                          www.artisanat.pf
                                                                                                     disposition des archives administratives a rapidement été étendue au patrimoine archivistique                                     _ Rédacteurs : Alexandra Sigaudo-Fourny,                             www.archives.pf
                                                                                                                                                                                                                                         Natea Montillier Tetuanui, Valentine Livine, Pauline Stasi
                                                                                                     dans son ensemble. En 2011, la fusion du Service Territorial des Archives, du Service de la
                                                                                                                                                                                                                                         Jean-Christophe Shigetomi, Frédéric Cibard et Delphine Barrais.
                                                                                                     communication et de la documentation et de l’Institut de la communication audiovisuelle a doté                                                                                                         Et à découvrir sur www.hiroa.pf !
                                            © DR / SPAA

                                                                                                                                                                                                                                       _ Impression : Tahiti Graphics
                                                                                                     le service d’une compétence générale d’organisation, d’intervention et de proposition en matière                                  _ Dépôt légal : Avril 2022
                                                                                                     d’archivage et de patrimoine audiovisuel.                                                                                         _ Couverture : © D.R fonds privé.
                                                                                                     Tel : (689) 40 419 601 – Fax : (689) 40 419 604 – Mail : service.archives@archives.gov.pf – www.archives.pf

                                                          PETIT LEXIQUE
                                                          * SERVICE PUBLIC : un service public est une activité ou une mission d’intérêt général. Ses activités sont soumises à un régime juridique spécifique et il est directement
                                                            relié à son ministère de tutelle.
                                                          * EPA : un établissement Public Administratif est une personne morale de droit public disposant d’une certaine autonomie administrative et financière afin de remplir une
                                                            mission classique d’intérêt général autre qu’industrielle et commerciale. Elle est sous le contrôle de l’État ou d’une collectivité territoriale.
Esther Tefana - archives.pf
Dix questi o ns à
                                                                        Mark Eddowes, archéologue

                                                                    Il y a mille ans,
                                                                    on mangeait les tortues
6                                                                       Propos recueillis par Pauline Stasi - Photos : Mark Eddowes                                                                                                                                                                              7
HIRO’A JOURNAL D’INFORMATIONS CULTURELLES

                                                                                                                                                                                                                                                                                                   HIRO’A JOURNAL D’INFORMATIONS CULTURELLES
                                                                    L’archéologue Mark Eddowes a réalisé une dizaine de sondages dans
                                                                    le cadre de sa dernière mission à Huahine. Les résultats de ses fouilles
                                                                    à Tearavahine (Fare) ont révélé de nombreux restes d’os ou d’écailles
                                                                    de tortues et de nacre laissant penser d’une part, que le site était un
                                                                    lieu de préparation et de cuisson de ce reptile et d’autre part, que les                        Os, écailles, nacres ont été trouvés
                                                                                                                                                                        sur le site de Tearavahine.
                                                                    Polynésiens étaient de gros consommateurs de sa chair avant qu'elle ne
                                                                    soit sacralisée au 14e siècle.
                                                                                                                   Comment s’est déroulée cette mission ?
                                                                                                                   « Je suis resté un mois sur place en février,
                                                                                                                   j’ai travaillé avec un jeune assistant en ar-
                                                                                                                   chéologie de Papara, Jean Müller. »
                                                                                                                   Est-ce une zone riche archéologique-
                                                                                                                   ment ?
                                                                                                                   « Il n’y a pas de structures de marae avec des
                                                                                                                   plateformes, des paepae identifiables. J'ai
                                                                                                                   cependant trouvé des restes de pierres sur
                                                                                                                   la zone 1, mais je pense qu'elles avaient
                                                                                                                   été déplacées et mises là. Le site Teara-        Polynésiens à cette époque consommaient
                                                                                                                   vahine est néanmoins très intéressant,           énormément de tortues et qu’ils n’utili-
                                                                                                                   car nous avons découvert beaucoup de             saient pas leur carapace ou leurs os pour
                                                                                                                   débris, d’objets, qui m’ont amené à faire        en faire des objets mais bien pour se nour-
                                                                                                                   des sondages. »                                  rir de leur chair, de leurs protéines. On va
                                                                                                                                                                    faire des prélèvements des restes de coco
                                                                                                                   Comment avez-vous procédé ?                      brulés, de graines de pandanus, présents
                                                                                                                   « Nous avons réalisé une dizaine de son-         sur le site, pour réaliser une datation au                            Sur la zone 1, un grand clou de 12-15 cm a été trouvé.
                                                                                                                   dages à la truelle d’environ un mètre carré      carbone 14. La période est certainement                               Ce clou a sans doute été échangé par les navigateurs
                                                                                                                                                                                                                                                     européens avec les populations.
                                                                                                                   à plusieurs endroits. Ces derniers com-          autour de l’an 1000. Cela montre que les
                                                                                                                   prennent généralement cinq couches.              Polynésiens étaient des consommateurs             carrée. Ils étaient fabriqués comme cela au
                                                                                                                   C’est lors de la 4e couche à environ 60 cm       de tortues il y a 1000 ans. La tortue n’était     18e siècle, du temps de Cook ou Bougain-
                                            Mark Eddowes, archéologue                                              de profondeur que les fouilles se sont           pas encore un animal sacré et réservé seu-        ville. Ce clou a sans doute été échangé par
                                                                                                                   révélées les plus riches archéologique-          lement aux chefs et classes supérieures.          les navigateurs avec les populations. »
                                                                                                                   ment. La zone la plus intéressante est la        Elle le sera que vers le 14e siècle. »
                                                                                                                                                                                                                      Peut-on faire un rapprochement de vos
                                                                    Où a eu lieu votre dernière mission à          deuxième du site, pas loin de la zone 3. »       Vous dites avoir trouvé aussi beaucoup            fouilles avec celles de Yosihiko Sinoto
                                                                    Huahine ?                                      Quels ont été les fruits de vos fouilles ?       de restes de nacre ?                              dans les années 1970 ou de Nicole
                                                                                                                                                                                                                      Pigeot ?
                                                                    « Elle a eu lieu à Tearavahine, tout à côté    « Étonnants. Nous avons découvert énor-          « Oui, on a relevé la présence de nombreux
                                                                    de l’hôtel Lapita à Fare. J’ai été chargé      mément de restes de tortues, des os, des         morceaux de nacre. Solide et coupante,            « Certainement, il y a des similitudes. Yosi-
                                                                    de réaliser des fouilles à la demande de       morceaux d’écailles, d’assez nombreux            elle était utilisée pour faire des outils, dont   hiko Sinoto avait fait des prospections sur
                                                                    la Direction des affaires foncières et de la   morceaux de nacre également. Dans cette          des grattoirs qui servaient notamment             les premiers peuplements de Huahine
                                                                    Direction de la culture et du patrimoine. »    4e couche, nous avons aussi vu beaucoup          pour gratter les écailles des tortues. »          juste à côté, sur le site de Vaitootia dans les
                                                                                                                   de cendres, de pierres pour la cuisson, le                                                         années 1970. Nicole Pigeot en a fait dans
                                                                    Pouvez-vous nous décrire le site sur                                                            Avez-vous découvert d’autres objets
                                                                                                                                                                                                                      les années 1980 dans le nord de l’île sur
                                                                    lequel les fouilles ont eu lieu ?              corail était vraiment très blanc. Il est deve-   lors de vos sondages ?
                                                                                                                                                                                                                      une parcelle à Faahia. Elle y avait trouvé
                                                                                                                   nu blanc, car il avait fondu avec la chaleur
                                                                    « Ce site se divise en trois grandes zones.                                                     « Parmi les objets intéressants, un gros          beaucoup de nacres, qui servaient notam-
                                                                                                                   des ahimā΄a, les fours tahitiens. C’est donc
                                                                    La première est en bord de mer. La se-                                                          morceau de basalte de 12 cm de longueur           ment de lames. Tous ces indices indiquent
                                                                                                                   dans cette zone que les tortues étaient
                                                                    conde est la plus grande et comprend de                                                         sur 8 cm était à côté d’un morceau de cara-       que le site que nous fouillons remonte
                                                                                                                   préparées et cuites. »
                                                                    nombreux arbres endémiques comme des                                                            pace. Coupant comme un rasoir, il servait         certainement à un peuplement ancien. Si
                                                                    tou, des miro, des ΄aito, des tāmanu ou en-    Les tortues n'étaient-elles pas sacrées ?        à couper la chair des tortues. Sur la zone 1,     la datation le prouve, cela montre que ces
                                                                    core des kahaia. La troisième zone se situe    « Effectivement, ces trouvailles sont très       nous avons aussi trouvé un grand clou de          trois sites Vaitootia, Tearavahine et Faahia
                                                                    davantage à l’intérieur des terres. »          intéressantes, car elles montrent que les        12-15 cm façonné à la main avec une tête          faisaient partie d’un énorme village. » ◆
Esther Tefana - archives.pf
L A C U LT U R E BO U G E                                                Conservatoire artistique de Polynésie française (CAPF) – Te Fare Upa Rau                            E r eo tō ‘ u       Direction de la culture et du patrimoine (DCP) – Te Papa hīro’a ‘e Faufa’a tumu

                                                                   Cendrillon, une pièce                                                                                                     Tnae- tahi mau fa´a´ite´itera´a no-
                                                                                                                                                                                                   manu to´otoru, te ´o-tatare,
                                                                     décalée, drôle, émouvante                                                                                                te putu n-Inamu e te he-
                                                                                                                                                                                                Rohipehe : Natea Montillier Tetuanui (VAHINE)
                                                                         Rencontre avec Christine Bennett, professeure d’art dramatique au Conservatoire                                        ’Ohipa : ‘Ihi nūna’a, ‘ihi reo
 8                                                                       artistique de la Polynésie française. Texte et photos : Pauline Stasi sauf mention                                     www.culture-patrimoine.pf                                                                                        9
 HIRO’A JOURNAL D’INFORMATIONS CULTURELLES

                                                                                                                                                                                                                                                                                                           HIRO’A JOURNAL D’INFORMATIONS CULTURELLES
                                                                     Après plusieurs mois de répétition, les élèves du cycle 3 de Christine                                                  Teie nā manu to’otoru, te ‘ōtatare, te putu nīnamu e te hē e tae nā ni’a i te tahi
                                                                     Bennett se préparent à jouer Cendrillon de l’auteur contemporain                                                        mau marae, e o tē fāna’o i ‘Ōpūnohu i Mo’orea i piha’i iho i te marae Teti’irua,
                                                                     Joël Pommerat sur la scène du Petit théâtre de la Maison de la culture                                                  i te tahi paruai fa’a’ite’itera’a i tō rātou aura’a ei tāpa’o i roto i te orara’a ā te
                                                                     le 27 avril. Mise en scène par la professeure d’art dramatique du                                                       Mā’ohi, i te mātāmua iho ā rā.
                                                                     Conservatoire, la pièce est à la fois drôle, poignante avec un zeste
                                                                     de trash et de déjanté.                                                                                                                                              ‘ōtātare, Acrocephalus longisrostris
                                                                                                                                                                                                                                          15 tenimetera i te roa. E piti huru ‘ōtātare, e manu
                                                                                                                        que cette jeune fille était peintre et écoutait
                                                                                                                                                                                                                                          ‘utu roa, hō’ē e mea teatea, hō’ē e mea uri, i roto i te
                                                                                                                        de la musique. Peu concentrée sur ce que lui
                                             Dans cette pièce, Cendrillon s'appelle Sandra.                                                                                                                                               mau fa’a nō Tahiti e Mo’orea ; tō roto i te uru pūrau
                                                                                                                        disait la mère, elle a cru entendre qu’elle lui
                                                                                                                                                                                                                                          e te uru ‘ofe e tae atu i te 800 m i te teitei i uta. Ia ta’i,
                                                                                                                        murmurait : ‘Tu dois penser à moi toutes les                                                                      e ha’amaha ri’i o na i tō na pererau, e rave rau nota
                                                                                                                        heures’, mais en réalité ce n’est pas ce qu’elle                                                                  e « turū » e fa’aro’ohia. Ia tāpiti nā ni’a iho noa te ta’i,
                                                                                                                        a dit (…). Et la pièce débute comme cela, par                                                                     nō rātou iho ā teie ta’i. E rere-hā-noa te ‘ōtātare nō
                                                                                                                        un slam », confie la professeure.                                                                                 te ‘amu i te manumanu, te tahi mau mo’o na’ina’i e
                                                                                                                        Une multitude de sentiments                                                                                       mea varavara rā, e te huero, nō roto mai te rau’ere
                                                                                                                                                                                                                                          marō i raro, i roto i te aru, i ni’a i te tumu e te ‘āma’a
                                                                                                                        Drôles, déconcertantes, amusantes, émou-                                                                          rā’au. I te matahiti 1980 te ‘ite-hōpe’a-hia o na, ua
                                                                                                                        vantes, les scènes s’enchainent et le jeu                                                                         ‘ore roa paha i teie mahana i Mo’orea. Ia ara : E to-
                                                                                                                        des comédiens en herbe fait mouche. Pen-                                                                          pa-ato’a te ta’ata tahiti i te i’oa ‘ōtātare i ni’a i te ruro.
                                                                                                                        dant une heure et demie environ, les sept                             ‘Otātare, Hōho’a Joann Pere/ DRM, 2012
                                                                                                                        jeunes interprètes, âgés de 15 à 18 ans et
                                                                                                                        déjà bien rodés aux expressions théâtrales,
                                                                                                                        vont transporter les spectateurs dans une
                                                                                                                        multitude de sentiments. Ils seront sans
 Louis Barbar en prince et Niobé Masurier                                                     Christine Bennett         aucun doute touchés par la naïveté du
    en belle-mère lors des répétitions
                                                                                                                        prince. Impressionnés par la passivité et
                                                                                                                                                                                             Putu nīnamu, ruru ‘ōputu
                                                                     Pour la pièce de fin d’année de ses élèves         la lâcheté du père. Plus qu’amusés par la
                                                                     de cycle 3 au Conservatoire de Polynésie           méchante marâtre et son look de cougar                               Ia tau te putu nīnamu i ni’a
                                                                     française, Christine Bennett a choisi Cen-         allumeuse. Étonnés par le courage de Cen-                            i te ‘aito i pīha’i iho i te ma-
                                                                     drillon, écrite par l’écrivain français Joël       drillon, qui s’appelle dans cette pièce…                             rae, e mana’ohia e o Ātea
                                                                     Pommerat en 2012. « C’est un auteur que            Sandra ! D’ailleurs peu importe le prénom.                           te atua. (Henry, 2004 : 407)
                                                                     j’apprécie beaucoup, il a la particularité         Car si cette version contemporaine du
                                                                                                                                                                                              Putu ‘uo’uo, Hōho’a C. Serra/ Diren, 2007
                                                                     d’être un auteur-metteur en scène. Il ne met       conte enfantin est évidemment très éloi-
                                                                     en scène que des œuvres qu’il a lui-même           gnée dans la forme de celle que l’on a pu
                                                                     écrites. Il est aussi connu pour sa réécriture     écouter dans sa jeunesse ou regarder en
                                                                     de contes d’enfants pour les adultes. La           dessin animé chez Disney, les thèmes que
                                                                     grande majorité de ses écrits est consacrée        les jeunes comédiens nous font ressentir
                                                                     d’ailleurs à ce style littéraire (…) », explique   restent les mêmes, universels : la mort, le
                                                                     avec passion et enthousiasme la profes-            deuil, la solitude, l’envie de vivre, l’amour,
                                                                     seure d’art dramatique du Conservatoire            le désir… ◆                                                                                                                  Hē
                                                                     de Polynésie française.                                                                                                                                                         E mā’a tau o’e i tahitō ra. I roto i te ‘ā’ai nō
                                                                                                                                                                                                                                                     Hina-rau-re’a (Ta’aroa, in Bseo n° 59, 1937 :
                                                                     Si Pommerat a pris des libertés avec le              Pratique                                                                                                                   694), e tāui te hē i tō na iho hōho’a, e mea
                                                                     conte original de Perrault, Christine Ben-
                                                                     nett y a aussi mis sa touche personnelle,
                                                                                                                          Cendrillon                                                                                                                 ha’avare (e riro ho’i ei pepe), e mea huaira,
                                                                                                                          • Mercredi 27 avril à 19 h                                                                                                 e mea te’ote’o, e mea pōpore, e mea he’e-
                                                                     apportant à l’histoire et aux personnages            • Un tarif unique : 1 500 Fcfp                                                                                             para-puhi, e mea tauto’o, e mea tīnai-‘atā.
                                                                     un petit côté déjanté qui accentue encore            • Au Petit théâtre de la Maison de la culture                                                                              E fa’a-hōho’a te pa’arira’a ō te hē i roto i nā
                                                                     davantage l’originalité de cette version de          • Billetterie : Maison de la culture et en ligne
                                                                                                                                                                                                                                                     ana to’otoru i te pa’arira’a ō te ta’ata, ‘oia
                                                                     Cendrillon. « Il y a le Cendrillon de Pomme-           sur le site de TFTN.
                                                                                                                                                                                                                                                     ho’i te tau tamari’i, te tau taure’a, te tau
                                                                     rat et mon Cendrillon à moi. Dans le Cen-            Distribution :                                                                                                             ruhiruhia; e ha’a-mana’o-ato’a-hia te hē e
                                                                     drillon de Pommerat, lorsque la jeune fille          • Leila Berbille : Cendrillon-Sandra                                                                                       te nuna’a i te ‘ore-roa-ra’a ō te mā’a ō te
                                                                     est en train de perdre sa mère, elle n’entend        • Louis Barbar : Le prince
                                                                                                                          • Kneira Sicard- Beljouani : La grande sœur
                                                                                                                                                                                                                                                     mau peho fē’ī, i te fa’a nō Vai-iha iho ā ra,
                                                                     pas ses dernières paroles. J’ai pris le parti
                                                                                                                          • Niobé Masurier : La belle-mère                                     hē, Hōho’a pū nō te fa’a’apu                          i Tahiti. ◆
                                                                                                                          • Heiava Antivackis : Le roi
                                                                                                                          • Margaux Picaud : La petite sœur et narratrice
                                                                                                                          • Anabel Landon : Fée et narratrice
                                                                                                                          • Christine Bennett : Mise en scène
Esther Tefana - archives.pf
Un visage, une histoire                                                    Service de l’Artisanat traditionnel (ART) – Te pū ohipa rima΄ī

                                                                   Ma-ma- Mélia,
                                                                   une vie de tressage
                                                                      Rencontre avec Māmā Mélia, artisane et présidente de l’association
10                                                                    artisanale Te Rara΄a. Texte et photos : Valentine Livine                                                                                                                                                                                                11
 HIRO’A JOURNAL D’INFORMATIONS CULTURELLES

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        HIRO’A JOURNAL D’INFORMATIONS CULTURELLES
                                                                   Māmā Mélia tresse depuis son plus jeune âge. Spécialiste de l’artisanat des
                                                                   Australes, en particulier celui de son île, Rurutu, elle est très active dans la
                                                                   promotion de son métier et la mise en avant de la culture des Australes,
                                                                   notamment au travers de différentes associations.

                                                                                                                        Te rara΄a, le tressage des Australes
                                                                                                                        Mélia Avae a fondé l’association Te Rara΄a
                                                                                                                                                                                        Māmā Mélia a des doigts de fée. Les détails
                                                                                                                        il y a de nombreuses années pour montrer                        de ses créations sont merveilleux à regarder.
                                                                                                                        le savoir-faire des femmes des Australes.
                                                                                                                        Cela lui a permis de voyager avec « les
                                                                                                                        mamans », comme elle appelle sa sororité                    Les expositions dans le hall de l’Assem-
                                                                                                                        de tresseuses. « Le pupu se réunit pour                     blée
                                                                                                                        confectionner des pē΄ue. Par contre, pour
                                                                                                                                                                                    Māmā Mélia, pleine d’entrain et d’idées,
                                                                                                                        les pièces plus petites comme les chapeaux,
                                                                                                                                                                                    souhaite plus que tout honorer sa culture.
                                                                                                                        dessous de table, éventails… on les tresse
                                                                                                                                                                                    Les expositions annuelles dans le hall de
                                                                                                                        chacune chez soi. Le pupu, c’est un moment
                                                                                                                                                                                    l’Assemblée sont pour elle un moment
                                                                                                                        où l’on discute, chante, danse. C’est vraiment
                                                                                                                                                                                    phare permettant de montrer tout le
                                                                                                                        festif et joyeux. »
                                                                                                                                                                                    savoir-faire des femmes des îles. Depuis
                                                                                                                        Māmā Mélia aime tout confectionner,                         qu’elle a créé l’association Te Rara΄a, Mélia                          Pae΄ore, nī΄au, parfois bambou, les différents
                                                                                                                        créer. Pour elle, « la seule limite, c’est toi car          Avae et ses amies artisanes des Australes                              matériaux issus du végétal sont l’or des māmā.
                                                                                                                        tu peux tout faire avec le pandanus ». Mélia                se retrouvent en février pour présenter
                                                                                                                                                                                                                                        d’exposition permanent à Papeete, un lieu
                                                                                                                        adore commencer des pièces, les laisser de                  leur ouvrage sous le signe du partage,
                                                                                                                                                                                                                                        vivant, bouillonnant de créativité et d’acti-
                                                                                                                        côté quelque temps avant d’y revenir pour                   de la convivialité, de l’innovation. Car, à
                                                                                                                                                                                                                                        vités, facile d’accès pour les personnes dé-
                                                                                                                        les terminer et trouver le petit plus qui fera              chaque fois, elles créent une pièce unique
                                             Mélia Avae tresse depuis son plus jeune âge                                                                                                                                                sireuses d’acquérir des pièces artisanales.
                                                                                                                        la différence. « Le pae΄ore, c’est sacré chez               et innovante pour l’occasion, à côté de leur
                                                     et en vit depuis ses 14 ans.
                                                                                                                        les Rurutu », confie-t-elle. « Les femmes                   artisanat traditionnel. Mais cette année, les       Le tressage, c’est toute sa vie, l’artisanat
                                                                                                                        n’avaient pas le droit de planter et couper                 mesures sanitaires et leurs changements             est son âme. Aussi, lorsqu’on lui parle de
                                                                                                                        le pandanus. Seules celles qui n’avaient plus               successifs ont perturbé le calendrier des           projets, elle répond en riant, parfaite-
                                                                   Māmā Mélia rit de bon cœur, parle avec
                                                                                                                        leurs règles pouvaient. Sinon, c’était l’affaire            expositions. L’association n’a pas pu inves-        ment sereine et heureuse, qu’elle tressera
                                                                   passion et franchise, aime transmettre.
                                                                                                                        des hommes. Et nous, les femmes, nous le                    tir l’Assemblée. Mélia en est attristée et          tant qu’elle aura les doigts pour le faire, et
                                                                   Son métier, elle l’a appris dès l’âge de cinq
                                                                                                                        faisions sécher et le tressions, comme on                   espère pouvoir un jour disposer d’un lieu           jusqu’à sa mort. ◆
                                                                   ans, « comme toutes les petites filles de Ru-
                                                                                                                        tresse nos cheveux… »
                                                                   rutu. Nos mamans nous ont appris à tresser
                                                                   très tôt. Lorsque je faisais mes devoirs, j’écri-
                                                                   vais d’une main sur mon cahier, l’autre main
                                                                   tressait », se souvient-elle. « Aujourd’hui, j’ai
                                                                                                                                                                              La légende à l’origine de l’art du tressage                                                                       La base à quatre brins,
                                                                                                                                                                                                                                                                                             longue de plusieurs mètres,
                                                                   72 ans. Le tressage, c’est toute ma vie, même                                                                                                                                                                            sert à confectionner les pē΄ue
                                                                                                                                                                              Māmā Mélia nous raconte la légende de Hina, la sorcière de Rurutu qui est, selon                             et de nombreuses autres pièces.
                                                                   si j’ai fait plein de petits travaux pour vivre. À                                                         la légende, à la genèse du tressage. « Hina (mais à Rurutu, on ne prononce pas
                                                                   Rurutu, il n’y a que ça, le tressage. On apprend                                                           le H) était une sorcière vivant dans une grotte, sur la montagne Manureva. Chaque
                                                                   enfant car on est toujours avec les mamans                                                                 jour, les enfants du village allaient chercher de l’eau pour leurs familles. Beaucoup ne
                                                                   et dans le pupu (le groupe). J’ai commencé                                                                 revenaient malheureusement pas, car Hina les emprisonnait et les mangeait. Mais un
                                                                   à travailler à 14 ans. À Rurutu, à l’époque,                                                               jour, deux enfants trouvèrent le moyen de s’échapper. Ils firent danser Hina qui, telle-
                                                                   on travaillait la journée sur une pièce pour                « Avec le pandanus, on peut tout faire.        ment prise dans sa danse, ne remarqua pas qu’ils s’enfuyaient. De retour au village,
                                                                   quelqu’un. On n’était pas payées, mais on                  La seule limite, c’est toi », nous dit Mélia.   ils guidèrent les villageois jusqu’à l’entrée de la grotte. Là, les habitants capturèrent
                                                                   était nourries. Pour payer les dettes au ma-                                                               Hina et la ramenèrent au village. Sur place, ils se rendirent compte qu’elle n’était pas
                                                                   gasin, on donnait nos créations », poursuit-                                                               une sorcière, mais une femme sauvage. Ils lui laissèrent la vie sauve, lui enseignant
                                                                   elle. Mélia Avae arrive à Tahiti en 1969. Elle                                                             à parler, à vivre parmi eux. En remerciement, Hina leur apprit le tressage, art qu’elle
                                                                   retourne souvent dans son île, mais sa vie                                                                 maitrisait à la perfection. »
                                                                   de femme se construit à Papeete où elle                                                                    Il existe des variantes à cette légende de Rurutu dans lesquelles Hina est tuée, ou
                                                                   élève ses enfants. Aujourd’hui veuve, elle                                                                 encore amenée au village mais ne se civilise jamais. Dans ces versions, les femmes
                                                                   se satisfait de chaque jour passé à rire, à                                                                apprennent ensuite à tresser en imitant les créations en pae΄ore retrouvées dans
                                                                   tresser, à s’occuper de ses mo΄otua.                                                                       la grotte de la sorcière. Mais la fin racontée par Māmā Mélia, plus joyeuse et
                                                                                                                                                                              empathique, représente bien l’esprit de partage du tressage dans les Australes.
                                                                                                                             Chapeaux, sacs, pē΄ue, éventails… le pandanus
                                                                                                                                se transforme pour devenir œuvres d’art.
Esther Tefana - archives.pf
L’ Œ U V R E D U M O I S                            Musée de Tahiti et des îles (MTI) - Fare Manaha

                                                                                                                                                                            Un archipel unique

                                                        Les Gambier croqués                                                                                                 « Ce qui m’a marqué, raconte Titouan,
                                                                                                                                                                            c’est l’impression d’arriver aux Caraïbes.
                                                                                                                                                                            Les Gambier ont une ambiance latino, une

                                                        par Lamazou
                                                                                                                                                                            ambiance d’Amérique du Sud, mais avec des
                                                                                                                                                                            paysages uniques. C’est aussi ce que j’aime
                                                                                                                                                                            de la Polynésie : chaque île, chaque archipel
                                                                                                                                                                            est unique, avec une végétation propre, une
                                                                                                                                                                            ambiance singulière, poursuit-il. Depuis un
                                                                                                                                                                            point de vue exceptionnel du mont Duff, j’ai
                                                            Rencontre avec Titouan Lamazou, artiste. Texte de Valentine Livine
12                                                          - Photos : Titouan Lamazou
                                                                                                                                                                            pu peindre les rares plantes endémiques qui                                                                                           13
                                                                                                                                                                            subsistent. » Sur les tableaux de Titouan,
                                                                                                                                                                            on retrouve ainsi le merei, le nioi, le puka-
 HIRO’A JOURNAL D’INFORMATIONS CULTURELLES

                                                                                                                                                                                                                                                                                                            HIRO’A JOURNAL D’INFORMATIONS CULTURELLES
                                                                                                                                                                            maga. Ces plantes survivent aux espèces
                                                                                                                                                                            importées invasives grâce à l’investisse-
                                                                                                                                                                                                                                       Les plantes endémiques des Gambier
                                                                                                                                                                            ment et à la dévotion de passionnés de                     immortalisées par Titouan Lamazou.
                                                                                                                                                                            botanique.
                                                                                                                                                                            Ce qui rend les Gambier uniques, ce sont          tuées par le microplastique généré par
                                                                                                                                                                            aussi les tatouages, particulièrement             l’effritement desdits filins… Avec le Covid,
                                                                                                                                                                            représentatifs de l’archipel. « Tanavai,          les greffeurs d’origine asiatique n’ont pu
                                                                                                                                                                            l’adjoint au maire des Gambier, arbore            repartir chez eux et sont bloqués à Man-
                                                                                                                                                                            fièrement des tatouages mangaréviens              gareva principalement. « Il y a une centaine
                                                                                                                                                                            traditionnels. Ces motifs ont presque été         de fermes perlières autour de Mangareva,
                                                                                                                                                                            anéantis par cent quatre-vingts ans d’évan-       c’est assez impressionnant. C’est une véri-
                                                                                                                                                                            gélisation », explique Titouan Lamazou.           table industrie que les habitants subissent
                                                                                                                                                                                                                              malgré eux. Le plus dur, c’est sûrement toute
                                                                                                                                                                            Bombe, évangélisation et fermes per-              cette pollution engendrée et les microplas-
                                                                                                                                                                            lières                                            tiques dans la mer. » Après la bombe évan-
                                                                                                                                                                            Le nucléaire était une des thématiques            gélique, la bombe nucléaire, les Gambier
                                                                    Des portraits vivants et émouvants d’habitants des Gambier,
                                                                dont les témoignages se retrouvent dans le livre Escales en Polynésie.                                      que Titouan Lamazou savait qu’il traiterait       pourraient bientôt voir exploser la bombe
                                                                                                                                                                            en arrivant aux Gambier. Des portraits et         environnementale. Heureusement, la po-
                                                                                                                                                                            des témoignages nous plongent direc-              pulation a conscience du besoin de pré-
                                                         Quarante ans après sa première visite aux Gambier, Titouan Lamazou                                                                                                   server la nature et agit en ce sens, ce qui
                                                                                                                                                                            tement au temps du CEP et des essais,
                                                         est revenu y peindre l’archipel. Sous ses pinceaux, trois thématiques                                              de la démesure, de l’inconscience, de la          laisse de l’espoir. ◆
                                                         se dégagent, révélant le lourd tribut payé par les habitants de ces                                                confiance de la population en l’État fran-
                                                         îles. Entre essais nucléaires, évangélisation fanatique et aujourd’hui                                             çais, du militantisme aussi…
                                                                                                                                                                                                                                                                               Les églises sont partout,
                                                         pollution plastique due à l’activité des fermes perlières, les Gambier                                             L’évangélisation, quant à elle, est un                                                          vestiges d’une évangélisation
                                                         ont une force de résilience peu commune.                                                                           thème qui s’est imposé de lui-même tant                                                             drastique et violente.

                                                                                                                                                                            l’histoire de l’archipel a été marquée par
                                                         « Les Gambier, j’y suis allé aux côtés d’Éric               Des portraits, l’artiste a pu en peindre plusieurs :   l’Église. « Le père Laval, un fanatique on
                                                         Tabarly, il y a quarante ans. En 1977, nous                 Yves Salmon, militant anti-bombe de la                 peut le dire, a relaté dans un livre référence
                                                         étions une bande de jeunes gars fougueux et                 première heure, Bruno Schmidt, infirmier               en matière d’anthropologie, la vie aux
                                                         aventureux qui faisions la fameuse croisière                et archéologue amateur passionné, un                   Gambier dans les années 1840. Ce livre est
                                                         transpacifique. Nous avons été choqués de                   jeune Pascuan aujourd’hui veilleur des                 précieux car documenté, précis, et l’un des
                                                         ce que la population et les militaires nous                 sépultures des tupuna sur Agakau-i-tai,                rares, sinon le seul ouvrage sur la vie des
                                                         faisaient découvrir », se souvient Titouan.                 Mémé Karo, gardienne de la cathédrale                  Gambier à cette époque. Une fois son obser-
                                                                                                                     Saint-Michel à Rikitea… « Je suis venu                 vation faite, il s’est appliqué à tout exploser
                                                         L’artiste-peintre avait donc en tête de mon-                aux Gambier pour retranscrire la nature,               avec acharnement ! », conte l’artiste. Les
                                                         trer les Gambier post-CEP, mais sans se ba-                 le vivant, les humains. Contrairement à                bâtiments religieux sont omniprésents et
                                                         ser sur ses souvenirs, dont il dit se méfier.               mon séjour aux Tuamotu, je n’ai pas réalisé            en quantité comparativement au nombre
                                                         « Je considère que les souvenirs ne sont pas                de toiles sous-marines. Le temps passé                 d’habitants et d’îles. Titouan Lamazou les
                                                         très fiables. Souvent, soit on les sublime, soit            aux Gambier était agréable, bien qu’assez              peint merveilleusement, rendant égale-
                                                         on s’approprie ceux des autres après avoir                  étrange aussi, car en pleine crise du Covid et,        ment hommage à Mémé Karo, gardienne
                                                         parlé avec eux. Je suis ainsi parti aux Gam-                là-bas, l’ambiance était détendue avec des             de la cathédrale Saint-Michel érigée sur
                                                         bier avec un esprit ouvert, sans m’encombrer                personnes sans masque. Rien à voir avec ce             l’île de Mangareva. L’évangélisation dras-
                                                         des vestiges de ma première escale. »                       qui se vivait aux îles du Vent par exemple ! »,        tique, violente, laisse place aujourd’hui
                                                                                                                     explique le peintre.                                   à une atmosphère particulière où se mé-
                                                         La gentillesse des habitants
                                                                                                                                                                            langent les cultes occidentaux et les tradi-
                                                         « Aux Gambier, j’ai reçu un accueil à nul autre                                                                    tions des Gambier.
                                                         pareil. Les gens sont d’une gentillesse in-
                                                                                                                                                                            Enfin, Titouan Lamazou nous éveille au              PRATIQUE
                                                         croyable. J’ai eu des accueils chaleureux par-
                                                                                                                                                                            monde frénétique de la culture perlière.            • L’exposition « Escales en Polynésie » dure jusqu’au 4 juin
                                                         tout où je suis passé, mais rien de comparable
                                                                                                                                                                            Les Gambier sont nettement impactés et                au Musée de Tahiti et des îles.
                                                         aux Gambier », relate Titouan Lamazou.
                                                                                                                                                                            payent un lourd tribut environnemental :            • Horaires d’ouverture : de 9h00 à 17h00.
                                                                                                                                                                            bouées qui se décrochent et dérivent,               • Visites guidées de l’exposition : les 9, 23 et 30 avril. Elles seront
                                                                                                                                                                            filins qui s’effritent dans le lagon, nacres          suivies de 11h30 à 13h par des séances de dédicace des livres
                                             La culture perlière est particulièrement active                                                                                                                                      et signature des lithographies. Maximum : 20 personnes.
                                                  et implantée autour de Mangareva.
Esther Tefana - archives.pf
DO S S I E R    Conservatoire artistique de Polynésie française (CAPF) – Te Fare Upa Rau
                                                             Maison de la culture (TFTN) – Te Fare Tauhiti Nui

14                                                          Hommage                                                                                                          15

                                                            à une grande dame,
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                                                                                                                                                                       HIRO’A JOURNAL D’INFORMATIONS CULTURELLES
                                                            Esther Tefana
                                                               Rencontre avec Frédéric Cibard, chargé de communication du CAPF, Peterson
                                                               Cowan, professeur de chant lyrique au Conservatoire et directeur artistique
                                                               du concert, Heimata Chenu, le fils d’Esther Tefana. Texte : Frédéric Cibard et
                                                               Alexandra Sigaudo-Fourny - Photo : Photos privées* et CAPF/22

                                                            *Nous remercions chaleureusement la famille d’Esther Tefana pour la mise à disposition de photographies.
Esther Tefana - archives.pf
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 HIRO’A JOURNAL D’INFORMATIONS CULTURELLES

                                                                                                                                                                                                                                              HIRO’A JOURNAL D’INFORMATIONS CULTURELLES
                                                                                                                                             Peterson Cowan à la direction artistique
                                                                                                                                             Lors de ce grand concert, le "ténor tahitien"
                                                                                                                                             Peterson Cowan a également été chargé
                                                                                                                                             d'apporter sa touche artistique. Habitué
                                                                                                                                             des grands-rendez-vous et des grandes
                                                                                                                                             scènes, le professeur de chant lyrique du
                                                                                                                                             Conservatoire a souhaité que le public
                                                                                                                                             puisse entendre et réentendre la voix et
                                                                                                                                             les images de la diva qui seront projetés       Esther : la musique d’une vie
                                                                                                                                             sur les grands écrans entourant la scène
                                                                                                                                             de To΄atā. À son initiative également, la
                                                                                                                                                                                             Elle avait pour idole Dean Martin et Andy
                                                                                                                                             proche famille de la chanteuse appor-
                                                                                                                                                                                             Williams, Nat King Cole, Jean Sablon ou Jac-
                                                                                                                                             tera son témoignage et ses anecdotes et
                                                                                                                                                                                             queline François. Elle a rencontré Sammy
                                                                                                                                             ainsi, un supplément de lumière sur la vie
                                                                                                                                                                                             Davis Jr, Line Renaud, Tom Jones... Esther
                                                                                                                                             d’Esther.
                                                                                                                                                                                             Tefana, qui a partagé sa vie entre un amour
                                                                                                                                             Enfin, Peterson Cowan a mené un travail         total de la musique et la promotion du fenua,
                                                                                                                                             de fond avec les chanteurs et les artistes      incarne l’une des plus belles voix de la belle
                                             Le Conservatoire artistique et la Maison de la culture rendent                                  engagés dans ce concert, ainsi qu’avec          époque avec Mila et Loma, Irma Prince, Gabi-
                                             hommage, le vendredi 29 avril prochain, place To΄atā, à une grande                              le maestro, notamment pour établir              lou, Marie Mariterangi, Emma Terangi, Bimbo,
                                             dame de la chanson polynésienne… à une grande dame tout court. Si                               un ordre dans le déroulé du spectacle,          Charley Mauu, Henriette Winkler, Poline, Alec
                                                                                                                                             chaque chanson représentant un moment           Salmon, puis Patrick Noble et tant d’autres...
                                             Esther Tefana symbolise le charme polynésien et la joie de vivre de la
                                                                                                                                             particulier de la vie d’Esther. Très attendu,   Notre diva polynésienne aura voyagé par-
                                             « Belle Époque », elle était aussi une grande ambassadrice du fenua,                            cet hommage à Esther Tefana honore éga-         tout dans le monde, offrant une magnifique
                                             et un pilier du droit des femmes. Autant de raisons pour la célébrer et                         lement tous les artistes qui ont chanté le      image de Tahiti et des îles, une sensibilité
                                             la retrouver dans le cadre des concerts Tuiro΄o de TFTN.                                        fenua et qui, ce faisant, ont forgé son iden-   et un charme que chacun gardera dans son
                                                                                                                                             tité culturelle profonde, touchante… et si      cœur.
                                                                                                                                             différente. ◆
                                             Placés sous la direction de leur maestro,                                                                                                       Née dans une famille de musiciens, Esther
                                                                                             Des voix d’exception pour un hommage
                                             Frédéric Rossoni, qui a arrangé les chan-                                                                                                       sera bercée, dès son plus jeune âge, par les
                                                                                             exceptionnel
                                             sons de la diva polynésienne pour tous                                                                                                          envolées de l’accordéon de son papa, Ladis
                                             les pupitres de l’orchestre, les cinquante      Il n’a pas été simple pour les organisa-                                                        Tefana, dit « Papillon ». Elle enregistre son
                                             musiciens du Symphonique travaillent            teurs de choisir les voix qui allaient rendre                                                   premier 33 tours, « Anu Anu » et sa première
                                             dur depuis plusieurs mois sur un réper-         hommage à la diva. Parmi les nombreuses                                                         chanson, No To΄u Nei Tino en 1964, chez Phi-
                                             toire… magnifique. Un répertoire connu          possibilités, il a fallu effectuer une sélec-                                                   lippe Law, dit « Filo », à l’âge de 15 ans et
                                             de toutes et de tous, des chansons qui tra-     tion tenant compte de plusieurs facteurs,                                                       demi... puis chez Gaston Guilbert. À 20 ans,
                                             versent le temps sans prendre la moindre        dont la disponibilité. Côté masculin, Teiva                                                     elle se produit sur la scène du Moana Nui,
                                             ride. Ce répertoire, c’est celui d’Esther Te-   LC, Andy Tupaia et Loïc Tehaeura partage-                                                       avec les « Super Boys », et au Matavai, avec
                                             fana – tous ses grands titres – et de cette     ront leur expérience des grandes scènes.                                                        les célèbres Barefoot Boys. Elle travaille en-
                                             période de la « belle époque » qui fait                                                                                                         core avec les studios Viking Production puis
                                                                                             Ils représenteront également tous les
                                             encore et toujours rêver. Et pour cause : la                                                                                                    avec le studio Petiot. Durant ses quarante ans
                                                                                             grands chanteurs ayant évolué auprès
                                             diva polynésienne était alors au sommet                                                                                                         de carrière, Esther Tefana réalise 27 albums
                                                                                             de la diva, dans des duos inoubliables.
                                             de son art. Elle symbolisait la joie de vivre                                                                                                   dont les 14 derniers auprès du label Océane
                                                                                             Côté féminin, ce seront Élise, Maire Arai,
                                             polynésienne et une sensibilité, une dou-                                                                                                       Production d’Éric Laroche, qu’elle appréciait
                                                                                             Sabrina Laughlin et Teura Brothers qui                                                          particulièrement.
                                             ceur, un ton de voix… uniques.                  auront la chance et le plaisir de chanter
                                                                                             Esther… et la belle époque. Deux musi-                                                          Dirigé par Frédéric Rossoni, l’orchestre sym-
                                             Un an après sa disparition, la Maison de la                                                                                                     phonique du Conservatoire, qui l’avait déjà
                                             culture et le Conservatoire artistique ont      ciens d’exception ont également été invi-
                                                                                                                                                                                             accompagnée au Grand théâtre à l’occasion
                                             choisi la place To΄atā qui, le temps d’un       tés à rejoindre cette belle distribution :
                                                                                                                                                                                             des concerts « Belle époque », la retrouvera
                                             soir, sera le théâtre du grand hommage          Michel Poroi à la guitare, Maruarii Ateni au
                                                                                                                                                                                             avec émotion et lui rendra hommage le
                                             qu’elle mérite. Et pour rendre hommage          ΄ukulele. S’ajoutent à cette remarquable
                                                                                                                                                                                             vendredi 29 avril prochain en interprétant
                                             à une grande voix, s’il faut de la grande       distribution les choristes et les meilleures                                                    une vingtaine de ses plus belles chansons
                                             musique, il faut également… de grands           danseuses du Conservatoire auxquelles                                                           composées par des paroliers d’exception
                                             chanteurs. Et une approche artistique           les chansons d’Esther se prêtent parfaite-                                                      dont Maeva Bougues et Jean Hars...
                                             spéciale.                                       ment.
                                                                                                                                                                                             Source : Tahiti presse
Esther Tefana - archives.pf
Peterson Cowan : "C'est une
                                                                                                         plongée dans nos souvenirs"
                                                                                                         Avec ce concert vous allez nous replonger
                                                                                                         dans la musique d’Esther Tefana, mais pas
                                                                                                         seulement…
                                                                                                         « En effet, nous avons beaucoup de chance, la
                                                                                                         famille nous a fourni de nombreuses photos
18                                                                                                       que nous allons diffuser le soir du concert. C’est
                                                                                                                                                                                                                          19
                                                                                                         une plongée dans nos souvenirs. Il y a quelques
 HIRO’A JOURNAL D’INFORMATIONS CULTURELLES

                                                                                                                                                                                                                    HIRO’A JOURNAL D’INFORMATIONS CULTURELLES
                                                                                                         pépites, des photos de concert, mais aussi des
                                                                                                         photos en studio. »
                                                                                                         Comment a été conçu ce spectacle ?
                                                                                                         « Initialement, dans le cadre des concerts Tuiro΄o,
                                                                                                         nous devions proposer un concert des chansons
                                                                                                         de la Belle époque. Avec la disparition d’Esther
                                                                                                         en mai dernier, ce concert a pris une autre dimen-
                                                                                                         sion et s’inscrit comme un hommage à une des
                                                                                                         plus grandes voix polynésiennes. À une excep-
                                                                                                         tion près, toutes les chansons de ce concert sont
                                             Heimata : « Maman était exigeante                           celles chantées par Esther. Nous aurons aussi des
                                             et respectait les œuvres »                                  musiques de Michel Poroi. »
                                             Un an après sa disparition, l’émotion est encore            Pouvez-vous nous donner plus de détails ?
                                             palpable lorsqu’on parle d’Esther avec Heimata,
                                             son fils unique. Celui-ci a vécu les derniers mois de       « Cela va se passer à To΄atā avec sur scène deux
                                             sa vie à ses côtés, il a vu sa douleur, mais aussi sa       écrans géants pour diffuser des images, mais
                                             pudeur et son courage pour ne rien laisser trans-           aussi entendre la voix d’Esther. Il y aura dix-sept
                                             paraître. De sa maman, il veut retenir sa joie de           chansons menées par l’orchestre du Conserva-
                                             chanter, son oreille absolue, son exigence quant à          toire réparties en solo et en duo. Nous aurons
                                             l’origine et l’originalité d’une œuvre, mais aussi son      également quatre chansons avec juste un ac-
                                             ΄ukulele qu’elle ne quittait jamais. « Si maman t’ap-       compagnement voix, piano et ΄ukulele, pour
                                             préciait, elle pouvait te prêter son instrument, mais       plus d’intimité sur la scène. Nous avons aussi
                                             tu devais jouer devant elle, interdiction de s’éloigner     programmé des interviews de ces proches qui
                                             avec ! Il avait été fabriqué spécialement pour elle, à      seront diffusés sur les grands écrans. Enfin, on
                                             Hawaii », rappelle Heimata. Esther avait aussi une          aura sur scène de la danse, des chœurs et un
                                             passion pour les papillons qui était également le           beau final. »
                                             surnom de son père, accordéoniste et musicien               Que dire de plus de cette artiste ?
                                             hors pair. Elle partageait d’ailleurs avec lui une
                                             oreille musicale unique.                                    « Il ne faut pas oublier qu’on parle d’une artiste
                                                                                                         avec une reconnaissance nationale et même
                                             Motu One, Tabu, O Manihi, Mon cœur est un vio-              internationale. C’était la voix polynésienne et
                                             lon…, Heimata l’assure, Esther n’avait pas de chan-         c’était surtout une femme de caractère qui chan-
                                             son préférée, elle aimait avant tout la musique             tait avec un ΄ukulele et qui nous offrait un son
                                             polynésienne et la partager avec le public et des           particulier. »
                                             artistes comme Petiot, Patrick Noble ou encore
                                             Loma et Mila, ses complices et voisines. « On vivait        Combien d’artistes seront sur scène ?
                                             dans le même quartier à Papeete ! », rappelle son fils      « Nous aurons huit chanteurs en plus de Michel
                                             qui se souvient également avoir souvent traîné,             Poroi. Teiva LC et Élise ont d’ailleurs eu l’opportu-
                                             enfant, dans les studios de musique. Heimata vou-           nité de chanter un jour avec Esther. Il y aura aussi
                                             drait aussi mettre l’accent sur le rayonnement de           nos danseurs»
                                             la culture et de la musique polynésiennes dans le
                                             monde grâce à sa maman. « Dans le cadre de son              Et vous, avez-vous connu personnellement
                                             travail à l’office du tourisme, elle a très souvent chan-   Esther Tefana ?
                                             té pour promouvoir la destination et notre culture.         « Oui, j’ai connu Esther lorsqu’elle était en poste
                                             Elle a voyagé et chanté dans toute l’Europe. Plus           à Paris, en tant qu’ambassadrice de la Polynésie
                                             qu’une chanteuse, elle était une ambassadrice de la         à la délégation polynésienne, boulevard Saint-
                                             culture polynésienne ».                                     Germain. Nous nous sommes rencontrés en 2014
                                                                                                         ou 2015. »                                              PRATIQUE
                                                                                                                                                                 Quatrième édition du concert Tuiro΄o
                                                                                                         Est-ce que vous avez découvert des anecdotes            • Hommage à Esther Tefana
                                                                                                         sur Esther en préparant ce concert ?                    • Vendredi 29 avril à 19h00
                                                                                                                                                                 • Tarif unique : 2 000 Fcfp
                                                                                                         « Peu de personnes se souviennent qu’Esther
                                                                                                                                                                 • Billets en vente prochainement sur place et en
                                                                                                         avait été en très bonne position pour participer à        ligne sur www.maisondelaculture.pf
                                                                                                         l’Eurovision avant de voir Gabilou gagner. »            • Renseignements au 40 544 544
                                                                                                                                                                 • FB : Maison de la Culture de Tahiti
                                                                                                                                                                 • www.maisondelaculture.pf
                                                                                                                                                                 • Aire de spectacle de To΄atā
T r é s o r d e P o ly nÉsie                         Service de l’Artisanat traditionnel (ART) – Pu Ohipa rima΄i

                                              La pierre fleurie, fine fleur                                                                                 pas si évidentes à identifier. « Les pierres
                                                                                                                                                            fleuries peuvent être de différentes couleurs

                                              du salon de Ua Pou
                                                                                                                                                            dans la nature, souvent blanches. Au départ,
                                                                                                                                                            on ne la reconnait pas, car les motifs de
                                                                                                                                                            fleurs ne sont pas apparents. Il faut la grat-
                                                                                                                                                            ter sur cinq millimètres environ ou couper
                                                                                                                                                            un morceau de la pierre avec la machette et
                                                                                                                                                            c’est seulement ensuite que l’on voit appa-
 20                                                                                                                                                         raitre les motifs de fleurs. On arrive aussi à
                                                Rencontre avec Bertrand Hikutini, artisan sculpteur. Texte et photos : Pauline Stasi                                                                                                                                                 21
                                                                                                                                                            les reconnaitre grâce aux éclats sur la pierre.
                                                                                                                                                            Mais il n’y a que les sculpteurs de pierre
  HIRO’A JOURNAL D’INFORMATIONS CULTURELLES

                                                                                                                                                                                                                                                                               HIRO’A JOURNAL D’INFORMATIONS CULTURELLES
                                                                                                                                                            fleurie qui vont les reconnaitre », précise le
                                                                                                                                                            Marquisien. Il existe différentes sortes de
                                                                                                                                                            pierres fleuries. Ses pétales peuvent être
                                                                                                                                                            noirs, oranges, jaunes… Les plus réputées
                                                                                                                                                            et les plus rares sont les pierres fleuries
                                                                                                                                                            rouges.
                                                                                                                                                            Une ressource à préserver
                                                                                                                                                            Forte de sa beauté, la pierre fleurie jouit
                                                                                                                                                            aujourd’hui d’une belle popularité. Mais            « Je vais la faire parler »
                                                                                                                                                            elle est aussi victime de son succès. « Il
                                                                                                                                                                                                                Autodidacte, Bertrand Hikutini a appris
                                                                                                                                                            faut faire attention et ne pas les gaspiller, car
                                                                                                                                                                                                                la sculpture sur le tas en regardant son
                                                                                                                                                            elles risquent de disparaitre si on en prélève
                                                                                                                                                                                                                père. « Je l’observais pendant des heures »,
                                                                                                                                                            trop, prévient-il. Autrefois, les anciens ne la
                                                                                                                                                                                                                se souvient-il. L’homme dans la fleur de
                                                                                                                                                            sculptaient pas, mon grand-père ne taillait
                                                                                                                                                                                                                l’âge en a fait son métier il y a dix-sept
                                                                                                                                                            que du bois, c’est la génération de mon père
                                                                                                                                                                                                                ans maintenant. Depuis, il ne s’est jamais
                                                                                                                                                            qui a commencé à la sculpter. Au départ, ils
                                                                                                                                                                                                                arrêté, car plus qu’un métier, sculpter
                                                                                                                                                            taillaient des pilons. » C’est tout un savoir-
                                                                                                                                                                                                                la pierre fleurie est devenue sa passion.
                                                                                                                                                            faire, tout un art… « Cette pierre est fragile
                                                                                                                                                                                                                « Ce n’est pas une pierre comme une autre,
                                                                                                                                                            et elle peut se casser ou se fendre facilement.
                                                                                                                                                                                                                il y a quelque chose de magique. Quand je
                                                                                                                                                            Ce n’est pas facile de la sculpter. C’est grâce
                                                                                                                                                                                                                vois une pierre fleurie, je vais la faire parler
                                                                                                                                                            aux nouveaux outils comme la meuleuse
                                                                                                                                                                                                                pour imaginer ce que je vais lui faire. Il y a du
                                                                                                                                                            que l’on arrive mieux à la tailler aujourd’hui.
                                                                                                                                                                                                                sacré en elle, elle dégage du mana », confie
                                                                                                                                                            On peut sculpter des tiki, des animaux, des
                                                                                                                                                                                                                l’artisan. ◆
                                                                                                                                                            tortues, des pilons… Il faut faire attention
                                                                                                                                                            au sens des veines pour la coupe. Il faut aussi
                                                                                                                                                            bien la polir avec beaucoup de délicatesse
                                                                                                                                                            ensuite pour lui donner son éclat. » Et au fil
                                                                                     Bertrand Hikutini trouve la pierre fleurie dans sa vallée, à Ua Pou.
                                                                                                                                                            des étapes, la pierre fleurie éclot.
                                              Le hall de l’assemblée de la Polynésie française a vécu à l’heure de Ua
                                              Pou du 3 au 11 mars derniers à l’occasion du Salon « Te tau tuhuka o Ua
                                              Pou ». Une opportunité pour les visiteurs d’admirer l’une des spécificités
                                              de cette île des Marquises : les sculptures sur pierre fleurie.
                                              Reconnaissable par ses motifs très par-           pierres fleuries se concentrent. « On peut
                                              ticuliers en forme de pétales colorés, la         en trouver un peu ailleurs dans l’île comme
                                              pierre fleurie de Ua Pou n’a pas son pareil       à Hakatao ou à Haakuti, mais c’est surtout
                                              et les sculptures qui en sont issues sont         dans la vallée de Hohoi, où j’habite, que l’on
                                              emblématiques de l’artisanat de cette île         trouve les plus belles », confie le sculpteur.                                                                   Au fil des étapes de la sculpture, la pierre fleurie éclot.
                                              marquisienne. Très rare, cette pierre volca-
                                                                                                Une pierre qui se mérite
                                              nique, te kea pua, de son nom scientifique
                                              « phonolite à grenats », fait partie de la        Régulièrement, Bertrand Hikutini part
                                              fine fleur des surprenantes et très belles        dans sa vallée, accompagné souvent de
                                              pierres de la planète. « C’est une pierre qui     ses deux grands fils, à la recherche de
                                              ne se trouve, je crois, qu’au Brésil et à Ua      cette pierre florale. Un peu comme des
                                              Pou », lance avec une once de fierté dans         chercheurs d’or en quête de leur précieuse
                                              la voix le sculpteur marquisien Bertrand          pépite. Car il l’avoue, cette pierre se mérite
                                              Hikutini, venu exposer ses œuvres au Sa-          et il ne faut pas ménager ses efforts pour
                                              lon « Te tau tuhuka o Ua Pou » pendant une        la dénicher. « On peut en avoir vers la plage,
                                              semaine. Et dans son île de Ua Pou, c’est         mais il n’y en a presque plus maintenant.
                                              dans la vallée de Hohoi, située à 13 kilo-        C’est surtout en montagne qu’on va la trou-
                                              mètres du village principal de Hakahau,           ver, mais les chemins ne sont pas toujours
                                              qu’une grande partie de ses fameuses              faciles d’accès. » En plus, ces pierres ne sont
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