Fado Performance Inc. Toronto, Ontario Translucidité glissante et réflexion viscérale en art de la performance

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Fado Performance Inc.
Toronto, Ontario

Translucidité glissante et réflexion viscérale en art de la
performance
Par Ahasiw Maskegon-Iskwew

       «… peut-être l’une des forces ou l’un des pouvoirs de l’art – en d’autres mots,
       une des choses qui fait qu’il importe de considérer quelque chose comme
       étant de l’art—est exactement cette capacité de l’art (je dois aussi dire ici
       « ce droit que l’art se donne à lui-même et qui le rend précieux) : regarder
       autrement, offrir une perspective différente qui change notre entière
       compréhension des paramètres potentiels d’un cadre donné.. »1

Les réponses qui décrivent le mieux la discussion en ligne sur l’art de la performance
Après les faits de Fado sont celles de la fin du dialogue. Paul Couillard demandait si on
devait enseigner l’art de la performance. Il souligne que « aussitôt que vous commencez à
enseigner un sujet, celui-ci est en quelque sorte archivé et a une tendance à devenir un
principe figé…comment l’art de la performance peut-il conserver ses capacités
évolutives. Kirsten Forkert répond en décrivant comment, à titre d’enseignante, elle a
tenté « de remettre en question la notion de principe fondamental, la notion de celui qui
écrit l’histoire, d’enseigner d’une façon qui incite les gens à développer leurs propres
idées et définitions. Nous devons résister à la tentation de proposer un autre principe ».
Louise Bak a résumé le tout avec un « appel à l’expansion des lieux, des discussions et
des questions critiques gravitant autour de questions de performance. » 2

Les points de vue et les critiques sur l’art de la performance qui ont émergé d’Après les
faits contiennent la même remise en question interne que l’on retrouve au cœur de la
pratique de l’art de la performance. Ils étaient « après » dans le sens de la citation, ou
inspirés par le travail d’autres artistes et du difficile et dangereux, mais combien
essentiel, acte de l’analyse critique. Ils ont aussi tenu compte des « faits » dans le sens de
propositions de rechange pour l’art de la performance à une version institutionnalisée,
médiatisée et déshumanisée de la réalité et de l’histoire imposée par une
psychopathologie institutionnelle, systématique et figée. Louise Bak allègue que « les
actes de performance prennent place dans un monde où la signification des idées
transmises se détériore et devient unifocale – en réalité, privilégiant certaines visions et
repoussant les marges, à moins qu’ils puissent être facilement assimilés facilement ».3 Ce
point est davantage élaboré par Jessica Bradley dans son article sur le travail de Rebecca
Belmore. Elle met en garde sur la façon dont « l’idéologie du visible » a la « capacité de
maintenir l’invisibilité d’autres voix et représentations. ». Elle présente comme option
que « la performance peut excaver ou réanimer ces questions et images qui ne
s’inscrivent pas dans la culture dominante, ou qui sont systématiquement marginalisées
par elle. »4
L’un des plus importants défis qu’ont eu à relever les participants d’Après les faits portait
sur la nature contestée de la définition dans l’analyse critique de l’art de la performance.
Rachel Echenberg propose une notion expliquant pourquoi l’art de la performance
constitue un sujet de résistance en art contemporain. « L’art est inclus dans un système de
désignation qui, de par sa nature, établit des frontières, incluant et excluant
simultanément des modes de travail possibles. Nommer nous stoppe, probablement parce
que c’est le nom qui nous induit à penser que nous savons quelque chose. Et penser que
nous savons quelque chose nous empêche de regarder, de demander, d’expérimenter et de
partager. »5 Le rapport Inter-arts de Claude Schryer nous fournit un résumé utile de la
façon dont les pratiques interdisciplinaires résistent à la désignation. « La nature et
l’objectif de l’art de la performance et des pratiques interdisciplinaires consistent à
rechercher l’estompement des frontières, puis de résister obstinément à la définition
d’eux-mêmes ou des définitions traditionnelles de l’art. »6 Louise Bak relie certaines des
méthodologies de cette résistance. « Le point fort de la « performance » vient de sa
polyvalence à permettre aux artistes des expérimentations d’auteur, de faire des
associations et des circuits environnementaux inusités – pour de nouvelles articulations
de rapports et un esthétisme capable d’éluder les automatismes de la perception et de
l’existence. »7 Tout en reconnaissant les difficultés de la définition, Johanna
Householder, dans son introduction de Caught in the Act, dégage une audacieuse et vive
perception du rôle de l’art de la performance au sein de l’ensemble du milieu de l’art
contemporain.

       L’art de la performance cherche à investiguer les conditions existantes, incluant
       la présence humaine, et remet en question les objectifs, les processus,
       l’appréhension et l’expérience de l’art : en le réalisant. Donc, bien qu’il s’agisse
       d’une pratique d’avant-garde dans le sens d’explorer les conditions nécessaires
       de sa propre existence, celle-ci est fondamentale dans sa dévotion envers le
       processus…Selon moi, l’art de la performance n’est pas qu’une pratique
       essentielle, c’est la pratique essentielle de l’art de la fin du 20e siècle et du début
       du 21e siècle; un art vers lequel, de nos jours, tous les autres arts tendent. …
       Comme l’a fait observer Dot Tuer, en 1987, la performance fait que l’on voit la
       politique de la représentation comme une bataille, en vue d’obtenir le contrôle
       des corps réels dans le temps et l’espace. »8

Bien que le corps occupe une position hautement considérée et influente dans l’analyse
de l’art de la performance, Après les faits révèle un fort intérêt envers la façon dont les
notions relationnelles sont exprimées dans la pratique de l’art de la performance et dans
le discours critique. Rachel Echenberg décrit les bases du processus. « Chaque participant
à la production d’une œuvre (avec un esthétisme actif) communique, ajoute, soustrait sa
propre signification et compréhension, fragmentant l’œuvre entière en une toile vivante et
complexe. Si nous la contemplons de cette façon, l’activité/l’objet esthétique n’est jamais
tangible ou complet et peut devenir profondément relié à la vie. »9 (Mes yeux voient
« exploser » dans une toile vivante et complexe. )

Les notions du relationnel peuvent aussi influer profondément sur la façon dont nous
construisons la réalité. Warren Arcan, dans son article sur l’anthologie Live at the End of
the Century décrit une solution parallèle culturelle importante et de longue durée à la
tyrannie des concepts européens occidentaux d’une non-objectivation et aliénation.

        « J’ai un jour demandé à ma mère comme se disait Je t’aime en cri…elle m’a
       répondu…puis, j’ai demandé quel mot correspondait à Je, à t’ et à aime. Elle
       réfléchit un moment, fit la moue et répondit : « Ça ne fonctionne pas comme cela,
       tu ne peux pas couper comme ça ou séparer les mots… » Alors, j’ai compris la
       façon crie de voir le monde, c’est-à-dire que des sentiments comme l’amour ne
       peuvent s’exprimer ou se comprendre sans la notion de relation humaines, que le
       mot ne s’emploie pas seul. La réalité, comme nous la comprenons ne se compose
       que de choses en relations. En parler sans notion de relation ne veut rien dire. »10

Un autre aspect de la discussion Après les faits gravitait autour de questions de
documentation et de pratique orienté vers le produit par rapport à une pratique orientée
sur le processus. Ironiquement, la plupart de ce que l’on connaît de l’art de la
performance provient d’expériences et d’analyses de documentation – très peu ont assisté
à des performances, mais la majeure partie de la communauté artistique en a vu encore
moins, mais en a une bonne connaissance, grâce à des livres, articles, vidéos et histoires
rapportées par des amis ou collègues. Cela est si vrai que des artistes dont les
performances sont privées et qui ne présentent au public que la documentation sur celle-
ci font partie de la pratique de l’art de la performance.11 Dans son article intitulé Live at
the End of the Century, Judy Radul décrit comment « En ayant intériorisé le sens de la
durée et de la répétition de la caméra, nous ne pouvons séparer notre réception/notre
énoncé/nos gestes performateurs de son potentiel et de ses traces de reproduction. » Elle
fait une importante mise en garde sur les dangers d’établir des canons fermes pour l’art
de la performance, à cet égard. « La définition de la performance qui s’oppose à la
reproduction fait qu’il est plus difficile de situer l’œuvre de plus jeunes artistes qui sont
moins préoccupés par la non-reproductibilité ontologique de la performance et qui ont
tendance à combiner librement la participation en direct à la participation préenregistrée
ou risquée/conciliante dans une économie de disparition (grâce au temps réel) et de
reproduction.12

Cela s’avère particulièrement important, lorsque l’on considère le travail d’artistes qui
incorporent la performance, les médias, la production d’objets et l’installation –
estompant et redéfinissant les frontières entre ces moyens d’expression créative. La
performance de Lori Blondeau CyberPowWow, monté par Skawennati Tricia Fragnito et
Archer Pechawis, ainsi que sa performance-photographies en sont de bons exemples.13 Le
travail de Rebecca Belmore constitue un autre exemple de diversité importante, souple et
complexe au niveau de l’expression – intégrant les médias, la photographie, la
performance, l’installation et le processus axé vers la production d’un objet.14

Même la pratique de l’art de la performance elle-même, avec toute sa résistance à la
définition et ses stratégies d’habilitation de la diversité de la perception, de la révélation
et de la méthodologie, peut être perçue comme étant restrictive.

       …il existe de nombreux artistes qui pratiquent ce que j’appellerais du travail axé
       sur la performance, mais qui refuseraient qu’on les appelle artistes de la
performance, parce qu’ils ne veulent pas y être associés. Ce que j’appelle « art de
       la performance » peut-être appelé « pratique contextuelle », « manœuvre »,
       « intervention », etc. par un autre artiste.15

La variété et l’évolution constante de ces perspectives importantes indiquent que nous
devons maintenir un discours analytique et documenté constant sur la pratique de la
performance. Nous devons appuyer le jalonnement et les voies d’une pratique évolutive
et dynamique – une pratique qui illustre de façon incisive d’importants moments,
relations et expériences profondément de notre rush culturel, hystérique et conflictuel.
Comme exemple, Archer Pechawis nous présente une perspective unique et évocatrice
d’un aspect particulier de la performance en elle-même.

       L’art de la performance autochtone est le mocassin à talon haut et à embout
       d’acier du télégraphe; une série de passes montagneuses connues pour ses
       conditions climatiques externes et ses courbes dangereuses. Ici, les artistes des
       premières nations; hybrident le télégraphe, distillant l’information dans des
       hyperboles, les questions tournées en métaphores ou servies crues. La pratique
       offre la promesse de l’inattendu, du danger, mais ici, l’aspect confrontant sur
       lequel l’art de la performance repose en grande partie se voit orienté vers de
       nouveaux objectifs. L’acteur de Vancouver, Sam Bob, a comparé la vie des
       artistes de théâtre des premières Nations à une société secrète, avec ses propres
       et terrifiants rites d’initiation. L’art de la performance saisit ces rites et les fait
       ressurgir à l’air libre, où ils sont « lavés en public »s. Les participants sont
       incités à aider à ce qu’on les « frotte sur les rochers ».16

Importance de Pensée critique : nouveaux courants

La discussion en ligne de Fado, Après les faits, est appuyée par l’initiative
interdisciplinaire du Conseil des Arts du Canada, Pensée critique : nouveaux courants. Il
s’agit d’un important supplément et alternative aux autres programmes d’appui à
l’analyse critique du Conseil. Ce programme découle de l’engagement soutenu des
comités consultatifs de l’Inter-arts envers le soutien à l’analyse critique et au rapport
d’histoires de nos diverses pratiques pour le mieux-être de la communauté et des publics
artistiques canadiens. Les préoccupations du comité sur l’absence d’une histoire critique
de l’art de la performance canadien sont reprises par Tagny Duff dans l’anthologie
Caught in the Act. « Comme artiste ayant une pratique active et commençant une carrière
dans l’enseignement au niveau universitaire, je suis préoccupé par l’absence notable de
documents historiques sur l’art de la performance qui se pratique au Canada, en
particulièrement par les femmes. Cette situation est reflétée dans de nombreux
programme d’études d’institutions canadiennes, utilisant l’intense circulation
d’anthologies historiques sur l’art américain et européen, et des textes sur des artistes de
la performance. »17 Dans la même anthologie, Tanya Mars donne un aperçu de l’urgence
à redresser cette lacune. « …l’histoire du médium vit en grande partie comme souvenirs.
À cause de sa nature éphémère et de la fragilité de sa documentation, sans oublier la
fragilité des souvenirs et la tendance à changer l’histoire, nous estimons qu’il est
impératif que l’histoire soit enregistrée avant qu’elle ne soit perdue. »18 La
compréhension partagée de cette écologie critique historique a entraîné un comité
consultatif pivot sur l’interdisciplinarité à faire la recommandation suivante :

          Que le Bureau Inter-arts encourage la recherche et le discours critique en art de
          la performance, en interdisciplinarité et en nouvelles pratiques artistiques.19

Pensée critique : nouveaux courants permet aux communautés des arts diversement
complexes et à la vitalité créatrice de s’exprimer. Elles sont les leaders d’une nouvelle
perception créative et du développement de méthodes de production et de stratégies de
présentation parallèles. Elles interrogent, revoient et rafraîchissent de nombreuses
conventions de base de l’art contemporain. Le programme Pensée critique : nouveaux
courants est une initiative vibrante qui propose de nouvelles voix novatrices à la critique
des arts canadiens pour une vaste gamme de pratiques créatives.

1
   Paul Couillard, discussion en ligne Après les faits, 2005; http://performanceart.ca/after/q4.html
2
   Téléconférence de clôture de la discussion en ligne Après les faits, 2005.
http://www.performanceart.ca/after/teleconf.html
3
   Louise Bak, téléconférence de clôture de la discussion en ligne Après les faits, 2005.
http://www.performanceart.ca/after/teleconf.html
4
   Jessica Bradley, Rebecca Belmore: Art and the Object of Performance in Caught in the Act: an anthology of
performance art by Canadian Women, YYZ Books, Toronto, 2004. p. 121.
5
6 Rachel Echenberg, discussion en ligne Après les faits, 2005, http://performanceart.ca/after/q4.html
   Claude Schryerr, Examen du Programme d'aide aux oeuvres interdisciplinaires et de performance (1999)
 , Conseil des Arts, Conclusions; http://conseildesarts.ca/interarts
7
   Louise Bak, discussion en ligne Après les faits, 2005; http://performanceart.ca/after/q4.html
8
   Johanna Householder, Apologia dans Caught in the Act: an anthology of performance art by Canadian Women, YYZ
Books, Toronto, 2004, p.13, citation : Dot Tuer, Gestures in the Looking Glass, C Magazine, 1986.
9
   Rachel Echenberg, discussion en ligne Après les faits, 2005, http://performanceart.ca/after/q4.html
10
    Warren Arcan, Working Title, in Live at the End of the Century: Aspects of Performance Art in Vancouver, éd. Brice
Canyon, Visible Arts Society, grunt gallery, Vancouver, 2000, p.150
11
    Paul Couillard, téléconférence de clôture After the Facts: « J’étais membre d’un panel de l’OCAD que Jessica
Wyman a organisé il n’y a pas si longtemps, étudiant comment l’art de la performance était documenté. Diane Borsato
était sur le panel. Elle est souvent identifiée comme artiste de la performance, mais n’a presque jamais fait de
présentation en public. Elle accomplit des prestations privées qu’elle enregistre et ce qu’elle montre, c’est la
documentation photographique ou des écrits sur la pièce. Il ne s’agit pas du public la regardant alors qu’elle s’ingénie à
obtenir l’essence de la sentimentalité. Le geste y est impliqué, mais pas celui qui se passe devant le public. Certains
diront qu’elle est photooraphe, parce que c’est ce qu’elle montre, ou une écrivaine, parce qu’elle présente des textes. »
http://www.performanceart.ca/after/teleconf.html
12
    Judy Radul, Stage Fright: The Theatricality of Performance, in Live at the End of the Century: Aspects of
Performance Art in Vancouver, ed. Brice Canyon, Visible Arts Society, grunt gallery, Vancouver, 2000, pp. 40-41
13
    http://www.cyberpowwow.net/gallery.html et http://www.arts.usask.ca/art/faculty/pages/l_blondeau.html
14
    http://www.performanceart.ca/time3x/belmore/interview.html
 http://www.conseildesarts.ca/nouvelles/galeriedesimages/wa127326430051406250.htm, et http://www.belkin-
 gallery.ubc.ca/belmore/
15
    Rachel Echenberg, téléconférence de clôture de la discussion en ligne Après les faits, 2005,
http://www.performanceart.ca/after/teleconf.html
16
    Archer Pechawis, New Traditions: Post-Oka Aboriginal Performance Art in Vancouver dans Live at the End of the
Century: Aspects of Performance Art in Vancouver, éd. Brice Canyon, Visible Arts Society, Grunt gallery, Vancouver,
2000, p.137
17
    Tagny Duff, FFWD, RWD, and PLAY: Performance Art, Video, and Reflections on Second-wave Feminism in
Vancouver 1973-1983 dans Caught in the Act: an anthology of performance art by Canadian Women, YYZ Books,
Toronto, 2004, p.42
18
    Tanya Mars, Preface: From the Exquisite to the Extreme dans Caught in the Act: an anthology of performance art by
1C9anadian Women, YYZ Books, Toronto, 2004, p. 11
    Claude Schryer, Examen du Programme d'aide aux oeuvres interdisciplinaires et de performance (1999)
– Rapport final (1999), Sections des priorités, Conseil des Arts du Canada, 1999; http://conseildesarts.ca/interarts
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