FAIL FAST, SUCCEED FASTER, LE PARADIGME MARKETING DU XXIE SIECLE - #4 - Capgemini
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COMPRENDRE 5 Comment ne plus faire semblant d’être au XXIe siècle 8 Bienvenue dans l’ère du marketing fusionnel ACCÉLÉRER 13 Le compte à rebours est lancé : êtes-vous prêts à accélérer ? 19 Contextualisation, personnalisation, temps réel… un must dans la profession ! EXÉCUTER 27 L’impact à l’ère du mix online-offline 33 Le centre de contact, de l’ombre à la lumière…
EDITO ARNAUD BOUCHARD VICE PRESIDENT HEAD OF DIGITAL CUSTOMER EXPERIENCE Chers lectrices et lecteurs, Nombreux sont ceux qui répètent sans cesse que le Cette nouvelle édition souhaite vous apporter un consommateur a changé, qu’il n’a jamais été aussi ver- condensé de réflexions et d’expériences vécues avec satile, indépendant et paradoxal. Si ce consommateur nos clients sur de nouvelles organisations plus agiles est drastiquement méconnaissable, c’est que notre « comme des start-up », plus ouvertes aux autres, monde n’est plus le même et ce n’est pas une question pouvant prendre des décisions dans un univers de plus de conjoncture, de crise mais bien qu’il se base sur de en plus data-driven, où la personnalisation en temps nouveaux codes dont l’individualisme, qu’il dispose de réel est l’enjeu majeur, quels que soient les canaux, où nouvelles innovations structurantes dont l’internet des l’humain et les interactions à distance trouvent une objets et la digitalisation. place dans le marketing d’aujourd’hui. Les marketeurs les ont bien sûr déjà appréhendés de- Fort du succès de la dernière édition, nous continuons puis des années, mais avec des marqueurs, des réfé- à travailler avec des co-auteurs renommés du Marke- rences et un état d’esprit encore trop souvent plongés ting et de la Relation Client. Nous les remercions sin- dans le XXe siècle. Nous pensons qu’il est temps de s’en cèrement pour leur contribution et la confiance qu’ils débarrasser au plus vite, afin de sortir d’une commo- nous accordent. ditisation annoncée et donc d’une potentielle mort des marques. À toutes et tous, bonne lecture. L’heure n’est plus à se poser des questions, mais bien à (I) comprendre et apprivoiser ces changements pour (II) passer à l’action, accélérer et exécuter au mieux. Arnaud Bouchard @ArnaudjBouchard
5 Par Arnaud Bouchard, Vice President, Charles Lescaille, Senior Consultant et Abla Benghazi, Consultante Avec la contribution de Cécile Gauffriau, Directrice au sein de L’Échangeur by LaSer COMMENT NE PLUS FAIREE SEMBLANT D’ETRE AU XXI SIECLE Notre modèle socio-économique actuel a été bâti dans un contexte de croissance et sur des principes de stabilité, celui des Trente Glorieuses. Dans un monde de plus en plus numérique, en mutation sans cesse accélérée, ce modèle historique se trouve aujourd’hui très fragilisé et doit répondre à la question « Comment faire mieux avec moins ? ». Le consommateur, qui vit à présent dans cet environnement mouvant, s’adapte en permanence et opère quotidiennement cette mutation. Si l’on en croit notre dernière étude « Le management français à l’épreuve de la bascule numérique », 67 % des cadres des entreprises et administrations françaises estiment que le changement ne va pas dans la bonne direction ou qu’il est difficile à évaluer. La réalité économique Vitesse et opportunité du changement mal mesurée Diriez-vous que le changement dans votre entreprise est trop rapide, pas Les indicateurs économiques utilisés assez rapide, satisfaisant ? aujourd’hui sont obsolètes pour la Et pour vous personnellement, vous diriez que ces changements plupart. En eff et, les principaux fonde- représentent plutôt une source d’opportunité ou un risque ? ments de notre modèle socio-écono- mique actuel se sont construits sur un héritage d’après-guerre dont les dy- le changement n’est pas assez rapide namiques de croissance étaient fortes et stables, rendues possible grâce 100 % à une rareté de l’off re, une pression Les insatiables concurrentielle maîtrisée, de grandes 75 % industries et des échanges internatio- 50 % Les réticents naux encore limités. Les organisations Les confiants économiques se trouvent aujourd’hui 25 % entre le marteau et l’enclume : d’un côté, un legs très prégnant d’un mo- 0 dèle capitaliste libéral et de l’autre, 60 % 65 % 70 % 75 % 80 % 85 % un environnement en totale mutation. le changement est une opportunité De fait, nos organisations, rigides, ré- sistent au changement, notamment Source : Étude « Le management français à l’épreuve de la bascule numérique », TNS Sofres et Capgemini Consulting. par le biais de leur management comme Réalisée en Janvier 2014 dans 7 pays auprès de 3 800 personnes. le montrent les chiff res ci-contre.
6 JOURNAL OF MARKETING REVOLUTION #4 On sait que l’immixtion du numérique Le creux entre deux l’automobile et la maison connec- dans notre société a donné naissance vagues d’innovations tées... — ou encore l’intelligence à des pans entiers de l’économie artificielle — avec les robots Nao ou autour de l’usage, notamment avec Pepper d’Aldebaran Robotics qui visent l’apparition du « peer to peer » et de Aujourd’hui nous nous trouvons entre l’avènement de la « personal life assis- la consommation collaborative. L’éco- la 5e et 6e vague des cycles d’innova- tance » —. nomie de l’usage fait aujourd’hui partie tion théorisés par Schumpeter. L’éco- de notre réalité quotidienne, mais nomiste affirme que les grands cycles Si les vagues d’innovations successives elle n’est pas encore inscrite dans les de croissance économique sont liés à ont bouleversé tour à tour l’économie données de consommation (INSEE no- des innovations — y compris technolo- du côté de l’offre, nous constatons tamment). Notre incapacité à mesurer giques — en rupture. On constate que également des tendances sociales de l’économie de l’usage explique en le cycle que nous entamons à peine, le fond qui vont bouleverser les modes de partie la rigidité des organisations et 6e, sera porté par une prépondérance consommation. l’incompréhension du management. de l’individualisme profond et des Les entreprises ne valorisent pas la services qui ont remplacé la notion Développement vraie réalité ! de propriété, centrale dans les cycles antérieurs. de l’individualisme Le monde économique se trouve au- et consommation jourd’hui entre deux vagues d’innova- Cette vague sera portée par la nano- tions, et à date il n’intègre toujours pas technologie — déjà au cœur des dans ses indicateurs les spécificités recherches menées au sein des labo- En parallèle de cette 6e vague d’inno- de la nouvelle vague, génératrice d’une ratoires de Google X pour lutter contre vation émergente, l’individualisme forte croissance. le cancer par exemple —, l’Internet est devenu un paradigme social indé- des objets (IoT) — avec les wearables, niable. L’économie moderne et libérale Le cycle de Schumpeter de l’innovation Avec l’accélération des vagues, la survie des acteurs dépendra de leur capacité à anticiper et se réinventer face aux nouveaux entrants. 2020 30 ans 40 1990 ans 50 1950 1785 60 1845 55 1900 ans ans ans Aujourd’hui Vague 1 Vague 2 Vague 3 Vague 4 Vague 5 Vague 6 ¬¬Force hydraulique ¬¬Machine à vapeur ¬¬Électricité ¬¬Pétrochimie ¬¬Informatique ¬¬Internet des objets ¬¬Textiles ¬¬Chemin de fer ¬¬Chimie ¬¬Électronique ¬¬Internet ¬¬Nanotechonologies ¬¬Fer ¬¬Acier ¬¬Moteur à explosion ¬¬Aviation ¬¬Télécom ¬¬Intelligence artificielle Source : L’Échangeur by LaSer
7 a joué un rôle majeur dans l’affirmation yy Sens : dans un monde de plus en plus Au-delà de ces exemples de masto- des talents individuels : complexe, l’individu veut « donner un dontes, il est aussi édifiant de consta- sens à sa vie » ter à quel point certaines start-ups de- viennent rapidement des références Au XXe siècle yy Transparence : l’individu souhaite incontournables de la consommation. être maître de son choix, et s’infor- Certaines fondées sur la consomma- l’individualisme devra mer seul tion collaborative et le « peer to peer » lutter […] Il finira sont en train de s’imposer progressi- Il est aujourd’hui indéniable que parmi vement sur l’arbitrage prix/praticité. cependant par s’imposer les acteurs qui semblent sortir vain- On pensera bien sûr à Airbnb, Blabla- vers la fin du siècle avec queurs des batailles économiques, car et Leboncoin.fr. D’autres font de l’immense majorité a fait siens ces l’adaptabilité une composante clé de la le triomphe du libéralisme critères de choix des clients. fiabilité de leurs produits comme Valve, économique avec sa plateforme de e-commerce de jeux vidéos qui sait préconiser des jeux Ces acteurs qui gagnent à ses 70 millions d’utilisateurs. Cer- Michel Volle, Économiste taines, plus modestes, ont pour point saillant le bénéfice social, voire socié- Cette émergence du libéralisme qui a Les GAFA (Google, Apple, Facebook, tal. Avec l’esprit de communauté pour permis les progrès de la société dans Amazon) sont des ogres économiques séduire, La Ruche qui dit Oui met les son ensemble — hausse des niveaux qui ont su embrasser très rapidement consommateurs en lien direct avec les de vie, mobilité géographique facilitée les tendances nouvelles. Ils placent producteurs/agriculteurs depuis 2011 — a permis à chacun de développer sa l’individu au cœur de leur business (environ 4 000 producteurs et 100 000 capacité à « faire soi-même ». model. Google met sa technologie utilisateurs en 2014). au service de l’information, de son Cet individu, qui a plus de pouvoir et organisation, de son accessibilité et de capacités, se retrouve pour autant de son utilité. Amazon s’applique à Gagnez vous aussi confronté à une multitude de choix à offrir l’expérience e-commerce la plus au XXIe siècle faire/de décisions à prendre : la maî- customer-centric du monde. Son algo- trise de son pouvoir d’achat en toute rithme de recommandation prédictive indépendance et en période de crise, la est d’ailleurs l’étendard le plus reconnu Afin de capter la création de valeur du gestion de son épargne, le choix de ses de cette vision. Apple incarne la fiabilité XXIe siècle (on évoque une croissance produits et services dans un contexte fondée en grande partie sur le design et du PIB mondial de 50 000 milliards de de plus en plus mondialisé et transpa- la confiance en la marque très incarnée dollars entre 2011 et 2020), les entre- rent. par son ancien PDG. Facebook s’est prises se doivent d’intégrer les change- donné comme mission de connecter ments du siècle dans leurs indicateurs Les grands moments de la vie (sépara- les individus et de faciliter leur ouver- et leurs modes de fonctionnement : tion, changement de travail, perte d’un ture les uns sur les autres. devenir obsédé autant par l’utilisateur proche, naissance, sinistre...) sont très que le client et anticiper les ruptures déterminants dans la manière dont Ces acteurs ont certes leurs spécifi- de leur modèle économique — « Hack un individu va aborder ses choix de cités, mais également des traits com- Your Own Business, Uberisez-vous ! ». consommation. D’après l’Access Panel muns structurants : Ce changement est possible pour les LaSer, l’observatoire des dynamiques entreprises de toutes tailles, si tant est et des arbitrages de consommation Ils ne font aucune différence entre un qu’elles soient suffisamment à l’écoute des Français, un foyer sur trois en vit client et un utilisateur. Leur orientation des utilisateurs d’une part et d’autre au moins un chaque année, d’où l’im- expérience client est optimale (vitesse part non plus capables de s’adapter portance des critères de : & simplicité). Ils privilégient aussi mais de devenir adaptables ! une vue long-terme de la valeur et de yy Coût : en période de ressources res- l’utilisateur et investissent avec des treintes horizons de rentabilité longs. yy Fiabilité : l’aversion au risque donne Ils gagnent aujourd’hui la compétition Cécile Gauffriau de plus en plus de poids à la fidélité économique mondiale, et de très loin. @cecilegauffriau à la marque Ils auraient généré en 2013 316 mil- liards de dollars de revenus, soit l’équi- yy Praticité : des solutions accessibles valent du PIB danois (35e PIB mondial), multi-device pour gagner du temps avec seulement 252 000 employés.
8 Par Arnaud Bouchard, Vice President, Florence Hartenstein, Senior Manager, Juliette Charonnat et Thomas Jouffroy, Senior Consultants et Océane Conraud, Consultante Avec la contribution de Céline Bouvier, Directrice Marketing Coca-Cola France BIENVENUE DANS L’ERE DU MARKETING FUSIONNEL Les clients ont muté. L’ère du client clients, au-delà de la seule transaction. prévisible, attentif aux spots TV, Les 3 piliers de la transformation Souvent, il doit aussi dorer ou redorer facilement segmentable par profil de l’écosystème du CMO le blason du marketing en interne, sociodémographique, est définitive- en démontrant l’impact des actions ment révolue. C’est une multitude entreprises, et en mobilisant les diff é- Mobile de clients multitâches, hyper-exi- rents acteurs autour d’une expérience geants, plus connectés que jamais de marque riche et cohérente. Enfin qui ont pris sa place. Leurs besoins — et il serait innocent de le passer sont multiples, leurs décisions d’achat sous silence — il doit relever ses défis souvent contradictoires, entre attrait personnels : sécuriser sa progression du premium et enjeu low-cost. Leurs et son employabilité, développer son parcours d’achat se sont complexi- branding personnel, rester informé et fiés, nécessitant des modélisations innovant... accrues. Le « temps réel » est leur période de référence, la réactivité leur évidence. Les expériences de marque Comment s’y prendre ? sont plus sociales que jamais, des bou- Social Personnalisation teilles personnalisables de Partagez C’est dans l’histoire collective que l’on un Coca-Cola au microsite Art of the peut trouver des éléments de réponse. Source : Capgemini Consulting © Trench de Burberry, qui recueille auprès Une image s’impose : celle de l’évolu- de ses fans des mises en scène de son tion darwinienne. Évoluer pour survivre, trench coat… Autant de « variations comme à chaque transformation ma- sur une icône », qui dépassent le seul jeure de l’écosystème. Et évoluer, dans acte de consommation ! Évoluer pour survivre le cas du CMO, c’est concevoir, mettre en place et faire performer l’équipe Et si le produit déçoit, si le service marketing. Celle qui relèvera les défis n’est pas assez personnalisé, c’est en Dans ce nouvel environnement, l’exi- business d’aujourd’hui… et qui saura public que l’expérience se partage… gence de l’entreprise vis-à-vis du CMO prendre un temps d’avance sur le mar- du barbecue du dimanche aux réseaux est plus élevée que jamais. Il doit en ché. sociaux. eff et développer l’engagement de ses
9 Reprenons en effet à notre compte la font réellement le chiffre d’affaires de besoins, alors il devient possible de position de Charles Darwin en 1809 : l’entreprise, ou à des fonctions sup- démontrer aux financiers de l’entre- « Ce n’est pas l’espèce la plus forte port dont le périmètre est clairement prise l’impact des actions marketing. qui survit, ni la plus intelligente, mais la délimité (Finance, RH…). La deuxième On peut dialoguer sur des indicateurs plus réactive au changement ». Le CMO phase intervient sous la pression du concrets : le chiffre d’affaires et le ROI ne doit pas se contenter d’additionner, client, dont l’exigence de personnalisa- bien sûr, mais aussi le taux d’engage- couche après couche, les sédiments tion, de cohérence multicanale s’élève ment, qui augure des ventes de demain. des nouvelles activités marketing, SEO, dans tous les secteurs ; le CMO devient Autrement dit : le CMO doit maîtriser SEM, content marketing, solutions alors « chef d’orchestre », et gagne les arcanes du financier ; c’est pour lui mobiles, data science… comme c’est légitimement en envergure dans l’en- la seule façon de sortir de la dictature trop souvent le cas aujourd’hui. Le treprise… où il bat la mesure au rythme du court terme, de se redonner des CMO doit faire muter son organisation, imposé par le client. marges de manœuvre stratégiques à comme son client a muté avant elle, moyen terme. pour gagner en traction sur le marché. Et la transformation ne s’arrête pas là. C’est dans une troisième phase que Concrètement, cela signifie dépasser nous entrons désormais, celle où le Entrer de plain-pied les deux phases classiques d’évolu- CMO doit dépasser l’animation de chef dans l’ère du marketing tion des organisations marketing. La d’orchestre, et intégrer les savoir-faire première phase, c’est celle du « spé- du reste de l’entreprise, afin de mieux fusionnel cialiste solitaire ». Expert du marché, dialoguer avec eux, mieux faire levier expert des produits, progressivement sur eux. Typiquement, les opportunités expert du client, grâce à des études, liées au Big Data et aux Analytics cris- Il n’existe pas aujourd’hui de modèle des analyses de plus en plus poussées, tallisent ce nouvel enjeu. Si le smart unique d’évolution des organisations il peine pourtant à valoriser sa contri- data permet de façonner l’expérience marketing, pas de recette-type pour bution. Elle est jugée encore trop floue, de chaque client, de le solliciter au la transformation. C’est ce que dé- face à des fonctions commerciales qui bon moment, voire en anticipant ses montrent nos recherches menées sur Les 3 stades de l’évolution des organisations marketing Facteurs externes yy Révolution du Smart Data yy Client de plus en plus exigeant yy Expérience omnicanale sur l’ensemble yy Expérience multicanale du parcours Client Marketing IT IT Expérience client Marketing & Commercial et digital Commercial Autres Autres Autres fonctions fonctions fonctions support Production support Production support Production CMO « spécialiste solitaire » CMO « chef d’orchestre » CMO « fusionnel » Facteurs internes yy Non-alignement entre les équipes yy Nécessité de piloter des projets Marketing et Commerciales rapides, à fort ROI, transversaux yy Extension du périmètre du CMO pour et digitaux satisfaire les exigences Client Source : Capgemini Consulting ©
10 JOURNAL OF MARKETING REVOLUTION #4 une trentaine d’entreprises du monde leur mise en œuvre au détriment à la les Chief Marketing Technologists, dont entier, dans des secteurs variés. fois du marketing et de la DSI. le rôle de « convertisseur-converseur » entre marketing et IT devient clé pour Pas de modèle unique… car chaque Enfin, et nous l’évoquions dans le cadre délivrer effectivement les expériences entreprise est unique. Chacune doit de l’émergence des analytics, le CMO clients de demain, chez des acteurs inventer son propre modèle, en com- joue sa crédibilité aujourd’hui auprès aussi divers que Kimberly-Clark, SAP, binant sa stratégie de marque — qui de la Finance, et par extension, auprès Unibail-Rodamco... doit incarner son ADN et sa culture — du CEO. Il devient critique pour les mar- et sa palette de compétences, qu’elles keters de développer leur compétence soient disponibles en interne ou mobi- analytique, non seulement pour enga- lisables auprès de partenaires. ger et réengager le client, mais aussi — plus prosaïquement — pour sécuriser TÉMOIGNAGE Trois nécessités communes à toutes leurs budgets. L’exemple d’Intel, qui a les entreprises apparaissent néan- mis en place une plateforme analytique moins, avec un fil rouge : celui de permettant au marketing de tester fa- connecter véritablement la fonction cilement des scénarios et d’ajuster sa L’enjeu pour nous est toujours de marketing au reste de l’organisation. stratégie en conséquence, laisse en- trouver la bonne articulation entre les C’est l’émergence du marketing fu- trevoir une évolution fructueuse dans « spécialistes » et les généralistes sionnel… les débats marketing/finance dans les au sein de notre organisation. organisations. Les premiers résultats Lorsque les sujets émergent, et Tout d’abord, le CMO doit investir da- sont d’ailleurs probants, toujours se- qu’il faut les faire mûrir, il faut qu’ils vantage la relation avec les équipes lon l’étude « Marketing 2020 », qui a soient du ressort d’une personne ou commerciales. Cela signifie assumer montré que 58 % des CMO sondés tra- d’une cellule dédiée. Le digital était son rôle de « voix du client », depuis vaillaient en étroite collaboration avec exclusivement managé par l’équipe l’émergence du besoin jusqu’à la le CEO à l’élaboration de la stratégie digitale jusqu’à présent, quel que boucle retour de l’utilisation du service. d’entreprise en 2013 plus du double soit le sujet, la problématique. Cela Saisir les réactions du client tout au qu’en 2006. a permis de cultiver le sujet dans long de sa course, pour toujours affûter de bonnes conditions, de s’assurer son approche. Avec pour ligne de mire qu’il était bien coordonné et que l’on la contribution au chiffre d’affaires, qui Réinventons construisait un réel savoir-faire. concrétise l’engagement client d’au- nos marketeurs jourd’hui… et celui de demain. Aujourd’hui, je souhaite accélérer le processus de diffusion au sein des La proximité, voire la symbiose avec Brand content, gestion des réseaux équipes, c’est pourquoi le Digital est la fonction IT permet également de sociaux, marketing digital, optimisa- désormais dans la feuille de route de répondre aux exigences d’un client tion des moteurs de recherche, ana- chaque personne du département. hyper-connecté, social et impatient. lytics… Le temps où le CMO s’appuyait Cela devient ainsi une brique centrale Ainsi, l’étude « Marketing 2020 » exclusivement sur une équipe de du marketing « traditionnel » même menée auprès de 10 000 marketeurs 1 marketeurs généralistes est révolu, s’il n’y a pas de recette magique a montré qu’un tiers des CMO dont il a constamment besoin aujourd’hui et qu’il faut sans cesse adapter, l’entreprise surperforme sur son de véritables expertises. Son défi l’expérience digitale étant différente marché collabore toujours de manière est donc de taille : constituer une pour une campagne Nestea en été et étroite avec l’IT (vs. 18 % des CMO équipe pointue qui saura adresser des une campagne Coca Cola à Noël. dont l’entreprise sous-performe). Plus challenges transverses. polémique, Gartner prédisait en 2011 Quant à l’équipe digitale, elle que le CMO dépenserait plus que le Le salut du CMO se présente sous deux accélère son rôle de leadership, CIO en IT d’ici à 2017... Une théorie qui formes complémentaires : les « hy- d’innovation et de capability building tend à se confirmer, sous la pression perspécialistes » et les « hybrides ». sur des sujets stratégiques : la data, du client final. Il devient ainsi évident Alors que les hyperspécialistes sont la conversation en temps réel, les que le CMO doit saisir, en bonne in- les référents de l’organisation sur leur objets connectés... telligence avec l’IT, l’opportunité du champ de compétences, les hybrides, software-as-a-service pour gérer de eux, combinent a minima deux sa- façon plus agile ses relations avec le voir-faire clés ; ils apportent ainsi la vi- client, notamment sur le Digital. Cela sion transverse indispensable pour ré- lui permettra de moins dépendre du pondre aux enjeux business. Ces profils Céline Bouvier développement ou de l’implémentation polyvalents sont les nouveaux aides de @cebouvier en interne de logiciels lourds, coûteux, camp des CMO. Ce sont notamment les et trop souvent hors jeu au moment de E-business Managers, ou bien encore
Si les compétences métiers sont clés, mais aussi ceux qui insuffleront dans les savoir-être sont tout aussi indis- toute l’entreprise la vision business, pensables et le CMO doit s’entourer la « voix du client », en amplifiant la d’individus capables de gérer la com- parole du CMO. Pour mobiliser toute plexité, de s’adapter rapidement aux l’entreprise au bénéfice du client final. changements et de prendre plus de responsabilités fonctionnelles. C’est Tout en sachant que l’entreprise devra en effet la capacité à fédérer un réseau se recalibrer régulièrement pour rester solide, au sein de l’entreprise comme à pertinente. À un rythme annuel, voire l’extérieur, qui fera des marketeurs de davantage. Bienvenue dans l’ère du demain les piliers d’une organisation marketing fusionnel… et de son orga- capable de survivre à la sélection na- nisation liquide. turelle. Et pour identifier et développer les compétences qui manquent à son or- ganisation, le CMO peut exercer trois leviers : yy Il peut recruter à l’externe des nou- veaux profils, comme les data scien- tists ou les spécialistes des réseaux sociaux... avec le risque cependant que leur expertise ne s’émousse pro- gressivement au sein de l’entreprise. yy Il peut investir de façon pérenne dans des partenariats avec des acteurs spécialisés, afin de faire levier sur leur expertise Métier mul- ti-sectorielle, multi-problématique. C’est le choix stratégique de The Coca-Cola Company. yy Il peut enfin faire monter en com- pétence les équipes grâce à des parcours de formation innovants. En France, Orange a montré l’exemple début 2014 avec sa « Digital Aca- demy » visant à développer les compétences digitales des 166 000 salariés du Groupe 2 . Cette approche permet de diffuser très rapidement dans l’entreprise les compétences de demain… et de mieux piloter les prestataires éventuels. Muter pour prospérer L’une des priorités du CMO est donc de calibrer son organisation pour répondre aux enjeux du client d’aujourd’hui, à celui qui se présentera demain. Son 1. http://www.marketing2020.org/ enjeu véritable ? Sélectionner à la 2. http://www.orange.com/fr/presse/communiques/ fois les profils qui feront du marke- communiques-2014/Orange-lance-la-Digital-Academy- un-programme-de-formation-au-digital-pour-tous-les- ting une fonction à haute technicité, salaries-du-Groupe
ACCELERER
Par Sylvain Canu, Vice President, Samboy Camara, Principal, Guillaume Cuzzi, Senior Consultant et Katinka Najar, Consultante Avec la collaboration de Pierre Volle, Président de l’AFM (Association Française du Marketing) et Professeur en Marketing à Paris Dauphine LE COMPTE A REBOURS EST LANCE : ETES-VOUS PRETS A ACCELERER ? Jusque dans les années 2000, l’innovation marketing était tournée vers le développement accéléré de produits, services ou technologies. Le CMO du XXIe siècle se voit confronté à un changement de paradigme : le marketing est maintenant centré sur le client, et son expérience globale avec la marque. Ce dernier est au cœur du processus de développement, et mène l’innovation, comme son accélération. Réduire le délai de qui poussent les entreprises plus loin Le défi est donc de taille pour les dans leur course vers l’innovation, au CMOs : comment concevoir, exécuter mise en marché des service de l’expérience. et mettre en marché des expériences expériences clients : un cohérentes dans la durée, ces objets L’expérience client peut se définir aux contours un peu flous, diffus et défi de taille pour le CMO comme « la façon dont les clients per- intangibles, mémorables ou légers, qui çoivent leurs interactions » 1 avec une s’invitent dans toutes les couches de Les consommateurs, en attente d’in- marque/entreprise. Elle va donc bien l’organisation et viennent bouleverser novation constante, poussent l’en- au-delà de fonctionnalités objectives les modes de travail ? Les modèles treprise à proposer des expériences à dont un produit ou un service peut dis- traditionnels, approches séquentielles un rythme accéléré pour rester com- poser : elle est de l’ordre de l’humain, ou top-down, souvent orientées pro- pétitive. Les lancements sont soumis du relationnel, donc protéiforme et duits, sont alors remis en cause, pour à l’œil attentif de consommateurs à complexe. Le client n’est pas le ré- se tourner vers des modèles plus agiles la fois curieux et exigeants, devenus cepteur passif des expériences que la et systémiques, mieux à même de ré- experts en fonctionnalités, technolo- marque tenterait de lui pousser, il par- pondre aux besoins des clients. gie ou encore design. Les conjectures ticipe activement à la construction de autour de la forme que prendrait la tant ces moments partagés. L’expérience attendue Apple Watch témoignent d’un du produit n’est que l’un des maillons appétit intense pour l’innovation, qui, de l’expérience globale et intégrée loin d’être l’affaire de quelques fans du client, qui se nourrit de toutes les 1. « Outside in, the power of putting customers at the center of your business » Harley Manning et Kerry Bodine, 2012 absolus de la marque, devient un phé- interactions qu’il peut avoir avec la 2. Voir le modèle « Customer Relevancy », dans l’article nomène de masse. L’accélération est marque, à différents moments et dif- « L’expérience client : un levier de différenciation, d’efficience économique et opérationnelle à votre portée », ainsi initiée par les consommateurs, férents endroits 2 . Journal of Marketing Revolution #2
14 JOURNAL OF MARKETING REVOLUTION #4 Les principes qui guident l’entreprise agile Face à ces changements, le marketeur se retrouve comme un sportif de haut niveau à l’assaut d’un nouveau défi : il lui faudra apprendre à mobiliser des ressources externes dans un écosystème adapté à son entraînement. Il devra ensuite travailler sa technique, purifier ses mouvements, voire réapprendre certains gestes pour libérer son potentiel. Et s’il veut vraiment devenir performant, il devra s’assurer d’une parfaite harmonie entre sa vision, sa motivation et ses actions. S’appuyer sur des Procéder à un partenaires prototypage rapide s Bénéficier du de es savoir-faire d’une n ter n de Ne pas sacrifier ex r e s s o ur c s a t io Ma t e c hn communauté l’expérience client la es i t r i ique d’experts sur l’autel des i M o b il se processus Faire appel à sa Standardiser communauté pour mieux de clients personnaliser H t ê ar m la t e , onie e n t r e r p s le c œ o ur e t l e c Diff user une culture d’innovation Réussir, c’est 1 % de vision et de prise de risque et 99 % d’alignement Source : Capgemini Consulting © Mobiliser des ressources alors placée au centre et au service marque, en suivant les « idées en ac- du processus d’idéation et de test de tion » de l’analyse au lancement. C’est externes : les expériences concepts. Leurs idées permettent de à eux que revient de décider si une collaboratives, puissants développer de nouvelles off res en ligne idée est pertinente au regard de leur moteurs d’accélération avec les attentes des clients, de rac- expérience quotidienne. Plus de 1 000 courcir le cycle de développement, et idées émanant de consommateurs de tester au fil de l’eau l’appétence de ont déjà été implémentées, comme Comme tout sportif de haut niveau, sa communauté. Sur mystarbucksidea. celle de proposer le WiFi gratuitement le marketeur doit s’appuyer sur des com, Starbucks propose aux membres dans toutes les enseignes et qui a re- acteurs externes prêts à l’accompa- de sa communauté de partager leurs çue plus de 67 000 votes en 2008. Ce gner dans ce nouveau défi : sa com- idées d’améliorations de produits ou service, maintenant considéré comme munauté de clients, qui s’implique par services afin de les soumettre au emblématique de la marque, est donc à engagement envers la marque, des vote 3 . Les idées peuvent concerner l’origine l’idée d’un membre de la com- communautés d’experts, qui le font des nouveaux produits (boisson, munauté Starbucks. par goût du défi ou par soif de recon- nourriture, carte de fidélité...), mais naissance, ou encore des partenaires, aussi l’expérience d’achat (paiement, Poussant plus loin l’idée de donner une qui cherchent à mutualiser risques et commande...), et pour finir l’engage- tribune aux clients, certaines entre- bénéfices dans le développement d’ex- ment de l’entreprise (responsabilité prises ont décidé de faire porter la voix périences innovantes. sociale...). Cette « conversation » avec du client là où elle peut avoir un impact les consommateurs permet à l’entre- véritable et immédiat, c’est-à-dire au S’allier au client dans prise d’accélérer ses développements sein des organes décisionnaires de en cherchant ses idées à la source, l’entreprise, en créant un comité dédié la course à l’accélération et de tester en temps réel l’intérêt à l’expérience client. Bouygues Tele- qu’elles présentent pour les clients. com est ainsi en train de constituer Certaines entreprises décident de Les consommateurs engagés peuvent son comité clients, et invite ses clients nouer un véritable dialogue avec leur s’exprimer et participer au dévelop- à postuler directement auprès de la communauté de consommateurs, pement de l’expérience off erte par la marque 4 pour siéger au comité client.
15 Pour ce faire, parmi les 11 clients du loppeurs peut prendre la forme de trois commercialisation d’articles de sport, comité, 5 seront des « Tops Contribu- grands types d’initiatives : la mise à avant de progressivement étendre sa teurs » du Forum d’Assistance Bou- disposition d’un SDK (Software Deve- proposition de valeur sur le terrain de ygues Telecom, sélectionnés à partir lopment Kit) pour permettre le déve- l’accompagnement d’une « expérience de leur score de participation, et 6 des loppement d’applications tierces ; la de sport » (équipements, applications, volontaires, et ce pour une durée d’un mise à disposition de jeux de données communautés de sportifs). Pour com- an. de la part l’entreprise pour permettre pléter cette expérience, Nike s’est leur réutilisation ; ou encore l’assigna- appuyé sur Apple pour développer de Mobiliser un écosystème tion d’une mission avec objectif de nouveaux produits : Nike+iPod (2006), mise sur le marché. Fuelband, et maintenant l’Apple Watch. de talents : les experts Ce partenariat permet un accès à de la développeurs Faire équipe avec un donnée qualifiée qui permet en retour de développer de nouveaux services et Outre ses clients, l’entreprise peut partenaire pour créer de produits adaptés aux comportements également faire appel à une commu- nouvelles expériences des consommateurs. Les clients ap- nauté de développeurs afin d’externa- précient une expérience « sans cou- liser à la fois sa capacité d’innovation Le phénomène de l’open innovation ture » de qualité qui a permis une forte et sa rapidité d’exécution. Son rôle peut s’appliquer au marketing (on adhésion aux concepts proposés (30 est alors de mettre à disposition les parle alors d’« open marketing ») millions d’utilisateurs Fuelband). données et outils qu’elle possède, d’in- lorsqu’une entreprise décide de faire diquer la finalité attendue et d’intégrer appel à des partenaires leaders dans le produit fini. C’est la combinaison et leur domaine afin de co-développer le croisement de données internes à des produits ou services à la pointe l’entreprise, de données collectées de l’innovation. Ce partenariat permet auprès du client, et enfin de données à chacun d’enrichir sa proposition de externes qui permettent de construire valeur et sa promesse client en accé- des expériences de valeur. léré, tout en s’assurant de la qualité 3. http://mystarbucksidea.force.com/ de ses produits et services. Nike a 4. http://blog.bouyguestelecom.fr/feedbacks/135433-lan- L’appel à la communauté de déve- longtemps évolué sur le marché de la cement-comiteclients-bouygues-telecom L’open data, un terrain propice à la mobilisation de son écosystème Plateforme open Ambition visée par l’entreprise 1,3 million d’applications data mettant à Hackathon visant à sélectionner des disponibles sur disposition 50 jeux projets destinés à être déployés l’App Store de données (dont localisation par L’Oréal (tout en laissant aux des gares, horaires, nombre de développeurs la propriété de leurs codes) voyageurs...) + travail avec les start up Hackathon visant à réinventer le Possibilité pour les relation client : mise à disposition développeurs tiers de d’APIs auprès d’équipes Mise à disposition de développer des programmes à pluridisciplinaires pour bénéficier données concernant destination de d’une vision extérieure les horaires la Freebox V6 prévisionnels, la localisation des Récompense de $ 500 à $ 15 000 arrêts... pour la détection de failles sur Google Chrome Mise à disposition d’un SDK Mise à disposition de jeux de (Software Development Kit) Assignation d’une mission avec données de la part l’entreprise pour permettre le développement objectif de mise sur le marché pour permettre leur réutilisation au d’applications tierces service du client Ampleur des données fournies par l’entreprise Source : Capgemini Consulting ©
16 JOURNAL OF MARKETING REVOLUTION #4 Maîtriser la technique Les principes du design en mode agile pour libérer son potentiel Se confronter régulièrement à Investiguer Se lancer dès que la vérité du client longtemps avant possible dans le d’agir design de MVP Afin de matérialiser rapidement le produit final, sans développements ni outillage coûteux, et de pouvoir tester Intégrer le client Favoriser la plus vite la pertinence des concepts dans la boucle collaboration avec en se confrontant aux retours des au moment de la les clients & les contractualisation partenaires utilisateurs, beaucoup d’entreprises adoptent des modes de développe- ment agiles et éclairs avec du proto- typage en « socle minimal » (Minimum Avoir une Procéder par Viable Product (MVP) : maquetter conception itérations courtes uniquement les fonctionnalités néces- aboutie dès le dans une logique départ Test & Learn saires pour que les clients/utilisateurs puissent le tester) 5 ou des « sprints » (développement de quelques fonction- nalités clés en un temps éclair). Les Se contenter Tester puis finaliser d’Expressions grands principes de la méthode agile de Besoins des Expressions sont les suivants : de Besoins claires « flottantes », concises et illustrées non finalisées y Privilégier l’expérimentation à la planification élaborée (Réaliser en quelques semaines un MVP) Se focaliser sur les Mettre l’accent sur les personnes, les processus et les interactions et la y Procéder par itérations rapides outils collaboration (« test & learn ») pour tester la valeur d’une idée à moindre coût et éviter l’eff et tunnel Considérer les Accepter y Privilégier le feedback lié à l’expéri- erreurs comme qu’expérimenter, des échecs c’est prendre un mentation plutôt que l’intuition inacceptables risque Pour adopter ces modes de fonction- nement, l’entreprise commence par Source : Capgemini Consulting © s’appuyer sur des équipes dédiées, co-localisées, qui ont en tête un objec- tif clair à atteindre (indicateur de per- formance qualitatif et/ou quantitatif) et préalablement défini. Ceci permet- Nordstrom Innovation Lab: Sunglass iPad App Case Study tra de juger du succès ou de l’échec du développement – sans oublier que dans la culture agile, un échec est considéré comme une occasion d’apprendre et d’évoluer, et non pas comme un signal https://www.youtube.com/ de fin : « fail fast, learn often ». watch?v=szr0ezLyQHY La chaine de magasins Nordstrom met en œuvre ce concept de test en conti- nu au sein de son Innovation Lab. Une équipe dédiée est chargée de mettre en œuvre des expérimentations d’une semaine pour insuffler un esprit agile
17 de type start-up au sein de cette en- Ainsi, The Bonobos s’est dotée d’une servir dans le cadre de la construction treprise américaine âgée de plus de « Ninja team », surnom donné à son de parcours clients. 110 ans. Une des missions de ce Lab service client. L’objectif est de ne pas a été de créer, construire et tester en tomber dans le piège du service client Dans tous les cas, elle reste un une semaine une application iPad pour standardisé à l’ancienne, mais au moyen de rationaliser les processus aider les clients à choisir leurs lunettes contraire de disposer des marges de de conception en standardisant les de soleil. L’équipe de designers et manœuvre nécessaires à l’accomplis- éléments socles cachés, et ainsi de développeurs s’est installée dans le sement du principal objectif : la satis- concentrer les eff orts sur la personna- magasin et, partant d’une maquette faction client. Pour cela, les « ninjas » lisation des éléments en interface avec papier de l’application a procédé par sont libres de répondre via Facebook, le client. itérations, avec des cycles très rapides Twitter ou email, et de prendre le temps de production (« flash build ») et des dont ils ont besoin pour répondre. La Dans l’automobile, Volkswagen AG, a tests utilisateurs pour identifier de « team » s’est illustrée par sa capacité développé une méga-plateforme com- nouvelles fonctionnalités ou affiner les à délivrer un service d’exception, à la mune à plusieurs modèles du groupe fonctionnalités déjà identifiées. Ceci a fois efficace, personnalisé et fun basé (Audi, Seat, Skoda et Volkswagen) : la permis de créer une boucle d’améliora- sur un principe : « nous sommes des matrice modulaire transverse (MQB tion continue, en intégrant les retours ninjas, et nous faisons les choses un Platform). Cette dernière permet de des clients en temps réel. Après une peu diff éremment ». partager les composants techniques semaine, une application iPad d’aide à de plusieurs modèles quelles que soient la vente avait été créée, disposant des la taille et la gamme des véhicules fonctionnalités cœurs identifiées par Standardiser les briques concernés (Golf, Fabia, A3, etc.). En les clients et les équipes de vente, pour de conception pour plus 2016, ce sont 20 usines, dans 12 pays, en maximiser l’adoption. de personnalisation et de qui produiront des véhicules possédant une base technique identique tout en Une autre idée consiste à ne pas sa- modularité proposant des modèles aux carros- crifier l’expérience client sur l’autel des series très spécifiques correspondant processus, qui, souvent vus comme les Dans un souci d’efficacité et d’ac- aux attentes des consommateurs lo- garants d’une certaine rationalisation célération de la sortie des produits caux 6 . Et d’ici 2017, ce sont plus de 40 interne, peuvent devenir rapidement et services, il devient de plus en plus modèles qui devraient être construits des barrières à l’enchantement client. fréquent de recourir à la standardisa- selon le même principe, permettant Certaines marques l’ont bien compris, tion des briques de conception. Cette d’espérer une réduction de 20 % des et considèrent que la qualité de l’ex- approche très développée dans le coûts unitaires et de 30 % du temps de périence client passe par l’octroi des secteur de l’automobile, et notamment construction par véhicule 7. marges de manœuvre adéquates à chez Volkswagen AG, peut également leurs équipes. The Bonobos Ninja Handbook to Customer Service https://www.youtube.com/ watch?v=h-vEB61jwfE 5. « Lean Ux : Applying Lean Principles to Improve User Experience », Jeff Gothelf, 2013 6. http://www.usinenouvelle.com/article/volkswa- gen-se-concentre-sur-la-modularite.N247840 7. Hans Dieter Pötsch, Member of the Board of Management of Volkswagen, Driving Forward, mai 2011
18 JOURNAL OF MARKETING REVOLUTION #4 Harmoniser la tête, le qualité (application, accès à la data s’il manque quelques fonctionnalités cœur et le corps gratuit pendant 4 ans...), associés à un qui pourront être mises à disposition dialogue direct avec l’entreprise sur les ultérieurement, « over the air ». Cela plateformes communautaires. La per- peut également se traduire par le fait « 1 % de vision et 99 % sonnalité charismatique de ce leader a d’encourager la prise d’initiatives et le permis à l’entreprise de s’attacher une partage d’expérience entre les colla- d’alignement »8 communauté très fortement engagée, borateurs, comme mis en œuvre chez une valorisation exponentielle de ses Blablacar. Le visionnaire ne peut porter seul actions en bourse (le prix de l’action l’accélération de l’entreprise : sa vision est passé de 27 $ en juin 2012 à 250 $ doit être diffusée, partagée et portée en octobre 2014), mais également de à travers les différentes strates de rallier les collaborateurs autour d’une l’entreprise pour prendre vie. Elon Musk ambition forte, sans quoi l’entreprise est un modèle d’entrepreneur vision- n’aurait sans doute pas pu se dévelop- Sylvain Canu naire : après avoir co-fondé PayPal, per si rapidement. @SylvainCanu il a créé SpaceX (une entreprise de Pierre Volle service de transport dans l’espace qui Une culture d’entreprise @volle_dauphine vise à permettre la colonisation de la planète Mars en réduisant les coûts tournée vers l’innovation et de transports spatiaux), puis Tesla en favorisant la prise de risque 2003. La vision et l’orientation qu’il a définies pour son entreprise sont Il est clé que le leadership cherche à claires : « accélérer la création d’un promouvoir une culture d’entreprise transport durable en mettant le plus encourageant l’innovation et la prise tôt possible sur le marché des véhi- de risque. Cela passe par la mise en cules électriques d’une qualité non place de conditions favorables à l’in- contestée, destinés au grand public » 9 . novation, et ce à tous les échelons de En 10 ans, Elon Musk a ainsi réussi à l’entreprise, et à tous les stades de dé- 8. « Built to Last : Successful Habits of Visionary Compa- nies », James C. Collins et Jerry I. Porras, 1994 développer des voitures électriques à veloppement des produits et services. 9. Traduction du texte : « to accelerate the advent of la pointe de la technologie, une expé- Très concrètement, il peut s’agir de sustainable transport by bringing compelling mass market electric cars to market as soon as possible » http://www. rience client innovante et de grande ne pas retarder la sortie d’un produit teslamotors.com/blog/mission-tesla Les principes du design en mode agile La vision La mission Les valeurs La culture Les compétences agiles La capacité à mettre en œuvre Source : Capgemini Consulting ©
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