Groupe d'étude du coroner en chef de l'Ontario sur les décès dus aux incendies dans les collectivités des Premières Nations - juillet 2021
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Groupe d’étude du coroner en chef de l’Ontario sur les décès dus aux incendies dans les collectivités des Premières Nations juillet 2021
Contents 1 Avant-propos 2 Préface : D’hier à aujourd’hui 8 Résumé 10 Termes clés et définitions 12 Introduction 12 • Raison d’être de l’analyse 12 • Intervenants 12 • Renseignements sur le Bureau du coroner en chef et le Bureau du commissaire des incendies 13 • But du Groupe d’étude 13 • Objet de l’analyse 14 • Nature et méthode de l’analyse 15 • Mortalité par le feu – Faits connus et revue de la littérature 15 • Taux de mortalité associé aux incendies domestiques 16 • Incendies et décès dans les communautés des Premières Nations 18 Constats de l’analyse 19 • Contexte actuel – Cause des incendies mortels 21 • Déclencheurs d’incendie 23 • Lieu des incendies et conditions de logement 25 • Construction et chauffage des bâtiments 28 • Moment où se déclarent les incendies 32 • Importance d’une mise en garde rapide 35 • Capacité à évacuer 37 • Intervention d’urgence et résultats 38 • Groupes les plus à risque 42 • Activité au moment de l’incendie 46 • Facteurs causant les décès lors des incendies 47 Limites de l’analyse 48 Survol des constats et questions non résolues 50 Dernières réflexions 51 Remerciements 52 Bibliographie 55 Annexe 1: Fiche de renseignements sur les incendies dans les communautés des Premières Nations 63 Annexe 2: Communautés analysées 65 Annexe 3: Calcul du taux de mortalité associé aux incendies résidentiels
Avant-propos Nous souhaitons honorer chaque vie emportée par les flammes, de même que les familles, amis, êtres chers, communautés et premiers intervenants touchés. La plus récente tragédie a eu lieu pendant que la présente analyse était en cours. Cinq membres de la Première Nation Kitchenuhmaykoosib Inninuwug (Première Nation du lac Big Trout) ont trouvé la mort dans un incendie dévastateur en mai 2019. En mémoire de chacune des personnes que nous avons perdues, nous soumettons ce rapport informatif afin de susciter des changements qui préviendront d’autres tragédies. Groupe d’étude du coroner en chef de l’Ontario sur les décès dus aux incendies dans les collectivités des Premières Nations 1
Préface : D’hier à aujourd’hui Kate Forget et Aliesha Arndt Ministère du Procureur général – Division de la justice pour les Autochtones Cette brève préface ne saurait relater toutes les tentatives du Canada pour éradiquer et assimiler les Autochtones. Elle cherche plutôt à offrir un peu de contexte pour que l’on comprenne mieux pourquoi les communautés des Premières Nations sont disproportionnellement ravagées par des incendies mortels. Historique Depuis plus d’un siècle, le Canada cible les nations autochtones dans ses lois et politiques de manière à « éliminer les gouvernements autochtones, ignorer les droits des Autochtones, mettre fin aux traités conclus et, au moyen d’un processus d’assimilation, faire en sorte que les peuples autochtones cessent d’exister en tant qu’entités légales, sociales, culturelles, religieuses et raciales au Canadai». Sa tactique la plus destructrice employée a probablement été celle de briser leurs liens avec la terre, et par le fait même, avec leurs patrimoine, culture, identité et communauté. Dans certaines régions du pays, le retrait des Autochtones de leurs terres ancestrales et leur confinement forcé dans des réserves détenues par la Couronne ont été rendus possibles par la négociation de traités. Or, sous des dehors justes et légaux, ce procédé était souvent « caractérisé par la fraude et la coercitionii». Dans d’autres régions canadiennes, les terres étaient simplement saisies sans consentement. En plus des tentatives de séparer les peuples autochtones de la terre, on a procédé à leur assimilation forcée par différentes méthodes instituées ou non par la loi. Parmi celles-ci, le système de pensionnats autochtones, la rafle des années 1960 et la rafle du millénaire. Il est crucial de reconnaître que ces événements historiques ont des répercussions aujourd’hui encore et que beaucoup d’Autochtones portent en eux les marques de ce lourd passé. Le lecteur de ce rapport doit impérativement comprendre le côté sombre de l’histoire du Canada et reconnaître l’existence du traumatisme intergénérationnel qui se perpétue dans les communautés autochtones en conséquence directe des tentatives de colonisation et d’assimilation forcée de l’État. Groupe d’étude du coroner en chef de l’Ontario sur les décès dus aux incendies dans les collectivités des Premières Nations 2
Négligence découlant du partage des compétences De nombreuses questions soulevées dans cette section et dans le présent rapport sont liées au chevauchement des compétences provinciales et fédérale au chapitre de la prestation des services aux Autochtones prévus par la Constitution canadienne. La Constitution donne au gouvernement fédéral le pouvoir de gouverner les « Indiens et les terres réservées pour les Indiens », pouvoir qu’il exerce par le truchement d’une loi appelée Loi sur les Indiens. Cela signifie que le gouvernement fédéral est responsable de la prestation des services dans les réserves qui, à l’extérieur des réserves, sont de compétence provinciale. Résultat : les gouvernements provinciaux et fédéral ont des désaccords concernant leurs responsabilités respectives, ce qui contribue à un problème de sous-financement chronique ainsi qu’à la fragmentation et à l’insuffisance des services pour les communautés autochtonesiii. Il est donc question de « négligence qui découle du partage des compétences » lorsque des groupes ou des personnes sont susceptibles de « passer entre les mailles du filetiv». Par exemple, ce sont les gouvernements provinciaux et territoriaux qui sont généralement responsables des installations d’eau potable et de traitement des eaux usées. Toutefois, ceux-ci peuvent prétendre que leur autorité ne s’étend pas aux réserves, qui tombent sous la responsabilité fédérale. Or, bien que le gouvernement fédéral s’était engagé dans son budget de 2016 à donner accès à l’eau potable aux Premières Nations, certaines communautés en Ontario et ailleurs au Canada ne jouissent toujours pas de ce droit, contrairement aux personnes non autochtonesv. La question de l’accès aux installations d’eau potable et de traitement des eaux usées est centrale dans ce rapport étant donné l’incidence qu’elle peut avoir sur la capacité d’une communauté à intervenir en cas d’incendie. Les communautés autochtones peuvent aussi subir les répercussions du partage de compétences dans l’application des codes du bâtiment dans les réserves. Comme mentionné précédemment, les terres des Premières Nations sont réglementées en vertu de la Loi sur les Indiens et sont la responsabilité du gouvernement fédéral. Généralement, les codes du bâtiment provinciaux ne s’appliquent pas aux projets de construction dans les réserves. Par ailleurs, le Code national du bâtiment du Canada n’a pas de statut juridique à moins qu’il soit adopté à l’échelle provincialevi. La Loi sur les Indiens accorde aux Premières Nations le droit de créer des règlements relatifs à la construction, à la réparation et à l’utilisation de bâtimentsvii , et c’est ce qu’ont fait certaines d’entre elles en Ontario. D’autres communautés de la province ont conclu des accords avec le Canada concernant la gestion de leurs terres et de leurs ressources, sous le régime de la Loi sur la gestion des terres des premières nationsviii . Ces accords traitent parfois des dispositions du code du bâtiment dans les réserves. Cependant, en raison du manque d’uniformité dans la province, du sous-financement chronique et du manque de soutien aux mécanismes de réglementation, beaucoup de communautés vivent dans des habitations vétustes. Groupe d’étude du coroner en chef de l’Ontario sur les décès dus aux incendies dans les collectivités des Premières Nations 3
Conditions de vie dans les réserves Passons à un bref aperçu du manque de services et de financement constant chez les peuples autochtones, ce qui les expose à divers dangers, et plus précisément ici le danger d’incendie mortel. Durant son processus de colonisation et de peuplement, le Canada a souvent « forcé les Premières Nations à déménager leurs réserves situées sur des terres ayant un bon potentiel agricole ou riches en ressources naturelles vers des réserves éloignées et marginales du point de vue économiqueix». De nombreuses communautés ont été forcées de s’installer dans des réserves qui sont ou étaient situées dans le Bouclier canadien, sur des terres possédant peu de sols arables, sur des plaines inondables, etc. Ces décisions ont maintenant pour conséquence des conditions de vie précaires, notamment des problèmes de moisissure, de câblage électrique et de structure des logements. Selon un rapport de 2018, 39,7 % des logements occupés par des membres de Premières Nations sont contaminés par des moisissures, soit un taux trois fois plus élevé que dans la population générale (13 %)x. L’utilisation fréquente de matériaux inadéquats pour construire les habitations dans les réserves et le manque criant de ressources pour maintenir l’intégrité structurelle des logements expliquent en grande partie cette statistique. Le manque systémique de logements sûrs et sécuritaires dans les communautés des Premières Nations demeure un problème d’actualité. En 2016, Statistique Canada a révélé que 44,2 % des membres des Premières Nations dans les réserves vivaient dans un logement nécessitant des réparations majeuresxi. En comparaison, ce sont 6,0 % des personnes non autochtones qui ont indiqué être dans la même situationxii. Dans le cas de beaucoup de communautés des Premières Nations, c’est le gouvernement fédéral qui alloue le financement annuel pour la réparation des infrastructures et des bâtiments. Les chefs et les conseils doivent souvent prendre des décisions difficiles, comme choisir entre la réfection partielle d’un bon nombre d’habitations ou la restauration entière de quelques-unes seulement. S’ajoute à cette réalité la question du surpeuplement, un autre enjeu systémique touchant les Premières Nations de façon disproportionnée. En 2016, si 18,5 % des personnes vivant hors des réserves disaient se trouver dans des conditions d’entassement, ce sont 36,8 % des membres des Premières Nations ayant le statut d’Indien inscrit ou d’Indien des traités qui, eux, vivaient dans un logement surpeupléxiii. Par ailleurs, on s’attend à une augmentation de ce dernier chiffre en raison de récents changements à la Loi sur les Indiens. Afin d’éliminer la discrimination fondée sur le genre, le gouvernement fédéral a étendu le droit au statut d’indien aux personnes émancipées et à leurs descendantsxiv. En plus de la hausse soudaine du nombre de personnes ayant le droit de vivre dans les réserves, la population autochtone a grimpé de 42,5 % depuis 2006 selon le recensement de 2016 – une augmentation plus de quatre fois supérieure à celle de la population non autochtonexv. Ces facteurs auront vraisemblablement tous une incidence sur le problème de surpeuplement dans les réserves. Groupe d’étude du coroner en chef de l’Ontario sur les décès dus aux incendies dans les collectivités des Premières Nations 4
Sécurité incendie dans les réserves En 2011, l’Ontario First Nations Technical Services Corporation a indiqué qu’un logement dans une réserve coûtait en moyenne 250 000 $ et que 2,2 milliards de dollars étaient nécessaires pour remédier aux problèmes des Premières Nations de l’Ontario en matière d’habitations. Cette estimation tient compte des coûts de construction de nouveaux logements pour répondre aux besoins de la population et de rénovation des logements existants nécessitant des réparations majeuresxvi. Par ailleurs, Services aux Autochtones Canada (SAC) octroie des fonds annuellement pour les services de sécurité incendie dans le cadre du financement des immobilisations de base des Premières Nations, fonds qui sont gérés par les chefs et les conseils de chaque communautéxvii. L’enveloppe pour la sécurité incendie est établie selon une formule régionale tenant compte de différents facteurs, dont le nombre de bâtiments dans la réserve, la proximité de la réserve avec d’autres communautés et la taille de la populationxviii. De 2008 à 2017, SAC n’a versé que 29 millions de dollars par année pour les services de sécurité incendie dans les Premières Nationsxix, lesquelles se dénombrent à 634 au Canada. De surcroît, sur cette enveloppe de 29 millions, moins de cinq millions étaient réservés à la formationxx. Les chefs et les conseils des Premières Nations peuvent utiliser les fonds pour gérer leurs propres services de sécurité incendie, ou encore, pour recourir à ceux des collectivités avoisinantesxxi, si toutefois de leur situation géographique le permet. Le groupe consultatif a fait état de différents problèmes sur le plan de la sécurité incendie dans les communautés des Premières Nations : défectuosités des camions-incendie, impossibilité de trouver des bornes d’incendie fonctionnelles, lacunes dans la formation, etc. Lecture du rapport À la lecture du présent rapport, il est important de comprendre en quoi le traitement réservé aux peuples autochtones au Canada a créé des problèmes systémiques qui les vulnérabilisent aux incendies domestiques et augmentent le risque de décès par le feu. Les questions traitées dans cette section visent à guider le lecteur alors qu’il prend connaissance des données et des conclusions du rapport. Il est important de reconnaître que les complexités de l’histoire du pays, les problèmes causés par la négligence découlant du partage des compétences et les conditions de vie des Autochtones ne peuvent être entièrement et véritablement comprises ni traitées comme il se doit dans ce seul rapport. Groupe d’étude du coroner en chef de l’Ontario sur les décès dus aux incendies dans les collectivités des Premières Nations 5
Notes i COMMISSION DE VÉRITÉ ET RÉCONCILIATION DU CANADA. Honorer la vérité, réconcilier pour l’avenir : Sommaire du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, 2015, p. 1. COMMISSION DE VÉRITÉ ET RÉCONCILIATION DU CANADA. Honorer la vérité, réconcilier pour l’avenir : Sommaire du rapport final de la Commission de vérité et ii réconciliation du Canada, 2015, p. 1. ENQUÊTE NATIONALE SUR LES FEMMES ET LES FILLES AUTOCHTONES DISPARUES ET ASSASSINÉES. Réclamer notre pouvoir et notre place : le rapport final de iii l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, Volume 1a, p. 616. iv ENQUÊTE NATIONALE SUR LES FEMMES ET LES FILLES AUTOCHTONES DISPARUES ET ASSASSINÉES. Réclamer notre pouvoir et notre place : le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, Volume 1a, p. 616. v ENQUÊTE NATIONALE SUR LES FEMMES ET LES FILLES AUTOCHTONES DISPARUES ET ASSASSINÉES. Réclamer notre pouvoir et notre place : le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, Volume 1a, p. 626. vi Pour en savoir plus : Publications de Codes Canada and Code national du bâtiment – Canada 2015. vii Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, chap. 1-5, art. 81(1)h). viii Loi sur la gestion des terres des premières nations, L.C. 1999, chap. 24. ix COMMISSION DE VÉRITÉ ET RÉCONCILIATION DU CANADA. Honorer la vérité, réconcilier pour l’avenir : Sommaire du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, 2015, p. 1. x CENTRE DE GOUVERNANCE DE L’INFORMATION DES PREMIÈRES NATIONS. The First Nations Regional Health Survey, Phase 3 : Volume 1, Ottawa, mars 2018, 200 p. (p. 31), cité dans Réclamer notre pouvoir et notre place : le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, Volume 1a, p. 485-486. Groupe d’étude du coroner en chef de l’Ontario sur les décès dus aux incendies dans les collectivités des Premières Nations 6
xi STATISTIQUE CANADA. Les conditions de logement des peuples autochtones au Canada : Recensement de la population, 2016, p. 2. xii STATISTIQUE CANADA. Les conditions de logement des peuples autochtones au Canada : Recensement de la population, 2016, p. 1. xiii STATISTIQUE CANADA. Les conditions de logement des peuples autochtones au Canada : Recensement de la population, 2016, p. 4. xiv Voir ces exemples : Projet de loi C-31 : Loi modifiant la Loi sur les Indiens, 33-34 Elizabeth II, 1984-1985 (Can.) (avec effet rétroactif au 17 avril 1985 – art. 23); Loi sur l’équité entre les sexes relativement à l’inscription au registre des Indiens, L.C. 2010, chap. 18; Loi modifiant la Loi sur les Indiens pour donner suite à la décision de la Cour supérieure du Québec dans l’affaire Descheneaux c. Canada (Procureur général), L.C. 2017, chap. 25. xv STATISTIQUE CANADA. Les peuples autochtones au Canada : faits saillants du Recensement de 2016, p. 1. xvi CONSEIL CANADIEN POUR LES PARTENARIATS PUBLIC-PRIVÉ. P3s: Bridging the First Nations Infrastructure Gap, p. 3. xvii En ligne : Services aux Autochtones Canada. xviii En ligne : Services aux Autochtones Canada. xix En ligne : Services aux Autochtones Canada et L’Assemblée des Premières Nations. xx En ligne : Services aux Autochtones Canada. xxi En ligne : Services aux Autochtones Canada. Groupe d’étude du coroner en chef de l’Ontario sur les décès dus aux incendies dans les collectivités des Premières Nations 7
Résumé À la suite de deux incendies dévastateurs en 2016, l’un dans la Première Nation de Pikangikum et l’autre, dans la Première Nation oneida de la Thames, le Bureau du coroner en chef de l’Ontario a été chargé d’examiner les décès par le feu survenus dans les communautés des Premières Nations. Ces fins tragiques ne sont pas des cas isolés. Dans leur foulée, plusieurs chefs et membres des Premières Nations ont demandé une enquête qui mettrait en lumière les possibles facteurs systémiques ayant pu contribuer à ce problème récurrent de mortalité par incendie. Le Groupe d’étude du coroner en chef de l’Ontario sur les décès dus aux incendies dans les collectivités des Premières Nations (CCO-DICPN) a été créé afin de recueillir des données et de l’information pour que l’on puisse mieux comprendre les tenants et aboutissants des incendies mortels survenus dans les communautés autochtones. Le CCO-DICPN était formé d’un groupe central, soit l’équipe de gouvernance principale, d’un groupe de travail composé d’experts, et d’un groupe consultatif composé d’aînés et de gardiens du savoir. Ce groupe consultatif a orienté le groupe de travail pour veiller à ce que l’analyse soit réalisée avec respect et donne leur place aux voix et aux perspectives des communautés des Premières Nations. La fiche de renseignement sur les incendies dans les communautés des Premières Nations a été créée afin de colliger les données utilisées pour la présente analyse. Ce document peut servir d’instrument de transmission des données d’enquête sur les décès par le feu ainsi que d’outil d’évaluation et de comparaison des incendies mortels dans des communautés des Premières Nations. Les résultats des enquêtes séparées sur chaque incendie ont été rassemblés dans le cadre de l’analyse afin de décrire les incendies, les structures et les personnes touchées, de même que les liens potentiels entre ces facteurs. Le regroupement des données a permis de produire la présente analyse tout en taisant l’identité des personnes dont la vie a tragiquement été fauchée. Lorsque possible, les conclusions ont été comparées avec les données du commissaire des incendies de l’Ontario relatives aux incendies mortels survenus ailleurs dans la province qu’au sein des Premières Nations durant la même période. Le CCO-DICPN s’est penché sur les décès par le feu survenus dans les communautés des Premières Nations de l’Ontario sur une période de 10 ans, soit de 2008 à 2017. L’analyse a permis de relever 56 décès, causés par un total de 29 incendies ayant eu lieu dans 20 communautés des Premières Nations de la province. La taille de ces communautés allait de 30 à 12 750 habitants, la majorité comptant moins de 1 000 habitants. Les collectivités non accessibles par la route toute l’année enregistrent le plus grand nombre d’incendies mortels et le plus lourd bilan de décès par le feu. Des travaux antérieurs ont révélé que les groupes les plus à risque de périr dans un incendie étaient les enfants et les personnes âgées. La présente analyse a montré que les enfants de moins de dix ans des Premières Nations sont les plus durement touchés : il s’agit du groupe d’âge ayant le plus haut taux de mortalité par le feu (un taux 86 fois supérieur à celui des enfants ontariens qui ne sont pas membres des Premières Nations). Au total, 70 % des décès par le feu dans les communautés des Premières Nations sont survenus durant les mois plus froids, et 70 % ont eu lieu durant la nuit. Cette tendance est également observée dans les autres collectivités de l’Ontario et au sein d’autres populations ayant déjà fait l’objet d’études. Toutefois, certains mois de l’année n’ont pas suivi la tendance générale. Une analyse approfondie de ce qui changerait durant ces mois devrait être envisagée. Pour la plupart (86 %) des incendies mortels ayant frappé les Premières Nations, on a noté l’absence d’avertisseurs de fumée (fonctionnels) dans les maisons ou les structures ou été incapable de déterminer s’il y en avait ou non. Les avertisseurs signalent rapidement la présence de fumée aux occupants et facilitent leur évacuation. Ils font partie des mesures préventives qui jouent un rôle vital dans la prévention des décès par le feu. En effet, la sensibilisation et la prévention sont essentielles pour réduire les pertes de vie. Groupe d’étude du coroner en chef de l’Ontario sur les décès dus aux incendies dans les collectivités des Premières Nations 8
On conclut plus souvent à une cause inconnue dans les enquêtes sur les incendies mortels survenus dans des communautés des Premières Nations que dans celles menées dans les autres collectivités de l’Ontario. C’est probablement en raison de dommages plus importants aux structures lors d’incendies mortels dans les Premières Nations, surtout celles situées en région éloignée et ayant une capacité d’extinction des incendies limitée ou inexistante. La plupart des incendies dont la cause est connue sont attribuables à l’utilisation d’une cuisinière ou de dispositifs de chauffage (poêle à bois, cheminée, foyer). La présente analyse a permis de relever des différences sur le plan des matériaux de construction et des équipements de chauffage les plus répandus dans les maisons et structures des communautés des Premières Nations. Certains matériaux peuvent influer sur l’inflammabilité d’une structure et sur la propagation des flammes. Le BCI procédera à des analyses plus poussées des éléments structurels associés aux incendies mortels. La réaction des services d’intervention et l’extinction de l’incendie ont à elles seules une influence limitée sur la survie des occupants; par conséquent, il est vital que ceux-ci soient mis en garde et évacuent les lieux rapidement. Dans certaines communautés, il n’y avait pas de services de sécurité incendie prêts à intervenir lors d’un incident. Il sera important d’octroyer le financement et les ressources nécessaires aux communautés des Premières Nations pour effectuer de la formation et de la sensibilisation adaptées à leurs besoins et à leurs réalités. La présente analyse porte sur les facteurs ayant une incidence sur les décès par le feu. Cependant, d’autres éléments pourraient aussi jouer un rôle différent d’une communauté à l’autre en raison des caractéristiques propres à chacune d’elles. L’incidence des facteurs socio-économiques pourrait ainsi faire l’objet d’une autre étude. Il pourrait aussi être pertinent d’analyser les ressources et les réalités des communautés des Premières Nations qui ont été frappées par des incendies mortels et de les comparer à celles qui ont échappé au même sort. Une comparaison similaire pourrait être effectuée dans les autres collectivités de l’Ontario. Le groupe consultatif a soulevé plusieurs questions concernant les habitations et le financement. Voici certains enjeux associés aux décès par le feu pour lesquels une analyse poussée serait nécessaire : • Financement des bâtiments • Allocation de fonds pour répondre aux besoins de la communauté • Rôle des codes relatifs aux incendies et aux bâtiments • Entretien des bâtiments • Problèmes et responsabilités liés au domaine de compétence L’objectif du CCO-DICPN était de recueillir des données et de l’information pour que l’on puisse mieux comprendre les incendies mortels survenus dans les communautés des Premières Nations. On ne peut pas saisir complètement le contenu de ce rapport sans tenir compte du contexte historique et des conditions de vie actuelles des communautés des Premières Nations. Le CCO-DICPN présente ce rapport pour favoriser le changement et transmettre un message d’espoir. Groupe d’étude du coroner en chef de l’Ontario sur les décès dus aux incendies dans les collectivités des Premières Nations 9
Termes clés et définitions Autochtone Terme général actuellement employé pour désigner les Premières Nations, les Inuits et les Métis du Canada. Pendant plus de 20 ans, les premiers peuples des quatre coins du monde ont négocié la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) et l’expression « peuples autochtones » a été proposée comme terme le plus respectueux pour désigner les premiers peuples de tout territoire. bande – Groupe d’Indiens, selon le cas : a) à l’usage et au profit communs desquels des terres appartenant à Sa Majesté ont été mises de côté avant ou après le 4 septembre 1951; b) à l’usage et au profit communs desquels, Sa Majesté détient des sommes d’argent; c) que le gouverneur en conseil a déclaré être une bande pour l’application de la présente loi. (Définition tirée de la Loi sur les Indiens.) BCC Bureau du coroner en chef de l’Ontario. BCI Bureau du commissaire des incendies. communauté des Premières Nations Collectivité des Premières Nations située à l’intérieur ou à l’extérieur d’une réserve. Dans le cadre de cette analyse, seuls les incendies ayant eu lieu dans les réserves ont été examinés. ESAT L’entente de service avec un tiers est une entente qu’une communauté des Premières Nations conclut avec un ministère fédéral ou provincial, une municipalité, un fournisseur privé, un individu ou une organisation1. La plupart des ESAT prévoient que la communauté des Premières Nations paie des frais en échange des services d’un tiers, comme la livraison d’eau potable, l’élimination des déchets solides et la sécurité incendie1. issues Dans ce rapport, le terme « issue » réfère à une porte qui constitue une voie d’évacuation depuis n’importe quel point d’une structure vers l’extérieur ou vers un espace protégé du feu. Selon le Code de prévention des incendies de l’Ontario, une issue est une partie d’un moyen d’évacuation, y compris les portes, qui conduit de l’aire de plancher qu’il dessert à un bâtiment distinct, à une voie de circulation publique ou à un endroit extérieur à découvert non exposé au feu provenant du bâtiment et ayant un accès à une voie de circulation publique. médiane La médiane est la donnée centrale qui sépare la moitié supérieure et la moitié inférieure d’une série de chiffres. Groupe d’étude du coroner en chef de l’Ontario sur les décès dus aux incendies dans les collectivités des Premières Nations 10
mode de décès Les enquêtes sur les décès en Ontario distinguent cinq modes de décès : mort naturelle, mort accidentelle, suicide, homicide et décès de mode indéterminé. Le mode indéterminé signifie que la cause du décès ne pouvait être placée dans l’une des quatre autres catégories soit par manque de preuves, soit parce la preuve est équivalente pour deux catégories ou plus, soit parce que la cause ne correspond pas assez bien à la définition des quatre autres modes de décès. La détermination du mode de décès est impartiale et s’appuie sur la prépondérance des probabilités après un examen minutieux des preuves pertinentes. La terminologie employée dans d’autres textes législatifs (comme le Code criminel), de même que les conclusions d’audiences criminelles, civiles, professionnelles ou autres en lien avec le décès, ne sont pas prises en compte dans la détermination du mode de décès en application de la Loi sur les coroners. Premières Nations Les Premières Nations sont tous ceux des premiers peuples à habiter le territoire aujourd’hui occupé par le Canada qui ne sont ni Métis ni Inuits. Le terme « Premières Nations » a été créé et adopté pour remplacer « Indiens »; il est considéré comme une appellation respectueuse pour les premiers peuples du territoire. Il est aussi généralement employé comme terme plus juste et plus respectueux pour décrire les bandes créées en vertu de la Loi sur les Indiens. registre des Indiens Le registre des Indiens est le registre officiel des personnes autochtones inscrites comme Indiens sous le régime de la Loi sur les Indiens. Selon l’article 5 de cette loi, Affaires autochtones et du Nord Canada (AANC) est chargé de la tenue du registre. (https://www.sac-isc.gc.ca/fra/1100100032463/1572459644986) réserve Parcelle de terrain dont Sa Majesté est propriétaire et qu’elle a mise de côté à l’usage et au profit d’une bande; y sont assimilées les terres désignées, sauf pour l’application du paragraphe 18(2), des articles 20 à 25, 28, 37, 38, 42, 44, 46, 48 à 51 et 58 à 60, ou des règlements pris sous leur régime. (Définition tirée de la Loi sur les Indiens .) résidence Une résidence est une structure dans laquelle résident une ou plusieurs personnes. SMLO Service de médecine légale de l’Ontario. source d’inflammation La source d’inflammation est le déclencheur de l’incendie : flamme nue, foudroiement, arc électrique, etc. structure Une structure désigne entre autres un logement, un bâtiment, un abri, une roulotte ou une cabane qui appartient à des personnes ou qui leur offre une protection. Groupe d’étude du coroner en chef de l’Ontario sur les décès dus aux incendies dans les collectivités des Premières Nations 11
Introduction Raison d’être de l’analyse À la suite de deux incendies dévastateurs en 2016, l’un dans la Première Nation de Pikangikum et l’autre, dans la Première Nation oneida de la Thames, le Bureau du coroner en chef de l’Ontario a été chargé d’examiner les décès par le feu survenus dans les communautés des Premières Nations. Ces fins tragiques ne sont pas des cas isolés. Dans leur foulée, plusieurs chefs et membres des Premières Nations ont demandé une enquête qui mettrait en lumière les possibles facteurs systémiques ayant pu contribuer à ce problème récurrent de mortalité par incendie. Des membres du Bureau du coroner en chef (BCC), des responsables de la région de l’Ontario à Services aux Autochtones Canada (SAC) et des représentants de communautés autochtones se sont réunis en décembre 2017 pour discuter de la stratégie à adopter afin d’établir un cadre pour bien comprendre ces tragédies. Il a été convenu que le BCC, le Bureau du commissaire des incendies (BCI) et le Service de médecine légale de l’Ontario (SMLO) allaient mettre sur pied le Groupe d’étude du coroner en chef de l’Ontario sur les décès dus aux incendies dans les collectivités des Premières Nations afin de diriger et d’encadrer l’analyse qui serait menée. Intervenants Un groupe central de membres du BCC et du BCI formait l’équipe de gouvernance principale, qui a établi l’orientation stratégique du projet. Au printemps 2018, le groupe de travail pour l’analyse a été constitué en réunissant des experts et intervenants d’horizons divers : BCC, BCI, SMLO, Ontario Native Fire Fighters Society, Police provinciale de l’Ontario, service du logement et de l’infrastructure de l’Nishnawbe Aski Nation, Division de la justice pour les Autochtones du ministère du Procureur général et SAC. Puis, en 2019, un groupe consultatif composé d’aînés et de gardiens du savoir issus de six communautés frappées par de multiples incendies mortels a été mis sur pied. Ce groupe consultatif a orienté le groupe de travail pour veiller à ce que l’analyse soit réalisée avec respect et donne leur place aux voix et aux perspectives des communautés des Premières Nations. Renseignements sur le Bureau du coroner en chef et le Bureau du commissaire des incendies En Ontario, la loi exige que l’on enquête sur toutes les morts non naturelles, tâche qui revient au BCC et au SMLO. Ceux-ci mènent les investigations et enquêtes pour rassembler de l’information sur les circonstances de ces décès. L’objectif est d’une part d’identifier le défunt, le moment et l’endroit de sa mort ainsi que la cause médicale et le mode de décès, et d’autre part, de potentiellement faire des recommandations pour protéger le public et éviter si possible d’autres pertes de vies. Dans le cadre de l’enquête, toute personne morte dans un incendie subit un examen post mortem. Lorsque c’est possible, on procède une analyse toxicologique pour déterminer la concentration de monoxyde de carbone et la présence de toute autre substance. Les enquêtes du BCI sur les incendies mortels et non mortels dans les communautés des Premières Nations en Ontario sont menées en conjonction avec les enquêtes d’autres organismes, comme le Bureau du coroner en chef et les services de police; parfois, le BCI peut aussi être invité à enquêter par le chef et le conseil de la communauté. Groupe d’étude du coroner en chef de l’Ontario sur les décès dus aux incendies dans les collectivités des Premières Nations 12
Une enquête du BCI peut établir la cause, l’origine et les circonstances d’un incendie ou d’une explosion. Toutes ces enquêtes sont menées avec rigueur scientifique et appliquent une méthodologie uniforme afin d’assurer la fiabilité et la validité des conclusions. Les conclusions des enquêtes du BCI sur les incendies peuvent être utilisées pour orienter les programmes de sensibilisation, d’inspection, d’intervention en cas d’urgence et de lutte contre les incendies dans le but de réduire le risque de décès, de blessures et de pertes matérielles causés par le feu. Le BCI recommande que les services municipaux de sécurité incendie se concentrent sur les trois lignes de défense : Line 1: Public fire safety education Line 2: Fire safety standards and enforcement Line 3: Emergency response (suppression) Depuis le 1er juillet 2014, toutes les municipalités doivent procéder à une évaluation des risques présents dans la collectivité comme le stipule le Règlement de l’Ontario 378/18, pris en application de la Loi de 1997 sur la prévention et la protection contre l’incendie. Cette évaluation sert à étayer les décisions relatives aux services de sécurité incendie. Lorsqu’elles établissent leurs niveaux de service, les municipalités sont fortement encouragées à tenir compte des trois lignes de défense du BCI. Pour aider les municipalités à appliquer ce règlement, le BCI a préparé et publié sur son site un guide et des exemples de feuilles de travail. But du Groupe d’étude Le but du Groupe d’étude du coroner en chef de l’Ontario sur les décès dus aux incendies dans les collectivités des Premières Nations (CCO-DICPN) était de recueillir des données et de l’information pour comprendre les tenants et aboutissants des incendies mortels survenus dans les communautés des Premières Nations. Les conclusions seront transmises, en premier lieu, aux communautés des Premières Nations, et en second lieu, aux autres parties intéressées afin de cibler les facteurs et lacunes communautaires et systémiques ayant eu une incidence directe ou indirecte sur la mortalité par le feu dans ces collectivités. La diffusion des conclusions servira aussi à orienter l’élaboration de programmes et de politiques, et à améliorer la sécurité incendie et la prévention des incendies dans les communautés des Premières Nations. Le CCO-DICPN a aussi établi, sous la forme de sa fiche de renseignement sur les incendies dans les communautés des Premières Nations, un instrument qui permet de transmettre l’information tirée des enquêtes sur les décès par le feu. Cette fiche est un outil qui permet la collecte et la diffusion de renseignements tirés des enquêtes et peut servir à l’analyse comparative de tout décès par le feu à survenir subséquemment. Objet de l’analyse Le CCO-DICPN s’est penché sur les décès par le feu survenus dans les communautés des Premières Nations de l’Ontario sur une période de 10 ans, soit de 2008 à 2017. Il a étudié 56 décès causés par un total de 29 incendies ayant frappé 20 communautés en Ontario. L’analyse n’a pas tenu compte des incendies non mortels qui ont eu lieu dans les communautés des Premières Nations. Le CCO-DICPN n’a pas fait de recommandations ni élaboré de politiques ou de stratégies. Les données et l’information recueillies dans le cadre de cette analyse orienteront et alimenteront plutôt le travail des communautés des Premières Nations et des autres intervenants qui pourront recommander et élaborer des politiques et des stratégies qui visent à prévenir de nouvelles tragédies. Groupe d’étude du coroner en chef de l’Ontario sur les décès dus aux incendies dans les collectivités des Premières Nations 13
Nature et méthode de l’analyse Les cas ont été sélectionnés pour l’analyse par l’épluchage du système de gestion des données du BCC (Système d’information des coroners). Tous les décès dans un incendie de structure survenus dans des communautés des Premières Nations ont été retenus, puis contrevérifiés dans le Système de rapport d’enquête d’incendies du BCI pour garantir que tous les cas pertinents étaient pris en compte dans l’analyse. On a ensuite élaboré une fiche de renseignement pour colliger les données servant à l’analyse des décès par le feu dans les communautés des Premières Nations de l’Ontario. La fiche comprend les éléments suivants : • Information sur la personne décédée (profil démographique) • Information sur la communauté (données démographiques et ressources de la communauté) • Données du commissaire des incendies (cause, origine et circonstances de l’incendie) • Données du coroner (renseignements médicaux pertinents concernant la victime, mode de décès) • Données de pathologie judiciaire et d’anthropologie judiciaire (résultats de l’examen post mortem, dont la cause du décès) Les données ont ensuite été recueillies auprès des entités suivantes : BCC (rapports d’enquêtes du coroner, rapports post mortem, rapports toxicologiques, rapports d’anthropologie judiciaire, rapports de police), BCI (rapports d’enquête d’incendies), SAC (profils des Premières Nations2, population indienne inscrite3, rapports sur la condition des biens), Statistique Canada (recensement4-6), Nishnawbe Aski Nation, Sioux Lookout Area Aboriginal Management Board. Des données ont également été transmises par les communautés elles-mêmes. La situation géographique des communautés a été examinée pour déterminer la proximité ainsi que l’accessibilité par la route tout au long de l’année des ressources et des services. Le fait qu’une municipalité ait signé une entente de service avec un tiers (ESAT) a servi d’indicateur que des services ou d’autres municipalités se trouvent à proximité. On a ainsi formé, aux fins de la présente analyse, trois catégories en fonction de la région géographique indiquée dans les profils des Premières Nations – ces profils étant des dossiers informatifs dressés sur le site Web d’Affaires autochtones et du Nord Canada – et de la présence ou l’absence d’ESAT : • Communautés qui ont un accès routier toute l’année à un centre offrant des services et qui sont dotées d’une ESAT • Communautés qui ont un accès routier toute l’année à un centre offrant des services et qui ne sont pas dotées d’une ESAT • Communautés sans accès routier toute l’année à un centre offrant des services Il était primordial de préserver la vie privée des défunts afin de ne pas causer plus de douleur aux familles frappées par la tragédie. Les données dans cette analyse ont donc été anonymisées. On a procédé à une revue de la littérature pour faire ressortir les facteurs de risque d’incendie mortel déjà connus ainsi que ceux qui pourraient être propres aux peuples autochtones et aux communautés des Premières Nations. Les données anonymisées ont ensuite été regroupées et étudiées afin de décrire les incendies, les structures et les personnes touchées, de même que les liens potentiels entre ces facteurs. Lorsque possible, les conclusions ont été comparées avec les données du commissaire des incendies de l’Ontario relatives aux incendies domestiques mortels en Ontario qui sont survenus ailleurs que dans des communautés des Premières Nations durant la même période. Groupe d’étude du coroner en chef de l’Ontario sur les décès dus aux incendies dans les collectivités des Premières Nations 14
Mortalité par le feu – Faits connus et revue de la littérature Taux de mortalité associé aux incendies domestiques Les facteurs de risque d’incendie et de décès par le feu ne sont pas les mêmes, et les éléments qui influencent les chances de survie n’ont pas nécessairement d’incidence sur la probabilité qu’un incendie survienne7. Les résidences en zone rurale sont souvent isolées et n’ont pas un bon accès aux services de sécurité incendie. On y recense d’ailleurs davantage d’incendies domestiques dont le taux de mortalité est élevé7-9. Une étude menée par Allareddy et coll.7 a démontré qu’on avait aussi plus souvent recours à de l’équipement de chauffage d’appoint dans les résidences en milieu rural qu’en milieu urbain. Bien qu’on observe des différences entre les codes des incendies fédéral et provinciaux, une étude d’envergure canadienne a révélé que les appareils de cuisson représentaient la principale cause d’incendies domestiques, suivis par les équipements de chauffage et les actes criminels10; des données semblables à celles recensées aux États-Unis10. Cette même étude a conclu qu’au Canada, la plupart des décès dans les incendies résidentiels dont la cause a pu être établie sont attribuables – en ordre d’importance – au tabagisme, aux actes criminels et aux appareils de cuisson10. On observe aussi cette corrélation des incendies mortels avec les accessoires pour fumeurs et appareils de cuisson ailleurs qu’au Canada, comme en témoigne l’étude de Jonsson et coll.9 menée en Suède. Une étude du Centre canadien de la statistique juridique11 a établi, d’après les données disponibles pour cinq provinces et territoires du Canada, que la principale source des incendies résidentiels était les appareils de cuisson (fours, friteuses…), suivis de près par les accessoires pour fumeurs et les flammes nues, puis par les équipements de chauffage et de distribution électrique. En analysant les décès attribuables à des incendies survenus en Ontario, on constate que le tabagisme représente la principale cause d’incendie connue, suivi par les actes criminels et l’équipement de distribution électrique10. On estime que la principale cause de décès dans les cas d’incendie est l’asphyxie (empoisonnement au monoxyde de carbone et au cyanure d’hydrogène), suivie par les complications dues à des brûlures ou à un ébouillantage10. Du côté de la source d’inflammation des incendies résidentiels recensés en Ontario en 2014, on observait la même tendance : d’abord les appareils de cuisson, puis les accessoires pour fumeurs et les flammes nues, et ensuite les équipements de chauffage et de distribution électrique11. Durant l’intervalle 2008-2017, on observait de légères différences; la source d’inflammation signalée dans les cas d’incendies résidentiels y était plutôt, en ordre, les articles pour fumeurs allumés, les actes criminels et les appareils de cuisson12. Chez les enfants et les jeunes de l’Ontario, le jeu avec le feu et les défaillances électriques sont les deux principales causes de décès par le feu, suivies des bougies laissées sans surveillance, des feux de cuisson et des feux associés au tabagisme. Par contre, dans 28 % des cas, aucune cause n’avait été identifiée13. Les incendies mortels se déclarent le plus souvent durant la nuit8, 9, 13-15. Dans leur étude de la mortalité infantile par le feu, Chen et coll.13 ont a découvert que les incendies nocturnes étaient le plus souvent attribuables à des défaillances électriques et à des bougies laissées sans surveillance. Les incendies diurnes étaient, quant à eux, plus souvent attribuables à des fours et à des jeux non supervisés avec le feu13. Une analyse des décès d’enfants et de jeunes survenus lors d’incendies entre 2005 et 2014 menée par le bureau du coroner de la Colombie-Britannique8 a révélé que les incendies résidentiels mortels étaient plus fréquents durant les mois plus froids. L’absence de systèmes de sécurité des personnes (ex. : avertisseurs de fumée ou gicleurs) semble accroître le risque de décès9, 14,16. Dans les résidences qui sont équipées d’avertisseurs de fumée, c’est plutôt l’état de fonctionnement de ces appareils qui constitue un facteur de risque13,14,17. Groupe d’étude du coroner en chef de l’Ontario sur les décès dus aux incendies dans les collectivités des Premières Nations 15
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