Hyperthyroïdie: diagnostic et traitement - Semantic Scholar

La page est créée Mickaël Dupond
 
CONTINUER À LIRE
Hyperthyroïdie: diagnostic et traitement - Semantic Scholar
CURRICULUM

Hyperthyroïdie: diagnostic et traitement
Ina Krull, Michael Brändle
Departement Innere Medizin, Fachbereich Endokrinologie, Diabetologie, Osteologie, Kantonsspital St. Gallen

                                                                                     est chez quelles personnes un examen ad hoc est judi-
                                                                                     cieux. Les patients ayant un risque d’hyperthyroïdie
Quintessence
                                                                                     primaire peuvent être identifiés par un case-finding.
• Bien que l’hyperthyroïdie primaire soit fréquente, un dépistage général            L’anamnèse familiale, le traitement, l’administration de
n’est pas recommandé; un tel examen doit se faire en cas de suspicion                produits de contraste, d’autres diagnostics tels que ma-
clinique ou de certaines constellations à risque.                                    ladies auto-immunes, cardiopathies ou problèmes de
                                                                                     fertilité entrent en considération (tab. 1 ). Les symp-
• Le diagnostic d’hyperthyroïdie primaire est posé par le dosage d’un
taux de TSH bas ou à zéro. Le taux des hormones thyroïdiennes périphé-               tômes et signes cliniques les plus importants sont pré-
riques libres fT4 et fT3 reflète la gravité de l’hyperthyroïdie (subclinique         sentés dans le tableau 2 . En plus des anomalies cli-
contre manifeste).                                                                   niques de la thyroïde elle-même, il est important de
                                                                                     rechercher des manifestations extrathyroïdiennes telles
• En plus de l’anamnèse médicamenteuse et de la recherche des manifes-               qu’une orbitopathie ou une acropachie endocrinienne,
tations cliniques extrathyroïdiennes, il y a pour le diagnostic différentiel les     qui peuvent donner l’étiologie précise de l’hyperthyroï-
anticorps antithyroïdiens, de même que l’échographie et la scintigraphie.            die primaire.
• Le traitement de l’hyperthyroïdie de Basedow consiste d’abord à donner
des médicaments thyréostatiques pendant 12–18 mois. En cas de résis-
tance et de récidive, c’est le traitement définitif (opération ou iode radio-        Diagnostic de laboratoire
actif) qui est recommandé.
                                                                                     Le dosage de la TSH est LE diagnostic de laboratoire de
• S’il s’agit d’une autonomie fonctionnelle, un traitement définitif est né-         base d’une hyperthyroïdie primaire. Avec les dosages
cessaire pour obtenir une guérison, les thyréostatiques pouvant être uti-            hypersensibles de la TSH actuellement à disposition, le
lisés dans l’intervalle.                                                             test à la TRH est devenu obsolète. Un taux de TSH dans
• Pour une thyroïdite par libération, c’est le traitement symptomatique              ses normes exclut catégoriquement une hyperthyroïdie
qui est au premier plan.                                                             primaire. Il n’y a que dans la rare hyperthyroïdie se-
                                                                                     condaire à un adénome de l’hypophyse producteur de
• La classification en types I et II est utile pour la stratégie thérapeutique       TSH que ce taux est dans les normes ou légèrement su-
de l’hyperthyroïdie secondaire à l’amiodarone; le traitement se fait soit            périeur, avec des taux d’hormones thyroïdiennes péri-
par thyréostatiques soit par glucocorticoïdes, éventuellement associés               phériques augmentés. Cet article se limite au diagnostic
dans les formes mixtes.                                                              et au traitement de l’hyperthyroïdie primaire.
                                                                                     Si la TSH est abaissée ou à zéro, il faut doser les hor-
                                                                                     mones thyroïdiennes périphériques libres fT4 et fT3,
                       La prévalence de l’hyperthyroïdie primaire (production        celle de la fT4 étant suffisante dans la plupart des cas.
                       excessive d’hormones thyroïdiennes par la thyroïde elle-      Ce qui permet de faire la distinction entre hyperthyroï-
                       même) est fonction de l’âge, du sexe et de l’apport d’iode,   die subclinique (hormones thyroïdiennes périphériques
                       elle est globalement d’env. 1,3–2%, jusqu’à 4–5% chez les     dans les normes) et manifeste (fT4/fT3 augmentées). Si
                       femmes âgées [1, 2]. C’est la plupart du temps le médecin     le diagnostic d’hyperthyroïdie a été posé, le dosage des
                       de famille qui pose le diagnostic d’hyperthyroïdie pri-       anticorps antithyroïdiens permet de faire la distinction
                       maire, qui prescrit le premier traitement et effectue les     entre pathogenèse auto-immune (mal. de Basedow, stade
                       contrôles de son évolution. En plus de la recherche des       initial d’une thyroïdite de Hashimoto) et hyperthyroïdie
                       symptômes classiques et des signes cliniques typiques         non auto-immunogène (par ex. autonomie fonction-
                       d’une hyperfonction thyroïdienne, qui peut cependant          nelle). Les anticorps antirécepteurs de la TSH (ACRT)
Ina Krull              être oligosymptomatique surtout chez les patients âgés, la    sont présents chez 80–97% des mal. de Basedow, en
                       classification étiologique précise joue un rôle déterminant   fonction de la méthode de dosage, et leur spécificité est
                       dans le diagnostic, car le traitement en dépend.              de 95–100% [3]. Il est en plus possible de doser les an-
Les auteurs n’ont
                                                                                     ticorps antithyroperoxydase (antiTPO), présents égale-
déclaré aucun
soutien financier ni                                                                 ment chez la plupart des patients Basedow et presque
d’autre conflit        Anamnèse et clinique                                          tous ceux ayant une thyroïdite de Hashimoto [4]. Le do-
d’intérêts en                                                                        sage des anticorps antithyroglobuline (antiTg) est géné-
relation avec cet
                       Un dépistage systématique des dysfonctions thyroï-            ralement moins utile, du fait qu’ils sont peu sensibles et
article.
                       diennes n’est pas indiqué. La question qui se pose donc       spécifiques (tab. 3 ).

                                                                                                    Forum Med Suisse 2013;13(47):954–960   954
CURRICULUM

                                                                                                    Imagerie diagnostique
Tableau 1
Chez quelles personnes la recherche d’une hyperthyroïdie est-elle indiquée?
(adapté d‘après [14])
                                                                                                    Echographie de la thyroïde
                                                                                                    L’échographie de la thyroïde fournit d’importantes in-
Symptômes/signes cliniques (tab. 2)                                                                 formations sur le volume de cet organe, l’importance et
Anamnèse familiale positive pour dysfonctions thyroïdiennes auto-immunes                            la morphologie d’éventuels nodules, la vascularisation
Traitement médicamenteux par amiodarone, lithium, interféron-α                                      et l’échogenèse du parenchyme. C’est ainsi un examen
Contamination à l’iode par produits de contraste                                                    central dans la classification étiologique de l’hyper-
Autres maladies auto-immunes connues (par ex. diabète de type 1, sprue,
                                                                                                    thyroïdie primaire, qui contribue à la prise de décision
gastrite auto-immune, vitiligo)                                                                     thérapeutique. Les avantages de l’échographie sont en
                                                                                                    outre sa large disponibilité et son faible coût. Ce qui fait
Fibrillation/flutter auriculaire, tachycardie sinusale
                                                                                                    que dans une hyperthyroïdie primaire, l’indication à
Investigations pour hypertension secondaire ou hypertension artérielle pulmonaire
                                                                                                    l’échographie est généreusement posée.
Dans le cadre des investigations pour formes secondaires d’ostéoporose
Investigations pour troubles de la fertilité, menstruels (surtout oligoménorrhée),                  Scintigraphie de la thyroïde
status après fausse-couche précoce, hyperémèse gravidique                                           En présence de nodules thyroïdiens et d’une hyperthy-
Investigations pour gynécomastie, troubles de la libido chez l’homme                                roïdie primaire, la scintigraphie au 99mTc-pertechnétate
                                                                                                    est indiquée pour confirmer une autonomie uni- ou mul-
                                                                                                    tifocale, surtout si un traitement à l’iode radioactif est
Tableau 2
Symptômes et signes cliniques d’une hyperthyroïdie (adapté d’après [1]).
                                                                                                    envisagé. Sinon, elle n’est recommandée dans le cadre
                                                                                                    du diagnostic d’une hyperthyroïdie que si sa classifica-
                                 Symptômes                        Signes cliniques
                                                                                                    tion étiologique par le laboratoire et l’échographie est
SNC/Psychisme                    Intolérance à l’effort, ner-     Hyperactivité, insomnie,          insuffisante. Une scintigraphie ne doit être effectuée
                                 vosité, anxiété, insomnie,       psychose
                                                                                                    qu’après une latence de 3 mois au moins après admi-
                                 difficultés de concentration
                                                                                                    nistration de produits de contraste iodés. Elle ne doit
Thyroïde                         Tuméfaction cervicale, dys- Goitre diffus/nodulaire,
                                 phagie, douleur à la pression crépitement sur la thyroïde          pas se faire sous traitement d’amiodarone. Même après
                                 du cou                                                             son interruption, il faut tenir compte de la longue demi-
Yeux (mal. de Basedow)           Sensation de corps étranger, Injection conjonctivale,              vie de ce médicament iodé et éventuellement doser l’ex-
                                 douleur, diplopie, troubles  rétraction palpébrale,                crétion urinaire d’iode avant une scintigraphie pro-
                                 visuels                      œdème périorbitaire,                  grammée. La captation thyroïdienne de 99mTc à prévoir
                                                              exophtalmie, ophtalmo-                dans chacune des entités d’hyperthyroïdie est présentée
                                                              plégie, etc.
                                                                                                    dans le tableau 4 . La figure 1         présente un algo-
Système cardiovasculaire         Palpitations, dyspnée d’effort Tachycardie au repos,
                                                                                                    rithme diagnostique d’une hyperthyroïdie primaire.
                                                                fibrillation/flutter auriculaire,
                                                                grande amplitude tension-
                                                                nelle, high output failure,
                                                                œdèmes malléolaires                 Diagnostic différentiel
Système gastro-intestinal        Augmentation de l‘appétit,       Perte pondérale, diarrhée
                                 nausée, perte pondérale,                                           La maladie de Basedow (thyréopathie auto-immune à
                                 fréquence des selles aug-                                          anticorps antirécepteurs de la TSH stimulants) est
                                 mentée, diarrhée
                                                                                                    l’étiologie la plus fréquente de l’hyperthyroïdie primaire,
Peau, cheveux, ongles            Intolérance au chaud, suda-      Peau chaude, humide
                                                                                                    suivie par l’autonomie fonctionnelle. Une hyperthyroïdie
                                 tion                             Myxœdème prétibial, acro-
                                 Cheveux fins, cassants,          pachie (néoformation os-          par libération dans le cadre de thyroïdites, par ex. de
                                 friabilité unguéale              seuse sous-périostée et           Hashimoto au stade initial ou subaiguë de De Quervain,
                                                                  épaississement des tissus         est moins fréquente. La thyroïdite du postpartum est
                                                                  mous des phalanges termi-         lymphocytaire, se manifeste jusqu’à 12 mois après l’ac-
                                                                  nales)
                                                                                                    couchement et s’accompagne également typiquement
Muscles                          Faiblesse, surtout cuisse        Signe du tabouret, atrophie       d’une hyperthyroïdie par libération. Des substances
                                                                  musculaire
                                                                                                    iodées, telles que produits de contraste ou amiodarone,
Système nerveux                                                   Hyperréflexie, tremor fin
                                                                                                    peuvent également provoquer une hyperthyroïdie pri-
périphérique
                                                                                                    maire (tab. 4).
Organes sexuels                  Irrégularités des cycles,        Oligoménorrhée, polymé-
                                 stérilité (femme), baisse de     norrhée, baisse de la ferti-
                                 la libido (homme)                lité (femme), gynécomastie
                                                                  (homme)

                       Tableau 3
                       Sensibilité et spécificité des anticorps antithyroïdiens [3, 4].

                                                                                      Mal. de Basedow       Thyroïdite de Hashimoto        Population normale
                       Anticorps antirécepteurs de la TSH (ACRT)                      80–97%                0–5%                           0%
                       Anticorps antithyroperoxydase (ACTPO)                          50–80%                90–100%                        8–27%
                       Anticorps antithyroglobuline (ACTg)                            12–30%                30–50%                         5–20%

                                                                                                                   Forum Med Suisse 2013;13(47):954–960    955
CURRICULUM

 Tableau 4
 Diagnostic différentiel de l’hyperthyroïdie.

                                                Mécanisme physiopathologique                      Captation de radionucléides
                                                                                                  dans la thyroïde
 Maladie de Basedow                             Anticorps stimulant le récepteur de la TSH        Diffusément augmentée
 Autonomie fonctionnelle                        Mutation activatrice du récepteur de la TSH ou    Focale/diffusément augmentée
 (uni-/multifocale ou disséminée)               mutation de la protéine G
 Thyroïdites                                    Libération d’hormones thyroïdiennes par           Diminuée à absente
 – thyroïdite subaiguë granulomateuse           destruction des thyrocytes, facteur déclenchant
   de De Quervain                               auto-immun, éventuellement infection virale
 – phase initiale de la thyroïdite              (thyroïdite de De Quervain)
   de Hashimoto                                 Toxique (iode radioactif)
 – thyroïdite silencieuse (lymphocytaire
   chron.) y c. celle du postpartum
 – phase initiale après iode radioactif
 Hyperthyroïdie induite par l’amiodarone        Production d’hormones thyroïdiennes               Diminuée à absente
 de type I                                      non contrôlée par excès d’iode
 Produit de contraste iodé
 Hyperthyroïdie induite par l’amiodarone        Thyroïdite destructrice, effet toxique direct     Diminuée à absente
 de type II
 Interféron-alpha, lithium
 Hyperthyroïdie gravidique,                     Effet thyréotrope de l’HCG                        Diffusément augmentée
 tumeur à cellules germinales productrice
 d’HCG
 TSHome                                         Adénome hypophysaire producteur de TSH            Diffusément augmentée
 Thyrotoxicose factice                          Prise inadéquate d’hormones thyroïdiennes         Diminuée à absente
 Mutation activatrice du récepteur de la TSH    Mutation du récepteur                             Augmentée
                                                des hormones thyroïdiennes
 Goitre ovarien                                 Adénome toxique dans tumeur dermoïde              Diminuée à absente, captation ecto-
                                                de l’ovaire                                       pique de radionucléides
 Carcinome thyroïdien folliculaire              Foyers avec autonomie fonctionnelle               Focalement augmentée
 métastatique

Maladie de Basedow                                                       Marine-Lenhart, env. 1% des patients ayant une mal.
La mal. de Basedow, une thyréopathie auto-immune,                        de Basedow) [6].
touche nettement plus souvent les femmes que les
hommes (5–7:1), son pic d’incidence se situe entre 30                    Autonomie fonctionnelle
et 50 ans. Les patients se présentent souvent avec le ta-                La cause supposée d’une autonomie focale est une mu-
bleau clinique classique de la triade de Merseburg                       tation activatrice du récepteur de la TSH ou de la pro-
(goitre 75–90%, exophtalmie ou orbitopathie endocri-                     téine G. L’incidence des lésions thyroïdiennes nodu-
nienne env. 50%, tachycardie >50%) [5]. En plus de ces                   laires augmente avec l’âge. Chez les patients âgés, la
symptômes typiques, il peut y avoir de rares manifesta-                  très grande majorité des hyperthyroïdies primaires
tions extrathyroïdiennes, telles que myxœdème préti-                     résulte d’une autonomie fonctionnelle. La présentation
bial (1–2%, par réaction immunitaire du derme) et acro-                  clinique est souvent peu spécifique, souvent même
pachie (
CURRICULUM

Figure 1
Algorithme diagnostique dans l’hyperthyroïdie primaire.

qui sont scintigraphiquement froids et les contrôler par    passagère, généralement suivie d’une euthyroïdie. Une
échographie.                                                hypothyroïdie reste cependant permanente dans quelque
                                                            10–15% des cas [7].
Thyroïdites                                                 Dans une AIT de type II, il s’agit également d’une thy-
Une thyroïdite de Hashimoto au stade initial, une thyroï-   roïdite destructrice par effet toxique direct de l’amioda-
dite subaiguë de De Quervain, une thyroïdite lymphocy-      rone sur le follicule thyroïdien. Pour des raisons encore
taire du postpartum ou une hyperthyroïdie induite par       inexpliquées, cet effet toxique ne peut se manifester que
l’amiodarone (AIT) de type II peuvent entraîner une         2–3 ans après la mise en route du traitement. A l’écho-
libération d’hormones préformées et stockées dans la        graphie, la thyroïde est sans particularité, elle ne
thyroïde par destruction de cellules thyroïdiennes. Cette   contient notamment pas de nodules et sa vascularisa-
phase d’hyperthyroïdie transitoire dure généralement        tion est aussi diminuée. Le taux sérique d’interleu-
de quelques semaines à 3 mois et est autolimitée. Pour      kine-6 peut éventuellement être augmenté. Dans le
le diagnostic différentiel entre thyroïdite de Hashimoto    monde entier, en fonction de l’apport d’iode, une hyper-
et mal. de Basedow, l’absence de symptômes extra-           thyroïdie est décrite chez 1–23% des patients sous
thyroïdiens, les ACRT négatifs et l’échographie (hypo-      amiodarone [8]. Là où l’apport d’iode est suffisant, l’AIT
vascularisation) sont utiles.                               de type II est plus fréquente que celle de type I, et inver-
Le diagnostic de thyroïdite de De Quervain peut être        sement dans les régions en manque d’iode.
posé par la clinique, les symptômes classiques douleur
à la pression, douleur de la loge thyroïdienne irradiant    Hyperthyroïdie primaire induite par l’iode
dans la mâchoire, fièvre et paramètres inflammatoires       Un excès d’iode suite à l’administration de produits de
mettant sur la voie. A l’échographie, le parenchyme thy-    contrastes iodés ou d’un médicament (amiodarone) peut
roïdien est typiquement très inhomogène, hypoechogène       faire augmenter la production d’hormones thyroïdiennes.
à contours géographiques, avec hypovascularisation à        L’hyperthyroïdie induite par l’amiodarone est définie
l’échographie Doppler. Par la suite, après l’hyper-         comme AIT de type I. Dans une telle situation, il y a la
thyroïdie par libération, il se produit une hypothyroïdie   plupart du temps des pathologies thyroïdiennes démon-

                                                                          Forum Med Suisse 2013;13(47):954–960     957
CURRICULUM

                                                                                   carbimazole et le propylthiouracile (PTU) inhibent la
Tableau 5
                                                                                   synthèse des hormones thyroïdiennes (inhibition de
Hyperthyroïdie subclinique: quand la traiter? [13–16]
                                                                                   l’iodation de la tyrosine induite par la thyroperoxydase)
                                     TSH 65 ans avec comorbidités:                                                     env. 0,2–0,5% et imposent un changement de traite-
– symptômes d’hyperthyroïdie         Oui                    Envisager traitement   ment [1].
– cardiopathie                       Oui                    Envisager traitement   La dose journalière initiale – en fonction du volume de
– ostéoporose                        Oui                    Non
                                                                                   la thyroïde, de la gravité de l’hyperthyroïdie et du poids
                                                                                   – est généralement de 15–45 mg pour le carbimazole et
                                                                                   de 150–450 mg pour le PTU. La dose est ensuite adaptée
                                                                                   surtout à la dynamique de la baisse de la fT4 lors des
                                                                                   contrôles à 3–4 semaines d’intervalle. La suppression
                    trables, telles que nodules solitaires ou multiples, ou une    de la TSH prend de quelques semaines à 6 mois après
                    mal. de Basedow. Le dosage des ACRT et l’échographie           la mise en route de ce traitement, et la TSH n’est donc
                    de la thyroïde ont une importance déterminante pour            pas indiquée comme paramètre d’évolution à cette
                    le diagnostic différentiel de ces entités. Au laboratoire,     phase. Après normalisation complète des tests thyroï-
                    la constellation d’une inhibition de la conversion de T4       diens, le traitement thyréostatique est poursuivi pendant
                    en T3 est caractéristique d’une AIT.                           12 mois à la dose journalière d’entretien de 5–15 mg de
                                                                                   carbimazole ou 50–150 mg de PTU, ce qui fait une durée
                    Hyperthyroïdies primaires rares                                globale moyenne de traitement d’env. 18 mois. Dans cer-
                    Si la classification de l’hyperthyroïdie n’est pas possible    tains cas spéciaux, il est possible d’envisager l’adminis-
                    avec les méthodes diagnostiques courantes, ou si les ré-       tration parallèle d’un thyréostatique et de lévothyroxine
                    sultats de laboratoire ne sont pas concordants (par ex.        (traitement block-replace).
                    symptômes d’hyperthyroïdie avec taux de TSH dans les           En attendant la normalisation des hormones thyroï-
                    normes), il faut penser à une forme rare d’hyperthyroïdie      diennes périphériques, et en plus du traitement symp-
                    et adresser le patient à un endocrinologue pour la suite       tomatique, sont utilisés les bêtabloquants, de préfé-
                    des investigations.                                            rence le propranolol (non cardiosélectif, inhibition de la
                                                                                   conversion de la T4 en T3 biologiquement active), à une
                                                                                   dose journalière de 40–160 mg.
                    Traitement                                                     Dès qu’une euthyroïdie stable est atteinte, le traitement
                                                                                   peut être arrêté après la durée mentionnée. Un peu plus
                    En raison de la morbidité et de la mortalité cardiovas-        de 50% des patients resteront en rémission durable
                    culaires accrues, de même que du plus grand risque             après ce traitement. Le risque de récidive de mal. de
                    d’ostéoporose et de fractures, l’indication au traitement      Basedow est accru en cas de consommation persistante
                    d’une hyperthyroïdie manifeste (mal. de Basedow, auto-         de nicotine, d’important volume de la thyroïde (>50 ml)
                    nomie, hyperthyroïdie induite par l’iode) est clairement       et de persistance d’AC antirécepteurs de la TSH [18–20].
                    donnée [1, 9–11]. La question de l’indication à un traite-     En cas de récidive, le traitement ablatif définitif est à
                    ment d’une hyperthyroïdie subclinique doit être posée          préférer à un nouveau traitement thyréostatique. Les
                    de manière plus différenciée. Avec l’hétérogénéité des         options thyroïdectomie contre iode radioactif doivent
                    collectifs de patients pour ce qui est de l’âge, du niveau     être discutées avec le patient en fonction de la situation
                    de suppression de la TSH et de la durée de l’hyperthy-         initiale (tab. 6 ).
                    roïdie subclinique, les études sur ses conséquences sur
                    le système cardiovasculaire ne sont pas toutes d’accord.       Autonomie fonctionnelle
                    Il semble cependant que surtout chez les patients de           Le traitement thyréostatique de l’autonomie fonction-
                    plus de 65 ans ayant une TSH
CURRICULUM

ment glucocorticoïdes dans les formes graves. Une hy-                   substance. En raison du traitement à long terme, une
perthyroïdie induite par l’amiodarone de type II se traite              tentative d’interruption doit être discutée avec un cardio-
initialement par glucocorticoïdes à hautes doses (pred-                 logue.
nisone 40–60 mg/j pendant 4 semaines, puis sevrage
progressif des stéroïdes au cours des 3 mois suivants).
La réponse au traitement est généralement rapide, un                    Aspects diagnostiques et thérapeutiques
contrôle des taux d’hormones périphériques est recom-                   pendant la grossesse et la période
mandé après 2 semaines déjà. Si pendant ce temps les                    d’allaitement
taux d’hormones thyroïdiennes libres ne baissent abso-
lument pas, il faut penser à une forme d’AIT mixte, I et                Si un traitement thyréostatique d’une hyperthyroïdie
II, qui rend une adjonction de thyréostatiques éventuel-                manifeste est nécessaire pendant la grossesse ou la
lement indispensable.                                                   période d’allaitement, les patientes doivent être prises
                                                                        en charge en collaboration avec un endocrinologue.
Contamination par l’iode                                                Les substances à disposition, carbimazole et dans une
En cas d’hyperthyroïdie subclinique ou manifeste connue                 moindre mesure PTU, traversent le placenta et se re-
et d’exposition à l’iode par produits de contraste, il est              trouvent en très faibles concentrations dans le lait
indispensable d’ajouter au traitement thyréostatique en                 maternel. Il faut en principe donner la dose journalière
cours du perchlorate de sodium (Irenat®). Irenat® inhibe                la plus faible possible.
la captation thyroïdienne d’iode par inhibition du sym-                 Au 1er trimestre, le traitement doit être entrepris avec le
porteur sodium-iode, et se donne pendant 7 jours à une                  PTU car des malformations, par ex. aplasie cutanée,
dose journalière de 1000 mg, soit 2× 25 ou 3× 20 gttes/j                omphalocèle ou atrésie choanale peuvent se présenter
(début le jour précédant l’exposition au produit de                     sous carbimazole, mais rarement [21, 22]. Du fait que
contraste). Dans l’hyperthyroïdie induite par l’amioda-                 selon de récentes études, le PTU est associé à une hépa-
rone de type I, les doses initiales de thyréostatiques                  totoxicité pour l’enfant à naître, il doit être remplacé
doivent être élevées, par ex. carbimazole 45 mg/j. Si la                par le carbimazole à la fin du 1er trimestre, selon les re-
réponse au traitement est insuffisante, il peut être judi-              commandations actuelles. Des contrôles des tests thy-
cieux de lui associer Irenat® à la dose précisée ci-dessus              roïdiens toutes les 4 semaines et des adaptations des
pendant 4 semaines au maximum (risque d’agranulo-                       doses de thyréostatiques sont indiqués pendant la gros-
cytose). Si ce traitement conservateur reste sans succès,               sesse [21].
il faut passer à la thyroïdectomie. L’arrêt de l’amio-                  Du fait qu’une grossesse a un effet inhibiteur sur le sys-
darone est sans intérêt dans le traitement de l’hyper-                  tème immunitaire, il est possible de prévoir une éven-
thyroïdie, en raison de la très longue demi-vie de cette                tuelle diminution de la dose, voire même une interrup-

 Tableau 6
 Traitement de l’hyperthyroïdie primaire.

                           Traitement médicamenteux                Traitement par iode radioactif             Opération
 Indication                – Mal. de Basedow: premier traitement – Autonomie uni- ou multifocale          – Gros goitre
                           – Dans l’attente d’une euthyroïdie avant – Mal. de Basedow: récidive, surtout – Suspicion de malignité dans
                             traitement définitif                     chez patients très âgés avec risque    nodules scintigraphiquement
                           – Aucun traitement définitif possible      périopératoire accru                   froids
                             ni voulu                                                                     – Récidive d’une mal. de
                                                                                                             Basedow, surtout si attente
                                                                                                             d’un enfant, OE active
                                                                                                          – Traitement médicamenteux
                                                                                                            inefficace dans AIT
 Méthode                   – Néo-Mercazole                         – Etude de captation de l’iode             –Thyroïdectomie totale dans mal.
                           – Propylthiouracile (1er trimestre        radioactif 131I (titration de la dose)   de Basedow, AIT, suspicion de
                             d’une grossesse)                      – Traitement par iode radioactif 131I      malignité, goitre multinodulaire
                           – Bêtabloquants                                                                    – Hémithyroïdectomie si nodule
                           – Stéroïdes dans AIT de type II                                                    solitaire avec autonomie
                           – AINS dans thyroïdite de De Quervain                                              unifocale
                             symptomatique (± stéroïdes)
 Inconvénients/            – Exanthèmes                            – Hospitalisation 7–14 jours               – Hospitalisation 3–4 jours
 Complications             – Hépatopathie                          – Pas de grossesse 6–12 mois après         – Anesthésie générale
                           – Rarement agranulocytose                 traitement                               – En fonction de l’expérience
                           – Traitement de longue durée            – Evt aggravation d’une OE active            du chirurgien, risque minime
                           – Proportion élevée de récidives dans   – Entrée en action lente                     de parésie du récurrent,
                             mal. de Basedow (env. 50%)            – Hypothyroïdie (dose-dépendante)            d’hypoparathyroïdie
                                                                                                              – Hypothyroïdie si thyroïdecto-
                                                                                                                mie totale
 OE: orbitopathie endocrinienne.

                                                                                          Forum Med Suisse 2013;13(47):954–960             959
CURRICULUM

tion du traitement thyréostatique dans une mal. de              Remerciements
Basedow. Mais en postpartum par contre, il se produit           Nous remercions très cordialement le Dr Patrick Lehmann, spécialiste
                                                                FMH Médecine interne générale, Arbon, pour ses critiques et sugges-
un rebond de l’activité immunitaire, ce qui fait qu’il faut     tions constructives à la lecture du manuscrit.
s’attendre à une augmentation des besoins de thyréos-
tatiques à cette phase. Si une femme ayant une mal. de
Basedow, qu’elle impose un traitement, soit en rémis-           Correspondance:
sion ou après traitement définitif, est enceinte, il faut te-   Dr Ina Krull
nir compte du passage transplacentaire des ACRT et              Kantonsspital St. Gallen
contrôler leurs titres au cours du 2e trimestre. S’ils sont     Departement Innere Medizin
augmentés à cette phase, il s’agit d’envisager une hyper-       Fachbereich Endokrinologie, Diabetologie, Osteologie
                                                                Rorschacherstrasse
thyroïdie fœtale ou néonatale, ce qui fait que dans une
                                                                CH-9007 St. Gallen
telle situation il est indispensable d’assurer une étroite      ina.krull[at]kssg.ch
collaboration entre endocrinologue, gynécologue, néo-
natologue et pédiatre. Tout traitement à l’iode radioac-
tif est contre-indiqué pendant la grossesse. Une contra-        Références
ception sûre doit être entreprise dans les 6–12 mois            Vous trouverez la liste complète des références sous
après ablation par iode radioactif.                             www.medicalforum.ch.

                                                                                 Forum Med Suisse 2013;13(47):954–960         960
Vous pouvez aussi lire