I - Constats de la pénurie sanitaire

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i e s a n i t a i r e                                                           Union

                p é n u r                                                                                 syndicale

Sor tir d e l a                                                                   Solidaires
pour aller eraineté sanitaire                                                                              Juin 2021

    s u n e s o u v
ver
                            I - Constats de la pénurie sanitaire

En février 2021, dans de nombreuses villes et dans de nom-                  Il y a quelques années déjà, des
breux départements, nombre de personnes qui veulent se                      organisations      syndicales,        dont
faire vacciner, tant pour se protéger du virus que pour contri-             l’Union syndicale Solidaires, et des
buer à freiner sa propagation, ne le peuvent. Du fait qu’à                  associations, dont Attac, avaient
terme il faudra que toute la population soit vaccinée pour pou-             dénoncé le manque de certains médi-
voir espérer faire reculer la circulation de ce virus, il est normal        caments, tout comme l’avaient fait des
que le gouvernement ait été amené à décider de « groupes de                 pharmaciens qui constataient qu’il leur
personnes prioritaires ». Ainsi, la vaccination a d’abord été               était difficile de fournir des patients
ouverte aux patients des EHPAD, puis aux professionnels de                  conformément aux ordonnances éta-
santé âgés de plus de 50 ans ou fragiles, aux pompiers, aux aides           blies par des médecins, faute d’être
à domicile, puis aux 5 millions de personnes de plus de 75 ans              pourvus en médicaments. Ces organi-
et aux 800 000 personnes présentant des pathologies à « haut                sations syndicales, ces associations, ces
risque ». Mais, dès les premières semaines, ça « bouchonne »                professionnels, dénonçaient la politique
sérieusement, notamment du fait que parmi ces couches de la                 menée depuis des années par les gou-
population, le souhait de se faire vacciner est fort, et surtout du         vernements à l’égard du médicament
fait que notre pays ne dispose pas, loin de là, des doses de vac-           et des laboratoires pharmaceutiques.
cins suffisantes. La pénurie de vaccins est telle qu’elle oblige            Nous étions de ceux qui préconisaient
même à la fermeture de centres de vaccination parfois ouverts               la construction d’un « pôle public du
avec difficulté par des communes. Les prises de rendez-vous                 médicament » afin de répondre plus
sont difficiles et nous avons une multitude de cas de personnes             aisément aux demandes sanitaires de
de plus de 75 ans, annoncées comme « prioritaires » par le gou-             la population et pour s’assurer que
vernement dans cette campagne de vaccination, qui se heur-                  les crédits publics seraient effective-
tent à une impossibilité de se retrouver même sur une liste                 ment utilisés dans la recherche et dans
d’attente. Cette situation scandaleuse se retrouve autant dans les          l’investissement pour pouvoir ensuite
grandes villes, dans les banlieues, que dans les zones rurales :            produire ces biens essentiels. Bien
non seulement les centres de vaccination sont insuffisants,                 entendu, les « décideurs », les éditoria-
parfois très éloignés du domicile de personnes qui ne peuvent               listes de renom et les gouvernants ont
se déplacer, mais ils sont rarement pourvus de vaccins en                   ignoré superbement de telles proposi-
nombre suffisant. A titre d’exemple, les organisations de                   tions en répétant qu’il fallait faire con-
retraité.es du Val-de-Marne et plusieurs maires soulignent qu’il y          fiance au marché, que seul le marché
a 100 000 seniors de plus de 75 ans dans ce département. Ce                 était en mesure de répondre aux
sont des personnes déclarées prioritaires, après le personnel               besoins et aux demandes.
médical et soignant, pour la vaccination. En février 2021, le
département reçoit une dotation de 5 000 vaccins par semaine.               En début d’année 2020, avec l’arrivée
Du fait qu’il faut deux doses par personne pour qu’elle soit                du virus en Europe et en France, le
vaccinée, il faudrait donc 200 000 doses pour ne vacciner que               constat fut rapide et impitoyable : un
ces 100 000 seniors. Au rythme de 5 000 vaccins par semaine, il             manque de chambres et un manque
faudrait 40 semaines, ce qui amènerait les dernières vaccina-               de lits dans les hôpitaux, un manque
tions de cette seule catégorie de personnes au mois d’octobre               de lits et de matériels de réanimation,
2021. Et, pendant le même temps, aucune autre catégorie de                  un manque de respirateurs, un man-
personnes ne pourrait être vaccinée ! Le summum est atteint                 que de personnels, et aussi un manque
quand on sait que, pour élaborer sa stratégie de vaccination,               de masques, de blouses, de gants, de
le gouvernement a recours à des officines privées, payées très              charlottes pour toutes les personnes tra-
chèrement, au mépris des multiples agences gouvernementales.                vaillant dans les services hospitaliers,
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pour les infirmières et les infirmiers, les               Dès la fin de l’année 2020, quand il est devenu possi-
aides-soignants et les aides-soignantes, toutes           ble de parler plus sérieusement de l’agrément de vac-
celles et tous ceux qui sont au contact des               cins et de leur « mise sur le marché », il est vite apparu
malades ou au contact de personnes fragiles               que ce serait de nouveau une relative déroute pour
ou « à risque », comme les personnels des                 nombre d’États. Dès le début de cette pandémie, les
EHPAD et de l’aide à domicile. Et un manque               Françaises et les Français se doutaient que cette crise
de masques pour les particuliers, tout comme              sanitaire planétaire, frappant notamment les pays
un manque de gel hydro-alcoolique. Cette                  riches, et pouvant même toucher les personnes riches
situation ne pouvait plus être cachée (nous               de ces pays riches, allait provoquer une course effré-
avons tout de même encore le souvenir d’une               née entre les laboratoires pharmaceutiques pour
ministre, qui plus est de la Santé, continuant            décrocher le jack pot du vaccin qui inonderait le
de mentir effrontément en disant tout à la                marché mondial.
fois qu’il n’y avait aucune crainte à avoir, puis
qu’elle avait la maîtrise de la situation), après         Dans cette course, les multinationales américaines
avoir été niée par les « décideurs » malgré               du secteur partaient favorites : sur les dix plus gros
des alertes et des mises en garde antérieures,            laboratoires au monde, six sont aux États-Unis (dont
notamment par des organisations syndicales                Pfizer et Merck & Co), alors que la Suisse en compte
et des professionnels soucieux de la santé                deux (Novartis et Roche), quand Sanofi se classe tout de
publique. Et un grand nombre de nos conci-                même au septième rang mondial. Et, au cours des der-
toyennes et concitoyens ont découvert avec                niers mois, nous avons encore vu les gesticulations du
effarement où en était arrivé notre pays en               gouvernement vanter la nécessité du vaccin tout en
matière de pénurie sanitaire : la cinquième               sachant qu’il n’était en rien maître de leur production
puissance économique mondiale incapable                   et de leur distribution. Le Conseil Scientifique, le Con-
de répondre rapidement à un pic de besoins                seil de Défense, les experts, ont défilé et défilent sur les
sanitaires et obligée de confiner une grande              plateaux « télé » pour inviter les Françaises et les Fran-
partie de sa population (sauf les métiers qui,            çais à se faire vacciner, car c’est le meilleur moyen
d’un seul coup, devenaient « essentiels ») pour           pour se protéger individuellement et pour se débar-
éviter un engorgement dans les services hospi-            rasser collectivement du virus. Mais, comme il n’est
taliers.                                                  matériellement pas possible de vacciner rapidement
                                                          toute la population, et ça nous pouvons aisément le
Quelques semaines plus tard, ces manques                  comprendre, le gouvernement fixe des catégories priori-
de matériels de protection étaient moins                  taires : les personnels hospitaliers, celles et ceux des
dramatiques (grâce notamment aux efforts                  EHPAD, etc., puis les personnes âgées de plus de 75
de plein de professionnels de la santé, aux               ans. Et, de nouveau, nos concitoyennes et concitoyens
bonnes volontés de nombreuses personnes,                  sont confrontés à la dure réalité d’un pays qui n’a, dans
aux bricolages, etc.), mais obligeaient tou-              ce domaine non plus, aucune souveraineté sanitaire
jours à des modifications importantes dans                et qui se trouve en totale dépendance à l’égard de
l’organisation de la vie économique, de la vie            laboratoires en concurrence mondiale. D’autant plus
sociale et familiale, au travail, dans la cité, au        que les laboratoires « français » n’ont rien à proposer :
domicile. Après avoir menti en prétendant                 à ce jour, en février 2021, Sanofi, tout comme l’Institut
que les masques ne protégeaient de rien                   Pasteur, sont hors jeu dans l’élaboration d’un vaccin per-
(tout ça parce qu’il n’y avait pas de stocks              formant et disponible.
disponibles), des membres du gouvernement,
et d’autres dont la fonction est de porter le             Aujourd’hui, en février 2021, le constat est clair :
discours officiel, ont également tordu la vérité          notre pays n’a aucune autonomie sanitaire et nous
quant aux tests. La France n’avait pas assez de           dépendons totalement des multinationales, en l’occur-
matériel pour faire les tests, et il était par            rence des multinationales du médicament, pour four-
exemple impossible de tester les « personnes              nir les professionnels en vaccins. Le fait de se
à risques », ce qui aurait peut-être pu per-              regrouper au niveau de l’Union Européenne pour
mettre de détecter puis de confiner prioritai-            centraliser les commandes et pour « peser plus fort »
rement les personnes touchées par le virus.               face aux laboratoires compte-tenu de l’importance des
Cette mesure de prévention aurait fortement               commandes confirme cette dépendance : il nous faut «
réduit la propagation du virus, au lieu de                marchander les prix », et plus il faut payer cher, plus les
confiner une très grande partie de la popula-             profits des laboratoires sont élevés, et plus la Sécurité
tion, dont nombre de personnes fort heu-                  sociale sera en difficulté. Nous savons que dans le
reusement non atteintes et dont les déplace-              domaine du médicament, les « lois du marché » ont déjà
ments n’auraient nullement entraîné la circu-             provoqué de très fortes concentrations, les plus gros
lation du virus.                                          laboratoires pharmaceutiques rachetant les autres.
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II - Causes de la pénurie sanitaire

Les commentateurs à la télévision sont nom-                       et qu’il soit donc toujours occupé, et toujours
breux à nous expliquer ce qu’il faut faire                        occupé par des personnes pour lesquelles des actes
aujourd’hui, et comment ça va évoluer demain.                     médicaux ou chirurgicaux sont en cours. Il faut
Mais ils sont très peu pour expliquer comment                     donc une occupation constante des lits, ce qui va
notre pays en est arrivé là, à manquer de tout ce                 conduire à réduire leur nombre et à accélérer la
qui est essentiel pour réduire les méfaits d’un                   rotation des occupants : la médecine ambulatoire
virus qui circule au rythme de la circulation des                 permet que, pour un même lit, corresponde par
êtres humains. Au mieux, ils vont nous dire que                   exemple un acte chirurgical chaque jour. Et pour
c’était imprévisible, ou que c’est une sanction                   renforcer l’occupation de chaque lit, chaque année,
divine, ou que ça vient de Chine, dont il faut se                 les LFSS réduiront leur nombre (moins 100 000
méfier. Très souvent, hier, ils étaient de ceux qui               lits en dix ans) et réduiront le nombre d’emplois, ce
estimaient que les services hospitaliers coûtaient                qui a conduit à dégrader les conditions de travail et
très cher aux contribuables et que les personnels et              les prises en charge médicales et hospitalières des
les syndicats hospitaliers n’étaient jamais contents à            patients. De plus en plus, l’hôpital public travaillait
toujours réclamer des emplois et des moyens.                      à flux tendus ; aussi, au moindre pic de nouveaux
                                                                  malades, l’engorgement était forcément proche.
C’est à cause d’une crainte d’un engorgement des                  L’arrivée du virus était difficilement prévisible,
services hospitaliers, qui, depuis des mois, voire                mais mettre l’hôpital public à chaque fois à la
des années, travaillaient « sur le fil du rasoir »,               limite du point de rupture était totalement irres-
que le gouvernement a été amené à prendre des                     ponsable selon des critères de santé publique, par
mesures drastiques d’arrêt d’un grand nombre                      contre c’était d’une grande efficacité en ce qui
d’activités économiques et, dans le même temps,                   concerne les économies budgétaires à court terme.
à décider de nombreuses dispositions venant                       Ca devenait un « plus » pour le capitalisme finan-
réduire les possibilités de déplacement, de réunion,              cier français dans son attractivité internationale : la
etc., des personnes. En France, l’accélération de la              France parvenait à limiter ses dépenses publiques
casse de l’hôpital public s’est faite avec le Plan Juppé          sous les applaudissements de tous les économistes
de 1995. A l’époque, le mouvement social a pu                     financiers.
repousser la partie du plan qui visait à casser le
système des retraites, et notamment les régimes                 Nous pouvons trouver les causes profondes de
particuliers, mais tout le reste du plan de Juppé,              cette pénurie sanitaire y compris dans certains
projet de la droite et des capitalistes financiers, est         mots du Président de la République, c’est donc dire
passé. Des lois de 1996 ont fait entrer plus                    que ce ne sont pas des propos d’illuminés, d’irres-
directement l’hôpital dans une enveloppe budgé-                 ponsables, de doux rêveurs. En effet, le 12 mars
taire préfixée et contrainte. Avec l’Objectif Natio-            2020, à l’issue de son « Adresse aux Français » dans
nal des Dépenses d’Assurance Maladie (ONDAM)                    laquelle il annonçait une somme de mesures por-
et la Loi de Financement de la Sécurité Sociale                 tant atteintes aux libertés mais visant à réduire
(LFSS), chaque année le pouvoir exécutif et sa                  la circulation du virus, le Président de la Républi-
majorité parlementaire vont pouvoir attribuer des               que laissait croire qu’il avait pris la mesure des
crédits inférieurs aux besoins. Les Agences Régio-              erreurs passées et qu’il en tirait déjà des leçons «
nales d’Hospitalisation (ARH, qui deviendront les               pour demain » : … « Il nous faudra demain tirer les
Agences Régionales de Santé – ARS en 2010 avec                  leçons du moment que nous traversons, interroger le
Roselyne Bachelot) vont devenir progressivement                 modèle de développement dans lequel s’est engagé
des super préfets chargés de cadrer toute cette                 notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses
politique de limitation de l’hôpital public afin de             failles au grand jour, interroger les faiblesses de nos
favoriser dans le secteur de la santé la rentabilité            démocraties … Ce que révèle cette pandémie, c’est
des capitaux privés. Le partenariat public-privé va             qu’il est des biens et des services qui doivent être
être mis en place, qui va coûter très cher aux con-             placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre
tribuables pour les plus grands profits des investis-           alimentation, notre protection, notre capacité à soi-
seurs privés. La tarification à l’activité va accélérer la      gner, notre cadre de vie, au fond, à d’autres, est une
course à la rentabilité des services hospitaliers.              folie. Nous devons en reprendre le contrôle, cons-
L’objectif fixé à l’hôpital public n’est plus l’amé-            truire plus encore que nous le faisons déjà une
lioration de l’état sanitaire de la population mais             France, une Europe souveraine … Les prochaines
la rentabilité financière des établissements. Au                semaines et les prochains mois nécessiteront des déci-
bout du bout, il faut que chaque lit soit rentable,          P3 sions de rupture en ce sens. Je les assumerai ».
Ainsi, le Président de la République lui-même                   tion. Quand ils arrivent chez des petits actionnai-
affirmait qu’il y a des biens et des services qui               res, ils peuvent devenir des consommations
doivent être placés en dehors des lois du marché.               immédiates, ou des réinvestissements dans
Mais, comme disent parfois les enfants, il disait ça            d’autres sociétés, etc. Quand ils arrivent dans des
« pour de rire », comme s’il était encore en cam-               fonds de pension, ils se retrouvent dans la retraite
pagne électorale et qu’il promette, par exemple,                de trappeurs du Montana, d’employés de Califor-
de « maintenir le pouvoir d’achat des personnes                 nie, ou d’enseignantes retraitées en Norvège. Et
retraitées » ou encore « de tout faire pour maintenir           quand une grande partie se retrouve dans les comp-
la dignité de nos aînés et leur place dans la société ».        tes des plus gros titulaires de portefeuilles, ils peu-
Effectivement, c’était « pour de rire », car, au cours          vent se retrouver dans le marché du luxe, dans le
des mois qui ont pu suivre, et jusqu’à ce jour, nous            prix des œuvres d’art et de collection, et, très
n’avons vu aucune mesure de rupture attestant un                souvent, dans la spéculation financière, éventuel-
tant soit peu d’une recherche de souveraineté sani-             lement en transitant par des paradis fiscaux.
taire. Bien au contraire, les politiques suivies se             Pour la partie des bénéfices qui se retrouve en
sont inscrites dans la continuité des années pas-               investissements, là aussi, ce sont les actionnaires
sées, et la Loi de Financement de la Sécurité                   et les « managers » qui en décident : réinvestir
Sociale 2021 comme la Loi de Finances 2021 ont                  dans l’entreprise, ou s’implanter dans d’autres
continué de réduire les budgets publics consacrés à             entreprises, du même secteur, ou dans un consor-
l’hôpital public, des fermetures de lits ont été                tium, ou dans des placements juteux à court terme
encore programmées, des crédits et des aides ont                sans aucune préoccupation industrielle ou de stra-
été alloués aux grandes entreprises sans contre-                tégie d’entreprise, hormis la rentabilité financière.
parties ni contrôles en matière d’investissement, de            Et quand il y a des investissements, ils ne se font
recherche, d’embauche, etc. Les services fiscaux et             pas forcément vers la recherche et l’innovation. Le
des finances continuent de faire des chèques à gui-             grand public sait maintenant que depuis plusieurs
chet ouvert à des entreprises, si bien que certains             années, Sanofi a supprimé de nombreux emplois,
truands ont même vu là-dedans l’opportunité de se               notamment dans le secteur « Recherche et Dévelop-
présenter pour percevoir eux aussi des fonds publics.           pement » : en douze ans, Sanofi a sabré ses effectifs
Pour placer certains biens et services en dehors des            de recherche de 45 %, et il va en supprimer 364
lois du marché, il faudrait que M. Macron rompe                 supplémentaires, sans que le gouvernement ne
avec la primauté du droit de propriété, avec la pri-            s’offusque. Les dirigeants actuels semblent plus
mauté des règles de l’Organisation Mondiale du                  doués pour la recherche de profits que pour la
Commerce (OMC), lesquelles règles l’emportent, y                recherche médicale. C’est certainement ce qui expli-
compris face aux droits humains et sociaux et aux               que aussi que l’entreprise a supprimé, au cours des
impératifs écologiques. C’est dire qu’au lieu                   dernières années, un certain nombre de sites et
d’envoyer les forces de répression contre les Gilets            de labos en France, dont des unités qui étaient
Jaunes ou contre les manifestations syndicales et               affectées à la recherche. Ces opérations ont été
citoyennes, il faudrait qu’il fasse reculer les préro-          décidées alors que l’entreprise Sanofi a bénéficié,
gatives de la finance et des financiers. Ce n’est               en dix ans, de 1,5 milliard d’euros de crédit d’impôt
nullement son projet, et ce n’est surtout pas pour              au titre du Crédit Impôt Recherche. Mais ces aides
faire ça qu’il est à la présidence de la République.            publiques, payées finalement par les autres con-
                                                                tribuables, se font pratiquement sans contrôles,
Cette dépendance des populations à l’égard des                  et toujours sans contreparties en matière d’embau-
laboratoires est en effet la conséquence d’un cer-              ches notamment. Et ce sont toujours les dirigeants
tain nombre de causes. En France, avec la pri-                  de ces sociétés qui, en fonction des objectifs fixés
mauté donnée au droit de propriété en ce qui con-               par les actionnaires (le plus souvent, il s’agit de
cerne la gestion des entreprises, ce sont les                   rendements financiers, augmenter la valeur des
actionnaires, et particulièrement les principaux                actions et / ou augmenter les dividendes versés),
d’entre eux, qui décident notamment de l’affecta-               décident aussi des localisations des productions. La
tion des bénéfices et choisissent entre investisse-             totale liberté de circulation des capitaux sur la
ments et distribution de dividendes. Depuis plu-                planète, sans limites ni contrôles, conduit les
sieurs années, les entreprises du CAC40 sont                    multinationales à localiser certaines activités en
championnes dans la distribution de dividendes.                 fonction des différences de coûts (niveau des salai-
Ainsi, en 2019, Sanofi a fait 7 milliards d’euros de            res, dont les cotisations sociales, mais aussi niveau
profits et a distribué 4 milliards d’euros de dividen-          des qualifications des mains d’oeuvre en ce qui
des, tout en licenciant par ailleurs. Ensuite, ces              concerne certains biens ou services, coût des
milliards d’euros de dividendes ne « ruissellent »              impôts, etc.).
pas systématiquement sur le reste de la popula-
                                                           P4
C’est là aussi que nous trouvons l’explication de               du marché » pour s’assurer un approvisionne-
certaines fermetures de sites de Sanofi et de                   ment suffisant et rapide des vaccins. En outre,
certaines délocalisations. Pendant des années, les              Israël a pu obtenir un stock de vaccins anti-
gouvernements ont non seulement abandonné                       coronavirus du géant pharmaceutique Pfizer
toute politique industrielle mais ont accompagné,               en échange notamment du partage de données
voire favorisé, la désindustrialisation du pays ; nous          sur les effets de cette immunisation sur sa
avons même entendu certains experts s’extasiant                 population. En effet, les caisses d’assurance
que des pays en pointe parviennent à un capita-                 maladie du pays disposent de vastes bases de
lisme sans usines et sans ouvriers ! Par ailleurs, et           données numériques sur leurs assurés, ce qui
dès lors que les États se sont privés de tout pouvoir           leur permet, plus ou moins, de juger de l’effi-
sur les multinationales, il n’y a pas à s’offusquer que         cacité ou des effets secondaires potentiels du
le PDG de Sanofi, en mai 2020, annonce que si son               vaccin, selon par exemple l’âge ou les anté-
laboratoire trouve un vaccin, les États-Unis seront             cédents médicaux des personnes vaccinées.
prioritaires car ils ont plus investi dans la recherche.        Ces informations seront transmises au labora-
A l’époque, le ministre de l’Economie, Bruno                    toire, qui pourra donc tester sur une grande
Lemaire, avait mimé le ministre en colère, mais                 échelle les effets de son vaccin.
sans aucune intervention réelle sur l’entreprise, dont
le PDG depuis 2014, Serge Weinberg, avait                       Il est « normal », dans ce système de libre mar-
d’ailleurs été élevé au rang de Grand commandeur                ché et de concurrence, que les pays qui ont
de la Légion d’honneur le 1er janvier 2020.                     reçu le plus de doses, et donc vacciné le plus
D’ailleurs, le 28 janvier 2021, la direction de                 de personnes, soient ceux qui payent le plus
Sanofi Recherche et Développement en France a                   cher la dose de vaccin. Les pays de l’Union
confirmé , à l’occasion d’un comité social d’entre-             Européenne payent entre 12 et 15,5 euros
prise (CSE), la suppression de 364 emplois en                   l’unité, contre environ 16 euros pour les États-
France, visant plus particulièrement l’unité de Stras-          Unis et la Grande-Bretagne et plus de 22 euros
bourg appelée à être transférée en région parisienne.           pour Israël. Il est facile d’imaginer les difficul-
                                                                tés qui sont celles des pays sous-développés.
Du fait que les médicaments, sur les marchés                    Par ailleurs, il nous est dit que le fait de négo-
mondiaux, sont finalement des marchandises                      cier avec les laboratoires au niveau européen
comme les autres, il est tout à fait normal que la              améliore notre situation dans le « rapport de
concurrence « libre et non faussée » joue pleine-               forces » avec eux (il n’y aurait pas ce problème
ment également dans ce domaine. Au niveau mon-                  s’il y avait un pôle public du médicament),
dial, en 2021, la pharmacie est, avec la finance, le            mais le contenu des contrats passés semble
secteur où les rémunérations sont les plus élevées :            relever du « secret défense », et rien ne trans-
les financiers ont investi le monde pharmaceutique              pire quant aux conditions dans lesquelles les
et pris le pas sur les chercheurs et les scientifiques.         gouvernements et l’Union Européenne procè-
Et ceci n’est pas « tombé du ciel », mais la résul-             dent.
tante de choix politiques pris conjointement dans
la plupart des pays comme en France. L’objectif                 A de maintes occasions, le Président de la
recherché par Sanofi, particulièrement depuis                   République a déclaré que nous étions en
2000, c’est « la valeur pour l’actionnaire ». Ainsi,            guerre, ce qui lui donnait l’illusion de se pren-
depuis 2000, le montant des dividendes versés par               dre pour Georges Clémenceau, et il visitait
Sanofi a augmenté de plus de 600 %.                             quelques hôpitaux tout comme le Tigre visitait
                                                                des tranchées. Mais, avec son absence de déci-
Et, en 2021, chaque pays, dont la France, est                   sions concrètes pour nous rendre moins dépen-
dépendant des prix du marché, et ceux qui y met-                dants des fournisseurs, Schneider aurait conti-
tent le prix seront les premiers servis. Il n’est donc          nué de vendre au plus offrant, et Renault aurait
pas étonnant que les vaccinations aillent bon                   continué de faire des automobiles pour le
train en ce moment en Israël, dans les monarchies               marché américain au lieu de faire des tanks
du Golfe, etc. Les laboratoires livrent en premier              pour le front de Picardie. Si nous étions « en
ceux qui ont payé le plus cher, c’est ainsi que les             guerre », encore faudrait-il que le gouverne-
USA et la Grande-Bretagne, par exemple, sont                    ment ait un budget « prévention d’épidémie »
livrés avant l’Union Européenne, laquelle est livrée            au cas où une épidémie arriverait, de la
avant le Sénégal ou l’Argentine. Le cas d’Israël est            même façon que le pays dispose d’un fort
très éclairant sur cette course aux vaccins : tout              budget militaire « au cas où » le pays serait
d’abord, ce pays a déboursé davantage que « le prix             engagé dans un conflit armé.
                                                           P5
III - Conséquenses de la pénurie sanitaire
La facture de trente ans d’abandon de toute politique              Tout ceci apparaît de façon pas toujours tellement
industrielle, de trente ans de casse de la recherche               cohérente : les grandes surfaces sont ouvertes, et pas
publique considérée comme une dépense excessive, de                les petites boutiques ; les restaurants sont fermés,
trente ans de discours répétés selon lesquels le marché            même quand ils se sont organisés pour respecter les
et les capitaux privés sauraient bien mieux que l’État             règles de distanciation sanitaire. Nombre de sec-
répondre aux besoins, car l’État n’était pas, parfois, la          teurs économiques et de territoires sont très forte-
solution, mais était toujours le problème, tout ceci nous          ment impactés : le tourisme, le culturel, etc. Les
tombe dessus.                                                      jeunes, écoliers, collégiens, lycéens, étudiants, tra-
                                                                   versent des périodes où l’incertitude domine. Les
Nous voyons tous les jours se développer et se multi-
                                                                   personnes âgées, en EHPAD ou à domicile, sont de
plier les conséquences de la pénurie sanitaire. Pour évi-
                                                                   plus en plus isolées, les visites leur étant interdites
ter l’engorgement des hôpitaux, engorgement d’autant
                                                                   car étant plus « à risque ». Tout ceci conduit à des
plus vite atteint que les moyens des hôpitaux ont été
                                                                   dépenses énormes : beaucoup moins d’activités
méthodiquement réduits pendant plus de 25 ans,
                                                                   économiques, moins de rentrées fiscales pour
depuis 1995, le gouvernement est « obligé » de pren-
                                                                   l’État (TVA, revenu, bénéfices, etc.). Et beaucoup
dre des mesures pour ralentir la propagation du virus,
                                                                   plus de dépenses : chômage partiel, aides aux
lequel se propage porté par des individus atteints vers
                                                                   entreprises, souvent sans contrôle, prêts garantis, etc.
des individus en bonne santé. Pour freiner ces échanges
entre personnes, les « gestes barrière » (masques et lava-         En plus des conséquences économiques et bud-
ges fréquents des mains) sont un moyen simple et effi-             gétaires, les conséquences sanitaires sont très
cace. On se souvient que, faute de masques, il nous a été          fortes également : bien entendu, il faut prendre
dit alors qu’ils ne servaient à rien. Aussi, pour freiner la       en compte les nombreuses morts à cause de ce
circulation du virus, il fallait freiner la circulation d’un       virus, faute parfois de précautions prises faute de
maximum de personnes, en les obligeant à rester chez               masques ou de matériels de protection, notamment
elles. Les confinements et les opérations de couvre feu            chez les personnels de santé et les personnes en
servent à ça. Les conséquences sont tout de suite énor-            contact avec des personnes à risque (en EHPAD et
mes, et le coût de tout ceci ira bien au-delà des écono-           à domicile). Nous avons vu aussi des personnes
mies qui ont pu être faites au cours des années passées            âgées mourir, non pas du virus, mais de la solitude ;
en supprimant des stocks de masques, en supprimant                 et, maintenant, ce sont des jeunes, et un peu toutes
des lits, en supprimant des emplois dans l’hôpital.                les couches de la population qui sont confrontées à
Celles et ceux qui, au cours de la dernière décennie, ont          l’angoisse, au stress. Par ailleurs, du fait que les
autorisé, voire facilité, les délocalisations d’entreprises        services sanitaires ont donné la priorité aux soins
faisant en France des masques chirurgicaux, et ont                 à donner aux malades atteints du virus, d’autres
décidé de la suppression des stocks (il fallait suppri-            soins ont été reportés. Mais toutes ces personnes
mer l’argent qui dort), continuent pourtant de parader             ont toujours leur maladie et leurs souffrances, et
et de venir nous dire ce que nous devons faire.                    leur situation n’aura pu qu’empirer quand ils retrou-
Demain, ils nous diront que pour payer tout ceci, il               veront le chemin de l’hôpital.
faut réduire le train de vie de l’État. Franck Riester, qui
                                                                  Nous voyons aussi que le gouvernement semble
fait des merveilles au Commerce extérieur comme il en
                                                                  profiter de cette situation pour accélérer le con-
a fait à la Culture, a déclaré, en février 2021, qu’en 2020
                                                                  trôle des populations. L’état d’urgence sanitaire
la France a déboursé 5,9 milliards d’euros pour acheter
                                                                  permet à l’exécutif de prendre des décisions en se
des masques à la Chine. Si nous les laissons faire, ce
                                                                  passant de l’avis, et même de la consultation du
seront les classes moyennes et les pauvres qui seront mis
                                                                  Parlement. Les atteintes aux libertés se multiplient
en cure d’austérité, pendant que les détenteurs de capi-
                                                                  et l’analyse des textes législatifs qui sont reportés
taux continueront de les faire croître et multiplier, en les
                                                                  (Loi Grand âge, par exemple) par rapport aux tex-
déplaçant du Luxembourg à Jersey, des Iles Vierges à
                                                                  tes qui sont tout de même maintenus au calendrier
Singapour.
                                                                  parlementaire montre bien que le souci sécuritaire
Des stratèges en économie nous disent que le coût des             prime dans les préoccupations gouvernementales.
confinements sur l’économie, c’est 10 points de PIB !             L’exécutif est tout puissant : il gère la pandémie, il
Difficile à mesurer, mais il est certain que la mise en           planifie l’économie en décidant quels secteurs
sommeil d’une bonne partie des activités économi-                 seront en activité et quels secteurs seront fermés,
ques du pays a forcément un fort impact sur le dyna-              ou au ralenti. Il contrôle les populations, les liber-
misme du pays. Et, à chaque fois, le gouvernement,                tés publiques sont rognées, les droits fondamentaux
entouré de ses experts et de son Conseil de Défense,              tels que les droits de réunion, de rassemblement, de
dans des délibérations secrètes, décide du sort de mil-           manifestation, de circulation, de déplacement, etc.,
lions de personnes.                                            P6 sont restreints.
IV - Pour aller vers une souveraineté sanitaire

Le 12 mars 2020, le Président de la République,                  Ce n’est pas du tout dans l’air du temps en ce
qui n’est ni un gauchiste, ni un doux rêveur, ni                 qui concerne la majorité présidentielle actuelle
un souverainiste, disait sans sourciller qu’il nous fal-         ni dans les orientations du Président de la Répu-
lait reprendre le contrôle de notre alimentation, de             blique. Et cette condition satisfaite, il faudrait
notre protection, de notre capacité à soigner, etc., et          encore que les choix au quotidien des entreprises
construire une France et une Europe souveraine.                  sur lesquelles le pays serait « souverain » aillent
                                                                 dans le sens de l’intérêt général, et pas dans le sens
Diantre fichtre, nous voici face à un vaste pro-                 des dirigeants de ces entreprises, ou qu’elles ser-
gramme. La seule souveraineté sanitaire, ça impli-               vent finalement les intérêts des entreprises pri-
querait déjà de très fortes transformations de notre             vées concurrentes. Tous les jours en effet, nous
environnement législatif. Ca voudrait dire que la                voyons ce qu’il reste de services publics en France
France doit pouvoir disposer, sur son territoire,                gérés de telle mauvaise façon que ceci ne peut que
d’usines en capacité de produire des médicaments,                conduire à ouvrir et à préparer la place aux pro-
particulièrement des vaccins. Ce qui sous-entend                 priétaires du secteur privé : par exemple, la SNCF
que le gouvernement puisse, au moins, « inciter »                détruite progressivement, au profit du routier, du
des détenteurs de capitaux privés à faire des choix              maritime et de l’aérien, ou même obligée d’ouvrir
privilégiant l’intérêt général et pas l’intérêt de leurs         certaines lignes à la concurrence ; de même pour
placements financiers.                                           EdF ou La Poste, etc.

La première étape serait déjà que les aides publi-               Le 12 mars 2020, le Président de la République
ques soient conditionnées et que leur usage soit                 achevait ainsi ce paragraphe « radical » de son dis-
contrôlé. Nous imaginons facilement les cris                     cours : « Les prochaines semaines et les prochains
d’orfraie du Medef et les menaces de la Commis-                  mois nécessiteront des décisions de rupture en ce
sion de Bruxelles mettant en cause des aides publi-              sens. Je les assumerai ». C’est plus certainement à
ques contraires à la concurrence libre et non faus-              la population de les imposer.
sée.
                                                                 Hier nous dénoncions le manque de médica-
L ' étape plus efficace serait d’interdire à une entre-          ments, le manque de lits, le manque de respira-
prise privée de délocaliser une activité ou de l’obli-           teurs, de matériels de protection, de masques,
ger à faire des recherches et ensuite à produire                 puis de tests, et maintenant de vaccins, et tou-
sur le territoire national. Mais tout ceci est en                jours le manque de moyens et de personnels,
contradiction avec le principe de totale liberté de              tout ceci au détriment de la santé publique. Et,
circulation des capitaux sur la planète : les « investis-        pendant le même temps, nous constatons l’explo-
seurs », en fait les détenteurs de capitaux, sont libres         sion des dividendes pour les actionnaires des
de leurs choix, d’investissements ou pas, dans tel ou            grands groupes de ces secteurs industriels. Et
tel secteur, dans tel ou tel pays, selon leurs propres           nous voyons des gouvernements qui gesticulent
critères, qui sont, le plus logiquement, des critères            mais qui se plient aux décisions et aux choix
de rentabilité financière, et non de santé publique,             des multinationales, et en passent par les fourches
dans le cas de médicaments. Si le cadre général de               caudines de leurs exigences en matière de prix et
liberté de circulation des capitaux n’est pas mis en             de leurs possibilités en ce qui concerne la produc-
cause, si le gouvernement ne dénonce pas certains                tion et la livraison des médicaments. C’est, comme
traités commerciaux de libre échange dans lesquels               il est dit par les tenants du libéralisme dans
le pays est engagé (directement, ou, très générale-              d’autres occasions, une « prise en otage » des
ment, par le biais de l’Union Européenne), alors il              populations, orchestrée au départ par les gou-
faut que la puissance publique puisse intervenir                 vernements qui, progressivement, se sont des-
dans les choix de telle ou telle entreprise. Dans le             saisis de moyens pour agir face aux capitaux.
cadre du capitalisme actionnarial, ceci veut dire                C’est bien une inversion des normes qu’il faut
qu’il faut que l’État entre au capital des sociétés              imposer : la vie vaut plus que leurs profits !
dont il veut pouvoir maîtriser les choix essentiels.
C’est-à-dire qu’il faudrait que l’État devienne par-
tiellement ou totalement propriétaire de certaines
entreprises.                                                                                    Gérard Gourguechon
                                                            P7
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