INSUFFISANCE DES APPAREILS DE MUSCULATION

La page est créée Nicole Germain
 
CONTINUER À LIRE
Marcel NADEAU, Laboratoire de motricité humaine, Département de Kinanthropie,
FEPS, Université de Sherbrooke (Québec), Canada, J1K 2R1

  INSUFFISANCE DES APPAREILS DE MUSCULATION

Un individu qui s'entraîne s'améliore d'autant plus que l'exercice qu'il pratique, taxe de
façon optimale la ou les structures désirées. Ainsi, pour une amélioration de la fonction
cardio-vasculaire, il faut ajuster l'intensité de l'exercice de façon à solliciter 70 à 90 %
de la fréquence cardiaque maximale (McArdle, Katch & Katch, 1987), Malgré cela un
individu anémique bénéficierait beaucoup moins d'un tel exercice car certaines
structures cibles sont affaiblies.
Bien que l'intensité de l'exercice constitue un important facteur d'amélioration, la
spécificité ne doit pas être un facteur négligé. Ainsi, un nageur ne bénéficierait que très
peu d'un exercice de course à 80 % du V02 max.
Tout comme il faut taxer toutes les structures nécessaires à l'amélioration de l'appareil
cardio-vasculaire (structures centrales, structures périphériques), il en est de même des
muscles du squelette dont on veut améliorer la force. Un muscle est essentiellement
composé de deux types de structures : des structures contractiles et des structures
élastiques qui lui confèrent ses propriétés fondamentales (Bresse, 1968). .

PROPRIETES DES MUSCLES OU SQUELETTE

. L'excitabilité

Avant même de se contracter, une fibre musculaire doit d'abord et avant tout réagir à un
stimulus chimique (e.g. le neuromédiateur acétylcholine) ou électrique. C'est la
condition fondamentale car on ne peut parler de contractilité sans sous-entendre
l'excitabilité de la fibre musculaire. Alors que la fibre musculaire réagit selon la loi du
tout ou rien, il n'en est pas de même de l'ensemble des fibres d'un groupe musculaire.
Leur recrutement est sous la dépendance des neurones moteurs dont le corps cellulaire
est situé dans les cornes antérieures de la moelle épinière et dont l'excitabilité dépend
de facteurs centraux et périphériques.

. La contractilité

C'est la propriété qui a fait l'objet de plus d'études tant fondamentales qu'appliquées.
Du côté fondamental, on a abouti à la théorie de l'interdigitation des protéines
filamenteuses (Huxley, 1965) pour expliquer le mécanisme de la contraction
musculaire. Du côté appliqué, on n'a qu'à penser à toutes les études sur la
myotypologie et la performance motrice et/ou sportive (Taylor, 1980). Chaque muscle
est composé d'un ensemble de fibres musculaires lentes et de fibres musculaires
rapides dont la proportion est dictée par le code génétique (Komi et al., 1977).
L'entraînement ne fait que modifier les propriétés métaboliques des deux grands
groupes de fibres musculaires (ST et FT) sans affecter leurs propriétés contractiles
(McArdle et coll., 1987). C'est principalement à cette propriété qu'on se réfère quand on
s'installe sur un appareil de musculation pour y accomplir des exercices de force, de
vitesse ou de puissance (Nadeau, 1989).

. L'extensibilité
C'est la propriété qu'a un muscle de se laisser distendre quand il est étiré activement
au cours de la contraction de son antagoniste ou passivement au cours d'un exercice
d'étirement, par exemple.

. L'élasticité
C'est la propriété qu'a un muscle de retrouver sa longueur initiale après un étirement.
Ainsi un muscle n'est pas élastique parce qu'il s'étire mais bien parce qu'il peut
reprendre sa longueur initiale.

L'élasticité ne concerne pas seulement les muscles au repos mais également les
muscles en contraction. C'est lorsqu'on combine les quatre propriétés qu'on augmente
le plus la tension musculaire. C'est ce qu'on vise au moyen des appareils de
musculation, mais la plupart ont été conçus en négligeant la courbe force-vitesse
caractéristique des muscles du squelette. Avant de la présenter, il est nécessaire de
revoir la terminologie propre aux types de contractions musculaires.

TYPES DE CONTRACTION MUSCULAIRE

Assez récemment, Atha (1981) a présenté une excellente synthèse sur la fréquence et
l'intensité des exercices de musculation dans laquelle on retrouve les précisions
terminologiques. Quand un muscle se contracte, sa tension, sa vitesse et sa longueur
peuvent varier. Selon qu'on porte plus d'attention à l'une ou l'autre des variables, on
adopte la terminologie appropriée. La terminologie traditionnelle est confuse
principalement parce que le critère de référence est trop vague.

     TYPES DE CONTRACTION MUSCULAIRE
Critère              Appellation          Nouvelle
de référence         traditionnelle       appellation
Sans mouvement       statique
Avec mouvement       dynamique
Tension constante                         isotonique
Tension variable                          anisotonique
Vitesse constante                         isocinétique
Vitesse variable                          anisocinétique
Longueur constante   isométrique          isométrique
Longueur variable    isotonique           anisométrique
a) accrue            excentrique          pliométrique
b) diminuée          concentrique         miométrique
Tableau1
. Contraction isotonique ou anisotonique

Une contraction est dite isotonique lino : même ; tonique : tension) quand la tension du
muscle ne varie pas. Cette possibilité est très rare dans le cas de mouvements
segmentaires car l'avantage mécanique des leviers osseux est modifié continuellement
par le mouvement des segments. Si la tension d'un muscle varie au cours du
mouvement, la contraction est dite anisotonique.
Certains appareils incorporent des cames afin de tenir compte de la modification des
leviers osseux au cours du mouvement mais, selon Léger (1982), les différences
interindividuelles sont énormes et il est peu probable qu'un seul appareil taxe
similairement l'articulation de tous les adeptes.

. Contraction isokinétique ou anisokinétique

Une contraction est dite isokinétique (iso : même ; kinétique : vitesse) quand la vitesse
de raccourcissement du muscle ne varie pas. Quand la vitesse du mouvement est
contrôlée, le muscle peut alors exercer une tension maximale au cours de toute
l'amplitude du mouvement (Léger, 1982). La compagnie Lumex a d'ailleurs conçu un
dynamomètre isokinétique (Cybex) principalement pour des fins de réadaptation. La
vitesse maximale de leur appareil est cependant trop limitée (Nadeau, 1985). Si la
vitesse de contraction varie au cours du mouvement, la contraction est anisokinétique.

. Contraction isométrique ou anisométrique (figure 1)

Une contraction est dite isométrique (iso : même ; métrique : longueur) quand la
longueur du muscle ne varie pas. Anciennement on identifiait ce type de contraction
comme étant statique par opposition à une contraction dynamique qu'on nomme
maintenant aniaométrlque. Si le muscle en contraction se raccourcit, on parle d'une
contraction mlométrlque (anciennement concentrique) ou si le muscle en contraction
s'allonge (ou s'étire), on vient de réaliser une contraction pliométrique (anciennement
excentrique).

Avec cette nouvelle terminologie, il est concevable d'exécuter une contraction
isométrique isotonique car c'est une contraction qui ne présente aucune variation de
longueur ni de tension ; elle est également isokinétique puisque la vitesse des
segments est nulle.

Quand il s'agit d'utiliser une terminologie propre aux appareils de musculation,
l'identification du type de contraction relativement à la longueur du muscle est facile car
on peut visualiser très bien si le groupe musculaire contracte et si sa longueur demeure
la même (isométrique), diminue (miométrique) ou augmente (pliométrique).
Figure 1

A. Contraction pliométrique (excentrique).
B. Contraction miométrique (concentrique).
C. Contraction isométrique.
(Extrait de McArdle et coll., 1987)
MECANIQUE DE LA CONTRACTION MUSCULAIRE

L'objectif de cette section n'est pas de revoir toute la théorie de l'interdigitation des
protéines filamenteuses pour expliquer le mécanisme de la contraction musculaire,
mais bien de rappeler que la tension produite dépend de la longueur du muscle en
contraction isométrique et de la vitesse du segment au cours d'une contraction
anisométrique (miométrique ou pliométrique).

. Courbe tension-longueur
Cette courbe (figure 2) ne s'applique qu'à la contraction isométrique. La tension
produite au cours d'une contraction isométrique est une fonction du recouvrement
optimal des filaments d'actine et de myosine dans le processus d'interdigitation.
Globalement, cela signifie qu'on génère plus de tension quand le muscle n'est ni trop
raccourci (e.g. coude totalement fléchi) ni trop étiré (e.g. coude en extension) mais bien
à une longueur optimale qui facilite l'interaction des protéines contractiles. Le
graphique du haut à la figure 2 indique bien que la tension maximale est une fonction
de l'entrecroisement optimal des protéines filamenteuses. Le graphique du bas porte
sur un autre facteur conditionnant la tension maximale d'une contraction isométrique :
l'angle de l'articulation ne doit être ni trop ouvert ni trop fermé afin de permettre au
groupe musculaire d'exercer une traction mécaniquement avantageuse sur le levier
osseux.

                                        Figure 2
Courbe tension-longueur au cours d'une contraction isométrique.
EN HAUT : au niveau microscopique (extrait de Vander et coll., 1977).
EN BAS : au niveau macroscopique (extrait de McArdle et coll., 1987).

. Courbe force-vitesse
Cette courbe (figure 3) s'applique à la contraction anisométrique. Dans l'article
précédent (Nadeau, 1989), on y présente la courbe force-vitesse au cours d'une
contraction miométrique. Elle correspond aux coordonnées de droite sur la figure 3.
Comme cette dernière l'illustre, on peut également tracer une courbe force-vitesse au
cours d'une contraction pliométrique. La tension produite y est nettement supérieure à
celle d'une contraction miométrique. Les deux courbes se rejoignent à l'ordonnée qui
correspond à une vitesse nulle (contraction isométrique) sur l'abscisse. Par convention,
la vitesse d'une contraction miométrique est positive et celle d'une contraction
pliométrique, négative. Au cours d'une contraction maximale, la tension d'une
contraction pliométrique est supérieure à celle d'une contraction isométrique qui elle-
même est supérieure à celle d'une contraction miométrique. La supériorité est une
fonction du niveau d'implication des éléments élastiques du tissu contractile au cours
d'une contraction musculaire (Komi, 1979).
Figure 3

Courbe force-vitesse pour une contraction anisométrique. A gauche, le muscle en
contraction s'allonge : la contraction est pliométrique.
A droite, le muscle en contraction se raccourcit : la contraction est miométrique.
A vitesse O, la contraction est isométrique. (Extrait de Komi, 1973).

ENTRAINEMENT PAR LA MUSCULATION

Qu'il soit question d'amélioration des fonctions cardio-vasculaires ou de la force
musculaire, on doit appliquer les principes d'entraînement dont ceux de la surcharge et
de la spécificité. Le premier principe doit amener l'organisme à s'adapter au surplus de
charge. Le deuxième doit permettre à l'organisme d'expérimenter tous les types de
contraction musculaire dont il est capable et dont il a besoin dans son quotidien et/ou
en compétition. La majorité des appareils ne remplissent pas ce contrat.

. Insuffisance des appareils de musculation
Tous les appareils de musculation offrent une résistance au mouvement. Cette
résistance est soit constituée de charges inertes dont le déplacement est facilité ou non
par des leviers (cames et autres accessoires), soit constituée d'un cylindre hydraulique
ou pneumatique.
Dans le cas des appareils à résistance hydraulique, on ne peut accomplir que des
contractions miométriques des muscles tant pour le mouvement initial que pour le
mouvement de retour. Il est également possible d'effectuer des contractions
isométriques sur ces appareils en obstruant le passage du fluide dans le cylindre au
moyen du bouton rotatif conçu à cet effet. Ces appareils ne permettent absolument pas
la réalisation de contractions pliométriques, maximales ou non.
Dans le cas des appareils à résistance pneumatique, peu répandus, des valves
contrôlées à distance permettent d'ajuster la résistance avant et pendant le mouvement.
De ce fait, c'est le seul appareil qui permet de réaliser des contraction" maximale" en
miométrie (méthode courante), en isométrie (méthode traditionnelle) et en pliométrie
(nouvelle méthode). Une exploration rapide d'un centre de conditionnement physique
possédant ces appareils permet de réaliser que cette caractéristique semble peu
exploitée.

Dans le cas des appareils à résistance par inertie, les contractions maximales ne sont
possibles qu'en miométrie. Les mouvements résultant de ces contractions
appartiennent majoritairement aux exercices de force et non aux exercices de
puissance et de vitesse (Nadau, 1989). En effet, au cours des expériences de
Labrecque et coll. (1983), on a observé que les charges étaient soulevées tellement
vite pendant les exercices de puissance et de vitesse qu'elles frappaient bruyamment le
butoir en haut de leur course. De toute évidence, les concepteurs de ces appareils de
musculation les ont mis au point en ne réfléchissant qu'aux exercices de force réalisés
au moyen de contractions miométriques à basse vitesse. Le principe de spécificité ne
peut donc être totalement appliqué sur ces appareils.

Sur ces appareils, les contractions isométriques maximales ne sont possibles qu'à
l'angle initial de départ qui, généralement, ne procure pas un avantage mécanique
(figure 2). En outre, le gain de force à espérer d'un entraînement en isométrie est
spécifique à l'angle choisi à l'entraînement (McArdle et coll., 1987). Retenir une charge
à un angle optimal se fait au moyen d'une contraction isométrique qui ne peut pas être
maximale car la charge a tout d'abord été soulevée par une contraction miométrique
qui, même maximale, donne moins de tension qu'une contraction isométrique maximale
(figure 3).

A cause de la sollicitation particulière des éléments élastiques du tissu contractile au
cours d'une contraction pliométrique (Komi, 1979), un groupe musculaire est beaucoup
plus loin de son maximum de tension quand la charge redescend vers le plateau (figure
3). Ainsi, à cause des propriétés mécaniques inhérentes au tissu musculaire, un groupe
musculaire sollicité au maximum par une charge à soulever (au moyen d'une
contraction miométrique) voit sa tâche diminuée quand il s'agit de soutenir la charge
(par une contraction isométrique) et sa tâche est encore plus facilitée quand il s'agit de
redescendre la charge (par une contraction pliométrique) sur le plateau. Ainsi, on ne
peut susciter de contractions pliométriques maximales sur un appareil à résistance par
inertie. Le tableau II résume les possibilités d'utilisation des appareils de musculation
pour divers types de contraction musculaire et diverses modalités d'exercice.
Tableau II
POSSIBILITE D'UTILISATION DES APPAREILS DE MUSCULATION

                                             Types de contraction maximale
                Isométrique                  Anisométrique
                              pliométrique                  miométrique
Appareil                                     Force          Puissance      Vitesse
Pneumatique     Oui           Oui            Oui            ?              ?
Hydraulique     Oui           Non            Oui            Non            Non
Par inertie     Non           Non            Oui            Non            Non

Pour éviter de laisser tomber la charge après une contraction miométrique qui a
entraîné la charge au maximum de sa course, les instructeurs des studios de
musculation recommandent généralement de ramener lentement la charge sur le
plateau. De ce fait, il limite de beaucoup l'emmagasinage d'énergie mécanique due à
l'élasticité des muscles. En effet, quand un individu exécute un contre-mouvement
préparatoire, il le fait au moyen de contractions pliométriques dont l'objectif est
d'emmagasiner de l'énergie mécanique utilisable au cours des contractions
miométriques subséquentes (Komi, 1979; Nadeau, 1986), ce qui améliore
habituellement la performance et qui plus est, permet d'économiser de l'énergie extraite
du métabolisme aérobie et/ou anaérobie.

CONCLUSION

Les muscles striés disposent de propriétés caractéristiques : l'excitabilité, la
contractibilité, l'extensibilité et l'élasticité. A cause de ces propriétés, les muscles du
squelette sont capables de contractions isométriques ou anisométriques (miométriques
ou pliométriques). On peut étudier ces différents types de contraction en ayant recours
à divers appareils ou procédés qui nous permettent d'établir des courbes tension-
longueur et force-vitesse. Ces courbes ne sont pas immuables car un entraînement
approprié peut les déplacer. Il s'agit de bien appliquer les principes d'entraînement et
particulièrement ceux de surcharge et de spécificité. Pour ce qui est de l'amélioration
des tensions maximales d'un groupe musculaire, différents appareils de musculation
ont été conçus. Ils pré sentent cependant tous des limites. Les appareils à résistance
hydraulique ne permettent que des contractions miométriques et isométriques
maximales ; les appareils à résistance pneumatique accommodent les trois types de
contraction (isométrique, miométrique et pliométrique) mais leur usage se limite
principalement aux contractions miométriques. Les appareils à résistance par inertie ne
permettent que des contractions miométriques maximales. Sur tous ces appareils, on
pratique surtout des exercices de force et non des exercices de puissance ou de
vitesse.
REFERENCES

- ATHA, J. (1981) : Strengthtening muscle. Excercise and sport sciences reviews 9 : 1-
73.
- BRESSE, G. (1968) : Morphologie et physiologie animales. Larousse : Paris.
- HUXLEY, H. E. (1965) : The mechanism of muscular contraction. Scientific american
216 : 18-27.
- KOMI, P. V. (1973) : Measurement of the force-velocity relationship in human muscle
under concendric and eccentric contractions. In cerquiglini, F. : Biomechanics III, Basel
: Karger, pp. 224-229.
- KOMI, P. V. (1979) : Neuromuscular performance : factors influencing force and speed
production. Scandinavian journal of sports science 1 : 2-15.
- LEGER, L. (1982) : La musculation. Revue de l'entraîneur, oct-déc, 16-231
- MCARDLE, W, D., KATCH, F. I. & KATCH, V. L. (1987) : Physiologie de l'activité
physique. Edisem : St-Hyacinthe.
-NADEAU, M. (1986) : L'énergie due à l'élasticité musculaire lors d'un saut vertical
(résumé). Médecine du sport 60 : 16.
- NADEAU, M. (1989) : Force, puissance ou vitesse. STAPS N°19, février.
- TAYLOR, A. W. (1980) : Myotypologie. In Nadeau, M., Péronnet, F. et coll. :
Physiologie appliquée de l'activité physique. Edisem : StHyacinthe, pp. 217-239.
- VANDER, A. J., SHERMAN, J. H. & LUCIANO, D-S- (1977) : Physiologie humaine.
McGraw-Hill : Montréal.
Vous pouvez aussi lire