Intégrer " l'effet Brexit ": cerner les enjeux, évaluer les risques, relever les défis ! - CCI Paris
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² Intégrer « l’effet Brexit »: cerner les enjeux, évaluer les risques, relever les défis ! Prise de position présentée par Brigitte GOTTI Au nom de la Commission Économie et financement des entreprises, Et adoptée à l’Assemblée générale du 5 avril 2018 Document réalisé avec la collaboration de Bernard COTTIN, de la Direction générale adjointe chargée de la Vie institutionnelle et des Etudes
Intégrer « l’effet Brexit »: cerner les enjeux, évaluer les risques, relever les défis ! 1 Note au lecteur : Ce document a été rédigé sur la base de l’information publique disponible au 1er mars 2018. 1 La CCI Paris Île-de-France a joué son rôle d’éclaireur sur cette problématique dès que les résultats du référendum de 2016 ont été connus, à travers deux documents valorisant les capacités d’accueil de l’Île-de-France dans la perspective de transferts d’activités dans le secteur des services financiers. 2
SYNTHÈSE Aléa de l’histoire ou donnée majeure à prendre les milieux industriels et financiers) souhaitant en compte en termes de stratégie, que représente néanmoins conserver des liens forts avec 2 en réalité le Brexit, voté – à une courte majorité - l’autre. par les citoyens britanniques le 23 juin 2016 ? Le rayonnement de la place financière de Telle est la question que se posent associations Londres est susceptible de pâtir de cet professionnelles et entreprises, qui s’inquiètent de éloignement décidé unilatéralement. Cela la longueur, de la complexité et des conséquences stimule d’autres régions ou grandes villes - immédiates ou différées - de la procédure de européennes (telles que Paris et l’Ile-de- 4 séparation formellement initiée le 29 mars 2017. France) , qui espèrent en profiter pour recueillir une partie de ces activités à haute En effet, le Brexit est en train de modifier la donne valeur ajoutée. en Europe, tant sur le plan politique que sur le plan économique. Vu du continent européen, et, sur la base de l’information publique disponible au 1er ► S’agissant des entreprises : mars 2018, plusieurs aspects sont à prendre en considération : Au-delà des aspects politiques internationaux, les entreprises ayant établi des relations commerciales avec le Royaume-Uni (ou ► Sur le plan politique : envisageant de le faire), de même que celles qui ont investi sur place, sous forme de rachats Le départ du Royaume-Uni (RU) de l’Union ou d’implantations, ne peuvent manquer de se européenne (UE) ébranle la construction poser la question de l’opportunité et de la européenne en instillant le virus (contagieux) pérennité de leur démarche. Les grandes du séparatisme et en menaçant son équilibre 5 entreprises ont entamé la démarche (et ne budgétaire. Ces difficultés s’ajoutent aux sont d’ailleurs pas très inquiètes). Mais qu’en turbulences que connaissent les est-il des PME, dont les courants d’affaires vers gouvernements de nombreux autres Etats le Royaume-Uni n’impliquent pas les mêmes membres de l’UE, notamment - mais pas enjeux en termes d’organisation et de chiffre seulement - en Allemagne, en Espagne d’affaires ? en Italie, en Slovaquie, en Slovénie, etc. Les entreprises françaises sont particulièrement La remise en cause de plus de 45 ans concernées car le Royaume-Uni représente à la 3 d’appartenance du Royaume-Uni à l’UE va fois le 2ème excédent commercial bilatéral de prendre du temps et sera inévitablement une la France et la 1ère destination des source d’incertitude juridique et de complexité investissements français à l'étranger. administrative supplémentaire. Au final, si les multinationales ont les moyens de Cela est d’autant plus vrai que le gouvernement faire face à ce changement de paysage, il en va britannique tarde à clarifier ses choix stratégiques tout autrement des PME, qui devront investir pour et à programmer les investissements qui sont s’adapter à ce nouveau contexte. Pour y parvenir nécessaires pour faire face à l’après-Brexit, dont avec les meilleures chances de succès, il importe l’échéance est relativement proche (la période de qu’elles s’y préparent sans tarder, avec l’appui des transition devrait s’achever le 31 décembre 2020). pouvoirs publics et des organisations professionnelles. ► Sur le plan économique : Le Brexit va conduire, de façon inédite mais notable, à reconsidérer les relations entre le 4 Voir l’étude « Bureaux : l’Ile-de-France en mesure d’accueillir Royaume-Uni et ses anciens partenaires un départ massif d’activités de Londres » (08.12.17) : continentaux, chaque partie (et notamment http://www.cci-paris-idf.fr/etudes/grand-paris/amenagement- territoire-urbanisme/immobilier-de-bureaux-de-quelle- capacite-dispose-lile-de-france-pour-accueillir-les-emplois- transferes-de-londres-la-suite-du-brexit-etudes 5 Voir le sondage FTI Consulting réalisé auprès de 2.500 entreprises britanniques, allemandes, espagnoles et 2 Moins de 2% des électeurs ! françaises (09.02.18) : 3 Après 2 échecs (1962 et 1967), le RU est devenu membre http://www.fticonsulting.com/insights/reports/brexit- de l’UE le 1er janvier 1973. boardroom 3
PROPOSITIONS DE LA CCI PARIS ÎLE-DE-FRANCE Afin de pouvoir apporter des réponses concrètes à les différentes formes d'impact du Brexit sur les leurs interrogations, la CCI Paris Île-de-France filières économiques et les territoires français estime nécessaire de proposer aux entreprises et un volet « entreprises », destiné à faciliter et une check-list des questions à se poser pour à soutenir les démarches individuelles anticiper des difficultés pratiques et d'éventuelles (ou collectives) des entreprises (entre 2018 baisses de chiffre d'affaires (voir p.33). et 2021) dans leurs programmes d'adaptation au nouvel environnement institutionnel, Toutefois, pour que ces démarches individuelles économique et juridique du marché soient pleinement productives, il serait opportun britannique. que les pouvoirs publics agissent aussi de leur côté, dans le cadre d’un plan global de sauvegarde Il pourrait être mis en œuvre en collaboration avec de la compétitivité des entreprises nationales la Chambre de commerce et d'industrie Paris Ile- [BREXIT-AID], qui pourrait comporter deux volets : de-France et les CCI françaises, en liaison avec leur propre réseau d'appui au Royaume-Uni [Chambre un volet « technique » consistant à évaluer, de commerce et d’Industrie française en Grande- sur un plan national et macro-économique, Bretagne, réseau Entreprise Europe Network (EEN), etc.]. 4
Introduction La portée du Brexit et le contexte dans lequel il croissance continentale et dont on ne mesure est négocié : quel impact sur les entreprises pas aujourd’hui tous les effets induits françaises, notamment celles d’Île-de-France ? possibles : Le marché britannique s’est déjà contracté A. ÉLÉMENTS DE CONTEXTE : depuis l’annonce du Brexit (voir p. 10-11), UN MANQUE DE PERSPECTIVES CLAIRES Le Brexit constitue, d’ores et déjà, une source ET DES INCERTITUDES (DÉJÀ) COÛTEUSES de dépenses nouvelles pour les entreprises (schémas d’anticipation à bâtir, couverture de change, etc.) La décision du Royaume-Uni de se séparer du reste On ne peut exclure un effet « domino » ou des de l’UE a de nombreuses conséquences, que l’on réactions en chaîne dans certains secteurs peut classer en trois grandes catégories : (automobile, aéronautique, etc.), qui pénaliseront l’ensemble des acteurs. ► Il suscite un débat politique confus, qui s’ajoute à d’autres crises dans le reste de l’Europe, B. QUELS ENJEUX POUR LES ENTREPRISES FRANÇAISES ? C’est un fardeau politique supplémentaire pour l’Europe, sur fond de crise dans -ou avec- certains pays (Allemagne, Espagne, Italie, ► Pour les acteurs économiques français, il ne fait Pologne, Turquie, etc.), pas de doute que le Royaume-Uni restera une terre attractive, pour deux raisons majeures : La démarche adoptée est de plus en plus contestée au Royaume-Uni même (les il s’agit d’un marché consistant (plus de hésitations gouvernementales ont valu au 65 millions de consommateurs), solvable Premier ministre, dans la presse, le surnom de et profitable, vis-à-vis duquel la France dégage « Theresa May…be » / Theresa « Peut-être »), son second excédent commercial en valeur (voir p. 14), et qui est éventuellement Les « vraies » décisions tardent à venir, exploitable en tant que « marché tremplin » suscitant, de part et d’autre de la Manche, à destination des Etats membres du l’inquiétude des milieux d’affaires, qui Commonwealth, s’alarment des premiers résultats des études le Royaume-Uni est une terre d’élection pour d’impact qu’ils ont menées de leur côté, faute les investisseurs français, qui y ont consacré 7 de disposer d’informations officielles. 10 MM€ en 2015 , rejoignant ainsi d’autres opérateurs séduits par ce pays, qui peut ainsi ► Il provoque une fragilisation supplémentaire bénéficier d’un stock d’IDE (investissement de la construction européenne dans un direct étranger) largement supérieur à celui contexte mondial marqué par le renforcement de la France. des protectionnismes et alors que les institutions européennes vont connaître des Néanmoins, le réalisme oblige à prendre en turbulences, que la perspective de fin considération le fait que les conditions d’approche 6 imminente de deux mandats-clés va amplifier. du marché et l’environnement des affaires vont connaître un certain nombre d’évolutions, ► Il constitue un facteur d’incertitude susceptibles d’affecter cette attractivité, malgré les économique majeur pour les voisins du efforts déployés par les Britanniques pour Royaume-Uni (et le Royaume-Uni lui-même), l’entretenir. qui peut avoir des effets notables sur la ► Le secteur financier français table, depuis le 6 référendum (juin 2016), sur des transferts Les prochaines élections au Parlement européen auront lieu en mai 2019. De plus, le mandat de l’actuelle Commission 7 européenne prend fin le 31 octobre 2019. Le renouvellement La réciproque n’est pas tout à fait vraie car, dans le même quasi-simultané des exécutifs de deux des trois principales temps, les Britanniques n’ont investi « que » 6 MM€ en France, institutions européennes ne sera certainement pas un facteur ce qui les place en 4° position après les USA et l’Allemagne et … d’accélération des négociations. l’Italie, avec laquelle ils font presque jeu égal. 5
d’activités spécialisées et de personnels Immobilier d'entreprise : Le marché de hautement qualifiés en provenance de Londres l'immobilier d'entreprise parisien a, pour la vers d’autres places continentales, où ces première fois de son histoire, presque fait jeu égal activités pourraient perdurer en tenant compte avec son rival, avec 19,5 MM€ d'investissement du nouveau contexte administratif et juridique. contre 21,22 MM€ (à taux de change constant), Il n’est pas douteux que l’installation de pour le Grand Londres. Sans parler d'exode, il est l’Autorité Bancaire Européenne (ABE) à Paris probable que les investisseurs sur le marché de au printemps 2019 constitue un signal fort l'investissement immobilier privilégieront moins en faveur de Paris. systématiquement la capitale britannique. Paris et Francfort sont en bonne place pour en bénéficier. Mais cet appétit doit être tempéré par deux données essentielles : Automobile : Cette industrie britannique exporte à 45% vers l'UE. Pendant deux ans, l'incertitude sur la City constitue un pôle de dimension l'issue des négociations va peser de tout son poids véritablement mondiale, tant par son expertise sur les décisions d'investissement, malgré les que par les montants considérables qu’elle déclarations rassurantes des constructeurs. 8 gère. De ce fait, les experts s’accordent pour Si, dans le pire des cas, il n'y a pas d'accord avec considérer que cette puissance ne sera l'UE, les voitures exportées vers l'UE se verraient affectée qu’à la marge par le Brexit. taxées à hauteur de 10%. Les marchés allemand, d’autres grandes villes européennes français, mais aussi espagnol, seraient les mieux (notamment Francfort, Amsterdam ou Dublin) placés pour profiter de cette situation. ont également déployé des « opérations séduction » pour attirer de telles implantations Transport aérien : Pour des motifs réglementaires, et force est de constater que, malgré quelques les grandes compagnies aériennes britanniques « prises » d’une certaine envergure, ces efforts seront tenues d'avoir une présence légale dans sont loin d’avoir eu le succès escompté. l'UE pour profiter pleinement de son marché (« Ciel unique européen »). La compagnie low cost EasyJet a lancé les procédures pour acquérir un C. EXISTE-T-IL DES « NICHES D’OPPORTUNITÉS » certificat de transport aérien pour l'Europe EXPLOITABLES ? continentale en novembre dernier, sans préciser s'il prévoit de déménager sur le continent ou de se limiter à une présence juridique. Ryanair a déclaré ► Certaines voix – plutôt optimistes – se font à la même époque déplacer des investissements entendre pour indiquer que la sortie du Royaume- Uni du Marché intérieur peut permettre aux prévus au Royaume-Uni sur le continent, compte tenu du climat d'incertitude. (NB : récemment, la entreprises du reste de l’Europe de « rebondir » : compagnie a doublé la capacité de sa plate-forme en occupant des parts de marché que leurs de Vienne.) homologues britanniques, pénalisées par des En contrepartie, trois autres secteurs d’activités droits de douane auxquelles elles échappent pourraient connaître des turbulences, en France : actuellement, ne pourront peut-être pas conserver au même niveau, Tourisme : La fréquentation touristique en profitant d’un certain isolement du britannique est très conséquente dans l’Hexagone, Royaume-Uni, qui ne pourra pas conclure, en de l’ordre de 12 millions de visiteurs par an. Or, tant qu’Etat réduit à lui-même, des accords de "sur le prix moyen d’un séjour de ce côté-ci de la libre-échange de la même amplitude que ceux Manche, on estime la perte de pouvoir d’achat liée qui ont déjà été négociés par l’UE, forte de 500 à la baisse de la livre Sterling à 350 € par ménage". 9 millions de consommateurs . Ainsi, la sortie du Royaume-Uni peut peser sur les comptes du géant Accorhotels ou sur ceux ► Trois secteurs d’activité estiment ainsi avoir des d’Eurotunnel. raisons de « positiver » : Grandes industries exportatrices : agro- 8 alimentaire, ainsi que les industries mécaniques En août dernier, le Dr. Gérard Lyons, économiste, estimait en effet que: "La City est "étanche" par rapport au Brexit et et de transports (dont l’automobile), continuera à jouer son rôle de leader en Europe, même après qui représentent 60% des exportations tricolores avoir quitté l'UE (ses seuls concurrents sérieux sur le continent au RU (notre 5° marché à l'export), pourraient être étant Zürich et Genève, villes situées dans un pays ... qui n'est frappées de plein fouet. Dans l'automobile, pas membre de l'UE)." 9 Même amputée des 65 millions de consommateurs "Peugeot-Citroën, qui détient 8% du marché britanniques, l’UE reste/ra un marché solvable et convoité britannique, serait particulièrement affecté, si la à l’échelle mondiale. 6
Livre Sterling devait encore se déprécier de 10 à des conflits commerciaux, ce qui nécessitera de 15%, un scénario qui n'est pas exclu en cas de renforcer les ressources nécessaires pour Brexit dur. assurer les fonctions d’arbitrage. Services informatiques : Les sociétés de services ► La remise en question éventuelle, par le informatiques, très exposées à la concurrence Royaume-Uni, de normes européennes britannique, vont souffrir : les experts mettent en existantes, des mécanismes de reconnaissance garde les investisseurs sur la forte exposition de mutuelle des qualifications, des principes de certaines SSII (sociétés de services en ingénierie libre circulation des biens et de la main informatique) tricolores au RU [Sword, Sopra Steria d’œuvre et de bien d’autres règles et usages en (avec 30% des ventes), Capgemini ou encore Atos]. vigueur au sein du Marché unique, ouvrirait une « boîte de Pandore », dont on peut ► S’agissant des PME, la « compensation », sur craindre les effets dévastateurs, une fois ces d’autres marchés, européens ou extra- souhaits transcrits en contraintes européens, des acquis perdus ou érodés outre- administratives. Manche pose toutefois de nombreuses difficultés pratiques, qui ne peuvent ► Le retrait du Royaume-Uni de l’UE fait planer certainement pas être surmontées à court une série de menaces sur une série d’accords terme. internationaux dont il est signataire, ainsi que sur des grands chantiers à la réalisation Au final, le Brexit est peut-être source desquels il est associé (ex. défense, énergie…). d’hypothétiques opportunités… mais celles-ci sont à mettre en balance avec des risques ► Ce retrait peut affecter la finance européenne, sérieux ! voire mondiale, dans la mesure où il amputera l’expertise aujourd’hui disponible au sein de l’UE, celle-ci étant redéployée sur d’autres marchés, notamment en Asie. D. QUE SE PASSERAIT-IL EN CAS D’ÉCHEC DES NÉGOCIATIONS (« NO DEAL ») : ► Des interrogations peuvent aussi légitimement QUELS AVANTAGES, QUELS RISQUES ? se poser, s’agissant de la protection des données, de la sécurité des transactions et de la cyber-sécurité, alors que ces aspects revêtent Le principal avantage affiché de cette situation aujourd’hui un caractère stratégique de tout extrême, notamment par la frange la plus anti- premier plan. européenne des décideurs et de l’opinion, consisterait à donner aux acteurs, de part et ► S’agissant d’énergie, le RU devra, avant la fin d’autre de la Manche, l’occasion de « retrouver 2020, avoir mis en œuvre un régime de leur liberté ». sauvegarde offrant un niveau de sûreté équivalent à celui d’Euratom. Après cette date, Mais cette posture, dictée par des considérations il devra rembourser à l’Union les équipements essentiellement idéologiques, présente de appartenant à Euratom présents sur son sol. nombreux inconvénients, que n’ont pas manqué de mettre en évidence les milieux d’affaires, tant au Royaume-Uni que sur le continent. Une rupture Même si ce risque ne peut être totalement sans accord équivaudrait à un saut dans le vide, écarté, en cas de crise sérieuse entre une situation que les médias britanniques les deux parties ou de modification du paysage décrivent comme le « syndrome de la falaise » électoral britannique, on peut raisonnablement (« cliff edge »). compter sur le réalisme et le pragmatisme des opérateurs économiques concernés pour prédire Parmi ces inconvénients, on peut évoquer par une transition plus raisonnée permettant au exemple, sans que cette liste soit exhaustive : continent européen de conserver une certaine ► Le prix à payer pour cet affranchissement des cohérence et de résister, grâce à une « contraintes » européennes serait celui d’une convergence de vues sur l’essentiel, aux coups incertitude économique et juridique durable, de boutoir de la concurrence mondiale. très préjudiciable au climat des affaires. ► L’apprentissage des nouvelles règles du marché ne se fera pas sans un risque de multiplication 7
Premier volet : État des lieux Une séparation bien plus délicate que prévu et qui affecte déjà le tissu économique de part et d’autre de la Manche Huit mois après le début officiel des négociations pays souhaite entretenir avec l’UE, étant entendu entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, trois qu’un statut de pays « partenaire » ne peut, en constats s’imposent : aucun cas, présenter les mêmes avantages qu’une 11 adhésion en bonne et due forme . Le processus de séparation entre un pays qui aspire à jouer –à nouveau- un rôle autonome à Les autorités européennes, pour leur part, l’échelle mondiale (concept de « Global exercent une double responsabilité : Britain ») et l’Union européenne, qui a été frappée de plein fouet par cette remise en gérer le processus de négociation pour le 12 cause de ses propres fondements, n’a, pour le compte de l’ensemble des Etats membres moment, que très modestement progressé. De (hors Royaume-Uni), y compris pour le volet fait, cette séparation pose énormément de budgétaire (solde de la contribution due au difficultés pratiques, dont la nature, l’ampleur titre des engagements pluriannuels), et les interactions apparaissent aujourd’hui en contrôler sa compatibilité avec les règles de pleine lumière, sans que des réponses adaptées l’UE jusqu’à la fin de la période de transition et consensuelles permettent de les surmonter. (et éventuellement au-delà). L’ « onde de choc » qui a suivi l’annonce du A ces deux axes principaux, s’ajoutent deux Brexit a entraîné une contraction du marché « corollaires », dont l’importance - à moyen et long britannique, qui, certes, reste consistant pour terme - est loin d’être négligeable : de nombreuses raisons, mais a indéniablement perdu de son attractivité du fait des élaborer – et proposer aux Etats membres – nombreuses incertitudes qui pèsent sur les des dispositions permettant de « recomposer » négociations. le budget de l’UE après le départ de l’un de ses Le Brexit ne fera pas sentir ses effets 13 principaux contributeurs (ce qui laisse planer exclusivement sur le territoire britannique. des menaces sur l’intégrité des dotations Dans la mesure où il peut conduire certaines consacrées à la politique agricole commune (PAC) entreprises présentes sur place à redéployer et à la politique de cohésion et relance le débat leurs implantations et leur personnel, ces relatif à l’identification de ressources propres), mouvements sont susceptibles d’affecter veiller, avec beaucoup d’attention, aux significativement les salariés des entreprises à évolutions des politiques publiques capitaux britanniques présentes sur le sol 10 britanniques, afin d’éviter, dans les limites des européen. pouvoirs dont Bruxelles dispose, l’émergence, à terme et à grande échelle, d’une zone franche 1 - QUE FAUT-IL RETENIR DU PROCESSUS INSTITUTIONNEL 11 « Il y a des points qui ne sont pas négociables, ni l'intégrité du marché unique, ni les quatre libertés qui sont indissociables et DE SÉPARATION RETENU ? qui sont la fondation du marché unique, ni l'autonomie de décision de l'Union que le Royaume-Uni a décidé de quitter. » (13.12.17) - « Un accord de libre-échange, aussi ambitieux soit- ► Responsabilités respectives : il, ne peut pas inclure tous les bénéfices de l'Union douanière et du marché unique. » (09.01.18) – Michel Barnier. C’est le Royaume-Uni qui a choisi de quitter l’Union 12 Cette mission a été confiée à la Commission européenne, qui européenne, et non cette dernière qui a demandé a mandaté, pour la mener à bien, le Français Michel Barnier, le départ de l’un de ses principaux contributeurs. une des rares personnalités françaises – et européennes- à avoir exercé des responsabilités dans chacune des trois Il appartient donc aux autorités de Londres de institutions-clés de l’UE, à savoir le Conseil, le Parlement déterminer la nature des relations futures que leur européen et la Commission européenne. 13 Le Royaume-Uni est le 2° contributeur net au budget de l’UE, loin derrière l’Allemagne et juste devant la France. Cette 10 Sur la base des données de 2013, près de 78.000 emplois contribution nette a représenté, en moyenne, 7,5 MM€ par an franciliens dépendent d'un groupe britannique : entre 2012 et 2016. C’est a priori ce qui représente la perte de http://www.cci-paris- recettes potentielles induite par le Brexit. (Fondation Robert- idf.fr/sites/default/files/crocis/pdf/documents/enjeux-197.pdf Schuman – Questions d’Europe n° 454 – 04.12.17) 8
et/ou d’un havre fiscal à proximité immédiate d’une UE, que de telles dispositions ne manqueraient pas d’affaiblir. Les facteurs d’incertitude S’agissant de ce dernier point, l’enjeu principal consiste à éviter des distorsions de concurrence * On observe une dissymétrie patente des qui pourraient affecter notablement certains Etats comportements (face à l’unité des Vingt-Sept, membres de l’UE, alors que ceux-ci ne pourraient les autorités UK apparaissent divisées, plus se prévaloir des règles européennes fragilisées et manquant de vision applicables en la matière pour les combattre. prospective). Ces divisions apparaissent aussi au sein de la population, où des tendances ► Calendrier : « Stop Brexit » sont de plus en plus perceptibles. L’ensemble de ce processus doit être mené à son 14 terme dans un calendrier très contraint puisque l’échéance ultime qui fait référence à ce jour * Le travail à accomplir, ainsi que les coûts ne laisse aux opérateurs économiques qu’une d’adaptation induits, ont été visiblement petite trentaine de mois pour évaluer les besoins sous-estimés par la partie britannique, liés à la transition, prévoir les adaptations confrontée aux demandes des entreprises de nécessaires et tester leur efficacité sur le terrain. tout bord et à la pression du calendrier. De plus, la Commission européenne a toujours fait savoir que le Brexit ferait, bien entendu, partie de * La « renationalisation » de l’acquis son agenda, mais ne constituerait pas une communautaire (6.000 directives, 12.000 priorité, dans la mesure où elle n’est pas à l’origine règlements) sous deux ans constitue un défi du processus de séparation. juridique sans précédent et l’échéance, pour y 16 parvenir, paraît irréaliste . ► Où en est-on aujourd’hui ? Aspects positifs et facteurs d’incertitude : * L’hypothèse d’un « No Deal » (absence d’accord) ne peut encore être totalement Les aspects positifs écartée et la durée de la période de transition fait encore débat, car les milieux * La méthodologie envisagée dès le référendum de d’affaires la jugent bien trop courte. juin 2016 et proposée par Bruxelles est globalement respectée. * Il existe une différence d’interprétation * Du côté européen, le « gouvernail » est bien manifeste dans l’appréciation du rôle de la maîtrisé et les Etats membres font en sorte période de transition. Pour certains, elle doit d’apparaître unis. servir à tester les procédures déjà validées et mises en place. Pour d’autres, en revanche, * Une échéance majeure a été fixée, celle du elle permet de desserrer la contrainte du retrait formel (mars 2019), ce qui permet de timing en donnant davantage de temps à la disposer d’un minimum de programmation. 17 réflexion pré-opérationnelle . * Quelques principes clairs ont été rappelés : → Respect des Quatre Libertés → Pas de Marché intérieur à la carte (pas de 15 « cherry-picking » ) → Intérêt mutuel à définir un futur statut d’association à l’UE → Interdiction de négocier, de manière anticipée, des accords de libre-échange avec les Etats tiers. 16 Plus de 14% de la législation britannique adoptée entre 1980 et 2009 est issue du droit de l’UE. 17 « Il y a une divergence sur l'application dynamique de l'acquis. Pendant la transition, lorsque tout l'acquis sera maintenu [le marché unique, l'Union douanière, les politiques 14 Le Royaume-Uni souhaitait disposer d’une période plus européennes], évidemment, tout le monde respectera les longue, ce que la Commission européenne a refusé. « Nous mêmes règles. Et nous ne pouvons pas accepter en ce qui nous avons proposé logiquement que la période de transition se concerne le risque de divergence réglementaire, pendant la termine le 31 décembre 2020, en même temps que la période durée de cette période. » Michel Barnier (27.02.18) pluriannuelle budgétaire. » http://europa.eu/rapid/press-release_STATEMENT-18- 15 Expression britannique, qui évoque le fait de picorer ! 1343_en.htm 9
Même si cela ne règle pas toutes les questions qui En fait, l’économie britannique a montré une se posent, il est important de souligner qu’une importante résilience au choc du résultat du nouvelle étape a été franchie le 28 février 2018, référendum. Les marchés, comme la confiance des avec la publication, par la Commission entreprises, se sont redressés rapidement et les 18 européenne , d’un projet d’accord de retrait, qui effets des incertitudes semblent avoir un impact traduit, en langage juridique, les dispositions modéré à ce stade sur l’investissement et sur er applicables à compter du 1 avril 2019. l’épargne de précaution. Le taux de chômage a même continué de baisser. La solidité de l’activité Toutefois, l’accueil qui a été ménagé par Londres à au second semestre 2016 a constitué une surprise cette proposition laisse encore présager des pour les prévisionnistes. Jusqu’à maintenant, la discussions houleuses, notamment à propos de la dépréciation de la livre, d’environ 20 % entre fin situation irlandaise (voir p. 29), qui suscite des 2015 et mi-2017, apparaît au total comme l’effet débats violents et ravive le spectre de conflits plus dominant du référendum. En outre, anciens. l’assouplissement de la trajectoire de consolidation budgétaire et la politique monétaire plus Dans un contexte aussi troublé, il est difficile aux accommodante ont pu favoriser cette résilience entreprises de s’organiser pour faire face à la de l’activité. nouvelle situation. Pour autant, certaines d’entre elles ont commencé à investir en constituant des Toutefois, l’activité au Royaume-Uni a ralenti « task-forces » destinées à identifier les problèmes, début 2017, et ce freinage devrait se poursuivre : à les hiérarchiser et à tenter de trouver des la demande britannique finirait par s’éroder remèdes préventifs (voir p. 25). et les gains de compétitivité ne soutiendraient que modestement l’activité. 2 - LE ROYAUME-UNI : Suite à la dépréciation de la livre, l’inflation a UN MARCHÉ ENCORE SOLIDE, progressé et dépasse sensiblement la cible MAIS QUI SE RÉTRACTE de 2 % de la Banque d’Angleterre (+2,6 % en DEPUIS L’ANNONCE DU BREXIT juillet). Malgré ces pressions inflationnistes et les Ainsi que l’indiquait la Direction générale du Trésor tensions sur le marché du travail, les salaires 19 fin septembre 2017 , les évaluations réalisées en manquent de dynamisme, en lien avec les amont du référendum de juin 2016 suggéraient un incertitudes liées au Brexit et la hausse des impact négatif fort du Brexit sur l’économie coûts pesant sur les entreprises. Ainsi, britannique à l’horizon 2018. le pouvoir d’achat est à l’arrêt. La dégradation des perspectives se justifiait par : Malgré cela et malgré le choc d’incertitude, la consommation des ménages est restée à un une montée des incertitudes pesant niveau satisfaisant grâce à une forte baisse du notamment sur l’investissement et la taux d’épargne des ménages (cf. graphique consommation via une hausse de l’épargne de ci-dessous) et à un recours accru aux crédits à précaution, la consommation. Cette baisse de l’épargne une détérioration des conditions financières et peut s’expliquer en partie par la faiblesse du une forte volatilité sur les marchés financiers chômage et la croissance de la richesse des pouvant réduire l’investissement ou restreindre ménages britanniques (deux déterminants la consommation. importants du taux d’épargne au Royaume-Uni) mais apparait toutefois difficilement A l’inverse, la forte dépréciation de la livre devait soutenable. La consommation devrait donc atténuer l’effet négatif du référendum sur marquer le pas. l’activité, malgré la hausse consécutive des prix des produits importés, en améliorant la compétitivité Même s’il ne devait pas s’infléchir de manière de l’économie britannique. trop prononcée, l’investissement serait tout de même affecté par les incertitudes. 18 Voir: https://ec.europa.eu/commission/sites/beta- political/files/draft_withdrawal_agreement.pdf http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-18-1361_en.htm 19 https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2017/09/20/que ls-effets-du-brexit-un-an-apres-le-referendum 10
L’effet positif de la dépréciation de la livre sur La prévision de croissance pour 2017 pour le les exportations serait contenu. En effet, les Royaume-Uni dans le scénario du printemps 2016, entreprises ont partiellement compensé l’effet avant référendum, était de +2,2 % ; elle s’élève positif du change sur leur compétitivité-prix en aujourd’hui à +1,6 %. ajustant leurs prix à la hausse et la sensibilité des exportations à la compétitivité pourrait de plus être relativement modeste. 3 - DES TURBULENCES QUI NE SONT PAS SANS INCIDENCE SUR LA CROISSANCE MONDIALE Selon les prévisions du FMI, la croissance mondiale le niveau élevé des bourses aux Etats-Unis et la augmenterait légèrement à 3,9 % en 2018, mais hausse de l’endettement en Chine, ainsi que plusieurs facteurs d’incertitude entourent ce l’évolution du commerce mondial, mais elle cite scénario. L’institution évoque, certes, la montée également « l’ampleur et le timing des effets du 20 des risques financiers, en lien notamment avec Brexit. » 20 Résultats du commerce extérieur de la France – 2017 p. 19 https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2018/02/08/co mmerce-exterieur-de-la-france-resultats-2017 https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/d7275d97-47b7- 4bbf-bf5f-e602aface8bd/files/909223a5-a471-489f-af7d- e5c8661431ea 11
Deuxième volet : Les liens commerciaux entre le Royaume-Uni et l’Union européenne – Situation actuelle et options possibles La configuration future des relations commerciales 1 - LES LIENS COMMERCIAUX ACTUELS entre le Royaume-Uni et l’Union européenne devra ENTRE LE RU ET L’UE : UNE RÉELLE impérativement tenir compte d’une donnée essentielle, à savoir le très haut degré DÉPENDANCE MUTUELLE… AVEC DES d’interdépendance des économies des deux NUANCES ! zones. De la même manière qu’il existe une incontestable proximité géographique entre les ► Quelle est la situation, vue de Londres ? Îles britanniques et « the other side », Les liens commerciaux entre le RU et l’UE d’innombrables passerelles relient ces deux sont déterminants, surtout pour le espaces dans une multitude de domaines (de la Royaume-Uni (dont 54% des importations finance à la recherche en passant par l’automobile, proviennent de celle-ci), même si l’on le tourisme ou les produits alimentaires). constate une légère érosion de cette Cette réalité ne peut pas être remise en question à 22 tendance depuis l’année 2000 . court ou moyen terme par la simple volonté Le Royaume-Uni enregistre un déficit politique, si puissante soit-elle, sauf à remettre en permanent (depuis 1999) dans ses cause les bases – particulièrement solides – de la relations commerciales avec l’UE (ce qui démocratie anglo-saxonne. n’est pas le cas s’agissant du reste du De plus, si la puissance de la City peut pleinement monde). rayonner à l’échelle mondiale, c’est bien le seul Le pays est très dépendant des 21 secteur économique britannique qui pourrait, importations européennes dans certains sans dommages majeurs, continuer à être secteurs de la vie courante (notamment performant alors que les liens avec l’Europe les produits alimentaires). Sur le plan seraient distendus. En effet, il en va tout industriel, « l’UE est une source de autrement en matière de relations commerciales composants vitaux pour nos chaînes de ou de liaisons industrielles. Dans ces domaines, la production. Près des deux tiers des dépendance ne s’exerce plus dans le même sens et importations britanniques de biens semi- ce simple constat ne peut manquer d’influencer finis proviennent de pays européens. Par l’attitude des négociateurs britanniques. exemple, les constructeurs automobiles britanniques sont étroitement Enfin, même si la part des échanges de biens a dépendants de pièces fabriquées dans le 23 baissé en termes de contribution au PIB, elle reste de l’UE. » continue à dépasser celle des échanges de La plupart des grands groupes services. Les marchandises ont en effet représenté britanniques (aéronautique, chimie, 55% des exportations britanniques et 75% des services financiers, transport, importations en 2016. Les évolutions du commerce électronique, …), qui fournissent des extérieur britannique ont donc une influence centaines de milliers d’emplois au RU et directe sur la santé de l’économie nationale tout en Europe, réalisent le « socle » de leur entière. Les choix stratégiques qui seront opérés chiffre d’affaires en Europe. seront donc lourds de conséquences. Certaines régions britanniques (Irlande du Nord ou Pays-de-Galles) dépendent de l’UE pour environ 60% de leur commerce extérieur. 22 L’UE, considérée dans son ensemble, est le plus grand partenaire commercial du Royaume-Uni. En 2016, la valeur des 21 En 2016, les services financiers et d’assurance ont contribué à exportations britanniques en direction de l’UE a atteint un hauteur de 124,2 MM£ à la valeur ajoutée globale (GVA) de montant de 236 MM£, soit 43% du total national. Les l’économie britannique, ce qui représente 7,2% de cette GVA importations en provenance de l’UE se chiffraient à hauteur de totale. (04.04.17) : 318 MM£, soit 54% du total national. 23 http://researchbriefings.parliament.uk/ResearchBriefing/Summ https://visual.ons.gov.uk/trading-places-uk-goods-trade-with- ary/SN06193 eu-partners/ (28.03.17) 12
Dans ces conditions, on comprend pourquoi le Le Royaume-Uni dispose néanmoins de deux gouvernement britannique, soucieux de desserrer atouts pour faire face à ce défi : ce qu’il considère être un étau, n’a pas caché son Grâce à leur esprit pionnier et à intention de faire tous les efforts possibles pour leur professionnalisme éprouvé, les développer ses relations avec d’autres pays dans exportateurs britanniques ont su, bien le monde, notamment les Etats-Unis (avec lequel davantage que leurs homologues les échanges ont doublé en valeur entre 1999 et 28 français , développer un commerce 2016), la Chine, l’Inde, l’Australie et la Nouvelle- 24 extra-européen d’une envergure notable. Zélande . Cette attitude trouve sa justification dans le fait que ces pays concentrent la croissance Avec près de 200.000 entreprises exportatrices, le RU dispose d’une « force et sont des gisements d’opportunités, qui doivent de frappe à l’international » sensiblement être exploités à un moment où l’Europe est loin 25 supérieure à ce qu’elle est en France d’offrir le même potentiel . Cette volonté devra 29 (124.000). néanmoins coïncider avec celle de ces partenaires courtisés, ce qui n’est pas acquis à ce jour, d’autant A ceci s’ajoute une « puissance de feu » considérable plus que, pour ces derniers, le marché européen, dans deux domaines liés aux échanges : même amputé, restera certainement plus attractif en termes de taille (446 millions de consommateurs la fréquentation cumulée des 4 principaux potentiels contre à peine 66 millions). aéroports de la place de Londres atteint 158 millions de passagers (alors que celle En plus, le Royaume-Uni ne pourra pas trop de Paris, 2° dans le classement, reste compter sur ses relations commerciales avec les 51 encore inférieure à 100 millions de autres pays du Commonwealth (sauf les plus passagers). importants d’entre eux) car celles-ci sont de moins les deux principaux organisateurs de en moins stratégiques (à peine 9% du total des salons professionnels en Europe sont 26 échanges RU-pays tiers) . Pour autant: britanniques [Reed Exhibitions (CA : 1,277 les exportations cumulées du RU vers les MM€) et UBM (CA : 830 M€)]. Messe cinq plus importants partenaires de cette Frankfurt occupe la 3° position (647 M€), zone (Australie, Canada, Singapour, Inde suivie par GL Events (F) (452,6 M€). et RSA) atteignent un montant voisin du Sur les 33 entreprises spécialisées chiffre réalisé avec la France seule dans l’organisation de manifestations (33 MM£ environ), ce qui n'est pas anodin; professionnelles, réalisant un CA au-delà des activités commerciales, il faut supérieur à 100 M€, 9 sont implantées en aussi tenir compte du contexte culturel et Allemagne et 6 au Royaume-Uni. des us et coutumes, y compris en matière de normes, qui avantage le système En sens inverse, il ne faut pas méconnaître anglo-saxon. l’influence très négative qu’aurait, pour les entreprises continentales (en France notamment), Une telle tâche représente un défi majeur. Or, le une diminution de leurs débouchés actuels au Parlement doute sérieusement de la capacité du Royaume-Uni car la recherche de marchés de 27 pays à le surmonter . compensation serait, pour elles, encore plus difficile (sauf dans le cas de l’Allemagne), faute d’un degré suffisant d’internationalisation. 24 « La sortie de l’UE fournit au Royaume-Uni une occasion unique, telle que l’on n’en rencontre qu’une dans une vie, la chance de pouvoir refonder la position du Royaume-Uni dans le Royaume-Uni ne peut pas s’attendre à ce que l’expansion de commerce mondial. » British Exporters Association (28.11.17): son commerce international [hors UE] compense les pertes http://www.bexa.co.uk/wp-content/uploads/BExA-Response- qu’occasionnerait la diminution de ses échanges commerciaux Preparing-for-our-future-UK-trade-policy-final-Nov-2017.pdf avec l’UE, en cas de « hard Brexit » » (28.02.18) 28 “Il est frappant de constater que nos exportations à destination La France est nettement plus dépendante (59%) que le de l’UE n’ont augmenté que de 10% depuis 2010, alors que nos Royaume-Uni du commerce intra-communautaire: ventes à destination des Etats-Unis, de la Chine, de l’Arabie https://lekiosque.finances.gouv.fr/fichiers/Etudes/tableaux/ape saoudite, de la Nouvelle-Zélande, du Japon et de la Corée du rcu.pdf 29 Sud ont connu une croissance, respectivement, de 41%, de Les autorités douanières britanniques estiment que « 9% des 60%, de 41%, de 40%, de 60% et de 100%. Ces chiffres PME nationales sont exportatrices et que 15% d’entreprises démontrent parfaitement que la part du lion de la croissance supplémentaires sont intégrées dans les « supply chains » mondiale se trouve en dehors de l’UE, en particulier dans la d’autres entreprises, elles-mêmes exportatrices. 82 % de ces zone Asie-Pacifique. » Discours de B. Johnson (14.02.18): PME exportatrices entretiendraient des relations commerciales https://www.gov.uk/government/speeches/foreign-secretary- avec l’UE » - Source : Note du Ministère en charge de speech-uniting-for-a-great-brexit l’Innovation et des Compétences (mai 2016) : 26 https://fullfact.org/economy/uk-trade-commonwealth/ https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/atta 27 Evoquant le cas de l’industrie automobile, la Chambre des chment_data/file/524847/bis-16-230-smes-supply-chains- Communes vient encore de souligner le fait que: « : « Le exporters.pdf#page=2 13
► Pourquoi la France – et une région telle que l’Île-de-France – sont particulièrement concernées ? 30 Une carte majeure pour la France ► Partenaire commercial de premier plan pour la France, le Royaume-Uni constitue, en 2017, son 6° marché international, absorbant 8 % de nos exportations, soit un peu plus de 50 MM€ par an. 30.000 entreprises françaises exportent vers le marché britannique. En moyenne, pour celles-ci, le Royaume-Uni ne représente toutefois que 6 % de leur chiffre d'affaires total. ► L’excédent commercial avec le Royaume-Uni s’est amenuisé considérablement en 2017 (-7,7 MM€, soit - 65 %) à 4,1 MM€. En effet, malgré des exportations stables par rapport à 2017 (-0,2 MM€), les importations sont en forte hausse (+7,5 MM€ soit +38,3 %), en raison d’une augmentation de l’approvisionnement en turboréacteurs. De ce fait, le Royaume-Uni a perdu sa place de premier excédent commercial de la France au bénéfice de Hong-Kong (c’est la variation d’un solde bilatéral avec la France la plus forte en 2017), mais cette situation reste profitable pour nos entreprises. 31 Un partenaire conséquent pour l’Ile-de-France Le Royaume-Uni représente la 3ème destination la plus importante pour les exportations franciliennes (derrière les Etats-Unis et l’Allemagne) et le 7ème fournisseur de produits importés en Ile-de-France. En 2015, les valeurs de ces échanges s’élèvent à 5,8 MM€ pour les exportations et à 6,2 MM€ pour les importations. Le solde commercial des échanges entre l’Ile-de-France et le Royaume-Uni est déficitaire de 546 M€, au détriment de la région francilienne. Les échanges entre le Royaume-Uni et l’Ile-de-France sont très nettement dominés par les « produits de la construction automobile » : ils représentent 23 % des exportations et 34 % des importations de produits franciliens. 30 Eléments extraits des statistiques du commerce extérieur de la France – 2017 https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2018/02/08/commerce-exterieur-de-la-france-resultats-2017 31 CROCIS (Juillet 2016) :http://www.cci-paris-idf.fr/etudes/organisation/crocis/comparaisons-internationales/les-echanges-commerciaux- entre-lile-de-france-et-le-royaume-uni-la-situation-avant-le-brexit-crocis 14
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