L'accès au crédit des classes moyennes - Quels financements pour quels modes de vie ?

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L'accès au crédit des classes moyennes - Quels financements pour quels modes de vie ?
L’accès
    au crédit
   des classes
    moyennes

Travailleurs Indépendants . Retraités
Étudiants . CDD . Familles monoparentales...
Quels financements
pour quels modes de vie ?
L'accès au crédit des classes moyennes - Quels financements pour quels modes de vie ?
Sommaire
Préambule

Partie n° 1
Rapport d’étude                                             03
Synthèse de l’étude réalisée par la société Ipsos
entre octobre et décembre 2011

Partie n° 2
La parole aux associations                                  23
Leur regard sur l’accès au crédit des classes moyennes

Partie n° 3
L’analyse du sociologue                                     41
La lecture croisée des souhaits et des projets personnels
des classes moyennes par Nicolas Herpin, sociologue
Préambule
Un « livre vert » sur le crédit,
pour quoi faire ?
Depuis les temps les plus anciens, le              institutionnelles de Cetelem et nos ate-
crédit suscite de multiples controverses.          liers de travail. La deuxième édition de ces
Son histoire est jalonnée d’âpres discus-          Rencontres, en juin 2011, a été l’occa-
sions qui ont accompagné l’évolution de            sion de proposer aux parties prenantes de
la société. Aujourd’hui encore, le débat           participer à la réalisation d’une étude sur
reste ouvert.                                      l’un des thèmes fondamentaux de notre
C’est tout le sens de ce « livre vert »,           démarche de crédit responsable® : l’accès
entretenir cette discussion et surtout             au crédit.
stimuler les réflexions sur ce que pourrait        Comment fluidifier l’accès au crédit ? Com-
être le crédit de demain. Comment ?                ment l’ouvrir à des populations pour les-
En donnant la parole à des personnes               quelles il est limité ? Comment le décliner
directement concernées par ce sujet,               sur des thématiques et des problématiques
les classes moyennes dans toute leur               en phase avec les modes de vie actuels ?
diversité.                                         En résumé, comment répondre aux besoins
                                                   de financement des classes moyennes
Depuis près de deux ans, Cetelem réunit            d’aujourd’hui ?
régulièrement des acteurs de la société
(associations de consommateurs, familiales,
caritatives, acteurs sociaux, politiques, insti-   Pourquoi les classes moyennes ?
tutions…) concernés par le crédit aux parti-       D’une part, parce qu’elles sont au cœur de
culiers. Ces rencontres permettent d’échan-        l’économie, comme l’ont montré plusieurs
ger en toute transparence, de confronter           ouvrages récents émanant tant d’écono-
des points de vue parfois contraires, de           mistes, de sociologues que de politiques.
réfléchir ensemble avec pour ambition              D’autre part, si les classes moyennes sont
de faire évoluer les offres et les pratiques du    le premier moteur de la croissance écono-
crédit. C’est dans cet esprit qu’ont été ins-      mique de ces dernières années, ce sont
taurées en novembre 2010 les Rencontres            aussi celles dont le moral a été gravement

                                                                                                  1
affecté par la crise en raison de la précari-    à la fois leurs besoins de financement et les
    sation de leurs emplois, des difficultés         pistes possibles permettant de répondre
    de leurs enfants à trouver un travail en rap-    aux problématiques de vie rencontrées.
    port avec leur niveau de diplôme, et d’un        Quels produits et services ? Quel accom-
    ascenseur social qui ne fonctionne plus.         pagnement ? Quelle forme de relation com-
    Ce sont donc celles qui, tout en jugeant         merciale ?
    avec lucidité leur situation matérielle
    présente, s’interrogent fortement sur leur
    futur.                                           Une démarche collective
    Enfin, si les candidats au crédit se             Cette étude a été menée dans un esprit
    concentrent majoritairement et traditionnel-     d’échange et de concertation avec les
    lement parmi les classes moyennes, cer-          parties prenantes, partenaires associatifs
    tains profils socio-économiques en sont          et institutionnels qui ont souhaité nous ac-
    paradoxalement écartés.                          compagner dans cette démarche.
    Les classes moyennes ne forment pas              Plusieurs associations ont ainsi participé à
    pour autant une population homogène et           sa mise en œuvre (validation des partis-pris
    ne sont pas éprouvés par la crise au même        et de la méthodologie, analyse critique des
    degré. Pour étudier la diversité des situa-      résultats intermédiaires). Leurs connais-
    tions, six modes de vie ont été distingués       sances des publics concernés et leur ex-
    selon l’étape que le ménage                      périence du terrain ont par ailleurs permis
                                                     d’enrichir les conclusions de cette étude de
                                                     leurs remarques et de leur avis sans com-
    Une étude en deux temps                          plaisance. Leurs contributions ont été inté-
    Pour réaliser cette étude qualitative, nous      grées à ce « livre vert ».
    nous sommes associés avec l’institut             Nous les remercions à la fois pour leur dis-
    Ipsos, expert en recueil d’opinions, et le       ponibilité et pour leur regard critique qui
    sociologue de la consommation Nicolas            nous pousse à nous remettre en cause et
    Herpin, directeur de recherche émérite au        plus généralement à construire le crédit de
    CNRS.                                            demain.
    Autour du sujet central de l’accès au cré-
    dit, nous avons souhaité dans un premier
    temps, comprendre les priorités de vie,                                              Cetelem
    les aspirations, les besoins, les rêves des
    classes moyennes, mais aussi leurs inquié-
    tudes, leurs difficultés à réaliser leurs pro-
    jets, voire leurs frustrations.
    Dans un second temps, à partir de ces
    constats, nous avons cherché à identifier

2
1
Rapport
d’Étude
  Synthèse de l’étude réalisée
  par la société Ipsos
  entre octobre et décembre 2011
Méthodologie

1. L’humeur des classes moyennes                       07
Bien privé et mal public
Moi et les autres
Un présent raisonnable, un futur prudent
La famille, encore et toujours
Focus sur six modes de vie

2. Le crédit…
…oui, mais lequel                                      12
L’épargne, avant tout
Crédit, je t’aime moi non plus
Accès ou excès ?
Des financiers qui prêtent à caution
Au service du crédit

3. Le crédit de demain                                 15
Plus que du crédit
Rétablir la confiance prêteur-emprunteur
Le couple crédit-épargne
Crédit sous contrôle personnel
De l’organisme financier au « partenaire financier »
Nouvelles attentes, nouveaux horizons :
les propositions des classes moyennes
• Plus d’accès
• L’accès aux projets de vie
• L’accès à la santé
• L’accès aux savoirs
• Plus de protection
Méthodologie
de l’étude
Autour du sujet central de l’accès au crédit,    important ni de hautes qualifications
le principe retenu a été d’organiser des focus   universitaires (médecine ou droit, par
groups rassemblant 80 personnes issues           exemple), ou acquises dans de grandes
exclusivement de la classe moyenne telle         écoles d’ingénieurs ou de commerce.
qu’elle est économiquement usuellement           Certains ont accès au crédit, voire en
définie : à savoir les personnes dont les        détiennent, d’autres, de par leur situation,
revenus par ménage se situent entre les          ont ou auraient des difficultés à en obtenir.
20 % les plus hauts et les 20 % les plus bas     La ventilation tient aussi compte de la
de la population française.                      diversité (issus d’immigration, des Dom,
                                                 enfants d’immigrés) et du statut de salarié
                                                 public ou privé.
Six groupes
Pour étudier la diversité des situations, six
modes de vie ont été distingués selon l’étape    Une enquête qualitative
que le ménage a atteinte dans son cycle de       de type focus group
vie (composition et situation familiales,        Six rencontres ont été organisées à Paris
stabilité dans l’emploi…).                       dans les locaux d’Ipsos et autant en province
L’étude distingue les segments les plus          (trois à Tours et trois à Lille). Dans chacun de
stables de la classe moyenne des plus            ces focus groups, dont la sélection et
vulnérables.                                     l’animation ont été réalisées par Ipsos, six ou
Deux de ces groupes ont leurs ressources         sept personnes, qui ne se connaissent pas,
financières relativement peu affectées par la    sont réunies pour converser pendant plus de
crise : ce sont les Familles et les Seniors.     deux heures. L’animateur (ou l’animatrice),
Deux autres sont les plus ébranlés par la        qui est formé(e) aux méthodes de la
crise : les Autres Ménages en emploi stable      dynamique de groupe, demande à chacun
et surtout les Salariés ayant des revenus        de formuler ses souhaits et ses projets et à
irréguliers. Les Jeunes et les Petits            tous les participants d’intervenir sur les
Indépendants sont dans des situations            obstacles que peut rencontrer leur réalisation.
économiques intermédiaires.                      Aucune approbation n’est exigée. Les
Les participants à ces focus groups sont         conversations sont enregistrées et filmées.
pour moitié des hommes et pour moitié des        Ces enregistrements sont la matière première
femmes. Ils ne disposent pas d’un patrimoine     des analyses ici présentées. >>>

                                                                                                    5
6                        groupes,
                                      modes de vie

           Les FAMILLES                                              Les Seniors
    Âgés de 30 à 50 ans, ce sont des couples              Ils sont âgés de 50 à 70 ans. Ils sont pour moitié
    biactifs avec des enfants au foyer. Les conjoints     salariés actifs en fin de carrière et pour moitié
    sont salariés en CDI ou fonctionnaires titulaires.    retraités ou préretraités. Certains ont encore
    Ces ménages présentent une bonne répartition          à charge de grands enfants en cours d’étude.
    du nombre d’enfants (- de 2, + de 2). Ils sont        Ils ont aussi à prendre soin de leurs propres
    le plus souvent propriétaires ou en accès             parents en fin de vie. La plupart sont
    à la propriété de leur logement.                      propriétaires de leur logement.

                                                                     Les Petits
                                                                     Indépendants
                                                          Les Indépendants de la classe moyenne ne sont
                                                          ni des professions libérales (avocats, médecins,
                      Les Jeunes                          notaires, architectes, etc.), ni des employeurs
                                                          (gérants d’entreprise commerciale, chefs
    Ils ont entre 18 et 30 ans, sont pour moitié          d’exploitation agricole).
    étudiants et pour moitié actifs (CDI, CDD, Intérim,   Leur groupe est composé de professionnels
    entrepreneurs, commerçants).                          de la santé (infirmières exerçant en libéral, etc.),
                                                          de l’audiovisuel (régisseurs photo, éditeurs de
                                                          logiciel, graphistes internet) et de commerciaux
                                                          (agents multicarte, négociateurs immobilier).
                                                          Ils ont entre 30 et 70 ans.

           Les Autres                                            €   Les Salariés
           Ménages en                                                aux revenus
           emploi stable                                             irréguliers
    Ils présentent un âge et un profil professionnel      En CDD du secteur public ou privé, en contrats
    identiques au groupe des Familles (CDI,               aidés ou d’intérim, tous ont en commun de vivre
    fonctionnaires). Ce groupe s’en distingue parce       depuis plus d’un an la précarité professionnelle,
    qu’il est formé soit d’une personne vivant seule      subie ou choisie.
    ou récemment mise en couple sans enfant,              Ils sont diplômés et ont des expériences
    soit d’une personne à la tête d’une famille           professionnelles variées. Certains ont quelques
    monoparentale.                                        réserves (épargne, propriétaires d’un logement)
                                                          qui s’épuisent avec la prolongation de la crise.
                                                          Ils ont entre 30 et 55 ans.

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1.                 L’humeur des
                    classes moyennes
Bien privé et mal public                             Assurance Maladie… Mais les entreprises
                                                     privées ne s’en sortent pas indemnes.
Les classes moyennes françaises ont                  Banques et assurances sont ainsi souvent
indubitablement le sentiment d’être                  jugées « amorales », dans un contexte où le
entrés dans une zone de fortes turbu-                besoin d’éthique et de transparence est exigé.
lences sans savoir quand ils en sortiront.             « J’ai payé une assurance et, au final, quand
Mais s’ils ont traditionnellement un sentiment       il m’est arrivé quelque chose, j’ai dû payer un
mitigé quant à la situation globale du pays, ils     avocat pour faire valoir mes droits. » (Autres
sont relativement plus sereins pour ce qui les       Ménages, Tours.)
concerne personnellement.                            De ce fait, le tissu associatif, particulièrement s’il
« En ce moment, on a l’impression que cela ne        valorise un mode social alternatif, est épargné.
va pas super bien dans notre pays. » (Autres
Ménages, Tours).                                     Moi et les autres
Nul doute que ce climat économique et poli-
tique incertain exacerbe les inquiétudes. Le mo-     À l’opposé de ce collectif vacillant sur ses
dèle social qui servait de référence aux classes     bases, l’individu résiste, trouve des moyens
sociales ne semble plus fonctionner comme            d’espérer. Le « je » s’affirme face au « nous ».
auparavant. La déchéance économique d’une            « Je suis partagé : je suis serein pour le travail,
nation, avec ses conséquences funestes, ne           pour ma vie, mais par contre, cette société
paraît plus appartenir à la seule histoire passée.   n’est pas celle dans laquelle j’aimerais vivre. »
La trajectoire récente de la Grèce le démontre.      (Salariés aux revenus irréguliers, Lille.)
Et, à tort ou à raison, les classes moyennes ont     « Je ne baisse pas les bras. Je me dis que
plus que les autres le sentiment de payer les        malgré tout, on peut s’en sortir. J’ai conscience
pots cassés de cette crise présentée comme la        du mal-être général, mais si on se lamente,
plus forte depuis celle de 1929.                     on n’amène rien. » (Seniors, Paris.)
Il en résulte une méfiance qui se propage            On prête ainsi plus de vertu à l’énergie indivi-
vis-à-vis du système, en décalage avec la            duelle qu’à la solidarité collective. La cote de
réalité de ce qui est vécu, un système qui ne        la confiance en soi remonte.
sait pas s’adapter aux changements de la             « Résignée, c’est un adjectif qui ne
société. Les structures publiques sont par-          me correspond pas. On ne peut pas
ticulièrement visées : Éducation nationale,          se résigner, on a toujours la possibi-

                                                                                                              7
Rapport
    d’étude

              lité de montrer son désaccord. » (Familles,                Si le temps présent n’est pas propice au
              Paris.) Pour résister, pour s’en sortir, peu               rêve, le futur ne semble guère non plus
              importe parfois les moyens employés                        devoir s’y prêter. Ou alors un rêve mesuré,
              pour atteindre ses fins. Si le troc et                     tout empreint de possible et de raisonnable.
              l’entraide sont privilégiés, la débrouille,                « Je suis en école de commerce. On ne
              voire même la falsification, n’est pas                     nous cache pas que les années à venir vont
              écartée. Dans un contexte d’accrois­                       être difficiles. Mais ça ne m’empêche pas
              sement important des loyers, surtout                       d’être optimiste par rapport à mes projets. »
              dans les grandes villes, la prolifération                  (Jeunes, Paris.)
              des fausses factures est ainsi une réa-
              lité comptable. Sans s’en offusquer, la                    La famille, encore et toujours
              conversation des groupes fait état des
              coups de canif à la légalité. Les fortunes                 Alors, face à cet avenir qui inquiète, les
              qui se font dans les industries culturelles                classes moyennes se recentrent sur des
              sont présentées comme plus immo-                           valeurs qui, à leurs yeux, incarnent autant de
              rales que le téléchargement illégal de la                  certitudes. À mi-chemin entre l’individu et le
              musique, du cinéma et bientôt du livre.                    collectif, la famille est la première d’entre
              La classe moyenne apparaît ainsi                           elles, parents et enfants étant associés dans
              aujourd’hui plutôt désinhibée.                             un seul et même devenir.
                                                                         « La réussite de mes enfants déterminera
              Un présent raisonnable,                                    ma propre réussite » (Familles, Paris.)
              un futur prudent                                           Le coût de l’éducation est anticipé avec
                                                                         réalisme mais aussi, surtout pour les
              Au couple « je-nous » correspond un duo                    parents d’enfants jeunes, avec inquiétude.
              « présent-avenir » tout aussi contradictoire.              Pour la plupart, l’objectif à atteindre est
              Ce qui est possible dans l’immédiat est for-               celui des diplômes délivrés par l’université
              cément raisonnable. « Je n’ai pas de grands                ou les grandes écoles. Or, cet itinéraire est
              projets : juste continuer à faire de la mu-                source de dépenses importantes. L’Obser-
              sique, me stabiliser professionnellement. »                vatoire Cetelem 2012*, consacré aux
              (Salariés aux revenus irréguliers, Paris).                 classes moyennes en Europe, souligne la
              Les ambitions se réduisent. Les visées                     priorité accordée à la famille, mais plus
              immédiates et terre à terre, dont on peut                  encore aux enfants. Pour 60 % des Fran-
              mesurer la réussite, sont retenues. Quand                  çais, leur avenir est une préoccupation
              réussite il y a.Un projet de faire le tour du              majeure et 70 % des Européens se
              monde en bateau est jugé, en l’état,                       déclarent prêts à faire des sacrifices si
              irréalisable. Certaines catégories comme les               nécessaire. Des sacrifices au profit d’une
              Salariés aux revenus irréguliers, les Petits               meilleure éducation, avec les dépenses
              Indépendants ou les Autres Ménages en                      que cela induit. Car, pour les classes
              emploi stable semblent devoir être                         moyennes, l’éducation est devenue un
              entièrement focalisés sur ce présent aussi                 poste budgétaire à part entière, un inves-
              proche qu’éphémère.                                        tissement à long terme. Il convient de

              * L’Observatoire Cetelem est réalisé sur la base d’une enquête barométrique menée par TNS Sofres
              dans douze pays, sur des échantillons représentatifs des populations nationales de 18 ans et plus.
8
pouvoir payer les meilleures écoles, les              auront les armes pour faire face aux diffi-
cours particuliers si besoin, les sorties cultu-      cultés de la vie, qu’ils seront heureux à la
relles qui viennent compléter cet indispen-           fois dans leur famille et leur travail. »
sable bagage, et les séjours linguistiques            (Famille, Tours.)
alors que la pratique d’une autre langue              Agrégés à ce socle familial, d’autres
que la sienne est jugée indispensable.                thèmes font également l’objet d’un
« Pour moi, j’aurai réussi ma vie quand               consensus affirmé, tels le logement et la
mes enfants seront indépendants, qu’ils               santé. l

     Ce que nous avons appris

         es classes moyennes aux rêves réalistes
        D
        et malgré tout difficilement réalisables.
        Peu de grands rêves, des souhaits limités et réduits à des projets concrets.

        Un rapport paradoxal à ce monde incertain.
        Pessimistes quant au devenir collectif mais relativement optimistes quant à leur
        situation personnelle, les classes moyennes :
        • se sont aménagé des bulles de calme, de répit : leur foyer (le « chez soi »)
        et leur famille (le « entre nous ») ;
        • compensent le manque de confiance vis-à-vis du collectif par une relative confiance
        en soi : repli sur les ressorts personnels, la débrouille, le troc… autant de moyens pour
        rebondir.

         ace à ce collectif sans repères et déréglé,
        F
        une classe moyenne désinhibée.
        « Tous les coups sont permis », triche…

         e sentiment partagé que l’avenir sera pire
        L
        que le présent.
        Avec deux conséquences :
        • une difficulté à se projeter dans l’avenir et un surinvestissement du présent
        chez certains (Salariés aux revenus irréguliers, Indépendants, Autres Ménages) ;
        • un mécanisme de transfert des craintes et des ambitions sur les enfants.

         ans un monde qui change dans le sens
        D
        de plus grandes difficultés, la classe moyenne :
        • n’est pas abattue et sait qu’elle a l’énergie pour rebondir ;
        • se concentre sur la famille, centre du bonheur ;
        • déplore l’absence de changement, le retard dans l’adaptation des structures,
        des organismes et du collectif.

                                                                                                     9
6
     Focus sur

                                           modes
                                           de vie

                        FAMILLES                                   SENIORS
     Les enfants sont naturellement leur grande               La page professionnelle étant souvent tournée,
     préoccupation. À la fois la référence et l’objectif,     il s’agit d’anticiper un changement de rythme
     leur réussite représente l’alpha et l’oméga.             et de niveau de vie. L’entraide occupe alors une
     L’éducation apparaît ainsi comme la clé de voûte         place centrale, les Seniors jouant le rôle de pivot
     d’un parcours social digne de ce nom. Mais               entre générations montantes et descendantes.
     comme l’école est jugée défaillante, les cours           Le choix d’une activité associative ou professionnelle
     particuliers et autres voyages linguistiques             permet de rester actif, de maintenir des liens sociaux,
     viennent compenser. Autant de dépenses qui               voire de compléter une pension jugée insuffisante.
     constituent un poste budgétaire à part entière.          La retraite devient aussi le moment idéal où les
     Dans ce contexte éducatif inflationniste,                projets longtemps repoussés se réalisent, au profit
     le financement des études supérieures, au-delà           d’un épanouissement personnel devenu possible.
     des seuls frais d’inscription, nourrit une certaine      Mais les Seniors ne perdent pas le sens des réalités.
     inquiétude. Pour autant, les parents sont prêts          L’immobilier est au centre de leur attention comme
     à aider leurs enfants à s’installer afin de bien         solution pour aider les enfants, investir pour
     commencer dans la vie. Ils envisagent la propriété       compléter leurs revenus, se prémunir en vue des
     comme un moyen de transmettre un patrimoine.             dépenses futures. C’est en effet une solution
     Ils anticipent une dépendance potentielle pour           patrimoniale parmi d’autres permettant d’anticiper
     ne pas être à la charge de leurs enfants.                leur propre dépendance, une situation à laquelle
                                                              ils sont déjà souvent confrontés car ils ont dû ou
     « J’aurai réussi ma vie quand mes enfants seront         doivent eux-mêmes s’occuper de parents devenus
     heureux à la fois dans leur famille et leur travail. »   dépendants.
     « Je ne m’attends pas à ce que mes enfants me
     donnent de l’argent. Pour moi, ça marche dans            « J’aimerais aider mes enfants à se loger.
     le sens contraire. »                                     Si je pouvais, je leur achèterais un appartement. »
     « On ne fait pas des enfants pour qu’ils s’occupent      « Être propriétaire, c’est un moyen de ne plus avoir
     de nous quand on sera vieux. »                           à payer quand on sera à la retraite pour pouvoir
                                                              en profiter. »
                                                              « J’ai une assurance dépendance. Je prévois
                                                              car, quand on voit le prix des maisons de retraite,
                                                              c’est affolant. »

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PETITS
     JEUNES                                                        INDÉPENDANTS
Particulièrement critiques envers le système             Indépendants et fiers de l’être, telle pourrait
éducatif qu’ils jugent inadapté et le monde              être leur devise. Tout bien pesé, ils n’envient
professionnel qu’ils n’estiment pas vraiment             pas les salariés. Le choix des horaires, des clients,
accueillant et motivant, les Jeunes souhaitent tracer    du lieu de vie et de travail, compense les difficultés
eux-mêmes leur chemin. En se prenant personnel-          inhérentes à leur statut. Et si l’activité est plus
lement en main, ils entendent repousser la routine       risquée, source d’incertitudes, la capacité à
et la stagnation. Pragmatiques, ils multiplient les      rebondir, à réinventer le présent fera toujours
stages et les expériences professionnelles pour          la différence. Pourtant, ce ne sont pas les
à la fois compléter leur formation et choisir de façon   incertitudes et les difficultés qui manquent.
sûre leur voie. Révélateur d’indépendance et de          Les revenus par nature fluctuent.
rêve, l’entrepreneuriat les attire. Face à un modèle     La couverture sociale et la retraite complémentaire
social dont ils doutent de la pertinence, ils veulent    posent question dans leur dimension obligatoire.
se prémunir individuellement et devenir rapidement       L’accès au logement est problématique. Les loisirs et
propriétaire. Enfin, leur horizon ne saurait             les vacances sont parfois inexistants, la vie de famille
se limiter à nos seules frontières géographiques.        dut-elle en pâtir. Et le stress est souvent présent.
Apprendre une langue et voyager font partie
de leurs aspirations.                                    « Mes projets, ce sont des projets professionnels
                                                         pour la plupart. »
« J’ai horreur de la routine, que ce soit                « J’anticipe et je place dès que j’ai un bon mois.
en couple ou professionnellement. »                      J’essaye de bloquer un peu pour les mois
« L’orientation, actuellement,                           où ça fonctionne moins bien. »
c’est une catastrophe. »                                 « Ca fait 33 ans que je travaille et je ne peux toujours
« J’aimerais pouvoir voyager. Je sais                    pas m’acheter un appartement. »
que cela contribuerait à mon bonheur. »

        €
            SALARIÉS                                               AUTRES
            AUX REVENUS                                            MÉNAGES
            IRRÉGULIERS                                            EN EMPLOI STABLE
 Pour ces intermittents, intérimaires ou salariés en     Ils ou elles sont célibataires sans enfant ou divorcé(e)s
 CDD au présent incertain, l’avenir professionnel        ayant la charge d’enfant(s). Ils ont beau avoir des
 est la première préoccupation, un avenir qu’ils         emplois stables (CDI ou fonctionnaires), la vie est
 préféreraient stable. Si certains pensent gagner        dure quand il n’y a pas le salaire du couple biactif.
 moins en CDI, leur choix (quand c’est un choix…)        Comme le dit un homme (Paris) qui s’est récemment
 a pour prix une certaine précarité. Seul le fait        installé en couple et qui a un emploi stable :
 d’avoir des enfants les inciterait à travailler         « Le célibataire a une vie difficile. Ma vie a changé
 « comme tout le monde ».                                avec ma mise en couple. »
 Cependant, pour tous, la stabilité financière           Le quotidien remplit tout l’espace temporel et il est
 permettrait de mieux gérer les imprévus,                difficile de se projeter dans l’avenir tant le présent
 de faire face aux dépenses de santé,                    est en permanence au cœur des préoccupations.
 de financer des projets, même mineurs.                  Si la personne n’a pas d’enfant, la nécessité de se
 Faute de stabilité, la gestion quotidienne              projeter dans le futur ne saute pas aux yeux. Sans
 se fait précise et pointilleuse, les projets            enfant, les raisons de résister à la pression d’en faire
 à long terme appartenant à un autre monde.              trop au travail sont moindres, d’autant que la
 Pour la plupart, le logement cristallise leur           situation matérielle qui en découle est appréciable.
 situation. Un logement qu’on rêve d’acheter,            Pour celles et ceux qui élèvent seuls leur(s) enfant(s),
 ce rêve restant trop souvent inaccessible.              les questions financières sont souvent sans réponse.
                                                         Coûts de santé élevés, trésorerie sous tension,
 « Mon souhait, c’est de pouvoir continuer à gagner      imprévus permanents, épargne impossible, accès au
 ma vie avec ma passion. »                               crédit limité, il est souvent difficile de boucler les fins
 « Si je gagne 100 euros, je ne dépense pas              de mois… L’éducation des enfants n’en est que plus
 110 euros, je diffère mes achats. »                     cruciale, et toujours préférentielle, alors que la
 « Ce que je souhaite, c’est la sécurité de l’emploi,    certitude d’y arriver financièrement est loin d’être
 un CDI, et je souhaiterais être propriétaire. Mais      acquise. Préparer sa retraite peut alors attendre.
 pour cela, il faudrait gagner au Loto ! »               La solidarité familiale vient fort heureusement
                                                         pallier en partie ces difficultés.

                                                         « Le quotidien impose des choix : entre deux
                                                         échéances, on voit quelle est la plus urgente. »
                                                         « Ma fille veut faire une école de dessin,
                                                         je ne sais pas comment je vais faire. »
                                                         « La retraite ? On a trop d’aléas pour y penser. »
                                                                                                                       11
Rapport
     d’étude

               2.                  Le crédit...
                                   ... oui, mais lequel ?
               L’épargne, avant tout                        Crédit, je t’aime moi non plus

               Contrairement à de nombreux pays,            Le crédit n’est pas encore entré dans les
               notamment anglo-saxons, la France est        mœurs en tant qu’outil budgétaire à part
               un pays d’épargnants. Mi-2011, le taux       entière. Un Tourangeau (Familles) l’affirme :
               d’épargne s’établissait à 17 % du re-        « Faire appel au crédit, c’est quand on n’a
               venu disponible brut, un score stabilisé     pas le choix ». Pour un autre habitant de
               entre 15 et 16 % ces dernières années.       Tours (Autres Ménages), « Les loisirs, les
               Pour ce Parisien (Autres Ménages en          choses éphémères, les voyages, on ne
               emploi stable), « L’épargne, c’est un ma-    veut pas les financer à crédit. Le crédit,
               telas de sécurité en cas de coup dur. »      ça doit être pour les indispensables. »
               L’épargne, outil de gestion du budget,       Derrière ces points de vue, il apparaît que
               est donc pour cette personne un moyen        le crédit est une affaire trop sérieuse, voire
               qui lui permet de maintenir son mode de      dangereuse, pour être pris à la légère et
               vie habituel (sa capacité à se déplacer      être utilisé pour financer des projets dont la
               pour se rendre au travail si, par exemple,   « superficialité » serait l’une des principales
               sa voiture est accidentée). D’autres,        composantes.
               notamment parmi les jeunes ménages,          Cette image du crédit renvoie à celle souvent
               s’équipent en utilisant le crédit sachant    associée à l’argent dans des sociétés
               que leur consommation courante res-          empreintes de valeurs paysannes. Aux
               tera quasiment inchangée, qu’ils rem-        xixe et xxe siècles, l’argent était thésaurisé
               boursent des mensualités de crédit ou        pour acheter des terres et, à défaut, de
               qu’ils épargnent pour s’équiper dans le      l’or. Au xxie siècle, les Français dans leur
               futur. Notons aussi certaines spécifici-     ensemble n’ont pas la moindre réserve
               tés françaises comme les divers livrets      morale à l’égard du crédit quand il est pris
               d’épargne réglementée, souvent ouverts       pour acheter son logement et se constituer
               au nom des enfants. Une tradition bien       ainsi un patrimoine. Cela peut même être
               vivante qui a contribué et contribue         considéré comme un échec de ne pas
               encore au taux d’épargne élevé des           réussir à devenir propriétaire au cours de sa
               ménages français.                            vie active. Car cela revient à imposer à son

12
entourage (ses parents ou, plus tard dans        individuelle et que si les gens ne savent
le cycle de vie, ses enfants) son manque de      pas gérer leur budget, il ne faut pas qu’ils
prévoyance. Cette conviction est toujours        empruntent.
très présente dans les esprits lorsqu’on
parle crédit. Une morale enseignée même          Des financiers qui prêtent
à l’école ; qui n’y a pas appris La cigale       à caution
et la fourmi ? Contrairement à ce qui est
souvent affirmé, la religion n’est pas           Cette peur se double d’une grande méfiance
pour grand-chose dans cette orientation          envers leurs principaux interlocuteurs en
ancestrale. Aux États-Unis, où les citoyens      matière de crédit. Les organismes financiers
sont très imprégnés de valeurs religieuses       ne sont pas perçus comme les acteurs qui ont
puritaines, le taux d’épargne est pourtant       le plus pâti de la crise, bien au contraire. Leurs
voisin de zéro.                                  clients en revanche craignent qu’ils leur fassent
                                                 supporter cette mauvaise passe (coûts supplé-
Accès ou excès ?                                 mentaires, traitement dégradé…).
                                                 • Il résulte de ce manque de confiance le
Aux yeux de beaucoup, le crédit n’est            besoin de reprendre ses affaires financières
pas en résonance avec les situations             en main.
de la vie et encore moins avec les               « Être gestionnaire, c’est avoir la main, pou-
rêves des classes moyennes, fussent-             voir contrôler », affirme un Parisien (Autres
ils très raisonnables. Entre un crédit           Ménages).
trop laxiste, trop irresponsable, trop           Ce souhait est naturellement plus fortement
« argent facile » et un crédit trop rigide,      exprimé par les clients qui estiment avoir les
trop exclusif et excluant, il ne semble          connaissances financières pour le faire, voire
pas exister de juste milieu.                     qui pensent que, eu égard aux turbulences
« Il faudrait un produit qui évolue avec la      récentes, ils devraient être capables de faire
vie du client. Quelque chose de moins            aussi bien que les professionnels pour gérer
linéaire, d’adaptable. » (Famille, Paris.)       leur argent.
Mais en temps de crise, alors que                • Seconde conséquence de cette suspicion, la
le chômage atteint ses plus hauts                revalorisation de la relation humaine. Comme
sommets depuis des années, alors que             pour faire barrage à une déshumanisation
l’insolvabilité financière gagne les États,      toujours plus forte du rapport marchand –
le crédit fait également peur parce qu’il        mise en évidence et accentuée par le dévelop-
est, aujourd’hui, dans l’esprit des gens         pement du commerce en ligne –, la demande
non plus un gage de situation meilleure          de dialogue, de conseil, de contact « en chair
mais un risque avéré de précarité. Plus          et en os » est clairement exprimée. En ce
précisément, il est très largement associé       sens, connaissance rime avec confiance. Une
au surendettement.                               connaissance symétrique qui voit le conseil-
« Je n’ai pas envie que cela m’arrive »,         ler « suivre » son client au quotidien et le client
témoigne un Parisien (Pivot),                    tisser des liens durables avec ce dernier. Pas
« Mais ça peut arriver, c’est vrai ! Il suffit   étonnant qu’une banque se soit emparée de
de l’énorme imprévu… ».                          cette thématique pour valoriser le fait que ses
La spirale de la paupérisation est               conseillers restaient en place au-delà des trois
globalement palpable. Seule une minorité         années habituelles. Cette relation, synonyme
estime que le surendettement est avant           d’accompagnement au long cours, semble
tout une question de responsabilité              particulièrement adaptée au crédit.

                                                                                                       13
Rapport
     d’étude

               « En cours de crédit, notre conseiller pourrait      de reconstruction et d’équipement des
               nous appeler pour faire un bilan, un diagnos-        mé­ nages marquée entre autres par le
               tic et éventuellement nous aider à ajuster »,        développement des établissements de
               suggère un Parisien (Familles.)                      crédit, le crédit servait exclusivement au
               Derrière cette demande émerge le souhait             financement de biens matériels.
               qu’un organisme financier ne soit pas seule-         Aujour­d’hui, il finance déjà des projets,
               ment présent jusqu’à la signature du crédit et       comme les loisirs, et est promis à le faire
               disparaisse ensuite totalement.                      davantage encore dans les années à venir.
                                                                    Les études, la formation, les soins, la dé-
               Au service du crédit                                 pendance sont autant de domaines pour
                                                                    lesquels la demande de crédit est potentiel-
               Alors, qu’est-ce qui pourrait renforcer              lement croissante. Et sur de tels sujets, qui
               la confiance entre clients et organismes             ont trait à l’homme et non plus aux biens,
               financiers ? La réponse est claire : le déve-        les consommateurs attendent du crédit
               loppement d’offres de services qui justifient        qu’il ne se résume plus au seul finance-
               vraiment que l’on considère le crédit                ment, que le conseil, l’accompagnement,
               comme un service financier à part en-                les garanties et le risque du surendettement
               tière. Ceci valide une évolution historique          soient pris en compte au niveau de l’offre
               du crédit. Dans les années qui ont suivi             pour répondre à leurs attentes d’au-
               la Seconde Guerre mondiale, période                  jourd’hui. l

                    Ce que nous avons appris

                       Une relation au crédit qui résulte de trois grands
                       éléments de contexte

                       Des Français traditionnellement épargnants.
                       • Des comportements d’épargne à court terme et pour préparer les projets.
                       • Un recours au crédit rentré dans les mœurs mais pas encore perçu comme un outil
                       de gestion du budget.
                       • L’angoisse de l’endettement qui renvoie à la peur de la spirale de la paupérisation.
                       • L’association de valeurs morales à l’argent et à la façon dont on le dépense.

                       L’impact de la crise sur les attentes et sur l’image
                       des établissements financiers.
                       • Un doute général à l’égard de la bienveillance des établissements financiers
                       et la volonté de reprendre la main.
                       • La revalorisation de la relation de confiance et du conseil.
                       • L’intérêt croissant pour des offres non financières (services, systèmes d’échange…).

                       Un nouveau paradigme de consommation
                       et donc de nouveaux besoins
                       de financement.
                       • Des biens durables aux projets, aux services et à l’immatériel.
                       • Du seul financement à la demande d’accompagnement, de services,
                       de prestations complémentaires, de garanties…

14
3.
Plus que du crédit
                        Le crédit de demain
                                                     • La première a été étudiée par la sociologie
                                                     historique dans des travaux sur l’argent.
La notion de crédit telle qu’elle est projetée par   L’argent n’est pas seulement un instrument
les participants aux focus groups se déploie         dans l’échange marchand. Son usage doit
bien au-delà de l’accès traditionnel au finan-       obéir à une sorte de moralité.
cement d’équipement en biens durables.               « Le taux d’intérêt devrait être en fonction
D’une part, elle s’ouvre largement aux               de ce que l’on achète. Il faut que le taux soit
services : la santé, la formation, l’éduca-          moins cher pour le vital et plus élevé pour le
tion, l’aide à la dépendance sont autant de          superflu. » (Famille, Paris.)
domaines où des solutions de financement             Le coût du crédit devrait être modulé en fonction
doivent pouvoir exister.                             de l’usage qu’on en fait et respecter la hiérarchie
D’autre part, elle dépasse celle du seul             « naturelle » des besoins. Il est jugé immoral
financement pour intégrer les services, les          qu’on paie pour des dépen­      ses nécessaires
garanties, les conseils qui viendraient com-         (santé, éducation, etc.) le même prix que pour
pléter l’offre de base. Elle ne saurait d’ail-       des dépenses super­     flues ou de luxe. Cette
leurs exister sans son corollaire, l’épargne.        conception nourrit clairement en arrière-plan une
Enfin, elle intègre des exigences morales et         revendication à connotation sociale.
sociales fortes.                                     • La seconde attente est également morale,
                                                     mais dans un tout autre sens.
Rétablir la confiance                                « On m’a refusé un prêt, car je n’avais pas la
prêteur-emprunteur                                   sécurité de l’emploi. J’avais de l’argent de côté,
                                                     pourtant. Finalement, mon père a dû se porter
Avant de décrire les multiples propositions          garant. Je l’ai très mal vécu. » (Salarié aux
suggérées dans les focus groups, il est              revenus irréguliers, Paris.)
nécessaire de parler de deux « attentes vis-à-       L’emprunteur doit être respecté comme une
vis du crédit » sur lesquelles les consomma-         personne libre : sa capacité à emprunter ne
teurs se sont largement exprimés. Elles ont          doit pas être soumise à la bonne volonté de
rencontré une large unanimité.                       son entourage familial.

                                                                                                           15
Rapport
     d’étude

               Il attend du prêteur que ce dernier lui fasse     épargne » (Famille, Paris.)
               confiance. En contrepartie, il peut donner        Cette idée de compte-crédit est évoquée
               des preuves de son comportement res-              par l’ensemble des groupes, pour toutes
               ponsable.                                         sortes de projets. Mais c’est bien l’épargne
               À une époque où le travail indépendant et         qui est « moteur » de ce compte d’un nou-
               les contrats précaires se développent, la         veau genre puisqu’elle conditionnerait l’oc-
               fiche de paie ne doit plus être le seul cri-      troi du crédit et que sa rémunération servi-
               tère d’accès au crédit.                           rait à en rembourser les mensualités.
               « Il faudrait quelque chose de plus souple
               et pertinent sur l’octroi des prêts. Par          Crédit sous contrôle
               exemple, prendre en compte l’historique           personnel
               sur plusieurs années et non le revenu
               mensuel. » (Petit Indépendant, Lille.)            Autre dimension attendue, la modularité.
               Capacité d’épargne, historique bancaire,          À ne pas confondre avec la variabilité.
               montant du loyer payé, secteur d’activité         Il ne s’agit pas de bénéficier de crédits à
               professionnelle (risque d’emploi) devraient       taux variable, dont la diffusion abusive et
               faire partie des critères d’acceptation d’un      les modalités irresponsables dans certains
               crédit, histoire d’éviter l’injustice réelle      pays ont provoqué les effets néfastes que
               ou ressentie. Le passé d’un emprunteur,           l’on connaît.
               auprès d’un même organisme notamment,             Dans l’esprit de certains, c’est le contrôle
               est là pour prouver qu’il tient sa parole.        de la vie du crédit par l’emprunteur, qui est
               Dans ce cadre, la bonne réputation, que le        en question.
               prêteur peut se faire confirmer par des tiers,    « J’aimerais gérer mon prêt de A à Z, le
               lui donnerait des droits légitimes : un montant   moduler en toute transparence. » (Autres
               de crédit plus élevé, un coût plus bas…           Ménages, Paris.)
               Il ne s’agit pas ici de s’interroger philoso-     Plus généralement la modularité garantit
               phiquement sur la cohérence de ces deux           une meilleure prise en charge des aléas de
               attentes. En revanche, il est clair qu’elles      la vie, avec des parcours désormais moins
               ne conduisent pas aux mêmes clés d’en-            linéaires. Dans ce sens, l’idéal serait de pou-
               trée pour envisager les crédits de demain         voir librement ajuster les mensualités, voire les
               ni peut-être à la même organisation de leur       suspendre. À l’inverse, un remboursement
               attribution/distribution.                         anticipé facilité apparaît comme une manière
                                                                 de repousser l’idée même d’endettement
               Le couple crédit-épargne                          et sa face noire, le surendettement. Plus vite
                                                                 je rembourse, plus vite je me mets à l’abri.
               Une des autres pistes générales très fré-
               quemment évoquées serait d’associer               De l’organisme financier
               étroitement épargne et crédit. Une piste          au « partenaire financier »
               semblant offrir des perspectives pertinentes
               dans un pays où l’épargne est reine.              À la place des termes « banques » et
               « Plutôt que de mettre notre argent sur un        « organismes financiers », les personnes
               compte bien rémunéré, la banque s’enga-           interrogées s’accordent pour y substituer les
               gerait à nous faire un taux défiant toute         mots de « partenaires financiers » avec tout
               concurrence, mais en contrepartie, elle ne        ce que cela comporte, notamment en termes
               rémunérerait que très faiblement le compte        de relation : des interlocuteurs indiscutables

16
au plan de l’éthique et de la responsabilité,        du client qui prime, ce dernier bénéficiant
qui connaissent et reconnaissent leurs clients       d’un statut, et de produits qui vont avec,
pour leur proposer des offres réellement             digne d’une banque privée. Pour les
personnalisées.                                      Familles, l’intérêt du client est clairement
D’un groupe cible à l’autre, cette notion            prioritaire sur l’intérêt du partenaire financier.
revêt cependant des nuances. Pour les                Pour les Salariés aux revenus irréguliers, les
Jeunes, obtenir des conseils, des services           Petits Indépendants et les Autres Ménages
et des offres personnalisées est primordial.         ce sont les conditions d’accès et les tarifs
Pour les Seniors, c’est la reconnaissance            qui comptent avant tout. l

     Ce que nous avons appris

       Pistes de solutions projetées

        Des produits associant épargne et crédit :
        des « comptes épargne-crédit ».

        Des offres de prêt intégrant des services,
        de l’assistance, voire des garanties.

        La possibilité de moduler ses remboursements
        et de les anticiper :
        • le « crédit dont vous êtes le gestionnaire » ;
        • le crédit « modulable », adaptable au projet et à ses aléas.

        Des taux différenciés selon le type de consommation
        projetée (superflue vs nécessaire).

        La reconnaissance de la fidélité.

                                                                                                          17
Rapport
     d’étude

         Nouvelles attentes, nouveaux
         horizons : les propositions
         des classes moyennes
         Nombreuses sont les propositions exposées au travers des focus groups.
         À ce stade, leur faisabilité, leur réalisme n’est pas en question. Mais leur
         richesse est à même de nourrir la réflexion sur le « crédit de demain », et
         de dégager une vision qui loin de se limiter aux seules frontières financières
         peut ouvrir résolument le crédit à de nouveaux horizons.

         Plus d’accès
         Des suggestions qui visent à favoriser l’accès au crédit en particulier des classes
         moyennes qui en sont aujourd’hui écartées (élargissement des critères d’octroi,
         reconnaissance du client…).

         Attente 1                              Attente 2                                Attente 3
         Tenir compte de                        Récompenser                              Ouvrir plus grand
         l’historique client                    la fidélité                              les portes du crédit

         Principe : Si le profil de l’emprun-   Principe : La fidélité à un partenaire   Principe : Les futurs emprun-
         teur est celui d’un « bon payeur »,    financier, en cas de nouveau             teurs accèdent à un « Club
         l’accès au crédit est plus rapide et   crédit, est récompensée par              Crédit » moyennant le versement
         moins contraignant. De même, sa        des avantages tarifaires (taux           d’une cotisation mensuelle de
         capacité d’épargne, son historique     réduit, mensualité offerte, rachat       10 euros par mois. Cette « carte
         bancaire, le montant de son loyer,     de crédit facilité, chèques-             de visite » leur facilite l’accès au
         la « qualité » de son activité pro-    cadeaux…), voire par un traite-          crédit à des taux préférentiels.
         fessionnelle sont prises en compte     ment privilégié (« proche de la
         pour l’octroi de son crédit.           banque privée »). Une carte de
                                                fidélité crédit matérialise ce statut.

         Attente 4                              Attente 5                                Attente 6
         Prendre en                             Financer des                             Lier crédit
         compte l’urgence                       projets propres                          et engagement
         des besoins                            aux retraités                            social
         de financement
                                                Principe : Un compte épargne             Principe : Une partie du crédit
         Principe : En cas d’imprévu            retraite donne droit à des               est remboursée par des heures
         (changement de chaudière               avantages et réductions sur              de bénévolat au sein d’une
         en hiver, panne d’un véhicule          des voyages, des billets d’avion,        association.
         professionnel…), un crédit est         des sorties culturelles…
         proposé à un taux préférentiel,
         différent de celui qui serait
         accordé pour un projet moins
         urgent.

18
L’accès aux projets de vie
Des attentes qui reflètent avant tout la demande de personnalisation et d’adaptation
des solutions de financement aux besoins et aux modes de vie des différents profils.

Attente 1                                  Attente 2                              Attente 3
Disposer d’un                              Lier épargne                           Offrir une solution
crédit qui couvre                          et crédit, parents                     complète aux futurs
l’ensemble des                             et enfants                             automobilistes
besoins d’installation
                                           Principe : Un compte épargne-          Principe : Un crédit « permis +
Principe : Ce crédit finance le            crédit joint « parents-enfants »,      auto » qui finance à la fois le prix
déménagement, les premiers mois            alimenté par une épargne               du permis de conduire et celui
de caution, les frais d’agence,            régulière des parents et par           de la première voiture, voire
les travaux éventuels, l’achat de          les bourses éventuelles et             de l’assurance.
meubles et d’électroménager :              les revenus des « petits boulots »     - Un partenariat entre l’établis-
- les tarifs sont négociés auprès          des enfants. Le crédit accordé         sement financier et l’auto école
de prestataires partenaires choisis ;      aux parents bénéficie aux enfants.     qui s’engage sur un prix
- il intègre une dimension services :                                             forfaitaire jusqu’à l’obtention
conseils sur les formalités, contacts                                             du permis.
utiles, orientation vers des aides,
gestion du budget…

Attente 4                                   Attente 5
Assurer le bon                              Étaler les dépenses
financement                                 de réparation
des travaux                                 du quotidien

Principe : Bénéficier d’un taux aux         Principe : Moyennant une petite
mêmes conditions que celui du               somme épargnée mensuelle-
prêt contracté pour l’achat d’un            ment, ce compte donne droit à un
bien immobilier.                            volume de réparations déterminé,
                                            assurées par des artisans sélec-
                                            tionnés.

L’accès à la santé
Dans le domaine de la santé, l’une des préoccupations majeures des classes
moyennes, les attentes conjuguent allégement de l’impact financier et solidarité.

Attente 1                               Attente 2                               Attente 3
Favoriser l’accès                       Tenir compte de                         Anticiper les
aux soins à des                         la finalité du crédit                   frais liés à la
tarifs sûrs                                                                     dépendance
                                        Principe : Parce qu’il s’agit           des parents
Principe : Des accords de               de santé, le crédit est proposé
partenariat sont signés avec            à un taux d’intérêt très bas.           Principe : Tous les enfants
des professionnels de santé qui :                                               d’une famille cotisent à une
- acceptent le paiement                                                         assurance leur garantissant
en plusieurs fois avec                                                          une aide financière en cas de
un faible taux d’intérêt ;                                                      dépendance de leurs parents.
- ne pratiquent pas de                                                          Un portail d’information sur
dépassements d’honoraires                                                       les solutions liées à la dépen-
ou en font peu.                                                                 dance et les aides complète
                                                                                le dispositif.
                                                                                                                         19
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