L'INNOVATION INCLUSIVE AU SERVICE DE L'ENTREPRISE 4.0 - EMPLOI - Agefiph
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é ito d Malika Bouchehioua, Présidente de l’Agefiph Le monde de l’emploi, comme toutes les composantes de nos sociétés, subit de profondes transformations sous l’impulsion du numérique. Les aspirations des jeunes générations obligent le monde de l’emploi à se réinventer. Dans un contexte de bouleversement des usages et des règles d’organisation du travail par la technologie, les entreprises doivent repenser leur raison d’être, leurs engagements sociétaux, notamment pour consolider leur pérennité. Dans ce contexte de mutation, l’Agefiph a entrepris en 2018 une démarche prospective. 2
Pendant près de deux ans, nous avons muter d’une démarche globale et rassemblé de nombreuses forces segmentée, à une approche individuelle actives et nous sommes allés à la et personnalisée. S’emparer du rencontre de ceux qui bâtissent le sujet des collaborateurs présentant monde de l’emploi de demain. Lors de une situation de handicap dans tables-rondes organisées dans chaque l’organisation permet à l’entreprise de région de France, nous avons invité des s’interroger sur la prise en compte de talents, qui inventent une société plus leurs besoins individuels. Cette prise inclusive, à nous raconter leur vision du de conscience permet non seulement progrès. Vous retrouverez l’ensemble d’améliorer très largement le bien- des contributeurs à ces conférences être au travail pour tous, notion ô au sein de cette publication et je tiens combien importante aux yeux des à les remercier chaleureusement pour millenials, mais également d’accroître leur participation. À l’issue de ce tour les performances de l’entreprise 4.0 de France, nous avons également qui aura su remettre en question ses convié des experts de la prospective, process collaboratifs. des nouvelles technologies ou de Aborder un futur plus inclusif dans l’innovation à partager avec nous leur nos sociétés est une démarche vision sur le handicap dans le monde de qui peut sembler contraignante. l’emploi de demain. Chacun d’entre eux Changer de prisme et considérer que partage son opinion singulière et riche l’innovation permet à chaque individu, d’enseignement. Nul doute que chaque en situation de handicap ou non, dirigeant ou collaborateur trouvera d’exprimer son talent grâce à l’outil dans ce travail des pistes inspirantes de travail, transforme les contraintes pour transformer son organisation et en opportunités. C’est pourquoi nous la rendre plus apte à relever les défis souhaitons aller encore plus loin à du futur ; qu’il s’agisse de collaboration travers le lancement d’un grand appel homme-machine, de technologie à projet autour de l’innovation que universelle, de représentation de la vous pourrez découvrir dans ces pages. singularité de chaque individu dans nos Rejoignez, vous aussi, le mouvement, sociétés… autant de sujets au cœur de collaborons et inventons ensemble une l’entreprise inclusive 4.0. société plus juste et plus efficace pour Notre société est en effet en train de demain ! 3
sommaire CHAPITRE 1 CHAPITRE 2 5 contributions innovantes 7 La stratégie innovation de l'Agefiph 33 - Serge Tisseron 9 Une nouvelle étape avec le lancement Psychiatre, Docteur en psychologie, d’un ambitieux programme d’appels Membre de l’Académie des technologies, à projets 2020−2022 Président Fondateur de l’Institut pour l’Etude des Relations Homme-Robots (IERHR) - Philippe Trotin 15 CHAPITRE 3 Directeur de la mission Handicap et E-Accessibilité, Accessibility Lead chez Remerciements 39 Microsoft France Ils ont participé au Conférence Tour de l'Agefiph - Lambert Trenoras 19 PhD, CEO & co-fondateur Gyrolift - Stéphane Martin 23 Directeur Général de l'Autorité de Régula- tion Professionnelle de la Publicité (ARPP) - Andrée Deissenberg 29 Chief Creative Officer, Directeur général création & développement, Crazy Horse Paris
Serge Tisseron Psychiatre, Docteur en psychologie, Membre de l’Académie des technologies, Président Fondateur de l’Institut pour l’Etude des Relations Homme-Robots (IERHR) 8
Selon vous, en culture constitue un for- quoi la technologie midable vecteur d’éman- cipation et d’autonomie, et la robotique la pratique d’une activité pourraient-elles artistique ou culturelle est représenter des créatrice de lien social. En opportunités plus, ses effets bénéfiques d’innovations sont loin de se limiter aux seules personnes en inclusives dans le situation de handicap : monde professionnel, ils s’étendent à la société en particulier pour dans son ensemble. les personnes En second lieu, si les personnes dites « handicapées » sont handicapées ? en situation de handicap pérenne, toute personne non handicapée peut se retrouver en situation de handicap Les technologies de l’IA provisoire par rapport à une tâche particulière à un moment et de la robotique repré- donné de sa vie. Nous sommes en effet tous des « personnes sentent l’opportunité de handicapées potentielles » pour deux raisons. Tout d’abord, mieux inclure les personnes par rapport à des situations au-dessus de nos possibilités, handicapées dans le monde alors que d’autres que nous peuvent posséder les compé- professionnel. Mais cela tences physiques ou mentales requises qui nous manquent pose deux problèmes. pour une tâche spécifique. Et en second lieu, par rapport à la vieillesse, qui nous confronte chacun à la réduction Tout d’abord, il serait progressive et inéluctable de nos possibilités, aussi bien phy- dangereux de penser les siques que mentales. Le vieillissement de la population et le opportunités d’innovations développement des problèmes de santé chronique contri- inclusives dans le monde buent à accroître la proportion de personnes en situation de professionnel indépen- handicap partiel ou total au sein de nos sociétés. damment des opportunités d’inclusion culturelle. Pour Les technologies à développer doivent donc pouvoir être que les technologies d’aug- utilisées aussi bien par des personnes handicapées de façon mentation des personnes durable par rapport à la norme, que par des personnes en situation de handicap qui ont besoin d’être ne créent pas de nouvelles augmentées pour une tâche déterminée. Au- formes de marginalisation, il est essentiel qu’elles ne “les technologies trement dit, le mieux se limitent pas à l’accès proposées serait que les techno- aux métiers, mais incluent logies proposées pour aussi l’accès à la culture et devraient aider des personnes à la création. Outre que la être utilisables handicapées à leur par tous“ 9
poste de travail soient également utilisables par tous pour d’augmenter sa perception augmenter leurs compétences. Les outils seraient seulement visuelle ou auditive, ou bien réglés différemment. De telles technologies ne seraient pas des sièges permettant à des seulement « inclusives » pour l’occupation d’un poste de personnes paraplégiques de travail par une personne handicapée, mais également passer de la position assise « inclusives » pour la représentation sociale du handicap. à la position debout en quelques secondes, exacte- En effet, si les outils technologiques utilisés par les uns et ment comme une personne par les autres sont identiques, les personnes en situation normale. L’entreprise serait de handicap durable seront non seulement intégrées par alors propriétaire de ces l’alignement de leurs possibilités sur celles des personnes technologies et elles ne dites « normales », mais elles se sentiront d’autant moins seraient utilisées par la marginalisées que ces mêmes personnes dites « normales » personne handicapée que pourront, elles aussi, bénéficier de technologies semblables dans son activité profes- ou proches pour réaliser certaines tâches. Par exemple, un sionnelle. Ce choix risquerait bras artificiel commandé par la pensée via un casque muni évidemment de provoquer de capteurs, pourrait être utilisé dans une activité profes- une souffrance lorsque la sionnelle aussi bien par une personne normale que par une personne quitterait son lieu personne handicapée, mais celle-ci pourrait l’utiliser égale- professionnel puisqu’elle ment pour simplifier la gestion de son quotidien. perdrait en même temps les bénéfices des technologies De quelle façon doit-on, selon vous, « asso- qui réduisent ses handicaps. cier » l’humain et le robot pour que ce « duo » Cette option présente des soit véritablement vecteur d’inclusion pour inconvénients qu’il convien- les personnes handicapées ? drait de prévenir. Il existe trois possibilités d’associer un humain à des techno- Enfin, la troisième éventua- logies de telle façon que ce duo soit un vecteur d’inclusion lité est de prévoir les mêmes pour les personnes en situation de handicap. technologies de telle façon que les personnes souffrant La première est d’imaginer des technologies implémentées de handicap pérenne en dans le corps même, et cela de façon irréversible. Nous bénéficient à la fois dans écartons cette possibilité car elle ne peut se poser que par leur vie professionnelle et rapport à la vie sociale en général, et elle dépasse donc dans leur vie privée. C’est largement le cadre de la seule vie professionnelle. Elle pose alors l’usager lui-même en outre des questions graves sur les inégalités qu’elle pour- qui est propriétaire de ces rait générer. technologies. La seconde éventualité est de concevoir une technologie Mais cela risque de donner extérieure à l’individu qu’il puisse utiliser ou non dans sa à la personne handicapée, vie professionnelle. Par exemple, des outils permettant dans sa vie personnelle et 10
Si on devait mettre en avant une idée “prendre en compte prioritaire qui met la technologie au service d'autres critères de l’inclusion, quelle serait-elle ? Pouvez- vous la décrire et en quoi elle vous parait comme prioritaire par rapport à d’autres ? le bonheur, la La priorité me semble être de procurer aux personnes handi- réussite sociale, capées les technologies qui leur permettent à la fois de créer l'épanouissement“ des liens et des situations d’interdépendance réciproque selon leurs désirs, et de les faire échapper à tout risque familiale, des performances de dépendance imposée. De telles technologies devraient supérieures à celles de ses notamment assurer la liberté de déplacement, la possibilité proches. Les conséquences de regarder ses interlocuteurs à hauteur de regard sans être peuvent être compliquées obligé de lever la tête et les yeux vers eux, dans une posture à gérer. Tout d’abord cela de soumission ; la possibilité de pouvoir les écouter et leur risque de donner à la per- répondre sans être obligé de les faire répéter ni de faire des sonne « handicapée-aug- efforts de voix démesurés, ainsi que la possibilité de se saisir mentée » un sentiment de des objets à proximité et de s’en servir. Si ces conditions toute-puissance probléma- étaient réunies, l’intégration des personnes handicapées tique et d’alimenter chez elle dans les espaces collectifs, aussi bien privés et familiaux des exigences narcissiques que publics, en serait considérablement favorisée, et cette plus grandes encore au ser- amélioration concernerait toutes les situations, qu’il s’agisse vice de son ego. Quant à ses de travail ou de loisirs. proches, la même situation peut encourager chez eux Qu’est-ce qui vous fait penser que cette une demande d’augmen- idée serait la plus importante en ordre de tation identique. Là aussi, priorité ? Avez-vous déjà confronté ou cette option présente donc des inconvénients qu’il testé cette idée/initiative auprès d’autres conviendrait de prévenir. personnes ? En tous cas, si les modi- Depuis quelques années, les tâches répétitives, dange- fications proposées aux reuses, épuisantes et sales ont été largement automatisées, personnes handicapées notamment dans le secteur automobile, et elles le seront sont durables, elles doivent plus largement encore dans les années qui viennent. Mais prendre en compte d’autres la technologie ne doit pas seulement venir en aide aux critères que l’adaptation personnes désignées comme handicapées, mais aussi éviter professionnelle, comme le que des personnes normales ne le deviennent. Or certains bonheur, la réussite sociale, métiers sont producteurs de handicap, aussi bien physique l’épanouissement, etc. que mental. 11
J’ai travaillé une grande eux ce qu’ils faisaient auparavant sans eux, un effort parti- partie de ma vie comme culier doit être apporté aux exosquelettes et au différents médecin hospitalier et je me véhicules réduisant les efforts, la pénibilité et la surcharge suis rendu compte à quel sensorielle. Et cela à la fois en utilisant des technologies point les infirmiers et les extérieures au corps et disponibles tout autant dans la vie aides-soignants devaient privée que dans la vie professionnelle. Il est urgent de créer gérer des tensions psy- des exosquelettes légers, faciles à enfiler et à enlever, et qui chiques et émotionnelles puissent être utilisés tout autant par des personnes en si- dont ils partagent la charge tuation de handicap durable que par des personnes devant avec les médecins, mais accomplir ponctuellement des tâches pénibles. aussi accomplir des tâches physiquement pénibles et On ne peut jamais faire aboutir une idée/ susceptibles de devenir rapi- initiative seul. Quels ingrédients vous dement douloureuses, voire paraissent nécessaires pour réussir la mise de créer diverses formes de handicaps durables. en pratique de cette idée ? Que faudrait-il Faire la toilette de malades mobiliser pour la réaliser ? Sur quel type grabataires, par exemple, de personnes faudrait-il s’appuyer pour la ou les aider à passer du rendre concrète ? fauteuil au lit et du lit au fauteuil, oblige à des efforts Il faudrait mobiliser à la fois les structures de soin, les asso- considérables dont les effets ciations de professionnels et les ingénieurs, pour lesquels psychiques autant que phy- l’Académie des Technologies pourrait être un relais utile. siques sont très largement Mais n’oublions pas l’impact psychologique des techno- sous-estimés. À la différence logies. Si elles sont appelées à compenser les handicaps des métiers dangereux et à les prévenir, il est également important de veiller à ce et salissant évoqués plus qu’elles ne les suscitent pas ! À l’Institut pour l’Étude des Re- haut, il serait dangereux lations Hommes-Robots (IERHR), nous sommes très attentifs que ceux-ci soient confiés à aux relations perturbantes que certaines personnes, patients des machines. La présence ou soignants d’ailleurs, peuvent nouer avec les objets tech- humaine y est absolument nologiques. Si nous ne nous y intéressons pas dès mainte- indispensable mais elle im- nant, nous risquons plique en même temps des de laisser s’installer activités physiques pénibles une véritable bombe et à terme possiblement “nous ne voulons à retardement. C’était le sens de la mise en handicapantes. pas que les robots garde du de 2017 : Si nous ne voulons pas que « Robotique et santé les robots remplacent les remplacent les mentale, pour des soignants, mais qu’ils les soignants“ robots qui aident les aident à faire mieux avec malades à aller mieux 12
“ce n’est pas à ceux lise dans nos smartphones, à l’intimité et au qui fabriquent ces discours intérieur, à l’attente et à la solitude, au temps, à l’espace, au deuil, à la sexualité, machines de nous dire et même à la honte et à la culpabilité. Mais comment elles doivent les bouleversements les plus importants sont encore à venir. Avec la révolution de « l’intel- fonctionner, mais à ligence artificielle empathique », le produit leurs utilisateurs “ le plus demandé risque d’être une « person- nalité artificielle » avec laquelle interagir. Ces nouveaux usages auront évidemment un fort impact sur la manière de penser les émotions et ne rendent pas malades et même l’idée que nous nous faisons d’une « personne ». Le les bien portants ». comprendre, et réfléchir notamment à la manière dont les technologies devraient lutter contre l’isolement et générer La relation que l’être plus de socialisation, est pour moi un axe essentiel de la humain entretient avec ses cyberpsychologie. Et c’est dès aujourd’hui qu’il faut réfléchir objets technologiques n’est à ces logiques structurantes. pas seulement une ques- tion éthique. Elle oblige en Ce n’est pas à ceux qui fabriquent ces machines de nous dire effet à penser une nouvelle comment elles doivent fonctionner, mais à leurs utilisateurs. psychologie, qu’on peut ap- Il existe beaucoup de solutions technologiques, législatives peler « cyberpsychologie » et éducatives, mais toutes doivent commencer par préserver en hommage à Norbert la distinction entre humains et machines ; nous militons Wiener, le fondateur de la pour des robots qui ne remplacent pas les humains, mais cybernétique. Nous avons qui permettent à des humains de faire mieux, avec plus en effet pris un retard consi- d’efficacité et moins de fatigue, ce qu’ils faisaient jusque-là dérable dans la compré- sans robots. La visée du transfert doit se faire sur l’humain, hension des relations que pas sur la machine. Et pour cela, commençons par intro- l’homme entretient avec duire les robots comme des outils, c’est-à-dire ni comme des ses objets technologiques. animaux, ni comme des peluches. N’encourageons jamais Nous allons avoir besoin de les manifestations affectives face aux machines, comme « guides psychologiques » par exemple en incitant les personnes âgées à les embras- pour comprendre comment ser lorsqu’on les leur apporte ou qu’on les leur enlève. On considérer les machines n’incite pas les patients à embrasser leurs médicaments, ou les humains augmentés pourquoi les inciter à embrasser leur robot ? Il y a urgence à par elles, et nous allons poser autour de ces questions les bases d’un débat citoyen, devoir repenser ce qui fait et pas seulement pour des raisons éthiques. Il s’agit de pré- notre humanité et notre parer chacun à aborder dans de bonnes conditions psycho- dignité. Le numérique a déjà logiques la révolution des machines. bouleversé notre rapport à la mémoire qui s’externa- 13
Philippe Trotin Directeur de la mission Handicap et E-Accessibilité Accessibility Lead chez Microsoft France Bonjour Sophie, que puis-je pour toi aujourd'hui ? 14
Selon vous, en d’un clavier (dyspraxie, quoi la technologie troubles moteurs…). Il est également possible et la robotique d’adapter les conditions pourraient-elles d’affichage sur les écrans, représenter des en utilisant par exemple opportunités des filtres de couleurs pour d’innovations gérer les problématiques de trouble de la vision inclusives dans le comme le daltonisme. Nos monde professionnel, solutions automatiques en particulier pour de sous-titrage incluant la les personnes traduction adressent non handicapées ? seulement les personnes souffrant de problèmes d’audition mais également les personnes ne maitrisant pas une langue. La mission de Microsoft Ce ne sont que quelques exemples dans nos outils qui consiste à fournir à chaque permettent de s’adapter aux difficultés de chacun pour offrir individu et à chaque orga- un environnement de travail et de créativité le plus inclusif nisation sur la planète, les possible. moyens de réaliser leurs ambitions. De quelle manière Microsoft contribue à « associer » l’humain et la technologie pour Les évolutions technolo- giques s’inscrivent tout que ce « duo » soit véritablement vecteur naturellement dans cette d’inclusion pour les personnes handicapées ? démarche avec la mise à La société a trop longtemps mis de côté les personnes disposition de fonctionnali- « différentes » en prétextant des difficultés d’intégration ou tés inclusives au niveau des la nécessité d’effectuer des adaptations coûteuses pour un postes de travail bureau- petit nombre de personnes concernées. De très nombreux tiques dans nos outils talents peuvent souffrir d’un handicap et ces talents sont Windows 10 et Office 365. une richesse essentielle pour les entreprises. En réfléchis- Par exemple, il est désor- sant à proposer des solutions qui leur sont adaptées, nous mais possible d’utiliser une faisons évoluer les pratiques et la conception des solutions dictée vocale pour répondre technologiques au service de tous. aux difficultés d’utilisation Microsoft utilise pour le développement de ses produits une démarche de conception inclusive “nos outils [...] (https://www.microsoft.com/design/inclusive). Cette démarche permet de s’assurer que nos solu- permettent de tions technologiques répondent bien aux besoins s’adapter aux difficultés de chacun“ 15
de tous nos utilisateurs en intégrant toute la richesse de leur et de moins en moins avec diversité. un clavier. La technologie est, et doit rester, un outil au service de l’hu- Qu'est-ce qui vous main. La technologie permet en particulier d’augmenter les conduit à penser capacités humaines en associant deux éléments : d’une part, que ce sont les un volume de données collectées important (avec la généra- technologies liées à la lisation des objets connectés capturant les sons, les images, voix qui sont les plus les mouvements, …), d’autre part, une capacité de calculs prometteuses ? et d’analyse de ces données beaucoup plus importante que par le passé grâce à la puissance de calcul de notre Cloud Je positionne les tech- (dénommé Azure chez Microsoft). Ces technologies per- nologies liées à la voix mettent par exemple de pallier les difficultés à appréhender comme prioritaires car elles correctement l’environnement d’un individu. La technologie adressent un volume de devient ainsi la béquille, les oreilles, les yeux des personnes population gigantesque, en situation de handicap qu’elle soit atteinte d’un handicap ou non. Certaines Si on devait mettre en avant une idée personnes sourdes ne prioritaire qui met la technologie au service réussissent pas à se faire de l’inclusion, quelle serait-elle ? Pouvez- comprendre lorsqu’elles s'expriment verbalement et vous la décrire et en quoi elle vous parait c’est un facteur d’exclusion. prioritaire par rapport à d’autres ? La voix peut également répondre à de nombreuses Il est très difficile autres formes de handi- de prioriser dans cap (dyspraxie, personnes “hiérarchiser la mesure où nous essayons de ré- atteintes de trouble de la vision etc …). l’importance relative de pondre à une large diversité de cas de Nous avons par ailleurs différents handicaps ! figure et d’adresser avancé à grand pas sur C’est impossible“ le plus de handi- des solutions pour les caps possibles avec malvoyants comme par nos solutions. C’est exemple avec notre appli- un peu comme si cation Seeing AI qui devrait vous me demandiez de hiérarchiser l’importance relative de sortir prochainement différents handicaps ! C’est impossible. Néanmoins, je dirais en français. Si je devais que les avancées technologiques les plus prometteuses sont résumer, je dirais que cette celles qui sont relatives à la voix. J’imagine que, dans un application permet d’ac- future proche, nous allons de plus en plus utiliser notre voix compagner une personne via la technologie pour interagir avec notre environnement non voyante grâce à 16
l’intelligence artificielle dans sa vie quotidienne. Un assis- Que faudrait-il tant vocal, disponible à travers des lunettes connectées ou mobiliser pour la sur un smartphone, décrit précisément l’environnement de l’utilisateur qui l’interroge, lit des textes, analyse des images, réaliser ? Sur quel identifie des billets de banque et bien d’autres fonctionnali- type de personnes tés. « Seeing AI » est donc capable de convertir des données faudrait-il s’appuyer visuelles en feedback audio. L’intelligence artificielle ne se pour la rendre contente pas de décrire vaguement une image ; elle prend concrète ? le temps de détailler chaque élément et de les situer dans l’espace. L’application peut même décrire en temps réel Plus nous aurons de col- l’apparence physique des personnes, de l’environnement et laborations sur le terrain estimer leur humeur. C’est un vrai progrès pour les applica- avec des contributions de tions de l’intelligence artificielle. personnes en difficulté, plus nous serons en mesure En revanche, nous devons encore progresser face aux d’apporter des outils challenges du handicap auditif qui représente pratiquement efficaces. Par exemple, pour la moitié des personnes en situation de handicap en France l’amélioration des solutions (5,4 millions / 12 millions). Lors de nombreux évènements, d’analyse de la voix, il est j’ai été personnellement confronté à des personnes souhai- nécessaire de travailler avec tant poser des questions à l’issue de ma présentation. Il est des personnes présentant toujours très gênant de demander à la personne de répéter des troubles de l’élocution ce qu’elle vient de dire car on a été dans l’incapacité de la ou encore sur des personnes comprendre. Pouvoir s’exprimer et se comprendre est un ayant de forts accents. enjeu très important de l’inclusion L’Intelligence Artificielle permet aujourd’hui de On ne peut jamais faire aboutir une idée/ répondre à de nombreuses initiative seul. Quels ingrédients vous solutions mais l’important paraissent nécessaires pour réussir la mise en est de disposer des don- pratique de cette idée ? nées permettant de faire fonctionner les algorithmes Pour réussir cette recette, il faut mélanger des experts tech- d’apprentissage. Dispo- niques, des chercheurs, des startups mais aussi, bien enten- ser de nombreuses voix du, les principaux utilisateurs que peuvent être les personnes différentes avec différents en situation de handicap. types de difficultés per- mettra à des spécialistes Sur un autre registre, Microsoft a signé de nombreux par- de l’Intelligence Artificielle tenariats comme par exemple en France la collaboration de développer les solutions avec l’Association Valentin Haüy pour les tests d’usage et adaptées. de localisation de son application « Seeing AI ». Ce sont les utilisateurs qui font que la solution fonctionne et il faut donc bien travailler sur les usages. 17
Lambert Trenoras PhD CEO & co-fondateur Gyrolift 18
Selon vous, en entourage proche, je n’ai pas souhaité travailler quoi les nouvelles pour résoudre un problème technologies spécifique. Je voulais aller pourraient plus loin, travailler sur ce représenter une marché souvent jugé « de niche » pour le décloison- opportunité ner. C’est pourquoi j’ai fait d’innovation du produit Gyrolift le sujet inclusive dans le de ma thèse. Je me suis inté- monde professionnel, ressé au sujet de la mobilité au sens large, et j’ai voulu en particulier pour travailler pour adresser le les personnes plus de problématiques handicapées ? possibles ; de la sclérose en plaques aux personnes ayant eu un AVC… L’idée est simple : plus je pourrai cibler un marché J’ai une sensibilité technolo- large, plus je pourrai proposer des coûts accessibles pour une gique car j’ai suivi un cursus solution qui permettra de dé-stigmatiser le fauteuil roulant. d’ingénieur. Quand j’ai dû Pouvez-vous nous décrire Gyrolift ? Depuis choisir mon orientation, je me suis dit que le monde quand existez-vous ? Où êtes-vous implantés ? n’avait pas forcément besoin Avez-vous des concurrents etc... d’encore un nouvel ingénieur Gyrolift est une solution de mobilité inclusive. Basée sur une en aéronautique ou auto- technologie gyropodique (type Segway, OBW…), nous avons mobile, et qu’une spéciali- développé un module robotique afin de permettre à tout type sation sur la réhabilitation d’usager de se déplacer aussi bien assis que debout. Pour des et le handicap apporterait personnes à mobilité réduite, le Gyrolift apporte une solution quelque chose de réelle- moderne, design, dé-stigmatisante. Offrant une verticalisa- ment positif, d’autant que tion à des personnes en fauteuil roulant et ainsi des avan- le nombre d’étudiants dans tages physiologique (réduction des escarres, consolidation ces spécialités est beaucoup des os, circulation sanguine…), des avantages psychologiques moins important. C’est (être à la même hauteur qu’un interlocuteur, ne pas avoir le pour cela que j’ai choisi sentiment d’être vu de haut…) et des avantages en termes de rejoindre ce master à d’autonomie (accès aux objets en hauteur, plan de travail…). l’université Pierre et Marie Mais son design universel ouvre la porte aussi à des per- Curie à Paris, et que très ra- sonnes valides ! pidement je me suis orienté sur des travaux relatifs aux La société existe depuis 2017 mais le projet est né en 2011. handicap et à l’accessibilité Nous sommes implantés à Orléans et à Paris. Si nous devons dans le monde profession- nous comparer, il existe de nombreuses solutions de mobilité nel. Contrairement à des comme des scooters PMR, des fauteuils roulants manuels personnes qui sont touchées ou électriques, et même des fauteuils roulants, électriques, par le sujet du handicap verticalisateurs. Cependant, ce sont des solutions très stigma- dans leur famille ou leur tisantes, qui n’ont pas évolué depuis de nombreuses années ; 19
“la priorité était de développer coûteuses, lourdes et volumineuses et qui n’offrent pas les une solution possibilités qu’offrent un Gyrolift. Il existe des solutions basées sur un gyropode mais aucune n’offre la verticali- universelle“ sation. Selon vous, quelle est l’idée prioritaire/la rompre avec les clichés du handicap et du fauteuil vision qui vous a guidé dans la création de roulant. Gyrolift ? Pouvez-vous la décrire et en quoi elle Nous pensons que la vous parait prioritaire par rapport à d’autres ? conception universelle Si je devais résumer notre idée directrice, je dirais qu’il faut permet l’inclusivité et l’inté- proposer des solutions technologiques universelles ac- gration de tous. Rompre le cessibles à tous, aussi bien aux personnes en situation de stigmate visuel ou la barrière handicap qu’aux personnes valides. Qui se souvient que la du handicap pour se concen- télécommande était à l’origine un outil conçu pour simplifier trer sur l’humain. Pour une la vie des personnes à mobilité réduite face à leur téléviseur ? personne en situation de Concrètement, des technologies actuelles comme le SMS, le handicap, c’est permettre à mode vibreur des smartphones ou la commande vocale ont la personne une accessibilité, bien été développées pour des personnes handicapées à l’ori- une intégration sociale et gine, et pourtant personne ne saurait s’en passer aujourd’hui ! professionnelle, et pour une C’est la conviction qui nous guide chez Gyrolift. Pour nous, personne valide, de passer c’est ça la vraie inclusion ! Les personnes en situation de outre la barrière du matériel handicap veulent juste être comme tout le monde et arrêter médical... d’utiliser des solutions stigmatisantes. Qu’est-ce qui vous Deux situations récentes m’ont encore conforté dans cette vi- sion. Lors d’une démonstration sur le salon technologique VI- fait penser que VATECH, un jeune garçon m’a interpellé en me disant « il est cette idée serait la vraiment sympa votre nouveau Segway ! Ça coute combien ? plus importante ? Je pourrais l’acheter chez Darty ? » Quand nous lui avons Comment avez-vous expliqué qu’il s’agissait avant tout d’un nouveau type de fauteuil roulant, on a pu lire une vraie surprise sur son visage. confronté ou testé Même chose quand j’ai testé le Gyrollift dans un centre com- cette idée/initiative mercial, l’agent de sécurité qui m’avait laissé passer à l’entrée auprès d’autres me rattrape et me demande « c’est quoi cet engin ? », « c’est personnes ? un fauteuil roulant ! », « ah pardon monsieur… ». Si personne ne pense que c’est un fauteuil roulant, alors que c’en est un, et Les besoins des responsables qu’en plus des valides voudraient pouvoir l’utiliser, alors c’est handicap dans les entre- gagné ! Nous avons créé une technologie inclusive innovante. prises sont énormes et com- plexes, et leur apporter une C’est pour cela que pour nous la priorité était de développer solution simple et accessible une solution universelle. Cela devait nous mener à dévelop- va permettre de démocra- per une solution qui soit inclusive, qui réponde aux besoins tiser au plus grand nombre de tous sans oublier les personnes à mobilité réduite. Il faut des solutions technologiques 20
inclusives. C’est la taille du marché qui rend le concept si im- aller encore plus portant. Quand on s’adresse à des entreprises comme Thalès avec son « technopôle », ou Amazon avec ses entrepôts, on loin ? travaille pour des personnes qui doivent faire plus de 25 km Les principaux freins sont par jour, qui se déplacent toute la journée et qui subissent finalement de bonnes une vraie pénibilité du travail liée à une hypermobilité. Pour choses… Ce sont tous les autant, ces personnes n’utiliseront jamais un fauteuil roulant aspects règlementaires, pour se déplacer plus facilement. Des solutions comme le Se- homologation, et admi- gway par exemple ne sont pas non plus optimales ; après des nistratifs pour faire rentrer tests, les utilisateurs remontent des douleurs dans les jambes le dispositif sur la liste des au-delà de trente minutes d’utilisation par exemple. C’est produits et prestations rem- pourquoi le Gyrolift représente une solution intéressante. boursables par la sécurité Il adresse tous les besoins de ces entreprises, y compris les sociale. C’est un process personnes en charge des sujets d’employabilité et des coûts aussi compliqué que celui qui d’aménagement pour les employés en situation de handicap. consiste à lancer un médica- C’est pour cela qu’avec les missions handicap chez Enedis ou ment ! Tant que le dispositif Dassault systems, nous rencontrons de nombreuses entre- ne sera pas estampillé prises qui veulent en savoir plus sur la solution. CE, nous ne pourrons pas lancer des tests larges avec On ne peut jamais faire aboutir une idée/ de nombreux utilisateurs. initiative seul. Quels ingrédients et quels types Mais c’est prévu avant la fin de personnes vous paraissent nécessaires 2019. Alors oui c’est compli- qué, oui c’est un peu long… pour réussir le déploiement de votre projet ? Mais nous ne travaillons Il faut staffer une équipe solide, motivée et quelque part, pas sur un nouveau gadget investie par le projet et la philosophie de la société. Puis il faut connecté ou une nouvelle s’entourer de partenaires financiers, techniques et conseils qui application de services qui comprennent ce que vous cherchez à réaliser et qui vont vous se développe beaucoup plus faire progresser et gagner du temps. Mais dès le début, nous rapidement dans la Silicon avons travaillé en collaboration. En réalité, ce sont les associa- Valley. Nous sommes arrivés tions d’utilisateurs de fauteuils roulants avec lesquelles nous au bon moment, nous avons travaillions qui ont eu l’idée du Gyrolift. La collaboration avec toujours été soutenus par les médecins, ergothérapeutes et ergonomes nous a appor- différentes communautés té les « insights » quantitatifs dont nous avions besoin. Par et nous sommes conscients exemple, qu’il ne fallait pas dépasser les 70 degrés d’inclinai- qu’il faut tous ces aspects son dans la position debout pour ne pas créer de sensation de réglementaires pour contrô- chute potentielle. La collaboration avec les associations nous ler et sécuriser ce genre de apporte les « insights » qualitatifs complémentaires, avec des dispositif. Mais c’est vrai que usagers finaux de la solution. Et l’amélioration est perma- nous sommes très impa- nente ; par exemple, nous testons des optimisations via les tients de pouvoir offrir le réseaux sociaux auprès de nos communautés. dispositif aux usagers finaux et avoir pleinement leurs Quels sont les principaux freins au retours déploiement du projet et que faudrait-il pour 21
Stéphane Martin Directeur Général de l'Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) 22 2
Selon vous, en quoi tous ses messages, sens la publicité ouvre et sons, émis. Mettre au service de cette cause, des opportunités comme de toutes les en matière autres, les qualifications, d'innovation expertises, recherches inclusive, développées par et pour les marques est dans le monde en soi une contribution professionnel et légitime de la publicité en particulier pour à son environnement les personnes quotidien, pouvant aussi handicapées ? concourir à sa meilleure acceptation politique et sociétale. Par essence, la publicité a toute sa place dans De quelle manière l’ARPP contribue à faire la vie de la cité, s’expo- de la publicité un facteur d’inclusion pour sant aux citoyens dans leurs dimensions, certes les personnes handicapées ? de consommateurs, L’ARPP (dénommée BVP jusqu’en 2008) est, depuis sa mais aussi d’acteurs de fondation en 1935 en France, l’émanation de profes- l’économie, qu’ils soient sionnels ayant à cœur de pérenniser leur activité par entrepreneurs, salariés, un comportement économique responsable, favorable actionnaires, partenaires, à une concurrence saine et loyale, préservant la liberté académiques, inactifs… constitutionnelle d’entreprendre, et par conséquent de Le monde profession- communiquer commercialement auprès de clients et nel de la publicité n’y « prospectés » selon la qualification de l’époque. Pour échappe pas, qu’il soit en ce faire, les annonceurs, les agences, les moyens et sup- charge des marques, leurs ports de diffusion conseils et experts, ou des messages, diffuseurs, il se doit dou- établissent en- blement d’innover : en semble, après avis son sein d’abord, par ses et écoute forma- pratiques managériales lisés de la société en diversifiant les profils civile, leurs règles et opérant des recrute- professionnelles ments inclusifs, et par de bonnes pra- son expression créative tiques en matière et technologique dans de publicité, et les représentations de 23 3
chargent, en le finançant té » pour préserver la confiance des consommateurs ; par cotisation volontaire, bien au contraire, l’autorégulation complémente le leur organisme d’autoré- « droit dur », particulièrement sur les représentations gulation de les conseiller dans la publicité, qui ne peuvent être strictement nor- à leur application avant mées et régulées sans attenter aux libertés. diffusion, mais aussi de les contrôler par divers Les règles abordant la notion de handicap en publicité, moyens (autosaisines ad que la profession a fixé de longue date, tant au plan hoc, bilans et observa- mondial (Code de la Chambre de commerce interna- toires publiés, jury indé- tionale (ICC)) qu’en France (Recommandation ARPP pendant de traitement Image et respect de la personne – première version en des plaintes de consom- 1975), se font avant tout sous l’angle de la non-discri- mateurs, Organisations mination et de la notion de stéréotype. C’est encore Non Gouvernementales, aujourd’hui sous l’approche de « ne pas exclure » que concurrents, institutions plutôt « d’inclure », que le handicap et les personnes publiques…). handicapées sont appréhendés dans la publicité, ce qui est en soi une contribution à la juste représentation Ce dispositif de « droit des personnes handicapées. Mais de manière générale, souple », conçu et optimi- la règle déontologique fixe le terrain de jeu créatif, sé depuis plus d’un siècle, qui peut évoluer dans le temps, mais n’impose pas sa d’abord aux Etats-Unis nature, ni délivre des injonctions sociétales aux profes- (premier better business sionnels responsables in fine devant leurs audiences. bureau en 1914), même si la France a été pion- Si on devait mettre en avant une idée nière en Europe, est bien évidemment présent dans prioritaire qui met la publicité au service tous les marchés, au fur de l’inclusion, quelle serait-elle ? Pouvez- et à mesure de leur matu- vous la décrire rité, y compris dans le cas et en quoi elle d’économies plus politi- vous parait quement encadrées (ex. Russie). L’autorégulation prioritaire de la publicité ne s’op- par rapport à pose pas à la réglemen- d’autres tation, qui, par exemple, combat avec efficacité Souvent encore, les pratiques commer- les (trop) rares ciales mensongères ou campagnes repré- trompeuses, la démarche sentant le handi- originelle de nos aînés, la cap mettent, avec « vérité dans la publici- raison, en avant 24
la sensibilisation à la question, pour « dénon- cer », pour « interpeller » et non pour représen- ter des personnes tout simplement ; c’est notre démarche de progrès col- lective à avoir. Quelques annonceurs ont réussi, à notre sens, ce pas supplé- mentaire vers l’inclusion. Par exemple, en valori- sant la personne (« avant j’étais timide »), le handi- cap moteur rendu acces- révèle qu’en fin de spot publicitaire, les premiers plans soire (Krys), en utilisant montrant simplement un jeune homme - de couleur l’humour de Jamel Deb- - cadré haut, visiblement heureux de ses vacances. bouze pour dédramatiser En la matière, les festivals mondiaux de publicité ne le sujet (Agefiph 2010), révèlent pas des pays plus avancés sur cette inclusion, en valorisant avant tout sauf quelques exceptions primées, parfois dans des la fonction profession- catégories ad hoc, révélant plus souvent le volume et la nelle du cuisinier « star » créativité reconnue des pays anglo-saxons en premier. (Grégory Cuilleron pour l’Agefiph), jusqu’à un Pour autant, si le Code du travail s’est sensiblement chanteur valide (Stro- renforcé, alternant pénalités (taxes, taux d’emploi mae) qui prend place seuil de 6 %…) et incitations (adaptation financée du dans un fauteuil roulant poste de travail, recours aux entreprises adaptées…), y et milite pour des festi- compris pour l’emploi public, les agendas associatifs et vals accessibles pour tous politiques n’ont pas la même urgence, qui se traduisent (« alors on danse ? »). dans la communication des entreprises devant ré- L’étape suivante dans les pondre à leurs parties prenantes. Aujourd’hui, la poli- représentations est pro- tique RSE s’est en cohérence calée sur l’accord de Paris posée par exemple par la sur le climat (COP 21, décembre 2015) et ses objectifs plateforme néerlandaise de développement durable déclinés nationalement. Le de tourisme (booking. « zéro exclusion » y côtoie bien les objectifs de neutra- com). Elle illustre en effet lité carbone ou de « zéro déchet », mais pour le vaste que l’accessibilité aux tissu de Petites et Moyennes Entreprises et Entreprises fauteuils roulants fait de Taille Intermédiaire, si les nécessités de l’emploi et partie de ses critères de du management sont réelles, l’attention, l’investisse- recherche, mais ne le ment, les ressources… sont davantage tournés vers 25
la question les normes ouvertes “impulser les environne- d’accessibilité numérique bonnes pratiques mentale et les existent et s’imposent de- transitions à puis 2005 aux services de managériales et opérer. communication publique de soutien à Selon-vous, en ligne pour les adminis- trations ; aux entreprises toutes les comment volontaires de s’en saisir innovations” agir pour pour des communications commerciales. donner plus de On ne peut jamais place aux personnes handicapées ? faire aboutir une idée seul. Sur nombre de sujets, il s’avère que le public est bien plus réceptif qu’on ne le pense généralement à cette Quels ingrédients approche par la représentation normale de la diversité vous paraissent de nos sociétés : ni invisibiliser, ni discriminer positive- nécessaires pour la ment. Cette approche inclusive trouve de plus en plus faire aboutir ? sa place dans les propositions adressées à la société. Mais là encore, la Commission développement durable Pour conforter les ini- de l'Association des Agences Conseil en Communica- tiatives inclusives dont tion s’est émue à l’été 2019 que les plus de 5 millions nous avons parlées, de téléspectateurs malentendants n’avaient toujours chaque contributeur doit, pas accès aux sous-titrages d’une grande majorité des dans sa spécificité, son films publicitaires diffusés sur les chaînes qui ont l’obli- secteur, son origine… se gation (à partir d’un seuil de part d’audience et de leur désinhiber et comprendre convention avec l’autorité administrative) de sous-ti- que c’est une démarche trer les programmes encadrant les écrans publicitaires. globale, collective, de Le législateur n’avait pas voulu contraindre la publi- toute une filière allant cité, laissant ainsi la profession s’engager volontaire- de l’avant, qui l’entoure ment dans cette démarche, dont on pourrait a minima et l’encourage. Il appar- penser optimiser chaque contact publicitaire pour un tient ainsi à chacun, par surcoût reconnu modeste : des marques systématisent exemple dans le respect le sous-titrage, des institutions aussi, mais l’annon- de la Charte d’engage- ceur public n’est lui-même pas toujours exemplaire. Et ments pour une commu- pour les près de 2 millions de personnes en situation nication responsable de de handicap visuel, l’effort d’audiodescription des 2008, dont le programme programmes est effectif, guère pour la publicité alors FAIRe de l’Union des que se sont multipliés les écrans de toute taille, encore marques est une nouvelle plus petite que l’écran de la pièce principale. Là encore, étape, associant leurs 26
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