Dans nos assiettes - ID, l'Info Durable
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
# 2 | Avril - Juin 2020 Le guide pour faire sa transition L ’ éc o l o g i e a s s i e t t e s dans nos MANGER MIEUX SANS DÉPENSER PL US ! ANALYSE Des experts décryptent les enjeux d’une alimentation plus durable Une publication ID (www.linfodurable.fr) AU QUOTIDIEN Plus de végétal, de local et de saison dans son assiette : mode d’emploi EXCLUSIF Des chefs proposent leur version “bas carbone” de plats régionaux 5,90 euros En partenariat avec Idées Pratiques l Avril – Juin 2020 1
#2 | Avril - Juin 2020 Rédaction Directeur de la rédaction : Valère Corréard Rédactrice en chef : Camille Dufétel Rédaction et contributions : Valère Corréard, ÉDITO Camille Dufétel, Agathe Palaizines, Marie Grain-Pao- lini, Clément Pedrosa redaction@linfodurable.fr A Experts/Contributeurs vec plus de 9 milliards de personnes à nourrir Shafik Asal, Victor Brun, Jean-Luc Fessard, Rémy Giraud, Jean-François Hocquette, Christophe Lavelle, d’ici 2050 dont 72 millions dans l’Hexagone, notre Flore Madelpuech, Josselin Marie, Déborah Ohana. transition vers un quotidien plus durable doit Publicité passer en grande partie... Par notre assiette ! Assiette Responsable : Stéphanie Veaux qui constitue d’ailleurs entre 20 et 50 % de l’empreinte Chargés de développement : Linda Notari, carbone des Français. Kevin Peschot, Ilyas Nouri sales@linfodurable.fr Nous avons tendance à consommer de plus en plus Communication, partenariats et abonnements de produits transformés ou issus de la restauration Responsable : Audrey Blain Assistants : Nicolas Papon, Kadiatou Sow rapide, nous passons de moins en moins de temps en communication@linfodurable.fr cuisine, nous jetons respectivement 30 kg d’aliments Directeur de la publication par an aux ordures, dont 7 kg de produits encore Damien Coméliau emballés... Or, au-delà de notre façon de consommer, la Trimestriel édité par la SAS Valdamis au capital de production, la transformation, le stockage, le transport, 123 000 euros, siège social : 59, boulevard Exelmans 75016 Paris. et la distribution de nos aliments sont des étapes qui ISSN 2681-5451 pèsent très lourd sur le climat. Il y a nécessairement N° C.P.P.A.P : 0222K94179 des marges de manœuvre et, impossible de le nier, nous SIRET : 84302348200014 ©ID (www.linfodurable.fr) avons un rôle non-négligeable à jouer à ce niveau. Toute reproduction, même partielle, des textes, infographies et documents parus dans ce numéro est soumise à l’autorisation préalable de l’éditeur. N’oublions pas qu’avec notre carte de crédit, nous votons. Lorsque nous choisissons d’acheter en hiver Routage et diffusion des betteraves produites localement plutôt que des Sud Routage, 110, route de Rouquairol 30900 Nîmes tomates cultivées sous serre chauffée, nous optons pour un mode de consommation plus sensé. Manger local et Impression de saison était une évidence pour nos grands-parents, à Magazine imprimé en France avec des encres végétales, sur du papier composé à 50 % de fibres des années lumières de nos tartines à l’avocat. Pourquoi recyclées, par Goubault Imprimeur certifié ISO 14001 serait-il si difficile d’y revenir ? Plus de végétal dans nos Mise en page assiettes, moins de gaspillage voire plus du tout : Agence Apresta : Élodie Botte & Stereva les pistes sont nombreuses pour mettre davantage communication d’écologie dans nos assiettes, et ce, sans dépenser plus ! Illustrations Nat Mikles LA RÉDACTION Crédits photos Charles Delcourt, JC Domenech, ID, Thomas Louapré, Thierry Samuel, Shutterstock, Magazine en partenariat Imaginé, rédigé, avec « Bon pour le climat » réalisé, imprimé et diffusé pas trop loin de chez vous... Idées Pratiques l Avril – Juin 2020 3
20 53 30 52 8 42 #2 | Avril - Juin 2020 SOMMAIRE 6 UN GRAND ENTRETIEN Avec Christophe Lavelle, chercheur au CNRS et au Muséum national d’Histoire naturelle. 30 DES PRODUITS LOCAUX ET DE SAISON Vente directe à la ferme et sur les marchés, points de vente collectifs, paniers, 8 L’ALIMENTATION, UN POIDS commerces de proximité... Les circuits courts alimentaires se diversifient en 52 UN PETIT QUIZ... Votre assiette respecte-t-elle 62 ON FAIT LE RÉCAP’ ! Avez-vous retenu ces quelques LOURD POUR LA PLANÈTE France : ce ne sont pas les solutions qui la planète ? Faites le point sur solutions-clés ? Pourquoi nos habitudes alimentaires manquent pour manger local (et donc de vos habitudes. ont-elles un impact non-négligeable saison) ! sur l’environnement ? 64 ET SI ON SOUTENAIT LA 42 NOTRE JOURNALISTE 53 VERS DES RECETTES TRANSITION ALIMENTAIRE ? Zoom sur le financement participatif, A TESTÉ... « BONNES POUR LE CLIMAT » 20 PLUS DE VÉGÉTAL Notre journaliste a pris la résolution pour Comment connaître l’impact carbone pour soutenir des projets durables ! DANS NOS ASSIETTES la nouvelle année 2020 de mettre moins de de nos aliments ? Plusieurs chefs nous Limiter sa consommation de viande, viande (et de poisson) dans son assiette. Et proposent au passage leur version « bas privilégier des produits de qualité et mettre plus de végétal dans ses menus de privilégier le local au passage. Son bilan et ses bons plans après plusieurs semaines carbone» de plusieurs plats régionaux traditionnels. 66 ALLER PLUS LOIN Quelques ressources qui ont servi sans dépenser plus, c’est possible. de défi. à l’élaboration de ce guide. 4 | L’écologie dans nos assiettes Avril – Juin 2020 | Idées Pratiques Idées Pratiques l Avril – Juin 2020 5
UN GRAND ENTRETIEN Un grand entretien lesquelles l’intérêt du public ne Pour autant manger durable agronomiques et dans des choix tarit pas. Après, il faut reconnaître peut aussi être une source raisonnés et raisonnables ! SANTÉ ET que certains baissent la garde sur d’économies ou, à tout le moins, le fait de cuisiner (et c’est bien cela ne demande pas forcément Le système agroalimentaire n’a dommage), mais pas forcément de dépenser plus ? pas encore fait sa transition, ENVIRONNEMENT : sur le fait de bien manger, en faisant alors appel à des Tout à fait, pour un pouvoir c’est encore une fois au consommateur de mettre la « Je prestataires (restaurants, services de livraison) pour assouvir cette d’achat donné, au mieux on maîtrise le sujet de l’alimentation, pression ? mange envie. au mieux on peut faire des choix Il est clair que le consommateur optimaux. Et même s’il existe se transforme doucement Selon sa situation financière des limites de dépenses en deçà en « consomm’acteur », et ce donc personnelle, bien manger prend desquelles il n’est plus possible une signification différente ? de se nourrir convenablement, notamment à travers les réseaux sociaux aujourd’hui omniprésents je suis » il est clair que l’éducation a un dans notre quotidien. Quand Bien sûr, c’est important d’insister rôle immense à jouer dans nos on voit toutes les évolutions sur ce point, car on assiste à l’idée choix alimentaires, et ce dès le récentes des pratiques de ©JC Domenech, pour le Musée de l’Homme qu’il y aurait un paradoxe français plus jeune âge. La malnutrition l’agroalimentaire mais aussi leurs avec des consommateurs qui est souvent le fait (dans les pays nouvelles stratégies marketing voudraient tous du bio local de développés en tous cas) d’une qui mettent systématiquement Christophe Lavelle est chercheur au CNRS et au Muséum national d’Histoire naturelle, saison (la trilogie gagnante !) tout misère sociale à deux faces : en avant le « durable », le « sain », à Paris. Spécialiste de l’alimentation, il enseigne la physico-bio-chimie culinaire au sein en mangeant régulièrement dans financière et culturelle. l’ « éthique », c’est clairement un les fast-food. Sauf qu’en réalité ce phénomène qui tend à répondre à de nombreuses universités et écoles et donne régulièrement des conférences auprès ne sont pas les mêmes personnes On entend beaucoup parler une demande forte de la société. du grand public et des professionnels (chefs, formateurs, ingénieurs). Il est également dont on parle. Quand on évolue de la place du végétal dans Les consommateurs n’acceptent formateur à l’INSPE pour les professeurs de cuisine et commissaire scientifique de comme moi dans le milieu de la l’alimentation, ce serait même plus certaines pratiques l’exposition « Je Mange Donc Je Suis » (Musée de l’Homme, octobre 2019 – juin 2020). gastronomie, on peut vite avoir une solution pour manger aujourd’hui, que ce soit en termes l’impression qu’autour de soi, tout mieux sur le plan sanitaire mais de bien-être animal, de pollution, le monde se sent concerné par aussi environnemental ? ou de recours aux additifs à la qualité de son alimentation et outrance, ce qui oblige les acteurs Est-ce que l’alimentation ou le kebab, ce qui nous éloigne bon à manger doit aussi être bon les conséquences de ses choix Oui ! On a clairement avec le du marché de l’alimentation reste un marqueur culturel et de cette image d’Épinal d’une à penser, disait fort justement sur le réchauffement climatique. végétal un double levier vertueux, à investir pour adapter leurs identitaire fort ? alimentation de terroir… Même si Claude Levi-Strauss. Sauf qu’en réalité, il y a une à la fois sanitaire et écologique : productions en conséquence, car l’un n’empêche pas l’autre ! majorité silencieuse qui prend pour cela, il suffit simplement ils n’ont plus vraiment le choix ! C’est clairement un marqueur On peut parfaitement avoir On est en train de perdre le sans doute moins la parole sur d’inverser la balance en Le consommateur a désormais identitaire car nous avons envie de mettre en avant, d’un goût de la « bonne bouffe » en les réseaux sociaux et dans les privilégiant le végétal sur l’animal compris que manger a une souvent ce réflexe de mettre en point de vue culturel, des plats France ? débats publics et qui se sent très dans notre alimentation. D’ailleurs, influence sur son corps mais avant des recettes de terroir, en de « nos » terroirs tout en ayant éloignée de ces questions-là. Ces lorsque l’on parle alimentation du aussi sur la société dans laquelle citant quelques plats ou produits une alimentation du quotidien Certainement pas ! En dépit consommateurs vont s’alimenter futur en y associant des solutions il vit, ces deux volets étant endémiques comme le cassoulet, puisant dans d’autres cultures. d’un pessimisme ambiant sur dans les grandes surfaces avec comme la viande in vitro, les aujourd’hui intimement liés, avec la choucroute, la bouillabaisse, D’ailleurs cet attachement ce thème de la malbouffe, cet ce qu’ils trouveront de moins cher insectes ou encore l’impression une prise de conscience de plus tel fromage, tel vin ou telle culturel à la gastronomie est à engouement pour le « bien et d’acceptable d’un point de vue 3D, j’y vois des scénarios de en plus forte. « Je mange donc charcuterie. En même temps, prendre en compte pour imaginer manger » n’a jamais été aussi gustatif, sans arrière-pensée. À ce science-fiction qui font le buzz je suis » résume bien cette idée dans les faits on voit que nous l’alimentation de demain, qui présent dans les débats, les titre, déclarer qu’il faut se passer plus que des tendances réalistes. d’impact et de rôle de ses choix sommes dans un système hyper ne pourra se baser uniquement médias ou encore les réseaux de la grande distribution est une Nous n’avons pas besoin pour alimentaires sur sa santé et celle mondialisé. Résultat, en France, sur des considérations sociaux. Il n’y a qu’à regarder le utopie de privilégiés déconnectés « nourrir l’humanité » d’aller vers de son environnement. les aliments les plus populaires environnementales, sanitaires ou succès des livres de cuisine, ou de la réalité. ces solutions tordues ; l’avenir sont devenus les sushis, la pizza encore agronomiques. Ce qui est encore des émissions de télé pour se joue dans nos modèles Propos recueillis par Valère Corréard. 6 | L’écologie dans nos assiettes Avril – Juin 2020 | Idées Pratiques Idées Pratiques l Avril – Juin 2020 7
’a lim e nt a t ion : L lo urd 10 « IL FAUT ÉVITER DE un po id s nète GASPILLER ET CONSOMMER CE DONT ON A BESOIN » po u r la p la 12 LES CHIFFRES DE NOTRE ASSIETTE La production agricole et la pêche, la consommation de produits transformés qui augmente – impliquant transformation, emballage, réfrigération –, le trans- 14 TROIS QUESTIONS À port et la distribution, mais aussi la consomma- JEAN-LUC FESSARD, tion en tant que telle et le gaspillage alimentaire DE « BON POUR LE CLIMAT » sont à l’origine de nombreux impacts sur l’en- vironnement. Zoom sur ces enjeux qui pèsent lourd. 16 LA JUNGLE DES LABELS ALIMENTAIRES Par Camille Dufétel et Clément Pedrosa 19 LA CHECK-LIST 8 | L’écologie dans nos assiettes Avril – Juin 2020 | Idées Pratiques
L’alimentation, un poids lourd pour la planète L’alimentation, un poids lourd pour la planète « Il faut éviter de gaspiller qu’on gaspille et qu’on viande. C’est plutôt l’accumulation car il peut les consommer, et ENJEUX perd le plus. Dans les pays de ces points faibles. Certains celles que l’Homme ne peut pas disent que la production de manger : c’est une chance à ce et consommer ce dont développés, c’est plutôt au niveau de la consommation. Si gaz à effet de serre par kilo de viande et notamment de bœuf niveau d’avoir des animaux car ils transforment en viande et en lait on a besoin » nous réduisions ce gaspillage alimentaire de moitié, nous est élevée. C’est vrai et c’est faux en même temps : en moyenne, des aliments (tels que l’herbe et les fourrages) que l’Homme ne serions en mesure de nourrir la population humaine c’est peut-être vrai mais il y a peut pas consommer. La viande beaucoup plus facilement. toujours des systèmes d’élevage concentre aussi les critiques ID s’est entretenu avec Jean-François Hocquette, directeur de Quelques études ont montré beaucoup plus respectueux de parce qu’il faut tuer un animal recherche à l‘Institut national de recherche pour l’agriculture, l’environnement que d’autres. Il pour l’obtenir. Cela dérange que nourrir neuf milliards de y a des contre-vérités véhiculées notre condition d’être humain l’alimentation et l’environnement (INRAE), sur plusieurs grands bouches est réalisable avec un peu partout, dont l’une est qui vient lui-même de l’animal. enjeux de l’alimentation. notre production actuelle* ! Un répétée en boucle : c’est qu’il Que des gens ne veuillent pas autre enjeu consiste à bien faudrait 15 000 litres d’eau pour en manger pour des convictions adapter notre consommation produire un kilo de viande de personnelles, il n’y a évidemment ©Jean-François Hocquette DR à nos besoins : des études ont bœuf. Cela fait longtemps que aucun problème avec cela. montré que l’impact carbone de plusieurs instituts de recherche Mais il ne faut pas justifier une L’impact de personnes qui ont un impact même temps, il faut continuer à l’alimentation dépend surtout dont l’INRA ont expliqué que ce conviction personnelle avec des l’alimentation sur carbone plus important que produire des produits animaux de la quantité que l’on mange et chiffre prend en compte l’eau arguments scientifiques qui sont d’autres, en fonction de leur et végétaux de qualité, tant sur l’environnement mode de vie et notamment beaucoup moins de la qualité de de pluie nécessaire pour faire mal interprétés ou faux. le plan de la sécurité alimentaire l’assiette. Selon la prospective pousser l’herbe. Mais si vous est indéniable. de leur alimentation. Aussi, que des qualités nutritionnelles Mais qu’est-ce qui il est certain qu’un système ou sensorielles. Et le tout en Inra-Cirad Agrimonde-Terra, enlevez les bovins et les moutons Comment faire, il est possible de nourrir la des pâturages, l’eau de pluie va dans ces conditions, pose problème, d’alimentation qui valorise les prenant en compte les attentes population mondiale en 2050 continuer à tomber, l’herbe va concrètement ? ressources naturelles sans sociétales nouvelles qui se continuer à pousser, sauf qu’elle pour mettre plus en ramenant partout « la dégrader l’environnement développent en particulier ne sera pas valorisée par les d’écologie dans disponibilité alimentaire entre Toute activité humaine peut est meilleur qu’un système dans les pays développés car 2750 et 3000 kcal/jour par animaux. En réalité, il faut 500 à son assiette ? s’accompagner d’un impact sur d’alimentation compliqué avec la population y est très urbaine. 700 litres d’eau par kg de viande des aliments produits à un Par exemple, aujourd’hui, la habitant », en particulier pour l’environnement. On peut citer de bœuf. Il faut faire attention à ne pas endroit, mais consommés à vision de l’animal évolue : des nous, population occidentale le maintien voire la réduction gaspiller, à consommer ce dont un autre. Cela induit des coûts questions prennent de plus en et de l’Union européenne. de la biodiversité animale et On dit aussi que la viande est on a besoin mais pas plus, et végétale, la consommation d’eau de transport notamment, et plus d’importance concernant le Actuellement, on est peut-être un processus inefficace car on a s’attacher non pas à choisir et la qualité de l’eau, mais aussi à partir du moment où l’on bien-être animal. facilement 10 % au-dessus. besoin de beaucoup de protéines des aliments spécifiques mais la production de gaz à effet de a un système agricole un végétales pour produire des plutôt à avoir une alimentation serre... Le fait de produire des peu agressif qui conduit par Un autre gros enjeu Pourquoi en veut-on protéines animales. On avance équilibrée, variée et diversifiée aliments, de cultiver des terres exemple à abattre des forêts, est celui de la lutte autant à la viande souvent qu’il faut 7 à 10 kilos de dont l’impact carbone sera agricoles, de faire de l’élevage, l’impact environnemental sera aujourd’hui ? nécessairement plus important. contre le gaspillage protéines végétales pour produire le plus faible possible, ce qui de transformer ses aliments a alimentaire ? un kilo de viande de bœuf : c’est passe par une alimentation forcément un impact carbone. Il y a des gens qui expliquent que vrai, sauf que dans ces protéines locale et des aliments peu Plus la population humaine Il faudrait donc la viande concentre un certain végétales, il faut faire la part des transformés. Le gaspillage alimentaire augmente, plus cet impact optimiser notre nombre de points de vigilance : choses entre celles qu’on donne carbone sera élevé, c’est évident. représente 1/3 de notre système alimentaire... production agricole. Dans les un seul d’entre eux ne suffit pas aux animaux et qu’on ferait Propos recueillis par Camille Dufétel. Le premier problème est donc à justifier le désamour pour la mieux de donner à l’Homme l’augmentation de la population. pays en voie de développement, C’est le premier enjeu pour des c’est au niveau de la production Ensuite, il y a bien sûr aussi des questions d’environnement. En *Selon le rapport de la FAO « Food wastage foodprint : impacts on natural resources - summary report » (voir les ressources p.66). 10 | L’écologie dans nos assiettes Avril – Juin 2020 | Idées Pratiques Idées Pratiques l Avril – Juin 2020 11
L’alimentation, un poids lourd pour la planète les Les chiffres français en ENJEUX Manger mieux... de notre assiette transition c’est manger plus cher ? « Si manger mieux signifie L’alimentation représente entre 20 et 50 % de l’empreinte environnementale des manger bio ou manger des ©Gorodenkoff / Shutterstock Français. Un impact dû en grande partie à la production agricole (consommation produits français, labellisés, il d’énergie, d’eau, émissions de gaz à effet de serre, pollution de l’eau et de l’air, pro- peut y avoir un surcoût. Mais ductions perdues...) ; mais aussi à la pêche ; à l’étape de transformation (l’Agence de L’alimentaire est aujourd’hui si vous pensez l’alimentation l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie, l’ADEME, rappelle que plus un produit de manière globale, vous le secteur pour lequel les 46 % des Français achètent est transformé, emballé, réfrigéré, plus il génère d’impacts) ; au transport et à la dis- Français sont les plus nom- des produits « bios et équi- pouvez tout à fait manger breux à privilégier les produits tribution, et enfin à la consommation ! Car aller acheter ses aliments, les réfrigérer, les mieux en dépensant moins. tables » tous les mois. cuisiner, jeter leurs emballages a aussi son lot d’impacts. garantis « responsables », Un exemple : si vous mangez selon le « Baromètre de la tous les jours 150 grammes « La consommation est en transition alimentaire 2019 – pour l’ensemble de ces de viande, cela coûte cher. Sondage Opinion Way pour produits responsables. Le Une alimentation Le gaspillage La viande pose Donc vous allez acheter Max Havelaar France » : soutien aux producteurs et durable, quésako ? alimentaire question de la viande de mauvaise agriculteurs est la première Tout cela sans compter La production d’1 kg de viande qualité, produite dans de 82 % des Français motivation de la consomma- « Les régimes alimen- l’énorme fléau du gaspil- émet de 5 à 10 fois plus de gaz mauvaises conditions et consomment des produits qui vient de loin. Il suffirait tion alimentaire responsable taires durables sont des lage alimentaire. 10 millions à effet de serre que celle d’1 kg made in France au moins pour les Français ». régimes alimentaires ayant de tonnes, 10 milliards de de céréales, précise l’ADEME que vous mangiez une fois une fois par mois ; de faibles conséquences kilos est le poids annuel du dans son guide « Manger sur deux de la viande et « 91 % des personnes inter- sur l’environnement, qui gaspillage alimentaire estimé mieux, gaspiller moins ». que vous la remplaciez par 76 % consomment des pro- rogées considèrent que la contribuent à la sécurité chaque année en France, des légumes bio. Ce sera duits de leur région au moins transformation du modèle alimentaire et nutritionnelle selon France Nature Environ- Pourquoi ? Notamment toujours moins cher qu’une une fois par mois ; viande « pas bonne, pas bio, du commerce alimentaire en ainsi qu’à une vie saine pour nement. Un gaspillage qui va parce qu’il faut « produire des France vers une intégration les générations actuelles et du champ... à l’assiette ! Par aliments, les transformer, les industrielle ». Avec ce genre 58 % des Français achètent plus importante des préoccu- futures. Les régimes alimen- personne et par an en France, transporter pour pouvoir nourrir de réflexe, on peut se faire au moins une fois par mois plaisir et manger mieux sans pations environnementales, taires durables contribuent il représente 30 kg d’aliments les animaux ». D’autres impacts des produits bio ; sociales et solidaires actuelles à protéger et à respecter la jetés, dont 7 kilos d’aliments proviennent de « l’usage des payer plus cher. » est un sujet important – voire biodiversité et les écosys- encore emballés. bâtiments et de la gestion des prioritaire pour 50 %. » tèmes, sont culturellement déjections des animaux », sans Shafik Asal, acceptables, économique- compter que « les émissions directeur d’ECO2 ment équitables et acces- de méthane liées à la digestion Initiative, cabinet de sibles, abordables, nutri- des ruminants sont très impor- conseil et d’études Zoom sur... tionnellement sûrs et sains, tantes ». 80 %, c’est la part de pour la transition le bio, en pleine croissance et permettent d’optimiser la superficie agricole mondiale environnementale. les ressources naturelles et nécessaire pour produire Près de 9 Français sur 10 consomment des produits biolo- humaines. » l’alimentation des animaux (pâ- giques ne serait-ce que rarement, selon l’Agence BIO (Agence turages et grandes cultures), française pour le développement et la promotion de l’agricultu- (FAO, Biodiversité et régimes alimentaires rappelle le WWF. re biologique), qui remarque une « part croissante de consom- durables, 2010) mateurs réguliers (au moins une fois par semaine) », soit 47 % des Français en 2019 contre 37 % en 2015. ©Marianne Petit ©Andrey_Popov / Shutterstock 12 | L’écologie dans nos assiettes Avril – Juin 2020 | Idées Pratiques Idées Pratiques l Avril – Juin 2020 13
L’alimentation, un poids lourd pour la planète Communiqué Trois questions RENCONTRE à Jean-Luc Fessard, de l’association ©Thierry-SAMUEL « Bon pour le climat » Fondée en 2014, l’association « Bon pour le climat », partenaire de ce guide Idées À la découverte Pratiques #2, se donne pour objectif d’inciter et d’accompagner les restaurateurs des légumes lacto-fermentés JiBio fabrique de façon artisanale une à proposer des plats issus de produits de saison, locaux, et mettant en avant le gamme de légumes lacto-fermentés Non végétal. Rencontre avec Jean-Luc Fessard, président de l’association. Pasteurisée distribuée en magasin Bio au Ils ont fait Rayon Frais. Comment « Bon pour le climat » cela vient de loin, avec un poids desquels il faut faire de la leur transition : compte-t-il changer nos écologique désastreux. Le dernier pédagogie. les lecteurs d’ID Riches en vitamines et probiotiques natu- pratiques alimentaires afin critère est de s’approvisionner en témoignent rels, les légumes lacto-fermentés de chez de préserver la planète et son local si possible. Le critère local Pourquoi est-ce important de JiBio apportent du Pep’s à vos assiettes. climat ? impacte peu le poids carbone, mettre plus d’écologie dans « Nous mangeons à 90 % des produits Ajoutez-les dans vos salades, sur vos Nous nous inscrivons dans la mais il permet de maintenir une son assiette ? tartines et vos poêlées de légumes pour transition alimentaire, l’idée agriculture paysanne, locale, et de Quand on veut diminuer son que nous transformons nous-mêmes, étant que si on agit sur notre favoriser la résilience alimentaire. impact sur la planète, on peut mais nous nous laissons encore tromper. enrichir votre microbiote de leurs bonnes alimentation, on peut avoir un Ce qui est important lorsque l’on agir sur son habitat, ensuite J’ai par exemple découvert il y a peu que bactéries ! impact climatique et écologique sait qu’à Paris par exemple, nous sur ses transports, et enfin sur les cornichons étaient transformés alors très important. Nous avons donc avons une autonomie alimentaire son assiette. Le problème de que pour moi ce n’était pas imaginable. Peu énergivore à la fabrication, ce mode décidé de mobiliser en priorité les de trois jours. S’il y a le moindre l’habitat, c’est qu’il faut isoler, Nous favorisons les circuits courts, de conservation ancestrale est particuliè- chefs de cuisine parce que si l’on problème, c’est une catastrophe. acheter des équipements très les magasins de producteurs ou les rement écologique et économique. veut que les gens changent leurs basse consommation, c’est très marchés locaux. Nous sommes vigilants Osez les légumes lacto-fermentés, c’est habitudes alimentaires, encore « Bon pour le climat », c’est cher et ce n’est pas à la portée de bon pour vous et pour la planète ! faut-il que ce soit bon dans aussi un logo que certains tout le monde. Pour le transport, à la distance qui nous sépare du lieu de l’assiette. Nous expliquons aux restaurants peuvent utiliser ? en région, on est bien obligé production. Nous n’achetons plus d’avo- chefs de cuisine qu’ils peuvent Oui, c’est du déclaratif de leur d’avoir sa voiture. Si l’on veut cats, d’ananas... Nous consommons de www.jibio.fr avoir un impact très fort à partir part. Nous tournons autour être vertueux, on achète une la viande française, et peu, tout comme Facebook @jibio37 du moment où ils appliquent trois de 200 adhérents, mais cela électrique ou une hybride, cela le poisson. Manger de saison, local et critères : privilégier le végétal, car peut bouger très vite car nous coûte aussi très cher. Tandis faire nous-mêmes nous permet d’éviter contrairement à ce que beaucoup touchons aussi le monde de la que n’importe qui peut agir sur les conservateurs, les additifs, tout ce de gens pensent, c’est le mode restauration collective et des son alimentation avec un impact qui est ajouté aux produits industriels de production des aliments chaînes de restaurants. Il y a positif très rapide. En plus, si on qui est le plus important. Le dans la pratique deux types ou aux fruits pour leur donner une belle achète des produits de saison, ratio végétal/animal impacte le de chefs : ceux qui sont très cela va coûter moins cher, il y peau quand ils arrivent chez nous. Et poids carbone d’un aliment des militants, très engagés, qui sont a donc même un bénéfice au cela m’a permis de retrouver un équilibre 2/3. Le deuxième critère est de contents de nous retrouver pour niveau du portefeuille ! intestinal. » respecter la saison, car c’est là échanger mais qui n’ont pas où les légumes ont les meilleurs tellement besoin de nous. Et Plus d’infos sur Anne-Claire et Frédéric, nutriments, mais aussi parce puis il y a d’autres restaurateurs, bonpourleclimat.org 33 ans et 45 ans, Poitiers que si c’est hors saison, c’est et des écoles de cuisine, qu’il produit sous serre chauffée ou s’agit de convaincre et auprès Propos recueillis par Camille Dufétel. 14 | L’écologie dans nos assiettes Avril – Juin 2020 | Idées Pratiques Idées Pratiques l Avril – Juin 2020 15
L’alimentation, un poids lourd pour la planète L’alimentation, un poids lourd pour la planète LA JUNGLE Le Label Demeter s’applique aussi aux produits ayant le label POINTS DE REPÈRES agriculture biologique et impose d’autres critères. Parmi eux, la saisonnalité des produits frais et la limitation des produits utilisés DES LABELS ALIMENTAIRES dans la culture agricole. Le label lutte aussi contre le mal-être des animaux avec tout un ensemble de mesures à respecter. Bio Cohérence s’applique uniquement aux produits alimentaires ayant un label biologique. Il impose des critères liés aux conditions sociales et salariales des producteurs. Les pratiques agricoles ont pour but de favoriser la biodiversité, et la distance maximale exigée entre producteur et consommateur est de 80 km. Les labels du commerce équitable Le label Agri-Éthique développe pour sa part un commerce équitable 100 % français. Les prix garantis sont décidés avec ©De Sergey Ryzhov / Shutterstock les organisations de producteurs et définis à partir des coûts de production dans la région concernée. Le label accompagne aussi le Alors qu’il est souvent difficile de s’imaginer ce qui se cache derrière développement et la structuration des filiales. les produits que l’on achète, les labels alimentaires offrent une certaine Le label Fairtrade Max Havelaar opte de manière concrète pour garantie de qualité au consommateur. Agriculture bio, commerce des pratiques garantissant un développement durable. En fonction équitable, saisonnalité... Ils sont nombreux et gages de différents critères. d’un cahier des charges adapté aux pays, des critères écono- miques, sociaux et écologiques sont établis afin d’œuvrer pour des pratiques agricoles durables. Les labels de l’agriculture biologique Producteurs Paysans est un label international de commerce Le label bio de l’Union européenne, aussi appelé Eurofeuille, équitable. Le label offre la garantie de produits équitables issus de garantit l’interdiction des engrais et pesticides de synthèse. Il l’agriculture paysanne. À travers le commerce équitable, le label certifie que 95 % des composants sont issus d’une agriculture offrent aux petits producteurs la possibilité d’être les propres ac- biologique respectant la réglementation de l’UE, mais aussi que teurs de leur développement dans le marché international. le produit provient directement de l’agriculteur producteur ou du transformateur agroalimentaire dans un emballage scellé. Les labels d’agriculture biologique et de commerce équitable combinés Le label français dit « AB », est un équivalent d’Eurofeuille, et ap- porte des garanties similaires. Il certifie un mode de production et Biopartenaire est un label né de l’association de différents entre- de transformation respectueux de l’environnement, mais accepte preneurs biologiques. Il impose des critères stricts, impliquant un cependant la présence de traces accidentelles d’OGM. contrôle à chaque étape de fabrication. Il assure un revenu juste aux producteurs et dynamise l’économie locale par un programme de développement concerté. Les labels bios les plus exigeants Nature et Progrès complète des produits certifiés biologiques en y Fair for Life met en œuvre des partenariats éthiques avec les appliquant des critères plus sévères. Le label impose une absence organisations et les producteurs. Des engagements sur le long totale d’huile de palme, de colorant, de parfum et d’antioxydant terme sont mis en place, tout en mettant un point d’honneur sur entre autres. Nature et Progrès intervient dans la gestion de le paiement d’un prix équitable, la garantie d’un prix minimum et l’entreprise, en lui prescrivant des produits d’entretien et ménagers des préfinancements notamment. À noter qu’il n’est pas obligatoire naturels. Concernant la viande, l’alimentation des animaux doit être d’être biologique pour porter le label Fair For Life, bien que cela soit obligatoirement biologique. fortement conseillé. 16 | L’écologie dans nos assiettes Avril – Juin 2020 | Idées Pratiques Idées Pratiques l Avril – Juin 2020 17
L’alimentation, un poids lourd pour la planète L’alimentation, un poids lourd pour la planète D’AUTRES LA CHECK-LIST ©Maria Sbytova / Shutterstock LABELS OU CERTIFICATIONS À SURVEILLER Ils ont fait leur transition : Les lecteurs d’ID Pour rappel, il existe également d’autres témoignent labels encadrés par les pouvoirs publics : le « J’ai effectué une transition lorsque j’ai Label Rouge pour la qualité, mais aussi l’AOC arrêté de travailler. Je voulais me diriger (Appellation d’origine contrôlée), et l’IGP (Indi- vers une consommation un peu plus saine cation géographique protégée) pour l’origine et responsable. Au niveau de l’alimenta- géographique. tion, comme nous étions déjà dans une démarche zéro déchet, nous faisions Une gamme de produits déjà attention au gaspillage alimentaire : biologiques faire avec ce que l’on a dans le frigidaire, Les magasins « Biocoop » ont également déve- ne pas acheter trop de choses en trop loppé leur gamme de produits biologiques, nom- grande quantité. Ce à quoi je me suis mée Ensemble. Un travail en coopération avec vraiment mise, c’est à tout faire moi-même à commencer par les gâteaux pour les Impact Bio les agriculteurs, pour développer un fonds de L’Agence BIO remarque une part co-développement de l’agriculture biologique, enfants : à base d’avoine, avec moins de L’alimentation représente entre sucre, agrémentés avec des graines, des 20 et 50 % de l’empreinte environ- croissante de consommateurs mais aussi pour proposer des prix encadrés afin canneberges et en fonction de ce que d’éviter les variations brutales du prix du mar- nementale des Français. réguliers de produits bio. j’avais à disposition. Je fais aussi ma pâte ché. À noter qu’il s’agit d’une gamme de produits à tarte, mes compotes, ma confitures, mes biologiques, mais pas d’un label. Gaspillage Labels alimentaires tisanes… La mise en place met un peu plus de temps, mais en fin de compte c’est plus Le gaspillage alimentaire est Les labels alimentaires ne sont simple et je trouve que ça libère l’esprit et un véritable fléau : il représente pas présents pour rien ! Ils offrent qu’on gagne du temps. Je pense que cette 30 kg d’aliments jetés par an et par une certaine garantie de qualité au approche amène plus de bonheur, plus personne en France, dont 7 kilos consommateur, il faut simplement À noter que... d’épanouissement parce qu’on sait ce que d’aliments encore emballés. savoir les distinguer (P. 16 et 17). La Fédération de l’agriculture biologique (Fnab) l’on mange, on sait ce que l’on fait, ce que vient de lancer le label « bio française équitable » l’on donne à nos enfants. » Soutien Prix (BFE). Cette initiative garantit aux consom- aux producteurs Lorsqu’ils sont de saison, les fruits mateurs des légumes biologiques produits en Anne, Le soutien aux producteurs et et légumes sont généralement France et un prix rémunérateur aux agriculteurs 41 ans, Marcq-en-Barœul agriculteurs serait la première moins chers ! Manger durable bio. En outre, elle permet de contrer motivation de la consommation n’implique pas nécessairement de « l’institutionnalisation de la grande alimentaire responsable pour les dépenser plus. distribution sur les produits biologiques ». Français. Une démarche mise en place en collabora- tion avec le groupe de surgelés « Picard », qui a lancé une gamme bio et locale. 18 | L’écologie dans nos assiettes Idées Pratiques l Avril – Juin 2020 19
Plus de végétal dans nos assiettes ALIMENTATION ont été publiées sur le sujet, les ENJEUX pratiques régionales, les sols, les habitudes agricoles varient CARNÉE : d’un bout à l’autre de la planète. Le bilan carbone d’un bœuf POURQUOI POSE- américain ou français peut donc être radicalement différent. T-ELLE QUESTION ? dans Quelle alimentation le monde de demain ? Chaque seconde, 10 000 kilos de viande seraient Selon le dernier rapport de consommés dans le monde entier selon la FAO (Organi- l’ONU, la population mondiale sation des Nations unies pour l’alimentation et l’agri- devrait atteindre les 9,7 milliards culture). À ce rythme, plusieurs questions se posent à d’individus à l’horizon 2050. Soit autant de bouches à nourrir. Et bien des égards : éthique, écologique et sanitaire. Mais à en croire les projections de la concrètement, qu’est-ce qui pose problème ? FAO, la population de demain sera dans son ensemble plus riche et plus urbaine. Selon les analystes, la demande ali- La production de serre qu’1 kg de céréales. mentaire devrait continuer de alimentaire, respon- Cette flambée s’explique croître, exigeant d’augmenter notamment par la nécessité considérablement la production sable d’un quart des de produire des aliments pour PLUS mondiale (de + 70 % dans le émissions humaines nourrir les bêtes. « Et en élevage monde en 2050, et jusqu’à + 100 À l’échelle industrielle, la pro- % dans les pays développés). L industriel, une grande partie de 21 DE VÉGÉTA ALIMENTATION CARNÉE : duction de denrées nécessite de ces aliments (souvent OGM) Pour répondre à ces besoins, la POURQUOI POSE-T-ELLE l’eau, des terres – dans lesquelles proviennent d’Amérique du Sud, production annuelle de céréales DANS NOS QUESTION ? on injecte des produits de trai- de terres issues de l’Amazonie devra augmenter d’un milliard tement : pesticides, herbicides, et contiennent donc ce que l’on de tonnes (pour atteindre les ASSIETTES fongicides... -, des machines à appelle de la déforestation 3 milliards), et celle de viande devra presque doubler (de 250 23 TROIS QUESTIONS À récolte, des véhicules de trans- port. Au total, l’ADEME estime importée », précise Jean-Luc Fessard de « Bon pour le climat ». àcomment 470 millions de tonnes). Mais DÉBORAH OHANA, que l’ensemble de la chaîne du En France, 70 % de la surface répondre à cette NUTRITIONNISTE- demande alors que l’on sait déjà Un régime « bon pour le climat » ? « Gare à la secteur pourrait représenter agricole sert à produire de aujourd’hui que nos modèles DIÉTÉTICIENNE viande », entend-on de part et d’autre. Mais jusqu’à un quart des émissions l’alimentation animale. À cela agricoles tirent sur la corde, totales de la planète. s’ajoutent les émissions de jusqu’à épuiser les ressources ? qu’en est-il vraiment ? Pourquoi fait-on la méthane liées à la digestion Pour Jean-François Hocquette, guerre à l’alimentation carnée ? Pour réduire 24 COMMENT MIEUX l’impact environnemental de son assiette, nul La viande, des ruminants : en 2015, ce puissant gaz à effet de serre, directeur de recherche à l’IN- RAE, « si on réduisait le gaspil- CHOISIR SA VIANDE ET PAR besoin de passer au tout végétal. Bien choi- ennemie du régime estimé 28 fois plus nocif que lage alimentaire de moitié, nous QUOI LA REMPLACER ? sir ses aliments – viandes, poissons, légumes, « éco-friendly » ? le CO2 sur un siècle, comptait serions en mesure de nourrir céréales... – sera le meilleur des remèdes : L’impact environnemental de pour 16 % des émissions totales la population humaine beau- la viande – notamment pour dans le monde selon le Groupe coup plus facilement. Quelques local, de saison, d’élevage paysan, labels, 28 LA CHECK-LIST en veillant à son apport nutritif journalier... les ovins et les bovins - est d’autant plus important que la d’experts intergouvernemental études ont montré que nourrir sur l’évolution du climat (GIEC). neuf milliards de bouches est Quelques pistes pour une assiette plus verte. chaîne de production s’allonge. Attention toutefois, le calcul de réalisable avec notre produc- D’après l’ADEME, la production l’empreinte environnementale tion actuelle » (des solutions d’1 kg de viande émet entre 5 anti-gaspi sont à retrouver page Par Agathe Palaizines de chaque aliment est com- 27 et l’interview complète de M. et 10 fois plus de gaz à effet plexe. Si de nombreuses études Hocquette page 10). 20 | L’écologie dans nos assiettes Avril – Juin 2020 | Idées Pratiques Idées Pratiques l Avril – Juin 2020 21
Plus de végétal dans nos assiettes Le B.A.-BA Le bœuf et l’agneau sont les La meilleure solution est de les ANALYSE viandes qui pèsent le plus lourd dans la balance du bilan carbone, consommer localement et de saison (calendrier des saisons à Trois questions à... notamment lorsqu’ils sont élevés de façon industrielle. La volaille et les poissons ont de manière retrouver page 38). Les légumineuses telles que les Déborah Ohana, générale un impact plus faible par rapport aux ovins et bovins. lentilles sont les plus « sobres » : peu d’eau, peu d’énergie et peu de nutritionniste- Les viandes les plus « éco-frien- CO2. Elles ont aussi la capacité de fixer l’azote présent dans l’air au diététicienne dly » sont celles élevées à échelle sol, ce qui permet un effet d’engrais ©Deborah Ohana locale, en pâturage, permettant aux « naturel ». sols de se reconstituer et d’assurer Quel est le bon apport aliments, c’est le fer héminique on a peu de recul en termes leur rôle de stockage du carbone. Enfin concernant les poissons, nutritionnel journalier ? qui est particulièrement bien de santé. Chez l’éleveur du les impacts sont relativement Tout dépend des besoins de assimilé par l’organisme par coin, on achète sa viande en Si les légumes et céréales ont variables. La surpêche et l’éle- chacun. La règle d’or d’un rapport au fer non-héminique toute connaissance de cause, globalement un impact plus faible, vage intensif posent de nombreux bon régime alimentaire est de présent par exemple dans tandis qu’en supermarché la là encore, tout dépend de la nature problèmes environnementaux, s’écouter le plus possible : les lentilles. À ce titre, il faut traçabilité est plus compliquée. du produit. La pomme de terre est notamment en termes de biodiversi- écouter ses besoins, ses veiller à avoir un bon équilibre C’est la même chose pour tout par exemple le plus polluant de té. Attention, les poissons aussi ont signaux de faim, de satiété, de alimentaire pour ne pas avoir produit transformé, même tous les légumes. leur saison, saison qui correspond à digestion... Dans les grandes de déficit en fer. Pour un régime végétarien. C’est beaucoup leur période de reproduction et de lignes d’une alimentation végétarien optimal, il faudrait de marketing parce que le Les légumes qui ne sont pas issus ce fait à éviter absolument pour les équilibrée, il faut diversifier le veiller à coupler les protéines « végé » est en vogue en ce de l’agriculture biologique peuvent espèces menacées. Il faut donc être plus possible. Il faut une source végétales avec des féculents, moment. Finalement, la règle également avoir un fort impact sur vigilant à ne pas consommer les es- protéinée, des féculents, des des céréales, qui permettront d’or est d’acheter des produits la biodiversité et la qualité des sols pèces menacées, éviter les poissons légumes, c’est ce que l’on une meilleure assimilation des le plus brut possible, le moins en raison des intrants chimiques, appelle « l’assiette santé ». protéines. En revanche pour les transformé et de cuisiner des surpêchés et prêter attention à la Ensuite, on ajoute une source enfants, les régimes végétariens plats-maisons le plus possible. du travail intensif de la terre, de saisonnalité. À l’inverse, lorsque les de calcium, une portion de fruit, ou végétaliens suscitent des Et c’est valable pour tous les l’utilisation de l’eau, du désherba- poissons sont pêchés de manière de la matière grasse. Cela, c’est controverses. En France, les régimes alimentaires : c’est ge... Attention aussi à certains raisonnée et que les stocks sont cor- ce que dit la théorie d’un point organisations pédiatriques la base d’une bonne santé. fruits et légumes gourmands rectement gérés, leur consommation de vue purement alimentaire déconseillent formellement ce Enfin concernant les produits en eau et en énergie, tels que les représente une alternative plus sobre et c’est valable pour n’importe type de régime. Le problème bio, c’est discutable. Tout tomates, concombres, courgettes... par rapport à la consommation de quel type de personne. Les essentiel est l’apport en fer : le bio n’est pas forcément viande telle que le bœuf par exemple. quantités doivent ensuite être les enfants ont besoin de plus intéressant : du riz blanc, qu’il adaptées à chacun, il n’y a pas de fer que les adultes pour leur soit bio ou pas, il n’y aura de taux de calories fixe ou figé croissance et la biodisponibilité pas de pesticides dedans. À « Le bénéfice du fait de manger plus de Au regard de ce B.a.-ba, un régime et des facteurs diffèrent d’un du fer non-héminique l’inverse, le riz complet doit « bon pour la planète » nécessite jour à l’autre qui ne sont pas présent par exemple dans les être consommé bio puisqu’il y végétal que d’animal, c’est que l’on peut ainsi une consommation de viande forcément calculables : sommeil, légumineuses ne leur suffit pas. a tout le grain, donc l’extrémité monter en gamme au niveau de l’achat de la raisonnée, en limitant les aliments digestion... où se déposent les pesticides part carnée de son alimentation : on peut Viande de supermarché ou essentiellement. De même, les plus polluants (bœuf, agneau, Le régime sans viande pose-t-il viande d’éleveur ? Bio ou pour les fruits et légumes ayant n’acheter que ce que j’appelle ‘des bêtes tomates industrielles...). Il faut égale- problème en termes de santé ? non bio ? Quelles sont les une peau très épaisse comme bien élevées’, c’est-à-dire celles qui sont ment veiller à consommer des pro- Le régime végétarien ne pose meilleures solutions ? le citron, l’orange, la banane, dans un circuit avec un petit producteur duits de saison et le plus localement absolument pas de problème D’abord, c’est très important de il n’y aura pas de pesticides à possible. Enfin, les produits issus de en termes de santé à partir favoriser les circuits courts le l’intérieur contrairement aux local soucieux du bien-être animal et qui l’agriculture biologique sont plutôt à du moment où il est bien plus possible parce qu’il y aura pommes, poires, pommes de fait une production de qualité. » privilégier. Le régime « éco-friendly », équilibré, que les protéines moins de transformation. Dans terre. Là, il faudra donc plutôt c’est surtout consommer en pleine animales sont correctement la viande que l’on trouve en les acheter bio. - Jean-Luc Fessard, président de l’association conscience et connaître le chemi- remplacées par les protéines supermarché, il y a souvent des « Bon pour le climat ». nement de production de l’aliment végétales. La viande a des additifs ajoutés pour pouvoir Propos recueillis par Agathe Palaizines. apports différents. Son point élever la date de consommation arrivé sur l’étal du supermarché. fort par rapport aux autres - dont certains sur lesquels 22 | L’écologie dans nos assiettes Avril – Juin 2020 | Idées Pratiques Idées Pratiques l Avril – Juin 2020 23
Vous pouvez aussi lire