L'ÉMERGENCE DES START-UPS DE LA FOODTECH, QUELLES STRATÉGIES POUR UNE RELATION CLIENT DURABLE ? - Romy NUNES Majeure Marketing - Juin 2017 Tutrice ...
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REPENSER LA RELATION CLIENT DANS L’UNIVERS DIGITAL L’ÉMERGENCE DES START-UPS DE LA FOODTECH, QUELLES STRATÉGIES POUR UNE RELATION CLIENT DURABLE ? Romy NUNES Majeure Marketing – Juin 2017 Tutrice de mémoire : Pascale EZAN
L’émergence des start-ups de la FoodTech, quelles stratégies pour une relation client durable ? REMERCIEMENTS Tout d’abord, je tiens à remercier ma tutrice de mémoire Pascale EZAN pour m’avoir encadré et accompagné tout au long de mes recherches. Son aide précieuse et ses conseils avisés ont permis d’orienter mon analyse de manière logique et structurée. Je tiens également à remercier les six consommateurs que j’ai eu l’occasion d’interroger dans le cadre de ma recherche : Antoine Castets, Pauline Bezzina, Thelma Petoin, Marie-Anne Hallais, Camille Guérin et Ludovic Nunes. Ils ont fait preuve d’une grande coopération et d’un optimisme remarquable. Mes remerciements à Fanny Marco et Joséphine Carlotti, respectivement Sales Manager et Finance Manager chez Foodora et Frichti qui ont eu la gentillesse de m’accorder du temps pour répondre à mes enquêtes et à ma problématique. Enfin, je remercie les membres de mon entourage qui m’ont apporté soutien, remarques, conseils et corrections. 2 Mémoire de fin d’étude | Romy Nunes | Juin 2017
L’émergence des start-ups de la FoodTech, quelles stratégies pour une relation client durable ? EXECUTIVE SUMMARY Sous l’impulsion des préoccupations liées à la santé et au bien-être des individus, les consommateurs expriment une volonté croissante de changer leurs habitudes alimentaires. Ils souhaitent évoluer vers des pratiques durables, soucieuses de la protection de l’environnement et de la santé. En parallèle, l’intérêt grandissant pour les loisirs culinaires et la volonté de retrouver le goût authentique des aliments se manifeste à travers les médias, faisant émerger des tendances Food nouvelles, dominant les contenus des réseaux sociaux et communautés en ligne. À travers la numérisation et la diffusion de l’information, les consommateurs ont alors la possibilité de s’exprimer et d’interagir massivement entre eux sur le sujet de l’alimentation. Néanmoins, les contraintes liées à notre société actuelle ont fait émerger un paradoxe indéniable : les consommateurs n’ont pas assez de temps à consacrer à la cuisine, leurs rythmes de vie s’accélèrent et sont sans cesse intensifiés. Ils ne parviennent donc pas à satisfaire leur volonté de « mieux manger ». De son côté, le secteur de l’agro-alimentaire tente de comprendre les attentes de ces nouveaux consommateurs, qui appartiennent d’autant plus à une génération « connectée », née au cœur des transformations numériques et technologiques. Ainsi, les start-ups de la FoodTech tentent de concilier alimentation et technologie pour répondre aux besoins nouveaux d’un consommateur qui souhaite changer ses habitudes alimentaires, mais se heurte à des barrières sociales qui l’en empêchent. Quels sont les enjeux et les perspectives des start-ups de la FoodTech pour répondre aux attentes de ce nouveau consommateur ? Comment parviennent-elles à concilier les nouvelles pratiques alimentaires et les technologies ? 3 Mémoire de fin d’étude | Romy Nunes | Juin 2017
L’émergence des start-ups de la FoodTech, quelles stratégies pour une relation client durable ? SOMMAIRE INTRODUCTION............................................................................................................................................6 PARTIE 1 : REVUE DE LA LITTÉRATURE..............................................................................................8 I. L’ALIMENTATION AU CŒUR DES PRÉOCCUPATIONS........................................................................................... 8 A. Un intérêt de plus en plus fort ......................................................................................................................................... 8 1. La France, pays de gastronomie ........................................................................................ 8 2. Un engouement nouveau pour la cuisine ........................................................................... 9 3. Les préoccupations liées à la santé et au bien-être .......................................................... 10 B. Un enjeu sociétal................................................................................................................................................................. 11 1. Manger sain ...................................................................................................................... 11 2. Évolution des comportements ........................................................................................... 13 3. Recherche de qualité et d’authenticité .............................................................................. 14 C. Recherche de praticité et rapidité ......................................................................................................................... 15 1. Changement du paysage social ........................................................................................ 15 2. Les contraintes sociales actuelles .................................................................................... 15 3. Concilier contraintes et nouveaux modes de consommation ............................................ 16 II. LE CONSOMMATEUR CONNECTÉ ................................................................................................................................ 18 A. La machine numérique...................................................................................................................................................... 18 1. Nouvelle source d’information ........................................................................................... 18 2. Confiance accordée par les consommateurs à cette nouvelle source .............................. 18 3. La multiplicité des appareils connectés ............................................................................ 20 B. Du numérique au social : Web 2.0 ............................................................................................................................ 22 1. Le Social Food .................................................................................................................. 22 2. Les blogs Food ................................................................................................................. 23 3. La place des réseaux sociaux ........................................................................................... 24 C. La parole donnée au consommateur ..................................................................................................................... 26 1. Une culture du feedback ................................................................................................... 26 2. Interaction active des consommateurs sur le net.............................................................. 28 3. Engagement des consommateurs envers les marques .................................................... 30 III. CONVERGENCE DES TECHNOLOGIES ET DE L’ALIMENTATION : LA FOODTECH ......................... 32 A. Une alliance qui profite à la fois au consommateur et au secteur de l’agro-alimentaire...... 32 1. La technologie au service du secteur de l’agro-alimentaire .............................................. 32 2. La technologie au service du consommateur ................................................................... 34 3. Qu’est-ce que le mouvement FoodTech ? ........................................................................ 34 B. Les start-ups de la FoodTech se multiplient sur le marché français ..................................................... 36 1. Les différentes formes et acteurs de la FoodTech ............................................................ 36 2. Un nouveau marché en pleine ébullition ........................................................................... 38 3. Focus sur les acteurs de la restauration livrée à domicile ................................................ 39 C. Adapter les stratégies de relation client à l’heure d’une transformation digitale du secteur de l’alimentation ............................................................................................................................................................................. 40 1. Comprendre le consommateur et lui délivrer le bon message .......................................... 40 2. Personnaliser les relations et optimiser la performance ................................................... 41 4 Mémoire de fin d’étude | Romy Nunes | Juin 2017
L’émergence des start-ups de la FoodTech, quelles stratégies pour une relation client durable ? PARTIE 2 : ÉTUDES TERRAIN ............................................................................................................... 43 I. MÉTHODOLOGIE ........................................................................................................................................................................ 43 A. Étude qualitative N°1 : Focus sur le consommateur ....................................................................................... 43 1. Choix et contexte d’étude ................................................................................................. 43 2. Objectifs ............................................................................................................................ 43 3. Construction du guide d’entretien ..................................................................................... 44 4. Choix et présentation des interviewés .............................................................................. 45 5. Déroulement des entretiens et retranscription .................................................................. 45 6. Analyse des entretiens ...................................................................................................... 46 7. Limites de la recherche ..................................................................................................... 46 B. Étude qualitative N°2 : Focus sur les entreprises de la Food Delivery ............................................... 47 1. Choix et contexte d’étude ................................................................................................. 47 2. Objectifs ............................................................................................................................ 47 3. Construction du guide d’entretien ..................................................................................... 47 4. Choix et présentation des interviewés .............................................................................. 48 5. Déroulement des entretiens et retranscription .................................................................. 50 6. Analyse des entretiens ...................................................................................................... 50 7. Limites de la recherche ..................................................................................................... 51 II. RÉSULTATS ..................................................................................................................................................................................... 52 A. La Food Delivery au service des nouveaux modes de consommation alimentaire .................... 52 1. L’évolution des comportements alimentaires .................................................................... 52 2. Les avantages de la Food Delivery perçus par les consommateurs ................................ 53 3. Un positionnement en adéquation avec les attentes des consommateurs ....................... 53 B. Adapter le parcours client aux attentes d’un consommateur « connecté »................................... 54 1. Un parcours client digitalisé et intuitif… ............................................................................ 54 2. …Qui bénéficie les clients et les entreprises .................................................................... 55 3. Le temps et la fiabilité des livreurs, deux dysfonctionnements récurrents ........................ 55 C. Les moyens d’acquisition et fidélisation client .................................................................................................. 56 1. Opérations marketing pour acquérir et fidéliser les clients ............................................... 56 2. L’organisation du service client et la gestion des feedbacks ............................................ 58 3. Du point de vue des consommateurs ............................................................................... 59 D. Engager ses clients ............................................................................................................................................................ 59 1. Une stratégie de contenu .................................................................................................. 59 2. Donner la parole au consommateur .................................................................................. 61 3. Impact sur le consommateur ............................................................................................. 61 E. Enjeux à résoudre : travail imaginatif sur le parcours client idéal......................................................... 62 1. Améliorer le système logistique pour une meilleure gestion du temps de livraison .......... 62 2. Proposer des formules moins chères ............................................................................... 63 3. Changer le packaging ....................................................................................................... 63 4. Elargir les aspects du service client .................................................................................. 63 5. Fidéliser les bons clients ................................................................................................... 64 6. Perfectionner l’application et continuer à innover ............................................................. 64 CONCLUSION ........................................................................................................................................... 66 5 Mémoire de fin d’étude | Romy Nunes | Juin 2017
L’émergence des start-ups de la FoodTech, quelles stratégies pour une relation client durable ? INTRODUCTION La « révolution numérique » ou « digitalisation des pratiques » alimente bien des débats depuis l’avènement des nouvelles technologies et la démocratisation des outils numériques. Le digital amène les entreprises à repenser leur « écosystème » sous une forme numérique, adaptée aux attentes de nouveaux consommateurs, les Digital Natives. Cette génération de consommateurs aussi appelée génération Y est définie par l’agence marketing 1min30 comme « la génération qui a grandi lors de l’émergence d’internet et plus largement des outils numériques. En règle générale, on considère que les Digital Natives sont les personnes nées entre 1980 et 2000. Leur particularité est 1 d’utiliser de façon naturelle les outils web et les nouvelles technologies » . Elle représente donc une cible privilégiée pour les entreprises, qui doivent alors repenser leurs organisations tant sur le plan de leur structure interne, que sur le plan de leurs stratégies marketing et de communication. Parmi celles-ci, la Relation Client apparaît comme un enjeu stratégique placé au cœur des transformations digitales des entreprises. Elle se définit comme « l'ensemble des actions visant à 2 augmenter les ventes par la création et le suivi d'une relation avec la clientèle » . Ainsi, la Relation Client représente un enjeu de taille face à des consommateurs envieux d’entretenir des relations de plus en plus personnalisées et individualisées avec les marques. L’objectif des entreprises est alors d’adopter une stratégie « customer centric » pour comprendre les attentes d’un consommateur « connecté », analyser son comportement et délivrer un contenu ciblé. Pour cela, elles doivent utiliser tous les points de contact disponibles, notamment digitaux avec leurs clients et prospects pour améliorer leur image de marque, leurs stratégies de contenu, individualiser les relations, et augmenter les ventes. Enfin, les entreprises font face au défi de la gestion des données, et adoptent des stratégies marketing « data-driven » pour mesurer et optimiser leur performance. C’est sur cette thématique de la Relation Client que nous nous focaliserons dans ce mémoire, appliquée aux transformations digitales du secteur de l’agro-alimentaire, en profonde mutation depuis quelques années sous l’émergence de multiples solutions technologiques. En effet, une évolution des comportements alimentaires et l’avènement d’un consommateur « connecté » constituent deux paramètres clés dans les raisons de cette transformation. En France, les consommateurs accordent depuis une dizaine d’années un intérêt nouveau pour la cuisine et expriment une volonté de manger mieux, changer leurs habitudes alimentaires et adopter une consommation plus saine et responsable. Néanmoins, cette préoccupation grandissante se heurte à des contraintes sociales telles que le l’intensification des rythmes professionnels, l’augmentation du temps passé dans les transports urbains, le nombre croissant de célibataires, le raccourcissement du temps consacré aux repas. Ainsi, comment les entreprises du secteur de l’agro-alimentaire surmontent-elles ce paradoxe propre à notre 1 https://www.1min30.com/dictionnaire-du-web/digital-natives 2 http://www.ecommercemag.fr/Definitions-Glossaire/Relation-client-245352.htm#8j3BYI0je5OCTwMy.97 6 Mémoire de fin d’étude | Romy Nunes | Juin 2017
L’émergence des start-ups de la FoodTech, quelles stratégies pour une relation client durable ? société ? Pour répondre à cette contradiction croissante, les start-ups de la FoodTech ont récemment émergé en masse, en France et dans le monde entier, et proposent des solutions innovantes qui permettent à la fois d’accompagner le consommateur dans ses changements alimentaires, et lui facilitent la vie grâce à des services rapides et pratiques. Pour reprendre la définition du magazine en ligne FoodTech Mag « La Foodtech est l’alliance entre le secteur de l’alimentation et de la restauration avec les nouvelles technologies. Elle englobe des services de gestion, de logique et d’optimisation visant à améliorer un process pré-défini : ce sont des outils informatisés qui visent à organiser et donc à numériser l’activité d’un restaurant ou d’une enseigne ainsi qu’à être plus respectueux de l’environnement en contrôlant mieux l’apport des denrées alimentaires dans l’assiette du 3 consommateur » . Nous étudierons tout d’abord dans notre revue de littérature, les raisons de l’émergence des start-ups de la FoodTech en France et en quoi la Relation Client représente un enjeu stratégique pour elles à l’heure d’une digitalisation des pratiques. Dans un deuxième temps, nous nous concentrerons sur la catégorie de la Food Delivery que nous étudierons au travers de deux enquêtes terrain et de la problématique suivante: En quoi la technologie parvient-telle à concilier les nouveaux modes de consommation alimentaire avec les contraintes sociales actuelles ? Nous analyserons dans un dernier temps les résultats de ces enquêtes et ferons des recommandations adaptées. J’ai choisi ce sujet de mémoire « L’émergence des start-ups de la FoodTech, quelles stratégies pour une relation client durable ? » car il amène à analyser des problématiques d’entreprises récentes et d’actualité. En effet, les entreprises de la FoodTech émergent sur le marché français avec rapidité et vivacité, proposant des services toujours plus innovants. Elles doivent alors repenser leurs stratégies relationnelles dans un contexte digitalisé, en changement permanent. Ce sujet est d’autant plus en lien avec mon projet professionnel. Je bénéficie d’un an et demi d’expériences professionnelles, dont un an de stage dans le secteur des Nouvelles Technologies et de l’Innovation et six mois dans le secteur de la FoodTech chez foodpanda à Singapour. 3 http://foodtech-mag.com/quest-ce-que-la-foodtech 7 Mémoire de fin d’étude | Romy Nunes | Juin 2017
L’émergence des start-ups de la FoodTech, quelles stratégies pour une relation client durable ? PARTIE 1 : REVUE DE LA LITTÉRATURE I. L’ALIMENTATION AU CŒUR DES PRÉOCCUPATIONS A. UN INTÉRÊT DE PLUS EN PLUS FORT 1. La France, pays de gastronomie Ce n’est pas sans raison que l’on surnomme un bon cuisinier un « cordon bleu », ou que l’on associe la France à un pays célèbre pour ses plats goûteux, atypiques et raffinés, ses chefs étoilés et son luxe. En effet, la haute gastronomie française demeure une exception bien connue, qui rayonne dans le monde entier. La France doit cette réputation à une culture alimentaire forte, ancrée dans la société depuis l’époque du Moyen-Âge. En effet, si l’on se réfère au témoignage « d’un ambassadeur vénitien en 1577 », les Français aiment déjà « les arts de la table » et on dit qu’ils « savent rôtir la 4 viande » . C’est donc grâce aux Rois de France, conscients que l’image de leur pays devait aussi passer par les arts de la table, que le modèle culinaire français a commencé à s’exporter à l’étranger. Ils ont également initié la création d’un système de restauration, avec des « spécialistes du Garde- Manger » qui ont instauré des codes et pratiques que l’on retrouve aujourd’hui dans nos propres restaurants. Dès lors, ce rayonnement s’est maintenu et accentué au fil des siècles et des années, jusqu’à ce qu’en 2008, le fameux « plat gastronomique à la française » soit classé par l’UNESCO au patrimoine culturel immatériel de l’Humanité. Les experts définissent le repas en France comme « une pratique sociale coutumière destinée à célébrer les moments les plus importants de la vie des individus et des groupes » et l’évoquent comme faisant « partie de l’identité des Français, aussi bien 5 normand, provençal que bourguignon ou alsacien » . Cela montre l’importance de la gastronomie sous toutes ses particularités pour les Français, qui la considèrent comme une véritable fierté et un héritage à préserver. Elle appartient à une conscience collective, unique au monde. Cependant, malgré les efforts notamment récents des Français pour préserver leur héritage culinaire, il paraît évident de dire que les pratiques alimentaires n’ont pas toujours été respectueuses de cet héritage. En effet, dès les années 1950, la mondialisation et l’essor de la société de consommation bouleversent les valeurs culinaires, et les Français deviennent adeptes des « fast- foods », avec l’apparition par exemple d’un nombre incalculable de restaurants McDonalds partout 6 dans le pays, et par conséquent de l’obésité et du surpoids . De plus, d’autres pays s’emparent du monopole en termes de rayonnement culinaire, comme l’Italie ou l’Espagne qui font alors preuve 4 http://www.20minutes.fr/societe/629715-20101126-societe-la-france-pays-gastronomie-ce-anodin-si-mot- restaurant-typiquement-francais 5 https://tn.ambafrance.org/La-gastronomie-francaise-entre 6 Claude Fischler – Manger : mode d’emploi ? 8 Mémoire de fin d’étude | Romy Nunes | Juin 2017
L’émergence des start-ups de la FoodTech, quelles stratégies pour une relation client durable ? d’une créativité nouvelle. La gastronomie française s’essouffle, les habitudes alimentaires des Français deviennent « pratiques », ils « achètent » puis « jettent » leur nourriture dont la vie est désormais limitée par des dates de péremption. 2. Un engouement nouveau pour la cuisine Ce déclin de la gastronomie française et la « crise » qui l’a touché avec l’apparition de la société de consommation tend cependant aujourd’hui à s’estomper et les Français, depuis quelques années font preuve d’un engouement nouveau pour la cuisine. En effet, une certaine nostalgie s’est emparée des Français et le fameux phénomène du « c’était mieux avant » a redynamisé le secteur de la restauration. On retrouve de plus en plus les plats les plus classiques et typiques de la gastronomie française dans les restaurants, et on observe un retour aux « arts de la table » avec une mise en scène qui se réinstalle : « dorures, argenterie, grand service, découpage en salle, grands vins et 7 grands prix reviennent en force » . De plus, la cuisine cesse d’être liée à la contrainte ou à la corvée, et s’associe dès alors au plaisir et au loisir. On remarque que les Français cuisinent de plus en plus, souhaitent s’inspirer de sources toujours plus diverses, en y passant toujours plus de temps. La cuisine procure du plaisir à celui qui s’y prête, elle crée des moments de partage uniques en famille ou en amis, de sociabilité, de bonheur authentique. Lorsque le journaliste américain Michael Steinberger vient en France, il affirme « J'ai découvert soudainement que la cuisine, chez vous, ce n'était pas seulement pour se 8 nourrir, mais une source de plaisirs infinis » . Il y a un renouveau dans les valeurs culinaires françaises, l’intérêt est de plus en plus fort, et cela s’illustre notamment au travers du nombre croissant de cours de cuisine ou de livres de recettes vendus. L’exemple de l’émission animée par Maïté La Cuisine des Mousquetaires tous les midis sur France 3 entre 1983 et 1997 a attiré de nombreux téléspectateurs, friands de redécouverte en matière de recettes traditionnelles et 9 authentiques . Les Français retrouvent alors cet aspect de la cuisine, mais sont aussi en constante quête de saveurs, et souhaitent découvrir de nouvelles recettes, de nouveaux produits. Selon une étude générée par TNS Soffres « 6 Français sur 10 aiment découvrir de nouveau produits 10 alimentaires » . Ainsi, la cuisine redevient un sujet populaire, que le grand public se réapproprie au travers de démonstrations médiatiques diverses. Les émissions télévisées explosent leurs parts d’audience grâce à intérêt de plus en plus marqué pour leurs participants. Par exemple, l’émission Master Chef 7 http://www.pourcel-chefs-blog.com/blog1/2015/12/02/gastronomie-francaise-le-grand-retour-de-la-tradition-du- classique-des-maisons-bourgeoises/ 8 http://www.leparisien.fr/societe/la-france-n-est-plus-le-centre-du-monde-gastronomique-09-03-2011- 1350029.php 9 http://www.rtl.fr/culture/medias-people/videos-les-moments-incontournables-de-maite-aux-fourneaux- 7778565432 10 http://www.lsa-conso.fr/les-comportements-alimentaires-des-francais-a-la-loupe,184101 9 Mémoire de fin d’étude | Romy Nunes | Juin 2017
L’émergence des start-ups de la FoodTech, quelles stratégies pour une relation client durable ? 11 en 2012 a rassemblé « 26% de part d’audience pour TF1 et 6 millions de téléspectateurs » . Les Chefs amateurs ou étoilés deviennent médiatisés et apparaissent comme des « vedettes » sous les projecteurs. Ce fut notamment le cas par exemple de Ludovic Dumont, inconnu du public avant son apparition dans l’émission Master Chef et aujourd’hui célèbre dans tous le pays. D’autres émissions connaissent un succès fulgurant, comme Top Chef et sa vedette chef Cyril Lignac en 2010 ou encore Un Dîner Presque Parfait qui donne la main culinaire aux téléspectateurs en leur proposant de s’inviter les uns chez les autres et de préparer un repas complet qui sera ensuite noté, avec des lots à la clé. C’est un véritable phénomène de société qui se produit, et le grand public se trouve à la source même de cet engouement nouveau et de cette médiatisation. 3. Les préoccupations liées à la santé et au bien-être En parallèle de cet engouement nouveau pour la cuisine et de cette quête de nouvelles saveurs culinaires, les Français ont envie de mieux manger, plus équilibré, et de faire attention à la provenance des produits qu’ils consomment. Cette volonté résulte de plusieurs conséquences dues à l’augmentation des fast-foods et de la « malbouffe » qui ont causé beaucoup de maladies et problèmes sanitaires diverses ces dernières décennies. En effet, l’obésité croissante, l’apparition des cancers et du cholestérol, la multiplication des scandales liés à l’alimentation a débouché sur une prise de conscience sans pareil de la part des Français. Ils réalisent alors que la nourriture qu’ils ingurgitent peut avoir un impact majeur sur leur santé et leur bien-être. Pour en revenir aux raisons qui expliquent cette prise de conscience, il est nécessaire d’observer l’évolution des problèmes de santé liés à l’alimentation, bien comprise par les consommateurs. En plus de maladies dégénératives comme le cancer et les cardiopathies qui deviennent les principales causes de mortalité en Europe, de nombreux scandales viennent remettre en cause la provenance des produits vendus et consommés, tels que la crise de la vache folle entre 1996 et 2004, la viande de cheval déguisée en bœuf en 2013, le lait contaminé en Chine en 2008. Le lien entre l’alimentation et la santé se resserre et parallèlement, les programmes de prévention publique se renforcent. Jean-Pierre Poulain, sociologue français de l’alimentation dans son ouvrage Les tribunes de la santé, la santé dans l’assiette évoque le « renforcement spectaculaire du dispositif d’évaluation et de contrôle des productions agricoles et agroalimentaires » suite au scandale 12 de la vache folle . La création de l’ANSES, agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail apparaît comme un symbole de cette prise de conscience qui change le statut de l’alimentation, désormais présentée comme une menace pour la santé de tous. La provenance et la modification des aliments inquiètent le public qui souhaite être préservé des risques au maximum, et demande à ce que les grandes enseignes fassent preuve de transparence concernant les détails de la chaine alimentaire. D’après Jean-Pierre Poulain « la nutrition s’est imposée comme l’une des composantes des politiques de santé publique ». Face aux menaces de 11 https://www.lenouveleconomiste.fr/lesdossiers/lengouement-pour-la-cuisine-16918/ 12 Jean-Pierre Poulain, Les tribunes de la santé, la santé dans l’assiette 10 Mémoire de fin d’étude | Romy Nunes | Juin 2017
L’émergence des start-ups de la FoodTech, quelles stratégies pour une relation client durable ? l’alimentation, il faut réduire les aliments trop gras, trop salés et trop sucrés pour empêcher l’obésité et les maladies cardio-vasculaires ou les cancers. Depuis 2007, un Programme national de nutrition et de santé (PNNS) a été mis en place par les autorités publiques, et depuis cette date, les publicités sur les produits alimentaires sont elles aussi obligées d’ajouter un message tel que « Pour votre santé évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé », « Evitez de grignoter entre les repas », « Pour votre santé, pratiquez une activité physique régulière », « Pour votre santé, mangez au moins cinq 13 fruits et légumes par jour » , afin de prévenir des risques liés à l’obésité et autres problèmes de santé. La maîtrise de la nutrition passe donc par une alimentation saine, équilibrée et diversifiée pour prévenir des risques de santé. Jean-Pierre Poulain illustre ces nouvelles prises de décision en citant 14 que « manger sain » apparaît comme une « injonction contemporaine » pour la société . B. UN ENJEU SOCIETAL 1. Manger sain Selon l’Etude menée par TNS Sofres en 2014, pour les Français, « Bien manger c'est à 63 % manger équilibré, 61 % se faire plaisir, 59 % varier les repas, 57 % manger sain, 54 % la 15 convivialité » . Si manger mieux signifie manger plus sainement, on en déduit que les Français qui souhaitent mieux manger ont opté pour une volonté de renouveau dans leurs habitudes alimentaires, et font désormais plus attention aux produits qu’ils achètent et consomment, afin de minimiser les risques sur leur santé. Cela se traduit en plusieurs choses : puisque l’on veut manger plus sainement, 13 http://www.e-sante.fr/publicite-alimentaire-sous-controle/actualite/337 14 Jean-Pierre Poulain, Manger sain, injonction contemporaine 15 http://www.lsa-conso.fr/les-comportements-alimentaires-des-francais-a-la-loupe,184101 11 Mémoire de fin d’étude | Romy Nunes | Juin 2017
L’émergence des start-ups de la FoodTech, quelles stratégies pour une relation client durable ? et j’entends par là manger moins gras, moins sucré et moins salé, la première chose qu’on souhaite faire est de se renseigner sur la composition d’un produit, son degré de transformation industrielle, ses vertus et défauts, ses bienfaits et risques sur la santé. Ainsi, on parle de « médicalisation » puis de « sanitarisation » de l’alimentation, pour laquelle on découvre des effets positifs sur notre santé. On parle aussi d’aliments « amincissants », au sein d’une volonté d’associer la nourriture à la silhouette. L’alimentation change de statut dans la société. Ainsi, la préoccupation pour la santé ne cesse de croitre, et chacun l’exprime à sa manière : certains veulent manger des produits biologiques, tandis que d’autres se préoccupent de leur silhouette ou de la préservation l’environnement. Une des grandes expressions de cette préoccupation est le récent lancement du mouvement « healthy », une véritable tendance qui se propage chez toutes les enseignes, les acteurs indépendants, dans la presse magazine féminine mais aussi sur le web au travers des réseaux sociaux, blogs « Food » et « Lifestyle ». En effet, ce mouvement est la promotion d’un nouveau mode de vie à adopter, et prend part à la diffusion d’un nouvel état d’esprit en faveur d’une alimentation saine. Ce mouvement se traduit par la multiplication des cafés « healthy », avec par exemple l’ouverture du café Feel Good à Londres par la marque Weight Watchers propose d’aider les femmes à démarrer une alimentation plus saine en leur suggérant des plats équilibrés. Les marques alimentaires s’efforcent également de proposer des produits « healthy », comme Innocent par exemple qui propose des smoothies sains et des cures de jus détox. La deuxième observation qui illustre la volonté des consommateurs de manger plus sainement, est la tendance à trier les aliments. Certains aliments sont désormais jugés bons et d’autres mauvais pour la santé. La viande est lourdement pointée du doigt depuis les scandales alimentaires des années 2000, d’où un nombre croissant de végétariens et végan dans le monde entier. D’après un sondage effectué par Terra Eco en 2016, 3% des Français seraient végétariens, et 10% envisageraient de le devenir. On note également l’apparition d’aliments vendus « sans » certains de leurs composants habituels : par exemple les aliments sans sucre, sans sel, sans gras, sans gluten se multiplient au sein des enseignes agro-alimentaires. En parallèle, apparaissent les « super aliments », c’est-à-dire des aliments bons pour la santé, ayant pour rôle d’être des médicaments 16 naturels. La baie de goji est un exemple connu appartenant à cette catégorie de « super aliments » . Ce fruit asiatique aurait des propriétés bienfaitrices pour notre santé, avec des effets anti cancers, anti-inflammatoires et antioxydants. D’autres aliments comme l’açaï, chou kale, graines de chia, spiruline s’installent dans la vie quotidienne des consommateurs, notamment grâce à au fait qu’ils sont de plus en plus connus et accessibles au public. Tout cela découle d’une volonté et d’une tendance générale à maitriser son alimentation pour mieux protéger sa santé et réduire les risques de maladies. Jean-Pierre Poulain dans son ouvrage Manger sain, injonction contemporaine illustre bien cela en évoquant que « manger sain est devenu un enjeu de société ». 16 http://www.influencia.net/fr/actualites/in,tendances,bien-etre-nouveau-graal,5455.html 12 Mémoire de fin d’étude | Romy Nunes | Juin 2017
L’émergence des start-ups de la FoodTech, quelles stratégies pour une relation client durable ? 2. Évolution des comportements Cette prise de conscience collective résulte d’une évolution des mentalités et permet parallèlement une évolution générale des comportements. Celle-ci se traduit par des comportements qui associent pour certains l’alimentation à l’environnement, et d’autres l’alimentation à la silhouette et au corps. Tout d’abord, les premiers soucieux de l’environnement sont ceux qui ont décidé d’adopter une alimentation responsable. Le site AlimentationResponsable.com définit cela comme un concept qui « tient compte des problèmes majeurs de santé publique, mais également de la dégradation de 17 l'environnement et de la pénurie alimentaire dans les pays pauvres » . Leurs objectifs sont de : - « Protéger l’environnement » en choisissant d’acheter des produits de saison plutôt que des produits importés d’autres pays ou conçus sous OGM, préférer les modes de culture ou les modes d’élevage qui ne font pas usage de produits chimiques destinés à accélérer les cultures ou modifier l’apparence ou la taille des produits. Cet objectif comprend aussi la limitation du gaspillage alimentaire et des emballages. - « Participer au développement économique de notre territoire » en se dirigeant vers des agriculteurs ou éleveurs locaux, comme propose l’association AMAP par exemple. - « Assurer dans notre région un monde rural vivant et dynamique » en privilégiant des relations étroites et proches dans l’espace, entre consommateurs et producteurs de nos régions. - « Prendre soin de soi » en essayant de réduire les risques provoqués par les aliments traités sur la santé, le but étant de s’assurer de l’origine des produits, dont la provenance et la traçabilité font partie, ainsi que de la qualité du contrôle sanitaire. Ainsi, les consommateurs revendiquent des pratiques qui obligent à repenser tout un modèle industriel et agro-alimentaire. Ils refusent de plus en plus les aliments traités, industrialisés, et leur préfèrent des aliments conçus de manière naturelle, sans intrants, et essentiellement proches d’eux en accordant de plus en plus d’importance aux petits producteurs locaux. Ceci traduit une véritable rupture avec la société de consommation, une volonté de renouveau dans la société actuelle. En ce sens, Jean-Pierre Poulain, dans Manger sain, injonction contemporaine explique que « derrière les choix de nourriture, on fait un choix de société ». Ces comportements vont au-delà des préoccupations individuelles et rentrent dans une logique de santé collective. D’un autre côté, certains individus préfèrent associer l’alimentation à la silhouette, en recherchant les aliments sains qui ne font pas grossir. Ces nouvelles préoccupations liées à la minceur du corps sont apparues suite à la montée de l’obésité. Il y a là un critère de santé qui en résulte, puisque l’obésité entraine des risques de complications cardiovasculaires et respiratoires, du diabète ou de l’hypertension artérielle mais il y a également un critère de beauté qu’on ne peut ignorer. En effet, le modèle féminin ou masculin « mince » mis en avant par les médias et les grandes 17 http://www.alimentation-responsable.com 13 Mémoire de fin d’étude | Romy Nunes | Juin 2017
L’émergence des start-ups de la FoodTech, quelles stratégies pour une relation client durable ? marques de prêt-à-porter poussent certains individus à changer leurs comportements alimentaires afin de rentrer dans ces nouveaux critères de société. On en déduit qu’une différenciation alimentaire de plus en plus grande se dessine entre les individus. Claude Fisher, sociologue américain de l’alimentation humaine évoque à ce propos que « Les individus sont de plus en plus nombreux à revendiquer une alimentation particulière pour des raisons diverses médicales (allergies et intolérances), sanitaires (régimes divers), éthique, politique ou 18 spirituelle (végétarismes, proscriptions religieuses) » . 3. Recherche de qualité et d’authenticité Au sein même de cette évolution des comportements, il y a une réelle démocratisation du « manger mieux » et les individus souhaitent désormais consommer une alimentation de qualité et plus authentique. Ils cherchent à renouer avec leur héritage gastronomique en revisitant les recettes traditionnelles et en achetant des produits plus locaux et non traités, quitte à en payer le prix fort. En effet, les Français préfèrent aujourd’hui les plats « cuisinés » aux plats « en boites » jugés de plus en plus comme étant de mauvaise qualité et mauvais pour la santé. Il y a là une volonté de retrouver le vrai goût des aliments, leur aspect naturel et d’éviter toute transformation ou préparation préalable. Dans le même temps, le souci de l’environnement soutien la consommation responsable de chacun, et vante les mérites d’une production locale et sans OGM. Ainsi, on observe une importance croissante du contrôle qualité effectué au sein de l’industrie agro-alimentaire dans sa globalité, que ce soit pour les grandes enseignes agro-alimentaires, les grandes surfaces, les restaurants ou les petits commerçants indépendants. Tous ces acteurs sont désormais soumis à des règles strictes concernant l’origine des produits alimentaires, leur composition et doivent communiquer les étapes de la chaîne alimentaire depuis la production jusqu’à l’emballage et le transport, en les inscrivant sur l’étiquette du produit par exemple. On voit alors se multiplier les produits biologiques, « made in France » et les labels pour une consommation durable dont les plus courants sont « 1% pour la Planète », « AB Agriculture Biologique », « Agriculture Biologique - Label européen », « AOC Appellation d‘Origine Contrôlée », « AOP Appellation d’Origine 19 Protégée » . Tout cela montre bien que les Français recherchent une certaine qualité mais également une authenticité lorsqu’il s’agit d’alimentation. La volonté de renouer avec les produits du terroir et le succès d’associations consommateur/agriculteurs comme l’AMAP qui permet aux Français d’acheter des paniers remplis de produits de la ferme d’un agriculteur local, sont des exemples qui en démontrent. 18 Claude Fischer, Les alimentations particulières, mangerons-nous encore ensemble demain? 19 http://www.mescoursespourlaplanete.com/Labels/ 14 Mémoire de fin d’étude | Romy Nunes | Juin 2017
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