L'efficacité des programmes de soutien à la parentalité du point de vue des pères - Mémoire doctoral Marie-Soleil Rivière Doctorat en psychologie
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L'efficacité des programmes de soutien à la parentalité du point de vue des pères Mémoire doctoral Marie-Soleil Rivière Doctorat en psychologie Docteure en psychologie (D. Psy.) Québec, Canada © Marie-Soleil Rivière, 2021
L’efficacité des programmes de soutien à la parentalité du point de vue des pères Mémoire par articles Marie-Soleil Rivière Sous la direction de : Marie-Hélène Gagné, directrice de recherche Sylvie Drapeau, codirectrice de recherche
Résumé Avoir un enfant et devenir une famille est une étape inoubliable dans la vie des individus. Bien que cette expérience soit positive pour la plupart des mères et des pères, il n’en demeure pas moins que ce rôle est accompagné d’une multitude de défis (Lacharité, Pierce, Calille, Baker & Pronovost, 2015). Plusieurs sources de soutien, telles que les programmes de soutien à la parentalité, sont ainsi disponibles afin d’accompagner les parents selon leurs besoins. Ces programmes sont présentés principalement sous deux formes, soit par des programmes de visites à domicile ou de groupes (Chen & Chan, 2016). Bien que plusieurs d’entre eux soutiennent des effets positifs chez les parents participants, certains programmes montrent des effets moindres chez les pères comparativement aux mères (p.ex., Fletcher, Freeman & Matthey, 2011; Lundahl, Tollefson, Risser & Lovejoy, 2008). Selon la littérature scientifique, plusieurs facteurs peuvent expliquer cet effet différentiel, notamment une représentation inégale des pères et des mères dans les études évaluatives, une plus faible participation des pères en nombre de séances ainsi que le type de participation, soit une participation conjointe de la mère et du père ou une participation seule (Niec, Barnett, Gering, Triemstra & Solomon, 2015; Stemmler, Beelmann, Jaursch & Losel, 2007). Ce mémoire par articles s’inscrit dans une recherche de plus grande envergure visant à évaluer l’implantation et les effets du programme de soutien à la parentalité Triple P - Pratiques Parentales Positives, au Québec. Il aborde l’effet modérateur du sexe du parent sur les effets auto-rapportés de Triple P. Ce mémoire a également pour objectif de vérifier si cette apparente différence père-mère au niveau des bénéfices retirés d’un programme de soutien à la parentalité ne camoufle pas le rôle modérateur d’une troisième variable, soit la participation du parent dans le programme, notamment sous l’angle de la dose d’intervention reçue et le fait de participer avec son ou sa conjoint(e). iii
Table des matières Résumé.............................................................................................................................................................. iii Table des matières ........................................................................................................................................... iv Liste des figures ................................................................................................................................................ v Liste des tableaux ............................................................................................................................................ vi Remerciements ................................................................................................................................................ vii Avant-propos .................................................................................................................................................... ix Introduction........................................................................................................................................................ 1 Sources de soutien à la parentalité ................................................................................................................. 2 Triple P – Positive Parenting Programme ....................................................................................................... 6 Le sexe du parent ......................................................................................................................................... 10 Critique de la littérature existante et pertinence du mémoire ........................................................................ 14 Objectifs du mémoire doctoral et hypothèses ............................................................................................... 15 Chapitre 1 Efficacité d’un programme de soutien à la parentalité selon le sexe et la participation du parent................................................................................................................................................................ 17 1.1 Résumé ................................................................................................................................................... 17 1.2 Introduction ............................................................................................................................................. 17 1.3 Méthode .................................................................................................................................................. 22 1.4 Stratégie d’analyse.................................................................................................................................. 25 1.5 Résultats ................................................................................................................................................. 26 1.6 Discussion ............................................................................................................................................... 28 1.7 Conclusion .............................................................................................................................................. 32 1.8 Références .............................................................................................................................................. 33 Conclusion ....................................................................................................................................................... 44 Principaux constats ....................................................................................................................................... 44 Limites et forces du mémoire ........................................................................................................................ 49 Implications cliniques .................................................................................................................................... 50 Suggestions de recherches futures............................................................................................................... 51 Bibliographie.................................................................................................................................................... 52 Annexe A Description des cinq niveaux Triple P ......................................................................................... 58 iv
Liste des figures Figure 1. Les cinq niveaux d’intervention de Triple P ........................................................................................ 37 Figure 2. Version finale des affiches de la campagne médiatique .................................................................... 38 Figure 3. Variable Laxisme : Double modération Sexe X Type de participation seule/couple .......................... 39 v
Liste des tableaux Tableau 1. Description de l’échantillon et différences pères-mères .................................................................. 40 Tableau 2. Double modération Sexe X Dose d’intervention (durée en heure) sur les effets à court terme de Triple P sur la parentalité................................................................................................................................... 42 Tableau 3. Double modération Sexe X Type de participation (seule vs en couple) sur les effets à court terme de Triple P sur la parentalité.............................................................................................................................. 43 Tableau 4. Différences pères-mères concernant différentes variables d’engagement ..................................... 60 vi
Remerciements Ce fut un long parcours rempli de défis, d’apprentissages inestimables et de belles découvertes. Je souhaite remercier toutes les personnes m’ayant accompagnée durant ces années. En premier lieu, je souhaite adresser mes remerciements à ma directrice de recherche, Mme Marie-Hélène Gagné, sans qui ce travail n’aurait vu le jour. Votre accompagnement dans toutes les étapes de rédaction, votre encadrement, votre organisation, votre réflexion derrière chacune des lignes écrites et vos nombreux encouragements m’ont grandement permis de persévérer durant ce long cheminement. Vous êtes un exemple de rigueur et d’humanité. Merci de m’avoir intégrée dans vos projets année après année, je me considère très choyée d’avoir fait partie de votre équipe ! Je tiens également à remercier ma codirectrice, Mme Sylvie Drapeau. Votre analyse du texte et vos questionnements riches m’ont permis de développer et d’enrichir mes réflexions. Merci à Mme Amandine Baude pour votre temps et vos commentaires constructifs. Merci également à Mme Hélène Paradis pour votre accompagnement dans le processus des analyses statistiques. Merci à la Chaire de partenariat en prévention de la maltraitance ainsi qu’au Centre de recherche universitaire sur les jeunes et les familles (CRUJeF) pour leur soutien financier. Je tiens à souligner l’importance de Mme Julie Goulet dans mon parcours. Merci pour ta disponibilité inestimable, ton écoute incroyable ainsi que ton sens de l’humour qui a permis de créer une ambiance de travail tellement agréable. Je tiens à remercier mes précieuses amies pour les beaux moments vécus au doctorat, les nombreux après- midi café, le réconfort et l’écoute. Je me sens très privilégiée d’avoir réalisé ce beau parcours à vos côtés, vous avez rendu ces années de doctorat incroyables et j’en garderai toujours de bons souvenirs ! Je ne peux passer sous silence la présence de Réjeanne et Vincent. Par leur intérêt constant, par leurs encouragements, leur écoute et leur disponibilité, vous avez su accueillir mes réussites et mes moments d’incertitude tout au long de ce parcours. Je vous en serai toujours très reconnaissante. Merci de prendre une si belle place dans ma vie. vii
Merci également à ma belle et grande famille pour votre soutien quotidien. Un merci tout spécial à mes parents, Manon et Luc, qui ont toujours cru en moi. Malgré la distance qui nous sépare depuis toutes ces années, j’avais l’impression que vous étiez près de moi, par vos nombreux appels et vos visites qui m’ont apporté tant de réconfort. Par vos valeurs inculquées, j’ai réussi à trouver un bel équilibre, notamment en mettant beaucoup d’efforts au quotidien, sans oublier d’avoir bien du plaisir ! C’est un réel privilège de vous avoir comme parents. En terminant, je tiens à remercier mon amoureux, Philippe. Celui qui m’a accompagnée à chacune des étapes, qui a été d’une grande écoute jour après jour et qui m’a appris à me faire confiance. J’ai peu de mots pour décrire à quel point ton soutien, tes encouragements et ton appui m’ont été bénéfiques tout au long de ce parcours. Tu as su apaiser chacun de mes doutes par ta présence et tes mots. Je t’aime. Merci. Merci. Merci. viii
Avant-propos L’auteure du mémoire, Marie-Soleil Rivière, a effectué les analyses statistiques, l’interprétation des résultats et la rédaction d’un article scientifique. Cela n’aurait été possible sans la précieuse collaboration de Mme Marie- Hélène Gagné, Ph.D., directrice de recherche, professeure à l’École de psychologie de l’Université Laval et titulaire de la Chaire de partenariat en prévention de la maltraitance de l’Université Laval, de Mme Sylvie Drapeau, Ph.D., codirectrice de recherche, professeure à l’École de psychologie de l’Université Laval ainsi que de Mme Hélène Paradis, statisticienne à l’Université Laval. L’introduction générale du mémoire ainsi que la conclusion ont été rédigées par Marie-Soleil Rivière. Les données utilisées pour l’article scientifique ont été recueillies préalablement par la Chaire de partenariat en prévention de la maltraitance et son équipe de chercheurs. À ce jour, le présent article n’a pas été soumis pour une publication. Merci au Centre de recherche universitaire sur les jeunes et les familles (CRUJeF) et à la Chaire de partenariat en prévention de la maltraitance pour leur précieux soutien financier. ix
Introduction La parentalité (parenting) est un concept utilisé pour décrire l’exercice du rôle de parent. Selon Hoghughi et Long (2004), les activités que comporte ce rôle peuvent être divisées en trois catégories : prendre soin de l’enfant, encadrer son comportement et assurer son développement. Prendre soin de l’enfant implique de répondre à ses besoins physiques (p. ex., le nourrir, lui offrir un environnement salubre), affectifs (p. ex., veiller à ce que l’enfant n’ait pas peur) et sociaux (p. ex., qu’il développe des relations significatives avec des enfants et des adultes). L’encadrement consiste à mettre et définir des limites à l’enfant, selon son âge et son niveau de développement. Finalement, les parents favorisent le bon développement de leur enfant en l’encourageant et en lui offrant des opportunités pour qu’il puisse s’épanouir dans plusieurs aspects de sa vie. Lacharité, Pierce, Calille, Baker et Pronovost (2015) soulignent également l’aspect multidimensionnel du rôle de parent, comprenant l’expérience, la responsabilité et les pratiques parentales. L’expérience parentale inclut notamment les attitudes adoptées envers l’enfant, les croyances et les valeurs parentales, le sentiment d’efficacité, la satisfaction, le stress et la détresse parentale. La responsabilité parentale réfère aux devoirs que les parents ont envers leur enfant dès la naissance. Finalement, les pratiques parentales réfèrent aux comportements adoptés par les parents pour éduquer et encadrer leur enfant (p. ex., la sensibilité et le style d’autorité parentale, offrir un environnement sécuritaire et assurer le bien-être de l’enfant). Une enquête populationnelle réalisée en 2015 par l’Institut de la statistique du Québec auprès de 14 900 parents québécois d’enfants âgés entre 0 et 5 ans fait état de la situation à propos de l’expérience parentale des parents de jeunes enfants. Les auteurs ont mesuré le sentiment d’efficacité parentale et la satisfaction vis-à-vis ce rôle, et ont combiné ces mesures pour créer un indice de sentiment de compétence parentale. Selon cet indice, 21,7% des parents ressentent un fort sentiment de compétence parentale, suggérant qu’une minorité de parents québécois n’éprouvent aucune difficulté dans leur rôle. Par ailleurs, 35,2% des parents ayant un enfant entre 0 à 5 ans vivent deux à trois situations stressantes quotidiennement. L’enquête dévoile également la fréquence à laquelle les parents ont crié, élevé la voix ou se sont mis en colère contre leur enfant au cours des deux dernières semaines. Selon cette mesure, 14% des parents interrogés ont eu ce type de comportement au moins une fois par jour, environ 33% d’entre eux quelques fois par semaine et 31% ont crié, élevé la voix ou se sont mis en colère une fois par semaine (Institut de la statistique du Québec, 2015). Il semble toutefois que ce soit l’interaction entre les caractéristiques de l’enfant, des parents et du contexte de vie qui prédit les difficultés liées au rôle parental (Lacharité et al., 2015). L’enchaînement de difficultés ressenties 1
par certains parents augmente le risque de pratiques parentales coercitives et, ultimement, le risque de voir apparaître une problématique de maltraitance. L’adversité familiale à laquelle un enfant est confronté (p. ex., la pauvreté, les pratiques parentales coercitives, la dépression maternelle) risque d’avoir des impacts négatifs sur son développement ultérieur (Barker, Copeland, Maughan, Jaffee & Uher, 2012; Boivin et al., 2012; Clark, Caldwell, Power & Stansfeld, 2010; Enoch, Steer, Newman, Gibson & Goldman, 2010). Au Canada, 85 440 enfants sont annuellement victimes d’une ou de plusieurs formes de maltraitance, dont de l’abus physique, psychologique et de la négligence. Dans 29% des cas, ces enfants souffrent de problèmes psychologiques et 17% d’entre eux affichent des symptômes nécessitant des soins professionnels (Trocmé et al., 2008). Or, les besoins de soins et de services associés à la maltraitance engendrent des coûts pour la société. Au Canada en 2000, l’estimation annuelle de ces coûts s’élevait à plus de 15,7 milliards de dollars (Bowlus, McKenna, Day & Wright, 2003); ceux-ci sont sans doute encore plus importants aujourd’hui. C'est pourquoi il importe d’agir en amont en adoptant des stratégies préventives dans l’optique de réduire la maltraitance ainsi que le coût humain et sociétal associé (Little & Edovald, 2012). Même si la plupart des parents ne recourent à aucune forme de maltraitance, certains d’entre eux peuvent tout de même éprouver des difficultés dans leur rôle et adopter des pratiques d’encadrement inefficaces ou controversées, comme le laxisme ou la punition corporelle. C’est pourquoi diverses sources de soutien à la parentalité sont mises en place pour aider et accompagner les familles dans leurs défis. Sources de soutien à la parentalité Il y a plusieurs sources de soutien vers lesquelles les parents peuvent se tourner en cas de besoin. D’une part, le réseau informel est souvent utilisé comme source de soutien, constitué notamment de la famille, des amis et d’autres parents. La télévision et les livres sont également des ressources que les parents utilisent (Ateah, 2003; Radey & Randolph, 2009). Il y a également une utilisation accrue d’Internet par les jeunes parents (Radey & Randolph, 2009). D’autre part, certains parents peuvent aussi avoir recours au réseau formel, constitué de professionnels aidant les familles selon des besoins spécifiques (Lacharité et al., 2015). Il est montré qu’environ un parent sur trois a consulté un professionnel au cours de la dernière année au sujet de l’éducation ou du comportement de son enfant (Clément, Gagné & Brunson, 2017; Lee et al., 2014; Walsh, 2002). Les mères consultant soit un professionnel de la santé, de la santé mentale ou de l’éducation, affichent un plus faible sentiment de 2
compétence parentale, davantage de stress parental et leur enfant présente plus de symptômes hyperactifs ou de problèmes socioaffectifs que les mères ne consultant aucun professionnel (Clément et al., 2017). Les programmes de soutien à la parentalité à données probantes sont une source de soutien professionnel qui font l’objet d’une demande croissante due à leurs nombreux avantages (Mihalic & Elliott, 2015). En effet, ces programmes sont reconnus pour être efficaces auprès de leur population cible. Ainsi, plutôt que de consacrer des ressources au développement de programmes, les organismes peuvent choisir parmi un nombre croissant de programmes à données probantes qui offrent habituellement du matériel d’intervention et d’évaluation, une formation et un soutien technique et clinique. De plus, l'efficacité démontrée de ces programmes peut faciliter leur adoption par la communauté et, lorsque ceux-ci sont mis en œuvre de manière rigoureuse, ils ont de fortes probabilités d’avoir des impacts positifs sur le bien-être des familles participantes (Cooney, Huser, Small & O’Connor, 2007). Il existe plusieurs classifications pour aider les organisations à choisir un programme de manière éclairée. Certaines se veulent internationales telles que Blueprints for Healthy Youth Development (https://www.blueprintsprograms.org). Pour faire partie de cette classification, les programmes doivent répondre à quatre critères, soit la qualité de l'évaluation (c.-à-d., une qualité méthodologique qui confère de la crédibilité aux résultats obtenus), l’impact de l’intervention (c.-à-d., des changements positifs significatifs sans avoir aucune preuve d’effet nocif), la spécificité de l’intervention (c.-à-d., les facteurs de risque ou de protection, la population et les différentes composantes du programme, ciblés pour produire le changement désiré) et la préparation à la diffusion (c.-à-d., la disponibilité du programme pour la diffusion et les outils nécessaires tels que les manuels, la formation, le budget pour la mise en œuvre). Une fois que les programmes répondent à ces quatre critères, ceux-ci sont répertoriés comme étant « prometteurs » ou « modèles ». Les programmes prometteurs répondent à la norme minimale d'efficacité, exigeant soit un essai contrôlé randomisé de haute qualité ou deux évaluations quasi-expérimentales de haute qualité. Les programmes modèles répondent à des normes plus élevées qui confèrent une plus grande confiance aux résultats obtenus. Ceux-ci doivent avoir été répliqués avec un minimum de deux essais contrôlés randomisés de haute qualité ou un essai contrôlé randomisé de haute qualité et une évaluation quasi-expérimentale de haute qualité. Il est également obligatoire d'avoir un impact d'intervention positif durable, pendant au moins 1 an après la fin de l'intervention (Mihalic & Elliott, 2015). Il existe également des classifications nationales telles que le Portail canadien des pratiques exemplaires (https://cbpp-pcpe.phac-aspc.gc.ca/fr/) qui relève de l’Agence de la santé publique du Canada. Les programmes sont classés soit « prometteurs » (c.-à-d., une faible incidence, ce qui signifie qu’il y a des résultats positifs à 3
court terme, une seule mise en œuvre de l’intervention, la qualité des études évaluant le programme est modérée) ou « exemplaires » (c.-à-d., une incidence modérée à élevée, ce qui signifie qu’il y a des résultats positifs à long terme, un minimum de deux mises en œuvre de l’intervention, la qualité des études évaluant le programme est rigoureuse) (Fazal, Jackson, Wong, Yessis & Jetha, 2017). Les programmes de soutien à la parentalité que l’on retrouve dans ces classifications sont présentés principalement sous deux formes, soit des programmes de visites à domicile ou des programmes de groupe. Les résultats d’une méta-analyse de Chen et Chan (2016) ont montré que ces deux types de programmes de soutien à la parentalité sont efficaces. Au niveau des visites à domicile, le programme Nurse-Family Partnership est le plus reconnu. Celui-ci figure dans la classification Blueprints for Healthy Youth Development en tant que programme modèle et en tant que programme exemplaire selon le Portail canadien des pratiques exemplaires. Les visites à domicile sont réalisées par des infirmières qui offrent un suivi prénatal et postnatal. Les buts de ce programme sont, entre autres, de promouvoir de saines habitudes de vie lorsque les femmes sont enceintes, d’améliorer la santé et le développement des enfants en accompagnant les familles et d’aider les parents à terminer leurs études et à trouver un travail. Le programme est offert aux parents dès le second trimestre de grossesse et jusqu’à ce que leur enfant atteigne l’âge de deux ans (Olds, Hill, O'Brien, Racine & Moritz, 2003). Le Nurse-Family Partnership a inspiré plusieurs programmes dans le monde, notamment au Québec avec les Services intégrés en périnatalité et pour la petite enfance (SIPPE). Le volet « accompagnement des familles » des SIPPE cible les familles ayant un enfant âgé entre 0 et 5 ans et vivant dans un contexte de vulnérabilité, soit par l’âge des parents (p. ex., mères âgées de moins de 20 ans) ou par un faible revenu. Les SIPPE sont constitués de suivis avec les familles sous forme de visites à domicile pouvant débuter lorsque la femme est enceinte de 12 semaines jusqu’à ce que l’enfant soit âgé de cinq ans (MSSS, 2019). À ce jour, il y a une étude évaluative montrant les effets positifs du programme, notamment quant au développement d’un lien significatif avec des professionnels d’expérience, et les résultats témoignent également d’une situation favorable quant à la croissance des enfants ainsi qu’à leur développement cognitif, langagier, moteur et socio-affectif. Par ailleurs, les auteurs mentionnent que certaines dimensions du programme pourraient davantage être appuyées et consolidées pour accompagner les jeunes parents dans leurs parcours de vie et ainsi favoriser le développement optimal de leur enfant. Il est également à noter que les effets sur la maltraitance n’ont pas été mesurés (Gendron et al., 2014). Au niveau des programmes de groupe, un exemple connu est le programme Incredible Years qui figure dans Blueprints for Healthy Youth Development en tant que programme prometteur et en tant que programme exemplaire selon le Portail canadien des pratiques exemplaires. Ce programme incorpore trois volets ciblant les 4
enfants, les parents et les enseignants. Il vise, entre autres, à promouvoir les compétences sociales des enfants ainsi que les compétences parentales et une meilleure communication en apprenant des stratégies parentales positives et cohérentes. De plus, le programme vise à promouvoir les compétences des enseignants à renforcer les liens de communication entre l'école et la maison (Webster-Stratton, 2001). Celui-ci a montré divers résultats positifs (p. ex., diminution des problèmes de comportement des enfants, augmentation des comportements prosociaux) (Menting, de Castro & Matthys, 2013). Incredible Years a été utilisé et évalué au Québec en contexte de protection de la jeunesse sous le nom de Ces années incroyables (CAI), ciblant les familles avec des enfants âgés entre 5 et 12 ans ayant des problèmes de comportement. L’évaluation du programme dans ce contexte a montré une diminution des problèmes de comportement des enfants et une amélioration des pratiques éducatives des parents, qui utilisent davantage de stratégies positives, de renforcements efficaces, et moins de pratiques parentales coercitives (p.ex., punitions physiques) (Letarte, Normandeau & Allard, 2010; Normandeau & Allard, 2004). D’autres programmes de soutien à la parentalité sont également en usage au Québec, dont le Programme d’aide personnelle, familiale et communautaire (PAPFC2) développé au Centre d'études interdisciplinaires sur le développement de l'enfant et la famille (CEIDEF) de l'Université du Québec à Trois-Rivières par l'équipe de M. Carl Lacharité. Celui-ci cible les familles ayant des enfants âgés entre 0 et 12 ans, dans lesquelles les parents peuvent être négligents, soit sur le plan physique, éducatif ou affectif. Le PAPFC2 offre différentes modalités, soit des suivis individualisés pour chacune des familles, soit des suivis de groupes de parents animés par deux intervenants. Les parents suivant le programme pour la deuxième année ont de meilleures conditions reliées à leur foyer (p.ex., un endroit sécuritaire pour les enfants; conditions salubres). PAPFC2 diminue également le stress parental, améliore les compétences parentales et diminue l’isolement des familles (Bérubé et al., 2014). Le Programme en intervention relationnelle a été développé à partir des écrits dans le domaine de l’attachement et de l’intervention qui s’y rattachent (Moss, Bureau, Cyr, Mongeau, & St-Laurent, 2004; Bakermans- Kranenburg, van Ljzendoorn & Juffer, 2003). Celui-ci vise les dyades parents-enfants âgées entre 0 et 5 ans dans le but de travailler la relation d’attachement. Ce sont des séances individuelles, à domicile, d’une durée de 90 minutes. Lors de ces séances, il y a une discussion dirigée durant laquelle des thèmes importants sont abordés dans l’optique d’améliorer la relation parent-enfant. Ensuite, il y a une séquence d’interaction parent- enfant filmée (entre 3 et 15 minutes) et une rétroaction vidéo (Leclerc & Rivard, 2014). Des résultats avec des familles suivies par la protection de la jeunesse indiquent, entre autres, une augmentation de la sensibilité parentale, c’est-à-dire la qualité du comportement des parents en matière de soins lors des interactions parent- enfant à la maison (Moss et al., 2011). 5
Le programme Y’a personne de parfait (Y’APP), élaboré par l’Agence de la santé publique du Canada, est aussi offert au Québec. Le but de ce programme est de garder et d’accroître la santé des enfants de 0 à 5 ans. Ce programme est d’une durée de 6 à 8 rencontres, présenté par un ou deux animateurs à un petit groupe de parents. Lors des rencontres, les parents effectuent diverses activités d’apprentissage axées sur la résolution de problèmes. Leurs expériences ainsi que leurs connaissances sont mises à l’avant-plan lors des discussions en groupe. Plusieurs effets bénéfiques sont observés à la suite de ce programme, soit une augmentation des pratiques parentales positives et de la confiance des parents, une augmentation de la capacité des parents à faire face à différents stresseurs et une meilleure perception des parents à propos de leur soutien social (Skrypnek & Charchun, 2009). Triple P – Positive Parenting Programme Le programme qui fait l’objet de la présente étude est Triple P - Pratiques Parentales Positives élaboré par M. Matthew Sanders et son équipe à l’Université de Queensland en Australie. Bien que présentant des similarités avec certains programmes déjà en usage au Québec, Triple P s’en différencie notamment par son approche en gradins, qui maximise son potentiel préventif et permet de rejoindre l’ensemble des parents d’enfants âgés entre 0 et 12 ans dans une communauté donnée (Gagné, Richard & Dubé, 2015). Triple P est un programme multimodal, ce qui signifie qu’il peut être offert en groupe ou sur une base individuelle. Il comprend aussi des stratégies médiatiques et informationnelles (p.ex., des conférences publiques) et un format en ligne (online Triple P), que les parents peuvent suivre de manière auto-administrée (Sanders, 2012; Sanders & Pidgeon, 2012). De plus, ce programme figure dans Blueprints for Healthy Youth Development et dans le Portail canadien des pratiques exemplaires et est qualifié de « prometteur » dans les deux classifications. Le programme Triple P est basé sur les principes cognitivo-comportemental et de santé populationnelle ainsi que sur la théorie de l'apprentissage social et du développement (Gagné & Sanders, 2019; Sanders, 2012). Au départ, Triple P visait à prévenir les troubles comportementaux et émotionnels chez les enfants au moyen d’interventions visant à améliorer les pratiques parentales (Sanders, Turner & Markie-Dadds, 2002). Au cours des 25 dernières années, Triple P a évolué pour devenir un modèle complet d'intervention de santé publique (Sanders, 2008). Plus précisément, ce programme vise à prévenir les problèmes comportementaux, émotionnels et développementaux chez les enfants et les adolescents en améliorant les connaissances, les compétences et la confiance des parents. Pour atteindre ces objectifs, Triple P comporte cinq niveaux d'intervention d’intensités différentes (Sanders, 2012), tel qu’illustré à la Figure 1. La description détaillée des cinq niveaux est présentée à l’Annexe A. 6
Pour connaître les effets du programme Triple P en matière de prévention de la maltraitance, des études populationnelles ont été réalisées. La première est une enquête australienne effectuée dans 10 comtés de Brisbane (territoires expérimentaux) ainsi que dans cinq comtés de Melbourne et cinq comtés de Sydney (territoires de comparaison) regroupant au total 6003 parents, dont environ le quart sont des pères, sélectionnés aléatoirement pour répondre à une entrevue téléphonique. Dans les territoires expérimentaux, les cinq niveaux de Triple P ont été implantés sur une période de deux ans avec des familles ayant un enfant âgé entre 4 et 7 ans. Une première enquête a été réalisée avant la mise en œuvre du programme en juillet 2003, puis une seconde enquête a été réalisée en avril 2006. Plusieurs composantes de la parentalité ont été évaluées, dont les pratiques parentales. Pour ce faire, une liste de pratiques parentales a été élaborée aux fins de l’étude. Les parents ont donc été questionnés sur leurs stratégies pour faire face à la mauvaise conduite de leurs enfants (p. ex., donner une conséquence quant aux comportements de l’enfant ou utiliser une stratégie parentale coercitive, comme la violence physique). Pour chacune des stratégies parentales, ceux-ci doivent évaluer la probabilité qu'ils utilisent chacune d’entre elles à l’aide d’une échelle de Likert. Les parents résidant dans les territoires de comparaison ont pu avoir accès aux services usuels de la santé et des services sociaux (p.ex., professionnels de la santé mentale, services scolaires habituels, programmes de soutien à la parentalité autres que Triple P). Les résultats montrent une réduction de 32% des pratiques parentales coercitives dans le territoire ayant implanté Triple P. Il importe de souligner une réduction des pratiques parentales coercitives également dans les territoires de comparaison. Toutefois, les résultats indiquent une réduction de 14% plus importante avec le programme Triple P (Sanders et al., 2008). Une autre étude a été réalisée dans 18 comtés du Sud-Est des États-Unis. Les quatre premiers niveaux de Triple P ont été implantés sur une période de deux ans visant des familles ayant un enfant âgé de moins de huit ans. Sur les 18 comtés à l’étude, neuf sont des comtés contrôles sélectionnés aléatoirement, qui ne sont exposés à aucun niveau du programme Triple P. À la suite de la période d’intervention de deux ans, il y a des différences significatives et de grandes tailles sur plusieurs indicateurs de la maltraitance entre les deux groupes à l’étude. Dans une communauté de 100 000 enfants âgés de moins de huit ans, les effets de l’intervention se traduisent par 688 moins de cas signalés à la protection de la jeunesse, 240 moins de placements en famille d’accueil ainsi qu’une réduction de 60 hospitalisations ou traitements médicaux urgents reliés à des blessures causées par de la maltraitance (Prinz, Sanders, Shapiro, Whitaker & Lutzker, 2009). Les résultats de cette étude ont suscité de nombreuses réactions dans la communauté scientifique. La crédibilité des résultats obtenus a été mise en cause, notamment en raison d’un manque d’information concernant la collecte et les sources de données, et aussi parce que les auteurs n’ont pas déclaré leur conflit d’intérêts (Ronald J. Prinz est un membre du conseil consultatif et agit à titre de consultant auprès de Triple P International et Matthew R. Sanders est le principal concepteur de Triple P) (Eisner, 2014). Ainsi, sept années plus tard, les chercheurs ont réanalysé leurs 7
données et leurs résultats convergent avec les résultats initiaux (Prinz, Sanders, Shapiro, Whitaker & Lutzker, 2016). En Irlande, une récente étude populationnelle évaluant Triple P a implanté les quatre premiers niveaux du programme à tous les parents d'enfants âgés de 4 à 8 ans dans deux régions, soit Longford et Westmeath, sur une période de 30 mois se situant entre 2010 et 2013. Tipperary North et Tipperary South sont les deux territoires de comparaison. Le groupe ayant reçu l’intervention est constitué de 1501 parents au prétest et 1495 au posttest. Le groupe de comparaison comprend 1521 au prétest et 1544 parents au posttest. Les parents participants ont été sélectionnés aléatoirement. L’impact de Triple P chez les enfants a été évalué à l’aide du questionnaire Strengths and Difficulties Questionnaire (SDQ) (Goodman, 1997) mesurant les problèmes sociaux, affectifs et comportementaux. Les auteurs ont également inclus un indice regroupant les difficultés totales défini en additionnant quatre sous-échelles du questionnaire. Les résultats indiquent que Triple P a eu un impact significatif quant à une diminution des symptômes émotionnels et comportementaux des enfants ainsi qu’une diminution significative des difficultés totales. Le groupe de comparaison présente une augmentation des difficultés entre le prétest et le posttest quant aux symptômes émotionnels et aux difficultés totales (Doyle, Hegarty & Owens, 2018). En Écosse, dans l'ensemble de la population de Glasgow City, Marryat, Thompson et Wilson (2017) n’ont pas trouvé d’effets populationnels au programme. Ces auteurs ont évalué l'impact de la mise en œuvre de Triple P sur le comportement des enfants de 4 à 5 ans, que les auteurs considèrent comme un indicateur de santé mentale. Pour mesurer le comportement des enfants, la version enseignant du Strengths and Difficulties Questionnaire (SDQ) est utilisée (Goodman, 1997). Les données ont été recueillies à l’aide du personnel éducatif préscolaire. Le personnel a rempli systématiquement des questionnaires lors de la transition des établissements préscolaires vers l’école primaire entre 2010 et 2015. Les résultats indiquent qu’il n’y a aucune amélioration quant aux difficultés sociales, affectives et comportementales des enfants d'âge préscolaire entre 2010 et 2015, suggérant que Triple P n'a eu aucun impact populationnel détectable sur le comportement des enfants au moment de la transition du préscolaire vers l’école primaire. Par ailleurs, les auteurs mentionnent qu’ils n’ont utilisé aucun groupe contrôle en guise de comparaison et qu’en raison d’un manque de ressources, les scores des parents n'ont pu être systématiquement recueillis. Comme Triple P est une intervention familiale et non scolaire, le seul point de vue des enseignants est peut-être insuffisant pour détecter des effets. Au-delà de la mesure des effets populationnels du programme, plusieurs études ont appuyé l’efficacité du programme Triple P à atteindre ses objectifs auprès des familles qui se prévalent du programme. Une méta- analyse de 101 études comprenant 16 099 familles a examiné les effets du programme. Les études incluses 8
dans la méta-analyse doivent rapporter des résultats sur les parents, les enfants, les familles ou d'autres personnes ayant un rôle parental, et les données recueillies doivent être sur une intervention exclusive de Triple P. Les résultats indiquent des effets positifs significatifs à court terme dans les sphères sociales, affectives et comportementales de l’enfant. Aussi, les résultats de la méta-analyse montrent une amélioration des pratiques parentales, de la satisfaction parentale, de l’efficacité, de l’ajustement parental (p.ex., au niveau de l’anxiété ressentie, du stress) ainsi que de la relation entre les parents. La méta-analyse révèle que 21 études incluent des données d’observation sur les enfants et que 17 études incluent des données d’observation sur les parents. Des effets significatifs ont été trouvés à court terme pour les enfants, mais aucun résultat significatif à court terme n’a été observé pour les parents. Finalement, ces mêmes résultats significatifs ont été montrés sur une période de long terme allant de 2 à 36 mois, y compris avec des données d'observation des parents. Les auteurs soulignent que les outils utilisés pour les méthodes d’observation ne sont pas toujours assez sensibles pour bien détecter les changements, d’où la nécessité de répliquer les résultats (Sanders, Kirby, Tellegen & Day, 2014). Dans l’ensemble, les résultats de la méta-analyse de Sanders et ses collaborateurs (2014) appuient l’efficacité à court et à long terme de Triple P. Par ailleurs, le principal concepteur de Triple P qui a réalisé cette méta- analyse a également participé à plusieurs études qui y sont incluses, ce qui peut constituer une source de biais. Dans la méta-analyse, il a contrôlé ce biais potentiel en analysant séparément 31 études sur les 101 incluses qui ne présentent pas de conflits d’intérêts avec un des concepteurs du programme. Les résultats de ces 31 études montrent des effets globalement significatifs du programme, notamment quant à des effets positifs significatifs à court terme dans les sphères sociales, affectives et comportementales de l’enfant, une amélioration des pratiques parentales, de la satisfaction et de l’efficacité parentale. Ces résultats concordent avec d’autres méta-analyses ayant trouvé des effets bénéfiques au programme Triple P (de Graaf, Speetjens, Smit, de Wolff & Tavecchio, 2008a, 2008b; Fletcher et al., 2011; Nowak & Heinrichs, 2008; Thomas & Zimmer- Gembeck, 2007; Wilson et al., 2012). Heinrichs, Kliem et Hahlweg (2014) ont évalué les effets à long terme du niveau 4 de Triple P. Ceux-ci ont pris six temps de mesures différents, soit à l’évaluation initiale (pré), immédiatement après l'intervention (post) et ils ont fait un suivi annuel de 1 à 4 ans après l’intervention. Les résultats appuient l'efficacité à long terme du programme Triple P quant à une diminution des pratiques parentales dysfonctionnelles. Cette tendance stable du changement est particulièrement marquée chez les mères. Triple P est implanté au Québec depuis janvier 2015. Dans le cadre d’un vaste projet de démonstration, il a été offert dans deux territoires sociosanitaires des régions de Québec et de Montréal. Aux fins d’évaluation, un 9
échantillon de 295 parents ayant reçu le niveau 3 et/ou 4 du programme (groupe expérimental) a rempli un questionnaire avant et après avoir reçu chacun des niveaux. Ces parents ont été comparés à 93 parents ayant reçu les services usuels du réseau de la santé et des services sociaux (groupe témoin) (Gagné, Drapeau & Charest, 2017). Les résultats montrent des changements positifs à court terme pour les familles ayant participé aux niveaux 3 et/ou 4 de Triple P. Triple P et les services usuels de la santé et des services sociaux montrent une réduction équivalente de la détresse psychologique ressentie chez les parents et des problèmes affectifs de leur enfant. Par ailleurs, Triple P est plus bénéfique que les services usuels au niveau d’une diminution du stress parental, d’une augmentation du sentiment d’auto-efficacité, d’une utilisation accrue de pratiques parentales positives et d’une amélioration au niveau du comportement des enfants. Ces résultats positifs ont été montrés avec divers niveaux socio-économiques, soit des familles défavorisées, moyennes et favorisées (Gagné et al., 2017). Bien que Triple P montre des effets bénéfiques dans l’ensemble, une méta-analyse réalisée par Fletcher et ses collaborateurs (2011) suggère que les effets positifs ressentis à la suite de ce programme diffèrent entre les mères et les pères. Triple P aurait un effet positif important pour les mères, mais un effet moindre pour les pères participants. Ainsi, il pourrait y avoir des effets différentiels selon le sexe du parent participant. Le sexe du parent Le rôle des pères dans la vie des enfants a beaucoup évolué au cours des dernières années. Depuis que la majorité des mères occupent des emplois à l’extérieur de la maison, les pères s’impliquent davantage dans les différentes sphères de la vie de leur enfant (Cabrera, Tamis-LeMonda, Bradley, Hofferth & Lamb, 2000; de Montigny, Lacharite, & Devault, 2012). Plusieurs études ont documenté les effets positifs de l’engagement paternel sur les enfants (p. ex., au niveau émotionnel, social, cognitif, langagier) (Cabrera, Shannon & Tamis- LeMonda, 2007; Ryan, Martin & Brooks-Gunn, 2006; Pancsofar & Vernon-Feagans, 2006; Pancsofar & Vernon- Feagans, 2010; Tamis-LeMonda, Shannon, Cabrera & Lamb, 2004). Une méta-analyse comprenant 24 études longitudinales appuie les effets positifs observés chez les enfants en lien avec l’engagement paternel. Les résultats indiquent qu’un père engagé réduit la fréquence des problèmes de comportement chez les garçons et des problèmes psychologiques chez les filles, notamment quant à la diminution de la détresse psychologique et rapporte vivre moins de sentiments négatifs (Sarkadi, Kristiansson, Oberklaid & Bremberg, 2008). En tant que parents, tant les pères que les mères peuvent participer à des programmes de soutien à la parentalité. Bien que différents programmes semblent afficher des résultats globalement positifs, certaines études révèlent des effets différentiels entre les pères et les mères. En effet, les pères ne semblent pas 10
bénéficier autant que les mères des bienfaits de ce genre de programme, notamment au regard de différentes variables liées à la parentalité telles que les pratiques parentales (Fletcher et al., 2011; Lundahl et al., 2008; Nowak & Heinrichs, 2008; Stemmler et al., 2007). Certains chercheurs notent même une absence d’amélioration significative sur ces aspects chez les pères (Stemmler, Beelmann, Jaursch & Losel, 2007). Ceux-ci expliquent ce résultat par le petit nombre de pères participants, réduisant la puissance statistique des analyses pour ce groupe. Trois hypothèses pouvant expliquer ces différences pères-mères sont présentes dans la littérature, notamment une représentation inégale entre les pères et les mères dans les études évaluatives, une plus faible participation en nombre de séances chez les pères ainsi que le type de participation aux programmes, soit de manière conjointe ou seule, qui peuvent influencer les résultats obtenus à la suite d’un programme de soutien à la parentalité. En premier lieu, il semble y avoir une participation inégale entre les pères et les mères dans les recherches évaluant différents programmes d’habiletés parentales. En effet, les pères sont souvent sous-représentés dans ce domaine de recherche. Dans une recension systématique portant sur la prévention de la maltraitance, Smith, Duggan, Bair-Merritt et Cox (2012) ont vérifié combien de programmes de prévention étudiés empiriquement ont inclus des pères. Les études évaluatives incluses dans cette recension doivent décrire une intervention pour la prévention de la maltraitance ciblant les enfants de cinq ans ou moins et inclure au moins un père. Il s’avère que seulement deux programmes présentent des résultats spécifiques aux pères. Tous les autres programmes recensés par Smith et ses collaborateurs (2012) n’incluent pas nécessairement les pères et quand ceux-ci sont inclus, ils représentent seulement une faible proportion des participants. Le pourcentage de pères inscrits varie d'un programme à l’autre (entre 3 et 27 %). De plus, il peut être ardu de confirmer l’efficacité de certains programmes pour les pères participants, car la plupart des programmes n'ont pas séparé les résultats pour les mères par rapport aux pères. Les auteurs expliquent que cela est probablement dû au fait que le petit nombre de pères participants dans chaque programme ne conférait pas suffisamment de puissance statistique aux analyses. D’autres auteurs soulignent également la sous-représentation des pères dans l’évaluation des effets des programmes de soutien à la parentalité (Cassano, Adrian, Veits, & Zeman, 2006; Niec et al., 2015). Cela peut être mis en perspective avec la méconnaissance des programmes de soutien à la parentalité chez les pères. Selon Frank, Keown, Dittman et Sanders (2015), les connaissances et l'expérience des pères en matière de programmes de soutien à la parentalité sont faibles : 13 % des 161 pères d’enfants âgés entre 2 et 9 ans de leur échantillon ayant participé à un groupe de discussion ont déclaré avoir entendu parler d'au moins un programme et seulement 3% ont déjà participé à un tel programme. Ces mêmes auteurs ont mesuré les 11
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