L'HOMME DANS L'ESPACE ET LES VOLS HABITES

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Texte de la 267e conférence de l'Université de tous les savoirs donnée le 23 septembre
2000.

        L'HOMME DANS L'ESPACE ET LES VOLS HABITES
                                  par Arlène AMMAR-ISRAËL

Les vols habités, avant même leur réalisation, ont occupé une large place dans l'imaginaire
collectif. Alors que la technologie spatiale prend chaque jour plus d'importance dans la vie
quotidienne, la participation aux vols habités est controversée, surtout au moment qui précède
la décision, compte-tenu du coût de ces missions.
L'espace est particulièrement hostile à l'homme. Les difficultés ont été surmontées, grâce à
l'analyse des mécanismes en jeu, aux progrès de la technologie, à l'emploi de mesures
prophylactiques, à une sélection et un entraînement des astronautes adaptés.
Aujourd'hui la Station Spatiale Internationale, le plus grand programme civil en coopération
au niveau mondial, est en construction. Cette infrastructure va permettre la présence
permanente en orbite basse de l'homme, pendant une quinzaine d'années. Des études sont en
cours pour préparer l'exploration de Mars par l'homme.
Nous essaierons de faire comprendre les enjeux scientifiques et économiques de ces missions
à partir d'exemples tels que le Télescope Hubble et la mission Perseus sur MIR.

L'ENVIRONNEMENT SPATIAL

L'accès à l'orbite basse est désormais bien maîtrisé. Ce sont des orbites situées entre 300 et
500 km de la Terre, dont la période est de l'ordre de 1 h30. En orbite, la quasi-disparition des
effets liés à la force de pesanteur caractérise l'état de micropesanteur. La micropesanteur, est à
la fois un outil pour la recherche fondamentale et pour la recherche appliquée, en physique,
chimie, biologie, physiologie, dans des conditions expérimentales non reproductibles au sol.
C'est également un paramètre important de l'environnement spatial dont il faut maîtriser les
conséquences pour la vie et le travail à bord, et dont il faut s'accommoder dans la conception
ou l'amélioration des systèmes spatiaux. Les autres caractéristiques du milieu spatial sont les
radiations, le confinement et l'isolement générateurs de stress, les accélérations et vibrations
pendant les phases d'atterrissage et de décollage. Enfin les sorties extravéhiculaires exigent un
scaphandre spécifique qui protége non seulement du vide spatial mais également des
radiations et des écarts importants de température. Micropesanteur, radiations et confinement
ne sont pas sans effet sur l'organisme humain. Une grande partie des connaissances actuelles a
été acquise dans la station MIR (le médecin Valeri Poliakoff a passé en 1994-1995 environ
quatorze mois à bord). Des mesures de précaution et d'hygiène draconiennes doivent être
prises pour éviter toute maladie non spécifique à l'espace. Pour les missions de très longue
durée, un chirurgien devra probablement faire partie de l'équipage.
De tous les troubles de l'organisme possibles en micropesanteur, les problèmes
cardiovasculaires sont certainement les plus redoutés. Dès les premiers instants, un litre et
demi de sang va passer de la moitié inférieure à la moitié supérieure du corps et cette nouvelle
répartition est interprétée par le cerveau comme une quantité de liquide supplémentaire. Le
cerveau réagit en modifiant la sécrétion des hormones, responsables du maintien de la
quantité d'eau et de sel constant dans notre corps. Après une semaine de vol, le volume
sanguin est diminué d'environ 10 %, ce qui correspond à un état de déshydratation. Au retour
sur Terre, l'astronaute présente une diminution de la tension artérielle qui se traduit par une
incapacité à se tenir debout. Il s'agit du type de malaise que l'on retrouve dans de nombreuses
maladies du système nerveux ainsi que chez trente pour cent des personnes âgées. Un
programme de mesures prophylactiques ou contre-mesures, permet de lutter contre un
déconditionnement de l'organisme avec par exemple des exercices sur tapis roulant et vélo
ergomètre ainsi que le port de vêtements de contrainte.
Le système neuro-sensoriel doit également s'adapter instantanément aux conditions de
micropesanteur. Pour les chercheurs s'ouvre tout un champ d'applications sur les processus de
perception et d'action dans l'espace et de la plasticité du système nerveux.
Après quelques semaines, vont apparaître les altérations du système musculo-squelettique qui
se traduiront par une perte de densité osseuse (modèle expérimental d'ostéoporose) et une
atrophie du tissu musculaire. Là encore, des contre-mesures permettront de lutter contre ces
effets.
En orbite terrestre, à l'intérieur du vaisseau spatial, les radiations de haute énergie, les
ceintures de Van Allen autour de la Terre et les éruptions solaires ne constituent pas un risque
majeur, pourvu que l'on prenne un certain nombre de précautions. Les mesures en vol
confirment les évaluations. Pour des missions lointaines (Mars) les risques sont plus élevés et
l'exposition continue au rayonnement cosmique ainsi que la probabilité de subir des éruptions
solaires imposeront des contraintes sur l'aménagement du véhicule, le calendrier de la mission
et le choix de l'équipage.

Pour les astronautes, la préparation à la mission au sol est longue (deux à trois ans) car elle
concerne l’apprentissage du fonctionnement de la station et du programme expérimental à
réaliser, ainsi que la préparation au vol. L'astronaute doit pouvoir résister aux contraintes du
vol pendant les phases dynamiques et lors du séjour en micropesanteur ainsi qu'au stress
engendré par le confinement et l'isolement. La préparation comprend un entraînement sur
table basculante, tabouret tournant et vols paraboliques. Cet entraînement, s’il ne diminue pas
la fréquence d'apparitions des symptômes, en diminue l'intensité et en favorise le règlement
rapide. Il comprend également des séances en piscine avec port du scaphandre et en
centrifugeuse pour simuler les phases dynamiques du vol.
Le séjour à bord est découpé en journées de 24 heures, rythme artificiellement rétabli puisque
les orbites sont accomplies en 90 minutes (soit seize levers/couchers de soleil). Il permet une
synchronisation avec les équipes au sol et le respect des rythmes biologiques. L'activité
professionnelle de l'astronaute diffère selon la catégorie à laquelle il appartient (spécialiste de
mission ou expérimentateur) mais les différences ont tendance à s'atténuer et l'astronaute doit
être polyvalent.

DE LA CONQUETE A L'EXPLORATION SPATIALE

La course à l'espace

On ne peut parler de l'exploration spatiale sans commencer par Sergueï Korolev dont la
contribution au développement de l'astronautique est immense. Grâce à la mise au point de la
fusée R7 constamment perfectionnée, son nom est associé à la plupart des grandes premières
spatiales, premier satellite artificiel de la Terre Spoutnik1 (1957), premier vaisseau spatial
habité avec Youri Gagarine (1961), première sortie d'un homme dans l'espace (1965). Après
la mise en orbite de Spoutnik1, l'humanité est entrée dans l'ère de l'espace et les deux grandes
puissances vont se lancer dans une lutte acharnée. Aux Etats Unis, Werner von Braun met au
point la fusée Jupiter qui lancera le premier satellite scientifique Explorer quelques mois
après Spoutnik1. Dès 1958 la NASA est créée et prend en charge le programme spatial. Un
mois après le lancement de Youri Gagarine, J. F. Kennedy engage le 25 mai 1961 la Nation
américaine dans le programme Apollo construit autour de la fusée Saturne V. Le premier
homme sur la Lune (N. Armstrong) atterrit le 20 juillet 1969. Le programme est cependant
interrompu pour raisons financières, après Apollo 17 alors que les trois dernières missions
étaient les plus intéressantes sur le plan géologique.
La course à la Lune fait place à l'occupation de l'orbite basse avec les premières stations
spatiales habitées en 1970 : stations Saliout pour les Soviétiques et Skylab, premier laboratoire
orbital pour les Américains. En 1975 c'est la mission Apollo-Soyouz. Depuis, près de 400
astronautes ont séjourné dans l'espace mettant à profit les exceptionnelles conditions de
micro-pesanteur dans les stations.
Les Russes et les Américains font alors des choix fondamentalement différents. Les Russes
vont se lancer dans la réalisation de vols de longue durée, à bord d'une station en orbite basse
habitée de façon permanente, les Américains dans le développement d'un avion spatial
réutilisable, la navette prévue pour des missions autonomes de courte durée. Le programme
Shuttle-MIR a réuni ces deux composantes. La Guerre froide est remplacée par la coopération
internationale et on se prépare à la Station Spatiale Internationale.

La Station Spatiale Internationale

Après de nombreux retards liés en particulier à l'état économique de la Russie, nous assistons
aujourd'hui au développement et à l'assemblage en orbite de la Station Spatiale Internationale
(ISS). Les partenaires majeurs du programme sont les États-Unis, la Russie, l'Europe, le Japon
et le Canada. Actuellement en orbite, la Station en est à sa phase initiale de construction, le
module russe Zaria « aube » et le nœud de jonction américain Unity lancés en 1998 ont été
complétés par le module russe Zvezda « étoile » le 26 juillet 2000 qui va permettre
l’exploitation réelle du complexe en fournissant en particulier les systèmes de support-vie aux
équipages. À son achèvement en 2005, l’ISS représentera un gigantesque complexe orbital de
415 tonnes avec un espace habitable de 1300 m3 et une puissance électrique de 110 kW. Le
premier équipage permanent est attendu pour octobre 2000, le laboratoire américain (Destiny)
sera amarré en janvier 2001. Il faudra 28 vols navette et près de 40 vols russes pour terminer
l’assemblage et commencer l’utilisation opérationnelle de cette infrastructure. Successivement
les éléments techniques et les modules scientifiques nécessaires vont être amarrés jusqu’en
2005. La Station est un des programmes scientifiques et techniques majeurs de ce siècle,
même s'il a été décidé pour des raisons politiques de coopération internationale et stratégiques
de soutien à l'industrie spatiale. La Station sera un laboratoire multidisciplinaire de longue
durée, habité de façon permanente sur une durée de plus de dix ans par un équipage de sept
astronautes qui travailleront à bord pendant des périodes de trois mois. Ce programme qui
offre aux principales agences spatiales mondiales la possibilité d'apprendre à travailler
ensemble permet d'envisager la réalisation des missions futures d'exploration du système
solaire qui ne sont pas réalisables par une seule puissance.
La participation de l’Europe à l’ISS a été décidée lors de la réunion au niveau ministériel du
Conseil de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) qui s’est tenue à Toulouse en octobre 1995,
puis précisée lors du Conseil de Bruxelles en mai 1999. Ce programme comprend : le
développement du laboratoire pressurisé Columbus dont le lancement est maintenant prévu en
octobre 2004, le véhicule de transfert automatique ATV (Automated Transfert Vehicle) qui
doit être lancé par Ariane 5 en avril 2004 pour s’amarrer au segment russe, des études de
définition détaillée concernant un véhicule de secours d’équipage CRV (Crew Rescue
Vehicle), des activités de préparation à l’utilisation de ces éléments et le financement
nécessaire au fonctionnement du corps européen de seize astronautes dont quatre français. Le
Conseil ministériel de Toulouse a aussi décidé d’engager le programme MFC (Microgravity
Facilities for Columbus) destiné à équiper la partie du laboratoire Columbus réservée à
l’utilisation européenne. Ce programme comporte essentiellement le développement d’un
laboratoire de sciences des matériaux MSL (Material Science Lab), le développement d’un
laboratoire modulaire de sciences des fluides FSL (Fluid Science Lab), l’adaptation et
l’intégration d’équipements de physiologie EPM (European Physiological Modules) et le
développement d’un laboratoire de biologie Biolab. Ces instruments seront mis à la
disposition de la communauté scientifique. Des appels à propositions établis sur une base
annuelle depuis 1997 par les agences spatiales, permettent un choix de ces projets qui seront
sélectionnés par des experts internationaux indépendants sur la base de la « meilleure
science ».

La participation française à l’utilisation de la Station Spatiale de l'ESA est organisée pour la
première phase du programme autour de deux pôles majeurs :
- dans le domaine des sciences de la micropesanteur sur la partie pressurisée de la Station, les
industriels français participent au développement des quatre instruments des MFC de l’ESA.
Le CNES réalise le module Cardiolab d’étude de la physiologie cardiovasculaire qui équipera
l'EPM, à des fins de recherche fondamentale et de contrôle médical des astronautes, ainsi que
l’instrument DECLIC (Dispositif pour l’Étude de la Croissance et des Liquides Critiques),
mini laboratoire intégré pour l'étude des fluides au voisinage du point critique et de la
solidification des matériaux transparents.
- dans le domaine des sciences de l’univers, des expériences seront installées à l’extérieur de
la Station, sur la grande structure en treillis en 2004-2005. L’horloge atomique par
refroidissement d’atomes PHARAO, développée par l’École Normale Supérieure ainsi que le
CNES, est une étape essentielle à la préparation des projets spatiaux en physique
fondamentale. La mission européenne ACES (Atomic Clock Ensemble in Space) prévue en
2005 sur la Station comprend PHARAO, combinée à une technique de transfert de temps par
lien laser et à un Maser à Hydrogène dans un but de comparaison. Des retombées majeures
sont attendues pour la métrologie du temps, les fréquences et pour les futurs systèmes de
navigation. L’expérience de physique solaire Solspec, du Service d’Aéronomie du CNRS,
mesurera, quant à elle, la distribution énergétique spectrale solaire dans l’ultraviolet et dans le
visible infrarouge. Cette mesure est d’une grande importance pour l’étude des processus
photochimiques qui régissent le comportement des espèces chimiques dans l’atmosphère et
pour les études de climatologie en corrélation avec l’activité solaire.

L'exploration future de Mars

Après la conquête de la Lune, celle de Mars est également un des vieux rêves qui hantent
l'humanité. L’exploration de la planète Mars représente un objectif majeur de la connaissance.
Planète de type terrestre, Mars a pu accueillir ou voir se développer des formes primitives de
vie. La présence humaine résulterait d'une combinaison entre la « pulsion d'exploration » et la
complémentarité apportée aux missions automatiques par l'homme in situ. Bien que très
ambitieuse, l’entreprise paraît réalisable avec les moyens actuels ou disponibles
prochainement (horizon 2020/2030). La NASA prévoit un premier vol piloté vers Mars à
l’horizon 2020 (projet de Robert Zubrin) : un véhicule de retour serait dans un premier temps
déposé sur Mars avec sa propre usine à propergols (méthane et oxygène liquide obtenu à
partir du gaz carbonique martien). L’équipage de 6 personnes rejoindrait le sol martien 2 ans
plus tard avec son habitat et un second véhicule de retour associé à son usine à propergols. La
mission serait composée de plusieurs phases : 6 mois de voyage aller, 18 mois à la surface et 6
mois de voyage pour le retour. Des tests de faisabilité sont prévus dans le programme
d'exploration de Mars de la NASA par moyens automatiques.
LES ENJEUX SCIENTIFIQUES ET LES APPLICATIONS SUR TERRE

On évoquera ici deux exemples de missions, le premier pour montrer l'apport de l'intervention
humaine nécessaire à la réalisation du Télescope Spatial Hubble, le deuxième pour insister
avec la mission Perseus sur les transferts entre les sciences de la micropesanteur et les
applications quotidiennes quelles soient médicales ou industrielles.

Le Télescope Spatial Hubble

C'est certainement une des plus exceptionnelles missions spatiales et probablement l'un des
exploits les plus spectaculaires accomplis par des astronautes pour la réparation des satellites
en orbite démontrant ainsi la grande complémentarité entre les missions habitées et les
satellites automatiques. La mission du Télescope Spatial lancé en 1990, a été prévue pour une
durée de vingt ans pour explorer l'Univers lointain. Cet observatoire NASA/ESA en orbite
terrestre rassemble des observations pour la communauté des astronomes répartie dans le
monde entier qui étudie toutes les composantes de l'Univers…. Après 10 ans de
fonctionnement en orbite, 2400 articles scientifiques ont été publiés à partir des données de
Hubble. Trois missions de réparation et de maintenance en orbite à partir de la navette
spatiale, ont déjà été accomplies et une autre mission est programmée pour améliorer encore
cet extraordinaire outil qui avait au départ souffert d'un défaut pénalisant pour ses
performances.

Les objectifs de la mission Perseus

     Les vols habités franco-russes ont permis aux scientifiques français de réaliser des
expériences, dans le domaine des sciences de la vie, des sciences de la matière et de la
technologie. Les expérimentations incluent des équipes du CNRS, du CEA, de l’INSERM,
des Universités, du Service de Santé des Armées... La mission Perseus effectuée par Jean
Pierre Haigneré en 1999 à bord de la station MIR était la septième mission franco-russe
organisée par le CNES. Cette mission présentait les caractéristiques suivantes : vol de longue
durée (188 jours), avec un programme expérimental ouvert à la coopération européenne,
fonctions d’expérimentateur et d’ingénieur de bord pour l'astronaute français et une sortie
extra-véhiculaire.
En sciences de la vie, il s'agit de comprendre les questions fondamentales de physiologie
gravitationnelle, de faire avancer la médecine spatiale, pour la santé et l'efficacité des
astronautes dans l'espace et de transférer vers la médecine les progrès techniques ou
thérapeutiques qui en sont issus. Le laboratoire Physiolab a été développé pour analyser les
divers composants veineux, artériels, neurovégétatifs et assurer à bord en temps réel un suivi
et un diagnostic de l’état de « déconditionnement » de l'astronaute. Le laboratoire Cognilab,
dédié aux neurosciences et à la robotique, est un outil performant d’analyse des processus
cognitifs et sensori-moteurs. La situation de micropesanteur permet aussi d’aborder des
questions fondamentales relatives au rôle de la gravité dans la croissance et la structuration de
la matière vivante. C’était le propos de l’expérience Genesis de biologie du développement
utilisant les pleurodèles pour analyser les possibilités de fécondation et de développement
embryonnaire (général, neuro-musculaire et vestibulaire).
Dans le domaine des sciences de la matière, la microgravité agit sur la matière par
l’intermédiaire des phases fluides dans lesquelles elle supprime la pression hydrostatique, la
convection et la sédimentation. Le laboratoire de physique des fluides Alice II avait pour
objectif d’établir les fondements d’une mécanique des fluides denses hyper compressibles en
exploitant pleinement le voisinage du point critique gaz-liquide des fluides purs. Les résultats
obtenus ont été accompagnés par un transfert de connaissances vers l’industrie qui a permis,
à la société Air Liquide, d’améliorer les opérations de gestion des réservoirs de pressurisation
supercritique d’Ariane V ainsi que celles des réservoirs de xénon supercritique des
propulseurs ioniques. Ce bilan constitue une contribution des recherches en micropesanteur à
l’évolution d’un domaine dont l’intérêt socio-économique, souligné par le succès des
applications aux technologies spatiales, est confirmé par l’attribution, aux responsables
scientifiques de l'expérience du Grand Prix « Gaz de France » de l’Académie des Sciences en
2000 pour les applications de ces découvertes à l’extraction et au stockage du gaz naturel.
En sciences de l'Univers, l’expérience Comet consistait à récupérer des poussières cométaires
en orbite terrestre en vue de l’analyse chimique des constituants d’origine du système solaire
avant qu’ils n’interagissent avec l’atmosphère. La mise en place de cette expérience à
l’extérieur de MIR en novembre 1998 a permis de récupérer des grains constituant l’essaim
des Léonides et provenant de la queue de la comète Temple-Tuttle. L'analyse au sol avec les
moyens d'analyse en laboratoire les plus performants permettra l'étude de ces grains.
L’expérience Exobiologie consistait à exposer des échantillons de nature biologiques, acides
aminés et bactéries, pour étudier leur stabilité et leur réactivité aux conditions de l’espace,
principalement au rayonnement ultraviolet solaire et visait à conforter l’hypothèse d’une
importation sur terre d’acides aminés d’origine extraterrestre.
Les résultats des missions scientifiques internationales sur MIR, en particulier ceux de la
dernière mission Perseus, seront présentés lors d'un symposium scientifique international en
mars 2001 à Lyon de manière à en faire le bilan et à mieux se préparer à l'utilisation de la
Station Spatiale Internationale.

Les retombées en médecine

Le terrain d'expérimentation spatiale a permis aux sciences de la vie de faire progresser nos
connaissances de l'homme et de son adaptation au milieu, permettant un transfert des
connaissances vers la médecine : déminéralisation osseuse, régulation cardiovasculaire,
atrophie musculaire. Ce terrain favorise aussi des avancées technologiques en matière de santé
avec des retombées industrielles. Certains appareils qui ont bénéficié pour l'espace d'un
développement instrumental miniaturisé sont utilisés dans les hôpitaux. La télé-assistance et
le télé-traitement mis au point lors des vols spatiaux pourront être utilisés pour la surveillance
des personnes âgées ou le soin de personnes en sites éloignés.
Les retombées industrielles des transferts technologiques vers la médecine représentent sept
milliards de francs par an aux États-Unis. On peut citer comme exemple le holter, système
développé par la NASA à l'occasion des missions Skylab permettant d'enregistrer en continu
pendant 24 heures l'électrocardiogramme. Quasiment tous les cabinets de cardiologie et tous
les services hospitaliers en sont équipés. Les pompes à insuline implantables sont dérivées de
travaux réalisés par la NASA dans le domaine de la surveillance en physiologie animale.
En France ces retombées industrielles représentent 60 millions de francs par an. Le CNES, par
le biais des programmes de Recherche et Technologie et par les développements
instrumentaux réalisés au cours des missions vols habités, a été à l'origine de la création des
PME suivantes spécialisées dans la fabrication et la commercialisation d'appareils médicaux :
la société Vermon à Tours pour la réalisation de sondes ultrasonores en cardiologie,
gynécologie, la société Diatecnic à Toulouse pour la réalisation de vélocimètres-Doppler en
cardiologie-neurologie, la société Gip Ultrasons à Tours pour la recherche et la technologie
ultrasonore dans le domaine de l'imagerie médicale ou la société Steel à Mazères pour des
dosimètres utilisés en médecine nucléaire.
Des progrès immenses ont été accomplis dans le domaine du vol habité depuis quarante ans.
Les chercheurs se sont mobilisés pour tirer les enseignements de ces missions. Les sciences de
la micropesanteur ont fait la preuve de leur maturité et les scientifiques français engagés dans
ces programmes depuis les années 1970 ont acquis une compétence mondialement reconnue.
Si l’on ne parle plus aujourd'hui des usines orbitales, on retient l'importance du transfert des
connaissances acquises vers les applications terrestres.
L’exploitation de la Station Spatiale Internationale va commencer et de nouveaux axes
directions sont explorés : domaines scientifiques tels que la physique fondamentale, recherche
d'applications et d'utilisation non conventionnelle de l'espace comme le multimédia ou
l'éducation. Ce programme arrive enfin à maturité et nul doute que les agences spatiales et la
communauté scientifique tireront le meilleur parti de ce laboratoire de recherche unique.
L'homme a toujours eu l'instinct des découvertes. Il est dans sa nature d'explorer les sites les
plus lointains et les plus difficiles, de repousser les frontières ; c'est là qu'il faut rechercher la
motivation la plus profonde pour l'homme d'aller dans l'espace.

Je remercie très chaleureusement Claudie André-Deshays pour son aide dans la préparation de
cette conférence.
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