L'incendie d'OVH - Une catastrophe économique dont premier

La page est créée Fabrice Lemaire
 
CONTINUER À LIRE
L'incendie d'OVH - Une catastrophe économique dont premier
L’incendie   d’OVH   –  Une
catastrophe économique dont
l’État   est   le   premier
responsable
par Edouard Husson.

Après l’incendie d’OVH, le 10 mars 2021, on n’a vu aucun
ministre se précipiter sur place accompagné de caméras de
télévisons. Pourtant, il s’agit bien d’une catastrophe
nationale. Des centaines de TPE et PME ont perdu leurs
données. L’image de la French Tech est écornée. Au-delà des
mauvais choix faits par OVH, il y a l’éloignement du réel d’un
État qui se gargarise de slogans (« startup nation »,
« souveraineté numérique », « Europe digitale ») mais fait les
mauvais investissements et se révèle incapable de créer un
climat favorable à l’émergence de champions français du
digital.

L’incendie d’OVH révèle l’incapacité de l’État en   matière de
L'incendie d'OVH - Une catastrophe économique dont premier
stratégie numérique. « Souveraineté numérique », « Europe du
digital », « French Tech » etc… Tout cela est parti en fumée
avec le très spectaculaire incendie d’un des bâtiments de
serveurs informatiques, basés à Strasbourg, de l’entreprise
OVH, « On Vous Héberge »). Bien entendu, il faut faire la part
des mauvais choix de l’entreprise. Mais quand on regarde de
plus près ce qui s’est passé, on s’aperçoit que cette
entreprise française, ambitieuse dans un secteur où la France
et l’Europe pèsent peu par rapport aux champions du Cloud,
américains ou chinois, s’est laissée entraîner dans une sorte
de « folie des grandeurs » par une rhétorique publique aussi
efficace que grandiloquente. L’État parle de « souveraineté
numérique », il veut même la réaliser à l’échelle européenne
mais il fait le contraire de ce dont le pays a besoin pour que
l’ambition digitale nationale s’appuie sur des bases solides,
à commencer par la robustesse des acteurs du secteur.

Les choix erronés de l’entreprise
L’entreprise OVH a expliqué que la cause de l’incendie qui a
détruit un de ses blocs de serveurs était accidentelle. Le feu
serait parti d’un ondulateur. L’enquête confirmera si cela
suffit à expliquer qu’aujourd’hui 3,6 millions de clients qui
avaient confié leurs données à l’hébergeur se retrouvent
« dans le noir ». Au-delà de la cause immédiate de l’incendie,
les analyses parues depuis une semaine pointent l’imprudence
qu’il y avait à maintenir dans des bâtiments contigus le
stockage des données et leur backup. C’est d’ailleurs ce qui,
pour de nombreux spécialistes du secteur, fait qu’on ne
pouvait pas parler véritablement de « Cloud » pour OVH. Il ne
peut y avoir « Cloud » qu’à partir du moment où les données
sont sauvegardées plusieurs fois et dans des conditions de
stockage qui assurent une véritable sécurité, avec en
particulier un éloignement géographique qui se mesure
éventuellement en centaines de kilomètres.

Le modèle financier d’OVH consistait à offrir des tarifs
d’hébergement bon marché particulièrement attractives pour de
petites structures. Or ce sont aujourd’hui précisément les TPE
et les PME qui sont les plus lésées par un système où la
réplication des données n’était pas suffisante ni effectuée
dans des conditions de sécurité équivalentes à ce que peuvent
financer de plus gros acteurs et ce qu’offrent les vrais
prestataires de Cloud comme les Américains Microsoft ou
Amazon. Là encore, les connaisseurs du secteur font remarquer
la disproportion, de 1 à 100, entre le nombre d’ingénieurs
d’OVH et celui d’Amazon Web Services (AWS). En somme,
l’entreprise, dont la croissance avait impressionné les
observateurs, qui s’était vue doter du label « fournisseur de
cloud souverain » et hébergeait même à ce titre des données de
l’État (comme la commande des marchés publics ou les données
de musées nationaux), qui était aussi l’un des onze acteurs
français membres du projet franco-allemand Gaia X de création
d’une souveraineté numérique européenne, n’avait pas en fait
les moyens de son ambition.

OVH paie pour les choix erronés de l’État
La grenouille OVH a voulu se faire aussi grosse que le bœuf
Amazon. Mais n’y a-t-elle pas été encouragée par le climat
que sécrète le discours d’État, très grandiloquent et
entretenant des illusions sur la robustesse du secteur
numérique en France ou sur la capacité des acteurs à lutter
dans la compétition internationale. L’incendie de Strasbourg
révèle comment, une fois de plus, les décideurs politiques
français sont loin du terrain. Au lieu de créer, par exemple,
des conditions fiscales favorables, pour des acteurs comme
OVH, leur permettant de consolider leur croissance à chaque
étape et de disposer d’une puissance d’investissement
suffisante afin de démultiplier les sites de stockage et
d’embaucher suffisamment d’ingénieurs, l’État a poursuivi
pendant plusieurs années le mirage d’un cloud souverain.

C’est   ainsi   qu’en   2009,   dans   le   cadre   du   «   Plan
Investissements d’Avenir », germa l’idée de créer un champion
national du Cloud. Deux ans plus tard fut créé le projet
Andromède, que l’on confie… à Orange, Thalès et Dassault-
Systèmes. Non pas que ces entreprises aient particulièrement
d’expérience dans le secteur; mais en France, on préfère une
logique « top down » et s’appuyer sur les réseaux d’anciens
des grandes écoles qui administrent les grandes entreprises
que de faire confiance à des entrepreneurs – dont pourtant la
France ne manque pas dans le secteur informatique. Comme
Dassault-Systèmes et Orange ne parviennent pas à s’entendre,
ce sont finalement deux projets qui virent le jour ; Orange et
Thalès lancèrent Cloudwatt tandis que Dassault Systèmes était
rejoint par SFR et Bull pour former Numergy. L’État devint
actionnaire à 33% dans les deux « startups », en investissant
deux fois 75 millions d’euros issus du Fonds national de
Sécurité numérique de la Caisse des Dépôts.

Dans les services de l’État, on était tellement sûr de la
réussite que l’on tablait sur 600 millions de chiffre
d’affaire cumulés des deux « champions » dès 2015. L’histoire
réelle est bien différente : ayant fait au mieux quelques
millions de chiffre d’affaires quand AWS atteignait 4,5
milliards de dollars dès 2015, les deux entreprises ont
aujourd’hui cessé leur activité. Imagine-t-on que même une
petite part des 150 millions dilapidés par l’État dans deux
projets « top down » qui, finalement ont échoué, aient été
plutôt investis dans des entreprises du type OVH, sous formes
d’incitation fiscale à l’investissement ou d’aide       à la
construction d’installations robustes et de backup
démultipliés, par exemple. Imaginons qu’au lieu de vouloir
être un acteur du système, l’État ait mis son énergie à
développer, toutes les infrastructures dont elle a besoin,
équipant aux meilleurs standards jusqu’aux villages les plus
reculés de France en fibre optique et en puissance de réseau.
Projetons-nous dans une France où l’État créerait des cadres
législatifs solides pour le développement de l’enseignement
supérieur privé, de manière à ce que le pays dispose d’autant
d’écoles informatiques – et donc d’ingénieurs – qu’il en
aurait besoin pour peser dans la troisième révolution
industrielle et ce qu’on appelle l’iconomie.

Autant imaginer que la France soit vraiment une « startup
nation » !

source : https://lecourrierdesstrateges.fr
Vous pouvez aussi lire