L'intégration du pédicure-podologue dans les soins de support en oncologie

 
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L'intégration du pédicure-podologue dans les soins de support en oncologie
IFPEK
        Institut de Formation en Pédicurie-podologie, Ergothérapie, Masso-kinésithérapie
                            12 rue Jean-Louis Bertrand, 35000 Rennes

   L’intégration du pédicure-podologue
 dans les soins de support en oncologie

                                     PIEDVACHE Lucie

                              Mémoire d’initiation à la recherche

                               Formation en Pédicurie-Podologie

                            Sous la direction de Mme Carine MENOU

Promotion 2018-2021                                                        Session juin 2021
L'intégration du pédicure-podologue dans les soins de support en oncologie
PRÉFET DE LA RÉGION BRETAGNE
DIRECTION REGIONALE
DE LA JEUNESSE, DES SPORTS
ET DE LA COHÉSION SOCIALE
Pôle formation-certification-métier

                                            Diplôme d’Etat de Pédicurie-Podologie

                        Travaux de fin d’études : Mémoire d’initiation à la démarche de recherche

Conformément à l’article L 122-4 du code de la propriété intellectuelle du 3 juillet 1992 : « toute représentation
ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants
cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la
reproduction par un art ou un procédé quelconque ».

J’atteste sur l’honneur que la rédaction des travaux de fin d’études, réalisée en vue de l’obtention du diplôme
d’Etat de Pédicurie-Podologie est uniquement la transcription de mes réflexions et de mon travail personnel.

Et, si pour mon argumentation, je copie, j’emprunte un extrait, une partie ou la totalité de pages d’un texte, je
certifie avoir précisé les sources bibliographiques.

Le 11.05.2021

Signature de l’étudiant :

Fraudes aux examens :

CODE PENAL, TITRE IV DES ATTEINTES A LA CONFIANCE PUBLIQUE
CHAPITRE PREMIER : DES FAUX
Art. 441-1 : Constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que
ce soit, dans un écrit ou tout autre support d’expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d’établir la preuve d’un
droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques.

Le faux et l’usage de faux sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.

Loi du 23 décembre 1901, réprimant les fraudes dans les examens et concours publics.

Art. 1er : Toute fraude commise dans les examens et les concours publics qui ont pour objet l’entrée dans une administration publique ou
l’acquisition d’un diplôme délivré par l’Etat constitue un délit.
IMPRIME Ip 04.04.03 – A                                                               MAJ : Nov. 2017
                                       ENGAGEMENT ETUDIANT
 Doc de rattachement : I 04.04.01

Je soussigné(e), PIEDVACHE Lucie, étudiant(e) IFPEK en :
   Pédicurie-Podologie                   Ergothérapie                   Masso-kinésithérapie

    Reconnaît avoir pris connaissance de la procédure IFPEK « Procédure Interne Ethique Re-
     cherche Etudiante »
    Accepte les conditions de réalisation des projets au sein de l’IFPEK
    M’engage à respecter toutes les étapes définies dans la procédure, durant toute la durée de
     mes études au sein de l’IFPEK, et notamment :
         o Le recueil des consentements auprès des personnes interrogées dans le cadre de mes
            projets,
         o L’anonymisation des personnes interrogées et des données collectées,
         o La non diffusion de ces données en dehors du cadre pédagogique,
         o La destruction des données brutes recueillies.

En cas de manquement à ces différentes règles, l’IFPEK sera susceptible d’appliquer des sanctions no-
tamment si des plaintes ou réclamations sont déposées par des personnes interrogées (avertissement,
conseil de discipline, …).

Fait en deux exemplaires à RENNES, le 11/05/2021

L’étudiant IFPEK : PIEDVACHE Lucie

(lu et approuvé)
NOM : PIEDVACHE

PRENOM : Lucie

TITLE : the integration of the podiatrist in supportive care in oncology

Abstract : The World Health Organisation nowadays describes cancer as a major public health issue.
Since 2003, the fight against cancer in France has been structured around national cancer plans. Sup-
portive care is part of an accompaniment objective. It includes all the care and support necessary for
patients in addition to specific treatments. These are heavy and the side effects are numerous. Many
patients suffer from painful nail and skin disorders related to these therapies, which affect their qua-
lity of life. Thus, the podiatrist is part of the cancer patient's care pathway through this support care.

Two exploratory interviews revealed a problem in the field: the podiatrist plays a role in supportive
care but is still very little used. A qualitative study was carried out through semi-directive interviews
with health professionals from a cancer centre and a cancer patient.

The aim of this research was to highlight the lack of information among patients and healthcare pro-
fessionals about the role of the foot and leg specialist in oncology and to suggest ways of improving
their integration into multidisciplinary oncology teams.

Keywords : oncology, side effects, supportive care, accompaniment

TITRE : L’intégration du pédicure-podologue dans les soins de support en oncologie

Abstract : L’Organisation Mondiale de la Santé décrit aujourd'hui le cancer comme un problème de
santé publique majeure. Depuis 2003, la lutte contre le cancer en France s’est structurée autour de
plans de mobilisation nationale. Les soins de support s’inscrivent dans un objectif d’accompagne-
ment. Ils regroupent tous les soins et soutiens nécessaires aux personnes malades parallèlement aux
traitements spécifiques. Les thérapeutiques sont lourdes et les effets secondaires sont nombreux.
Beaucoup de patients subissent des affections unguéales et cutanées douloureuses en lien avec ces
thérapies qui influent sur leur qualité de vie. Ainsi, le pédicure-podologue s’inscrit dans le parcours
de soin du patient atteint de cancer au travers de ces soins de support.

Deux entretiens exploratoires ont permis de relever un problème de terrain : le pédicure-podologue
est un acteur des soins de support mais il reste très peu sollicité. Une étude qualitative a été réalisée
au travers d’entretiens semi-directifs auprès de professionnels de santé d’un centre anti-cancéreux
et d’un patient atteint de cancer.

Ce travail de recherche a eu pour objectif de mettre en évidence le manque d’information des pa-
tients et des professionnels de santé autour du rôle du pédicure-podologue en oncologie et de pro-
poser des pistes d’amélioration à leur intégration dans les équipes pluridisciplinaires en oncologie.

MOTS CLES : oncologie, effets secondaires, soins de support, accompagnement

INSTITUT DE FORMATION EN PEDICURIE-PODOLOGIE :

12 rue Jean Louis Bertrand, 35000 RENNES

TRAVAIL ECRIT DE FIN D’ETUDES – 2021
Remerciements

Je tiens à remercier ma directrice de mémoire, Madame Carine MENOU, pour son accompagnement,
ses conseils et sa disponibilité tout au long de la réalisation de ce travail de recherche.

Je remercie également, l’ensemble de l’équipe pédagogique de l’IFPP pour leur apport de connais-
sances, leur encadrement, et plus particulièrement ma référente de groupe, Mme Bernadette BOUT-
SOQUE, pour sa bienveillance tout au long de ces trois années de formation.

Je tiens à remercier les professionnels de santé du centre anti-cancéreux sollicité pour leur disponibi-
lité.

Je tiens à remercier mon entourage et plus particulièrement ma maman pour sa contribution par le
partage de son expérience et ses multiples relectures. Elle a su m’encourager tout au long de ce travail,
croire en la pertinence de ma recherche et m’apporter son savoir-faire qui m’a permis d’aller plus loin
dans ma réflexion.

Enfin, je remercie tous mes amis, ceux de la promotion, les Pédologues et les Cœurs, sans qui ces trois
années n’auraient pas été les mêmes.
« Le cancer est une maladie qui nous concerne tous.

            C'est un enjeu à la mesure de l’Homme.

                            C'est un enjeu de vie. »

                            Jean-François MATTEI
Table des matières

Introduction............................................................................................................................................. 1
1.     Les soins de supports en oncologie ................................................................................................. 3
     1.1.      L’oncologie .............................................................................................................................. 3
       1.1.1.         De l’observation ancestrale à l’approche scientifique du cancer ................................... 3
       1.1.2.         La lutte contre les cancers en France : un enjeu de santé publique majeur................... 5
       1.1.3.         Des traitements lourds suivis d’effets secondaires ......................................................... 6
     1.2.      Les soins de support : une réponse à des besoins spécifiques ............................................... 8
       1.2.1.         Des besoins spécifiques face aux effets secondaires des traitements............................ 8
       1.2.2.         Des besoins spécifiques justifiant les plans cancer ......................................................... 9
       1.2.3.         Des soins de supports priorisés dans les plans cancer 2003-2007 et 2009-2013 ......... 10
     1.3.      Les soins de support, une approche pluridisciplinaire tout au long du parcours patient ..... 11
       1.3.1.         Du dispositif d’annonce à la fin de vie........................................................................... 11
       1.3.2.         Une équipe pluridisciplinaire ville-hôpital mobilisée .................................................... 12
       1.3.3.         Le patient acteur de son parcours de soin .................................................................... 14
2. La pédicurie-podologie, partie prenante des soins de support en oncologie aujourd'hui et
demain ? ................................................................................................................................................ 15
     2.1.      Des compétences face à la clinique ...................................................................................... 15
       2.1.1.         Pédicurie : soin des affections unguéales et cutanées.................................................. 15
       2.1.2.         Podologie : protéger les zones d’affections cutanées................................................... 18
       2.1.3.         Education thérapeutique : des compétences supplémentaires au service de la clinique
                      19
       2.1.4.         La réflexologie plantaire, une thérapie complémentaire à explorer. ........................... 20
     2.2.      Problématisation : de la question de départ à la question de recherche ............................. 21
       2.2.1.         Contexte et situation d’appel ........................................................................................ 21
       2.2.2.         Etat de l’art .................................................................................................................... 22
       2.2.3.         Synthèse de l’enquête exploratoire .............................................................................. 23
     2.3.      Méthodologie de recherche .................................................................................................. 24
       2.3.1.         Enquête de terrain ........................................................................................................ 24
       2.3.2.         Outils d’enquête ............................................................................................................ 24
       2.3.3.         Choix des populations ................................................................................................... 25
       2.3.4.         Elaboration de grilles d’entretiens ................................................................................ 27
3.     Analyse et discussion..................................................................................................................... 28
     3.1.      Le pédicure-podologue face à un enjeu de reconnaissance dans les soins de support ....... 28
       3.1.1.         Besoins spécifiques des patients ................................................................................... 28
3.1.2.         Lien ville-hôpital : assurer la continuité des soins......................................................... 29
        3.1.3.         Une spécialisation en oncologie nécessaire .................................................................. 30
     3.2. L’intégration du pédicure-podologue dans les soins de support : entre prévention et
     promotion de la santé ....................................................................................................................... 31
        3.2.1.         Les soins de support, au-delà de la technicité, un engagement partagé ...................... 31
        3.2.2.         Les soins de support : un mode d’exercice pluridisciplinaire ........................................ 32
        3.2.3.         L’intégration des pédicures-podologues aux programmes d’éducation thérapeutique
                       33
     3.3. Une information à développer, des vecteurs de communication à adapter, entre patients et
     professionnels ................................................................................................................................... 34
        3.3.1.         Une information perfectible auprès des patients ......................................................... 34
        3.3.2.         Une information insuffisante auprès des professionnels ............................................. 35
        3.3.3.         Un intérêt nouveau pour les thérapies complémentaires ............................................ 36
4.      Synthèse ........................................................................................................................................ 38
Conclusion ............................................................................................................................................. 40
Bibliographie ......................................................................................................................................... 41
Table des annexes .................................................................................................................................... I
Introduction

Les humains, comme tous les êtres vivants, peuvent tomber malade. Parfois, le diagnostic est posé et
le mot est lâché : c'est un cancer. Rapidement, des pensées se forment dans les esprits : souffrance,
fatalité, injustice, mort… Oui, le cancer fait peur, et même certains médecins évitent de prononcer ce
mot. Faut-il libérer la parole autour de cette maladie qui va toucher un homme sur cinq et une femme
sur six dans le monde au cours de sa vie (SPF, 2021) ? Les données chiffrées transmises par l’Organisa-
tion Mondiale de la Santé (OMS) ne sont pas rassurantes. Si les comportements humains ne changent
pas, l’OMS prévoit une augmentation du nombre de cancers de 60% à l’horizon 2040. Dans ce contexte,
le cancer représente l’un des problèmes de santé publique majeurs des prochaines décennies. En
France, 382 000 nouveaux cas de cancers adultes ont été recensés en 2018 et pour la même année,
2 200 chez l’enfant. Près de 158 000 personnes adultes en sont décédées. Le Bulletin Épidémiologique
Hebdomadaire du 12 novembre 2019 (MCO, 2019) rapporte que ce sont les décès liés au cancer du
poumon chez la femme, du pancréas et du cerveau dans la population générale qui ont le plus aug-
mentés au cours de ces vingt dernières années.

Le cancer concerne tous les organes et mobilise toutes les spécialités médicales. Une grande partie de
la communauté scientifique se consacre aujourd’hui au développement de nouvelles thérapeutiques
visant à améliorer l’espérance de vie des patients et leur qualité de vie avec la maladie. De nombreux
organismes comme la Ligue contre le cancer, la Fondation de France, la Fondation ARC ou la Fondation
pour la recherche médicale s’emploient à obtenir de nouveaux financements pour la recherche per-
mettant aujourd'hui à un malade sur deux de guérir du cancer. Les thérapeutiques en cancérologie
sont lourdes, les souffrances sont importantes et le besoin d’accompagnement devient prégnant.

Forte de ces données et particulièrement sensibilisée aux soins en oncologie lors de mes stages en
centres anti-cancéreux ou dans mon environnement personnel, j’ai souhaité orienter mon travail de
recherche autour des maux que rencontrent les patients atteints de cancer.

En tant qu’étudiante, j’ai en effet pris en soin des personnes dans un service d’oncologie. Mes collègues
et moi-même étions missionnés pour intervenir pour des soins tégumentaires. Une de mes premières
questions portaient sur les effets des traitements anticancéreux sur les pieds du patient. J’ai donc ren-
contré des personnes, des patients. J’ai observé, j’ai cherché dans la littérature, puis ai continué à
m’interroger : Quel est le rôle du pédicure-podologue en oncologie ? Est-ce « juste » prodiguer un acte
technique pour soulager ou pour éviter une pathologie potentiellement douloureuse ? Les podologues
ont des compétences techniques mais pas seulement ; ce sont des soignants qui touchent les individus
et communiquent avec eux. Comment peuvent-ils mettre toutes leurs compétences au service du

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patient ? Mes différents stages et les personnes que j’ai rencontrées ont favorisé l’émergence d’autres
questions : Quels sont réellement les besoins des patients ? Mes lectures, observations et la rencontre
de personnels soignants dans ce type de service m’ont fait m’interroger : Dans quelle dimension le
pédicure-podologue s’intègre-t-il aux soins de support ?

L’ensemble de cette recherche exploratoire me permet de poser ma question de recherche. Elle vise
à préciser la pertinence et la place du pédicure-podologue dans le parcours du patient suivi en onco-
logie. Ma question de départ « En quoi le pédicure-podologue est-il un acteur du parcours de soin des
patients en oncologie ? » a donc évolué et me permet de poser la problématique suivante : Comment
le pédicure-podologue peut-il être davantage intégré comme un acteur des soins de support en onco-
logie ?

Afin de structurer ma recherche, je consacrerai ma première partie à la présentation de la spécialité
médicale, à la thérapeutique et au cadre réglementaire qui a accompagné son évolution. Ma seconde
partie s’attachera à développer les compétences du pédicure podologue, aujourd’hui proposées en
réponse aux besoins des patients suivis en oncologie et à réfléchir la pertinence à les élargir. J’y expo-
serai ma méthodologie de recherche qualitative, à travers quatre entretiens semi-directifs réalisés au-
près de professionnels de santé d’un centre anti-cancéreux et d’un cinquième auprès d’un patient.
Enfin, dans la dernière partie de ce travail de recherche, j’analyserai, discuterai les réponses obtenues
lors de ces entretiens et en dresserai la synthèse afin de répondre à la problématique posée.

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1. Les soins de supports en oncologie

   1.1. L’oncologie

L’oncologie ou cancérologie est la spécialité médicale d’étude, de traitement et de diagnostic des can-
cers pratiquée par l’oncologue.

       1.1.1. De l’observation ancestrale à l’approche scientifique du cancer

« Le cancer n’est pas un mal moderne ». Le mot cancer vient du grec « carcinos » qui signifie « crabe »
(BELLARMINE, 2009). Le premier à utiliser ce terme fut Hippocrate pour désigner les ulcères chroniques
évolutifs. Il proposa des cautères à base de pâtes d’arsenic pour les traiter. Il attribua les cancers à un
déséquilibre des « humeurs » et marqua, par ses observations, le début de la théorie endogène. Par la
suite, Ambroise Paré recommanda « l’extirpation du chancre » ou, à défaut, l’emplâtre avec des demi-
animaux, à la manière d’un sacrifice biblique (DE THÉ, 2015).

Le XVIIIème siècle a vu émerger l’anatomie pathologique. Celle-ci vient de l’observation, d’abord ma-
croscopique, puis microscopique, des lésions. Jean-Baptiste Morgagni, chirurgien de Padoue, com-
prend alors que les tumeurs forment un groupe de pathologies à part. Par Rudolf Virchow, l’analyse
microscopique triomphe et le cancer devient alors une maladie de la cellule, unité de base du vivant
(DE THÉ, 2015). Les cellules cancéreuses se divisent de façon désordonnée et bouleversent l’organisa-
tion des tissus sains.

En 1911, Peyton Rous démontra la transmission rapide d’une tumeur chez la poule par des extraits
acellulaires ayant des caractères de virus. Cinquante ans plus tard, il démontra que le virus du sarcome
de Rous change fortement le comportement des cellules en culture : elles deviennent arrondies et
poussent indéfiniment de manière désordonnée (SHAFFER, 2018). Ces anomalies des cellules cancé-
reuses (prolifération, immortalité, morphologie, métabolisme, différenciation) seront regroupées sous
le terme de transformation cellulaire. En 1914, le pathologiste Theodor Boveri écrit que cette prolifé-
ration rapide des cellules pourrait venir de la prédominance des chromosomes qui favorisent la divi-
sion (DE THÉ, 2015). Dans le même temps, Charles Oberling, professeur au Collège de France, met
l’accent sur l’étude des tumeurs par les biopsies et la prévention par le dépistage. Si décrire le désordre
n’est pas chose facile, il est encore plus difficile de le comprendre.

L’expérimentation animale a ensuite permis d’observer de façon contrôlée et reproductible les effets
inducteurs de tumeurs, qu’ils soient physiques, chimiques ou biologiques. Cette approche différente a

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abouti à la constitution d’une théorie exogène du cancer. À la suite de la révolution pasteurienne (con-
sacrée à la recherche des bactéries ou des virus dans toutes les maladies), plusieurs chercheurs ont
isolé des virus capables de provoquer des cancers, dans la première moitié du XXème siècle. En 1955,
Oberling pensait que tous les cancers étaient d’origine infectieuse. On sait aujourd’hui que seulement
15 à 20 % d’entre eux le sont, majoritairement dans les pays du Sud (DE THÉ, 2015).

Au XVIIIème siècle, Percival Pott (DARMON, 1989) se penche sur le cancer des petits ramoneurs. Il
établit que les dérivés du goudron sont fortement cancérigènes en application cutanée et fait le lien
entre suie et cancers du scrotum chez les ramoneurs. On découvre également que les moutardes azo-
tées (dérivées de gaz de combat) sont de très puissants inducteurs de tumeurs, tout comme les rayons
X (DE THÉ, 2015). Rayonnements ionisants et carcinogènes chimiques sont quant à eux inducteurs de
mutations génétiques. Ces relations étroites, quasi inévitables, entre mutagènes et cancers ont permis
d’écarter un temps la piste virale. Antoine Lacassagne (médecin biologiste français) apporta une con-
tribution majeure à l’établissement des protocoles de radiothérapie entre 1920 et 1930 . Il s’intéressa
ensuite aux facteurs endogènes capables de promouvoir le développement des cancers. Il démontra
que l’injection de folliculine, un dérivé hormonal œstrogénique, provoque des cancers du sein même
chez les souris mâles (CORVOL, 2021). Cette observation constitue un réel changement de paradigme,
car elle implique pour la première fois des facteurs internes à l’organisme : les hormones. Il consacra
la fin de sa vie à la recherche de l’antidote chimique capable de s’opposer aux effets des hormones.
Aujourd’hui, un anti-œstrogène, le tamoxifène, est utilisé pour la prévention des cancers du sein chez
certaines femmes à hauts risques (DE THÉ, 2015).

Enfin, l’épidémiologie sera une des premières manières de passer du cancer expérimental aux cancers
humains par la comparaison de leurs incidences respectives. Elle considère le monde comme un en-
semble dont il faut décrypter la variance et connaîtra d’immenses succès entre 1950 et 1980. Globale-
ment, l’incidence des cancers augmente de façon exponentielle avec l’âge. L’épidémiologie géogra-
phique a aussi révélé les liaisons dangereuses entre les infections virales et certains cancers (foie, col
de l’utérus, nasopharynx). Plus qu’aucune autre approche, l’épidémiologie a contribué à faire baisser
la mortalité grâce à l’élimination des toxiques et la protection contre les virus. Aujourd'hui, partout
dans le monde, l’incidence globale des tumeurs augmente, alors que la mortalité diminue grâce au
dépistage précoce et à de meilleurs traitements (DE THÉ, 2015).

Ainsi, l’oncologie, autrefois nommée carcinologie, qui tire son nom des termes grecs « onkos » et «
logie», signifiant respectivement « masse » et « étude de » (LEWIN, 2020), est reconnue depuis 1988
comme une branche de la médecine à part entière. Cette spécialité médicale exercée par les

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oncologues est engagée dans la prévention, le dépistage, le diagnostic, le traitement et le suivi des
cancers de tous types.

Même s’il existe une multitude de cancer, on observe aujourd'hui une caractéristique commune : la
présence de tumeurs malignes formées par la prolifération anarchique de cellules évoluant vers un
dysfonctionnement tissulaire puis organique (REINAUD, 2019).

L’oncologie est, par conséquent, un domaine exploré depuis toujours. La recherche et les progrès de
la médecine sont constants. L’arrivée des traitements personnalisés (thérapies ciblées) en font, au-
jourd’hui, une discipline qui ne cesse d’évoluer.

      1.1.2. La lutte contre les cancers en France : un enjeu de santé publique majeur

En 2018, 18,1 millions de nouveaux cancers ont été décelés dans le monde et 9,6 millions de personnes
en sont décédées. 1 homme sur 5 et 1 femme sur 6 développeront un cancer au cours de leur vie. 1
homme sur 8 et 1 femme sur 11 en mourront. En 2015, ces chiffres faisaient du cancer la deuxième
cause de mortalité mondiale derrière les maladies cardiovasculaires et la première cause de mortalité
dans les pays riches (BRAY et al., 2018).

En France, les cancers représentent la première cause de décès chez l’homme et la deuxième cause
chez la femme. En 2018, on comptait 382 000 nouveaux cas de cancer dans l’hexagone dont 54% chez
l’homme selon Santé Publique France. C'est 150 000 cas de plus qu’en 1995. On estime également à
157 000 le nombre de décès par cancer la même année (SPF, 2021). Ces chiffres ont doublé ces 30
dernières années en raison de l’augmentation de la population française et de son âge, de l’améliora-
tion de la détection, de nos comportements à risque (tabac, alcool, rayons UV), de notre mode de vie
(nutrition, sédentarité, obésité), et de notre environnement (pesticides, pollution).

Les cancers peuvent être classés en fonction de :
-       La zone atteinte : cancer du foie, du poumon, de la prostate, du sein…
-       Du tissu atteint : sarcome (myosarcomes s’il touche les muscles, ostéosarcome s’il touche les
os, ou chondrosarcome si les cartilages sont atteints), carcinome s’il concerne les tissus épithéliaux ou
cancer hématopoïétique s’il concerne le sang ou les organes lymphoïdes.
-       Sa vitesse de progression : on distingue les tumeurs bénignes (vitesse de progression lente ou
nulle), les tumeurs malignes (développement rapide) et les cancers foudroyants (évolution très rapide,
la mort peut survenir en quelques semaines).

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Si les cancers sont au total responsables aujourd’hui de près de 150 000 décès chaque année, le risque
de décéder d’un cancer a diminué notablement grâce aux diagnostics plus précoces et aux progrès
thérapeutiques (INCA, 2021a). Aujourd’hui, plus d’une personne sur deux guérit après un diagnostic
de cancer en France. Cette donnée générale masque toutefois de grandes disparités entre les patients,
en fonction du sexe, de la localisation du cancer et du stade de la maladie au moment du diagnostic.
Les inégalités entre les Français s’aggravent. Le risque de mourir d’un cancer entre 30 et 65 ans est
deux fois plus élevé chez les ouvriers que chez les cadres. De même, des disparités hommes-femmes
sont observées. Les cancers du poumon sont les plus meurtriers chez l’homme avec près de 23 000
morts chaque année, suivis du cancer colorectal (9 000 morts) et de la prostate (8 000 morts) tandis
que les femmes atteintes du cancer meurent principalement du cancer du sein (12 000 décès chaque
année), du poumon (10 000 décès) et du cancer colorectal (8 000 décès) (SPF, 2021). Il est à noter
également que si l’incidence a augmenté de façon exponentielle chez les populations des deux sexes,
depuis 30 ans, la mortalité a quant- à elle largement diminué avec des périodes de rémission de plus
en longues et fréquentes (DEFOSSEZ et al., 2019).

       1.1.3. Des traitements lourds suivis d’effets secondaires

La cancérologie a beaucoup évolué au fil des années et il existe aujourd'hui différents types de traite-
ments pour lutter contre les cancers : la chirurgie, la chimiothérapie, l’hormonothérapie, la radiothé-
rapie, l’immunothérapie ou encore les thérapies ciblées. Le but de ces traitements est de détruire les
cellules cancéreuses. En revanche, ils peuvent endommager les cellules saines et être responsables
d’effets secondaires (FCC, 2017a).

La chirurgie reste aujourd'hui le moyen le plus efficace de traitement du cancer. Elle consiste en l’abla-
tion de la tumeur maligne et des ganglions locorégionaux lorsqu’aucune métastase n’est encore appa-
rue. On favorise de plus en plus la chirurgie ambulatoire afin de permettre un retour à domicile du
patient dans la journée. L’exérèse chirurgicale de la tumeur peut être précédée ou suivie de chimio-
thérapie (INCA, 2018).

La chimiothérapie est le second traitement du cancer le plus courant. Il s’agit d’un traitement systé-
mique, administré par injection ou par voie orale, qui cible toutes les cellules cancéreuses, qu’elle que
soit leur localisation. Ce traitement consiste à combiner l’action de plusieurs médicaments entre eux
afin de détruire les cellules cancéreuses ou de bloquer leur multiplication et ainsi le développement
de la masse tumorale. La chimiothérapie peut être proposée avant une chirurgie pour préparer l’opé-
ration d’ablation de la tumeur en réduisant sa taille, après une chirurgie afin de diminuer les risques

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de récidive ou en traitement de métastases. Lorsqu’aucune chirurgie n’est possible, la chimiothérapie
peut être utilisée comme unique traitement (INCA, 2019a).

L’hormonothérapie est un traitement utilisé en oncologie contre les cancers dits hormono dépendants
ou hormono sensibles comme les cancers gynécologiques ou prostatiques. L’hormonothérapie con-
siste en l’administration par voie orale ou par injections d’antagonistes des hormones sexuelles fémi-
nines ou masculines. Dans le cas du cancer du sein, par exemple, on administre le tamoxifène, un prin-
cipe actif qui agit en tant qu’anti- œstrogène. Dans le cas du cancer de la prostate, on administre des
anti-androgènes qui viennent inhiber l’action de la testostérone (LCC, 2018). Cette thérapie est sou-
vent associée à la chirurgie ou à la radiothérapie.

La radiothérapie repose sur l’utilisation de radiations à haute énergie pour bloquer la multiplication ou
détruire les cellules cancéreuses ces cellules. La radiothérapie peut endommager les cellules saines
des tissus se trouvant autour de la zone irradiée. Tout comme la chimiothérapie, le traitement par
rayonnements est indiqué dans de nombreux cas et peut être réalisé avant ou après une chirurgie mais
aussi pendant l’intervention chirurgicale ou encore combiné à un autre type de traitement (FCC, 2018).

Les thérapies ciblées sont un autre type de traitement plus récent qui a fait ses preuves. Elles visent à
explorer les cellules cancéreuses afin de comprendre leur architecture et leur anomalie moléculaire.
Un traitement anticancéreux sous forme de médicament sera ensuite administré au patient. Le but va
être de stopper la formation de vaisseaux sanguins autour de la tumeur. Ainsi, il agit spécifiquement
sur les cellules cancéreuses en les privant de leur alimentation, empêchant donc leur développement,
et en bloquant leur diffusion. La force de ces nouvelles thérapies est leur personnalisation grâce à
l’analyse effectuée en amont basée sur le principe que chaque malade est unique. Elles s’inscrivent
dans une médecine de précision allant de pair avec la médecine personnalisée qui permet une meil-
leure tolérance des traitements (BACHELOT, 2020).

L’immunothérapie est une autre médecine de précision. Elle agit sur le système immunitaire du patient
en lui apportant les armes spécifiques pour combattre la maladie. En effet, elle aide le système immu-
nitaire à se défendre en le stimulant ou en rendant les cellules tumorales plus reconnaissables (INCA,
2017).

Les six traitements présentés ci-dessus sont les principales thérapies utilisées aujourd'hui en oncologie
(INCA, 2021b). Comme tous traitements, des plus anodins aux plus lourds, ceux-ci présentent des ef-
fets secondaires temporaires. Ils dépendent de la thérapie mise en place, de la posologie, des modes
d’administration, de l’association des traitements entre eux, de l’état général du patient ou encore de
la réaction individuelle de ce dernier. On ne peut pas les prévoir et ils ne sont pas le reflet d’un

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traitement qui fonctionne (FCC, 2017a). Cependant, on sait aujourd'hui que les effets secondaires res-
sentis par le patient émanent de la destruction des cellules saines engendrée par les traitements.

Bien qu’il en existe une multitude, les principaux effets indésirables rencontrés sont les douleurs, la
fatigue, l’alopécie, les nausées, vomissements… Le patient peut également faire face à des affections
cutanées (FCC, 2017b) et unguéales (FCC, 2019) voire des troubles de la mobilité. Parallèlement, les
patients font face à une souffrance psychique tout au long de leur parcours de soin, dès l’annonce de
la maladie, qui s’exprime à travers l’anxiété, le stress ou les angoisses (INCA, 2020). Outre les soins et
médicaments complémentaires prescrits, les patients font désormais appel à des techniques de mé-
decine douce ou à des soins de support pour limiter l’impact de ces thérapies sur leur qualité de vie
(INCA, 2019b).

   1.2. Les soins de support : une réponse à des besoins spécifiques

Les soins de support mis en place par les différents Plans Cancer, de l’anglais « supportive care », se
définissent comme « l’ensemble des soins et soutiens nécessaires aux personnes malades, parallèle-
ment aux traitements spécifiques, tout au long des maladies graves ». Cette définition est inspirée de
celle donnée par la Multinational association for supportive care in cancer (MASCC, l’association inter-
nationale pour les soins de support en cancérologie) (CALS, 2006).

       1.2.1. Des besoins spécifiques face aux effets secondaires des traitements

Aujourd'hui, la politique de prise en charge des patients des centres anti-cancéreux nationaux se sou-
cie de l’individu dans sa globalité (INCA, 2019c). Le traitement de la maladie par les thérapies exposées
précédemment est inévitable mais les effets secondaires ne sont pas à négliger car ils peuvent com-
promettre la poursuite du traitement.

On parle beaucoup des soins de support en oncologie car l’institut National du Cancer a été l’un des
premiers à en reconnaitre les bienfaits et à les proposer. Néanmoins, ils ne sont pas spécifiques du
cancer et s’intègrent également à de nombreuses autres prises en charge comme celles des douleurs
chroniques pour la fibromyalgie ou d’autres affections longue durée comme la maladie de Parkinson,
le diabète ou les maladies dites « orphelines » (PERNET, 2012).

Les soins de support ne sont pas « optionnels ». Ils sont là pour accompagner le patient dans l’accep-
tation de sa maladie et prennent en compte tous les désagréments liés à la pathologie : douleur,

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fatigue, troubles nutritionnels, digestifs, moteurs ou génito-urinaires mais aussi difficultés sociales,
dépression, fin de vie ou perturbations de l’image corporelle. Le patient a accès à ces soins pendant
les thérapies mais aussi après. Leur objectif est d’assurer une meilleure qualité de vie au patient sur
les plans physique, psychologique et social mais ils s’intéressent également à l’entourage de la per-
sonne malade (INCA, 2019d).

Au vue de leurs apports indéniables, les soins de support sont de mieux en mieux acceptés par le corps
médical grâce à l’arrivée des nouvelles générations de médecins, dans la mesure où ces soins font
désormais partie intégrante de leur parcours de formation. Ils nécessitent la mise en place d’équipes
pluridisciplinaires comprenant des professionnels de santé comme les kinésithérapeutes, pédicure-
podologues, infirmiers, médecins algologues mais aussi d’autres professionnels comme les psycho-
logues, sophrologues, hypnothérapeutes ou socio-esthéticiennes. Il a été démontré que le corps et
l’esprit étaient indissociables dans le processus de guérison des patients (PERNET, 2012).

Enfin, les soins de support ont été mis en place pour répondre à des exigences mises en lumières par
la loi Kouchner de 2002 puis les lois suivantes relatives aux droits des malades (CARDIN, 2014). Ces
dernières ont pour objectif de rendre l’individu acteur de son parcours de soin. Elles lui octroient no-
tamment le droit d’être soulagé et de refuser les soins. L’évaluation et la prise en charge de la douleur
sont ainsi reconnues comme des droits fondamentaux de toute personne et constituent des points
centraux dans les soins de support en oncologie (COLOMBAT et al., 2009).

       1.2.2. Des besoins spécifiques justifiant les plans cancer

En 2003, le Plan Cancer rappelait en préambule : « Plusieurs centaines de milliers de patients, actuel-
lement en traitement, attendent légitimement les meilleurs soins possibles » (INCA, 2007). Acteur de
sa thérapeutique, le patient était encouragé à livrer, avec le soutien du corps médical et soignant, un
combat face à la maladie. Les patients ayant survécu au cancer témoignaient avoir retiré de cette
épreuve douloureuse, une expérience bouleversante, une connaissance intime des forces mais aussi
des défaillances de notre système de santé. Au-delà des évolutions scientifiques, perfectibles et atten-
dues, le patient demandait avant tout attention, chaleur et accompagnement (INCA, 2007). De même,
les proches qui ont vécu « le cancer de l’autre » (conjoint, parents, proches, amis), notaient les limites
des réponses qu’offraient le système de soin français à la fin du XXème siècle.

Dans ce contexte, en 2003, à l’initiative du gouvernement de Jacques Chirac, la lutte contre le cancer
en France s’est structurée autour de plans de mobilisation nationale priorisant la recherche, la préven-
tion, le dépistage, le traitement, l’accompagnement et le soutien psychologique du malade. Le premier

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plan Cancer de 2003-2007 a permis la création d’un Institut National du Cancer. Jean-François Mattei,
ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées de l’époque déclarait : « Le cancer est
une maladie qui nous concerne tous. C'est la raison d’être du plan de mobilisation nationale, c'est un
enjeu à la mesure de l’Homme » (INCA, 2007).

Le troisième axe du plan cancer 2003-2007 s’intitule « soigner » (INCA, 2007). Ce chapitre met en
avant une volonté de faire évoluer l’organisation des soins autour du patient par la coordination des
structures et des acteurs, l’accès à l’information, l’égalité des chances face à l’innovation thérapeu-
tique et la personnalisation de la prise en charge du patient.

Ainsi, depuis cette date, les plans cancer successifs ont conforté l’objectif de soigner au- delà des pro-
tocoles techniques par le développement de soins complémentaires pour permettre au patient de bé-
néficier d’un accompagnement global (INCA, 2007).

      1.2.3. Des soins de supports priorisés dans les plans cancer 2003-2007 et
    2009-2013

Ce premier plan cancer intègre la circulaire du 22 février 2005 relative à l’organisation des soins en
cancérologie (DAJ, 2005). Elle décrit les soins de support non pas comme une nouvelle discipline mais
comme une coordination de compétences au service du patient et de ses proches. Leur objectif pre-
mier est de prendre en compte les symptômes évidents de la maladie que sont la douleur, la fatigue,
mais aussi les problèmes nutritionnels, digestifs, odontologiques, cutanés et le soutien psycho-social
des patients. Pour cela, il crée des unités mobiles de soins de support dans les centres spécialisés par
l’intégration de différents professionnels aux compétences diverses et par l’implication des associa-
tions. Le plan cancer 2003-2007 priorise également la formation des soignants et les médecins clini-
ciens à la dimension psychologique de l’accompagnement du patient (INCA, 2007). Le second plan
cancer 2009-2014 renforce les dires du premier et ajoute même un axe « vivre pendant et après le
cancer » pour affirmer la continuité des soins.

Dans ces deux premiers Plans Cancer, les soins de support furent mis en avant dans le but d’assurer
une prise en charge globale de la personne malade en tant qu’individu à part entière grâce à une ana-
lyse précise et régulière de ses besoins (P. COLOMBAT et al., 2008). L’idée est d’apporter un suivi per-
sonnalisé et de répondre à des besoins propres à chaque individu en matière d’accompagnement, quel
que soit le lieu de prise en charge.

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1.3. Les soins de support, une approche pluridisciplinaire tout au long du par-
        cours patient

       1.3.1. Du dispositif d’annonce à la fin de vie

Les soins de support sont proposés dès le dispositif d’annonce de la maladie. Une première évaluation
des besoins de la personne est réalisée et sera réitérée tout au long du parcours de soin (P. COLOMBAT
et al., 2008). Les avancées thérapeutiques ont permis d’augmenter le taux de survie à 5 ans et les
périodes de rémission des patients. Force est de constater, aujourd’hui, que le cancer tend à devenir
une maladie chronique, une affection de longue durée à évolution lente (OMS, 2015). Les soins de
support répondent aux besoins des patients à toutes les étapes de l’évolution de la maladie (phases
curatives, évolutives et terminales) mais également aux périodes de rémission. Ils sont aussi bien adap-
tés aux effets secondaires des traitements énoncés précédemment qu’aux séquelles liées à la maladie.

Les soins de support visent à assurer la meilleure qualité de vie possible pour les personnes malades
sur le plan physique, psychologique et social par une coordination des compétences au service du pa-
tient (Philippe COLOMBAT et al., 2008).

Lors du dispositif d’annonce, un soutien psychologique est systématiquement proposé au patient. Il
s’agit déjà d’un soin de support (RANNOU et al., 2011). L’annonce d’une maladie grave telle que le
cancer est toujours difficile à encaisser pour le patient. Le cancer entraine beaucoup de changements
dans la vie de l’individu c'est pourquoi il peut également avoir besoin d’aide pour communiquer avec
son entourage, préparer son retour au travail, affronter le regard des autres, accepter la maladie (AF-
SOS, 2013)… Le soutien psychologique peut également être proposé à l’entourage du patient, stressé
par l’annonce du diagnostic, par l’incertitude du pronostic, par un sentiment d’impuissance face à la
maladie, aux traitements et à l’impact sur le quotidien (DAUCHY, 2017).

Le patient fait également face à des douleurs qui peuvent apparaître dès le début de la maladie comme
signal d’alarme, suite aux traitements ou dans l’évolution de la maladie (POULAIN, 2017). Selon l’As-
sociation internationale pour l’étude de la douleur (IASP), « la douleur est une expérience sensorielle
et émotionnelle désagréable, associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle, ou décrite dans ses
termes » (INSERM, s. d.). On estime que près de 40% des personnes atteintes de cancer éprouvent des
douleurs liées à celui-ci. Elles peuvent être neuropathiques, articulaires ou encore musculaires. Dans
les phases finales de cancer, 80% des patients sont algiques.

Petit à petit, de nouvelles thérapeutiques voient le jour et le corps médical s’ouvre aux techniques de
médecines complémentaires qui intègrent les soins de support. Moins invasives que les traitements

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antalgiques médicamenteux classiques (morphiniques, anti-inflammatoires, antispasmodiques, anti-
épileptiques, anti- dépresseurs…), l’hypnose, l’acupuncture ou encore la réflexologie plantaire finis-
sent par trouver leur place (LANTA, 2016). Ces techniques de médecine douces sont également très
sollicitées pour lutter contre les symptômes comme les nausées, vomissements, stress ou anxiété…

Enfin, l’image du corps et son altération constituent une problématique majeure pour le patient suivi
en oncologie. Les patients craignent les mutilations corporelles, la perte de l’intégrité corporelle, la
déchéance (REICH, 2009). Cette constatation est particulière marquée chez les femmes qui subissent
l’ablation d’un organe féminin. L’intervention de socio-esthéticienne est souvent très appréciée pour
remédier aux effets secondaires de certains traitements comme la chute des cheveux et des poils.

       1.3.2. Une équipe pluridisciplinaire ville-hôpital mobilisée

Le patient est traité à l’hôpital mais également à son domicile. La quasi-totalité des professionnels de
santé est susceptible d’intervenir auprès d’un patient souffrant de cancer au cours de sa prise en
charge. Les échanges étroits entre les différents intervenants médicaux et paramédicaux sont déter-
minants dans la qualité des soins (ONCOLOR, 2014). Aussi, la circulaire du 24 mars 1998 relative à
l’organisation de réseaux de soins en cancérologie met la pluridisciplinarité au centre des relations
entre professionnels. Le cancer est une maladie complexe qui concerne plusieurs disciplines appelées
à intervenir après concertation dans un objectif de complémentarité (DENQUIN et FERRAND, 2004).

Les soins de support associent, autour du patient et de ses proches, le médecin traitant et tous les
professionnels du domicile (libéraux, pharmaciens, réseaux de soins...) aux professionnels de santé des
équipes hospitalières. Ces interlocuteurs privilégiés du patient s’appuient, en cas de besoin, sur la con-
sultation de centres anti-douleur, d’unités de soins palliatifs, de structures dédiées à la prise en charge
psychologique du patient, de professionnels de l’accompagnement social, de la nutrition et de l’ali-
mentation, de professionnels formés à l’odontologie, aux domaines de la réadaptation fonctionnelle
(ergothérapeute, la kinésithérapeute, l’ostéopathe, le podologue) mais aussi de professionnels formés
à la socio-esthétique ou à l’art-thérapie (COLOMBAT et al., 2009).

La pluridisciplinarité se met en place également en dehors de l’hôpital. Depuis quelques années, le
développement du lien entre les professionnels hospitaliers et ceux de la ville devient une priorité dans
un contexte où, de plus en plus de thérapies en cancérologie (chimiothérapie par voie orale, hormo-
nothérapie, thérapies ciblées orales…) permettent aux patients de se soigner à leur domicile ou en
ambulatoire. Le patient poursuit ses traitements dans son environnement de vie, en proximité de ses
proches qui lui assurent un soutien psychologique et contribuent à maintenir une activité quotidienne.

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