L'INVITÉ : ANDRÉ GATTOLIN, SÉNATEUR DES HAUTS-DE-SEINE - Sous la direction du centre des études EuropaNova - Webflow

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L'INVITÉ : ANDRÉ GATTOLIN, SÉNATEUR DES HAUTS-DE-SEINE - Sous la direction du centre des études EuropaNova - Webflow
Par Elise Bernard, Edouard Gaudot, Raphaël Cario et Pauline Robert

                                                                      L'INVITÉ :
           INTERVIEW EUROPANOVA

                                                                      ANDRÉ GATTOLIN,
                                                                      SÉNATEUR DES
                                                                      HAUTS-DE-SEINE

Sous la direction du centre des études EuropaNova

Jan-2021
CONTEXTE
                      Interview réalisée dans le cadre de l'analyse hebdomadaire EuropaNova : EtatDeDroit

                      Dans une déclaration publiée le dernier jour à son poste, le secrétaire d'État américain
                      sortant, Mike Pompeo, a officiellement accusé Pékin de « génocide » contre la
                      population musulmane dans la province du Xinjiang, alors que l’administration Biden
                      s’apprête à prendre ses fonctions.

                      Le nominé du président Joe Biden au poste de secrétaire d'Etat, Antony Blinken, a
                      déclaré mardi qu'il estimait que le président Donald Trump avait raison d'adopter une

           CONTEXTE
                      approche plus dure à l'égard de la Chine et a approuvél'évaluation selon laquelle elle
                      commettait un génocide au Xinjiang.

                      Alors que la pression monte au Royaume-Uni pour la reconnaissance d’un génocide, la
                      position de l’Union reste ambivalente : o D’une part, les institutions européennes font
                      pression sur la Chine pour qu'elle respecte les droits de l'Homme, tandis que d'autre
                      part, certains États-membres restent déterminés à ouvrir leurs portes aux
                      investissements chinois.

                      Janka Oertel, directeur du programme Asie au Conseil européen des relations
                      extérieures, explique pourquoi l'UE n'a pas de position commune vis-à-vis de la Chine
                      pour le moment : "Les États membres ne veulent absolument pas renoncer au potentiel
                      du marché chinois […] Ce que l'on peut qualifier de schizophrénique".

                      Dans ce contexte, André Gattolin, sénateur des Hauts-de-Seine depuis 2011 a accepté
                      de répondre à nos questions.
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PERSPECTIVES

           1. L’Union européenne (UE) vient de valider “en principe” avec Pékin un Accord Global
           d’Investissements (AGI) dont le contenu et les dispositions ont suscité de nombreuses critiques, au
           Parlement européen et dans les États- membres. Quels sont selon vous les problèmes que pose ce traité
           ?
           Il semble, d’abord, que cet accord engage beaucoup plus l’UE qu’il n’engage la Chine. Ensuite, s’il est
           approuvé, ce traité profiterait surtout à l’Allemagne qui a, depuis longtemps et massivement, délocalisé sa
           production industrielle en Chine. C’est d’ailleurs sous impulsion de la présidence allemande du Conseil de l’UE
           que les négociations ont été finalisées en décembre dernier. De lourds doutes pèsent sur le bénéfice réel
           qu’apporterait cet accord aux entreprises européennes, c’est-à-dire le degré de “réciprocité” dans les
           échanges commerciaux entre l’UE et la Chine. C’est le but principal affiché par la Commission européenne.

           La situation actuelle est fortement défavorable aux investisseurs européens qui ne bénéficient pas de l’égalité
           de traitement accordée aux entreprises chinoises en Europe, en vertu du droit européen. Des résultats auraient
           été obtenus en matière d’accès au marché chinois mais je doute qu’il s’agisse d’une vraie réciprocité. Dans le
           secteur des télécommunications, on constate que la participation européenne dans les sociétés chinoises sera
           plafonnée à moins de 50%.

           Ainsi par exemple, Deutsche Telekom, qui aurait obtenu d’être autorisée d’ici cinq ans à opérer en Chine, ne
           pourra toujours pas le faire de façon autonome, elle devra entrer dans une entreprise commune avec un
           partenaire chinois. Des cliniques et hôpitaux privés pourront désormais être ouverts, en Chine par des
           Européens, mais ils ne pourront les détenir à 100% que dans certaines grandes villes.

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PERSPECTIVES

           Ailleurs, une entreprise commune restera obligatoire. Selon la Commission européenne, la Chine se serait
           engagée à mettre fin aux transferts forcés de technologies mais vu son comportement dans les instances
           internationales, j’avoue qu’il me semble difficile de faire confiance à Pékin. Je parle de tout cela au conditionnel
           car, contrairement à d’autres négociations commerciales en cours, le texte de l’accord n’a pas été rendu public.

           2. La Chine est sous le feu des critiques de la communauté internationale ces derniers temps pour les
           traitements brutaux et inhumains qu’elle inflige aux populations ouïgoures dans sa province
           occidentale du Xinjiang. Au-delà de la simple dénonciation que faudrait-il faire selon vous ? Sommes-
           nous condamnés à faire passer les intérêts économiques avant la défense des droits de l’Homme ?

           L’Union européenne devrait conditionner la conclusion de ces accords commerciaux au respect, de la part de la
           Chine, d’un certain nombre de conventions internationales relatives aux droits humains et des travailleurs. Le
           fait que dans l’accord comprendra un engagement de la part de Pékin à faire des « efforts soutenus et continus
           vers la ratification » de la convention 105 de l’Organisation internationale du travail sur l'abolition du travail
           forcé va dans ce sens, mais cela me semble insuffisant. Sans exécution de ces conventions ni de contrôle sur leur
           application, cela risque de rester lettre morte.

           D’autre part, les entreprises    françaises et européennes, ainsi que leurs sociétés mères, doivent renforcer leur
           vigilance sur les chaînes de      production confiées à des sous-traitants implantés en Chine, en refusant toute
           exploitation illégale de leurs   employés. Chaque citoyen peut aussi s’engager à ce propos, en pointant du doigt
           les entreprises qui recourent    au type d’exploitation que nous constatons au Xinjiang.

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PERSPECTIVES

           3. Depuis une décennie, la Chine se donne les moyens de devenir une puissance mondiale et ambitionne
           d’être en 2050 la première dans tous les domaines. Quelles devraient être selon vous les réactions de la
           France et de l’Europe face à cette nouvelle donne stratégique ? Quelles priorités ?

           Il y a, à mon avis, urgence de réduire notre dépendance de la Chine sur bon nombre de secteurs stratégiques.
           Dans le domaine technologique, l’Europe et les États-Unis ont encore quelques années d’avance sur la Chine
           mais il faudra - impérativement - investir massivement et rapidement dans la recherche et le développement.
           Faute de quoi, nous pourrions nous retrouver dépassés, comme sur le déploiement des réseaux 5G. En tant que
           premier client de la Chine, l’Europe devrait faire valoir ce rapport de force et cesser de se plier à ses conditions.

           Aujourd’hui, il apparaît clairement que nous n'avons pas les mêmes exigences en termes de réciprocité ou de
           concurrence équitable, ce que je regrette. Enfin, sur le plan politique, au-delà des sanctions traditionnelles de
           l’OMC, l’UE devrait faire usage de son tout nouveau cadre de sanctions ciblées de ‘type Magnitsky’, à l’encontre
           des responsables de graves violations des droits humains, en Chine comme ailleurs.

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