La crise de la Covid-19 et les transitions climatiques : les défis d'un virage environnemental pour l'emploi et les compétences vertes - CSMO-M

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La crise de la Covid-19 et les transitions climatiques : les défis d'un virage environnemental pour l'emploi et les compétences vertes - CSMO-M
La crise de la Covid-19 et les
transitions climatiques : les défis
d’un virage environnemental pour
l’emploi et les compétences vertes
Vigie internationale
Analyse 3

Mathieu Dupuis et Gregor Murray
Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le
travail (CRIMT)

Mars 2021
La crise de la Covid-19 et les transitions climatiques : les défis d'un virage environnemental pour l'emploi et les compétences vertes - CSMO-M
Table des matières
Introduction et mise en contexte ................................................................................................ 3
Un vocabulaire à apprivoiser: quelques mots clés ................................................................. 3
La pandémie et la relance verte ................................................................................................ 4
Quelle est la clé pour relever ces défis ? ................................................................................. 5
L’avenir manufacturier : Les défis de la transition climatique ............................................... 6
Les compétences vertes : à la recherche des premiers pas ................................................. 7
L’industrie automobile.................................................................................................................. 8
L’industrie aérospatiale ............................................................................................................... 8
L’industrie des textiles ................................................................................................................. 9
Les industries métallurgiques ..................................................................................................... 9
Les industries de caoutchouc ................................................................................................... 10
Quelques pistes de réflexion .................................................................................................... 11
Bibliographie ............................................................................................................................... 12

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La crise de la Covid-19 et les transitions climatiques : les défis d'un virage environnemental pour l'emploi et les compétences vertes - CSMO-M
Introduction et mise en contexte

Ce troisième volet de la vigie porte sur l’impact des changements environnementaux et
de la transition économique qui en découle sur le travail, l’emploi et les compétences
dans un contexte de perturbations vécues dans les sillons de la pandémie de la COVID-
19 (voir Figure 1). Nous avons considéré à tour de rôle les impacts de la pandémie sur
l’insertion des entreprises du secteur manufacturier dans les chaînes de valeur mondiales
(Vigie 1) et sur les transformations numériques (Vigie 2). Dans ce troisième rapport, nous
analyserons comment les changements environnementaux affectent les entreprises
manufacturières et comment s’assurer que ces transitions soient effectuées de manière
positive pour la main-d’œuvre. Après nous être attardés sur les enjeux généraux
découlant de ce contexte, nous nous pencherons sur différentes stratégies sectorielles
en regard des transitions climatiques. Enfin, nous voulons nous interroger sur la capacité
actuelle des acteurs des secteurs et sur le rôle du dialogue social pour faciliter ces
transitions.

                                        1) Chaînes
                                    d'approvisionneme
                                            nt

                                         Industries
            4) Dialogue               manufacturière                2) Industrie 4.0
               Social                  s à l’ère de la             /Transformations
                                          Covid-19                  technologiques

                                    3) Environnement /
                                      Développement
                                          durable

Figure 1 Vigie stratégique : Les industries manufacturières à l’ère de la COVID-19 –
Suivre les traces des différentes perturbations

Un vocabulaire à apprivoiser: quelques mots clés

Pour comprendre la crise climatique et ses exigences, il faut commencer par un lexique
de base, car il y a quelques traités et moments clés à apprivoiser.
Le premier est sans doute l’Accord de Paris (2015). Il s’agit d’un accord universel sur le
changement climatique qui compte trois objectifs pour atteindre la neutralité carbone en
2050 (OCDE 2020a). Le premier est de réduire les émissions pour contenir la hausse de
température mondiale en dessous de 2 degrés Celsius et aux alentours de 1,5 degré. Un
bon exemple, parmi les politiques gouvernementales, sera la promotion des véhicules
électriques, voire la prohibition des véhicules à gaz à effet de serre, comme le
Gouvernement du Québec compte interdire la vente de tels véhicules neufs à partir de
2035. Le deuxième objectif, le plus souvent repris dans les politiques économiques et
industrielles, est de promouvoir la résilience et les capacités d’adaptation. Les adeptes
de l’économie circulaire visent justement cet objectif par des innovations dans le
développement et l’utilisation dans les cycles de vie des produits et des services. Enfin,
l’Accord de Paris cherche aussi à rendre les flux financiers compatibles avec un
développement à faible émission et résilient face au changement climatique. Il faut ainsi
promouvoir des obligations vertes et le développement des taxonomies pour guider des
décisions d’investissement. Les pressions sur les fonds d’investissement pour adopter
de tels instruments sont de plus en plus fortes. Le Plan d’action du Fonds de solidarité
FTQ fournit un exemple de telles adaptations.

Un deuxième document, adopté aussi en 2015, est celui des Objectifs de développement
durable (Nations Unies 2015). Il s’agit d’un programme d’action autour de 17 objectifs et
de 169 cibles pour définir un programme d’action jusqu’en 2030 pour un développement
durable et inclusif. De plus en plus, on voit l’insertion de ces objectifs de développement
durable, dont ceux sur l’environnement et la croissance équitable dans les énoncés des
entreprises multinationales et des accords commerciaux.

Un troisième point de repère est plutôt un concept, celui du New Deal Vert ou The Green
New Deal. Si le New Deal des années 1930 aux États-Unis sous le président Roosevelt
représentait une refonte massive des programmes étatiques, de l’infrastructure publique,
du droit de travail et de réglementation des marchés, le Green New Deal vise des objectifs
similaires pour ce qui est de la transition climatique. On entrevoit ainsi un programme
massif d'investissements dans les emplois et les infrastructures liés à l'énergie propre,
destiné à transformer non seulement le secteur de l'énergie, mais aussi l'ensemble de
l'économie. Il vise à la fois à décarboniser l'économie et à la rendre plus équitable et plus
juste.

La pandémie et la relance verte

L’OCDE (2020 b et c) s’est livrée à l’analyse des conséquences environnementales de la
COVID-19. On constate des effets réels, mais passagers, dont une baisse globale des
émissions de 8% et une diminution de la pollution de l’air. On remarque aussi, de par la
pandémie, une mise en évidence de l’importance de la résilience environnementale et la
biodiversité pour la santé publique, car on n’a qu’à penser aux origines de la COVID.

Les plans de relance post-COVID ont pris un virage vert, offrant la possibilité de faire à
la fois la relance économique et la transition verte, auxquelles se greffent très souvent la
numérisation. Parmi les thèmes privilégiés dans ces projets, on note des subventions et

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des prêts, des allégements fiscaux pour transport vert, l’importance de l’économie
circulaire, la R&D et la performance énergétique.

Certaines régions et certains pays se sont démarqués à ce propos. Citons l’exemple du
pacte vert pour l’Europe (2019) qui implique un investissement de 750 milliards d’Euros.
Dans tous les secteurs impliqués, il s’agit de décarboniser, d’implanter de nouvelles
technologies, de susciter des innovations, de promouvoir le transport propre et de
développer de nouvelles normes nationales et internationales. Le nouveau pacte vert de
la Corée du Sud (2020) fournit un autre exemple, en mettant en vedette les thèmes de
l’énergie, des véhicules électriques, de la rénovation des édifices publics et du parc
locatif, et des villes vertes et connectées.

La nouvelle administration Biden aux États-Unis, avec son slogan Build Back Better,
promet d’assurer une relance verte. S’agira-t-il d’une version verte du Buy American ou
l’opportunité pour un repositionnement canadien et québécois autour des objectifs
communs restant à préciser ?

Quelle est la clé pour relever ces défis ?

Tous les plans de transition proposés sont valables dans un contexte où l’urgence
climatique se fait de plus en plus sentir. Cependant, on s’interroge moins souvent sur la
façon dont les travailleurs et travailleuses subiront ces changements et la manière dont
les entreprises et leurs dirigeants pourront négocier ces transitions. En réponse à ces
enjeux, on perçoit depuis quelques années l’émergence d’un discours sur la « transition
juste » promue par les syndicats. Ce discours apparaît en 2015 de la Confédération
syndicale internationale avec son slogan : there are no jobs on a dead planet! Pour
résumer cette approche, la transition juste vise une décarbonisation de l’économie en
mettant les travailleurs au cœur de cette transformation par le : développement de
l’emploi, des compétences et de la justice sociale ; favoriser le dialogue social dans la
transition ; promouvoir le développement régional.

Ces principes émergent entre autres choses en réaction avec la volonté de l’Union
Européenne d’atteindre la carboneutralité en 2050. La mise en place d’un Fonds de la
transition juste (2020) va dans ce sens pour s’assurer que le virage climatique ne soit pas
dommageable pour certaines régions et certains travailleurs. L’OIT et l’Accord de Paris
l’ont reprise dans leurs documents.

       Cependant, certaines contradictions demeurent, et celles-ci font écho à nos deux
premiers webinaires ;
       Dans quelle mesure ces transitions vont se répercuter sur les chaînes de valeurs ?
Le déplacement de secteurs polluants vers d’autres pays ne règle pas le problème
fondamental ? Le parlement européen vient de voter sur les principes d’une taxe carbone
aux frontières (2023). Comment les différents pays intégrés dans les chaînes de valeurs
européennes réagiront ? Est-ce que les technologies nécessaires à ce virage sont
disponibles ? Certaines technologies sont en elles-mêmes polluantes (ex : le nuage
numérique).

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L’avenir manufacturier : Les défis de la transition climatique

Des questions similaires se posent pour l’industrie manufacturière. Si on interroge les
fondements de l’économie et de la croissance, s’agit-il d’un défi existentiel pour le secteur
manufacturier ? Pour reprendre l’expression de l’administration Biden, est-ce possible de
Build Back Better en alliant croissance et protection de l’environnement ? C’est là un défi
majeur pour le secteur de la fabrication.

En effet, les industries manufacturières contribuent à la croissance économique et de
l’emploi, mais sont aussi des pollueurs majeurs (+ ou – 20% des GES dans le monde,
30% au Québec). Elles veulent faire partie de la solution et non pas du problème. Il y a
un accord quant aux objectifs, mais beaucoup moins quant aux outils pour y arriver.

Dans les sillons de la crise de la COVID-19, beaucoup d’acteurs se sont interrogés sur la
nécessité de proposer une relance verte, incluant le secteur manufacturier. Un récent
rapport de l’OCDE (2020b) confirme certaines appréhensions, à savoir que certains
secteurs ont en effet mis sur pied des initiatives environnementales dans la reprise, mais
que d’autres demeurent, soit très peu mobilisés, ou soit ont mis de de l’avant des
solutions « brunes » dans leur reprise.

Le graphique produit par l’organisation internationale sur les mesures de relance post-
COVID et la transition climatique est très informatif à ce propos (OCDE 2020c : 5). Pour
résumer :
   - Il y a concentration des initiatives dans les industries de l’énergie et du transport
      terrestre.
   - Il y a beaucoup de prêts et de subventions pour R&D, moins de changements de
      règlementation – pourtant, ces changements réglementaires sont à venir et seront
      incontournables.
   - Les mesures visant la formation brillent par leur absence. Pourtant, elles sont
      censées être la pierre angulaire d’une transition verte réussie.

Source : OCDE, 2020c : p. 5

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Les compétences vertes : à la recherche des premiers pas

On parle plus souvent de l’emploi et beaucoup moins des compétences (Stanford, 2021)
: le travail n’est pas fait, d’où nos questions posées aux quatre CSMO dans le cadre de
ce volet de la Vigie.

Que sont les compétences vertes ? Pour reprendre les définitions courantes, il s’agit des
compétences nécessaires pour adapter les produits, services et processus aux
changements climatiques et aux exigences et réglementations environnementales qui en
découlent. Ou encore, « les connaissances, les capacités, les valeurs et les attitudes
nécessaires pour vivre, développer et soutenir une société durable et économe en
ressources » (CEDEFOP, 2012).

Il est clair qu’il y aura un besoin de nouvelles compétences pour les nouveaux emplois et
les emplois actuels à développer (OCDE 2020b). Il faut toutefois insérer notre
compréhension de ces compétences dans une réflexion plus systémique. Le graphique
suivant (OCDE b : 5) fournit un regard plus systématique où l’objectif de la relance post-
COVID est le bien-être et l’inclusivité.

On fait l’argumentaire que les pénuries de compétences sont des obstacles à la transition
climatique (énergie, construction, services environnementaux, production) et que faciliter
la reconversion des emplois implique la disponibilité des compétences. On insiste ainsi
sur la primauté à la formation qui doit être un volet essentiel des plans de relance. Mais
comme on peut constater dans le graphique des programmes de relance, la formation
est justement absente des mesures implantées. La priorité serait ainsi de travailler le
contenu des formations et leur accessibilité dans la perspective d’une transition adaptée
et inclusive.

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L’industrie automobile

L’industrie automobile est aux premières loges de la transition climatique puisque la part
des GES émis par le secteur des transports est importante. En réponse à ces enjeux,
une série d’annonces gouvernementales visant la réduction des véhicules à essence a
été faite dans différentes juridictions : après des pays européens, le Québec et la
Californie viennent de rendre publique leur volonté d’interdire ce type de véhicules en
2035.

Sur le plan de l’industrie manufacturière, cette transition est un problème de taille puisque
la majorité des usines produisent actuellement des véhicules à essence. Au Canada, la
dernière ronde de négociation entre le syndicat Unifor et les constructeurs nord-
américains a donné lieu à des investissements majeurs pour la fabrication de véhicules
électriques (Ford, GM, FCA). Il est donc possible d’ancrer cette transition dans le dialogue
social et dans le développement des emplois.

Cependant, cette transition n’est pas sans faire apparaitre les contradictions et défis
soulignés précédemment. Là encore, on s’interroge sur les effets en cascade des
transformations et la nécessité de réfléchir au prisme de la transition juste. À titre
d’exemples :

   -   La construction de ces véhicules nécessite beaucoup moins de pièces (impact sur
       les chaînes de valeurs et l’emploi).
   -   L’entretien est moins complexe (quels impacts sur l’emploi des travailleurs des
       services automobiles ?) et les travailleurs de réparation n’ont pas les compétences
       requises pour ces nouveaux véhicules. (Ex : formation véhicules hybride et
       électrique).

L’industrie aérospatiale

L’industrie aérospatiale est particulièrement visée par les pressions écologiques, le
transport aérien représentant 2,4% des émissions mondiales. Par exemple, le Flygskam
en Suède depuis 2018 incite les gens à réduire leur consommation de vol en jouant sur
« la honte de voler ». Néanmoins, pour plusieurs pays, l’industrie aérospatiale (et par
truchement, celle de la défense) est un secteur stratégique, ce qui pousse plusieurs États
à déployer des politiques industrielles massives pour protéger leurs secteurs
aérospatiaux.

Les partenaires sociaux de l’industrie ne sont pas en reste. En Europe, l’Association
patronale (ASD) de l’industrie et le syndicat IndustriAll ont signé un « Pacte pour les
compétences » en octobre 2020 et tiennent en compte la carboneutralité dans leurs
stratégies. Plusieurs axes sont promus, avec entre autres : la prévision des compétences,
viser la requalification et développer des partenariats pour développer les talents.
IndustriAll vise un plan de reprise post-COVID qui inclut entre autres le développement
de nouveaux aéronefs verts et la promotion de nouvelles formes de carburants. En
France, le plan de relance Nogal inclut la transition écologique : « prime à la casse » de

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vieux appareils, recyclage d’avions, projet d’avion vert sont promus par ce plan. Les
compétences sont incluses dans ce plan, mais aucun maillage avec l’aspect écologique
n’est fait. Sur le plan des entreprises, Airbus semble la firme la plus avancée, en
promettant un avion zéro carbone pour 2035 (le ZEROe propulsé à l’hydrogène). Boeing
est moins avancée en la matière, mais vise aussi la réduction des émissions dans sa
prochaine génération d’aéronefs.

L’industrie des textiles

Dans le secteur des textiles, des questions similaires se posent. En effet, rappelons que
les industries de la mode (vêtements, textiles) sont responsables de 4% des émissions
mondiales et qu’elles devront réduire leurs émissions par 50% tandis qu’elles augmentent
lors des dernières années. Le concept de « l’économie circulaire » a émergé dans cette
industrie pour faire face aux défis climatiques. Il s’agit d’un cycle de développement positif
continu qui préserve et développe le capital naturel, optimise le rendement des
ressources et minimise les risques systémiques par la gestion des stocks et des flux de
ressources. À voir aussi, à titre d’exemple, le Better Cotton Initiative qui représente un
effort d’arriver à de nouvelles formes d’accréditation internationale dans les meilleures
pratiques en textiles.

Les priorités pour cette industrie sont de réduire les émissions en amont (énergie,
déchets), de promouvoir l’utilisation des fibres recyclées, de décarboniser le transport et
les opérations de vente, de susciter des changements de comportements des
consommateurs (entretien, recyclage) et d’assurer des financements durables. Or, le
Fast Fashion est la philosophie par excellence d’acheter et de jeter. En ce sens,
l’économie circulaire vise à placer la consommation au cœur de la réflexion sur la
production.

Du point de vue des partenaires sociaux, l’association patronale Euratex en 2021a pris
position dans les changements climatiques en voulant relever les défis de la transition en
investissant dans les compétences. Le concept de « transition juste » se pose
évidemment dans les industries du textile puisque la majorité de la main-d’œuvre de ce
secteur se trouve dans des pays en développement.

Les industries métallurgiques

Les industries métallurgiques sont fortement mises en cause par les exigences de la
transition climatiques, car elles sont associées à la production des GES. C’est ainsi que
de multiples entreprises se penchent sur cette question et il y a toute raison que le CSMO
Métallurgie soit au cœur de cette réflexion. Il faut reconnaître que le Québec part d’un
avantage considérable en raison de ses sources d’énergie hydroélectrique. Il s’agit d’une
préoccupation de plus en plus importante dans les chaînes d’approvisionnement. À titre
d’exemple, on constate le déplacement des industries lourdes vers des pays et des
régions susceptibles d’assurer une énergie verte.

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Le projet de coentreprise Élysis en aluminium va plus loin. Même s’il s’agit d’un projet
encore embryonnaire, à l’étape de la recherche et le développement, l’ambition est
d’inventer un nouveau procédé révolutionnaire d’électrolyse de l’aluminium produisant de
l'oxygène et éliminant les émissions directes de gaz à effet de serre associées au procédé
d’électrolyse traditionnel. Il s’agit d’une initiative soutenue par une coalition de partenaires
de taille dont Rio Tinto, Alcoa, Apple et les gouvernements du Canada et du Québec.
Une telle invention aboutirait à la production d’aluminium vert, d’où l’intérêt des
entreprises productrices de biens, telle Apple, ainsi que les possibilités de
commercialisation internationales.

Le fer et l’acier sont aussi des industries qui comptent pour une proportion importante
des émissions mondiales des GES (estimation : 5 %). On fait état de multiples projets à
l’étape de recherche et développement (Reguly 2021) ainsi que de multiples possibilités
qui visent l’économie circulaire par le recyclage des métaux et la possibilité d’extraire
encore plus de valeur ajoutée des processus.

Le dialogue social en Europe fournit de multiples exemples d’engager le dialogue sur la
transition climatique dans cette industrie. L’association patronale Eurofer (2020) ne vise
rien de moins qu’un Green New Deal on Steel, avec un objectif (partant de 2018) de
réduire de 30% les émissions de CO2 en 2030. Le syndicat international, IndustriAll, fait
également l’argumentaire qu’il faut inclure l’industrie de l’acier dans le Green New Deal
en investissant dans la transition et en favorisant la requalification.

Les industries de caoutchouc

Dans le cadre de la préparation pour ce webinaire, nous avons rencontré plusieurs
représentants du CSMO Caoutchouc. D’un commun accord, la transition climatique pose
des défis majeurs pour ce secteur qui est surtout caractérisé par une multiplicité des
PME. On note l’absence d’expertise au Québec (par exemple, des programmes des DEC
et DEP spécialisés); par ailleurs, le CSMO cherche à répondre à cette lacune par
l’organisation d’activités avec l’expertise externe destinées aux entreprises au Québec.
De tels échanges ont donné lieu au projet d’un centre d’expertise. Signalons aussi les
problèmes environnementaux reliés au caoutchouc synthétique dans une perspective
d’économie circulaire. Diverses tentatives visent le recyclage, mais il reste beaucoup de
défis à relever dont les difficultés d’assurer les mélanges de caoutchoucs recyclés. Il
s’agit de problématiques qui font appel à l’expertise et au réseautage. Le CSMO
Caoutchouc fournit par ailleurs de multiples exemples de sa capacité de répondre à ces
besoins.

L’impact des caoutchoucs naturels sur la biodiversité et la déforestation des habitats
naturels présentent un autre type de problématique en ce qui a trait au caoutchouc naturel
durable. Signalons à ce propos la mobilisation des grandes entreprises multinationales
productrices de caoutchouc. C’est le cas depuis la création en 2019 de la Global Platform
for Sustainable Natural Rubber (GPSNR) qui est une coalition d’entreprises de
producteurs et de transformateurs de caoutchouc, des fabricants de pneus et des
constructeurs automobiles avec des ONG (ex. Mighty Earth) pour améliorer la chaîne

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d’approvisionnement d’une industrie du caoutchouc durable. On dénote la participation
de Michelin, Pirelli, Goodyear, Sumitomo, Continental, Yokohama, Hankook, Toyo Tires
et Bridgestone qui se sont engagées pour des chaînes d’approvisionnement durables.
Cette initiative vise l’accréditation d’un produit durable et c’est un processus de création
de normes qui est sans doute pertinent pour beaucoup d’entreprises au Québec. Pour ce
faire, il faut s’informer de la norme et, dans la mesure du possible, participer à sa création,
ce qui permettra à ces mêmes entreprises de mieux identifier les solutions
technologiques et les compétences qu’il faut privilégier. Malgré les risques « d’éco-lavage
», il faut reconnaître que beaucoup d’industries se sont engagées dans ce type de
processus d’accréditation (à citer par exemple, les normes en foresterie :
https://www.ccmf.org/des-for%C3%AAts-saines/un-leadership-environnemental/).                On
peut attendre que ce type d’initiative soit de plus en plus répandu.

L’industrie du caoutchouc est souvent tributaire des industries connexes, dont
l’automobile et la chimie. Pour l’industrie chimique, le dialogue social en Europe fournit
de multiples exemples d’une recherche, ou du moins d’un engagement à privilégier,
envers les compétences vertes dans la requalification de la main-d’œuvre, comme celui
de l’Association patronale en chimie (ECEG 2020).

Quelques pistes de réflexion

Les industries manufacturières et les partenaires sociaux qui les composent sont en ce
moment en réflexion autour de la transition écologique, la question de l’emploi et le
développement des compétences. Il s’agit d’un enjeu susceptible d’occuper une place de
première importance au cours de la décennie à venir.

Cela dit, le positionnement des acteurs demeure général et souvent vague et c’est encore
plus le cas des discussions des compétences. Pour l’essentiel, on se contente de dire
qu’il s’agit d’une question importante, mais le travail détaillé reste à faire. Les réflexions
les plus avancées sont sans doute en Europe, notamment la stratégie européenne pour
les compétences où on évoque une double transition, à la fois écologique et numérique
(CEDEFOP, 2020). Maintenant, on a tendance à replacer cette double transition dans le
contexte de la relance post-COVID (OCDE 2020b &c).

Les défis et les opportunités de la transition climatique sont multiples et énormes. Notre
argumentaire dans ce webinaire vise justement une prise de conscience. Les entreprises
et les syndicats seront obligés de s’y positionner et de le faire plus tôt que tard. Surtout,
les CSMO représentent un lieu d’investissement significatif pour discuter des
compétences en regard de la transition climatique. D’une part, il s’agit d’une question
politique transversale qui va dominer les discours au cours de la décennie à venir. Il doit
s’agir d’une priorité pour la CPMT et les activités de relance. Les ressources seront
disponibles pour les acteurs engagés dans l’innovation à l’égard des compétences vertes.
D’autre part, les CSMO, par leurs parties prenantes, représentent un des rares lieux
d’expertise sur ces questions.

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Il y a donc lieu, à l’avis des auteurs, pour les CSMO d’adopter une position proactive à
l’égard des questions climatiques et des compétences vertes. Il faut engager vos
entreprises et vos représentants des travailleuses et travailleurs dans des initiatives
multiples : en mobilisant leur expertise ; en cherchant de l’expertise externe en interaction
avec votre CSMO ; en partageant des ressources et des initiatives entre CSMO ; en
mettant en relief les liens multiples entre innovations climatiques, développement
économique et des emplois de qualité et l’apport des compétences vertes dans cette
orientation. C’est toute l’importance de cette première réflexion sur le développement
durable et le secteur manufacturier dans la relance économique post-COVID.

Bibliographie

Better Cotton Initiative (BCI). https://bettercotton.org/

CEDEFOP (2012). Green skills and environmental awareness in vocational education
and training: Synthesis Report. Luxembourg: Publications Office of the European Union.
En ligne : https://www.cedefop.europa.eu/files/5524_en.pdf

CEDEFOP (2020). Osnabrück Declaration on vocational education and training as an
enabler of recovery and just transitions to digital and green economies.
https://www.cedefop.europa.eu/files/osnabrueck_declaration_eu2020.pdf

ECEG (European Chemical Employers Group) (2020). The ECEG’s Statement on the
European Commission’sCommunication “European Skills Agenda for Sustainable
Competitiveness, Social Fairness and Resilience”, 1 juillet. En ligne : https://389cb3b2-
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