CORATE Rapport sur le projet de Plate-forme d'animalerie

La page est créée Jérémy Meunier
 
CONTINUER À LIRE
Rapport sur le projet de Plate-forme d'animalerie
                                 CORATE
   Préambule: mon expertise s'est déroulée par la consultation de documents qui m'ont été
fournis par le Rectorat de l'Université de Lausanne (liste jointe en annexe 1) ainsi que par une
visite sur place à Lausanne et Genève du 6 au 8 novembre 2001. Au cours de cette mission
organisée par le Rectorat de l'Université de Lausanne, j'ai visité tous les sites universitaires
impliqués dans le projet et j'y ai rencontré les personnalités directement concernées par le
projet, dont certaines sont en charge du projet. Le programme de cette visite est joint en annexe
2.

    Les sciences de la vie connaissent actuellement une véritable révolution épistémologique
 dont les conséquences seront très importantes par leurs applications biomédicales.
  Ces bouleversements résultent de deux faits majeurs : d'une part, l'évolution technologique qui
démultiplie la vitesse d'acquisition et le volume des données scientifiques, d'autre part le
décryptage complet des génomes d'organismes vivants complexes et notamment de celui de
l'Homme.
  L'évolution des technologies de la recherche biologique permet désormais d'acquérir des
données à très grand débit et à très grande échelle. On peut ainsi établir, en quelques heures, un
inventaire quasi exhaustif des produits des gènes que sont les protéines et les ARN dans un tissu
biologique. On peut aussi identifier, en quelques jours, la séquence complète du génome d'un
organisme biologique comme une bactérie ou un virus. De telles études fournissent des dizaines
de milliers de données biologiques qu'il faut stocker, gérer et analyser grâce à des méthodes
informatiques. L'intégration de l'ensemble de ces données fournit des informations nouvelles,
parfois inattendues, sur des voies de fonctionnement du système vivant inconnues jusqu'alors.
  Le récent décryptage du génome humain fournit un autre exemple de cette évolution de la
connaissance. Depuis une trentaine d'années, les biologistes visaient l'identification de gènes
responsables des mécanismes de fonctionnement du vivant et de l'humain en particulier, gènes
souvent impliqués dans des dérèglements pathologiques. Ces travaux ont conduit à identifier
6000 à 8000 de ces gènes. À l'issue de ces cinq dernières années, le séquençage complet du
génome humain a brutalement révélé l'existence d'environ 25000 gènes nouveaux. Pour
expliquer les mécanismes de la vie, le biologiste se trouve donc maintenant devant un énorme «
dictionnaire » de gènes dont il lui faut comprendre les fonctions respectives, et surtout, les
fonctionnements interactifs en réseaux organisés.
  Ceux qui avaient prédit que l'entrée dans le XXIe siècle verrait l'avènement d'une recherche
biologique restreinte à l'analyse informatisée de systèmes biologiques modélisés se sont
trompés. Les sciences de la vie entrent dans une ère de collecte à haut débit de données
biologiques à grande échelle, et d'analyse rationalisée de ces données dans des systèmes
biologiques intégrés, qui représentent au plus près les situations naturelles de l'organisme vivant
dans toute sa complexité.
  Cette nouvelle démarche épistémologique implique la mise en œuvre simultanée d'approches
expérimentales visant à analyser la structure des gènes (génomique), à identifier les protéines
(analyse du protéome) et les ARN produits par les gènes (analyse du transcriptome), à définir
les relations entre la structure et la fonction des protéines (biologie structurale), et à décrypter la
fonction des gènes dans les systèmes biologiques vivants (analyse intégrative post-génomique).
  La collecte de données simultanément dans chacun de ces domaines de la connaissance est
indispensable à l'édification de modèles biologiques propres à fournir des retombées rapides
sous forme d'applications biomédicales.
  C'est pourquoi, tous les grands pays industrialisés ont engagé récemment des programmes
ambitieux de restructuration et d'investissement dans leurs systèmes de recherche dans ces
domaines de la génomique et de la post-génomique. À ce titre les plans de création du Centre
Intégratif de Génomique (CIG) à l'Université de Lausanne, et plus généralement du Pôle
Lémanique de Génomique Fonctionnelle (PGF) entre Lausanne et Genève s'inscrivent tout à fait

                                                                                                      1
dans cette logique de développement au plus haut niveau de performance de la recherche
biomédicale en Suisse.

Vers le développement d'une recherche rationalisée sur les systèmes biologiques in vivo.
  Les grandes avancées conceptuelles dans la connaissance du vivant ont toujours résulté du
développement d'une recherche basée sur l'utilisation de la génétique expérimentale. Ainsi,
durant la première moitié du XXe siècle, le développement d'une génétique expérimentale chez
les micro-organismes (bactéries, virus) a fourni les bases fondamentales de la connaissance du
fonctionnement biochimique des gènes, et a conduit à des applications fantastiques dans le
domaine thérapeutique et biotechnologique avec, par exemple, le développement de nouvelles
formes de vaccins. Dès les années 1930, le développement d'approches génétiques chez un
organisme complexe comme la mouche du vinaigre (drosophile) a jeté les bases du rôle des
gènes dans les organisations des tissus. Depuis cette période, le développement d'une approche
expérimentale utilisant une génétique rationnelle chez les mammifères s'est heurtée à de grandes
difficultés méthodologiques et techniques. Ce n'est que depuis une vingtaine d'années que des
progrès ont été réalisés dans ce domaine, et ce n'est que depuis ces cinq dernières années que le
biologiste peut véritablement développer une génétique pertinente, performante et rationnelle
chez la souris de laboratoire. Ainsi peut-on maintenant créer des mutations ciblées en un endroit
très précis du génome de l'animal in vivo, de même que l'on peut identifier très rapidement la
localisation de mutations responsables de développements pathologiques. Ces nouvelles
méthodes génétiques permettent dorénavant de mimer, sur cet animal, certaines anomalies
génétiques connues chez l'homme pour être responsables de pathologies graves. Ces avancées
technologiques, réalisables uniquement sur la souris, font désormais de ce modèle biologique le
modèle de référence pour l'analyse des bases génétiques des physiopathologies humaines. Cette
approche in vivo apparaît indispensable pour comprendre des mécanismes moléculaires intégrés
aussi complexes que ceux qui gouvernent par exemple le développement tumoral, la réponse du
système immunitaire à une agression pathogène, la régulation de processus physiologiques et
endocriniens (diabète, obésité, pathologies endocriniennes).
  Ainsi tous les grands pays industrialisés qui se sont engagés dans des programmes de
recherche en génomique investissent massivement dans le développement d'infrastructures de
production de souris mutantes (animaleries) et dans des plateaux d'analyse physiopathologique
de ces animaux. En particulier, ces programmes visent à créer des centres de ressources
biologiques renfermant les collections de modèles animaux ainsi créés. Ces ressources sont
appréciées comme de véritables patrimoines scientifiques et donnent aux communautés
scientifiques qui en disposent, des atouts majeurs dans la compétition internationale pour les
applications biotechnologiques et biomédicales.

Le projet de plate-forme de coordination des ressources animales et techniques
(CORATE)
  Le projet de création d'un réseau organisé d'animaleries de la souris, sur Genève et Lausanne,
incluant la plate-forme de coordination des ressources animales et techniques (CORATE) de
Lausanne vise à créer la logistique indispensable au développement du programme de recherche
en génomique dans l'arc Lémanique.
  Le concept de la plate-forme CORATE propose de développer un outil très performant pour la
création, à haut débit, de modèles de souris mutantes, et pour la gestion du patrimoine que
constituera cette collection de ressources biologiques. Ce projet prévoit des capacités
d'hébergement importantes (50 000 souris). D'autre part, la création d'un réseau d'animaleries de
proximité autour de la plate-forme CORATE apportera un éventail très vaste de compétences et
de logistiques pour le développement et l'étude des modèles de souris mutantes dans de
nombreux champs de la recherche biomédicale (voir plus loin). La plate-forme CORATE aura
ainsi pour vocation de constituer un centre de ressources biologiques et un centre de référence
national pour les technologies de la génomique de la souris. Dans ces conditions, ce projet se
positionne au niveau des grandes installations similaires qui se développent ou sont déjà
fonctionnelles en Angleterre (Harwell), en Allemagne (Munich), en Italie (EMBL à
Monterotondo), en France (Strasbourg, Orléans, génopole Rhône-Alpes). Ces différents centres
                                                                                                2
sont d'ailleurs réunis dans un réseau européen d'excellence (programme EUMORPHIA) pour
l'analyse à grande échelle de la génomique de la souris, dans l'objectif de développer de
nouvelles applications biomédicales et dynamiser l'industrie pharmaceutique européenne. La
plate-forme CORATE constituera un élément important de ce programme compte tenu de son
potentiel et de la compétence des équipes de recherche sur lesquelles reposera son activité.
   Dans ces conditions, la plate-forme CORATE, dans son concept proposé, se positionne très
justement en centre de référence au niveau européen et international.

Les missions de la plate-forme CORATE.
   Plusieurs missions ont été proposées dans le projet de plate-forme CORATE.
   La mission de constituer un centre conservatoire de souches de souris mutantes est essentielle.
En effet, comme je l'ai évoqué plus haut, les modèles animaux créés par la génétique
expérimentale constituent un patrimoine biologique et industriel de grande valeur. La
conservation et la gestion de ce patrimoine doivent être assurées au sein d'une plate-forme
centrale afin de garantir la standardisation des procédures d'élevage et des critères sanitaires des
animaux. Une telle garantie est indispensable pour une reconnaissance au niveau international.
La plate-forme CORATE devra donc appliquer des procédures d'élevage et imposer des règles
sanitaires communément appliquées dans les grands centres internationaux. La conservation des
animaux impose des moyens logistiques importants. Selon la nature des souches, la plate-forme
devra choisir des modes de conservation sous forme respirante (animaux vivants) ou sous forme
congelée (embryons, sperme). Ces choix devront être discutés avec le comité de pilotage de la
plate-forme.
   Les capacités d'hébergement de 50 000 animaux vivants apparaissent raisonnables, d'une part
en comparaison à d'autres centres internationaux équivalents, d'autre part en considération des
programmes scientifiques que la plate-forme doit soutenir. Ainsi sur les 35 000 gènes connus
actuellement il est logique de considérer que 100 à 200 feront l'objet d'études approfondies dans
le cadre du Pôle Lémanique de Génomique Fonctionnelle, compte tenu du potentiel de
laboratoires de recherche. Pour chaque modèle de souris mutante créé il est raisonnable de
maintenir une colonie de 250 à 500 animaux sous forme respirante pour répondre à la demande
des laboratoires.
   Il est à recommander que, pour certaines souches très précieuses, CORATE assure des dépôts
de sécurité auprès d'autres centres conservatoires européens (Orléans, Monterotondo). En tant
que centre conservatoire, CORATE devra se doter de la logistique permettant la distribution au
niveau national et international des souches dans des statuts sanitaires garantis.
   Il ne me paraît pas du ressort de la plate-forme d'effectuer les amplifications de colonies
animales. Cette activité doit rester à la charge des laboratoires demandeurs.
   La plate-forme devra constituer au sein du réseau des animaleries secondaires, un centre de
référence pour la standardisation des procédures d'élevage et l'application des règles sanitaires.
Ainsi elle devra ériger un certain nombre de règles en ce sens, auxquelles devront se plier les
animaleries de proximité qui souhaiteront travailler avec la plate-forme centrale.
   Dans le droit-fil de cette mission, CORATE devra constituer un centre de référence pour la
formation des personnels animaliers et des chercheurs qui expérimentent sur les animaux. Cette
formation concernera les procédures d'élevage, les procédures d'expérimentation, l'éthique de
l'expérimentation animale. On peut imaginer que les formations pourront se dérouler soit au
sein de la plate-forme CORATE elle-même, soit dans les animaleries de proximité, sous la
responsabilité de la plate-forme CORATE.
   Il est indispensable que la plate-forme CORATE maintienne en son sein une activité de
recherche pour plusieurs raisons. D'une part, une telle activité sera le garant, au sein du réseau,
de l'évolution des compétences en génétique expérimentale de la souris au meilleur niveau des
standards internationaux. D'autre part, cette activité sera propre à entretenir une émulation et
une motivation qui risqueraient de s'émousser à la longue dans une structure à vocation unique
de conservatoire de souches. Cette activité de recherche devra concerner le développement de
nouvelles méthodes de la génétique expérimentale de la souris, et il est évident qu'elle devra être
étroitement couplée à une activité de conseil et de formation auprès des laboratoires du réseau.
Il faut envisager que CORATE puisse aussi développer des recherches dans le cadre de grands
                                                                                                   3
programmes de recherche internationaux. Il serait souhaitable, dans ces conditions, que la
plate-forme offre des structures d'accueil temporaire pour des groupes de recherche impliqués
dans ces grands programmes.
  Il sera très important d'évaluer l'activité de recherche indépendamment de l'activité de service
de la plate-forme. Cette évaluation pourrait être conduite par les instances d'évaluation
scientifique du CIG.
  La plate-forme CORATE doit-elle être prestataire de services ? À mon avis la production de
modèles de souris transgéniques ou mutantes à façon ne devrait pas constituer une activité
systématique de la plate-forme centrale pour deux raisons. D'une part, la centralisation de ces
techniques aboutira très rapidement à une « stérilisation intellectuelle » des jeunes chercheurs
en formation qui utiliseront des modèles dont ils ne connaîtront pas les principes de création et
les origines. D'autre part, il est à craindre que la plate-forme soit très rapidement saturée par un
nombre inconsidéré de demandes. Je propose qu'une activité de service de ce genre soit
entretenue au sein du réseau des animaleries, incluant CORATE, uniquement pour les
laboratoires qui sont amenés à construire de façon très épisodique des nouveaux modèles
mutants. Il existe au sein du réseau plusieurs laboratoires et animaleries de proximité qui
maîtrisent parfaitement les techniques de transgénèse et de mutagénèse ciblée. Je proposerais
que CORATE assure une gestion centrale des demandes de service et qu'elle participe, avec
certaines animaleries de proximité qui en ont la compétence, à la réalisation des prestations.
Cette procédure aurait pour mérite de maintenir dans le réseau un savoir-faire conceptuel et
technique et d'assurer la construction des modèles animaux au plus près des laboratoires
demandeurs.
  La plate-forme CORATE comme gestionnaire central ? Compte tenu des différences de modes
de gestion entre établissements relevant de tutelles différentes (fédérale, cantonale) et de
cantons différents, il n'est pas réaliste d'envisager un système de gestion centralisée des
commandes et des marchés. Cependant la plate-forme devrait assurer une mission de gestion
des besoins en équipements et fournitures et de négociation de marchés au profit de l'ensemble
des animaleries du réseau.

 Quelle pertinence pour les animaleries de proximité ?
  La recherche à grande échelle sur des modèles animaux comme la souris implique deux types
distincts d'activité d'animalerie. D'une part la conservation et la gestion des souches. D'autre
part la caractérisation phys iop atho logique et le suivi des animaux en cours d'expérience. Très
clairement cette seconde activité doit s'appuyer sur les compétences, souvent très spécifiques,
des laboratoires du réseau, et le suivi expérimental des animaux doit être conduit au plus près
des laboratoires. L'existence d'une plate-forme centrale avec les missions que j'ai évoquées ne
doit pas remettre en cause la pertinence d'un réseau d'animaleries de proximité, au voisinage des
grands centres de recherche en génomique intégrée, au sein du réseau.
  Dans ce maillage, il faudra clairement jouer une carte de complémentarité de compétences et
de moyens. Ainsi, on peut imaginer que pour des études bien spécifiques, demandant des
compétences ou des installations particulières, les chercheurs du réseau utiliseront les
ressources d'une animalerie de proximité bien spécifique. Mes visites des principaux centres
impliqués dans ce réseau ont permis de dégager très aisément certaines spécificités parmi les
animaleries de proximité. Ainsi l'animalerie de l'EPFL en cours d'achèvement offrira des
environnements confinés d'animalerie SPF et A3 directement accessibles à l'expérimentateur.
Compte tenu des coûts très importants d'équipement et d'entretien de ces installations, il
apparaît raisonnable de considérer que les projets scientifiques nécessitant de telles installations
devront être réalisés sur ce site. Des installations similaires existent au CMU de Genève et
devront jouer le même rôle au sein du réseau. De la même façon, on peut identifier clairement
des spécificités locales quant aux compétences et aux installations pour l'analyse de
problématiques très spécifiques sur les animaux : physiopathologie au CHUV, endocrinologie et
études du métabolisme à l'Institut de Biologie animale (IBA), cancer à l'ISREC, développement
embryonnaire à la Faculté des Sciences de Genève. Il y aura donc tout intérêt à préserver ces
spécificités au sein du réseau et à les renforcer par une politique concertée de développement de
plateaux expérimentaux sur les sites respectifs. La situation de l'animalerie de l'ISREC
                                                                                                   4
nouvellement développée est tout à fait illustrative de cette complémentarité. En effet, la nature
des recherches conduites à l'ISREC dans le domaine du cancer et de l'immunologie du cancer
impose de disposer, en interne à cet Institut, d'une animalerie de proximité spécifiquement
dédiée à ce type de recherche (environnement sanitaire protégé, contrainte de suivi
thérapeutique des animaux, isolement d'animaux porteurs de pathogènes).
   Ma visite sur les sites des animaleries de proximité m'a permis d'identifier certaines situations
problématiques auxquelles il faudra absolument remédier. Ainsi, sur le CHUV/Bugnon il existe
plusieurs petites animaleries (J'ai cru en identifier au moins 5), souvent nichées auprès, ou à
l'intérieur, des laboratoires. Cette situation apparaît très néfaste d'une part, à cause des
conditions sanitaires des animaux qui ne me paraissent pas toujours rigoureuses et homogènes,
d'autre part à cause de la dispersion de moyens financiers et humains. Il y aurait une grande
logique, sur le CHUV/Bugnon, à regrouper ces animaleries en une seule structure physique.
Cette solution apporterait rationalité et économie de moyens. Elle semble être favorablement
envisagée par les différents acteurs scientifiques du site que j'ai rencontrés (mais je ne les ai pas
tous rencontrés !). Cependant une telle évolution radicale souhaitable à terme rapide, imposera
une mesure transitoire d'attente par l'aménagement et la mise aux normes de certaines des
structures existantes. Par ailleurs, l'animalerie utilisée par l'IBA apparaît largement
sous-dimensionnée par rapport aux besoins des laboratoires de cet Institut. Dans le futur CIG,
les groupes de recherche devront pouvoir disposer de capacités d'hébergement d'animalerie
suffisantes (environ 10 000 souris) qui pourront se trouver au sein du bâtiment qui hébergera la
plate-forme CORATE. L'animalerie du CIG (animalerie de proximité) et la plate-forme
CORATE qui partageront la même infrastructure globale au sein du même bâtiment, devront
constituer deux entités fonctionnellement indépendantes.
   En conclusion, le dispositif proposé d'une animalerie centrale (CORATE) et de plusieurs
animaleries de proximité apparaît cohérent et nécessaire dans le cadre du programme de
génomique développé au sein du PGF. Ce dispositif devra relever d'une gestion et d'une
politique de développement très concertées afin de veiller aux complémentarités des différentes
installations et à une gestion rationnelle de leurs utilisations.

L'analyse phénotypique des animaux mutants.
  La production d'animaux génétiquement modifiés présentant souvent des signes
physiopathologiques implique le développement de programmes d'analyse phénotypique de ces
animaux. Ma mission ne prévoyait pas d'analyser les projets dans ce domaine. Cependant il
m'apparaît important d'attirer l'attention des responsables du plateau d'animaleries sur le fait que
les logistiques nécessaires à l'analyse physiopathologique des animaux doivent être prises en
compte dès la conception des animaleries. En effet, certains équipements d'analyse doivent être
installés au plus près des animaux en cours d'expérimentation. Parfois, ces équipements
imposent des contraintes d'environnement physique et d'encombrement qu'il faudra prendre en
compte lors de l'aménagement des locaux d'animalerie (exemple des équipements d'imagerie).

La situation particulière des animaux autres que la souris.
  Bien que ma mission concernât surtout les travaux conduits sur la souris, j'ai été amené, au
cours de ma visite, à identifier certaines situations particulières concernant l'utilisation d'autres
animaux de recherche. Sur le CHUV sont utilisés des gros animaux (mini-porcs, moutons) pour
des recherches en chirurgie expérimentale. Ces animaux proviennent d'un fournisseur local qui
en assure l'hébergement dans une ferme située à l'extérieur de Lausanne. Une situation similaire
existe au CMU qui utilise les services d'une ferme à proximité de Genève.
  Compte tenu du coût d'hébergement et d'élevage de tels animaux, on pourrait envisager qu'au
sein du PGF, existe un centre unique de production et d'élevage, qui pourrait être localisé à
mi-chemin de Genève et de Lausanne. Par ailleurs, cette solution permettrait d'harmoniser et
certainement de mieux contrôler les conditions sanitaires de ces animaux.
  D'autres petites animaleries de proximité sont destinées à des espèces animales très
particulières (musaraignes, insectes, chauves-souris). Ces structures ne présentent pas de
problème particulier et doivent rester clairement indépendantes du réseau d'animaleries pour la
souris. Cette séparation physique est absolument nécessaire pour des raisons sanitaires car les
                                                                                                    5
espèces considérées ne sont pas indemnes de germes pathogènes pour les souris. En plus de leur
séparation physique, ces animaleries doivent être absolument indépendantes sur le plan
fonctionnel pour éviter les transferts de ces germes par les personnels animaliers.

Quelle forme de gestion pour la plate-forme CORATE ?
  On a évoqué pour la gestion de la plate-forme CORATE deux systèmes de gestion possible,
notamment pour les personnels. L'un prévoit que la totalité de la gestion est transférée auprès
d'une société privée. L'autre prévoit une gestion directe par l'administration cantonale.
Je ne recommande pas de transférer la gestion à une société privée pour ce genre d'activité pour
trois raisons. D'une part, l'activité technique de CORATE, et par suite l'activité scientifique du
réseau, deviendraient totalement dépendantes d'un entrepreneur dont les intérêts ne seront
certainement pas toujours en cohérence avec les intérêts de la recherche académique et
publique. D'autre part, une gestion privée ne serait pas apte à maintenir en permanence une
évolution technologique qui, pour être réactive et de pointe, doit « coller » au plus près de la
recherche dans les laboratoires. Enfin, la mission de CORATE et l'ensemble du réseau
d'animaleries qui est d'enseigner les pratiques de l'expérimentation animale et l'éthique, et de
former aux méthodologies et stratégies expérimentales in vivo en évolution constante, ne
pourront pas être assurées au mieux par une entreprise privée dont ce n'est pas la mission
première.
  Il me paraît par conséquent indispensable que les structures publiques qui gèrent la recherche
et l'enseignement conservent une maîtrise entière de la gestion de l'ensemble de la plate-forme.
  Par contre, il faut envisager de sous-traiter des activités très spécifiques qui demandent une
maîtrise technique très pointue comme les contrôles sanitaires des animaux. Des sociétés
spécialisées européennes font cela très bien. Il ne serait pas raisonnable d'investir dans
CORATE sur un service de contrôle microbiologique dont le rythme et le volume d'activité
seraient certainement trop faibles pour garantir son maintien au niveau le plus fiable, le plus
performant et le plus économique.

Le projet architectural de CORATE ?
   Je ne suis pas un spécialiste en architecture d'animalerie, mais ma discussion avec l'architecte,
Monsieur Mathez, m'a confirmé que des conseils avaient été pris auprès de sociétés spécialisées
dans le domaine. Aussi je pense qu'il faut faire confiance au projet architectural actuel qui ne
m'amène pas de remarque particulière tant sur la protection sanitaire du milieu interne de
l'animalerie, que sur la protection de son environnement externe.
   Je pense que l'organisation architecturale de l'animalerie centrale CORATE répond bien aux
exigences imposées par son activité et ses missions.
   Mon seul souci concerne la protection du bâtiment contre toute intrusion humaine à caractère
malintentionné ou subversif. N'oublions pas que ce genre d'installation peut être la cible tout
aussi bien de mouvements de défense des animaux de laboratoire, que de mouvements de
contestation des OGM, puisque la plupart des souris hébergées seront des animaux
génétiquement recombinants, et donc des OGM. Nous avons identifié, avec l'architecte, certains
dispositifs techniques du bâtiment qui devront être sécurisés dans ce sens. Il est hautement
souhaitable que l'entrée dans le bâtiment, ainsi que l'accès aux différents secteurs à l'intérieur du
bâtiment, soient placés sous contrôle informatisé.
   Le coût de l'ensemble du bâtiment incluant les matériels mobiles a été comparé à ceux que je
connais en France. A devises équivalentes, il apparaît que ce coût est supérieur de 1,5 à 2 fois
au coût d'une installation identique en France. Ce rapport est tout à fait identique au rapport des
coûts de construction de laboratoires conventionnels de recherche en biologie entre les deux
pays. Le coût plus élevé en Suisse s'explique par le coût beaucoup plus élevé de la main d'œuvre
et de certains matériaux dans ce pays en comparaison avec la France.
   Par conséquent, le coût estimé de l'opération n'apparaît pas démesuré en comparaison des
opérations similaires conduites dans d'autres pays européens.

Pour une communication active autour des projets CORATE et CIG.

                                                                                                    6
Compte tenu de l'enjeu national du programme scientifique concerné, il apparaît
indispensable que le projet CORATE associé au projet de CIG, et le PGF, fassent l'objet d'une
communication organisée auprès du public. Une telle communication ne doit pas intervenir dans
une phase défensive. Ce projet constitue un enjeu majeur pour le développement d'une
recherche biomédicale moderne, et la plupart des pays européens en ont pris conscience.
Certaines avancées scientifiques récentes en Suisse, et certainement d'autres à venir, n'ont été, et
ne seront, possibles que grâce au développement des nouvelles approches méthodologiques de
la génomique et à l'utilisation d'infrastructures d'animaleries. Il est nécessaire d'utiliser ces faits
scientifiques pour une communication objective auprès du public. Les milieux universitaires des
sciences économiques et sociales, ainsi que les instances en charge de l'éthique, à l'Université de
Lausanne et à l'Université de Genève pourraient certainement contribuer à de telles opérations.

CONCLUSION GENERALE.

 Ainsi la plate-forme CORATE doit remplir, entre autres, cinq missions essentielles
  1 . Constituer un conservatoire de souches de souris mutantes reconnu au niveau national et
      international (notamment au niveau européen) ;
  2. Constituer un centre de référence national et international pour le développement des
      technologies de la génétique expérimentale de la souris ;
  3. Constituer le coeur d'un réseau d'animaleries secondaires et un centre de référence pour
      ces animaleries pour l'application des procédures d'élevages et l'édification des règles
      sanitaires ;
  4. Participer à de grands programmes de recherche internationaux dans le domaine de la
      post-génomique de la souris ;
  5. Constituer un centre national de référence pour la formation à l'éthique et à 1
   l'expérimentation animale.

  Pour le bon fonctionnement de cette plate-forme, on doit recommander que son
fonctionnement général, et notamment la gestion des ressources humaines, soient assurés
directement par les structures publiques qui gèrent l'enseignement et la recherche. D'autre part,
cette plate-forme ne doit pas se laisser entraîner dans des activités systématiques de prestation
de service.

  En conclusion, le projet de plate-forme CORATE avec ses animaleries de proximité
m'apparaît très cohérent et d'une nécessité absolue pour un pays qui veut maintenir la recherche
biomédicale au meilleur niveau de compétitivité. Les enjeux économiques en terme de
retombées médicales et industrielles qui émergent de l'évolution de la connaissance des
génomes font que, seuls les pays qui investissent dans les nouvelles approchent technologiques
auront encore un impact économique au niveau de l'industrie pharmaceutique mondiale. La
constitution et la préservation de modèles biologiques originaux sont des atouts majeurs dans ce
sens.
  Il est par conséquent hautement souhaitable que ce projet puisse être conduit à bien.

       Lyon le 30 mai 2002

                                         Jacques Samarut

                                         Directeur de la Génopole Rhône-Alpes, France.

                                                                                                      7
Annexe 1 : Liste des documents fournis pour l'expertise.

      Rapport de la task force « Animaleries Lémaniques » du 23/06/01

     Rapport de la commission CIG du 8/06/01 ;

     Projet « Arc Lémanique » Sciences de la vie « pôle de Génomique Fonctionnelle » du 25
     novembre 2000 ;

     Exposé des motifs et projets de décrets concernant la mise en place du Centre intégratif
     de génomique nécessitant la construction d'une animalerie à Dorigny et l'aménagement de
     laboratoires supplémentaires dans le Bâtiment de pharmacie de l'Université, dans le cadre
     du projet « Sciences-Vie-Société »

     Cahier des charges de l'animalerie de Dorigny

     Plans de l'animalerie de Dorigny ;

     Proposal for a Proteomics Service Facility at the University of Lausanne, February 19,
     200 1;

     Proposal for a DNA Array Facility (DAF) for the Lausanne Research Community, July 9,
     2001.

                                                                                             8
Vous pouvez aussi lire