LA CULTURE CULINAIRE QUÉBÉCOISE RAISONNÉE - LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 NOVEMBRE 2019 COLLABORATION SPÉCIALE - Le Devoir
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LA CULTURE CULINAIRE QUÉBÉCOISE RAISONNÉE • LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 NOVEMBRE 2019 • COLL ABOR ATION SPÉC IALE
D2 LE DEVOIR / LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 NOVEMBRE 2019 / CARIBOU Surveillez l’édition du journal Le Devoir de samedi prochain pour obtenir votre livret de recettes emballantes.
LA CULTURE CULINAIRE QUÉBÉCOISE RAISONNÉE • LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 NOVEMBRE 2019 • COLL ABOR ATION SPÉC IALE On achète local ! Le temps est déjà venu de penser aux présents à offrir à ceux que l’on aime pour les Fêtes. Cette année, si on choisissait d’encourager nos artisans locaux ? Ils sont nombreux à se passionner pour notre terroir et pour les arts de la table. Opter pour leurs créations promet de belles découvertes et permet d’avoir un effet positif sur notre économie. Suivez le guide pour des rencontres et des inspirations ! Ce cahier spécial fait partie de la série Manger le Québec, une collaboration entre Le Devoir et le magazine Caribou, créateur du contenu de ces pages. Cette série originale propose de découvrir le Québec autrement, grâce aux arti- sans qui façonnent sa cuisine. Depuis 2014, l’équipe de Caribou — magazine semestriel imprimé et média Web, cariboumag.com — se consacre à faire rayonner la cul- ture culinaire québécoise, en pleine affirmation de son identité et por- tée par des chefs, des agriculteurs et des artisans passionnés. Fière de s’associer à la série « Manger le Québec » en collaboration avec Caribou.
D4 LE DEVOIR / LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 NOVEMBRE 2019 / CARIBOU Cadeaux gourmands : choisir le Québec L’an dernier au pays, il s’est dépensé plus de 19 milliards de dollars dans le commerce de détail au mois de décembre. En consultant vos vieux relevés bancaires, vous y verrez sans doute le reflet de votre générosité. Mais l’argent qui sort de vos poches pour gâter vos proches sert-il à enrichir votre communauté ou à gonfler les profits d’un géant étranger ? UGO GIGUÈRE | PHOTOS DE FABRICE GAËTAN ’après les données re- Il ajoute un cinquième élément D cueillies depuis une plutôt tendance : l’empreinte envi- dizaine d’années par ronnementale. Comme on réduit la l’Observatoire de la distance de transport, inévitable- consommation res- ment, on diminue l’empreinte écolo- ponsable (OCR) de gique d’un bien. l’École des sciences de la gestion de L’argument économique est soute- l’UQAM, la volonté d’encourager la nu par Sylvain Charlebois, directeur production et les artisans locaux est scientifique du Laboratoire en scien- constamment en croissance. ce analytique agroalimentaire de Selon le Baromètre de la consom- l’Université Dalhousie, en Nouvelle- mation responsable 2018, publié par Écosse. Il confirme que, « lorsque l’OCR, 54 % des Québécois achètent l’on capte l’ensemble d’une chaîne fréquemment des produits fabriqués domestique [NDLR : un bien dont localement auprès de commerçants les matières premières, la transfor- de leur quartier. Un taux statistique- mation, la distribution et la vente ment égal chez les hommes et les sont faites localement], on contribue femmes, mais qui augmente avec beaucoup plus à l’économie ». l’âge, précise le directeur de l’obser- L’expert de l’industrie agroalimen- vatoire, Fabien Durif. taire ne rejette cependant pas entiè- « Plus on vieillit, plus ce critère rement l’importation, qui permet devient important. On a l’impression tout de même à des importateurs, qu’en vieillissant, le consommateur des distributeurs et des détaillants prend conscience de l’importance de gagner leur vie. « Il est certain qu’il a dans l’économie », mentionne par contre que, dans ce cas, le coef- le cofondateur de l’OCR. ficient multiplicateur est moins Il s’agit d’ailleurs du type de con- fort », admet-il. sommation responsable mesuré par « Dans le domaine de la bouffe, il l’organisme qui a le plus séduit la n’y a pas grand-chose qui est 100 % population, justement en raison de local et il est difficile de s’isoler du son « impact direct sur la commu- reste du monde lorsque vient le nauté », ajoute M. Durif, en expli- temps de se nourrir. Dans le secteur quant que chaque dollar injecté dans alimentaire, une grande majorité des l’économie locale est multiplié emplois existent parce qu’on transi- « parce qu’il reste ici ». ge avec le reste du monde », nuance De manière vulgarisée, Fabien celui qui aime offrir des produits de Durif énumère comment l’achat la Nouvelle-Écosse à sa famille du chez l’artisan du coin d’un objet fa- Québec et recevoir des produits qué- briqué ici devient payant pour toute bécois en retour. une communauté. D’abord, on sti- Sylvain Charlebois soutient qu’il mule l’économie locale en permet- serait bien périlleux de s’aventurer à tant à un commerce de vivre et à un mesurer le fameux facteur multipli- commerçant de payer son loyer, ses cateur d’un dollar investi localement employés, etc. Ensuite, on encourage plutôt que dans un achat en ligne ou un artisan de chez nous qui a lui dans une chaîne étrangère. Beau- aussi ses propres dépenses. Puis, on coup trop de variables et d’étapes participe à tout un circuit économi- seraient impliquées dans le commerce que qui remonte chaque étape de la de détail pour établir avec justesse ! " #$ chaîne. Finalement, on appuie l’in- un tel calcul. novation locale et donc la création de richesse.
LE DEVOIR / LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 NOVEMBRE 2019 / CARIBOU D5 CONTENU PARTENAIRE Découvrez À la ferme Missio-Lait. Nicolas Cormier, 28 ans FERME MISSIO-LAIT, À CONTRECOEUR Premier producteur laitier de sa famille, Nicolas a eu un coup de cœur pour les animaux en travaillant pour des voisins éleveurs de bétail lorsqu’il était adolescent. Après des études en gestion agricole, il fonde la ferme Missio-Lait, à Contrecœur et, depuis, travaille sept jours sur sept, de 4h30 à 19h, pour s’occuper de son troupeau d’une quarantaine de vaches. « Les vaches aiment la routine. Les heures de traite doivent être respectées – elles se plaignent si tu es en retard de 5 minutes ! Annabel Tremblay : – et elles apprécient le calme, une température optimale, des la robotisation repas à heures régulières. Si une vache ne va pas bien, elle a tout changé. stresse… Je suis au centre de la vie de mon troupeau, on a une belle complicité et les vaches me le démontrent en se collant sur moi ou en me donnant un gros coup de langue. » LA RELÈVE DU LAIT Nicolas est passionné par son métier, qu’il pratique avec fierté. « Les producteurs d’ici s’investissent à fond pour bien traiter leurs animaux et fournir des produits de qualité. Nos vaches ne reçoivent pas d’hormones ni d’antibiotiques, sauf dans des cas extrêmes, lorsqu’elles doivent être soignées. Dans ce cas, elles sont isolées et leur lait n’est pas commercialisé. Et notre produc- tion laitière répond à des normes environnementales strictes. Ils sont dans la vingtaine, ils ont des idées plein la tête et ils pratiquent C’est pour ça qu’il faut encourager les entrepreneurs locaux ! » leur métier, qui les passionne, chacun à leur manière. Une conversation Producteur engagé, Nicolas s’implique avec la Fédération de la relève agricole, qui rassemble les jeunes agriculteurs de avec les producteurs laitiers Annabel Tremblay et Nicolas Cormier. 16 à 39 ans. « On organise des visites de fermes, des soupers spaghetti, des rassemblements qui permettent de briser l’iso- PA R M A U D E D U M A S P H OTO S C H A N TA L E L E C O U R S lement, de favoriser les échanges et, bien sûr, de prendre une bière avec nos voisins. » Ou un verre de lait : il en boit huit litres chaque semaine ! Annabel Tremblay, 20 ans FERME JÉRITIN, AU LAC-SAINT-JEAN « Quand tu es producteur laitier, tu dois La robotisation fournit aussi une foule de presque être vétérinaire, nutritionniste, données sur l’état de santé des vaches et elle météorologue, administrateur… » Et aus- ajuste leur alimentation en conséquence. « Le si gestionnaire de robotique, puisque le contact humain continue comme avant, parce premier défi relevé par Annabel a été d’im- que nous visitons nos vaches plusieurs fois planter un système de traite automatisé par jour pour prendre soin d’elles. Elles sont à la ferme qui est dans sa famille depuis bien traitées, heureuses et en santé, ce qui a plusieurs générations. « C’est lorsque mon un impact important sur la qualité de leur lait. » père m’a parlé de ce projet que j’ai décidé La carrière d’Annabel est bien lancée. de prendre la relève. Je savais que je pour- Après un parcours remarqué au Collège rais mettre à profit mes études en gestion d’Alma, elle s’est mérité un prix Chapeau agricole – et que j’aurais des heures de les filles! décerné par Ministère de l’édu- travail normales ! » cation et de l’enseignement supérieur pour Comme l’explique Annabel, lorsqu’une récompenser celles qui font leur chemin ferme est robotisée, le fait de ne plus dans un milieu typiquement masculin. Et avoir à traire les vaches au lever du soleil elle vient tout juste de décrocher une bourse et à l’heure du souper change tout. « Nos d’excellence des Agricultrices du Sague- 120 vaches sont libres et elles décident nay-Lac-Saint-Jean, organisme qui l’a choisie du moment où leur lait doit être tiré en se comme représentante de la relève agricole. rendant d’elles-mêmes à l’une de nos « C’est un bel encouragement. Il faut travail- Nicolas Cormier : stations de traite. Leur production est va- ler fort pour faire sa place, et il ne faut pas le bien-être des riable, et ce système nous offre l’avantage sous-estimer l’agriculture, qu’on doit gérer vaches avant tout. de suivre leur rythme naturel. » comme une PME, avec efficacité ! » Bis est une section qui regroupe des contenus produits pour des annonceurs. La rédaction du Avec la collaboration des Producteurs de lait du Québec. Devoir n’a pas été impliquée dans la production de ces contenus.
D6 LE DEVOIR / LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 NOVEMBRE 2019 / CARIBOU Un p produit, une histoire Pour les artisans, chaque dollar dé- pensé pour leurs produits pendant la période des Fêtes peut faire toute la différence pour leur entreprise, pour leur famille et pour toutes les familles (celles de leurs employés, par exem- ple) qui dépendent d’eux. Chloé Gervais-Fredette est choco- latière à Montréal depuis 16 ans. Pour elle, l’année compte trois moments cruciaux : la Saint-Valentin, Pâques et Noël. À elle seule, la période des Fê- tes peut représenter jusqu’à 20 % de son chiffre d’affaires annuel. Son entreprise Les chocolats de Chloé mise sur la qualité et sur la fraîcheur, ainsi que sur un service chaleureux et personnalisé. La choco- latière est consciente que ses produits artisanaux ont un prix plus élevé que les friandises fabriquées en usine, mais elle n’hésite jamais à aborder le sujet avec de nouveaux clients. « Ma première approche est de res- pecter le client. Je veux éviter tout snobisme et me montrer flexible à ! " tous les budgets », répond celle qui détient une formation en pâtisserie de l’Institut de tourisme et d’hôtelle- # rie du Québec. # Elle explique que ses produits sont respectueux de l’environnement, que $% ses fournisseurs de cacao, qui doit
LE DEVOIR / LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 NOVEMBRE 2019 / CARIBOU D7 évidemment être importé, sont sou- cieux de réduire leur empreinte éco- logique. Elle ajoute qu’elle réduit sa marge de profit au minimum pour maintenir une structure d’entreprise qui lui permet de traiter ses employés avec respect. « Finalement, je dis à mes clients qu’en achetant mes chocolats, ils per- mettent de faire vivre sept familles du Québec : la mienne et celles de mes six employés », conclut-elle. Des marchés de Noël très attendus Pour de nombreux consommateurs, l’équation achat local et période des Fêtes égale marché de Noël. Les artisans l’ont bien compris et ces événements sont devenus des incontournables partout au Québec dans les dernières années. L’illustratrice spécialisée en ali- mentation Laurence Deschamps- Léger, alias Laucolo, parvenait diffici- rie Art + à Sutton, du 28 novembre au lement à faire sa place dans les 29 décembre, et du marché de Noël & marchés bondés ; elle a donc fondé de Frelighsburg, les 14 et 15 décem- l’entreprise On sème, avec sa compli- bre. Le couple pourra ainsi aller à la ce Sara Maranda-Gauvin, dans le but, rencontre des clients, que le céramis- entre autres, de créer son propre te présente comme « son service de rassemblement. recherche et développement » et grâ- Depuis quelques années, le duo ce auxquels il s’est notamment lancé, organise notamment le Marché de à la suite de demandes, dans la créa- $ ' novembre, qui a lieu cette année le tion de pots à kimchi. samedi 23 novembre au Ausgang Ce lien privilégié entre clients et & Plaza, à Montréal. Pour Laucolo, artisans représente un puissant outil ( Noël représente bon an mal an 25 à de marketing, de l’avis du profes- 30 % des ventes de ses cartes de seur Sylvain Charlebois. « Connaître souhaits, ses affiches, ses carnets et l’histoire derrière le produit » et ses calendriers illustrés. rencontrer son créateur « devient Par ailleurs, l’artiste dit adorer le une expérience importante pour le contact avec la clientèle dans les évé- consommateur », note-t-il. nements publics. Une expérience de Une expérience parfois suffisante proximité que recherche également le pour le convaincre de dépenser quel- couple de céramistes Sara Mills et ques dollars de plus pour un produit Michel-Louis Viala derrière l’étiquette durable et fabriqué par un artisan de Poterie pluriel singulier. chez nous. Comme les amoureux de la table sont souvent attirés par les objets qui se trouvent dans les marchés, les cé- ramistes y font de bonnes affaires. « Ça nous permet de garder le con- tact avec notre clientèle locale », souligne M. Viala, dont l’atelier est situé à Pigeon Hill, aujourd’hui an- ! nexé à Saint-Armand, dans la MRC de Brome-Missisquoi. "#$ Le duo sera donc cette année de % &'( l’exposition Céram-Glam de la gale- !'
D8 LE DEVOIR / LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 NOVEMBRE 2019 / CARIBOU Des marchés Pour rencontrer les artisans d’ici et faire provision de cadeaux locaux, ce n’est pas le choix de marchés qui à visiter manque pendant les semaines précédant les Fêtes. En voici quelques-uns à venir. Marché de novembre Salon des métiers d’art Marché de Noël Marché de Noël de Joliette 23 novembre de Montréal de Baie-Saint-Paul Du jeudi au dimanche, Ausgang Plaza Du 6 au 22 décembre Les fins de semaine, du 29 novembre au 23 décembre 6524, rue Saint-Hubert, Montréal Place Bonaventure du 29 novembre au 8 décembre Place Bourget, Joliette « Marché de novembre » sur Facebook 800, rue De La Gauchetière Ouest, Différents lieux dans le centre-ville noeljoliette.com Montréal de Baie-Saint-Paul Souk metiersdart.ca marchedenoelbsp.ca Le Marché de Noël de Laval Du 27 novembre au 1er décembre Du 6 au 8 décembre Édifice RCA Puces Pop édition hivernale Marché de Noël de Sutton Centre de la nature 1001, Lenoir, Montréal Les fins de semaine, Les 30 novembre, 1er, 901, avenue du Parc, Laval soukmtl.com du 6 au 15 décembre 7 et 8 décembre laval.ca/Pages/Fr/Activites/ Église Saint-Denis Parc des Vétérans marche-de-noel.aspx Marché des Fêtes – collectif Etsy 5075, rue Rivard, Montréal 4, rue Maple, Sutton Du 13 au 15 décembre popmontreal.com/fr/calendrier/ tourismesutton.ca/repertoire/ Marché de Noël allemand Théâtre Denise-Pelletier puces-pop marche-de-noel-de-sutton de Québec 4353, rue Sainte-Catherine Est, Du jeudi au dimanche, Montréal Marché de Noël et Le Grand Marché de Noël du 22 novembre au 23 décembre collectifcreatifmtl.com/marches des traditions de Longueuil de Québec Quatre sites au cœur du Vieux- Les fins de semaine, Du 21 novembre au 31 décembre Québec, Québec Village de Noël de Montréal du 29 novembre au 22 décembre Au Grand Marché de Québec noelallemandquebec.com Les fins de semaine, Parc St. Mark 250-M, boulevard Wilfrid-Hamel, du 29 novembre au 22 décembre 340, rue Saint-Charles Ouest, Québec Marché Atwater Longueuil legrandmarchedequebec.com/fr/ Retrouvez encore plus de marchés 138, avenue Atwater, Montréal metierstraditions.com marche-de-noel de Noël sur le site Web du Devoir noelmontreal.ca
LE DEVOIR / LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 NOVEMBRE 2019 / CARIBOU D9 Le vin d’ici : « kessé ça goûte ? » L’animateur, auteur et comédien Christian Bégin, amateur de « vino », explique pourquoi nous devrions nous ouvrir aux vins d’ici. Cette année, pourquoi ne pas les offrir en cadeaux d’hôte ou les glisser sous le sapin ? CHRONIQUE DE CHRISTIAN BÉGIN ai environ 8 ans. Les vignerons et vigneronnes J’ - Kessé ça goûte ? - C’est du boudin, ça goûte le boudin… Mon père ne s’étouffait pas dans les explications. - J’aime pas ça… d’aujourd’hui rivalisent d’audace, de créativité, de savoir-faire. Il suffit de goûter un vin de Pinard et Filles, du Domaine Beauchemin, des Per- venches, du Domaine du Nival, du - Goûte, pis tu me diras après si t’ai- Domaine Bergeville, de Négondos, mes pas ça… du Domaine Saint-Jacques (il m’est Une odeur indescriptible embau- impossible ici de tous les nommer, mait la maison. Le « boudin » cuisait puisqu’il y a plus de 140 produc- dans un poêlon en fonte… Je voulais teurs de vin au Québec et que, oui, me réveiller ! je me sens plus proche de certains) Ça ne goûtait pas le boudin ! Ce pour comprendre que nous attei- n’était pas du boudin. C’était une gnons maintenant des niveaux de « affaire » achetée à l’épicerie qui maîtrise et d’excellence qui n’ont ressemblait vaguement à du boudin, rien à envier à ce qui se fait ailleurs faite avec du sang de bœuf, dans un dans le monde. Qu’on se le dise, cylindre beaucoup trop parfait pour nous savons faire ! Nos vins se re- ne pas être suspect… C’était dégueu- trouvent sur les grandes tables du lasse ! Infecte ! Pire que ce que ça Québec et ailleurs dans le monde. sentait, ce qui n’est pas peu dire ! Et les restaurateurs d’ici font un tra- Quand j’ai réussi à transcender mon vail remarquable pour valoriser et traumatisme et que, des années plus proposer ce qui se fait de mieux au tard, j’ai goûté le boudin de Louis du Québec et qui – et c’est sur ce point te des multiples expressions de ce restaurant Le Pied bleu, à Québec, j’ai particulier que je veux réfléchir avec que NOUS produisons, créons avec compris… En fait, je n’ai pas seulement vous — goûte NOUS. passion, détermination, pugnacité, un compris, j’ai capoté ! C’était presque Je vais écrire une phrase toute brin de folie et, surtout, une expertise orgasmique ! Et ça goûtait… NOUS ! simple qui reflète l’ensemble de ma grandissante. Ça goûtait le boudin de Louis ! réflexion autour du vin d’ici. Je ne La grande majorité des vignerons Pourquoi cette introduction alors suis ni vigneron, ni œnologue, ni rien d’ici, peu importe s’ils travaillent qu’on me demande d’écrire sur le vin de tout ça. J’aime le vin, un point avec des cépages hybrides ou des cé- québécois, sur pourquoi nous devrions, c’est tout ! Mes « connaissances » pages étrangers, ne peuvent travailler non pas « encourager », car je détes- sont limitées, mais mes goûts sont contre notre terroir. En fait, c’est un te ce mot dans ce contexte particu- précis. Alors voici : mariage forcé. Le seul acceptable ! Le lier, mais boire du vin québécois ? Les vins d’ici sont faits ici ! seul qui fait du sens ! Et nos vigne- Parce que ce n’est pas gagné ! Parce C’est d’une évidence gênante, mais rons célèbrent ces épousailles, les qu’on est, du moins certains d’entre cela devrait, en partie, guider votre embrassent ! Le vin s’exprime à tra- nous, encore « pognés » avec des expérience si vous êtes encore pris vers la terre où il grandit et à travers souvenirs de boudin pas mangeable ! avec certains préjugés ou encore si celui ou celle qui le fait ! That’s it, (C’est une métaphore !) vous en êtes à vos premiers pas sur la that’s all ! Le reste, c’est un peu de Il faut se rendre à l’évidence. Il route de nos vins. magie, voire de chance, parce qu’en faut encore se battre aujourd’hui Nos vins goûtent NOUS. Un char- fin de compte, c’est la nature qui a le contre un solide préjugé à l’égard donnay du Domaine Beauchemin ne dernier mot ! des vins québécois. C’est comme au goûtera pas un chardonnay de la J’aime le vin pour ce qu’il goûte, théâtre. Il suffit de voir UNE mau- Bourgogne. Pourquoi ? Parce que la bien sûr, mais je l’aime dans une vaise pièce pour en conclure que le vigne s’est enracinée ici, chez nous. même mesure pour les gens qui le théâtre, c’est ennuyeux, pour ne pas Parce qu’il a été vinifié ici, chez nous, font et, ici, chez nous, sur notre terri- dire plate à mort. Il suffit de manger par des gens d’ici… TOUT EST LÀ ! toire, au cœur de notre terroir, ces une fois du boudin d’épicerie pour Plus nous comprendrons, en tant magnifiques fous et folles racontent en conclure, avec raison, que ce n’est que consommateurs — ou amoureux une magnifique histoire grâce aux pas vraiment bon… du vin ; je préfère de loin cette appel- vins qu’ils créent. Même chose avec le vin d’ici. Oui, lation ! —, que nous ne devons pas Et quoi de plus enivrant que de il y a bien eu des expériences moins rechercher « gustativement parlant » partir à la découverte de soi ! Surtout heureuses que d’autres. Et non, on ce qui se fait ailleurs, plus nous célé- quand on est bien accompagné… ne s’improvise pas vigneron. Mais brerons qui nous sommes, ce qui - Kessé ça goûte ? aujourd’hui, l’offre qu’on nous pro- nous distingue, nous singularise, nous - Ça goûte NOUS ! pose témoigne d’une évolution ex- rend uniques. Plus nous apprendrons ponentielle dans la viniculture au ce que NOUS goûtons « vinicolement Ce texte a été publié en 2018 dans Québec et d’une expertise excep- parlant », plus nous tirerons un plai- le hors-série Caribou sur les vins tionnelle acquise au fil des ans ! sir grandissant à partir à la découver- québécois.
D10 LE DEVOIR / LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 NOVEMBRE 2019 / CARIBOU Quatre questions à cinq ambassadeurs de produits locaux Amoureux du « fait au Québec », ils ont décidé de partager avec leurs clients leurs trouvailles en transformant leur boutique en vitrine pour les artisans d’ici. Cinq commerçants de produits gourmands et d’articles d’arts de la table racontent leur amour pour ce qui se crée au Québec. CAROLINE LAROCQUE-ALLARD LES MINETTES Laval Comment avez-vous trouvé les Quels sont les types de produits Ouvert depuis novembre 2019 artisans présentés chez Les recherchés par votre clientèle ? 100 % local Minettes ? CS : Des pièces plus polyvalentes, Propriétaires et fondatrices : PR : Mon père était un amoureux du dans le but de consommer moins et les sœurs Pascale et terroir, et nos voyages en famille mieux. J’ai collaboré avec le céramis- Marie-Claud Rémond étaient truffés de découvertes. C’est te Christian Roy pour offrir par exem- aussi comme ça qu’on fonctionne au- ple un bol-assiette conçu tant pour les jourd’hui : on fait entrer en boutique pâtes que les soupes ou les salades. Les Minettes, c’est une entreprise nos coups de cœur dénichés un peu qui fabrique des petites gour- partout lors de nos escapades au Vos artisans coups de cœur ? mandises depuis 2015. Comment Québec. Christian Roy, pour ses pièces textu- en êtes-vous récemment venues à rées qui demandent une maîtrise im- ouvrir une boutique ? Vos artisans coups de cœur ? peccable du tour à poterie. Marie- Pascale Rémond : Notre rêve d’origi- Gourmet Sauvage, qui démontre grâ- Joël Turgeon et Jordan Lentik, un ne, c’était celui d’une boutique où ce à ses produits cueillis en forêt couple qui fabrique des céramiques nous pourrions présenter nos coups qu’on passe à côté de plein de belles intemporelles qui s’exportent bien. de cœur québécois. On a finalement choses dans nos forêts. La Ferme Makiko Hicher-Nakamura, pour l’es- fait le saut dans le Vieux Sainte-Rose d’Achille, pour sa pulpe de baie d’ar- thétique japonaise de ses poteries. à Laval, parce qu’il n’existait pas de gousier, qui remplace les agrumes commerce du genre et que c’est l’en- dans les recettes. La Ferme Pré droit où l’on a grandi. Rieur, pour sa farine de pois jaunes, ROUGE PIN une légumineuse délicieuse qui se dé- Val-David. Avez-vous vu évoluer l’intérêt marquera dans les prochaines années. Ouvert depuis juin 2019, pour l’achat local depuis que 100 % local, dont 80 % vous êtes dans le domaine ? d’artisans des Laurentides PR : À Laval, il y aura une certaine AUTOUR DE LA TABLE Propriétaire et fondatrice : éducation à faire, par exemple pour Saint-Jean-sur-Richelieu Karina Marquis justifier les prix un peu plus élevés, Ouvert depuis décembre 2014 mais comme les gens sont désormais Local à plus de 80 % soucieux de leur santé et de l’environ- Propriétaire et fondatrice : Pourquoi avez-vous souhaité ou- nement, ils comprennent facilement Caroline Sem vrir une boutique consacrée aux la valeur ajoutée des produits locaux. produits locaux ? Karina Marquis : Les artisans de la Pourquoi avez-vous choisi de région n’avaient pas encore de vitrine vous installer à Saint-Jean-sur- commune. Jumelé à un salon de thé, Richelieu ? Rouge Pin se voulait un endroit qui Caroline Sem : Tout le vieux quartier inspire le respect du bon et du beau. était en travaux de modernisation et on voyait déjà émerger de nouvelles Comment trouvez-vous les artisans ? boutiques offrant des produits locaux KM : Je les cherche moi-même, parce dans d’autres domaines. C’est cette que mes critères d’originalité, de qua- promesse qui m’a convaincue d’y ins- lité et de provenance sont élevés. taller un café où l’on vendrait des J’offre des créneaux exclusifs pour produits faits à la main autour des que l’unicité des quelque 70 artisans arts de la table. que j’ai sélectionnés puisse rayonner. Remarquez-vous une tendance Remarquez-vous une ouverture vers l’achat local ? pour l’achat local ? CS : Tout à fait. Il y a notamment un KM : Le discours autour de l’achat engouement pour les produits de rem- responsable se répand. Les gens sont placement des grandes marques, telles désormais prêts à payer un peu plus que les tartinades de noisettes d’Allo pour encourager leurs artisans. Et les Simonne au lieu du fameux Nutella. prix sont franchement abordables.
LE DEVOIR / LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 NOVEMBRE 2019 / CARIBOU D11 Pourquoi ouvrir une boutique de Comment trouvez-vous les arti- produits faits au Québec ? sans qui sont représentés dans Sophie Grenier-Héroux : On voulait vos boutiques ? un lieu qui arrime l’apprentissage, par RR : On reçoit des offres toutes les se- des ateliers de cuisine, et l’outillage. maines ! On a resserré notre sélection Au départ, le côté boutique n’avait parce qu’on connaît mieux notre cli- pas de vocation locale, mais après entèle type : elle s’explique mieux la avoir été approchées par des artisans réalité du prix et recherche la qualité d’ici, nous avons trouvé évident d’al- du produit et de la démarche. Avant, ler vers ça. les consommateurs étaient fiers de di- re qu’ils avaient payé un produit le La pertinence de ce choix a-t-elle moins cher possible ; aujourd’hui, on été renforcée par la demande ? assiste au phénomène inverse où les SGH : Absolument ! Les gens étaient clients valorisent leur achat en parlant ouverts à acheter des outils de cuisine autour d’eux du raisonnement ayant fabriqués au Québec, mais ne savaient mené à leur choix local. pas où chercher. On parle beaucoup de s’alimenter localement, alors que Qu’est-ce qui explique l’explosion l’achat d’un outillage local est tout aus- du nombre des artisans québécois ? si pertinent. Notre clientèle s’agrandit RR : C’est générationnel, on veut être autour de cette idée. notre propre patron. C’est positif en matière d’offre ; on a le choix parmi Pourquoi avoir mis sur pied une une panoplie de produits de la table collection maison ? qui rivalisent d’originalité. Je pense SGH : On souhaitait collaborer avec toutefois qu’il se fera un tri naturel et des artisans afin de développer des que seuls les battants resteront, ceux produits qu’on peine à trouver dans dont le produit se démarquera dans l’offre québécoise et que les clients le temps. recherchent, comme le fameux bol à pâtes que Catherine Lebel-Ouellet a Vos artisans coups de cœur ? conçu pour nous. ¾ oz, pour leur constance et leur ri- gueur. Les Minettes, pour leur pas- Vos artisans coups de cœur ? sion et la croissance qu’elles ont con- Dave Fortin, pour ses couteaux haut nue. Dimanche Matin, pour leurs de gamme que les gens s’arrachent. confitures extraordinaires. Catherine Lebel-Ouellet, une fonc- tionnaire de Québec reconvertie en céramiste à la mi-trentaine. Carole- Anne Roy, de La Petite Boîte, dont les objets textiles sont étonnants et réfléchis. C’EST BEAU Montréal Première boutique sur Mont-Royal en 2017 ; deuxième sur Beaubien en 2018. 100 % local Propriétaires : Raphaël Ricard Vos artisans coups de cœur ? (fondateur), Guillaume Laprise Gréta Jonckheere, d’Atelier G, pour et Émilie Pomerleau ses porcelaines façonnées à la main. La potière val-davidoise Carmen Ab- dallah, de Céramique Zalata, pour ses Pourquoi avoir commencé, à l’in- théières uniques. Mélanie Houde, de verse de plusieurs, par créer une L’atelier La Louve, pour ses planches boutique en ligne en 2012 pour fi- à découper en bois recyclé. nalement avoir pignon sur rue quelques années plus tard ? Raphaël Ricard : C’est beau, c’est d’abord LA FOLLE FOURCHETTE notre marque de vêtements fabriqués Québec au Québec, vendus sur une boutique en Ouvert depuis 2013 ligne qui fédère d’autres artisans québé- Local à environ 50 % cois partageant nos valeurs de fabrica- Propriétaires et fondatrices : tion locale, durable et éthique. Toute Sophie Grenier-Héroux une communauté s’est bâtie autour de et Cyane Tremblay la marque, et c’est comme ça qu’on a pu lancer nos boutiques. CÉLÉBREZ AVEC NOUS ET PROFITEZ DE L’OFFRE SPÉCIALE D’ABONNEMENT : 5 55 $* NUMÉROS POUR SEULEMENT LE SEUL MAGAZINE CONSACRÉ À LA CULTURE CULINAIRE QUÉBÉCOISE RECEVEZ NOTRE MAGAZINE PENDANT 2 ANS + NOTRE HORS-SÉRIE « 100 % LOCAL » * Plus les taxes applicables. Cette offre est valide jusqu’au 15 mai 2020. cariboumag.com
D12 LE DEVOIR / LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 NOVEMBRE 2019 / CARIBOU CONTENU PARTENAIRE Découvrez Rémi Hudon, au centre, avec son clan Endisto beatur? Ant, et ses chèvres. aut rat ad qui ra co Rémi trouve même le moyen, dans ses « temps Une histoire de famille libres », d’être administrateur du Syndicat des producteurs de chèvre du Québec et de pêcher l’anguille, comme son père et tous ses ancêtres. Tradition oblige ! depuis 1769 VOIR GRAND, MAINTENANT ET POUR LE FUTUR Cette année, la ferme Petite-Anse investit 300 000 $ pour agrandir la pouponnière et mettre en place une double salle de traite. Depuis les Rémi Hudon élève des chèvres sur des terres ancestrales qui sont dans débuts, Rémi Hudon sait qu’il peut compter sur le sa famille depuis 250 ans. En tout, neuf générations se sont succédé coup de main de sa coopérative locale pour tous ses projets : « J’ai un lien d’amour avec eux ! On est à la ferme Petite-Anse, dans le Bas-Saint-Laurent. Au fil des ans, les savoirs clients pour la meunerie et la machinerie, et notre se sont transmis, mais bien des choses ont changé ! expert-conseil est non seulement une ressource, mais aussi un ami. » En investissant dans leur entreprise, Rémi et PA R M A U D E D U M A S P H OTO F R A N Ç O I S P E R R A S Catherine pensent à l’avenir de leur famille. Mais ils voient encore plus loin, car ils veulent perpétuer la tradition et transmettre la ferme aux générations E futures. « Ça serait le fun qu’elle fasse un autre 250 ans ! » n 2005, lorsque Rémi a pris la relève de garçons, Gabriel et Tristan, qui partagent leur son père, un éleveur de vaches laitières amour des chèvres. « On consomme bien sûr notre et de bovins de boucherie, il a fait passer lait, notre viande : on ne vendrait jamais un produit le cheptel de 40 à 225 têtes. Mais une qu’on n’aime pas ! » autre idée a commencé à germer lorsqu’un Coopérer pour durer client de sa coopérative locale, où il travaille aussi UN LAIT DE QUALITÉ POUR Il y a une centaine d’années, des agriculteurs comme expert-conseil, lui a parlé de production DES FROMAGES D’EXCEPTION laitière caprine. « L’animal est sociable, il apprécie La production laitière de la ferme Petite-Anse est qui travaillaient à la sueur de leur front ont les humains, et son lait est excellent ! » En 2009, destinée à la fabrication de fromages. Entre autres commencé à miser sur l’entraide en fondant il se lance dans l’aventure avec sa conjointe, clients : le géant Saputo et, du côté artisanal, la des coopératives pour mettre en commun Catherine Lord. fromagerie Bergeron, à Saint-Antoine-de-Tilly, et leur expérience, leurs connaissances et aug- la fromagerie Le Détour, à Témiscouata. Cette der- menter leur pouvoir d’achat. En fondant la UN DES PLUS BEAUX TROUPEAUX DE nière fabrique le fromage Grey Owl, à la texture Coopérative des fromagers du Québec, le CHÈVRES AU PAYS crémeuse et à l’enrobage de cendre végétale, Leur projet démarre avec 242 chèvres qui pro- qui a été servi au mariage du prince Harry et de Comptoir coopératif de Montréal et la Société duisent 125 000 litres de lait dès la première Meghan Markle, qui l’aime particulièrement. des semeurs de semences de Sainte-Rosalie, année. Un beau départ ! Depuis, le troupeau a Pour produire un lait de grande qualité, Rémi ils ne savaient peut-être pas qu’ils créaient grandi, le rendement a triplé. Il faut dire que les et Catherine travaillent 17 heures par jour. Ils s’ac- ce qui allait devenir La Coop fédérée, soit la belles chèvres de race alpine sont traitées aux quittent de presque toutes les tâches et reçoivent plus grande coopérative agroalimentaire du petits oignons et qu’elles ont un solide bagage un coup de main de quelques employés à temps Canada. Mais ils savaient une chose : on est génétique – elles constituent en fait l’un des plus partiel. C’est un métier exigeant, qui les remplit de beaux troupeaux du Canada. « On les aime, on les fierté. « Être de la neuvième génération, c’est une toujours plus forts ensemble. élève dans de bonnes conditions et elles donnent un source de motivation, ce n’est pas un fardeau. Tu ne Information : lacoop.coop lait de qualité que nos clients et notre famille peux pas faire autant d’heures dans une semaine, apprécient. » Rémi et Catherine ont deux jeunes dans une année, si tu n’aimes pas ça ! » La Coop fédérée génère un chiffre d’affaires de 6,3 milliards et compte au total 14 000 employés et 120 000 membres, producteurs agricoles et consommateurs. Elle figure parmi les 100 meilleurs employeurs à Montréal. Sa mission est de répondre aux différents enjeux propres aux fermes d’ici, à savoir la concurrence internationale, la pression des consom- mateurs en faveur d’aliments sains produits de manière responsable, ou encore la réduction de leur empreinte écologique. Bis est une section qui regroupe des contenus produits La Coop fédérée détient trois divisions d’affaires : Sollio Agriculture, Olymel et le Groupe BMR. Cet article a été rédigé par pour des annonceurs. La rédaction du Devoir n’a pas été l’équipe du Devoir, à partir du contenu produit dans le cadre de la campagne On récolte ce qu’on aime de La Coop fédérée. impliquée dans la production de ces contenus.
LE DEVOIR / LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 NOVEMBRE 2019 / CARIBOU D13 Catherine Auriol, céramiste De l’importance du contenant GENEVIÈVE VÉZINA-MONTPLAISIR | PHOTOS DE MAUDE CHAUVIN heveux courts platine Dans C en bataille, visage rougi par la course, Catherine Auriol arri- ve en trombe dans l’univers son atelier-boutique de céramique, Gaïa. « Désolée, j’avais oublié notre entretien ! » avoue la des propriétaire de cette entreprise de la rue Laurier Est, à Montréal. Au moment de notre rencontre, la vie de Catherine est une course folle. artisans L’artisane cumule les contrats pour plusieurs restaurants, et sa mémoire lui joue des tours. d’ici Pourtant, son carnet de comman- des n’a pas toujours été aussi rempli, ni son horaire, aussi chargé. Il y a un peu plus de 20 ans, Catherine n’au- rait jamais pensé que cet art allait Derrière chaque objet prendre autant de place dans sa vie. le chef du restaurant Le Mousso, An- grâce auquel leurs plats sont magni- Mais comme elle le dit si bien : tonin Mousseau-Rivard, a passé la fiés. Il y a aussi les clients, pour qui fabriqué au Québec, « C’est la céramique qui m’a choi- porte de la boutique en juin 2015, la les créations de l’artiste font partie de il y a une histoire. sie ! » « Pendant ma maîtrise en an- carrière de Catherine a basculé. l’expérience vécue au restaurant. thropologie, je me suis acheté de l’argile « Il est entré ici, on s’est regardés « Avec Claude Le Bayon, du res- Découvrez celles de pour me “dérider”, raconte-t-elle tous les deux avec des yeux qui di- taurant Chasse-Galerie, à Montréal, avec son vocabulaire coloré. J’ai aimé saient : “T’es qui, toé ?” Lui, le jeune on a travaillé sur un bol qui ressem- Catherine Auriol et de ça et, après mes études, au lieu d’al- trentenaire avec des tatoos, moi, la ble à une boule de quilles écrasée, ler faire le tour du monde, je me suis cinquantenaire échevelée. Il m’a dit : explique Catherine. Il m’a dit que Tony Gaudette, inscrite au Centre de céramique Bon- “J’ouvre un resto et j’aimerais tra- les clients passent leur temps à ca- deux artistes d’ici qui secours, à Montréal. » vailler avec toi”, se souvient la pé- resser le bol pendant qu’ils mangent. De retour d’un stage en France, tillante Catherine. On a eu six mois Ils le taponnent, ils le regardent, ils estiment que, tout comme Catherine comprend qu’il faut avoir pour élaborer des concepts. Ça m’a le soulèvent. Les gens ne faisaient un espace de vente dans son atelier vraiment donné un coup de pied au pas ça avant ! » les plats que l’on concocte, pour espérer gagner sa vie comme cul pour travailler les glaçures mates. Pour Catherine, cela va de pair céramiste et pour n’être à la merci ni Il n’y avait personne qui faisait ça à avec le changement qu’elle a remar- les objets qui nous des boutiques ni des salons d’arti- Montréal. Ça a fait boule de neige, qué dans la façon de consommer des accompagnent en cuisine sans. En 1999, avec d’autres céramis- car Antonin est très actif sur les ré- Québécois. « L’étape après “manger tes — qui ne sont plus de l’aventure seaux sociaux, et depuis, les com- local”, c’est le faire dans de la vais- valent la peine d’être aujourd’hui —, Catherine met la main mandes pour des restos n’arrêtent selle d’ici, affirme-t-elle. Je ne me sur le local qui portera le nom de Ga- pas d’entrer. » fais plus dire : “Je peux acheter le faits avec amour. ïa et se donne pour mission de pro- La céramiste confie même que sa même genre de bol au Dollarama !” mouvoir et de faire connaître l’art de rencontre avec le jeune chef l’a ré- Les gens respectent plus qu’avant le la céramique. conciliée avec son art et a donné un travail de l’artisan. » Le charmant établissement du Pla- second souffle à sa carrière. « J’avais L’engouement pour le côté artisa- teau-Mont-Royal accueille un espace- déjà fait une commande pour un res- nal de la poterie, Catherine le consta- boutique à l’avant, où les créations de to avant, mais ça ne s’était pas très te également dans les cours qu’elle Catherine côtoient celles d’une dou- bien passé. Mon client essayait de donne et qui affichent rapidement zaine d’autres céramistes. À l’arrière, payer ses assiettes 5 $, soit moins complet. « Les gens veulent retrouver l’atelier comprend plusieurs tours de cher que ce que tu trouves chez Sto- le contact avec la matière, explique-t- potier pour « tourner » les pièces, de kes ! s’indigne-t-elle. Mais mainte- elle. La céramique, c’est un soul craft. grandes étagères pour les faire sécher nant, je parle vraiment d’artiste à Ça demande de la patience et de la et de grosses chaudières contenant artiste aux chefs avec qui je travaille. persévérance. » les différentes glaçures pour les colo- Je passe du temps avec eux, je m’im- La céramiste a terminé son café. rer. Au sous-sol trônent deux fours à prègne de leur environnement. Ils Elle se retrousse les manches, prête à céramique. Les pièces y passeront me soumettent des idées, souvent se mettre à l’ouvrage. deux fois avant d’être terminées. une vague forme mimée avec les « J’ai aussi des commandes à faire David, un employé, est derrière un mains ou dessinée sur un bout de pa- pour des particuliers : trois services tour, occupé à façonner l’argile pour pier cheapo, et je tente de la traduire de vaisselle complets, certains de aider Catherine à boucler ses com- dans mon médium à moi. Je fais des 12 couverts ! Ça n’arrivait pas avant, mandes. Si on ajoute Marc, le bras prototypes, puis on réajuste le tir. ça non plus ! ajoute-t-elle en souriant. droit de la céramiste, qui s’occupe des J’adore cette partie “recherche et Ça doit vouloir dire que j’ai gagné suivis de production, ils sont mainte- développement” de mon travail ! » mon pari. Presque 20 ans plus tard, nant trois à travailler à temps plein Et il n’y a pas que les chefs qui j’ai réussi à faire reconnaître l’art de pour Gaïa. C’est qu’à partir du jour où sont sensibles au travail de Catherine, la céramique. »
D14 LE DEVOIR / LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 NOVEMBRE 2019 / CARIBOU
LE DEVOIR / LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 NOVEMBRE 2019 / CARIBOU D15 Tony Gaudette, designer d’objets de cuisine Raffinement à l’italienne JESSICA ÉMOND-FERRAT | PHOTO DE MAUDE CHAUVIN habit ne fait pas le j’ai spontanément répondu le prénom L’ moine, dit l’adage. Et de ma fille, Milan », raconte le desi- pourtant, le café a gner en posant son regard sur la fillet- toujours l’air meilleur te qui dessine sagement à nos côtés. quand on le sert dans Joli hasard que ce nom soit aussi ce- une jolie tasse à ex- lui de la capitale italienne de la mo- presso. Tony Gaudette, fondateur de de… En effet, Tony Gaudette n’a pas la Maison Milan, explique sans mal tardé à entreprendre des démarches ce phénomène : « Une tasse dont pour exporter ses produits dans ce l’intérieur est en cuivre rehausse la pays qui l’a influencé par le « raffine- couleur de la crema et rend le café ment » de son design. À ses premières plus beau. » À son avis, les objets créations se sont ajoutés, notamment, présents dans notre cuisine peuvent une tasse à expresso en cerisier, et un influencer notre manière d’apprécier sous-plat ainsi qu’un support à cou- la nourriture, et même façonner nos teaux aimanté en noyer — le créateur souvenirs. « Un tablier peut nous rap- a un penchant pour le bois, matériau peler les fois où on l’a utilisé pour élégant et « facilement accessible au manger des huîtres avec notre fa- Québec ». Depuis deux ans, cet hom- mille. À partir de ce moment-là, il me qui flaire aisément les tendances et cesse d’être un simple accessoire. Il a trouve l’inspiration au fil de ses voya- une histoire. » ges édite aussi des produits conçus par Danemark et en Suède, remarque-t-il. Dans le somptueux Crew Collecti- d’autres designers industriels. Cela Les tabliers élégants ont la cote en ve & Café, à Montréal, avec sa che- permet à la Maison Milan de donner France, alors qu’en Amérique du mise noire et sa chevelure poivre et de la visibilité au talent de ceux-ci tout Nord, on préfère ceux au look plus sel, celui qui a fondé la Maison Milan en profitant de leur créativité. rustique, avec plein de poches. » Et en 2011 dégage exactement l’élégan- « Quand je confie un projet à quel- au Québec, on aime ce qui est prati- ce qu’il évoque pour décrire les ins- qu’un, je sais déjà quel objet je veux. que et facile à utiliser : « Les Qué- truments de cuisine haut de gamme Je connais son matériau, son prix, je bécois ne se prennent pas trop au de son entreprise. Son léger accent de sais qui en sera le fabricant ; le desi- sérieux. Souvent, ils dénaturent la Côte-Nord rappelle que c’est à gner s’occupe de le dessiner en s’assu- l’objet, lui donnent plusieurs fonc- Sept-Îles qu’est né son amour pour la rant qu’il s’inscrive dans la lignée des tions. » Son très populaire rouleau à bonne chère. « J’ai grandi dans un autres produits de la Maison Milan », pâte en bois de noyer et d’érable en quartier peuplé d’une vingtaine de explique-t-il, ajoutant fièrement qu’il est un bon exemple. « À la fête communautés culturelles. Ces gens collabore « avec les meilleurs ». d’un ami, un invité m’a expliqué à de toutes les origines étaient venus La Maison Milan compte désormais quel point le rouleau avait du suc- travailler dans les mines au cours des des points de vente en Italie, en cès dans sa famille, surtout auprès années 1940, raconte-t-il. Nos voisins Scandinavie, en France, aux États- de son fils de huit ans. J’étais im- étaient italiens, portugais, vietna- Unis et, bien sûr, au Canada, en plus pressionné ! Puis, il m’a dit : “À son miens, haïtiens… J’ai baigné toute ma d’avoir une boutique en ligne et d’of- anniversaire, on avait installé une jeunesse dans ces cultures pour les- frir la livraison dans ces trois derniers piñata, et on a utilisé ton rouleau quelles bien manger était primordial pays. « C’était important pour moi de pour la frapper ! Il est vraiment bien – on faisait venir des biscuits de l’épi- passer rapidement à l’exportation, équilibré !” », raconte le designer cerie italienne montréalaise Milano, pour rentabiliser mon entreprise et en riant de bon cœur. tout le monde avait un jardin, et les diminuer les coûts de production. En Tony Gaudette le dit à plusieurs re- parents étaient plus fiers de leurs en- Europe, les gens sont prêts à payer prises : il espère que le succès de la fants pour leurs exploits culinaires plus cher pour un objet de qualité qui Maison Milan inspirera d’autres gens. que sportifs ! » dure longtemps, alors qu’ici, ce n’est « Très peu de designers industriels ar- Après avoir commencé sa carrière pas complètement implanté dans la rivent à vivre de leur métier, déplore- en tant que designer industriel, Tony culture », explique l’énergique hom- t-il. Mais je crois que ça peut changer. Gaudette a uni, pour se faire plaisir, me d’affaires, qui, bien qu’il n’assure Je voudrais qu’on forme un mouve- ses passions pour le graphisme et la plus chaque étape de la création dans ment, qu’il y ait plus de produits lo- gastronomie en dessinant ses pre- son atelier montréalais, tient mordi- caux offerts sur le marché, que ça miers accessoires de cuisine — deux cus à ce que les produits soient crée un engouement et que les con- planches à découper et un rouleau à manufacturés par des fabricants qué- sommateurs acquièrent le réflexe pâte — qu’il a présentés à un dé- bécois, même si cela représente un d’acheter des objets de qualité faits taillant de produits haut de gamme. défi financier. ici. » Il rêve aussi de voir naître une « Il m’a rappelé deux semaines plus Faire voyager sa marque lui a aussi « esthétique propre au Québec ». « J’ai- tard. Il voulait mes créations. Je permis de constater que chaque pays merais qu’on devienne des leaders en n’avais alors que des échantillons — a ses produits préférés parmi ceux la matière. On l’est dans le domaine pas de logo, pas de marque. Il m’a de- qu’il propose. « Ce qui est fait en bois du jeu vidéo, pourquoi pas dans celui mandé le nom de ma compagnie, et marche à merveille en Norvège, au des objets de cuisine ? »
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