La déficience des contrôles de l'Etat sur les collectivités territoriales et les administrations publiques locales

 
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La déficience des contrôles de l’Etat sur les collectivités territoriales et les
                          administrations publiques locales

                                                     Eric PEREZ

Avec le principe constitutionnel de libre administration, révisé en 2003, la décentralisation qui a
supprimé la tutelle de l’Etat et transféré aux collectivités territoriales de nombreuses compétences, a
renforcé celles-ci au cœur de l’action publique. Elles assument plus de 70 % de l’investissement public
(hors dépenses militaires) et exercent leurs compétences dans tous les domaines de la vie
quotidienne, éducation, formation professionnelle, action sociale, transports, réseau routier, urbanisme,
développement économique…
Toutefois, libre administration et décentralisation impliquent le respect des lois de la République « une
et indivisible ». Et comme Gaston Deferre, Ministre de l’Intérieur le soulignait : « Il n’y a pas de liberté
sans contrôle », écho aux propos d’Alain : « Ce qui définit la démocratie, ce n’est pas l’origine des
pouvoirs, c’est le contrôle continu et efficace que les gouvernés exercent sur les gouvernants », ou de
manière plus lapidaire : «… Il n’y a pas de démocratie sans contrôle de la démocratie ».
Au demeurant, l’exigence d’un contrôle de l’Etat sur les collectivités territoriales figure à l’article 72 de la
Constitution. Il dispose que « dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de
l’Etat, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du
contrôle administratif et du respect des lois ».
Ainsi, depuis 1982, les actes des collectivités sont exécutables de plein droit, et ne peuvent être
sanctionnés que par le juge administratif. Et en raison de leur nature particulière, le contrôle des actes
budgétaires a été confié aux chambres régionales des comptes, lesquelles ont aussi pour mission,
notamment, d’examiner la gestion des organismes publics locaux.
Cette dernière mission renvoie à l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui
pose le principe selon lequel : La société a le droit de demander compte à tout agent public de son
administration », et à l’exigence de son article 14 : « Tous les citoyens ont le droit de constater par eux-
mêmes, ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement,
d’en suivre l’emploi ».
Ces cadres juridiques et constitutionnels rappellent que le contrôle de légalité et celui de l’argent public
sont légitimes et nécessaires, dans un Etat de droit et une démocratie, cadres et principes de notre
République que quelques élus encore, affectent de ne pas reconnaître, quand ils déclarent que seul le
contrôle politique, celui des élections tous les cinq ou six ans leur importe.

Ceci étant rappelé, quelle est l’efficacité des contrôles de légalité et budgétaire, et de l’examen de la
gestion. Répondent-ils à l’exigence démocratique évoquée précédemment ?
Rapports du Conseil d’Etat, de la Cour des Comptes, du Sénat, colloques universitaires participent à
cette réflexion, et le gouvernement soumet au parlement tous les trois ans (auparavant chaque année),
un rapport sur le contrôle à postériori exercé à l’égard des actes des collectivités territoriales par les
représentants de l’Etat dans les départements et les régions, conformément au Code général des
collectivités territoriales (CGCT). Le dernier rapport, relatif aux années 2010, 2011, 2012, concerne tant
le contrôle de légalité, que le contrôle budgétaire.

1 - L’exercice du contrôle de légalité par le représentant de l’Etat

Le représentant de l’Etat, garant du contrôle de légalité, dispose d’un pouvoir d’appréciation qui le conduit à saisir
ou à ne pas saisir le juge administratif.

Le cadre juridique
Les pouvoirs attribués au préfet par les textes législatifs et règlementaires et la jurisprudence ont fixé le cadre
juridique du contrôle de légalité :

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-il s’exerce à postériori ;-
-il porte uniquement sur les aspects de légalité externe et interne des actes et non sur l’opportunité des décisions
prises ;
-il ne peut aboutir directement à l’annulation des actes puisque seul le juge administratif est compétent
pour en décider.
Lorsque l’examen sur le fond et la forme conduit à relever des irrégularités, le préfet peut adresser à la
collectivité un recours gracieux qui précise la ou les irrégularité (s) dont l’acte est entaché, et qui
demande son retrait ou sa modification. Si la collectivité ne répond pas favorablement au recours
gracieux, le préfet dispose d’un pouvoir d’appréciation. Il peut choisir de déférer ou non l’acte au
tribunal administratif. Peuvent participer à ce choix, le degré de gravité de l’illégalité commise, l’intérêt
général ou le coût d’une éventuelle annulation (enjeux financiers).
Les moyens juridiques mis à la disposition du préfet sont opérants. Il a toujours « un intérêt à agir » ; il
peut recourir aux procédures d’urgence ; et avec la menace du déféré, il peut obtenir la modification
d’un acte par la voie du dialogue avec les collectivités.
Le contrôle de légalité a connu une évolution sensible. Les circulaires du 17 janvier 2006, relative à sa
modernisation, du 23 juillet 2009, relative à sa réorganisation, et du 25 janvier 2012 relative à la
définition nationale des actes prioritaires, ont arrêté les principes qui l’animent aujourd’hui avec la mise
en place d’une politique sur des actes définis comme prioritaires, présentant des enjeux juridiques,
économiques, financiers ou environnementaux. Seule une partie des actes des collectivités et
établissements publics est soumise à l’obligation de transmission au représentant de l’Etat. Ces actes
sont définis par le Code général des collectivités territoriales pour l’essentiel, mais aussi dans d’autres
codes. Toutefois, en vertu d’un pouvoir d’évocation, le préfet peut demander communication d’actes
non soumis à l’obligation de transmission à des fins de contrôle, voire de déférés devant le tribunal
administratif.

L’inefficacité du contrôle de légalité
Des circulaires et des mots, modernisation, réorganisation, renvoi au CGCT et autres codes, illustrent
en réalité la faiblesse organisée du contrôle de légalité.
En effet, ces réformes ne sauraient masquer la réduction considérable des moyens affectés au contrôle
de légalité opérée dans le cadre de la Réforme Générale des Politiques Publiques (RGPP). En
l’espèce, le pari de la RGPP, selon lequel la réduction des personnels serait compensée par une
amélioration de l’efficacité des contrôles, s’est avérée, sans surprise, un leurre. De plus, peu ou prou,
toutes les études dont celles du ministère de l’intérieur, mettent l’accent sur l’absence de qualification
des agents des préfectures. Entre consolider le contrôle de légalité, dont les faiblesses sont apparues
dès les années quatre-vingt, et accentuer volontairement celles-ci, c’est ce choix que le pouvoir central
a fait. Pour des raisons économiques, financières, sans doute. Pour des raisons politiques aussi.
Implicite contrat passé entre « le centre et la périphérie », entre le pouvoir étatique et les grands
notables locaux.
D’après le rapport annuel de performance, (RAP) pour 2009, si les préfectures estimaient devoir
contrôler 1,7 million d’actes prioritaires, en réalité, 1,3 million ont fait l’objet de contrôle. Moins de 1%
des actes transmis au contrôle de légalité font l’objet d’observations, et seulement 0,02% d’entre eux
sont transmis par le préfet au tribunal administratif pour demande d’annulation Dans ces conditions,
l’élaboration d’une stratégie de contrôle prioritaire ne serait-elle pas comme le souligne le professeur
Jean-Marie Pontier, « une manière pudique de dire que l’autorité chargée du contrôle essaie de gérer
au mieux un contrôle qu’elle est dans l’incapacité d’assurer véritablement ». Mais ce recul quantitatif du
contrôle de légalité aurait pu être compensé par une amélioration qualitative. Or, bon nombre de
contrôles sont anecdotiques voire contreproductifs. Les requêtes des préfectures concernent souvent
des irrégularités mineures commises souvent par de petites collectivités. Signalées au stade non
contentieux à des fins pédagogiques, et dans le but d’éviter leur éventuelle annulation à l’initiative d’un
tiers, elles ne devraient pas donner lieu à la saisine du juge administratif comme l’analyse des déférés
l’atteste. Le contrôle de légalité apparaît alors comme pointilleux, et ne répondant pas aux enjeux posés

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par la décentralisation. « Le contrôle de légalité est devenu une véritable passoire… », relève sans
détour le rapport du Sénat (N° 300 de 2012) précité.

2 - Le Contrôle budgétaire

Schématiquement, le contrôle des actes budgétaires et de l’exécution des budgets des collectivités
territoriales et des établissements publics, confié aux chambres régionales des comptes (CRC),
concerne l’absence d’adoption des budgets dans les délais prévus par la loi, les budgets votés en
déséquilibre, les comptes administratifs en déficit, non transmis dans les délais, ou rejetés par
l’assemblée délibérante, et l’absence d’inscription au budget d’une dépense obligatoire.
Saisie principalement par le préfet, la chambre régionale des comptes intervient dans des délais
limités. Elle émet des avis en la forme quasi juridictionnelle, qui contiennent généralement des
propositions adressées à la collectivité concernée et à l’auteur de la saisine. Pour faire court, ces avis
ne peuvent pas faire l’objet de recours devant le tribunal administratif, sauf lorsqu’ils stoppent une
procédure, la chambre se déclarant incompétente, ou lorsqu’elle considère que la saisine est
irrecevable, ou encore lorsqu’elle décide qu’il n’y a pas lieu de faire de propositions. Si l’arrêté
préfectoral qui suit s’écarte des propositions de la chambre des comptes (très rare), il doit assortir sa
décision de motivations explicites.
Le contrôle budgétaire est apprécié par les ordonnateurs, et il est efficient et efficace, en dépit de rares
exemples relevés dans les Rapports Publics Annuels de la Cour des Comptes de 2009 et de 2010 qui
soulignaient deux situations emblématiques, celles des communes de Pont Saint Esprit dans le Gard et
de Hénin Beaumont dans le département du Pas de Calais.
S’agissant de la commune de Pont Saint Esprit, le rapport public de 2009 relève dans sa conclusion
que : « La gravité de cette situation (financière) illustre le fait que les procédures de contrôle budgétaire
s’avèrent peu opérantes lorsque les déséquilibres ne sont pas détectés à temps et que les interventions
des CRC s’exercent sans réelle volonté de redressement de la part des collectivités concernées. Sans
aller jusqu’à rétablir une tutelle à priori, il conviendrait de renforcer à la fois la prévention des difficultés,
et l’encadrement des procédures de redressement financier lorsque celles-ci s’avèrent longues et
complexes, en préconisant les mesures suivantes… ». Formulées dans des termes voisins,
l’observation relative à la commune de Hénin Beaumont précise aussi que les dispositifs juridiques de
contrôle budgétaire présentent des limites manifestes, car le redressement se heurte à des difficultés
liées à la gouvernance de la collectivité.
Lorsque la chambre propose un plan de redressement sur une période relativement longue, en raison
notamment d’un endettement de la collectivité, et de son impossibilité de rembourser ses emprunts,
l’efficacité n’est pas forcément au rendez-vous dans les délais escomptés. A cet égard, il faut souligner
que saisie tous les ans des budgets et des comptes de certaines communes de montagne dotées de
remontées mécaniques, la chambre de Languedoc-Roussillon, en s’appuyant notamment sur l’évolution
des jurisprudences administratives et judiciaires, a finalement amenée les organismes bancaires à
signer de nouvelles conventions qui, enfin, ont permis aux communes concernées, d’abord de
rembourser leurs emprunts sur des bases revues à la baisse, d’équilibrer leur budget et d’engager à
nouveau d’indispensables investissements. Sans ces révisions contractuelles, ces communes ne
pouvaient même pas envisager de rembourser un jour leurs emprunts et équilibrer leur budget.
Si le rapport du Sénat précité souligne l’efficacité du contrôle budgétaire, les constats de la Cour des
comptes et les travaux d’enquête menés, l’incite à quelque réserve : « Quelques doutes commencent
néanmoins à être émis sur l’effectivité du contrôle budgétaire et de son avenir ». Le rapport ajoute
que : « La capacité de repérage des irrégularités budgétaires par les services préfectoraux soulève des
interrogations eu égard à la faiblesse des moyens et à la période de temps limité dont ils disposent
dans ce cadre…, cette préoccupation concerne particulièrement l’examen de la sincérité des comptes,
exercice difficile qui conditionne la vérification de l’équilibre budgétaire ».

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Mais il faudrait une vraie dérive des finances locales et des pratiques politiques et administratives, pour
porter atteinte au principe fondamental de l’équilibre budgétaire local, et en conséquence à la
décentralisation.

3 - L’examen de la gestion des chambres régionales des comptes

Initialement, la loi du 2 mars 1982 disposait que les chambres régionales des comptes contrôlent le bon
emploi des fonds publics, compétence dont l’imprécision, après de longs débats, a conduit le législateur
à l’affirmation d’une compétence générale d’examen de la gestion lors du vote de la loi du 5 janvier
1988. C’est un amendement soutenu vigoureusement par le ministre de l’économie de l’époque, qui
instaurait la compétence d’examen de la gestion sur l’ensemble du secteur public local, l’étendant de
surcroît aux organismes de droit privé à capitaux ou à concours financiers publics. Ceci, alors que le
Sénat tendait à réduire sensiblement le contenu de l’examen de la gestion en substituant à la notion de
« bon emploi » des crédits, celle « d’emploi régulier ». En revanche, les « sages » du palais du
Luxembourg obtenaient la confidentialité des lettres d’observations adressées aux ordonnateurs,
disposition assurément anticonstitutionnelle, que la loi du 15 janvier 1990 rectifiera, en transformant le
statut des suites de l’examen de la gestion qui deviendront communicables.
Quelques années après, au terme d’un processus de deux ans, riche en concertations et controverses,
la loi du 21 décembre 2001 relative à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes
qui, initialement, concernait pour l’essentiel une réforme du statut du corps des magistrats des
chambres régionales des comptes, s’est enrichie d’un important volet relatif aux compétences et aux
procédures juridictionnelles et non juridictionnelles.

Pour ce qui nous intéresse plus précisément, la loi dispose que : « L’examen de la gestion porte sur la
régularité des actes de gestion, sur l’économie des moyens mis en œuvre et sur l’évaluation des
résultats atteints par rapport aux objectifs fixés par l’assemblée délibérante ou par l’organe délibérant.
L’opportunité de ces objectifs ne peut faire l’objet d’observations ».
La définition ainsi arrêtée par le législateur, se rapproche de la règle internationale des 3E, économie,
efficience, efficacité, qui complète la régularité des actes de gestion, seule compétence que le Sénat
voulait leur attribuer lors de la réforme engagée par la loi du 5 janvier 1988, comme indiqué
précédemment. Ainsi, cette définition ouvrait un champ de contrôle inédit, dont l’exploitation, au fil du
temps, donnera lieu à des observations souvent mal accueillies par les ordonnateurs.
La loi a accru aussi les garanties procédurales au bénéfice des contrôlés et des tiers mis en cause, en
renforçant le caractère contradictoire des procédures et en officialisant une période de réserve pré-
électorale de trois mois. Les rapports d’observations remplacent les lettres d’observations, et outre les
changements de terminologie, la principale innovation est l’adjonction de la dernière réponse écrite des
ordonnateurs, anciens ordonnateurs et tiers mis en cause au rapport final, procédure qui s’aligne sur
celle du rapport public de la Cour de comptes.

Alors que le rôle et les compétences de cette institution pouvaient paraître enfin pérennisés…, en
novembre 2007, le Président de la République demandait au Premier président de la Cour des comptes
en exercice, Philippe Seguin, de lui adresser des propositions de réforme des juridictions financières. Il
s’agissait de créer un grand organisme d’audit public et d’évaluation dont les points forts, selon le
président du Syndicat des juridictions financières en fonction, tendaient à l’effacement des chambres
régionales des comptes du paysage institutionnel. Il était envisagé de procéder à la fusion organique de
la Cour des comptes et des chambres des comptes, réduites à 6 ou 4, 10 ou 12 selon l’avancée de la
réflexion menée ; de s’orienter vers un processus de certification des comptes des grandes collectivités
sous la responsabilité de la Cour des comptes ; de renforcer l’évaluation de l’action publique ; de
redéfinir la responsabilité des gestionnaires publics, comme le souhaitait Philippe Seguin.

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Plusieurs volets de la réforme ont été abandonnés, dont celui de la responsabilité des gestionnaires qui
avait pour corollaire la dépénalisation de certains délits. Pour aller à l’essentiel, le nombre des
chambres régionales des comptes a été réduit de 22 à 15 en métropole, ce qui n’est pas sans
conséquence sur l’exercice des contrôles, même si le Premier président de la Cour des comptes, Didier
Migaud, le réfute. Sans rentrer dans le détail, l’organisation des travaux et enquêtes entre la Cour et les
chambres, renforce les pratiques engagées depuis une décennie, qui privilégie les travaux de synthèse
pilotés par la Cour, et ceci au détriment des contrôles locaux qui faisaient le cœur du métier des
juridictions régionales.
Dans ces conditions, l’examen de la gestion des organismes publics peut-il répondre efficacement au
contrôle des deniers publics qui concerne pour l’essentiel, les collectivités territoriales (à partir de 3500
habitants depuis 2001), les établissements publics locaux, les collèges, les lycées, les universités, les
hôpitaux, les HLM, les chambres de commerce, d’agriculture, de l’artisanat, les sociétés d’économie
mixte, les associations selon divers critères. Champ de contrôle considérable. « Qui trop embrasse
mal étreint », dit le proverbe qui paraît ici s’appliquer. En effet, les juridictions n’ont pas les moyens
nécessaires à l’accomplissement de tous ces contrôles, auxquels s’ajoutent le contrôle budgétaire, le
contrôle juridictionnel et les travaux menés entre elles et la Cour des comptes. Et la comparaison avec
d’autres pays de l’Union Européenne n’est pas à l’avantage de la France. A volume financier identique
sous contrôle, nos voisins d’outre Rhin, par exemple, disposent de cinq fois plus de moyens.
Cela étant, les chambres régionales des comptes ne sont pas exemptes de critiques. Il leur a été par
exemple reproché de vouloir trouver à tout prix des erreurs dans la gestion des collectivités
territoriales, dans une atmosphère de défiance marquée, comme exprimé dans le rapport du Sénat
précité. De ne pas distinguer les entorses graves et intentionnées des irrégularités mineures de gestion,
et de ne pas prendre suffisamment en compte le contexte dans lequel elles ont été réalisées. De faire
des observations qui révèlent une absence d’homogénéité entre elles, lorsqu’ elles ne résultent pas
d’enquêtes inter juridictionnelles.

Parmi d’autres critiques, on note par exemple que les élus des grandes collectivités ont exprimé des
interrogations au sujet des observations relatives à l’évaluation des résultats atteints par rapport aux
objectifs fixés par l’assemblée délibérante, ou par l’organe délibérant, volet de l’examen de la gestion
défini par la loi de 2001. Le contrôle est alors qualifié « d’insaisissable » et « dérivant vers un contrôle
d’opportunité ». Sa parenté avec la réforme budgétaire et la loi organique sur les lois de finances
(LOLF) est évidente, et renvoient à l’efficacité de la dépense publique. Si leur cadre juridique concerne
les services de l’Etat et non les collectivités territoriales, celles-ci sont concernées par les enjeux de la
performance de la gestion et de la transparence démocratique des finances publiques. A cet égard, le
rapport Migaud-Lambert remis au gouvernement en 2006, indiquait notamment, que la LOLF inspire de
nombreuses collectivités qui souhaitent moderniser leur gestion.

Pour finir :
Les interrogations sur la capacité des services préfectoraux à assumer les contrôles de légalité et
budgétaire à hauteur des justifications constitutionnelles sont anciennes. Elles ont justifié une série de
réformes dont les bilans tirés témoignent d’une situation alarmante. A l’égard du contrôle de légalité,
Pascal Combeau écrivait déjà en 2007 : « Il existe un profond décalage entre l’importance objective de
ce contrôle dans la théorie de la décentralisation et la place secondaire qu’on lui accorde aujourd’hui ».
Cette déficience des contrôles de l’Etat déséquilibre le modèle issu des lois de décentralisation :
    - parce qu’ils ne répondent pas comme nécessaire à l’application des lois et règlements ;
    - parce qu’ils ne sécurisent pas un environnement juridique complexe et changeant ;
    - parce que leur mission de conseil et d’expertise est de plus en plus déficiente, alors que
        notamment, la directive nationale d’orientation pour les préfectures pour 2010-2015,
        particulièrement éloquente, rappelle que la fonction de conseil est indissociable de celle de
        contrôle, car si les grandes collectivités ont étoffé leur service juridique et financier, et aussi

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parfois, créé des services d’audit interne, l’on sait que les petites collectivités et celles de taille
        moyenne sont en demande de conseils;
    -   parce que le maintien de l’égalité sur l’ensemble des territoires n’est plus assuré ; que
        l’information du citoyen est pénalisée

Le recul du contrôle de légalité a provoqué une augmentation des contentieux portés devant les
tribunaux administratifs par les particuliers, comme l’indique la baisse des référés, pendant que les
recours pour excès de pouvoir sont en hausse, dans les matières qui concernent en premier lieu les
collectivités (questions domaniales, urbanisme et aménagement, marchés et contrats locaux, fonction
publique territoriale…). Cette judiciarisation accrue de la vie publique locale allonge les délais, génère
des coûts importants, et suggère que nombre de décisions irrégulières, et non des moindres, échappent
vraisemblablement aux contrôles.
Pour rétablir l’indispensable équilibre entre la libre administration des collectivités territoriales et les
contrôles de l’Etat, et en tenant compte de l’amélioration des techniques budgétaires et de gestions des
collectivités, il faut donner aux services de contrôle budgétaire et de légalité des préfectures les
moyens nécessaires à l’accomplissement de leurs missions. Il faut aussi que les juridictions financières,
consolidées, n’abandonnent pas leur cœur de métier tel que défini par la loi, au bénéfice d’enquêtes
nationales et d’évaluations des politiques publiques. Et il faudrait avant tout que le pouvoir politique
central comme les parlementaires, mettent fin à leur projet toujours renouvelé, de limiter, réduire, les
compétences de cette institution de contrôle ; qu’ils remisent leur défiance à l’égard des « juges »,
vieille antienne de notre pays qui, régulièrement, comme dans son rapport de 2012, est « épinglé » par
la Commission Européenne pour l’Efficacité de la Justice (CEPEJ), pour sa lenteur, son efficacité
relative, le nombre insuffisant de juges et fonctionnaires de justice; qu’ils revisitent et donnent du sens
à la notion d’intérêt général si présente dans la régularité des actes, et le contrôle de l’argent public ;
parce que le contrôle de la dépense publique est une mission majeure tant sur le plan économique,
politique et social, et qu’implicitement, le citoyen et le contribuable savent que, comme déjà formulé
plus haut, « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration » et que
« tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes, ou par leurs représentants, la nécessité de
la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi », principe constitutionnel que
toute réforme territoriale ne devrait pas méconnaître.

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