La jeunesse romantique européenne - Aurélie Barjonet - CM Initiation à la littérature comparée (LHLET104) 2018 - e-campus 2
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La jeunesse romantique européenne Caspar David Friedrich, Der Wanderer über dem Nebelmeer (Le Promeneur au-dessus de la mer de nuages), 1818 Aurélie Barjonet – CM Initiation à la littérature comparée (LHLET104) – 2018 1
Les œuvres étudiées J.W. von Goethe, Les Souffrances du jeune Werther, 1774 éd. utilisée : Folio bilingue (traduction de Bernard Groethuyssen) ISBN : 978-2070382699 Benjamin Constant, Adolphe, 1816 éd. utilisée : GF-Flammarion (présentation de Jean-Marie Roulin) ISBN : 978-2081309494 A se procurer impérativement dans ces éditions. 2
Programme du cours magistral 1. Introduction ➢ Les deux textes ➢ Le romantisme (définition, mot, sentiments dominants) ➢ Les précurseurs 2. Les auteurs (Goethe et Constant) 3. Les œuvres (résumé, genèse, réception et postérité) 4. D’autres « romans personnels » Anton Reiser de Moritz, Ardinghello de Heinse, Les Dernières Lettres de Jacopo Ortis de Foscolo, Delphine de Mme de Staël, René de Chateaubriand, Valérie de Madame de Krudener, Obermann de Senancour. 5. Le romantisme européen (préromantismes, romantismes nationaux) 3
1. Introduction 1.1. Les deux textes ▪ Les Souffrances du jeune Werther ▪ Adolphe 1.2. Le romantisme ▪ Définition ▪ Le mot ▪ Les sentiments dominants 1.3. Les précurseurs ▪ Rousseau / Richardson / Young ▪ Autres ▪ Piétisme et quiétisme ▪ Le roman épistolaire 4
« Toutes les littératures européennes ont suivi à peu près la même évolution [...] le même schéma d’évolution n’a pas été suivi au même rythme par les différentes littératures. Des passages importants ne se placent pas partout à la même date. Ce que nous appelons ‘Renaissance’, c’est-à-dire le mouvement intellectuel qui suppose une relation nouvelle à la culture antique, et la naissance d’une littérature directement inspirée de modèles gréco-latins, se produit en Italie des le XVe, et même peut-être dès le XIVe siècle. Mais il n’a lieu en France, en Espagne, en Angleterre, en Pologne, qu’au milieu, ou à la fin, du XVIe siècle. Inversement, la révolution romantique, à supposer qu’il soit possible de la définir exactement, semble s’être produite beaucoup plus tôt dans les pays de langue germanique (Allemagne, Angleterre, Danemark, etc.) que dans les pays latins. Si l’on donne à l’expression ‘romantisme allemand’ un sens rigoureux, le mouvement qu’elle désigne est antérieur de plus de vingt ans au mouvement qu’on appelle, en France, ‘romantisme’. Si on lui donne un sens beaucoup plus large, si on le fait commencer avec la publication de Werther, le décalage est d’au moins cinquante ans. Ces deux exemples font apparaitre une autre difficulté : il n’est pas sûr qu’un mot ait le même sens quand il est employé à propos de littératures différentes. » « Existe-t-il une littérature européenne ? » p. 13-14 5
• Les Souffrances du jeune Werther (1774) • Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832) • † 82 ans • Werther écrit à 25 ans • Sturm und Drang (précurseur) • Adolphe, anecdote trouvée dans les papiers d’un inconnu M. Benjamin Constant (1816) • Benjamin Constant (1767-1830) • † 63 ans • Adolphe écrit à 49 ans • Classique et romantique (mélange) 7
Construction Notre édition de Werther : • Préface Pierre Bertaux (1973) • Roman (où tout est fictif) : – Préface de l’éditeur anonyme – Lettres de Werther (à Wilhelm et à Charlotte) – L’éditeur au lecteur (avec des fragments de lettres de Werther et ses traductions d’Ossian) • Vie de Goethe (Bertaux) Notre édition d’Adophe : • Interview de Belinda Cannone (2013) • Présentation de Jean-Marie Roulin (2011) • Note sur l’établissement du texte (Roulin) • Préface de la Troisième édition (auteur = Constant) • Roman (où tout est fictif) : – Avis de l’éditeur (anonyme) – Manuscrit d’Adolphe (10 chapitres) – Lettre à l’éditeur (d’une connaissance d’Adolphe) – Réponse (de l’éditeur anonyme à la connaissance anonyme) • Annexe (auteur = Roulin). Préface de la Seconde édition ou Essai sur le caractère et le résultat moral de l’ouvrage (auteur = Constant) • Dossier (Roulin) 8
La notion de « paratexte » Gérard Genette (1930-2018) C’est « l’entourage » du texte : titre, sous-titres, intertitres ; préfaces, postface, avertissements, avant-propos, etc. G. Genette, Palimpsestes. La littérature au second degré, Le Seuil, 1982, p. 10 9
Le narrateur ne raconte qu’une version de l’histoire • Chateaubriand, René (1802) (Chactas, Souël) • Agatha Christie, Le Meurtre de Roger Ackroyd / The Murder of Roger Ackroyd (1926) Wayne Booth, The Rhetoric of Fiction, 1961 Narrateur « non fiable » (« unreliable ») 10
1.2. Le romantisme 11
Romantisme (définition) • Mouvement d’idées et de sensibilité qui concerne plusieurs domaines • Opposé au classicisme (XVIIe s.) et aux Lumières (XVIIIe s.) • Sentiment > raison • Religiosité 12
Romantisme (Histoire) • L’adjectif : anglais (romantic), espagnol (romántico), en allemand (romantisch) • Roman / romanesque / novel • XVIIe-XVIIIe: étrange, fantaisiste, faux • XVIIIe: pittoresque, naïf • Acception littéraire (Allemagne) – 1800: Ludwig Tieck, Romantische Dichtungen – 1801: Friedrich Schiller, La Pucelle d’Orléans. Eine romantische Tragödie • Importation du sens positif et littéraire du mot « romantique » en France par Mme de Staël (De L’Allemagne, 1810) 13
Les sentiments dominants • LE CULTE DU GÉNIE « Mais il ne faut pas qu’il m’en souvienne alors qu’il y a en moi d’autres facultés qui se rouillent faut d’être employées, et que je dois cacher avec soin. Cette idée serre le cœur. – Et cependant n’être pas compris, c’est le sort de certains hommes. » (Goethe, Les Souffrances du jeune Werther, p. 49) • LE VAGUE DES PASSIONS « Il reste à parler d'un état de l'âme qui, ce nous semble, n'a pas encore été bien observé ; c'est celui qui précède le développement des passions, lorsque nos facultés, jeunes, actives, entières, mais renfermées, ne se sont exercées que sur elles-mêmes, sans but et sans objet. Plus les peuples avancent en civilisation, plus cet état du vague des passions augmente ; car il arrive alors une chose fort triste : le grand nombre d’exemples qu’on a sous les yeux, la multitude de livres qui traitent de l’homme et de ses sentiments, rendent habile sans expérience. On est détrompé sans avoir joui ; il reste encore des désirs, et l’on n’a plus d’illusions. L’imagination est riche, abondante et merveilleuse ; l’existence pauvre, sèche et désenchantée. On habite, avec un cœur plein, un monde vide ; et, sans avoir usé de rien, on est désabusé de tout. » (Chateaubriand, préface à René, 1802) 14
« L’ennui m’accable, le dégoût m’atterre. Je sais que ce mal est en moi. Que ne puis-je être content de manger et de dormir ? Car enfin je mange et je dors. La vie que je traîne n’est pas très malheureuse. Chacun de mes jours est supportable, mais leur ensemble m’accable. [...] Cependant l’apathie m’est devenue comme naturelle, il me semble que l’idée d’une vie active m’effraie ou m’étonne. Les choses étroites me répugnent, et leur habitude m’attache. Les grandes choses me séduiront toujours, et ma paresse les craindrait. Je ne sais ce que je suis, ce que j’aime, ce que je veux ; je gémis sans cause, je désire sans objet, et je ne vois rien, sinon que je ne suis pas à ma place.» (Senancour, Oberman, 1804, XLII) « Je suis venu trop tard dans un monde trop vieux. D’un siècle sans espoir naît un siècle sans crainte » (Musset, Rolla, recueil de poèmes, 1857) • LE MOI, LE LYRISME / LE CŒUR « Notre cœur est un instrument incomplet, une lyre où il manque des cordes, et où nous sommes forcés de rendre les accents de la joie sur le ton consacré aux soupirs » (Chateaubriand, René, 1802) « […] je traite mon cœur comme un petit enfant malade. Je lui cède en tout. » (Goethe, Les Souffrances du jeune Werther, p. 45) • LA SOLITUDE « Hélas ! j’étais seul, seul sur la terre ! Une langueur secrète s’emparait de mon corps ! » « Inconnu, je me mêlais à la foule : vaste désert d’hommes ! » (Chateaubriand, René, 1802) 15
• LA NATURE Un miroir de l’âme et une surface de projection « Mon âme est ce lac même où le soleil qui penche, […] Le flot frissonne à peine, et pas une aile blanche, […] Tout dort, tout est tranquille, et le cristal limpide, […] Sans écho, sans soupir, sans un pli qui le ride, Semble un miroir tout fait pour les pâles ennuis. » (Sainte-Beuve) • L’AMOUR (COMMUNION DES ÂMES) « Ah! si j’avais pu faire partager à une autre les transports que j’éprouvais! O Dieu! si tu m’avais donné une femme selon mes désirs; si, comme à notre premier père, tu m’eusses amené par la main une Eve tirée de moi-même... Beauté céleste ! » (Chateaubriand, René, 1802) • L’INCONSTANCE « On m’accuse d’avoir des goûts inconstants, de ne pouvoir jouir longtemps de la même chimère, d’être la proie d’une imagination qui se hâte d’arriver au fond de mes plaisirs, comme si elle était accablée de leur durée; on m’accuse de passer toujours le but que je puis atteindre: hélas! je cherche seulement un bien inconnu, dont l’instinct me poursuit. Est-ce ma faute, si je trouve partout les bornes, si ce qui est fini n’a pour moi aucune valeur? » (René) « Toutefois cet état de calme et de trouble, d’indigence et de richesse, n’était pas sans quelques charmes. » (René) 16
• LA QUÊTE D’AUTHENTICITÉ « Les dimanches et les jours de fête, j’ai souvent entendu, dans le grand bois, à travers les arbres, les sons de la cloche lointaine qui appelait au temple l’homme des champs. Appuyé contre le tronc d’un ormeau, j’écoutais en silence le pieux murmure. Chaque frémissement de l’airain portait à mon âme naïve l’innocence des mœurs champêtres, le calme de la solitude, le charme de la religion, et la délectable mélancolie des souvenirs de ma première enfance. » (René) • D’AUTRES LIEUX, D’AUTRES TEMPS Moyen âge + Nord > Antiquité + Sud • LA MORT / LE SUICIDE « […] ne pouvant trouver de remède à cette étrange blessure de mon cœur, qui n’était nulle part et qui était partout, je résolus de quitter la vie. » (René) • LA REVOLTE Maudit soit le travail ! Maudite l’espérance! Malheur au coin de la terre où germe la semence, Où tombe la sueur de deux bras décharnés ! Maudits soient les liens du sang et de la vie ! Maudite la famille et la société ! (Musset, Premières poésies) 17
Ossian Ingres, Le Rêve d’Ossian, 1813 James Macpherson (1736-1796) Anne-Louis Girodet de Roucy, Les ombres des héros morts pour la Patrie conduites par la Victoire viennent habiter l’Elysée aérien où les ombres d’Ossian et de ses valeureux guerriers s’empressent de leur donner18 dans ce séjour d’immortalité et de gloire la fête de la Paix et de l’Amitié, 1805.
Homère (fin du VIIIe s. avant JC) L’Iliade L’Odyssée « Ulysse provoque le Cyclope qui a lancé un rocher sur son navire » Les Travaux d'Ulysse, gravure à l'eau-forte de Theodor van Thulden (1606- 1669?), BNF. 19
1.3. Les précurseurs ❑ Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) ❑ Samuel Richardson (1689-1761) ❑ Edward Young (1683-1765) ❑ Friedrich Gottlieb Klopstock (1724-1803) ❑ Nouvelle sensibilité ❑ Piétisme et quiétisme ❑ Le roman épistolaire 20
Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) 21
Julie ou La Nouvelle Héloïse (1761) « Oh Julie ! Que c’est un fatal présent du ciel qu’une âme sensible ! » (Saint-Preux) « Malheur à qui n’a plus rien à désirer ! On jouit moins de ce qu’on obtient que de ce qu’on espère et l’on n’est heureux qu’avant d’être heureux. » (Julie) « Je me suis longtemps fait illusion. […] Vous m’avez crue guérie, et j’ai cru l’être. » (Julie) « J’ai eu de l’amour pour vous, je l’avoue ; peut-être en ai-je encore, peut- être en aurai-je toujours » (Claire) 22
Héloïse (1100-01- 1164) et Abélard (1079-1142) 23
Samuel Richardson (1689-1761) Pamela or Virtue Rewarded, 1740 Clari Clarissa Harlowe Or the History of a Young Lady, 1748 24
Edward Young (1683-1765) The Complaint, or Night Thoughts on Life, Death and Immortality La Plainte ou Pensées nocturnes sur la vie, la mort et l’immortalité « The Night-Thoughts » 1742-1745 « seul l’amour humble et non l’orgueilleuse intelligence ouvre la porte du ciel » « la science suprême des hommes est la sagesse du cœur » Conjectures on Original Composition 1759 25
Friedrich Gottlieb Klopstock (1724-1803) Der Messias (La Messiade) 1748-1773 - Die frühen Gräber (Les Tombeaux précoces), Sommernacht (Nuit d’été) - Gefühlsüberschwänglichkeit 26
Klopstock : La Fête du printemps Extrait de: Friedrich Gottlieb Klopstock, Odes choisies, trad. de Charles Diez, Paris, Hachette, 1861. (disponible sur Gallica) 27
Abbé Bernardin de St-Pierre Diderot Prévost Manon Lescaut, 1728-1731 Paul et Virginie, 1787 28
Lessing
Dates importantes Années 1761 1781 Rousseau Rousseau 1802 1740 Châteaubriand Romans La Les René sentimentaux Nouvelle Confessions de Héloïse Richardson 1816 1774 Constant 1760-63 Goethe Adolphe 1742-45 Parution Werther E. Young poèmes « The Night- d’Ossian Thoughts » 30
Piétisme / quiétisme Piétisme Quiétisme Philipp Jakob Spener Jeanne Guyon (1635-1705) (1648-1717) Moyen court et très facile de faire oraison 31
Roman épistolaire • Montesquieu: Lettres persanes (1721) • S. Richardson: Pamela, Clarissa (années 1740) • Rousseau: Julie ou La Nouvelle Héloïse (1761) • Choderlos de Laclos: Les Liaisons dangereuses (1782) 32
2. Les auteurs 2.1. Johann Wolfgang von Goethe 2.2. Benjamin Constant 33
2.1. Johann Wolfgang von Goethe ❑ À cheval sur deux siècles ❑ Herder ❑ Sturm und Drang ❑ Weimar ❑ Les Années d’apprentissage de Wilhelm Meister ❑ Le Bildungsroman ❑ Friedrich Schiller ❑ Poésie et vérité ❑ Son caractère 34
Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832) Georg Oswald May, Johann H. W. Tischbein, Portrait de Goethe dans la Portrait de Goethe en jeune homme, campagna romana, 1787 1770 35
Le Saint Empire romain germanique en 1790 (962-1806) 36
1750 1774: Werther 1800 1816: Adolphe Rousseau (1712-1778) 66 ans Goethe (1749-1832) 82 ans Lenz (1751-1792) 41 ans Mozart (1756-1791) 35 ans Schiller (1759-1805) 45 ans Mme de Staël (1766-1817) 51 ans Constant (1767-1830) 63 ans Chateaubriand (1768-1848) 79 ans Scott (1771-1832) 61 ans Byron (1788-1824) 36 ans Marx (1818-1883) 64 ans 37
Les « conquêtes » de Goethe Friederike Brion Charlotte Buff Charlotte von Stein Christiane Vulpius 38
Johann Gottfried von Herder (1744-1803) Kant Rousseau esprit du peuple « Sturm und Drang » Johann Ludwig Strecker, Johann Gottfried von Herder, 1775 39
Œuvres principales de Goethe • Drames : Götz von Berlichingen (1773), Iphigénie (1786), Egmont (1787), Torquato Tasso (1789), Faust I (1808), Faust II (1832) • Romans : Les Souffrances du jeune Werther (1774), Les années d’apprentissage de Wilhelm Meister (1794-1796), Les Affinités électives (1809) • Poésie : Élégies romaines (1789-1795), Le Divan occidental- oriental (1814-1819). • Autobiographie : Poésie et vérité (Aus meinem Leben. Dichtung und Wahrheit, 1811-1833) 40
Weimar Wetzlar Anna Amalia von Braunschweig-Wolfenbüttel Karl August Herzog von Sachsen- Weimar und Eisenach 41
La bonne compagnie de Weimar Christoph Martin Wieland (1733-1813) (Aufklärung) Charlotte von Stein (1742-1827) Friedrich Schiller (1759-1805) Johann Gottfried von Herder (1744-1803) 42
Wilhelm Meister (1794-1796) Bildungsroman: roman de formation / d’apprentissage / d’éducation Karl von Morgenstern Roman picaresque (La Vie de Lazarillo de Tormes, anonyme, 1554) + roman éducatif Künstlerroman George Meredith, The Ordeal of Richard Feverel : A History of Father and Son, 1859 Flaubert, L’Education sentimentale, 1869 43
Bildungsromane ‒ Novalis, Heinrich von Ofterdingen (1802) ‒ Stendhal : Le Rouge et le noir (1830) Julien Sorel, Lucien Leuwen (1834), La Chartreuse de Parme (1839) Fabrice del Dongo ‒ Honoré de Balzac : Illusions perdues (1836-1843) Lucien de Rubempré, Le Père Goriot (1834) Eugène de Rastignac ‒ Charles Dickens : The Adventures of Oliver Twist / Oliver Twist (1837-1839) et David Copperfield (1849) ‒ Gottfried Keller, Der grüne Heinrich / Henri le vert (1854-1856 et 1879-1880) ‒ Gustave Flaubert, L’Éducation sentimentale (1869) - Frédéric Moreau ‒ Alphonse Daudet, Le Petit Chose (1868) - Daniel Eyssette ‒ Jules Vallès, L’Enfant (1879) (suivis de : Le Bachelier et L’Insurgé) - Jacques Vingtras ‒ Mark Twain, Les Aventures de Huckleberry Finn (1884) ‒ Maurice Barrès, Les Déracinés (1897) ‒ Romain Rolland, Jean-Christophe (1904-1912) ‒ Rainer Maria Rilke, Aufzeichnungen des Malte Laurids Brigge / Les carnets de Malte Laurids Brigge (1910) ‒ Marcel Proust, À la recherche du temps perdu (1913-1927) – le narrateur ‒ James Joyce, Portrait of the artist as a young man / Portrait de l’artiste en jeune homme (1916) - Stephen Dedalus ‒ Hermann Hesse, Demian (1919) et Das Glasperlenspiel / Le jeu des perles de verre (1943) - Josef Knecht / Joseph Valet ‒ Thomas Mann, Der Zauberberg / La Montagne magique (1924) Hans Castorp ‒ Jean Giono, Le Hussard sur le toit (1951) - Angelo ‒ J. D. Salinger, The Catcher in the Rye / L’Attrape-cœurs (1951) - Holden Caulfield ‒ Françoise Sagan, Bonjour Tristesse (1954) – Cécile ‒ Pascal Quignard, L’Occupation américaine (1994) - Patrick Carrion ‒ Andreï Makine, La Musique d’une vie (2001) - Alexeï Berg 44
Christiane Vulpius 45
(Johann Christoph) Friedrich von Schiller (1759-1805) Pièces de théâtre: − Les Brigands / Die Räuber, 1781 − Cabale et amour / Kabale und Liebe, 1783 − Wallenstein, 1799 − La Pucelle d’Orléans / Die Jungfrau von Orléans, 1801 − La Fiancée de Messine / Die Braut von Messina, 1803 − Guillaume Tell / Wilhelm Tell, 1804 Ludovike Simanowitz, Friedrich von Schiller, 1793 Weimarer Klassik: Herder, Goethe, Schiller, Wieland 46
« Que de fois on prend un chemin, d’où l’on est ensuite écarté ! Que de fois nous sommes détournés du but que nous avions en vue, pour en atteindre un autre plus élevé ! A son très grand dépit, le voyageur brise en chemin une roue, et ce hasard désagréable lui vaut les connaissances et les relations les plus agréables, qui influeront sur la vie entière. La destinée nous accorde la réalisation de nos désirs, mais à sa manière, afin de pouvoir nous donner plus que nos désirs. » Les Affinités électives, 1809 47
48
Dichtung und Wahrheit (1811-1833) Poésie et vérité « Alors que je me sentais allégé et éclairé, pour avoir transformé la réalité en poésie, mes amis se trompèrent en croyant qu’il fallait transformer la poésie en réalité, revivre ce roman et, au besoin, se brûler la cervelle » (livre XIII) Goethe à Soret : « Qui suis-je, moi ? Qu’ai-je créé ? J’ai tout reçu, tout accueilli, j’ai assimilé tout ce qui passait à ma portée. Mon œuvre est celle d’un être collectif qui porte un nom : Goethe. » 49
2.2. Benjamin Constant ❑ À cheval sur deux siècles ❑ Groupe de Coppet ❑ Madame de Staël ❑ Un homme politique ❑ Écrits intimes 50
1750 1774: Werther 1800 1816: Adolphe Rousseau (1712-1778) 66 ans Goethe (1749-1832) 82 ans Lenz (1751-1792) 41 ans Mozart (1756-1791) 35 ans Schiller (1759-1805) 45 ans Mme de Staël (1766-1817) 51 ans Constant (1767-1830) 63 ans Chateaubriand (1768-1848) 79 ans Scott (1771-1832) 61 ans Byron (1788-1824) 36 ans Marx (1818-1883) 64 ans 51
Benjamin Constant de Rebecque (1767-1830) 52
Un XIXe siècle tumultueux sur le plan politique 1789 Révolution française (fin de l’Ancien régime) 1792-1804 Ire République (la Convention: 1792-1795, la Terreur: 1793-1794, le Directoire: 1795-1799, le Consulat: 1799-1804) 1804 Ir Empire - Napoléon (Napoléon Bonaparte) 1814-1830 Restauration (Louis XVIII, Charles X) 1830 Les Trois Glorieuses 1830-1848 Monarchie de Juillet (Louis-Philippe) 1848 Révolution 1848-1851 IIe République (Louis-Napoléon Bonaparte) 1851 Coup d’état de Bonaparte qui devient Napoléon III 1851-1870 IId Empire 1870/1871 Défaite contre la Prusse - Commune de Paris 1870-1940 IIIe République 53
Groupe de Coppet (1805-1810) Madame de Staël Constant frères Schlegel Wilhelm Humboldt Charles Bonstetten Madame Récamier Madame de Krudener… Château de Coppet 54
Les femmes de Constant Madame de Charrière Charlotte de Hardenberg Juliette Récamier 55
Madame de Staël Anne-Louise-Germaine Necker baronne de Staël-Holstein (1766-1817) Louise Vigee- Lebrun, Mme de Staël en Corinne, 1809 → François Gérard, Portrait de Mme de Staël 56
Œuvres principales de Mme de Staël • Romans : – 1802: Delphine – 1807: Corinne ou l’Italie • Essais: – 1788 : Lettres sur J.-J. Rousseau – 1795 : Essai sur les fictions – 1796 : De l’influence des passions sur le bonheur – 1800 : De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales – 1810 : De l’Allemagne Y distingue: • Les littératures romantiques du Nord vs. les littératures classiques du Midi • la France conquérante vs. une Europe libérale et philosophe • le « génie du christianisme » vs. l’enthousiasme mystique du protestantisme. 57
1810 : De l’Allemagne 58
Les femmes de Constant Madame de Charrière Charlotte de Hardenberg Juliette Récamier 59
Œuvres principales de Constant • Essais: – De la force du gouvernement actuel de la France et de la nécessité de s’y rallier (1796) – Des effets de la Terreur (1797) – De l’esprit de conquête et de l’usurpation dans leurs rapports avec la civilisation européenne (1814) – Réflexions sur les constitutions, la distribution des pouvoirs et les garanties dans une monarchie constitutionnelle (1814) – Principes de politique applicables à tous les gouvernements représentatifs (1815) – De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes (1819) – De la religion considérée dans sa source, ses formes et son développement (1824-1830) • Romans : – Le Cahier rouge (1807, pub. posthume) – Adolphe (1816) – Cécile (1811) • Poésie : Wallstein (1809), Florestant, ou le Siège de Soissons (1813) 60
Benjamin Constant, Journal intime « De dix-huit à vingt ans je fus toujours amoureux, quelquefois aimé, souvent maladroit et me livrant à des violences théâtrales qui devaient bien amuser ceux qui avaient du plaisir à me critiquer. » « De vingt à vingt-six ans je vécus en Allemagne, menant une vie ennuyeuse mais sans malheur réel, perdant mon temps et mes facultés, et sans une révolution dans ma vie je me serais certainement hébété tout doucement » « L’amour est au reste un sentiment qu’on place, lorsqu’on a besoin de le placer, sur le premier objet venu. Tous les charmes qu’il prête sont dans l’imagination de celui qui l’éprouve. C’est une parure dont il entoure ce qu’il rencontre. » 61
Adolphe (1806/1816) vs. Le Cahier rouge (1811/posth: 1907) 62
3. Les œuvres 3.1. Les Souffrances du jeune Werther (1774) ❑ Genèse •Deux "sources" réelles •Deux versions du texte ❑ Réception et postérité 3.2. Adolphe (1816) ❑ Genèse ❑ Réception et postérité 63
3.1. Les Souffrances du jeune Werther 64
Les Souffrances du jeune Werther La scène de distribution du pain / Brotschneideszene Daniel Berger d’après Nikolaus Daniel Chodowiecki, 1775 D’après Kaulbach 65
Goethe, Jerusalem - Charlotte et Kestner Les modèles des personnages 66
Portrait de Kestner dans Poésie et vérité de Goethe « Parmi les jeunes hommes qui, attachés aux ambassades, devaient s’exercer à leur carrière future, il s’en trouvait un que nous avions accoutumé d’appeler tout bonnement le ’fiancé’. Il se distinguait par une conduite tranquille, égale, la clarté de ses vues, la netteté dans l’action et dans la parole. Son activité sereine, son application persévérante, le recommandaient si bien à ses supérieurs, qu’on lui promit une situation prochaine. S’autorisant de cette promesse, il entreprit de se fiancer avec une jeune fille qui répondait entièrement à son caractère et à ses vœux. » p. 347 67
Portrait de Goethe dans le Journal de Kestner « Un certain Goethe de Francfort, docteur en droit de profession, âgé de vingt-trois ans, fils unique d’un père très riche, arriva ici au printemps pour se mettre au courant de la procédure de la Haute Cour, suivant le désir de son père, et, selon son propre vœu, pour étudier Homère, Pindare, etc., et tout ce que son génie, sa façon de penser et son cœur pouvaient lui suggérer. Il a des talents variés, est un vrai génie et un homme de caractère. Il possède une imagination remarquablement vive qui, le plus souvent, s’exprime par des images et des allégories. Il se plaît même à répéter qu’il s’exprime toujours improprement, qu’à vrai dire jamais il ne peut s’exprimer, mais il espère, quand il sera plus âgé, pouvoir rendre sa pensée telle qu’elle est. Il est passionné dans ses affections, tout en ayant beaucoup de maîtrise sur lui- même. Sa façon de penser est noble. Exempt de préjugés, il agit suivant sa fantaisie, sans se soucier de savoir à quel point cela plaît aux autres, si c’est la mode, et si les usages l’autorisent. Toute contrainte lui est odieuse. Il aime les enfants, est capable de s’occuper beaucoup d’eux. Il est bizarre, et diverses choses dans sa conduite pourraient le rendre antipathique, mais il est pourtant assez bien vu des femmes, des enfants et d’autres. Il a un grand respect pour le sexe féminin. […], il n’est pas encore ferme et il en est encore au point où l’on aspire à trouver un système. Il respecte beaucoup Rousseau sans en être cependant un adorateur aveugle. […] Ni l’orgueil, ni le caprice, ni l’envie ne l’y poussent. Sur certains points fondamentaux il ne s’ouvre qu’à de rares personnes, il ne trouble pas volontiers les autres dans leurs paisibles convictions. Il hait sûrement le scepticisme, aspire à la vérité et à la certitude sur quelques sujets capitaux, il croit même voir déjà clair quant à l’essentiel, mais autant que j’ai pu comprendre il n’en est cependant pas ainsi. Il ne va pas à l’église et ne communie pas non plus, il prie rarement : ’Je ne suis point assez menteur, pour cela’, déclare-t-il. Parfois il se montre calme sur certains sujets, parfois c’est le contraire. Il a pour la religion chrétienne, bien qu’il ne la considère pas sous la forme où la représentent nos théologiens, une profonde estime. Il croit à une autre vie, à un état meilleur. Il aspire à la vérité, mais se fie plus en cela au sentiment qu’aux preuves. Déjà il est très accompli et sait beaucoup de choses, il a beaucoup lu, mais a réfléchi et raisonné davantage encore. Ce qui l’intéresse principalement, ce sont les beaux-arts et la littérature ou, à proprement parler, toutes les sciences, à l’exception des études qui peuvent servir de gagne-pain... En un mot, c’est un, homme extraordinaire ! » 68
Portrait de Charlotte Buff dans Poésie et vérité de Goethe « Après la mort de sa mère, elle avait déployé, à la tête d’une jeune et nombreuse famille, une rare activité, soutenu seule le courage de son père dans le veuvage ; en sorte qu’un futur époux pouvait en espérer autant pour lui et pour sa descendance, et en attendre un bonheur domestique certain. Même sans envisager égoïstement ce but à l’existence, tout le monde avouait que c’était une fille enviable. Elle était de celles qui, sans inspirer des passions violentes, sont faites pour plaire à tous. Une taille légère, des formes élégantes, une nature pure et saine, et la joyeuse intensité de vie qui en est la conséquence ; l’ingénuité dans l’accomplissement des nécessités journalières : tout cela lui avait été donné à la fois. Observer ces qualités me faisait toujours du bien et j’aimais à fréquenter ceux qui les possédaient. Si je ne trouvais pas toujours l’occasion de leur rendre de véritables services, je partageais plus volontiers avec eux qu’avec d’autres la jouissance de ces innocents plaisirs qui sont toujours à la portée de la jeunesse et que l’on saisit sans beaucoup de peine et de dépense. Au reste, comme il est bien établi que les femmes ne se parent que pour les autres femmes, et qu’elles sont infatigables à rivaliser entre elles de parure, celles-là m’étaient surtout chères qui, par une simple toilette, donnent à leur ami, à leur fiancé, la secrète assurance qu’elles n’ont pris ce soin que pour lui et que, sans beaucoup d’embarras et de frais, elles pourront continuer ainsi pendant toute une vie. Ces personnes ne sont pas par trop occupées d’elles-mêmes ; elles ont le temps d’observer le monde extérieur, et assez de modération pour se régler sur lui, s’accommoder à lui ; elles deviennent prudentes et sages sans se forcer ; peu de livres suffisent à leur culture. Telle était la fiancée. » p. 347-348 69
« Une vraie idylle allemande… » Poésie et vérité « Le nouveau venu, entièrement libre de tous liens, sans souci en présence d’une jeune fille qui, déjà promise, ne pouvait interpréter comme une recherche la moindre attention et n’en devait être que flattée, se laissa aller avec tranquillité, mais fut bientôt si bien pris dans la toile et enchaîné, et en même temps traité par le jeune couple avec tant de confiance et d’amitié, qu’il ne se reconnaissait plus lui-même. Oisif et rêveur, parce qu’aucun objet présent ne lui suffisait, il trouva ce qui lui manquait dans une amie qui, en vivant pour l’année entière, semblait ne vivre que pour l’instant présent. Elle l’agréait volontiers comme compagnon ; il ne put bientôt se passer de sa compagnie parce qu’elle lui servait de médiatrice pour l’existence quotidienne et, au milieu d’un ménage considérable, dans les champs et les prés, au potager comme au jardin, ils furent bientôt inséparables. Quand ses affaires le lui permettaient, le fiancé était de la partie. Sans le vouloir, ils s’étaient accoutumés tous trois les uns aux autres et ne savaient pas comment ils en étaient venus à ne pouvoir se passer les uns des autres. C’est ainsi qu’ils vécurent, durant un été magnifique, une vraie idylle allemande, où la campagne féconde fournissait la prose et une pure affection la poésie. Errant à travers les champs de blé mûr, ils se récréaient à la rosée du matin ; le chant de l’alouette, le piaillement de la caille étaient de divertissantes musiques ; puis venaient les heures brûlantes ; de monstrueux orages éclataient ; on se serrait d’autant plus les uns contre les autres, et plus d’un petit ennui domestique se dissipait aisément sous l’action d’un persévérant amour. Et de la sorte les jours succédaient aux jours, et tous semblaient être des jours de fête ; il aurait fallu imprimer en rouge tout le calendrier. Il me comprendra, celui qui se rappelle la prédiction de l’heureux et infortuné ami de la Nouvelle Héloïse : ’Et assis aux pieds de sa bien-aimée, il teillera du chanvre, et il souhaitera de teiller du chanvre aujourd’hui, demain et après-demain et toute sa vie.’ » p. 348 70
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