La jeunesse romantique européenne - Aurélie Barjonet - CM Initiation à la littérature comparée (LHLET104) 2018 - e-campus 2

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La jeunesse romantique européenne - Aurélie Barjonet - CM Initiation à la littérature comparée (LHLET104) 2018 - e-campus 2
La jeunesse romantique européenne

              Caspar David Friedrich, Der Wanderer über dem Nebelmeer
                 (Le Promeneur au-dessus de la mer de nuages), 1818

Aurélie Barjonet – CM Initiation à la littérature comparée (LHLET104) – 2018
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Les œuvres étudiées

J.W. von Goethe, Les Souffrances du
jeune Werther, 1774
éd. utilisée : Folio bilingue (traduction de Bernard
Groethuyssen)
ISBN : 978-2070382699

Benjamin Constant, Adolphe, 1816
éd. utilisée : GF-Flammarion (présentation de Jean-Marie
Roulin)
ISBN : 978-2081309494

A se procurer impérativement dans ces éditions.
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Programme du cours magistral
1. Introduction
  ➢   Les deux textes
  ➢   Le romantisme (définition, mot, sentiments dominants)
  ➢   Les précurseurs
2. Les auteurs (Goethe et Constant)
3. Les œuvres (résumé, genèse, réception et
   postérité)
4. D’autres « romans personnels »
      Anton Reiser de Moritz, Ardinghello de Heinse, Les
      Dernières Lettres de Jacopo Ortis de Foscolo, Delphine de
      Mme de Staël, René de Chateaubriand, Valérie de
      Madame de Krudener, Obermann de Senancour.
5. Le romantisme européen (préromantismes,
   romantismes nationaux)                                         3
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1. Introduction
1.1. Les deux textes
   ▪ Les Souffrances du jeune Werther
   ▪ Adolphe

1.2. Le romantisme
   ▪ Définition
   ▪ Le mot
   ▪ Les sentiments dominants

1.3. Les précurseurs
   ▪ Rousseau / Richardson / Young
   ▪ Autres
   ▪ Piétisme et quiétisme
   ▪ Le roman épistolaire

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« Toutes les littératures européennes ont suivi à peu près la même
évolution [...] le même schéma d’évolution n’a pas été suivi au
même rythme par les différentes littératures. Des passages
importants ne se placent pas partout à la même date.
Ce que nous appelons ‘Renaissance’, c’est-à-dire le mouvement
intellectuel qui suppose une relation nouvelle à la culture antique,
et la naissance d’une littérature directement inspirée de modèles
gréco-latins, se produit en Italie des le XVe, et même peut-être dès
le XIVe siècle. Mais il n’a lieu en France, en Espagne, en Angleterre,
en Pologne, qu’au milieu, ou à la fin, du XVIe siècle.
Inversement, la révolution romantique, à supposer qu’il soit
possible de la définir exactement, semble s’être produite beaucoup
plus tôt dans les pays de langue germanique (Allemagne,
Angleterre, Danemark, etc.) que dans les pays latins. Si l’on donne à
l’expression ‘romantisme allemand’ un sens rigoureux, le
mouvement qu’elle désigne est antérieur de plus de vingt ans au
mouvement qu’on appelle, en France, ‘romantisme’. Si on lui donne
un sens beaucoup plus large, si on le fait commencer avec la
publication de Werther, le décalage est d’au moins cinquante ans.
Ces deux exemples font apparaitre une autre difficulté : il n’est pas
sûr qu’un mot ait le même sens quand il est employé à propos de
littératures différentes. »
« Existe-t-il une littérature européenne ? » p. 13-14               5
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1.1. Les deux textes

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•   Les Souffrances du jeune Werther (1774)
•   Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832)
•   † 82 ans
•   Werther écrit à 25 ans
•   Sturm und Drang (précurseur)

• Adolphe, anecdote trouvée dans les papiers d’un
  inconnu M. Benjamin Constant (1816)
• Benjamin Constant (1767-1830)
• † 63 ans
• Adolphe écrit à 49 ans
• Classique et romantique (mélange)
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Construction
Notre édition de Werther :
•   Préface Pierre Bertaux (1973)
•   Roman (où tout est fictif) :
     –   Préface de l’éditeur anonyme
     –   Lettres de Werther (à Wilhelm et à Charlotte)
     –   L’éditeur au lecteur (avec des fragments de lettres de Werther et ses traductions d’Ossian)
•   Vie de Goethe (Bertaux)

Notre édition d’Adophe :
•   Interview de Belinda Cannone (2013)
•   Présentation de Jean-Marie Roulin (2011)
•   Note sur l’établissement du texte (Roulin)
•   Préface de la Troisième édition (auteur = Constant)
•   Roman (où tout est fictif) :
     –   Avis de l’éditeur (anonyme)
     –   Manuscrit d’Adolphe (10 chapitres)
     –   Lettre à l’éditeur (d’une connaissance d’Adolphe)
     –   Réponse (de l’éditeur anonyme à la connaissance anonyme)

•   Annexe (auteur = Roulin). Préface de la Seconde édition ou Essai sur le caractère et le résultat
    moral de l’ouvrage (auteur = Constant)
•   Dossier (Roulin)
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La notion de « paratexte »

                                Gérard Genette (1930-2018)

       C’est « l’entourage » du texte :
       titre, sous-titres, intertitres ;
       préfaces, postface, avertissements,
       avant-propos, etc.
       G. Genette, Palimpsestes. La littérature au
       second degré, Le Seuil, 1982, p. 10               9
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Le narrateur ne raconte qu’une version de l’histoire

                               • Chateaubriand, René (1802)
                                 (Chactas, Souël)

                               • Agatha Christie, Le Meurtre de
                                 Roger Ackroyd / The Murder of
                                 Roger Ackroyd (1926)

                  Wayne Booth, The Rhetoric of Fiction, 1961
                    Narrateur « non fiable » (« unreliable »)
                                                                10
1.2. Le romantisme

                     11
Romantisme (définition)
•   Mouvement d’idées et de sensibilité qui concerne plusieurs domaines
•   Opposé au classicisme (XVIIe s.) et aux Lumières (XVIIIe s.)
•   Sentiment > raison
•   Religiosité                                                           12
Romantisme (Histoire)

• L’adjectif : anglais (romantic), espagnol (romántico), en
  allemand (romantisch)
• Roman / romanesque / novel
• XVIIe-XVIIIe: étrange, fantaisiste, faux
• XVIIIe: pittoresque, naïf

• Acception littéraire (Allemagne)
   – 1800: Ludwig Tieck, Romantische Dichtungen
   – 1801: Friedrich Schiller, La Pucelle d’Orléans. Eine romantische
     Tragödie

• Importation du sens positif et littéraire du mot
  « romantique » en France par Mme de Staël (De
  L’Allemagne, 1810)
                                                                        13
Les sentiments dominants
• LE CULTE DU GÉNIE
  « Mais il ne faut pas qu’il m’en souvienne alors qu’il y a en moi d’autres facultés qui se
  rouillent faut d’être employées, et que je dois cacher avec soin. Cette idée serre le cœur.
  – Et cependant n’être pas compris, c’est le sort de certains hommes. » (Goethe, Les
  Souffrances du jeune Werther, p. 49)

• LE VAGUE DES PASSIONS
  « Il reste à parler d'un état de l'âme qui, ce nous semble, n'a pas encore été bien
  observé ; c'est celui qui précède le développement des passions, lorsque nos facultés,
  jeunes, actives, entières, mais renfermées, ne se sont exercées que sur elles-mêmes,
  sans but et sans objet. Plus les peuples avancent en civilisation, plus cet état du vague
  des passions augmente ; car il arrive alors une chose fort triste : le grand nombre
  d’exemples qu’on a sous les yeux, la multitude de livres qui traitent de l’homme et de
  ses sentiments, rendent habile sans expérience. On est détrompé sans avoir joui ; il
  reste encore des désirs, et l’on n’a plus d’illusions. L’imagination est riche, abondante et
  merveilleuse ; l’existence pauvre, sèche et désenchantée. On habite, avec un cœur
  plein, un monde vide ; et, sans avoir usé de rien, on est désabusé de tout. »
  (Chateaubriand, préface à René, 1802)
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« L’ennui m’accable, le dégoût m’atterre. Je sais que ce mal est en moi. Que ne puis-je
    être content de manger et de dormir ? Car enfin je mange et je dors. La vie que je traîne
    n’est pas très malheureuse. Chacun de mes jours est supportable, mais leur ensemble
    m’accable. [...] Cependant l’apathie m’est devenue comme naturelle, il me semble que
    l’idée d’une vie active m’effraie ou m’étonne. Les choses étroites me répugnent, et leur
    habitude m’attache. Les grandes choses me séduiront toujours, et ma paresse les
    craindrait. Je ne sais ce que je suis, ce que j’aime, ce que je veux ; je gémis sans cause, je
    désire sans objet, et je ne vois rien, sinon que je ne suis pas à ma place.» (Senancour,
    Oberman, 1804, XLII)

    « Je suis venu trop tard dans un monde trop vieux.
    D’un siècle sans espoir naît un siècle sans crainte »
    (Musset, Rolla, recueil de poèmes, 1857)

•   LE MOI, LE LYRISME / LE CŒUR
    « Notre cœur est un instrument incomplet, une lyre où il manque des cordes, et où nous
    sommes forcés de rendre les accents de la joie sur le ton consacré aux soupirs »
    (Chateaubriand, René, 1802)

    « […] je traite mon cœur comme un petit enfant malade. Je lui cède en tout. »
    (Goethe, Les Souffrances du jeune Werther, p. 45)

•   LA SOLITUDE
    « Hélas ! j’étais seul, seul sur la terre ! Une langueur secrète s’emparait de mon corps ! »
    « Inconnu, je me mêlais à la foule : vaste désert d’hommes ! »
    (Chateaubriand, René, 1802)                                                                 15
• LA NATURE
  Un miroir de l’âme et une surface de projection
   « Mon âme est ce lac même où le soleil qui penche, […]
   Le flot frissonne à peine, et pas une aile blanche, […]
   Tout dort, tout est tranquille, et le cristal limpide, […]
   Sans écho, sans soupir, sans un pli qui le ride,
   Semble un miroir tout fait pour les pâles ennuis. » (Sainte-Beuve)

• L’AMOUR (COMMUNION DES ÂMES)
  « Ah! si j’avais pu faire partager à une autre les transports que j’éprouvais!
  O Dieu! si tu m’avais donné une femme selon mes désirs; si, comme à notre
  premier père, tu m’eusses amené par la main une Eve tirée de moi-même...
  Beauté céleste ! » (Chateaubriand, René, 1802)

• L’INCONSTANCE
  « On m’accuse d’avoir des goûts inconstants, de ne pouvoir jouir longtemps de
  la même chimère, d’être la proie d’une imagination qui se hâte d’arriver au
  fond de mes plaisirs, comme si elle était accablée de leur durée; on m’accuse
  de passer toujours le but que je puis atteindre: hélas! je cherche seulement un
  bien inconnu, dont l’instinct me poursuit. Est-ce ma faute, si je trouve partout
  les bornes, si ce qui est fini n’a pour moi aucune valeur? » (René)
  « Toutefois cet état de calme et de trouble, d’indigence et de richesse,
  n’était pas sans quelques charmes. » (René)
                                                                               16
•   LA QUÊTE D’AUTHENTICITÉ
    « Les dimanches et les jours de fête, j’ai souvent entendu, dans le grand
    bois, à travers les arbres, les sons de la cloche lointaine qui appelait au
    temple l’homme des champs. Appuyé contre le tronc d’un ormeau,
    j’écoutais en silence le pieux murmure. Chaque frémissement de l’airain
    portait à mon âme naïve l’innocence des mœurs champêtres, le calme de la
    solitude, le charme de la religion, et la délectable mélancolie des souvenirs
    de ma première enfance. » (René)

•   D’AUTRES LIEUX, D’AUTRES TEMPS
    Moyen âge + Nord > Antiquité + Sud
•   LA MORT / LE SUICIDE
    « […] ne pouvant trouver de remède à cette étrange blessure de mon cœur,
    qui n’était nulle part et qui était partout, je résolus de quitter la vie. » (René)

•   LA REVOLTE
     Maudit soit le travail ! Maudite l’espérance!
     Malheur au coin de la terre où germe la semence,
     Où tombe la sueur de deux bras décharnés !
     Maudits soient les liens du sang et de la vie !
     Maudite la famille et la société !
     (Musset, Premières poésies)
                                                                                     17
Ossian

Ingres, Le Rêve d’Ossian, 1813

                                 James
                                 Macpherson
                                 (1736-1796)

                                         Anne-Louis Girodet de Roucy, Les ombres des héros morts pour la Patrie
                                         conduites par la Victoire viennent habiter l’Elysée aérien où les ombres
                                         d’Ossian et de ses valeureux guerriers s’empressent de leur donner18     dans ce
                                         séjour d’immortalité et de gloire la fête de la Paix et de l’Amitié, 1805.
Homère (fin du VIIIe s. avant JC)
            L’Iliade
            L’Odyssée

            « Ulysse provoque le Cyclope qui a lancé un rocher sur son navire »
            Les Travaux d'Ulysse, gravure à l'eau-forte de Theodor van Thulden (1606-
            1669?), BNF.
                                                                                        19
1.3. Les précurseurs
    ❑ Jean-Jacques Rousseau (1712-1778)
    ❑ Samuel Richardson (1689-1761)
    ❑ Edward Young (1683-1765)
    ❑ Friedrich Gottlieb Klopstock (1724-1803)
    ❑ Nouvelle sensibilité
    ❑ Piétisme et quiétisme
    ❑ Le roman épistolaire

                                                 20
Jean-Jacques Rousseau
      (1712-1778)

                        21
Julie ou La Nouvelle Héloïse (1761)

« Oh Julie ! Que c’est un fatal présent du ciel
  qu’une âme sensible ! » (Saint-Preux)

« Malheur à qui n’a plus rien à désirer !
  On jouit moins de ce qu’on obtient que de ce
  qu’on espère et l’on n’est heureux qu’avant
  d’être heureux. » (Julie)

« Je me suis longtemps fait illusion. […]
  Vous m’avez crue guérie, et j’ai cru l’être. »
  (Julie)

« J’ai eu de l’amour pour vous, je l’avoue ; peut-être en
ai-je encore,
  peut- être en aurai-je toujours » (Claire)

                                                            22
Héloïse (1100-01- 1164)
et Abélard (1079-1142)

                          23
Samuel Richardson (1689-1761)
Pamela or Virtue Rewarded, 1740

Clari                       Clarissa Harlowe
                            Or the History of a Young Lady, 1748

                                                                   24
Edward Young (1683-1765)
The Complaint, or Night Thoughts on Life, Death and
Immortality
La Plainte ou Pensées nocturnes sur la vie, la mort et
l’immortalité
« The Night-Thoughts »
1742-1745

  « seul l’amour humble
  et non l’orgueilleuse
  intelligence ouvre la
  porte du ciel »

  « la science suprême
  des hommes est la
  sagesse du cœur »

                                                         Conjectures on Original
                                                         Composition
                                                         1759
                                                                           25
Friedrich Gottlieb Klopstock (1724-1803)
                       Der Messias (La Messiade) 1748-1773

                   -     Die frühen Gräber (Les Tombeaux précoces),
                         Sommernacht (Nuit d’été)
                   -     Gefühlsüberschwänglichkeit

                                                              26
Klopstock : La Fête du printemps

Extrait de:
Friedrich Gottlieb Klopstock, Odes choisies,
trad. de Charles Diez, Paris, Hachette, 1861.
(disponible sur Gallica)
                                                27
Abbé                   Bernardin
                           de St-Pierre             Diderot
    Prévost

Manon Lescaut, 1728-1731   Paul et Virginie, 1787
                                                          28
Lessing
Dates importantes

  Années              1761            1781
                    Rousseau        Rousseau        1802
   1740                                          Châteaubriand
   Romans              La              Les
                                                     René
sentimentaux        Nouvelle       Confessions
     de              Héloïse
 Richardson                                                       1816
                                1774                             Constant
                    1760-63
                               Goethe                            Adolphe
      1742-45       Parution
                               Werther
      E. Young      poèmes
    « The Night-    d’Ossian
    Thoughts »

                                                                            30
Piétisme / quiétisme

   Piétisme                  Quiétisme

Philipp Jakob Spener         Jeanne Guyon
     (1635-1705)              (1648-1717)

                       Moyen court et très facile de
                               faire oraison
                                                       31
Roman épistolaire
•   Montesquieu: Lettres persanes (1721)
•   S. Richardson: Pamela, Clarissa (années 1740)
•   Rousseau: Julie ou La Nouvelle Héloïse (1761)
•   Choderlos de Laclos: Les Liaisons dangereuses (1782)

                                                           32
2. Les auteurs

2.1. Johann Wolfgang von Goethe

2.2. Benjamin Constant

                                  33
2.1. Johann Wolfgang von Goethe
          ❑   À cheval sur deux siècles
          ❑   Herder
          ❑   Sturm und Drang
          ❑   Weimar
          ❑   Les Années d’apprentissage de Wilhelm Meister
          ❑   Le Bildungsroman
          ❑   Friedrich Schiller
          ❑   Poésie et vérité
          ❑   Son caractère

                                                              34
Johann Wolfgang von Goethe
                                              (1749-1832)

         Georg Oswald May,
                                     Johann H. W. Tischbein, Portrait de Goethe dans la
Portrait de Goethe en jeune homme,
                                                 campagna romana, 1787
                1770

                                                                                          35
Le Saint Empire romain germanique en 1790
                (962-1806)

                                            36
1750                      1774: Werther                  1800        1816: Adolphe

Rousseau (1712-1778) 66 ans

           Goethe (1749-1832) 82 ans
            Lenz (1751-1792) 41 ans

               Mozart (1756-1791) 35 ans

                Schiller (1759-1805) 45 ans

                              Mme de Staël (1766-1817) 51 ans

                               Constant (1767-1830) 63 ans
                                   Chateaubriand (1768-1848) 79 ans

                                      Scott (1771-1832) 61 ans

                                                  Byron (1788-1824) 36 ans

                                                                                        Marx (1818-1883) 64 ans
                                                                                                          37
Les « conquêtes » de Goethe

    Friederike Brion                      Charlotte Buff

Charlotte von Stein

                                         Christiane Vulpius

                                                           38
Johann Gottfried von Herder
                             (1744-1803)

Kant

         Rousseau

 esprit du peuple

       « Sturm und Drang »

                                     Johann Ludwig Strecker,
                                Johann Gottfried von Herder, 1775

                                                                    39
Œuvres principales de Goethe

• Drames : Götz von Berlichingen (1773), Iphigénie (1786),
  Egmont (1787), Torquato Tasso (1789), Faust I (1808), Faust II
  (1832)
• Romans : Les Souffrances du jeune Werther (1774), Les
  années d’apprentissage de Wilhelm Meister (1794-1796), Les
  Affinités électives (1809)
• Poésie : Élégies romaines (1789-1795), Le Divan occidental-
  oriental (1814-1819).
• Autobiographie : Poésie et vérité (Aus meinem Leben.
  Dichtung und Wahrheit, 1811-1833)

                                                                   40
Weimar
Wetzlar
          Anna Amalia von Braunschweig-Wolfenbüttel

                                                      Karl August
                                                      Herzog von
                                                      Sachsen-
                                                      Weimar und
                                                      Eisenach

                                                                    41
La bonne compagnie de Weimar

Christoph Martin Wieland
         (1733-1813)

       (Aufklärung)
                                           Charlotte von Stein
                                              (1742-1827)

                                           Friedrich Schiller
                                              (1759-1805)

Johann Gottfried von
 Herder (1744-1803)

                                                                 42
Wilhelm Meister (1794-1796)
                      Bildungsroman: roman de
                      formation / d’apprentissage /
                      d’éducation

                      Karl von Morgenstern

                      Roman picaresque (La Vie de
                      Lazarillo de Tormes,
                      anonyme, 1554) + roman
                      éducatif

                      Künstlerroman

                      George Meredith, The Ordeal
                      of Richard Feverel : A History
                      of Father and Son, 1859
                      Flaubert, L’Education
                      sentimentale, 1869

                                               43
Bildungsromane
‒ Novalis, Heinrich von Ofterdingen (1802)
‒ Stendhal : Le Rouge et le noir (1830) Julien Sorel, Lucien Leuwen (1834), La Chartreuse de Parme (1839)
  Fabrice del Dongo
‒ Honoré de Balzac : Illusions perdues (1836-1843) Lucien de Rubempré, Le Père Goriot (1834) Eugène de
  Rastignac
‒ Charles Dickens : The Adventures of Oliver Twist / Oliver Twist (1837-1839) et David Copperfield (1849)
‒ Gottfried Keller, Der grüne Heinrich / Henri le vert (1854-1856 et 1879-1880)
‒ Gustave Flaubert, L’Éducation sentimentale (1869) - Frédéric Moreau
‒ Alphonse Daudet, Le Petit Chose (1868) - Daniel Eyssette
‒ Jules Vallès, L’Enfant (1879) (suivis de : Le Bachelier et L’Insurgé) - Jacques Vingtras
‒ Mark Twain, Les Aventures de Huckleberry Finn (1884)
‒ Maurice Barrès, Les Déracinés (1897)
‒ Romain Rolland, Jean-Christophe (1904-1912)
‒ Rainer Maria Rilke, Aufzeichnungen des Malte Laurids Brigge / Les carnets de Malte Laurids Brigge (1910)
‒ Marcel Proust, À la recherche du temps perdu (1913-1927) – le narrateur
‒ James Joyce, Portrait of the artist as a young man / Portrait de l’artiste en jeune homme (1916) - Stephen
  Dedalus
‒ Hermann Hesse, Demian (1919) et Das Glasperlenspiel / Le jeu des perles de verre (1943) - Josef Knecht /
  Joseph Valet
‒ Thomas Mann, Der Zauberberg / La Montagne magique (1924) Hans Castorp
‒ Jean Giono, Le Hussard sur le toit (1951) - Angelo
‒ J. D. Salinger, The Catcher in the Rye / L’Attrape-cœurs (1951) - Holden Caulfield
‒ Françoise Sagan, Bonjour Tristesse (1954) – Cécile
‒ Pascal Quignard, L’Occupation américaine (1994) - Patrick Carrion
‒ Andreï Makine, La Musique d’une vie (2001) - Alexeï Berg
                                                                                                         44
Christiane Vulpius

                     45
(Johann Christoph) Friedrich von Schiller
                                        (1759-1805)

Pièces de théâtre:
− Les Brigands / Die Räuber, 1781
− Cabale et amour / Kabale und Liebe, 1783
− Wallenstein, 1799
− La Pucelle d’Orléans / Die Jungfrau von
  Orléans, 1801
− La Fiancée de Messine / Die Braut von
  Messina, 1803
− Guillaume Tell / Wilhelm Tell, 1804

                                                         Ludovike Simanowitz,
                                                      Friedrich von Schiller, 1793
    Weimarer Klassik:
    Herder, Goethe, Schiller, Wieland
                                                                                     46
« Que de fois on prend un chemin,
d’où l’on est ensuite écarté ! Que de
fois nous sommes détournés du but
que nous avions en vue, pour en
atteindre un autre plus élevé ! A son
très grand dépit, le voyageur brise
en chemin une roue, et ce hasard
désagréable lui vaut les
connaissances et les relations les
plus agréables, qui influeront sur la
vie entière. La destinée nous
accorde la réalisation de nos désirs,
mais à sa manière, afin de pouvoir
nous donner plus que nos désirs. »
Les Affinités électives, 1809

                                  47
48
Dichtung und Wahrheit (1811-1833)
Poésie et vérité

      « Alors que je me sentais allégé et éclairé, pour
     avoir transformé la réalité en poésie, mes amis se
     trompèrent en croyant qu’il fallait transformer la
     poésie en réalité, revivre ce roman et, au besoin, se
     brûler la cervelle » (livre XIII)

               Goethe à Soret :
                 « Qui suis-je, moi ? Qu’ai-je créé ? J’ai tout
                 reçu, tout accueilli, j’ai assimilé tout ce qui
                 passait à ma portée. Mon œuvre est celle
                 d’un être collectif qui porte un nom :
                 Goethe. »
                                                                   49
2.2. Benjamin Constant
      ❑   À cheval sur deux siècles
      ❑   Groupe de Coppet
      ❑   Madame de Staël
      ❑   Un homme politique
      ❑   Écrits intimes

                                      50
1750                      1774: Werther                  1800        1816: Adolphe

Rousseau (1712-1778) 66 ans

           Goethe (1749-1832) 82 ans
            Lenz (1751-1792) 41 ans

               Mozart (1756-1791) 35 ans

                Schiller (1759-1805) 45 ans

                              Mme de Staël (1766-1817) 51 ans

                               Constant (1767-1830) 63 ans
                                   Chateaubriand (1768-1848) 79 ans

                                      Scott (1771-1832) 61 ans

                                                  Byron (1788-1824) 36 ans

                                                                                        Marx (1818-1883) 64 ans
                                                                                                          51
Benjamin Constant
de Rebecque (1767-1830)

                          52
Un XIXe siècle tumultueux sur le plan politique
1789        Révolution française (fin de l’Ancien régime)
1792-1804   Ire République (la Convention: 1792-1795, la Terreur: 1793-1794, le
            Directoire: 1795-1799, le Consulat: 1799-1804)
1804        Ir Empire - Napoléon (Napoléon Bonaparte)

1814-1830   Restauration (Louis XVIII, Charles X)
1830        Les Trois Glorieuses
1830-1848   Monarchie de Juillet (Louis-Philippe)
1848        Révolution
1848-1851   IIe République (Louis-Napoléon Bonaparte)
1851        Coup d’état de Bonaparte qui devient Napoléon III
1851-1870   IId Empire
1870/1871   Défaite contre la Prusse - Commune de Paris
1870-1940   IIIe République
                                                                                  53
Groupe de Coppet (1805-1810)
          Madame de Staël
              Constant
           frères Schlegel
         Wilhelm Humboldt
         Charles Bonstetten
         Madame Récamier
        Madame de Krudener…

 Château de Coppet            54
Les femmes de Constant

Madame de Charrière

                                                       Charlotte de Hardenberg

                                   Juliette Récamier

                                                                        55
Madame de Staël
                      Anne-Louise-Germaine Necker
                  baronne de Staël-Holstein (1766-1817)

  Louise Vigee-
     Lebrun,
Mme de Staël en
Corinne, 1809 →

                              François Gérard, Portrait de Mme de Staël
                                                                     56
Œuvres principales de Mme de Staël
• Romans :
   – 1802: Delphine
   – 1807: Corinne ou l’Italie

• Essais:
   – 1788 : Lettres sur J.-J. Rousseau
   – 1795 : Essai sur les fictions
   – 1796 : De l’influence des passions sur le bonheur
   – 1800 : De la littérature considérée dans ses rapports avec les
     institutions sociales
   – 1810 : De l’Allemagne
        Y distingue:
        • Les littératures romantiques du Nord vs. les littératures classiques du Midi
        • la France conquérante vs. une Europe libérale et philosophe
        • le « génie du christianisme » vs. l’enthousiasme mystique du protestantisme.
                                                                                         57
1810 : De l’Allemagne

                        58
Les femmes de Constant

Madame de Charrière

                                                       Charlotte de Hardenberg

                                   Juliette Récamier

                                                                        59
Œuvres principales de Constant
• Essais:
    – De la force du gouvernement actuel de la France et de la nécessité de s’y rallier
      (1796)
    – Des effets de la Terreur (1797)
    – De l’esprit de conquête et de l’usurpation dans leurs rapports avec la
      civilisation européenne (1814)
    – Réflexions sur les constitutions, la distribution des pouvoirs et les garanties
      dans une monarchie constitutionnelle (1814)
    – Principes de politique applicables à tous les gouvernements représentatifs
      (1815)
    – De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes (1819)
    – De la religion considérée dans sa source, ses formes et son développement
      (1824-1830)
• Romans :
    – Le Cahier rouge (1807, pub. posthume)
    – Adolphe (1816)
    – Cécile (1811)
• Poésie : Wallstein (1809), Florestant, ou le Siège de Soissons (1813)                   60
Benjamin Constant, Journal intime
   « De dix-huit à vingt ans je fus toujours amoureux,
   quelquefois aimé, souvent maladroit et me livrant à
   des violences théâtrales qui devaient bien amuser
   ceux qui avaient du plaisir à me critiquer. »
       « De vingt à vingt-six ans je vécus en Allemagne,
       menant une vie ennuyeuse mais sans malheur réel,
       perdant mon temps et mes facultés, et sans une
       révolution dans ma vie je me serais certainement
       hébété tout doucement »
           « L’amour est au reste un sentiment qu’on place,
           lorsqu’on a besoin de le placer, sur le premier objet
           venu. Tous les charmes qu’il prête sont dans
           l’imagination de celui qui l’éprouve. C’est une parure
           dont il entoure ce qu’il rencontre. »
                                                               61
Adolphe (1806/1816)
vs. Le Cahier rouge (1811/posth: 1907)

                                         62
3. Les œuvres
3.1. Les Souffrances du jeune Werther (1774)
❑ Genèse
   •Deux "sources" réelles
   •Deux versions du texte

❑ Réception et postérité

3.2. Adolphe (1816)
❑ Genèse
❑ Réception et postérité

                                               63
3.1. Les Souffrances du jeune Werther

                                   64
Les Souffrances du jeune Werther

      La scène de
distribution du pain /
 Brotschneideszene
 Daniel Berger d’après
   Nikolaus Daniel
  Chodowiecki, 1775

                                    D’après Kaulbach

                                                65
Goethe, Jerusalem - Charlotte et Kestner
        Les modèles des personnages

                                      66
Portrait de Kestner
        dans Poésie et vérité de Goethe

« Parmi les jeunes hommes qui, attachés aux
ambassades, devaient s’exercer à leur carrière future, il
s’en trouvait un que nous avions accoutumé d’appeler
tout bonnement le ’fiancé’. Il se distinguait par une
conduite tranquille, égale, la clarté de ses vues, la
netteté dans l’action et dans la parole. Son activité
sereine, son application persévérante, le
recommandaient si bien à ses supérieurs, qu’on lui
promit une situation prochaine. S’autorisant de cette
promesse, il entreprit de se fiancer avec une jeune fille
qui répondait entièrement à son caractère et à ses
vœux. » p. 347

                                                        67
Portrait de Goethe
                                   dans le Journal de Kestner
« Un certain Goethe de Francfort, docteur en droit de profession, âgé de vingt-trois ans, fils unique d’un père très
riche, arriva ici au printemps pour se mettre au courant de la procédure de la Haute Cour, suivant le désir de son
père, et, selon son propre vœu, pour étudier Homère, Pindare, etc., et tout ce que son génie, sa façon de penser
et son cœur pouvaient lui suggérer.
Il a des talents variés, est un vrai génie et un homme de caractère. Il possède une imagination remarquablement
vive qui, le plus souvent, s’exprime par des images et des allégories. Il se plaît même à répéter qu’il s’exprime
toujours improprement, qu’à vrai dire jamais il ne peut s’exprimer, mais il espère, quand il sera plus âgé, pouvoir
rendre sa pensée telle qu’elle est. Il est passionné dans ses affections, tout en ayant beaucoup de maîtrise sur lui-
même. Sa façon de penser est noble. Exempt de préjugés, il agit suivant sa fantaisie, sans se soucier de savoir à
quel point cela plaît aux autres, si c’est la mode, et si les usages l’autorisent. Toute contrainte lui est odieuse. Il
aime les enfants, est capable de s’occuper beaucoup d’eux. Il est bizarre, et diverses choses dans sa conduite
pourraient le rendre antipathique, mais il est pourtant assez bien vu des femmes, des enfants et d’autres. Il a un
grand respect pour le sexe féminin. […], il n’est pas encore ferme et il en est encore au point où l’on aspire à
trouver un système. Il respecte beaucoup Rousseau sans en être cependant un adorateur aveugle. […] Ni
l’orgueil, ni le caprice, ni l’envie ne l’y poussent.
Sur certains points fondamentaux il ne s’ouvre qu’à de rares personnes, il ne trouble pas volontiers les autres
dans leurs paisibles convictions. Il hait sûrement le scepticisme, aspire à la vérité et à la certitude sur quelques
sujets capitaux, il croit même voir déjà clair quant à l’essentiel, mais autant que j’ai pu comprendre il n’en est
cependant pas ainsi. Il ne va pas à l’église et ne communie pas non plus, il prie rarement : ’Je ne suis point assez
menteur, pour cela’, déclare-t-il. Parfois il se montre calme sur certains sujets, parfois c’est le contraire. Il a pour
la religion chrétienne, bien qu’il ne la considère pas sous la forme où la représentent nos théologiens, une
profonde estime. Il croit à une autre vie, à un état meilleur. Il aspire à la vérité, mais se fie plus en cela au
sentiment qu’aux preuves. Déjà il est très accompli et sait beaucoup de choses, il a beaucoup lu, mais a réfléchi
et raisonné davantage encore. Ce qui l’intéresse principalement, ce sont les beaux-arts et la littérature ou, à
proprement parler, toutes les sciences, à l’exception des études qui peuvent servir de gagne-pain... En un mot,
c’est un, homme extraordinaire ! »                                                                                    68
Portrait de Charlotte Buff
                         dans Poésie et vérité de Goethe
« Après la mort de sa mère, elle avait déployé, à la tête d’une jeune et nombreuse famille, une
rare activité, soutenu seule le courage de son père dans le veuvage ; en sorte qu’un futur époux
pouvait en espérer autant pour lui et pour sa descendance, et en attendre un bonheur
domestique certain. Même sans envisager égoïstement ce but à l’existence, tout le monde
avouait que c’était une fille enviable. Elle était de celles qui, sans inspirer des passions
violentes, sont faites pour plaire à tous. Une taille légère, des formes élégantes, une nature
pure et saine, et la joyeuse intensité de vie qui en est la conséquence ; l’ingénuité dans
l’accomplissement des nécessités journalières : tout cela lui avait été donné à la fois. Observer
ces qualités me faisait toujours du bien et j’aimais à fréquenter ceux qui les possédaient. Si je
ne trouvais pas toujours l’occasion de leur rendre de véritables services, je partageais plus
volontiers avec eux qu’avec d’autres la jouissance de ces innocents plaisirs qui sont toujours à la
portée de la jeunesse et que l’on saisit sans beaucoup de peine et de dépense. Au reste, comme
il est bien établi que les femmes ne se parent que pour les autres femmes, et qu’elles sont
infatigables à rivaliser entre elles de parure, celles-là m’étaient surtout chères qui, par une
simple toilette, donnent à leur ami, à leur fiancé, la secrète assurance qu’elles n’ont pris ce soin
que pour lui et que, sans beaucoup d’embarras et de frais, elles pourront continuer ainsi
pendant toute une vie.
Ces personnes ne sont pas par trop occupées d’elles-mêmes ; elles ont le temps d’observer le
monde extérieur, et assez de modération pour se régler sur lui, s’accommoder à lui ; elles
deviennent prudentes et sages sans se forcer ; peu de livres suffisent à leur culture. Telle était la
fiancée. » p. 347-348
                                                                                                    69
« Une vraie idylle allemande… »
                              Poésie et vérité
« Le nouveau venu, entièrement libre de tous liens, sans souci en présence d’une jeune fille qui,
déjà promise, ne pouvait interpréter comme une recherche la moindre attention et n’en devait
être que flattée, se laissa aller avec tranquillité, mais fut bientôt si bien pris dans la toile et
enchaîné, et en même temps traité par le jeune couple avec tant de confiance et d’amitié, qu’il
ne se reconnaissait plus lui-même. Oisif et rêveur, parce qu’aucun objet présent ne lui suffisait, il
trouva ce qui lui manquait dans une amie qui, en vivant pour l’année entière, semblait ne vivre
que pour l’instant présent. Elle l’agréait volontiers comme compagnon ; il ne put bientôt se
passer de sa compagnie parce qu’elle lui servait de médiatrice pour l’existence quotidienne et,
au milieu d’un ménage considérable, dans les champs et les prés, au potager comme au jardin, ils
furent bientôt inséparables. Quand ses affaires le lui permettaient, le fiancé était de la partie.
Sans le vouloir, ils s’étaient accoutumés tous trois les uns aux autres et ne savaient pas comment
ils en étaient venus à ne pouvoir se passer les uns des autres. C’est ainsi qu’ils vécurent, durant
un été magnifique, une vraie idylle allemande, où la campagne féconde fournissait la prose et
une pure affection la poésie. Errant à travers les champs de blé mûr, ils se récréaient à la rosée du
matin ; le chant de l’alouette, le piaillement de la caille étaient de divertissantes musiques ; puis
venaient les heures brûlantes ; de monstrueux orages éclataient ; on se serrait d’autant plus les
uns contre les autres, et plus d’un petit ennui domestique se dissipait aisément sous l’action d’un
persévérant amour. Et de la sorte les jours succédaient aux jours, et tous semblaient être des
jours de fête ; il aurait fallu imprimer en rouge tout le calendrier. Il me comprendra, celui qui se
rappelle la prédiction de l’heureux et infortuné ami de la Nouvelle Héloïse : ’Et assis aux pieds de
sa bien-aimée, il teillera du chanvre, et il souhaitera de teiller du chanvre aujourd’hui, demain et
après-demain et toute sa vie.’ » p. 348                                                               70
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