La lettre DU MÉDECIN VASCULAIRE - DOSSIER FMC : LE PIED DIABÉTIQUE - SFMV
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JUIN 2019 - N°47 La lettre DU MÉDECIN VASCULAIRE CONGRÈS STRASBOURG DOSSIER FMC : LE PIED DIABÉTIQUE LE TABAC CHAUFFÉ (HEAT NOT BURN) MÉDECINE & ARTS : DR ROBERT Société Française de Médecine Vasculaire La Lettre du Médecin Vasculaire n°47 - Juin 2019 -1
LA LETTRE DU MÉDECIN VASCULAIRE LA LETTRE DU MÉDECIN VASCULAIRE EST LE JOURNAL D’INFORMATION DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE MÉDECINE VASCULAIRE DESTINÉ À SES MEMBRES, ET COMPLÈTE LE VECTEUR WEB DE LA SFMV (www.portailvasculaire.fr). LA REVUE CONTIENT 4 PARTIES 1. La première traite des actualités de la SFMV 2. La seconde partie est orientée FMC : recommandation commentée, et/ou un dossier FMC 3. La troisième est une veille bibliographique, à partir d’analyses bibliographiques commentées sur des thématiques majeures. 4. La quatrième est axée sur la pratique du médecin vasculaire ORGANISATION Rédacteur en chef : Christophe BONNIN Comité de Rédaction : Joël CONSTANS (Bordeaux), Michel DADON (Paris), Anne-Sophie DEBUSE (Lille), Ileana DESORMAIS (Limoges), Antoine DIARD (Langoiran), Michel FESOLOWICZ (La Rochelle), Pascal GIORDANA (Nice), Romain JACQUET (Reims), Christine JURUS (Villeurbanne), Jean-Pierre LAROCHE (Avignon), Gilles MISEREY (Rambouillet), Gilles PERNOD (Grenoble), Jean-Noël POGGI (Toulon), Christophe SEINTURIER (Grenoble) Comité Scientifique : Marie-Thérèse BARRELLIER (Caen), Luc BRESSOLLETTE (Brest), Dominique BRISOT (Clapier), Alessandra BURA-RIVIERE (Toulouse), Patrick CARPENTIER (Grenoble), Claudine HAMEL-DESNOS (Caen), Philippe LACROIX (Limoges), Pierre OUVRY (St Aubin sur Scie), Isabelle QUERE (Montpellier), Marie-Antoinette SEVESTRE-PIETRI (Amiens), Stéphane ZUILY (Nancy) Graphisme : Jérôme DURAND (jrmedurand@gmail.com), crédit photo : Thinkstock CHARTE DE LA REVUE Séparation entre l’information (sélection et relecture par le comité de rédaction) et les articles scientifiques ou didactiques (sélection et relecture par les comités scientifique et de rédaction). Existence d’une bibliographie référencée dans les articles le nécessitant : résumé, implications pour la pratique et QCM dans les rubriques FMC et analyses bibliographiques. Identification de toute promotion de médicaments et de matériels y compris en ce qui concerne les rédactionnels, ne devant pas interrompre la continuité des articles. Identification et mention des conflits d’intérêts des auteurs ou rédacteurs. NOUS CONTACTER contact-lmv@sfmv.fr, pub-lmv@sfmv.fr, redaction-lmv@sfmv.fr www.portailvasculaire.fr La Lettre du Médecin Vasculaire n°47 - Juin 2019
PP-REU-FRA-0049 - 17/10/68604982/PM/004-V1 - 01/2018 © Tous droits réservés 2018, Pfizer PFE France, SAS au capital de 110 275 337 euros, 23-25 avenue du Docteur Lannelongue, 75014 Paris, RCS Paris n° 807 902 770, locataire-gérant d’Hospira France. Le cœur a ses raisons que la raison approuve ! PRÉVENTION CARDIOVASCULAIRE SECONDAIRE Le seul GALÉNIQUE comprimé EN FORME DE CŒUR d’aspirine conçue pour faciliter l’observance, la mémorisation en 75 mg (1)* et l’appropriation du traitement COMPRIMÉ DE PETITE TAILLE facilite la prise 75 mg GASTRO-RÉSISTANT prévient les effets irritants sur l’intestin§(1). Néanmoins, la tolérance gastro-intestinale de Résitune® n’a pas été démontrée formellement par des études cliniques§(2) 100 mg CONDITIONNEMENT DE 30 ET 90 COMPRIMÉS permet l’utilisation d’un pilulier INDICATIONS CHEZ L’ADULTE (1) : Prévention secondaire de l’infarctus du myocarde, des accidents ischémiques transitoires et des accidents vasculaires cérébraux Prévention de la morbidité cardiovasculaire chez les patients atteints d’angor stable Prévention de la morbidité cardiovasculaire chez les patients ayant des antécédents d’angor instable, en dehors de la phase aiguë Prévention de l’occlusion du greffon après un pontage aorto-coronarien (PAC) ou un pontage infra-inguinal Angioplastie coronaire, en dehors de la phase aiguë STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE (2) : Prévention secondaire en dehors de la prise en charge de la phase aiguë du fait de sa formulation gastro-résistante induisant une libération différée de l’aspirine Remboursement Séc. Soc. 65% - agréé Collect. (1) Mentions légales Résitune® * AMM à la date du 28/04/2015 (2) Avis de la Commission de la Transparence Résitune®, 4 novembre 2015 Pour plus d’information, reportez-vous au Résumé de Caractéristiques du Produit, ainsi qu’aux recommandations de bonne pratique de l’ANSM et de la HAS de juin 2012 sur le bon usage des agents antiplaquettaires (disponibles sur www.ansm.sante.fr et sur www.has-sante.fr) Pour accéder aux mentions légales du médicament, suivez ce lien : www.portailvasculaire.fr La Lettre du Médecin Vasculaire n°47 - Juin 2019 http://base-donnees-publique.medicaments.gouv.fr/, ou flashez ce code
P.49 TRAITEMENT HORMONAL DE LA MÉNOPAUSE ET RISQUE THROMBO- Sommaire EMBOLIQUE VEINEUX : UNE NOUVELLE ÉTUDE CAS-TÉMOINS EN FAVEUR DE L’INNOCUITÉ DE LA VOIE NUMÉRO 47 TRANSDERMIQUE. C. Bonnin P.53 LES ACTUALITÉS SÉCURITÉ DU SUIVI ÉCHOGRAPHIQUE DES HOMMES AVEC ANÉVRISME P.07 DE L’AORTE ABDOMINALE DE PETIT PRINTEMPS DE LA MÉDECINE VASCULAIRE ET MOYEN CALIBRE. C. Jurus, M. Dadon G. Sarlon-bartoli P.11 P.54 18E CONGRES SFMV A STRASBOURG PRÉVENTION DE LA MTEV ET CANCER. D. Stéphan, P. Eberle, Pour le CO CJMV : L. Khider, G. Goudot, J.P. Laroche, T. Mirault, E. Messas FORMATION MÉDICALE CONTINUE MÉDECIN VASCULAIRE P.13 LE PIED DIABÉTIQUE P.59 G. Ha Van TABAC CHAUFFÉ OU HEAT NOT BURN (HNB) : FOCUS SUR UNE NOUVELLE MANIÈRE DE FUMER R. Moyou-Mogo P.62 BIBLIOGRAPHIE FICHE PATIENT : ANÉVRISME DE L’AORTE ABDOMINALE J.P. Laroche P.41 L’ALGORITHME YEARS ADAPTÉ P.64 À LA GROSSESSE POUR LE DIAGNOSTIC LA MÉDECINE À TRAVERS LES ARTS : DOCTOR ROBERT PAR LES BEATLES DE L’EMBOLIE PULMONAIRE. R. Jacquet T. Moumneh, A.Delluc P.67 P.45 ECHO QUIZZ LES ANTÉCÉDENTS DE COMPLICATIONS C. SEINTURIER OBSTÉTRICALES AMÉLIORENT-ILS LE SCORE DE PRÉDICTION P.68 DE LA PART DU COMITÉ DES ÉVÈNEMENTS CARDIO-VASCULAIRES ? RECOMMANDATIONS DE LA SFMV J. Suhl Le comité reco et J. Laffont P.69 LE COURRIER DES LECTEURS La Lettre du Médecin Vasculaire n°47 - Juin 2019 - 05
Les Actualités NUMÉRO 47 P.07 PRINTEMPS DE LA MÉDECINE VASCULAIRE C. Jurus, M. Dadon P.11 18E CONGRÈS DE LA SFMV À STRASBOURG D. Stephan, P. Eberle www.portailvasculaire.fr La Lettre du Médecin Vasculaire n°47 - Juin 2019
Printemps de la Médecine Vasculaire Christine JURUS (christine.jurus@sfmv.fr), Michel DADON (m.dadon@orange.fr) Les 24 et 25 mai 2019 s’est déroulé le premier - un cursus de phlébologie sur la cartographie ; Printemps de Médecine Vasculaire à Aix en Provence, - une conférence novatrice autour de la communication, sous un soleil radieux. “mieux se connaitre pour mieux communiquer”, qui a su ouvrir notre esprit à un univers nouveau pour révéler Cette réunion orientée sur la pratique, et faisant le des mécanismes de communication, en particulier pendant de la réunion scientifique qu’est le congrès entre médecins et malades. d’automne de la SFMV, a permis à chacun de confectionner son propre menu avec les propositions L’ambiance conviviale a été propice à des échanges offertes : nombreux et directs entre les participants, dont un fort - des ateliers de manipulation efficaces, grâce au contingent de jeunes médecins vasculaires ou encore nombre restreint de participants, à la qualité de en formation, et les nombreux experts pleinement à leur nos experts et la mise à disposition de nombreux écoute et à leur disposition. échographes par nos partenaires constructeurs de l’industrie ; Le ressenti immédiat très positif nous encourage à renouveler ce rendez-vous, sous cette forme …ou une - un master class de haut niveau autour de la prise autre encore plus ambitieuse ! en charge médicale de l’artériopathie des membres inférieurs ; Un grand merci aux partenaires constructeurs - des sessions de cas cliniques, dont celle, très bien d’échographes, laboratoires d’endovasculaire et de organisée par le CJMV, le club des jeunes MV, avec compression, ainsi qu’aux experts et aux participants des échanges constructifs entre jeunes et séniors ; pour ce moment d’échange et de partage. - un workshop pour s’initier ou approfondir les gestes de ponction et exploration échoguidées, où les pauvres Et rendez-vous l’année prochaine pour une nouvelle cuisses de dinde ont bien souffert ! édition ! La Lettre du Médecin Vasculaire n°47 - Juin 2019 - 07
EXPERT depuis 40 ans La Pressothérapie ? La solution pour soulager vos patients en relais de la compression médicale. La pressothérapie est recommandée (1A) pour traiter les symptômes d’insuffisance veineuse chronique en seconde intention.* * Clinical Practice Guidelines of the European Society for Vascular Surgery 01.34.61.01.61 | info@eureduc.eu | www.eureduc.eu Dispositifs médicaux de pressothérapie - CE Médical 0459 - Classe IIa. Fabricant : Eureduc - 78120 Rambouillet France. Indications : œdèmes, lymphœdèmes et phlébœdèmes, prévention de la thrombose et séquelles de phlébite, jambes lourdes, récupération sportive et post-chirurgicale. www.portailvasculaire.fr Contre-indications : thrombose veineuse La Lettre du Médecin Vasculaire n°47 - Juin 2019 profonde aiguë, érysipèle ou lymphangite, décompensation systémique, urticaire à la pression.
18e congrès de la SFMV du 25 au 28 septembre 2019 à Strasbourg Dominique STEPHAN (Dominique.Stephan@chru-strasbourg.fr), Paul EBERLE (eberle@angio-scp.com) pour le comité d’organisation L’Europe au cœur des vaisseaux constitue le fil rouge du 18ème congrès de la SFMV, du 25 au 28 septembre 2019, à Strasbourg. Ce thème a été choisi pour incarner la position géographique si particulière de Strasbourg, capitale de l’Europe, à la croisée des chemins de nos voisins allemands, suisses, belges ou luxembourgeois. Pour que l’Europe soit présente dans nos débats, nous avons invité des experts européens à partager leur PROGRAMME pratique de la médecine vasculaire autour des thèmes PRÉLIMINAIRE qui nous animent au quotidien ou qui sont dorénavant des enjeux pour notre discipline : la gestion du patient polyvasculaire, la désobstruction veineuse après thrombose, la prise en charge du lymphœdème, la surveillance d’une endoprothèse et bien d’autres sujets d’actualités. Le congrès de la SFMV est dorénavant le principal des rendez-vous de la communauté des médecins vasculaires français et francophone. La participation dépasse chaque année plus d’un millier de congressistes. Nos partenaires industriels sont présents en force. Nous avons cette année, le grand plaisir d’accueillir à L’EUROPE AU CŒUR DES V ISSEAUX Strasbourg des sociétés amies, L’European Society for DU 25 AU 28 SEPT. 2019 Vascular Medicine, la Société Française de Tabacologie, la Société Française de Phlébologie, la Société de STRASBOURG Physiologie et la Société Française de Cardiologie. Des Palais de la musique et des congrès ARMV Alsace et Service de Médecine Vasculaire du CHU de Strasbourg sessions toujours très appréciées seront dédiées au #SFMV2019 cadrage professionnel de nos activités grâce au Collège National Professionnel de Médecine Vasculaire et au 05-200420-Programme_SFMV_2019-modif.indd 1 26/06/2019 10:40 dynamisme de la génération montante avec le Club des Jeunes Médecins Vasculaires. Nous vous donnons rendez-vous à Strasbourg ! La Lettre du Médecin Vasculaire n°47 - Juin 2019 - 11
Agenda des Congrès 25-28 Septembre 2019, Strasbourg 5-7 Décembre 2019, Paris - 18ème Congrès de la Société Française de Médecine - 78ème Journées de la Société Française de Vasculaire (SFMV) Phlébologie - Palais de la Musique et des Congrès - Informations : smeyer@divine-id.com - Thème principal : L’Europe au cœur des vaisseaux - Informations : Sophie Garafoli - Téléphone : 06 08 49 89 04 - E-mails : sophiegarafoli@hotmail.com - Site : http://congres.sfmv.fr 2020 23-25 Janvier 2020, Paris 2-4 Octobre 2019, Glasgow, Royaume-Uni - CACVS 2020 (Controversies and updates in Vascular Surgery) - ECTH 2019 : European Congress on Thrombosis - Informations : http://cacvs.org and Haemostasis - Site : http://ecth2019.org/ 18-20 Mars 2020, Paris, Maison de la Chimie 4-5 Octobre 2019, Tunis, Tunisie - 54ème Congrès du Collège Français de Pathologie Vasculaire (CFPV) - 6ème Congrès de l’ATERA (Association Tunisienne - Site : http://www.cfpv.fr/ d’Etude et de Recherche sur l’Athérosclérose) - Site : http://www.atera1.org/ 16-19 Septembre 2020, Bordeaux 10-12 Octobre 2019, Ljubljana, Slovénie - 19ème Congrès de la Société Française de Médecine Vasculaire (SFMV) - Congress of the European Society of Vascular - Palais des Congrès Medicine (ESVM) - Thème principal : Des plaies, des vaisseaux, … - Informations : CANKARJEV DOM - E-mail : alenka. d’une berge à l’autre kregar@cd-cc.si - Site : www.2019-esvm-iua-cevf.si 7-9 Novembre 2019, Djerba, Tunisie - Congrès de la Société Tunisienne de Médecine Vasculaire (STMV) - https://fr-fr.facebook.com/ SocieteTunisienneDeMedecineVasculaire/ www.portailvasculaire.fr La Lettre du Médecin Vasculaire n°47 - Juin 2019
Formation Médicale Continue NUMÉRO 47 P.13 LE PIED DIABÉTIQUE G. Ha Van Ndlr : Les recommandations de l’International Working Group on the Diabetic Foot (IWGDF) sont sur le site internet de la SFMV : https://www.portailvasculaire.fr/espace-sfmv/page-mediatheque/ recommandations-autres-societes La Lettre du Médecin Vasculaire n°47 - Juin 2019 - 13
Le pied diabétique G. Ha Van (georges.havan@aphp.fr) 1. INTRODUCTION de chiffrer le risque d’UPD récidivantes : présence d’une lésion pré-ulcérative (OR : 10.95), présence d’une L’IWGDF (International Working Group on the diabetic AOMI (OR 10.10), présence d’une plaie plantaire (OR : Foot (IWGDF) donne la définition suivante du pied 8.62), score du Geriatric Depression Scale Score > 10 diabétique : infection, ulcération ou destruction des (OR : 5.00), antécédent de plaie plantaire de l’hallux tissus profonds du pied associées à une neuropathie et (OR : 5.3), existence d’une ostéite (OR : 5.17), CRP > à des degrés variables à une artériopathie périphérique 15 mg/l (OR : 4.27), HbA1c > 7.5 % (OR : 4.07), perte des membres inférieurs chez le diabétique (1). de sensibilité de protection (OR : 3.68) (4). D’autres facteurs de diminution de risque de récidive sont décrits : association d’un pic de pression plantaire < 200 kPa à une observance du port de la chaussure thérapeutique 2. EPIDEMIOLOGIE > 80% ainsi qu’un pic de pression plantaire dynamique par tranche de 100 kPa, une variation au quotidien de 2.1 Prévalence et incidence des plaies quantité de marche par tranche de 100 pas et la durée du pied diabétique cumulative des anciennes UPD par mois (4). Une méta-analyse récente conclue à une prévalence moyenne mondiale de plaies du pied diabétique de 2.3 Amputations 6.3%. En France elle serait de 5.1% (95% IC 4.1- 6.0) (2). Le risque d’ulcération du pied pendant la vie Une amputation au niveau des membres inférieurs (AMI) d’un diabétique serait de 15 à 25 % (3). L’incidence serait réalisée toutes les 20 secondes dans le monde annuelle des plaies du pied serait de 2 à 6.3 % selon chez un patient diabétique (1). Une plaie du pied est à les études (4). La récidive des ulcérations du pied l’origine de 85 % des AMI chez le diabétique et quatre diabétique est estimée sur 19 études à 40% à 1 an, plaies sur cinq ont une origine externe identifiable (1) presque 60% à 3 ans et 65% à 5 ans (4). unique et a priori évitable. Pour Apelqvist, la prévalence des AMI chez un diabétique est de 1.3% à 7% et l’incidence annuelle est de 0.2 à 1.4% (7). 2.2 Facteurs de risque de plaie du pied 2.3.1 Données françaises 2.2.1 Neuropathie En 2013, en France (8), les taux d’incidence des Le risque d’ulcération est plus important en cas de hospitalisations pour AMI et UPD dans la population neuropathie (risque relatif [RR] : 2.03, 95%IC : diabétique étaient respectivement de 252/100 000 (7 1,50-2,76) (5). Un seuil de perception de vibration 749 patients = 7 fois plus que pour les non diabétiques) > 25 V serait un facteur de risque majeur d’ulcérations et 668/100 000 personnes (20 493 patients : 5 fois du pied diabétique (UPD) (4). plus). Les disparités régionales sont majeures (un taux d’incidence de l’AMI 2,2 fois plus élevé en Guyane qu’en 2.2.2 Artériopathie des membres inférieurs Languedoc-Roussillon). À structure d’âge identique, le Le risque lié à l’artériopathie oblitérante des membres taux d’hommes diabétiques hospitalisés pour AMI était inférieurs (AOMI) est difficile à préciser car elle est 2,6 fois plus élevé que celui des femmes, et le taux souvent asymptomatique, mais environ 50% des d’UPD était 1,6 fois supérieur. Les niveaux d’AMI avec patients diabétiques ayant une plaie ont des signes leur taux respectif étaient : orteil (52%), pied (19%), d’AOMI (6). jambe (17%) et cuisse (12%). 2.2.3 Autres facteurs de risques Les Ulcérations du Pied Diabétique (UPD) sont plus 2.4 Données économiques fréquentes chez les hommes, chez les diabétiques de type 2, avec un IMC plus bas, chez les plus âgés, avec En 2012 en France, la dépense totale remboursée aux un diabète plus ancien, ayant une rétinopathie, une personnes diabétiques avec prise en charge podologique HTA, et un tabagisme par rapport au patient diabétique (amputation /plaie du pied/forfait podologique, qui sans ulcération de pied (2). représente 148 000 personnes) s’élevait à 2,281 Certaines études donnent un Odd Ratio (OR) permettant Milliards € (9). www.portailvasculaire.fr La Lettre du Médecin Vasculaire n°47 - Juin 2019
En Grande Bretagne, le coût de traitement du pied Douleurs de décubitus (stade III LR) diabétique en 2010–2011 est estimé à 580 Millions £ Les douleurs de décubitus cèdent en général lors de (M£). Plus de la moitié de cette somme (307 M£) est la mise en déclivité et doivent être distinguées des consacrée aux UPD dans les établissements de soins, douleurs neuropathiques. avec une multiplication de la durée de séjour par 2.51. Le coût des hospitalisations pour UPD est estimé à 219 Troubles trophiques (stade IV LR) M£ et des AMI à 55 M £ (10). Dans le cadre du pied diabétique, le pronostic de Aux USA, 176 milliards $ sont dépensés annuellement gravité d’un trouble trophique de stade IV est surtout en coûts directs pour le traitement du diabète dont 1/3 lié à l’existence d’une ischémie et / ou d’une infection pour les traitements de membre inférieur (4). associées. Le coût total d’une amputation d’orteil et transtibiale aux USA serait respectivement de 45 513 $ et de Ischémie critique 82 657 $ (11). Pour pallier aux insuffisances de la classification de LR, d’autres définitions de l’AOMI ont été établies (16,17) : - Stade d’ischémie à l’effort ou induite par la marche (claudication intermittente). 3. ARTERIOPATHIE OBLITERANTE DES MEMBRES INFERIEURS CHEZ LE DIABETIQUE - Stade d’ischémie permanente : ischémie critique chronique. 3.1 Rôle de l’AOMI dans les plaies du pied diabétique - Formes aiguës = ischémie aiguë de jambe. 3.1.1 Microangiopathie L’ischémie critique est définie chez les patients Le rôle de la microangiopathie diabétique reste très diabétiques ou non-diabétiques par l’un des deux controversé dans la pathogénie des plaies du pied critères suivants (17) : diabétique (1,6,12,13). - douleurs ischémiques de repos persistantes et récurrentes nécessitant une analgésie régulière et adéquate depuis 3.1.2 Macroangiopathie plus de 2 semaines avec une pression systolique de Il s’agit d’une association de lésions de la media cheville inférieure ou égale à 50 mm Hg et/ou une (médiacalcose) et de l’intima (athérosclérose). pression d’orteil inférieure ou égale à 30 mm Hg ; La médiacalcose, plus fréquente chez les diabétiques, - ulcération ou nécrose du pied ou des orteils avec une n’entraine pas une obstruction totale ni une ischémie pression systolique de cheville inférieure ou égale à mais une rigidité de la paroi artérielle qui rend la mesure 50 mm Hg et/ou une pression d’orteil inférieure ou de l’index de pression systolique (IPS) ininterprétable et égale à 30 mm Hg. complique les gestes de revascularisation (6). L’athérosclérose des patients diabétiques est identique Une étude ancienne rapporte un taux de sauvetage histologiquement à celle des non-diabétiques (12), mais de membre de seulement 43 % à 1 an chez des elle est plus fréquente, progresse plus rapidement, se patients diabétiques avec ischémie critique non complique plus facilement de gangrène et de troubles revascularisables (18). trophiques. Les lésions artérielles occlusives sont souvent longues et se situent préférentiellement au niveau des artères tibiales antérieures et postérieures, 3.3 Signes cliniques et fibulaires, épargnant les artères du pied (6,12,13,14) avec des lésions proximales moins fréquentes que dans La prise des pouls est très opérateur dépendante l’AOMI non diabétique. Les diabétiques qui ont une mais l’absence des deux pouls du pied augmente la ischémie critique auraient un pouls poplité palpable probabilité d’avoir une AOMI (19). dans 40 % des cas. La mesure de l’IPS < 0.9 signe l’AOMI (16) avec une sensibilité de 90% et une spécificité de 98% pour détecter une sténose artérielle supérieure à 50% à 3.2 Présentations cliniques de l’artériopathie l’artériographie mais la sensibilité chute à 53% en cas de neuropathie associée (20). 3.2.1 Forme asymptomatique : stade I de Leriche Pour l’IWGDF, aucun examen ne diagnostique formel- et Fontaine (LR) lement le degré d’AOMI mais un IPS entre 0.9-1.3, un L’artériopathie asymptomatique est fréquente (jusqu’à Index Hallux-Bras ≥ 0.75 et une onde Doppler triphasique 75 % des cas) (15), d’où la nécessité d’un dépistage indiquent une moindre probabilité d’AOMI (1). systématique (16). Chez le diabétique porteur d’une UPD, la sensibilité de l’index de pression systolique (IPS) est de 61 %, 3.2.2 Formes symptomatiques celles de l’index hallux- bras (IHB), de la pression de Claudication intermittente (stade II LR) perfusion cutanée (PPC) et la TcPO2 de 81.7 à 84%. La claudication intermittente est difficile à dépister, La PPC et l’IHB ont une spécificité de 79.3 et 77.8% probablement en raison de la neuropathie associée (14). alors que celle de la TcPO2 est de 62.8% (21). La Lettre du Médecin Vasculaire n°47 - Juin 2019 - 15
3.3.1 Pied ischémique avec les seuils suivants : pression de perfusion cutanée ≥ Les signes cliniques habituels sont : pieds froids, 40 mm Hg, pression du gros orteil ≥ 30 mm Hg, pression absence des pouls du pied, blanchiment du membre transcutanée en O2 (TcPO2) ≥ 25 mmHg (1). en position surélevée avec retard (> 3s) du temps de recoloration, érythrose de déclivité, retard du remplissage 3.3.3 Nécrose veineux après surélévation du membre, coloration La nécrose (association d’infection des parties molles cyanique des orteils, atrophie du tissu graisseux sous- et d’ischémie) inaugure l’AOMI dans 50 % des cas. Le cutané, déshabitation des pulpes d’orteils, aspect mécanisme est lié à une plaie du pied même minime luisant de la peau, dépilation des membres inférieurs, prise en charge tardivement (car indolore à cause de la épaississement des ongles avec onychomycose (14). Les neuropathie) qui finit par s’infecter et nécroser en raison douleurs nocturnes des orteils ou de l’avant-pied, soit au de l’ischémie associée. primo-décubitus soit en deuxième partie de nuit, sont soulagées par la déclivité. On distingue la nécrose sèche qui évolue vers la momification, de la nécrose humide où la zone de 3.3.2 Plaie ischémique nécrose est entourée d’un halo inflammatoire qui Le tableau typique est celui d’une ulcération traumatique témoigne habituellement d’une infection locale non externe, plutôt sur la face dorsale des orteils ou latérale maitrisée (Figure 2). Celle-ci peut devenir sévère en du pied, qui s’aggrave en raison du terrain ischémique, diffusant aux téguments voisins (formation d’abcès douloureuse, sauf en cas de neuropathie associée (Figure des parties molles, hypodermite infectieuse), et aux 1). Pour l’IWGDF, en cas d’UPD, chacun des examens tendons extenseurs avec un risque de panaris et suivants augmente la probabilité de cicatrisation de 25% phlegmon des gaines. Figure 1 : Plaie ischémique. Figure 2 : Nécrose du 4e orteil avec inflammation de la base de 3 derniers orteils. www.portailvasculaire.fr La Lettre du Médecin Vasculaire n°47 - Juin 2019
3.4 Traitement de l’AOMI sans ischémie critique Neuropathie végétative par atteinte des fibres ni trouble trophique de petit calibre amyélinisées Au niveau des pieds, elle est responsable de troubles Les traitements vasodilatateurs et l’ilomédine n’ont sudoraux avec sécheresse cutanée anormale. pas fait la preuve formelle de leur utilité ainsi que L’ouverture de shunts artérioveineux peut masquer la sympathectomie lombaire. La marche protocolisée une éventuelle AOMI. Un outil permet de dépister ces supervisée par un centre spécialisé permet d’augmenter troubles sudoripares par atteinte des petites fibres qui le périmètre de marche des patients artériopathes inaugurent souvent la neuropathie diabétique (23). ayant une claudication intermittente à condition que le chaussage soit adéquat afin d’éviter des ulcérations à la marche prolongée (16,17). 4.2 Présentations cliniques 4.2.1 Formes asymptomatiques Un bilan annuel est nécessaire au dépistage de la 4. NEUROPATHIE DIABETIQUE neuropathie. Le test au monofilament de Semmes- Weinstein de 10 grammes (Figure 3) est un test Elle est définie par le Toronto Diabetic Neuropathy validé de dépistage du risque podologique de blessure Expert Group comme une polyneuropathie chronique asymptomatique (24), lié à la neuropathie, très pratique sensitivomotrice, symétrique, longueur de fibres car simple à effectuer (Tableau 1) mais il ne teste dépendante, imputable à des altérations métaboliques que les grosses fibres. Une biopsie nerveuse et un et des microvaisseaux et secondaire à une hyperglycémie électromyogramme sont le plus souvent inutiles au chronique et à des facteurs de risque cardiovasculaire (22). diagnostic. 4.1 Rôle de la neuropathie dans les plaies du pied diabétique C’est le facteur de risque principal de plaie chronique du pied diabétique. La prévalence se situerait à plus de 20 % chez les diabétiques et pouvant atteindre 50% en fonction de la définition de la neuropathie. Les facteurs de risque de neuropathie sont, outre l’hyperglycémie chronique, l’âge, l’ancienneté du diabète, la grande taille, l’hypertension artérielle, le taux de cholestérol, le tabagisme et la consommation d’alcool. 4.1.1 Polyneuropathies symétriques distales Neuropathie sensitivomotrice La plus fréquente ; elle intéresse les fibres de grand et petit calibre, sensitives plus que motrices. Elle se traduit par une aréflexie achilléenne, des troubles de la sensibilité tactile, positionnelle, thermoalgique distale et symétrique, évoluant de manière ascendante dite en “ chaussette “. Un discret déficit des muscles intrinsèques des pieds Figure 3 : Test au monofilament. associé est responsable de déformations : griffes d’orteils ou proéminence des têtes métatarsiennes, facteurs de zones d’hyperpression et d’hyperkératose puis de maux perforants plantaires. L’hypoesthésie va supprimer la sensibilité de protection du pied. Neuropathie sensitive par atteinte des grosses fibres myélinisées Elle atteint la sensibilité proprioceptive positionnelle et vibratoire et peut donner au maximum un tableau d’ataxie proprioceptive. Neuropathie sensitive par atteinte des fibres myélinisées de petit calibre Elle se traduit par des douleurs, des dysesthésies et des paresthésies distales. La Lettre du Médecin Vasculaire n°47 - Juin 2019 - 17
Tableau 1 TEST AU MONOFILAMENT 5.07 DE NYLON® DE 10 G. - Ambiance calme détendue. - Montrer au patient le monofilament et l’appliquer sur sa main en le faisant plier. - Yeux fermés du patient. - 3 sites à tester : Têtes 1er et 5ème métatarsien, pulpe de l’hallux. - Appliquer le monofilament perpendiculairement aux zones testées en le faisant plier. - Durée : approche + contact monofilament + retrait = 2 secondes. - Demander s’il ressent la pression (oui/non) et sur quel pied (droit/gauche). - Intercaler un test factice sur les 3 essais par site : 3 réponses par site. Ne pas faire glisser le monofilament, ni faire des applications répétées, ne pas tester une zone hyperkératosique ni une plaie. INTERPRÉTATION : si 2 erreurs sur 3 sur un site, le patient est à risque d’ulcération asymptomatique par perte de la sensibilité de protection. 4.2.2 Forme douloureuse 4.3 Signes cliniques Entre 3 et 25% des diabétiques auraient une neuropathie douloureuse (22). Le questionnaire DN4 4.3.1 Pied neuropathique est un bon outil permettant d’identifier des douleurs Il se caractérise par une chaleur normale, des pouls de type neuropathique (25) qui, bien que souvent bien perçus parfois bondissants, une peau épaisse spontanément régressives, peuvent devenir très sèche avec hyperkératose fissuraire au niveau des invalidantes et dépressogènes. points d’hyperpression notamment plantaires. 4.3.2 Plaie neuropathique C’est le classique mal perforant plantaire (MPP) : ulcération indolore, atone, sans dépôt fibrineux ni nécrose, entourée d’hyperkératose, non infectée, localisée sur une zone d’hyperpression plantaire sous les têtes métatarsiennes (Figure 4), ou les pulpes d’orteils, ou sur un point de frottement chronique (exostose d’hallux valgus, cor dorsal ou interdigital, durillon dorsal lié à la prière mahométane). En l’absence de traitement, l’aggravation d’origine mécanique se traduit par un creusement de la plaie, une chronicisation puis infection qui peut s’étendre aux parties molles (dermohypodermite ou phlegmon des gaines tendineuses) puis secondairement à l’os ou l’articulation sous-jacents (Figure 5). Figure 4 : Mal perforant plantaire. www.portailvasculaire.fr La Lettre du Médecin Vasculaire n°47 - Juin 2019
4.4 Cas particulier : le pied de Charcot Le pied de Charcot ou neuro-ostéoarthropathie de Charcot (NC) est défini par une arthropathie progressive indolore d’une ou plusieurs articulations, due à une lésion neurologique sus-jacente (décrit par Charcot chez trois patients tabétiques) (26). 4.4.1 Épidémiologie La prévalence de la NC dans le diabète est relativement peu élevée : 0,08 % à 7,5 % (27). Certains auteurs notent que l’âge moyen de diagnostic de NC diabétique A est de 57 ans, avec une ancienneté moyenne de diabète de 15 ans (80 % plus de 10 ans et 60 % plus de 15 ans) (28). La bilatéralité des lésions surviendrait dans 5,9 % à 39,3 % des cas (27). 4.4.2 Physiopathologie Plusieurs théories tentent d’expliquer la pathogénie de la NC (27,28). Théorie française de Charcot, neurotrophique : une augmentation importante et précoce du débit sanguin, conséquence de l’atteinte du système nerveux autonome (avec développement de shunts artério-veineux), B proche de ce qui est observé après sympathectomie ou dans l’algodystrophie, serait à l’origine d’une hyperhémie. L’hyperhémie entraîne une ostéopénie, une augmentation de la résorption osseuse et une fragilisation osseuse qui aboutit à une destruction ostéoarticulaire. Théorie germanique neurotraumatique (Volkman et Virchow) : sur un pied neuropathique initialement indolore, des microtraumatismes chroniques (liés aux troubles proprioceptifs ?) entraînent des contraintes majeures sur le système ostéo-articulaire et ligamentaire. Cela conduit à une atteinte osseuse et des tissus C mous avec un gonflement articulaire et un étirement ligamentaire qui entraîne une laxité articulaire. Enfin la réponse inflammatoire au traumatisme conduit à une hyperhémie, un œdème des tissus mous et à une destruction ostéo-articulaire Aucune des 2 théories n’explique parfaitement à elles seules la pathogénie du pied de Charcot Des données expérimentales ont montré qu’une augmentation du flux sanguin osseux était à l’origine ou amplifiait l’activation des ostéoclastes. Ce phénomène d’hypervascularisation est à l’origine d’un afflux de cellules (macrophages) et de cytokines (tumor D necrosis alpha [TNF-β] et interleukine [IL]-1α) pro- inflammatoires, lesquelles expliqueraient l’aspect Figure 5 : Physiopathologie du mal perforant plantaire neuropathique œdémateux et inflammatoire de la phase initiale du avec évolution vers une infection. pied de Charcot (28). A. Hyperpression et forces de cisaillement avec hyperkératose. B. Formation d’une poche de décollement sous l’hyperkératose. Cela n’explique pas l’unilatéralité du phénomène et C. Ouverture et formation du mal perforant plantaire. sa relative rareté alors que la neuropathie est assez D. Infection des parties molles puis osseuse. fréquente. La Lettre du Médecin Vasculaire n°47 - Juin 2019 - 19
Une théorie récente introduit la notion de réponse 4.4.3 Histoire naturelle inflammatoire exagérée secondaire (comme dans les Phase aiguë ou active fractures osseuses) à un probable traumatisme mineur Le diagnostic doit être fait en urgence, au stade non perçu par le patient (28). Cette inflammation est pré-fracturaire, pour éviter les complications ostéo- associée à la libération de cytokines pro-inflammatoires articulaires et ligamentaires irréversibles ce qui est (IL-1β et TNF-α) qui sont des médiateurs de possible (Figure 6 A, B, C). l’hyperactivité des ostéoclastes. Elle est inaugurée par un traumatisme mineur parfois non Chez le sujet sain, en cas de fracture, la douleur reconnu par le patient, qui a toujours une neuropathie. habituelle conduit à immobiliser le membre et la Elle peut succéder à une immobilisation plâtrée, une libération des cytokines pro-inflammatoires est intervention chirurgicale ou une revascularisation généralement de courte durée. En cas de pied de (28). Elle se caractérise par l’apparition unilatérale de Charcot neuropathique l’absence de douleurs conduirait douleurs du pied jusqu’alors insensible, avec rougeur, à poursuivre l’appui et à pérenniser la libération des augmentation de chaleur locale (en moyenne de 5º C) cytokines pro-inflammatoires avec une ostéolyse. et de volume du pied (Figure 6 A). Les signes généraux sont absents (pas de fièvre) et il n’y a pas de signes biologiques d’infection (la vitesse de sédimentation moyenne serait de 32 mm) (27). A C B Figure 6 : Pied de Charcot à la phase aiguë. A : Aspect clinique à la phase aiguë. B : Aspect IRM à la phase aiguë. C : Récupération ad integrum par la décharge, à J90. www.portailvasculaire.fr La Lettre du Médecin Vasculaire n°47 - Juin 2019
Il existe fréquemment une errance diagnostique qui 4.4.4 Explorations complémentaires retarde le traitement : - Crise de goutte ? Radiographies - Arthrite infectieuse ? Mais en l’absence de plaie, une Eichenholtz a décrit trois stades radiologiques distincts : infection est peu probable sur un pied diabétique. développement, coalescence et reconstruction (27) : - stade 0 : période prodromique : pas de signes radiogra- Lorsqu’il existe une ulcération cutanée associée à ce phiques ou minimes ; tableau de pied inflammatoire, le diagnostic est plus - stade 1 : la phase de “ développement “, correspondant difficile si le pied de Charcot a déjà simultanément à la phase aiguë, se traduit par un œdème tissulaire, une destruction ostéoarticulaire à la radiographie ; on des subluxations articulaires, une ostéonécrose parle facilement d’ostéite. Mais l’ostéite qui ressemble avec débris osseux et cartilagineux, des fractures à l’IRM à la NC touche dans ces cas l’os exposé sous- articulaires et osseuses ; jacent à la plaie (attention au diagnostic d’imagerie - stade 2 : la phase de “ coalescence “ est marquée par erroné d’ostéite en dehors de la zone sous-jacente à la fonte de l’œdème, la résorption des débris osseux, la plaie). la guérison des fractures ; - stade 3 : la phase de reconstruction est celle de la - Erysipèle ? Mais pas de porte d’entrée. réparation et du remodelage osseux, déformations - Algodystrophie ? Mais radiographie normale avec une osseuses. imagerie par résonance magnétique (IRM) qui évoque souvent ce diagnostic car la clinique est très proche. Cette classification sera probablement à réactualiser, - Fractures de fatigue ? Mais radiographie normale ; notamment avec les images IRM à la phase aiguë, avec l’IRM l’évoque. radiographies normales au stade aigu (29). - Thrombose veineuse ? Échographie-Doppler veineux normal. IRM - Poussée congestive d’arthrose ? Mais unilatérale et À la phase aiguë, c’est l’examen clé du diagnostic car inflammation locale trop bruyante. le seul contributif. Toute augmentation de volume d’un pied neuropathique avec chaleur, rougeur, douleur et Phase destructive chronique sans plaie, avec des radiographies normales doit faire prescrire une IRM (29,30,31). Le retard diagnostic, fréquent, est délétère car l’appui persistant sur un pied de Charcot actif avec un os L’IRM montre un œdème des tissus mous juxta- fragilisé va entraîner mécaniquement des lésions articulaires. La capsule articulaire et les tissus mous sont ostéo-articulaires puis ligamentaires sévères, avec rehaussés en raison de la lésion aiguë et de l’instabilité. survenue secondaire d’une destruction massive avec Des zones d’érosions et de rehaussement articulaire des déformations majeures définitives en quelques peuvent être visibles. Un œdème de la moelle osseuse, semaines, en l’absence de mise en décharge du pied un œdème des parties molles, des fissures osseuses, (« Rocker bottom foot »). des géodes sous-chondrales doivent faire évoquer le diagnostic des microfractures. (Figure 6 B). Une Classification anatomoclinique algodystrophie est souvent évoquée à tort (30). La destruction ostéoarticulaire peut concerner À la phase chronique, l’IRM montre un œdème moins différents sites anatomiques du pied, ce qui a suggéré important et confirme la dislocation ostéoarticulaire vue la classification de Sanders et Frykberg (27) : à la radiographie (29,30). - type I : atteinte de l’avant-pied avec un aspect typique Chantelau propose une classification (adaptée de Kiuru des têtes métatarsiennes lysées en “ sucre d’orge “ et al) basée sur l’IRM, plus moderne car décrivant les (26 % à 67 % des cas) ; phases de début (29) : - type II : fractures et subluxations au niveau des Grade I : œdème médullaire intraosseux avec articulations tarsométatarsiennes de Lisfranc (15 % radiographie négative ; à 48 %) ; Grade II : œdème périosté et intraosseux avec radio - type III : dislocation et fracture au niveau des négative ; articulations entre le talus, l’os naviculaire et le 1er Grade III : œdème musculaire périosté et intramédullaire cunéiforme (32 %) ; avec radio négative ; - type IV : atteinte de l’articulation talo-crurale et de Grade IV : trait de fracture avec radiographie positive ; l’articulation sous-talienne (3 % à 10 %) ; Grade V : cal de l’os cortical avec radio positive. - type V : fracture du calcaneus (2 %). Scintigraphie Elle est peu contributive en pratique clinique. En cas de doute sur une ostéite, la scintigraphie est très sensible mais peu spécifique. La Lettre du Médecin Vasculaire n°47 - Juin 2019 - 21
Imagerie à la phase destructive irréversible A cette phase, la radiographie standard suffit à faire le En cas de plaie associée, les images d’ostéite et de NC diagnostic montrant une destruction ostéoarticulaire sont souvent difficiles à différencier (32). majeure des zones atteintes (Figure 7). Figure 7 : Pied de Charcot bilatéral à la phase chronique. 5. ASPECTS BIOMECANIQUES 5.2 Facteurs biomécaniques contribuant DU PIED DIABETIQUE à la cicatrisation 5.1 Facteurs impliqués dans la genèse des plaies Plusieurs études avec un niveau de preuves élevé montrent que la décharge mécanique par plâtres de Les facteurs biomécaniques jouent un rôle majeur dans contact total (qui répond à la composante spatio- l’étiologie des UPD neuropathiques (33). Les troubles de temporelle de la plaie de pression) permet d’obtenir sensibilité douloureuse, superficielle et proprioceptive la cicatrisation des maux perforants plantaires suppriment l’adaptation à un risque de lésion cutanée. neuropathiques en 4 à 6 semaines (1,37). Il existe des liens entre la compression des tissus mous et le risque de plaie (34). Ainsi, tout ce qui influence la compression est un facteur de risque biomécanique : la surface du contact, l’épaisseur du tissu mou, ses 5.3 Facteurs contribuant à la prévention propriétés mécaniques, le relief osseux sous-jacent. de récidive de plaies Il a été montré (34,35) que 2 heures de compression de 20% à 50% suffisent pour induire des lésions des La compression des tissus étant difficilement quantifiable tissus mous en rapport avec une ischémie locale. Dix en pratique, l’utilisation de la mesure des pressions minutes de compression supérieure à 50%, suffisent d’appui plantaire par mesure podobarométrique est à ajouter à l’ischémie une destruction mécanique des actuellement l’outil de référence. Il est possible de cellules. L’absence de sensibilité de protection liée à quantifier ces appuis pied nu ou chaussé avec des la neuropathie supprime le message douloureux et le plateformes ou des semelles embarquées munies réflexe de soulagement ou de modification de l’appui. de capteurs de pression. Mesurer l’efficacité des Dans ces plaies de pression, les facteurs biomécaniques chaussures thérapeutiques orthopédiques ou des sont prédominants : orthèses plantaires (OP) correctrices visant à diminuer - Les reliefs osseux et segmentaires (exostose, spicule, les pressions plantaires localisées est un des objectifs griffes, déformations …) ; (36). Actuellement, aucune étude baropodométrique n’a permis de définir un seuil au-delà duquel une plaie - L’épaisseur des tissus mous et leur compressibilité va se produire. Certains auteurs proposent un seuil (moins d’1 mm en dorsal sur les orteils à plus d’1 cm de 700 kPa en dessous duquel le risque est limité. sous le talon, dureté d’une ancienne cicatrice…) ; L’examen a une sensibilité de 70 % et une spécificité - La variation des reliefs au cours du geste (déroulé de 60 % (36) en fonction des capteurs utilisés. métatarsien, griffe d’orteil dynamique, augmentation des appuis plantaires car volume dorsal trop étroit …) ; - Le temps passé en appui sur la zone. Des forces de cisaillement semblent également être en cause. www.portailvasculaire.fr La Lettre du Médecin Vasculaire n°47 - Juin 2019
6. INFECTION survient que dans un second temps par contiguïté de plusieurs semaines. 6.1 Rôle de l’infection dans les plaies La chaleur locale, la rougeur, l’œdème et la douleur, L’infection du pied chez le diabétique est habituellement l’écoulement purulent sont les signes habituels la conséquence d’une plaie chronique (1). Celle-ci d’infection (39). La fièvre est rarement élevée ou étant souvent indolore, elle ne bénéficie pas souvent absente. La fluctuence signe la présence d’une d’un traitement médical optimal, (notamment la mise collection purulente, la crépitation celle de la présence en décharge stricte en urgence) ce qui transforme un de gaz et d’une gangrène infectieuse. phénomène aigu en plaie chronique qui devient à haut La nécrose signe la plaie ischémique infectée, à risque d’infection des parties molles. l’exception de la dermohypodermite bactérienne nécrosante (DHBN) ou de fasciite nécrosante (FN) qui surviennent souvent sur un pied non ischémique. La 6.2 Clinique part de l’infection et de l’ischémie étant très difficile Le diagnostic positif de l’infection du pied diabétique à évaluer, un bilan vasculaire précis est nécessaire est clinique et non bactériologique (1,38,39). Une pour éviter des indications d’amputation majeure trop exploration avec mesure de la profondeur de toutes hâtives, devant toute DHBN ou FN. les plaies doit être faite à la recherche d’un contact osseux, d’une tunnelisation, d’un écoulement purulent ou d’une collection. 6.3 Classification Il y a deux types d’infection des parties molles compliquant L’IWGDF a adopté une classification de l’infection en 4 le pied diabétique : la dermohypodermite bactérienne et stades remaniée en 2019 dont le premier est l’absence la nécrose secondaire en milieu ischémique. L’ostéite ne d’infection (Tableau 2). Tableau 2 CLASSIFICATION DE L’INFECTION DES PLAIES DU PIED D’APRÈS L’IWGDF GUIDELINES 2019. Grade 1 : Pas de symptôme ni de signe d’infection. Grade 2 : Infection légère avec au moins deux des signes suivants : - tuméfaction locale ou induration ; - érythème péri-lésionnel > 0.5 cm** ; - chaleur locale ; - sensibilité locale ou douleur ; - écoulement purulent (sécrétion épaisse opaque à blanchâtre ou sanguinolente). Les autres causes de réaction inflammatoire de la peau doivent être éliminées (traumatisme, goutte, pied de Charcot aigu, fracture, thrombose, stase veineuse). Infection ne présentant aucune manifestation systémique (voir ci-dessous) impliquant seulement la peau ou le tissu sous-cutané (pas les tissus plus profonds), et l’érythème présent ne s’étend pas sur plus de 2 cm** autour de la plaie. Grade 3 : Infection modérée sans manifestation systémique, avec érythème ≥ 2 cm* à partir du bord de la plaie et/ou Infection atteignant les structures au-delà de la peau et du tissu sous-cutané (tendon, muscle, articulation, os). Grade 4 : quelle que soit l’infection locale, si présence de signes systémiques (SRIS : syndrome de réponse inflammatoire systémique) avec au moins deux des caractéristiques suivantes : - température > 38 ºC ou < 36 ºC ; - fréquence cardiaque > 90/min ; - rythme respiratoire > 20/min ; - PaCO2 < 32 mmHg ; - leucocytes > 12 000/mm3 ou < 4 000/mm3 ; - 10 % de formes leucocytaires immatures ; Infection touchant l’os (ostéite) : ajouter « (O) » après 3 ou après 4*** * Infection se réfère à n’importe quelle partie du pied et pas seulement de la plaie. ** Dans n’importe quelle direction, depuis le bord de la plaie. La présence d’une ischémie du pied cliniquement significative rend le diagnostic et le traitement de l’infection considérablement plus difficiles. *** Si l’ostéomyélite est démontrée en l’absence de ≥ 2 signes/symptômes d’inflammation locale ou systémique, classer le pied comme suit : soit le grade 3(O) (si < 2 critères SRIS ou le grade 4(O) si ≥ 2 critères SRIS). La Lettre du Médecin Vasculaire n°47 - Juin 2019 - 23
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