La position internationale du Kosovo après l'avis consultatif rendu par la Cour internationale de Justice

 
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Politiques méditerranéennes | Les Balkans

La position internationale du Kosovo
après l’avis consultatif rendu par la Cour
internationale de Justice

                                                                                                                                                   Bilan
Ian Bancroft                                                               dès lors des répercussions majeures sur les initia-
Co-fondateur de TransConflict 1                                            tives de résolution des conflits dans d’autres ré-
Membre de la mission de l‘OSCE en Bosnie et                                gions dans les années à venir.
Herzégovine
                                                                           Bien que le Kosovo soit également devenu membre
                                                                           du Fonds monétaire international (FMI) et de la
                                                                           Banque mondiale (BM) depuis sa déclaration uni-

                                                                                                                                                   Med.2011
Le Kosovo – progrès partiels, paralysie et                                 latérale d’indépendance le 18 février 2008, cinq
reconnaissance                                                             États membres de l’UE –l’Espagne, Chypre, la
                                                                           Grèce, la Roumanie et la Slovaquie – refusent de
Plus de trois ans depuis sa déclaration d’indépen-                         le reconnaître. Chacun d’entre eux craint que le
dance de la Serbie dans le sillage de la rupture                           précédent du Kosovo ne nuise à leur politique inté-
des pourparlers sur son statut final, le Kosovo                            rieure : aux Basques et aux Catalans en Espagne;
continue à lutter pour être accepté plus largement                         à Chypre et à la République turque de Chypre

                                                                                                                                                    229
au sein du système international, malgré le soutien                        Nord, non reconnue ; ainsi qu’à la Roumanie et la
de nombreuses grandes puissances de ce monde.                              Slovaquie avec leurs minorités hongroises respec-
Bien que reconnu par 75 membres des Nations                                tives. Bien que ces divisions n’aient pas empêché
unies (à l’heure de la rédaction du présent article),                      le déploiement de l’EULEX (la mission « État
l’UE reste partagée sur la question, laissant les                          de droit » de l’UE au Kosovo), totalement neutre –
perspectives d’adhésion à l’UE du Kosovo dans                              la plus importante mission civile européenne ja-
l’incertitude. Compte tenu des doutes persistants                          mais lancée dans le cadre de la politique de sécu-
sur sa viabilité économique et sa capacité à s’atta-                       rité et de défense commune (PSDC) –, elles
quer au crime organisé et à la corruption, et alors                        continuent à entraver les perspectives d’adhésion
que les accusations de crimes de guerre déferlent                          à l’UE du Kosovo. Alors que d’autres pays des Bal-
à l’encontre de l’Armée de libération du Kosovo                            kans occidentaux ont obtenu une libéralisation du
(ALK), le Kosovo continue à se débattre pour ob-                           régime des visas, le Kosovo n’a toujours pas de
tenir la reconnaissance d’autres États. La question                        feuille de route en matière de visas qui stipulerait
du Kosovo demeure une source considérable de                               les conditions à réunir pour figurer sur la liste
débats et de conjectures, non seulement en raison                          blanche des visas. Bien que le Parlement euro-
de sa pertinence vis-à-vis d’autres affaires où le                         péen (PE) ait plaidé à plusieurs reprises pour une
statut d’État est contesté mais également compte                           approche commune à l’égard du Kosovo, il semble
tenu de ses implications pour le déploiement de                            improbable que l’impasse actuelle prenne fin de
missions des Nations unies dans des situations de                          sitôt, laissant à l’UE la tâche difficile de persuader
crise aux relents sécessionnistes. L’approche utili-                       le Kosovo qu’elle dispose d’une perspective
sée pour résoudre le problème du Kosovo aura                               d’adhé­sion.

1 Ian Bancroft est le co-fondateur de TransConflict, une organisation mettant sur pied des projets de règlement des conflits et entreprenant des
études à travers les Balkans occidentaux. Bien que membre de la mission de l’OSCE en Bosnie et Herzégovine, Ian s’exprime à titre personnel et
les opinions exprimées ne reflètent pas celles de l’OSCE.
La décision de la Cour internationale de                     dépendance a ou non conduit à la création d’un
           Justice (CIJ) – une occasion manquée ?                       État » – à savoir la déclaration coupée de ses effets
                                                                        juridiques –, ou de se prononcer sur « la valeur des
           La Serbie étant viscéralement opposée à l’indépen-           actes de reconnaissance », l’avis de la Cour éclaire
           dance du Kosovo, son plan d’action principal a tour-         très peu l’Assemblée générale des Nations unies
           né autour de sa demande en octobre 2008 à l’As-              (« l’organe demandeur »), ainsi que le précisait le
           semblée générale des Nations unies de référer la             juge Bennouna dans son opinion dissidente. L’arrêt
           question à la CIJ pour qu’elle détermine si « la décla-      de la CIJ n’est par conséquent pas parvenu à appor-
           ration unilatérale d’indépendance des institutions           ter la clarté souhaitée par de nombreux pays qu’une
           provisoires d’administration autonome du Kosovo              reconnaissance de l’indépendance du Kosovo met-
           [est] conforme à la législation internationale ». La CIJ     tent mal à l’aise, en particulier eu égard aux ques-
           a publié son avis consultatif, très attendu, le 22 juillet   tions relatives au droit à l’autodétermination ou la
           2010, dans lequel elle déclarait, par dix votes contre       succession.
Bilan

           quatre, que « le droit international général ne com-         Le pouvoir de persuasion de l’avis de la CIJ a égale-
           porte aucune interdiction applicable aux déclara-            ment été limité par certaines subtilités juridiques
           tions d’indépendance » et donc que les événements            auxquelles la Cour a recouru, notamment en affir-
           du 17 février 2008 « n’[ont] pas violé le droit interna-     mant que la déclaration a été adoptée dans le cadre
           tional général ». Dès lors, la CIJ a essentiellement         d’une session spéciale de l’Assemblée du Kosovo
           décrété que la déclaration du Kosovo n’était ni lé-          par les personnes ayant agi « de concert en leur
Med.2011

           gale ni illégale mais tout simplement que la législa-        qualité de représentants du peuple du Kosovo » et
           tion internationale ne traite pas de ces questions.          non pas par les institutions provisoires de l’autogou-
                                                                        vernement du Kosovo. Ainsi, il a été estimé que les
                                                                        auteurs de la déclaration n’ont pas dépassé le cadre
           L’arrêt de la CIJ n’est pas                                  constitutionnel d’administration autonome mis sur
           parvenu à apporter la clarté                                 pied dans le cadre des réglementations de la Mis-
                                                                        sion d’administration intérimaire des Nations unies
           souhaitée par de nombreux pays
 230

                                                                        au Kosovo (MINUK). Le juge Bennouna, pour sa
           qu’une reconnaissance de                                     part, note qu’« il ne faisait aucun doute, pour le Se-
           l’indépendance du Kosovo                                     crétaire général et son représentant spécial au Ko-
           mettent mal à l’aise, en                                     sovo, que la déclaration émanait bien de l’Assem-
                                                                        blée des institutions provisoires d’administration
           particulier eu égard aux
                                                                        autonome du Kosovo récemment élue » et que « tous
           questions relatives au droit à                               les habitants du Kosovo […] doivent respecter le ré-
           l’autodétermination ou la                                    gime d’autonomie institué par les Nations unies ».
           succession
                                                                        La stature internationale du Kosovo
           Bien que non contraignant, on pensait que, grâce à           – un rétablissement ou un rappel de sa
           l’arrêt de la CIJ, l’État naissant allait être reconnu de    réputation ?
           toutes parts et qu’une partie des incertitudes entou-
           rant le statut du Kosovo allait disparaître. Le fait que     L’avis de la CIJ n’ayant pas suscité le flot de recon-
           cela n’a pas été le cas peut s’expliquer en partie par       naissance escompté, l’attention s’est une nouvelle
           la réussite de la campagne diplomatique de la Ser-           fois tournée sur les efforts diplomatiques du Kosovo
           bie et surtout par l’interprétation étroite donnée par       pour justifier son indépendance. Avant sa déclara-
           la CIJ à la question soulevée. Comme cette dernière          tion unilatérale et depuis celle-ci, le Kosovo s’est
           l’a souligné, l’Assemblée générale « n’est pas priée         efforcé de persuader les sceptiques qu’il constitue
           de dire si le Kosovo a ou non accédé à la qualité            un État économiquement viable, capable de prospé-
           d’État, ni de se prononcer sur la validité ou les effets     rer sans l’assistance de donateurs internationaux et
           juridiques de la reconnaissance du Kosovo comme              l’envoi de fonds par sa vaste diaspora. Le Kosovo
           État indépendant par certains États ». En refusant           reste l’une des régions les plus pauvres d’Europe,
           d’examiner le point de savoir « si la déclaration d’in-      avec un chômage de près de 40 %, des revenus an-
LE PROCESSUS D’ÉLARGISSEMENT, LA POLITIQUE DE L’UE À L’ÉGARD DES BALKANS OCCIDENTAUX

Le   processus de stabilisation et d’association        (PSA). Serbie,          échange de l’Europe centrale, le Traité instituant la Commu-
Bosnie et Herzégovine, Albanie, Kosovo d’après la résolu-                       nauté de l’énergie, l’Accord sur la création d’un espace aérien
tion 1244 de l’ONU. Le 2l juin 2003, le sommet de Thessalonique                 commun européen, l’Observatoire des transports de l’Europe
entre les chefs d’État et de gouvernement de l’UE et des Balkans                du Sud-Est, l’Initiative de réforme éducative pour l’Europe
occidentaux confirme la perspective européenne des Balkans recon-               du Sud-Est (ERISEE), l’Initiative régionale sur la migration,
nue lors du Conseil européen de Santa Maria da Feira (19 et 20 juin             l’asile et les réfugiés (MARRI), le Réseau-santé de l’Eu-
2000) et complète les dispositions prises par le sommet UE-Balkans              rope du Sud-Est (SEEHN), l’Initiative de coopération pour
occidentaux du 24 novembre 2000 à Zagreb. À Thessalonique, le                   l’Europe du Sud-Est (SECI) ou la Stratégie européenne pour la
processus de stabilisation et d’association devient donc une                    région du Danube. La majeure partie de ces initiatives prennent par
politique de l’UE à l’égard des Balkans occidentaux destinée à faci-            ailleurs en compte la Moldavie et l’Ukraine.
liter un alignement progressif de ces pays sur l’UE en vue de leur
adhésion définitive. Cette perspective incite ces pays à réellement           Le dialogue politique et économique entre l’UE et les pays en
entreprendre des réformes politiques, économiques et sociales. En             phase de préadhésion dont les résultats font partie des négociations

                                                                                                                                                              Bilan
contrepartie, grâce au PSA, les États participants sont en mesure de          d’adhésion, ainsi que la participation à des programmes, des
bénéficier d’aides financières, d’une assistance technique ainsi que          agences et des comités de l’UE sont autant d’autres éléments du
d’un libre accès au marché unique européen. Les éléments du PSA               PSA.
destinés à les aider à concrétiser leurs objectifs englobent la stra-         Le Processus D’élargissement. Turquie, Croatie, Ancienne Répu-
tégie de préadhésion :                                                        blique yougoslave de Macédoine, Monténégro, Islande. Tout au
                                                                              long du développement de la stratégie de préadhésion, les candidats
• L’accord   de stabilisation et d’association     (ASA). Le PSA entre        potentiels disposés à respecter les critères de Copenhague (État dé-

                                                                                                                                                              Med.2011
 l’UE et un pays déterminé est officialisé par le biais de l’ASA, visant      mocratique de droit, économie de marché libre et capacité à intégrer
 une stabilisation et une transition accélérée du pays vers une écono-        l’acquis communautaire) peuvent soumettre leur demande d’adhé-
 mie de marché, un renforcement de la coopération régionale et l’ad-          sion au Conseil européen. Après un avis préalable favorable de la
 hésion à l’UE en elle-même. Une fois signé, l’ASA doit être ratifié par      Commission, l’octroi au pays en question du statut de candidat offi-
 les institutions européennes, par chaque État membre ainsi que par le        ciel par le Conseil européen, à l’unanimité des voix, marque le début
 pays concerné. Lorsque l’ASA est en cours de ratification, les rela-         des négociations d’adhésion, lesquelles se concluent – après une
 tions commerciales avec le pays visé par l’accord sont régies par un         phase d’examen analytique, puis de suivi et de contrôle –, par la
 ASA intérimaire sur le commerce.                                             clôture définitive des 35 chapitres (un par domaine politique) repris

                                                                                                                                                               231
• Partenariat   pour l’adhésion   (PA). Approuvé à la majorité qualifiée      dans le PNAA. La conclusion des négociations conduit à la signature du
 par le Conseil européen, sur proposition de la Commission, il déve-          Traité d’adhésion. Une fois ratifié par le pays candidat et tous les
 loppe l’ASA en établissant le cadre de coopération économique, fi-           États membres de l’UE, ce dernier entre en vigueur, le pays candidat
 nancière et technique fournissant l’aide dont le pays a besoin pour          devenant alors un État membre de l’Union. Dans l’intervalle qui sépare
 mettre en œuvre des réformes figurant dans l’ASA. Ainsi, le PA stipule       la signature de la ratification finale du Traité, le pays est qualifié d’État
 les domaines prioritaires nécessitant des réformes et donne des              adhérent.
 lignes directrices pour l’aide financière, de même que les principes et
 conditions qui entourent le partenariat. À cet égard, le PA englobe les      Sources
 programmes nationaux pour l’adoption de l’acquis (PNAA).
 Pour financer ces réformes, il y a l’Instrument d’aide de préadhé-           Commission européenne, DG Élargissement, www.ec.europa.eu/enlar
 sion (IAP), lequel devient, le 1er janvier 2007, un seul et unique mé-         gement
 canisme financier remplaçant les différents instruments antérieurs (le       Union    européenne,     http://europa.eu/legislation_summaries/enlarge
 programme CARDS, l’instrument de préadhésion pour la Turquie et                ment/index_fr.htm
 les programmes PHARE, ISPA et SAPARD). Pour 2007-2013, l’IAP                 Union    européenne,     http://europa.eu/legislation_summaries/enlarge
 est doté de 11,5 milliards d’euros destinés à financer les cinq volets :       ment/western_balkans/index_fr.htm
 aide à la transition et développement institutionnel, coopération trans-     Délégations de l’UE en Croatie www.delhrv.ec.europa.eu/?lang=
 frontalière, développement régional, développement des ressources              en&content=62, ARYM www.delmkd.ec.europa.eu/en/bilateral-rela
 humaines et développement rural.                                               tions/history-of-relations.htm, Monténégro www.delmne.ec.europa.eu/
• Coopération    régionale.   S’agissant d’un élément fondamental du            code/navigate.php?Id=56, Turquie www.avrupa.info.tr/AB_ve_Turkiye,
 PSA, plusieurs initiatives de coopération régionale bénéficient d’un           Ab_Ve_Turkiye.html, Serbie www.europa.rs/en/srbijaIEu/politicki_eko
 appui de l’UE à travers l’IAP (430 millions d’euros entre 2007 et              nomski_odnosi/proces_stabilizacije_pridruzivanja.html, Albanie http://
 2010). D’une part, le processus de coopération en Europe du                    eeas.europa.eu/delegations/albania/eu_albania/political_relations/in
 Sud-Est, dont le Conseil de coopération régionale est l’organe                 dex_en.htm, Bosnie et Herzégovine www.delbih.ec.europa.eu/?akcija=
 opérationnel depuis 2008, couvre les initiatives de coopération régio-         clanak&CID=16&jezik=2&LID=31.
 nale ; d’autre part, une série d’accords et d’initiatives sectorielles fa-
 vorisent une intégration régionale progressive entre les pays en phase
 de préadhésion et avec l’UE. Parmi ceux-ci, citons l’Accord de libre-                                                                             (TSVP)
LE PROCESSUS D’ÉLARGISSEMENT, LA POLITIQUE DE L’UE À L’ÉGARD DES BALKANS OCCIDENTAUX (suite)

                                                                                                                                                          Entrée en
                                                        Signature                               Rapport           Le Conseil                             vigueur de      La CE
                                                        de l’ASA                             favorable de         accorde le                                l’ASA    recommande Début des
                                                       intérimaire                             la CE à la          statut de         Entrée en           intérimaire d’engager les négocia-                           Fin des
                                    Signature             sur le            Demande          candidature           candidat          vigueur de             sur le   négociations    tions                           négocia-
              PAYS                  de l’ASA¹          commerce            d’adhésion        à l’adhésion           officiel            l’ASA            commerce     d’adhésion d’adhésion                            tions
              Croatie              29/10/2001          29/10/2001          21/02/2003         20/04/2004         18/06/2004          01/02/2005         01/01/2002          06/11/2004         03/10/2005²          Prévu pour
                                                                                                                                                                                                                    juin 2011
              Ancienne             09/04/2001          09/04/2001          22/03/2004         09/11/2005         16/12/2005          01/04/2004         01/06/2001          14/10/2009              Non
              République                                                                                                                                                                         engagées³                -
              yougoslave
              de
              Macédoine
              Monténégro          15/10/20074          15/10/2007          15/12/2008         09/11/2010         17/12/2010          01/05/2010         01/01/2008                 -                   -                  -
              Turquie              12/09/1963          23/11/1970          14/04/1987         13/10/1999         11/12/1999          01/12/1964         01/01/19735         06/10/2004          17/12/2004                -
Bilan

              Serbie            29/04/20084,6,7 29/04/2008                 22/12/2009                -                   -           En cours de        01/02/2010                 -                   -                  -
                                                                                                                                      ratification
              Albanie              12/06/2006          12/06/2006          28/04/2009                -                   -           01/04/2009         01/12/2006                 -                   -                  -
              Bosnie et            16/06/2008          16/06/2008                 -                  -                   -           En cours de        01/07/2008                 -                   -                  -
              Herzégovine                                                                                                             ratification

             ¹ ASA : accord de stabilisation et d’association.
             ² Dans un premier temps, les négociations d’adhésion avec la Croatie devaient être entamées le 17 mars 2005, mais le processus est resté en suspens jusqu’à ce que le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougos-
Med.2011

             lavie (TPIY) rende un avis favorable, le 3 octobre 2005.
             ³ Avec le veto de la Grèce dans l’attente d’une issue satisfaisante au différend sur la dénomination officielle de l’Ancienne République yougoslave de Macédoine, les négociations d’adhésion sont en suspens.
             4 Le Monténégro a déclaré son indépendance vis-à-vis de la fédération qu’il formait avec la Serbie le 3 juin 2006. L’UE avait préalablement engagé des négociations avec la Serbie-Monténégro pour un ASA en

             octobre 2005, interrompues le 3 mai 2006 en raison d’un manque de coopération de Belgrade dans le cadre des investigations du TPIY.
             5 L’ASA signé entre la Communauté économique européenne et la Turquie, connu comme étant l’accord d’Ankara, définit trois phases prolongées en vue de son déploiement complet : la phase préparatoire (1964-

             1970), la phase de transition (1973-1995) et la phase de finalisation (à partir de 1996 et jusqu’à l’intégration économique à part entière de la Turquie dans l’UE). Afin de respecter la phase de transition, le 23 no-
             vembre 1970, la Turquie et l’UE ont adopté un protocole additionnel en vue de l’élimination complète des droits de douane mutuels, entré en vigueur le 1er janvier 1973. Par la suite et pour se conformer à la phase
             de finalisation, l’Accord d’union douanière a été signé le 22 décembre 1995 et est entré en vigueur le 1er janvier 1996.
             6 L’ASA et l’ASA intérimaire sur le commerce avec la Serbie ont été suspendus le 15 septembre 2008 et jusqu’au 7 décembre 2009 compte tenu du veto des Pays-Bas qui exigeaient des preuves plus évidentes

             de coopération avec le TPIY.
             7 Dans le cas du Kosovo et en vertu de la spécificité de sa situation au titre de la résolution 1244 de l’ONU, le mécanisme de suivi du processus de stabilisation et d’association a été mis en branle le 6 novembre

             2002.
 232

           nuels moyens par habitant d’environ 2 000 euros et                                                                ritions, de trafic d’organes, de corruption et de collu-
           quelques 37 % de la population vivant dans la pau-                                                                sion auxquels se seraient livrés des groupes liés au
           vreté. Compte tenu des dizaines de milliers de                                                                    crime organisé et des milieux politiques au Kosovo »,
           jeunes arrivant sur le marché du travail chaque an-                                                               l’une des attaques les plus dommageables n’est
           née, le Kosovo est confronté à une dynamique so-                                                                  autre que l’affirmation de Marty selon laquelle « les
           cio-économique difficile. Bien que regorgeant de                                                                  organisations internationales en place au Kosovo
           ressources naturelles, telles que le plomb, le lignite                                                            ont privilégié une approche politique pragmatique,
           et le cuivre, l’exploitation de ces réserves exigera                                                              estimant devoir favoriser à tout prix la stabilité à court
           des investissements massifs dans les nouvelles                                                                    terme et sacrifiant ainsi d’importants principes de
           technologies de même que les infrastructures de                                                                   justice ». Les allégations selon lesquelles les intérêts
           transport, en particulier pour mettre fin aux coupures                                                            liés à la stabilité passent avant ceux de la justice ont
           de courant quotidiennes qui handicapent la produc-                                                                entamé davantage le discours humanitaire servant
           tion industrielle.                                                                                                souvent d’excuse pour justifier l’indépendance du
           La stature internationale du Kosovo a encore été fra-                                                             Kosovo.
           gilisée davantage par un rapport du rapporteur spé-
           cial du Conseil de l’Europe, Dick Marty, intitulé « Le
           traitement inhumain de personnes et le trafic illicite                                                            Les négociations Serbie-Kosovo – une issue
           d’organes humains au Kosovo », adopté fin janvier                                                                 à l’impasse ?
           par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Eu-
           rope. Le rapport de M. Marty porte plusieurs alléga-                                                              Le souhait de la Serbie d’une décision de la CIJ
           tions graves à l’encontre d’Hashim Thaçi, l’actuel                                                                ayant temporairement déplacé la problématique de
           Premier ministre du Kosovo et ancien chef de parti                                                                l’arène politique à l’arène juridique, la question du
           politique de l’ALK. Outre les accusations de « dispa-                                                             statut du Kosovo, à présent que la CIJ a arrêté sa
décision, relève définitivement à nouveau de la poli-   permettant des concessions souvent litigieuses et
tique internationale et intérieure. Bien qu’elle ait    difficiles, alors que, d’un autre côté, des points d’in-
dans un premier temps déposé un projet de résolu-       terrogation subsistent quant au nouveau gouverne-
tion devant l’Assemblée générale des Nations unies      ment de coalition récemment constitué. Les bons
stipulant qu’une sécession unilatérale n’est pas une    résultats de Vetvendojsije (« Autodétermination »)
solution acceptable pour résoudre les différends        lors des récentes élections au Kosovo suggèrent un
territoriaux et prôné un dialogue afin de dégager       glissement vers un nationalisme plus assertif, de na-
des solutions mutuellement acceptables pour             ture à permettre d’aller de l’avant au niveau de l’uni-
« toutes les questions en suspens », la Serbie a ac-    fication de l’Albanie et du Kosovo. Par ailleurs, l’en-
cepté un compromis portant sur une résolution sou-      gouement pour la poursuite de l’élargissement
tenue par l’UE qui a ouvert la voie à un dialogue       continue de diminuer à travers l’Europe, les pays
entre Belgrade et Pristina. Après les retards occa-     étant préoccupés par leurs propres problèmes éco-
sionnés par les élections anticipées au Kosovo vers     nomiques et faisant montre de scepticisme quant à

                                                                                                                   Bilan
la fin 2010 et les négociations de coalition ulté-      la capacité de l’Union à absorber de nouveaux
rieures, la Serbie et le Kosovo se sont finalement      membres. La dynamique des négociations elles-
assis à la table des négociations en mars 2011.         mêmes continuera donc à être dictée dans une
Elles étaient dirigées, dans le camp serbe, par Bo-     large mesure par des facteurs nationaux et exté-
rislav Stefanovic, directeur politique au ministère     rieurs, compliquant davantage les initiatives visant à
des affaires étrangères, et, pour le Kosovo, par Edi-   obtenir des compromis des deux parties.

                                                                                                                   Med.2011
ta Tahiri, la vice-Première ministre. Robert Cooper,
conseiller spécial au Service européen pour l’action
extérieure (SEAE) préside les négociations, témoi-      S’entendre sur le nord, une condition sine
gnant ainsi de la détermination de l’UE à prendre les   qua non d’un règlement durable
choses en mains afin de trouver une solution du-
rable à l’un des problèmes les plus intransigeants      Alors que le gouvernement du Kosovo, soutenu
des Balkans occidentaux et de démontrer l’attrait       par ses bailleurs internationaux, martèle que les

                                                                                                                    233
d’une éventuelle adhésion à l’UE.                       questions relatives au statut ne souffrent aucune
La phase initiale des négociations consiste à appor-    discussion, l’avenir du nord du Kosovo, majoritai-
ter des solutions aux problèmes techniques – tels       rement serbe, où les institutions de Pristina ont
que les approvisionnements en électricité, les télé-    peu d’influence, reste contesté. Les concessions
communications, les immatriculations de véhicules       con­cernant le nord pourraient ouvrir la voie à un
ainsi que l’accès à l’espace aérien – susceptibles      compromis plus vaste sur la question du statut du
d’améliorer les conditions de vie de l’ensemble de la   Kosovo. Alors que les idées d’une scission ou
population, tout en mettant de côté les questions       d’un échange de territoires - dans le cadre du-
relatives au statut. Toutefois, comme le montrent       quel le Kosovo céderait le nord en échange de la
plusieurs exemples, et plus particulièrement celui      partie à dominance albanaise du sud de la Serbie
des timbres douaniers de la République du Kosovo        (généralement dénommée localement « la Vallée
que la Serbie refuse de reconnaître – les problèmes     du Presevo ») – sont souvent considérées comme
techniques ont souvent une connotation de statut        la solution la plus simple, toute nouvelle modifica-
très distincte. En sa qualité de médiateur principal,   tion des frontières aux Balkans basée sur des
le défi pour l’UE consiste à déterminer comment         préceptes ethniques aurait des ramifications pour
continuer à aller de l’avant dans le cadre des négo-    la Bosnie et Herzégovine ainsi que l’ancienne Ré-
ciations avec des signes de progrès et des résultats    publique yougoslave de Macédoine (ARYM). Une
tangibles, sans que le spectre imminent des pro-        autre proposition plaide pour une plus grande au-
blèmes liés au statut – en particulier ceux liés au     tonomie pour le nord. Les éléments de base de
nord du Kosovo et au statut des monastères ortho-       cette proposition se retrouvent à la fois dans le
doxes au sein du Kosovo – n’empêche toute possi-        plan d’Ahtisaari et le plan en six points du secré-
bilité de dégager un accord sur plusieurs fronts.       taire général Ban Ki-moon qui insiste sur des me-
D’autres problèmes se posent. La Serbie va tenir        sures pragmatiques en rapport avec le contrôle,
des élections générales en 2012 qui vont res-           le régime douanier, la justice et les infrastruc-
treindre davantage la marge de manœuvre politique       tures, en plus d’une autonomie locale dans les
domaines de l’éducation et de la culture, et des         vention ultime de l’OTAN ainsi que de plusieurs
           institutions spéciales pour Mitrovica (dont l’uni-       années de mise sous tutelle des Nations unies.
           versité et l’hôpital).                                   Néanmoins, ces insistances répétées n’ont pas
                                                                    empêché d’autres mouvements sécessionnistes
                                                                    d’évoquer l’exemple du Kosovo pour motiver ou lé-
           S’agissant du nord du Kosovo, un                         gitimer leurs propres revendications spécifiques.
           partage de la souveraineté                               Des groupes ethno-nationaux ont cherché à dé-
                                                                    fendre le précédent international que le Kosovo a
           pourrait constituer la base la plus
                                                                    créé à leurs yeux. En effet, nombreux sont ceux qui
           saine en vue d’un accord durable                         ont considéré que l’arrêt de la CIJ constituait une
           entre le Kosovo et la Serbie                             victoire dans leurs cas respectifs. Les mouvements
                                                                    sécessionnistes au sein et en dehors des frontières
                                                                    de l’UE continuent de faire valoir que le Kosovo est
Bilan

           Toutefois, considérer le nord comme un ‘condo­           un modèle pour leurs causes respectives.
           minium’ – « un territoire politique (État ou zone        Le Caucase – une région d’une importance straté-
           frontalière) au sein ou à propos duquel deux puis-       gique croissante pour l’UE – a connu une forte ins-
           sances souveraines ou plus conviennent officielle-       tabilité depuis. La décision de la Russie de recon-
           ment de partager un dominium à parts égales              naître l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de
           (dans le sens de la souveraineté) et d’exercer           l’Abkhazie en août 2009 a témoigné de l’incapacité
Med.2011

           conjointement leurs droits, sans le diviser en “zo­      de l’Occident à définir ce qui constitue ou non un
           nes nationales” » – constitue une solution plus in-      précédent. Privé de tout poids juridique et diplo­
           novante passant par le partage de la souveraineté        matique, l’OTAN n’a rien pu faire pour empêcher
           sur le territoire contesté. Le cadre juridique et po-    l’indépendance de facto de ces deux régions sé-
           litique spécial du district de Brcko en Bosnie et        cessionnistes. Entre-temps, les Arméniens et les
           Herzégovine est une illustration d’un tel accord au      Azer­baïdjanais se sont disputés le territoire contes-
           niveau régional. Étant une unité administrative au-      té du Haut-Karabakh, alors que la province mol-
 234

           tonome, les pouvoirs de ce district en matière de        dave de Transnistrie a demandé la reconnaissance
           gouvernance découlent des deux entités du pays,          de son indépendance à l’échelon international.
           la Republika Srpska et la Fédération, le district ap-    Dans le cadre de l’effondrement violent de l’an-
           partenant simultanément aux deux et sa population        cienne Union soviétique et de ses propres conflits
           étant composée de citoyens des deux entités. Le          ethno-nationaux gelés, le précédent du Kosovo a
           district de Brcko – comptant une assemblée, une          donc immédiatement pris forme.
           administration, des forces de l’ordre et un pouvoir      Le cas du Kosovo pourrait avoir des répercussions
           judiciaire qui lui sont propres – a été salué comme      profondes pour les missions de maintien de la paix
           étant une innovation institutionnelle qui lutte avec     des Nations unies dans le monde. Évoquant les
           succès pour un territoire stratégiquement impor-         pays dont il est nécessaire d’obtenir l’assentiment
           tant et contesté. S’agissant du nord du Kosovo, un       pour tout déploiement des Nations unies, Andreas
           partage de la souveraineté pourrait constituer la        Zimmermann, professeur de droit international à
           base la plus saine en vue d’un accord durable            l’Université de Postdam, a formulé la mise en garde
           entre le Kosovo et la Serbie.                            suivante : « Si ces pays, forts de l’expérience du
                                                                    Kosovo, devaient conclure que l’arrivée de forces
                                                                    de maintien de la paix constitue la première étape
           Le précédent du Kosovo ?                                 de la sécession d’une région en crise en quête
                                                                    d’indépendance, cela engendrerait un dangereux
           Les partisans de l’indépendance du Kosovo ont            précédent ». Les craintes de Zimmermann sont
           longtemps insisté sur le fait qu’elle constitue un cas   telles qu’il a décrit la procédure actuellement en
           sui generis sans précédent pour les autres diffé-        cours devant la CIJ comme de « la plus haute im-
           rends de même nature. Cette issue inévitable dé-         portance pour le fonctionnement du système glo-
           coule du contexte unique engendré par la chute de        bal des Nations unies et sa capacité à préserver et
           l’ex-Yougoslavie, des atrocités qui ont été perpé-       à restaurer la paix ainsi que la sécurité internatio-
           trées dans le cadre de son morcellement, de l’inter-     nales ».
Conclusions                                             de fabrique de l’Europe elle-même. À défaut, la po-
                                                        sition internationale du Kosovo sera figée et les Bal-
La position internationale du Kosovo au lendemain       kans occidentaux risqueront d’être exposés à une
de l’avis consultatif de la CIJ souffre des divisions   plus grande instabilité. La capacité du Kosovo à sur-
dommageables au sein de l’UE de même que des            monter les obstacles entravant son intégration ré-
inquiétudes à l’échelle internationale quant au pré-    gionale, européenne et internationale dictera donc la
cédent que le cas du Kosovo est susceptible de          mesure dans laquelle le Kosovo constituera un pré-
constituer non seulement pour d’autres mouvement        cédent.
sécessionnistes mais également pour des missions
de maintien de la paix des Nations unies et la réso-
lution de conflits de manière plus large. Le Kosovo     Références
doit lui aussi répondre à plusieurs questions quant à
sa viabilité économique et son engagement à dé-         Bancroft, Ian, A dark cloud hangs over Kosovo,

                                                                                                                 Bilan
fendre l’État de droit. Afin de surmonter ces obs-         UN Global Experts 2011, disponible à l’adresse
tacles, il devra impliquer la Serbie dans un proces-       suivante : www.theglobalexperts.org/comment-
sus de dialogue et de négociation qui peut                 analysis/dark-cloud-hangs-kosovo.
déboucher sur un accord durable qui, en fin de          Bancroft, Ian et Gallucci, Gerard, Crafting A
compte, rendra possible un processus grâce au-             Special Status For Northern Kosovo, 2010,
quel les deux camps pourront progresser sur la voie        disponible à l’adresse suivante : www.rferl.org/

                                                                                                                 Med.2011
de l’adhésion à l’UE.                                      content/Crafting_A_Special_Status_For_Nor
                                                           thern_Kosovo/2148191.html.
                                                        Cour internationale de Justice, Conformité au droit
La capacité du Kosovo à                                    international de la déclaration unilatérale d’indé-
surmonter les obstacles entravant                          pendance relative au Kosovo, 2008, disponible
                                                           à l’adresse suivante : www.icj-cij.org/docket/
son intégration régionale,
                                                           files/141/15988.pdf.

                                                                                                                  235
européenne et internationale                            Cour internationale de Justice, Opinion dissidente
dictera donc la mesure dans                                de M. le juge Bennouna, 2008, disponible à
laquelle le Kosovo constituera un                          l’adresse suivante : www.icj-cij.org/docket/files/
                                                           141/16000.pdf.
précédent
                                                        Marty, Dick (2010), Le traitement inhumain de per-
                                                           sonnes et le trafic illicite d’organes humains au
Cela constitue un incitant clé potentiel pour un com-      Kosovo, Commission des questions juridiques
promis et des concessions dans la région. Il reste         et des droits de l’homme, Conseil de l’Europe,
primordial de résoudre la question du nord du Ko-          2010, disponible à l’adresse suivante : http://
sovo à cet égard. Pour ce faire, il conviendra de re-      assembly.coe.int/CommitteeDocs/
courir à des solutions innovantes en matière de sou-       2010/20101218_fjdoc462010provamended.
veraineté et d’autonomie qui sont devenue la marque        pdf.
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