LA PRIME AU BOISEMENT DES TERRES AGRICOLES. QUELS ENJEUX POUR L'AVENIR ?

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LA PRIME AU BOISEMENT
                            DES TERRES AGRICOLES.
                         QUELS ENJEUX POUR L'AVENIR ?
                                                                                     D. PÉLISSIE

            Par décret n° 91-1227 du 6 décembre 1991, le ministère de l'Agriculture et de la Forêt a adopté
            le principe de verser une prime annuelle aux exploitants agricoles qui boisent tout ou partie de
            leur exploitation.
            Cette mesure a été prise en application des dispositions retenues le 29 mai 1989 (règlement CEE
            n° 1609/89 modifiant, en matière de boisement des superficies agricoles, le règlement CEE
            n° 797/85 relatif à l'amélioration de l'efficacité des structures de l'agriculture) à l'occasion de
            l'adoption du « paquet forestier » (cf. D. Bavard, B. Chevalier in Revue forestière française,
            vol. XLII, n° 1, 1990).
            Elle constitue une inflexion dans la politique forestière. Pour la première fois, en effet, les
            exploitants agricoles français sont considérés es qualité comme des acteurs du boisement. Une
            telle conception justifie une approche intégrée incluant des dispositions financières particulières,
            ainsi que des modalités d'application tenant compte, non seulement d'objectifs de politique
            forestière, mais aussi de la nécessité de maintenir un équilibre dans l'occupation de l'espace
            rural, à même de satisfaire les diverses catégories qui y vivent.
            Au-delà de l'exposé des objectifs et des dispositions mises en place il y a quelques mois, il
            paraît utile de dresser un premier bilan de leur application et d'analyser les perspectives
            d'évolution, à la lumière des nouvelles mesures adoptées en matière de boisement par le
            Conseil des ministres européens le 30 juin 1992.

            LES OBJECTIFS

            Le point de vue de la collectivité

            Au niveau communautaire, la prime au boisement s'insère dans un dispositif plus large destiné à
            favoriser le boisement des terres agricoles. Cette action, abordée sous l'angle des politiques
            agricoles communes et de protection de l'environnement, vise à geler à long terme des
            potentiels de production agricole de la Communauté, à accroître la protection de l'environne-
            ment, notamment en substituant des modalités de mise en valeur extensive du territoire à des
            processus de production agricole parfois très intensifs. Enfin, conformément aux termes du

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D. PÉLISSIÉ

document de stratégie communautaire dans le secteur forestier, adopté par le Conseil des
ministres en 1989, le boisement contribuera, à terme, à combler le déficit de la CEE en bois et
produits dérivés du bois qui avoisine 140 milliards de francs par an.
La prime au boisement constitue, dans ce cadre, l'instrument par lequel la collectivité apporte
un concours financier aux exploitants qui s'engagent dans le boisement alors que cet investisse-
ment n'est pas à court terme un élément de réponse aux difficultés que connaît le monde
agricole.

L'exploitant agricole devient donc un opérateur qui travaille pour l'avenir et reçoit une rémunéra-
tion de la collectivité pour ce faire.
L'ensemble de ces objectifs peut être retenu au niveau national. Il faut néanmoins souligner les
réticences de certains représentants du monde agricole à s'engager dans une politique de gel
durable, celle-ci pouvant à terme réduire la possibilité d'accompagner un redémarrage de la
demande solvable de produits agricoles.
Du point de vue forestier, le boisement des terres agricoles s'insère parfaitement dans le cadre
de la politique nationale de boisement et de reboisement conduite depuis la Libération. Rappe-
lons brièvement que celle-ci vise à développer une ressource ligneuse pérenne en vue de
combler progressivement le déficit de notre commerce extérieur en bois et produits du bois.
Cela implique que des efforts de boisement ou de reboisement destinés à la production de bois
d'œuvre soient réalisés avec une grande régularité dans le temps, et pendant une période
couvrant la durée du cycle de production des essences plantées pour contribuer à approvision-
ner de façon durable les industries utilisatrices de cette ressource. Force est de constater que le
principe de régularité n'a pas été pleinement satisfait. En effet, le rythme des plantations aidées
par l'État, qui s'élevait à 57 000 ha/an jusqu'aux années soixante-dix, a progressivement diminué
pour atteindre environ 36 000 ha/an.
Dès lors, la prime au boisement peut apparaître comme un moyen d'incitation supplémentaire
permettant de porter le rythme de réalisation à un niveau souhaitable que l'on peut situer à
50 000 ha/an, ceci pour peu que les moyens financiers soient ajustés pour répondre à cette
demande. De surcroît, la CEE, qui prend en charge 25 % des dépenses engagées dans la limite
de certains plafonds, apporte un élément de réponse, certes partiel, à cette dernière question.

Il convient enfin de souligner le rôle majeur que joue la forêt en faveur de la protection de
l'environnement : lutte contre l'érosion, maintien d'une faune et d'une flore « naturelles », régula-
risation du régime des eaux, fixation de carbone atmosphérique contribuant à la maîtrise de
l'effet de serre. À cet égard, rappelons que le rôle de la forêt et, en particulier, l'opportunité de
favoriser l'extension des superficies boisées, notamment dans les pays développés, ont été
réaffirmés dans la Déclaration sur les forêts adoptée lors de la conférence des Nations-Unies sur
l'environnement et le développement (Rio de Janeiro, juin 1992).

Le point de vue de l'exploitant agricole

L'exploitant peut saisir cette opportunité, pour boiser des terres dont le revenu brut est inférieur
au montant cumulé de la prime et des incidences financières positives des contreparties fiscales
et sociales découlant du boisement. Compte tenu du niveau de la prime, ce cas peut notamment
se produire dans les régions d'élevage ou de culture extensifs dans lesquelles l'exploitant peut
légèrement intensifier sa production après réalisation du boisement sans pour autant remettre en
cause l'équilibre de son exploitation.

Ce faisant, l'exploitant réalise, avec l'appui financier de la collectivité, un investissement qui
générera éventuellement des recettes au moment de sa retraite, et qui permettra à son succes-
seur de diversifier ses revenus.

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La prime au boisement des terres agricoles. Quels enjeux pour l'avenir?

                                           ÉVOLUTION DES SURFACES BOISÉES AVEC L'AIDE DE L'ÉTAT
                    Les chiffres indiquent les moyennes centrées calculées sur 5 ans des superficies boisées de 1947 à 1991

                                                                             BOISEMENT ET REBOISEMENT
                                                                            (FONDS FORESTIER NATIONAL)

                                                                                                         BOISEMENT ET REBOISEMENT
                                                                                                             (BUDGET DE L'ÉTAT)

           30 000

                      55 879      60 403       57 289        60 986    50 796         46 358     '37 387        24 981     35 283
                                                  i
                                                  I
                                                  I
                                                                               I                         I                    1 I
                                       55             1960                   1970         75          1980           85        1990

                                                                       Source : DERF - Bureau de la Production forestière. 1992.

            LE DISPOSITIF MIS EN PLACE EN 1991

            Les dispositions financières et sociales

            Rappelons très brièvement les principaux éléments financiers et sociaux du dispositif.
            Le montant de la prime est de 1 0OO F/ha/an. Compte tenu de sa modicité, il n'a pas été jugé
            nécessaire de le moduler en fonction de la nature de la terre boisée, ni en fonction du revenu
            généré par la précédente culture.
            La prime est versée pour une durée variant de 5 ans pour les taillis à courte rotation, à 15 ans
            pour les Chênes français et le Hêtre. Cette durée est de 7 ans pour les Peupliers conduits en
            futaie et de 10 ans pour les résineux et les feuillus à croissance rapide (Merisier, Chêne rouge
            d'Amérique, Frêne, Érable sycomore, Noyer).
            Le bénéfice de cette prime est réservé aux chefs d'exploitation inscrits à ce titre à la Mutualité
            sociale agricole, ce qui implique la mise en valeur d'une superficie supérieure à la moitié de la
            surface minimum d'installation admise dans le département.
            Un exploitant fermier peut bénéficier de la prime s'il a obtenu l'accord de son propriétaire pour
            boiser. Deux possibilités sont ouvertes dans ce cas. Soit les terrains boisés restent dans le
            champ du bail, auquel cas un avenant précisant notamment les conditions de sortie du bail,
            d'entretien de la plantation et de location doit être conclu entre preneur et bailleur. Soit les
            terrains boisés sortent du champ du bail, auquel cas l'exploitant bénéficiaire de la prime peut
            entretenir la plantation pour le compte du propriétaire, celui-ci ayant en toute logique boisé à
            ses frais.
            La prime est versée sous réserve de l'entretien de la plantation pendant une durée de 15 ans
            ainsi que du maintien du statut de chef d'exploitation du bénéficiaire.

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Le bénéfice de la prime est cumulable avec celui d'une aide à l'investissement pour réaliser la
plantation.
Le propriétaire et, le cas échéant, l'exploitant peuvent bénéficier des contreparties fiscales
découlant du boisement.
Les cotisations sociales de l'exploitant sont assises sur l'évaluation forfaitaire cadastrale de la
forêt. L'exploitant conserve son statut de chef d'exploitation même si, à l'issue du boisement,
moins de la moitié de la surface minimum d'installation admise dans le département reste
consacrée à la production agricole.

Conditions d'attribution liées à la nature du projet de boisement

Ces conditions ont été définies en fonction des objectifs suivants :
    — assurer la viabilité économique des projets de boisement ;
     — concevoir le projet de boisement avec le souci de préserver ou d'améliorer l'équilibre de
l'usage de l'espace rural.
Le respect de ces objectifs a nécessité la définition d'un cadre national et d'un cadre départe-
mental en vue de rechercher une adéquation satisfaisante aux différentes situations pouvant se
présenter au niveau local.

• Le cadre national
Les projets de boisement éligibles à la prime doivent satisfaire aux conditions techniques (nature
des essences ou des clones, densités de plantation, qualité des plants) et de superficies exigées
pour l'attribution d'une aide à la plantation imputée sur le budget du Fonds forestier national.
Ces règles ont été modifiées en 1989 et en 1990 pour tenir compte des possibilités d'abaisse-
ment des densités de plantation offertes par l'utilisation de plants de qualité améliorée et pour
anticiper les évolutions en matière d'entretien et d'exploitation du bois qui laisseront une place
croissante à la mécanisation (îlots de boisement portés à 4 ha pour les résineux et les feuillus
sociaux) ; enfin, elles permettent de limiter les risques de fermeture des paysages par des
boisements en « timbre-poste » (seuil d'éligibilité des projets porté à 10 ha au lieu de 5 ha pour
les boisements réalisés hors forêt, sauf dérogation régionale pouvant abaisser ce plancher à
4 ha).
Les boisements réalisés dans le cadre de la politique de restauration des terrains de montagne
sont également éligibles à la prime.

• Le cadre départemental
La définition de ce cadre a été le point central des discussions relatives aux conditions
d'attribution de la prime qui ont eu lieu entre les pouvoirs publics, la profession agricole et les
propriétaires agricoles et forestiers.
La profession agricole était en particulier très attachée à ce que toutes les précautions soient
prises pour éviter les boisements susceptibles de porter atteinte à la viabilité des exploitations,
et d'empêcher leur développement ou de freiner les possibilités d'installation de jeunes agricul-
teurs. Il était demandé en substance que la prime soit attribuée exclusivement dans les
communes ayant défini un zonage agriculture-forêt en application des articles L 52-1 (réglemen-
tation des boisements) et L 52-4 du Code rural (délimitation de zones après réalisation d'une
opération d'aménagement foncier agricole et forestier). Une telle position était susceptible de
restreindre considérablement la portée de cette mesure, de nombreuses communes n'ayant pas
réalisé cette démarche.

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La prime au boisement des terres agricoles. Quels enjeux pour l'avenir?

            Il fut décidé qu'en dehors des périmètres de zonage, le préfet définirait des conditions particu-
            lières d'attribution de la prime, après avis de la commission départementale d'aménagement
            foncier réunie dans sa composition élargie aux propriétaires forestiers.
            En outre, l'élaboration de ces conditions doit tenir compte :
                 — de la nécessité de maintenir à la disposition des agriculteurs des terres indispensables à
            l'équilibre économique des exploitations — seul objectif clairement retenu pour procéder au
            zonage agriculture - forêt — ;
                  — des objectifs de préservation ou d'amélioration de l'environnement ;
                  — des priorités définies au niveau local en matière de boisement ;
                  — des potentialités de maintien ou de développement des activités touristiques.
            La prise en compte de ces objectifs élargit la portée de la réflexion nécessaire à l'élaboration
            des conditions d'attribution. Elle est nécessaire si l'on considère les boisements, non seulement
            comme une composante essentielle de la politique forestière, mais aussi comme un élément à
            part entière de l'aménagement du territoire.
            • Le cas particulier des zones sensibles aux incendies
            Les préfets des départements où se trouvent des massifs sensibles aux incendies ont été
            sollicités pour définir des zones d'exemption de la prime après avis de la commission consulta-
            tive départementale de la protection civile.
            Alors que la politique de prévention des incendies de forêt repose dans certaines zones très
            largement sur le cloisonnement des massifs par des espaces cultivés, il convient en effet de ne
            pas encourager le boisement dans ces espaces. En revanche, s'agissant du risque d'incendie, le
            boisement peut être préférable à l'extension d'une friche non entretenue. Dès lors, il peut être
            utile d'inciter à boiser certaines zones et de freiner simultanément l'extension forestière dans
            des zones jouant un rôle de cloisonnement.

            UN PREMIER BILAN MITIGÉ

            Après quelques mois d'application, un premier bilan peut être dressé. Celui-ci repose sur une
            enquête réalisée auprès des services extérieurs du ministère de l'Agriculture et de la Forêt du
            15 juin 1992 au 30 juin 1992, ainsi que sur les informations qui ont pu être recueillies.

            Un niveau d'incitation insuffisant
            II est certainement trop tôt pour juger du bon ajustement du niveau de la prime. Au 1er juil-
            let 1992, environ 140 dossiers de demande avaient été déposés auprès des Directions départe-
            mentales de l'Agriculture et de la Forêt. La superficie primée à la fin de l'exercice 1992 devrait
            se situer à environ 1 200 hectares, si l'on considère une superficie moyenne de projet égale à
            10 hectares et un taux de refus de 10 %. Ce résultat est très modeste. Rappelons en effet que
            les boisements de terres agricoles aidés par l'État ont concerné en moyenne 13 000 hectares par
            an au cours des trois dernières années.
            Des éléments conjoncturels peuvent expliquer cette faible demande. Le premier semestre 1992 a
            représenté en effet pour les exploitants une période d'incertitude extrême en raison des
            négociations relatives à la réforme de la politique agricole commune. La diffusion par la presse
            des plafonds de prime au boisement proposés par la Commission des Communautés euro-
            péennes à l'occasion de ces négociations, et dont la mise en application se traduirait par un
            quadruplement du niveau actuellement proposé en France, a certainement incité certains exploi-
            tants à reporter leur projet de boisement.

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D. PÉLISSIÉ

   NOMBRE DE DOSSIERS
EN COURS D'INSTRUCTION
OU FINANCÉS AU 1-7-1992

                           0

                    de 1 à 6

                   de 7 à 11

                  de 12 à 15

                   15 et plus

           REVENU BRUT
   D'EXPLOITATION (RBE)
  PAR HECTARE EN 1990.
               MOYENNE
       DÉPARTEMENTALE
             (en francs)

            moins de 2 361 F

          de 2 361 à 2 983 F

          de 2 984 à 3 509 F

          de 3 510 à 4 371 F

           de 4 372 à 5 680 F

          de 5 681 à 22 433 F

                                              Source : SCEES.

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La prime au boisement des terres agricoles. Quels enjeux pour l'avenir?

            Malgré ces réserves, le montant actuel de la prime paraît insuffisant pour inciter certains
            exploitants à boiser. On peut en effet considérer que le seuil minimal incitatif doit être proche du
            résultat brut d'exploitation (RBE)(1), ramené à l'hectare. L'estimation du RBE moyen départemen-
            tal par hectare en 1990 (source SCEES) montre qu'il est compris dans une fourchette de 1 200
            à 15 000 F par hectare. Selon cette hypothèse, le montant actuel de la prime ne pemettrait de
            satisfaire qu'une demande marginale reposant en particulier sur les exploitations gérées de
            façon très extensive. Les réformes récemment adoptées en matière de régulation des marchés
            ne devraient pas modifier cette conclusion dans la mesure où, pour une enveloppe globale
            constante d'aides à l'agriculture, des soutiens directs, proportionnels au nombre d'hectares
            cultivés ou au cheptel, viennent compenser le manque à gagner résultant de la baisse des prix
            garantis des produits agricoles.

            Prise en compte des préoccupations relatives à l'aménagement du territoire

            Après deux années d'application, on peut constater que les règles nationales relatives à
            l'attribution des aides du Fonds forestier national, applicables pour la prime, n'ont pas eu pour
            effet de faire baisser la demande de boisement des terres agricoles comme certains le crai-
            gnaient. Ces règles permettront d'éviter le mitage de l'espace rural par de nouveaux boisements.
            La définition au niveau départemental de règles d'attribution prenant en compte des objectifs
            très vastes a constitué, à l'évidence, une nouveauté par rapport aux errements antérieurs. Ces
            modalités ont conduit les services extérieurs du Ministère, et en particulier les services en
            charge des forêts, à consulter les instances représentatives de la profession agricole. Un
            dialogue accru s'est instauré. Par ailleurs, les Directions départementales de l'Agriculture et de
            la Forêt se sont retrouvées en position de devoir définir des orientations ou (et) des procédures
            d'élaboration de ces orientations en matière d'usage de l'espace rural, ayant ainsi la possibilité
            d'affirmer leur compétence dans ce domaine.
            Néanmoins, cette démarche nouvelle a pu mettre certains services en difficulté en l'absence
            d'une méthodologie précise pour aborder ce type de problèmes. De fait, une part importante
            des départements ont défini des règles générales d'attribution de la prime plus sévères que
            celles précisées au niveau national (distance des lignes d'arbre par rapport aux fonds agricoles
            voisins, interdiction de boisement dans les périmètres irrigués ou sur des terres agricoles
            drainées), en s'en remettant parfois à l'avis de la CDAF pour l'attribution de la prime ou en
            demandant à chaque commune de définir un zonage adapté (Ain, Haute-Savoie, ...). D'autres ont
            adopté une attitude plus volontariste, en définissant des zones interdites ou réglementées
            s'appuyant sur des documents ou des procédures de classement existants (schémas d'orienta-
            tion des carrières, périmètres de protection des captages, sites classés, zones naturelles
            d'intérêt écologique, faunistique et floristique...).
            La distinction faite entre les zones où seule la réglementation des boisements s'applique et les
            zones où le préfet doit définir des conditions d'application faute de réglementation a été une
            source de difficulté. En effet, certains départements ont constaté que les zonages agriculture -
            forêt réalisés dans le cadre de la procédure réglementaire n'étaient pas adaptés à la problémati-
            que, du fait d'une mise en place trop ancienne et d'objectifs de zonage restreints au seul
            maintien de la viabilité des exploitations. Il conviendra certainement de revoir cette question et
            d'envisager, si besoin est, une extension des mesures particulières définies par les préfets à
            l'ensemble du territoire.
            Il apparaît, en définitive, que cette procédure de définition des règles aura eu un impact positif
            en permettant un dosage de la mesure en fonction du contexte local, et en permettant

            (1) Le résultat brut d'exploitation est égal au produit des livraisons auquel on ajoute les ressources (primes d'assurance,
            subventions) et duquel on retranche les consommations intermédiaires et les charges d'exploitation (salaires, impôts fonciers,
            taxes...).

                                                                        485

Rev. For. Fr. XLIV - 6-1992
D. PEUSSIE

l'accentuation du dialogue entre forestiers, propriétaires et agriculteurs. De surcroît, cette
démarche a permis de confirmer la compétence des services extérieurs dans le domaine de la
gestion de l'espace rural et leur capacité à organiser une concertation sur un sujet aussi
sensible.
Il serait certainement opportun d'envisager à terme une extension de l'utilisation de cette
procédure pour l'attribution de l'ensemble des aides au boisement des terres agricoles. Le
dispositif français d'aides au boisement gagnerait ainsi en cohérence.

PERSPECTIVES DU BOISEMENT DES TERRES AGRICOLES PAR LES EXPLOITANTS

Prime au boisement et nouveau régime d'aide communautaire au boisement des terres agricoles

La Communauté économique européenne a adopté le 30 juin 1992 un règlement renforçant le
régime d'aides aux mesures forestières en agriculture (règlement CEE n° 2080/92). Ces disposi-
tions ont été définies dans le cadre des mesures d'accompagnement de la réforme de la
politique agricole commune. S'appuyant sur les résultats insuffisants enregistrés avec le précè-
dent régime d'aides (règlement CEE n° 2328/91 articles 25 et 26), le Conseil a décidé de porter
la contribution de la Communauté à hauteur de 50 % des dépenses engagées au niveau national
par l'État et les collectivités territoriales. S'agissant de la prime au boisement, le Conseil a
étendu son application aux personnes privées autres que les exploitants dans la limite d'un
plafond d'aide éligible au remboursement communautaire d'environ 1 000 F par hectare et par an
sur 20 ans. Ce plafond est porté de 1 000 à 4 000 F lorsque la prime s'adresse à des exploitants
agricoles. Les États de la Communauté ont l'obligation de mettre en œuvre un régime d'aides au
 boisement des terres agricoles comprenant tout ou partie de ces mesures. Ils doivent définir les
conditions d'application et, en particulier, ils fixent le niveau des aides, a priori dans la limite
 des plafonds du règlement.
En adoptant ces principes, la Communauté a pris acte de la faiblesse du montant de la prime
proposée antérieurement aux exploitants. En second lieu, elle cherche à s'appuyer sur d'autres
acteurs pour réaliser les boisements : les propriétaires privés, personnes physiques ou morales
qui peuvent bénéficier de l'ensemble du régime d'aide et les collectivités.
L'adoption de ces dispositions montre la volonté de la Communauté de promouvoir le boisement
des terres agricoles. Cette volonté est d'autant plus marquée que la lutte contre l'excès d'effet
de serre est désormais un objectif affiché par la CEE et figure en tant que tel dans ce
règlement.
Ceci étant, ce nouveau dispositif introduit une question essentielle : est-il fondé de s'appuyer
sur les exploitants agricoles pour la réalisation de boisements ?

Le boisement et les exploitants agricoles

La présence permanente des exploitants en milieu rural, leurs compétences, leur sens aigu de la
gestion des milieux naturels les prédisposent à jouer un rôle particulier dans le boisement des
terres agricoles. Des tendances lourdes et antérieures vont néanmoins en sens inverse.
Les exploitants délaissent de plus en plus la forêt. La surface boisée des exploitations diminue
plus vite que le territoire total des exploitations (cf. B. Cinotti in Revue forestière française,
vol. XLIV, n° 4, 1992) notamment à la faveur des successions. Cette attitude a eu pour consé-
quence, dans de nombreuses régions, une perte de compétence forestière des exploitants
d'autant plus marquée que ceux-ci sont jeunes. Ce phénomène est la conséquence d'une
spécialisation accrue, justifiée par les modes de soutien communautaire à la production et
amplifiée par les organismes de conseil et de développement.

                                                486
La prime au boisement des terres agricoles. Quels enjeux pour l'avenir?

            Il est évident par ailleurs que le soutien aux exploitants boisant leur terre nécessite une
            contribution financière plus importante que celle résultant du soutien apporté à d'autres acteurs,
            ne serait-ce que parce que leur capacité d'investissement est réduite et orientée essentiellement
            vers la production agricole.

            Un avenir mitigé pour la prime au boisement réservée aux exploitants

            La logique de spécialisation du métier d'exploitant, liée à l'intensification et qui a prévalu jusque
            là, devrait céder la place pour une partie des exploitations à une logique de diversification des
            activités. Les mesures en cours d'élaboration, entérinées par le Comité interministériel d'aména-
            gement du territoire du 28 novembre 1991, tendant à faciliter sur le plan fiscal et en matière de
            cotisations sociales la prise en compte de la pluriactivité des agriculteurs, vont dans ce sens.
            De plus en plus, l'exploitant devrait optimiser la gestion de son système d'exploitation et non
            accroître sa production. La forêt constitue à l'évidence un facteur d'optimisation.
            Le rôle des exploitants agricoles est de plus en plus compris dans notre société en relation avec
            l'occupation de l'espace.
            On ne pourra exclure très longtemps les possibilités qu'offrent la forêt, et en particulier les
            boisements, en terme de revenus potentiels pour les exploitants et d'emplois créés en milieu
            rural. L'entretien de la forêt et la transformation des bois génèrent une activité diffuse en milieu
            rural. Les exemples de l'économie forestière des départements des Landes ou de la Dordogne
            l'indiquent à l'évidence (4 000 emplois en Dordogne pour la seule transformation). La forêt n'est
            pas assimilable au désert. Elle contribue, lorsque sa gestion est assurée, à fixer la population en
            milieu rural.
            Dans le contexte d'une Politique agricole commune (PAC) rénovée, le boisement et, plus
            largement, l'entretien et l'exploitation de la forêt devraient logiquement prendre une place
            accrue dans l'activité des agriculteurs. Le passage à de telles conceptions nécessitera cepen-
            dant du temps et l'adaptation des appareils de formation et de conseil auprès des agriculteurs,
            sous réserve d'une réussite de la Politique agricole commune quant aux ambitions affichées en
            matière de protection accrue de l'environnement et de diversification de l'activité des exploitants
            agricoles.

            CONCLUSIONS

            Quoi qu'il en soit, la prime au boisement des terres agricoles n'est pas à elle seule suffisante
            pour induire les changements de comportement nécessaires à une implication accrue des
            exploitations agricoles dans le boisement mais constitue un élément important d'incitation.
            Seule, la mise en œuvre d'un programme cohérent permettrait de répondre à cette ambition. Ce
            programme devrait inclure, non seulement un renforcement des incitations financières, mais
            aussi les aspects fonciers (réorganisation foncière préalable au boisement, ...), ainsi que le
            traitement des questions relatives au conseil et à la formation initiale et continue des exploitants
            dans le domaine forestier. L'économie des exploitations agrosylvicoles devrait également faire
            l'objet d'analyses poussées afin d'établir des références utiles à la profession agricole.
            Une politique en faveur du boisement des terres agricoles apparaît comme un outil efficace pour
            résoudre les difficultés d'aménagement du territoire que crée la libération des terres agricoles,
            en liaison avec les évolutions actuelles de l'agriculture. La nécessité accrue de lutter contre
            l'excès d'effet de serre devrait encore renforcer la pression pour l'adoption de mesures vigou-
            reuses dans ce domaine.

                                                               487

Rev. For. Fr. XLIV - 6-1992
D. PÉLISSIE

Depuis le milieu du XIXe siècle, la forêt progresse en Europe et le rythme de cette progression
tend à s'accélérer.

Les facteurs qui expliquent cette progression sont toujours en action et seront peut-être
renforcés par les modifications intervenues dans la régulation des marchés agricoles. L'enjeu
sera de maîtriser ce phénomène pour aboutir en particulier à une mise en valeur forestière du
territoire réalisée selon des modalités satisfaisantes pour la collectivité. Les exploitants agricoles
ont de nombreux atouts pour jouer un rôle essentiel dans ce domaine. Il reste à convaincre ces
partenaires que cet enjeu est important pour eux.

                                                                                             D. PÉLISSIÉ
                                                                              Chef du Bureau de la Production forestière
                                                                                      Sous-Direction de la Forêt
                                                                         DIRECTION DE L'ESPACE RURAL ET DE LA FORÊT
                                                                                      1 ter, avenue de Lowendal
                                                                                             75007 PARIS

LA PRIME AU BOISEMENT DES TERRES AGRICOLES. QUELS ENJEUX POUR L'AVENIR ? (Résumé)
La décision d'attribuer une prime annuelle compensant la perte de revenu des exploitants agricoles qui boisent une terre agricole
a constitué une inflexion notable de la politique forestière.
Des dispositions particulières d'attribution ont été mises en œuvre en liaison avec la profession agricole, et se sont traduites par
la définition d'un cadre national et départemental permettant une bonne adéquation aux objectifs recherchés et une adaptation à
chaque situation locale.
Le bilan de la première campagne est certes mitigé, mais les perspectives ouvertes par la réforme de la politique agricole
commune et l'adoption d'un nouveau règlement européen permettant le renforcement des aides au boisement des terres
agricoles, devraient déboucher vers une implication accrue des agriculteurs dans le secteur de la forêt. La prime n'est pas à elle
seule suffisante pour induire les changements de comportement nécessaires, mats elle constitue un élément important à intégrer
dans un dispositif plus large qu'il serait nécessaire de concevoir pour appuyer cette politique.

THE BONUS FOR AFFORESTING AGRICULTURAL LANDS. WHAT STAKES FOR THE FUTURE ? (Abstract)
The décision to pay an annual bonus as compensation for income loss to farmers who afforest agriculturaf lands was a
considérable change in forestry policy.
Spécial payment conditions were worked out with the agricultural communities and led to the préparation of national and régional
policies that were instrumental in meeting the set goals and catering to each local situation.
The results of the first instalment were partly successful but the reform in the common agricultural policy and the adoption of new
European rules hâve opened new prospects for strengthening rneasures to encourage afforestation of agricultural lands and
should lead to increased involvement of farmes in the forestry sector. The bonus alone is not enough to bring about the
necessary changes in behaviour but constitutes an important component in a broader System that is yet to be designed in
support of this policy.

DIE PRÀMIE ZUR AUFFORSTUNG VON LANDWIRTSCHAFTLICHEN FLÀCHEN. WELCHE PERSPEKTIVEN FUR DIE ZUKUNFT ?
(Zusammenfassung)
Die Entscheidung eine jàhrliche Pràmie als Ausgleich des Einkommensverlusts den Landwirten zukommen zu lassen, die eine
bisher landwirtschaftlich genutzte Flàche aufforsten, steltt eine bemerkenswerte Kursànderung in der Forstpolitik dar.
Zusammen mit den landwirtschaftlichen Berufsorganisationen wurden besondere MaGnahmen der Zuteilung ausgearbeitet, die sich
in der Erstellung eines nationalen und departementalen Rahmens niedergeschlagen haben und die eine gute Angleichung an die
angestrebten Zîele und die Anpassung an die jeweilige lokale Situation erlauben.
Wenn auch das Ergebnis der ersten Phase bescheiden ist, so dùrften doch die durch die gemeinsame Landwirtschaftspolitik
erôffneten Perspektiven und die Annahme einer neuen europaischen Regelung, die eine Verstarkung der Hilfen zur Aufforstung
erlaubt, auf eine grôflere Beteiligung der Landwirte auf dem Forstsektor hinauslaufen. Die Pràmie allein genùgt nicht um die
notigen Verhaltensanderungen einzuleiten, aber sie ist ein wichtiges Elément, das in einen noch auszuarbeitenden breiter
gespannten Rahmen eingeplant werden muR, um dièse Politik zu unterstûtzen.

                                                                488
LA PRIMA A LA PLANTACIÔN DE ARBOLES EN TIERRAS AGRÎCOLAS : £ QUE ENVITE PARA EL PORVENIR ? (Resumen)
            La décision de atribuir una prima anual, compensando la pérdida de ingresos de los explotantes agricolas que plantan en tierra
            agricola, ha constituido una réflexion notable de la politica forestal.
            Ciertas disposiciones particulares de atribuciôn, han sido puestas en marcha en relaciôn con la profesiôn agraria y se han
            traducido por la definiciôn de un cuadro nacional y departamental que permite una buena adecuaciôn a los objetivos buscados y
            una adaptaciôn a cada situaciôn local.
            El balance de la primera campafïa es mitigado, claro, pero las perspectivas abiertas por la reforma de la politica agraria comûn y
            la adopciôn de un nuevo reglamento europeo, que permite reforzar las ayudas a la plantaciôn de tierras agricolas, deberian
            acarrear una implicaciôn acrecentada de los agricultures en el sector forestal. La prima sola no es suficiente para induir a los
            cambios de comportamiento necesarios, pero si constituye un elemento importante a integrar en un dispositivo mâs amplio, que
            séria necesario concebir para apoyar esta politica.

                                   JEAN-MARC VENET,
                               CHERCHEUR ET PÉDAGOGUE
                                       (1911-1991)

            Professeur en tous points remarquable, J.-M. Venet a également pris une part active au dévelop-
            pement des recherches sur le bois en France, à la fois par les travaux qu'il a menés à bien
            personnellement ou qu'il a dirigés, et par les vocations qu'il a encouragées ou suscitées.

           En matière de recherche, comme en matière d'enseignement, il                                a joué un rôle essentiel à
           l'interface forêt-bois montrant, plus que cela n'avait été fait avant                      lui, la très grande variabilité
           du bois et cherchant à définir les moyens à mettre en œuvre pour                           que la forêt française puisse
           produire, dans des conditions économiquement satisfaisantes, un                            matériau-bois d'aussi bonne
           qualité que possible.

            Sa thèse de Docteur-Ingénieur, soutenue en 1958 et intitulée « Étude de la résistance mécanique
            des bois de mine en fonction des facteurs de la production forestière », traduit parfaitement ces
            préoccupations. Elle constitue, sauf erreur, la première tentative de prise en compte des effets
            de la sylviculture et du milieu sur la valeur technologique d'un produit ; les problèmes liés à la
            variabilité de la matière première élaborée en forêt y sont largement évoqués, avec, comme
            conséquence, la nécessité de recourir à des tests statistiques (domaine nouveau à l'époque
            auquel une vingtaine de pages sont consacrées) pour mettre en évidence, de façon valable,
            l'influence de tel ou tel facteur sur les diverses propriétés étudiées.

            Les recherches de J.-M. Venet sur le thème qu'il avait lui-même intitulé •< Découpes et classe-
            ment » sont également très importantes d'un point de vue économique, puisqu'elles tendent à
            bien connaître les différentes qualités des diverses parties d'une grume afin de déterminer
            l'utilisation la plus valorisante pour chacune d'elles.

            En matière d'élagage artificiel, aussi, J.-M. Venet a fait œuvre de pionnier, en montrant l'intérêt
            de cette intervention, pratiquée alors seulement sur les branches mortes, pour améliorer la
            qualité du bois produit.

                                                                           489

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