La restitution des biens coloniaux aux pays africains : plus qu'une simple question morale 2018/20
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2018/20 La restitution des biens coloniaux aux pays africains : plus qu’une simple question morale Pascal De Gendt Analyses & Études 1 Questions sociales Siréas asbl 2
2018/20 La restitution des biens coloniaux aux pays africains : plus qu’une simple question morale par Pascal De Gendt Analyses Analyses & & Études Études Questions Politiquesociales 3 internationale Siréas asbl
Nos analyses et études, publiées dans le cadre de l’Education permanente, sont rédigées à partir de recherches menées par le Comité de rédaction de SIREA.. Les questions traitées sont choisies en fonction des thèmes qui inté- ressent notre public et développées avec professionnalisme tout en ayant le souci de rendre les textes accessibles à l’ensemble de notre public. Éditeur responsable : Mohamed Ben Abdelkader. Ces publications s’articulent autour de cinq thèmes Questions sociales Droits de l’Homme Migrations Politique Internationale Économie Toutes nos publications peuvent être consultées et téléchargées sur nos sites www.lesitinerrances.com et www.sireas.be, elles sont aussi disponibles en version papier sur simple demande à educationpermanente@sireas.be Vous pouvez réagir sur notre forum consacré au sujet : www.lesitinerrances.com Siréas asbl Avec le soutien Service International de Recherche, de la Fédération d’Éducation et d’Action Sociale asbl Wallonie-Bruxelles Secteur Éducation Permanente Rue du Champ de Mars, 5 – 1050 Bruxelles Tél. : 02/274 15 50 – Fax : 02/274 15 58 educationpermanente@sireas.be www.lesitinerrances.com 4
L a réouverture du Musée royal de l’Afrique centrale (MRAC), à Tervueren, a amené dans le champ médiatique la question de la restitution du patrimoine africain volé lors de la colonisation. Selon les estimations, plus de 90% des œuvres d’art classique africain, par exemple, seraient en-dehors du continent. Plusieurs pays réclament donc aujourd’hui les objets, documents ou ossements détenus par les ex-puissances colonisatrices. Alors que la Belgique est à la traîne par rapport à des pays voisins comme la France ou l’Allemagne, des associations ont mis ce dossier sur la table des autorités politiques. Dans nos sociétés multiculturelles et dans le contexte des relations internationales, notamment entre Europe et Afrique, cette problématique recèle de nombreux enjeux. Nous allons tenter d’en exposer quelques-uns. La Belgique et le crâne de Lusinga En réalité, la question de la restitution est sur le tapis depuis plus longtemps que cela. Mais le débat a repris vigueur ces dernières années en étant porté par le Conseil représentatif des associations noires (CRAN), une ONG internationale. En Belgique, c’est l’asbl BAMKO-CRAN, le Comité féminin et afro-descendant pour l’interculturalité, qui se retrouve à la pointe de ce combat. Le 30 septembre dernier, l’association, rejointe par une série de signataires provenant principalement du monde académique, a publié dans le quotidien « Le Soir » une carte blanche titrée « Restitution des trésors coloniaux : la Belgique est à la traîne ! ». (1) Il y était noté qu’aujourd’hui des parents africains vivant sur ce continent ne peuvent montrer leur patrimoine culturel à leurs enfants puisque tout ou presque a été dérobé. Malicieusement, les signataires voient dans cette 5
situation un frein au développement de l’Afrique. En effet, comment développer le tourisme, destiné à devenir la première industrie du XXIe siècle selon la Banque mondiale, si le patrimoine culturel a été emporté ? Une question qui devrait interpeller les nombreux dirigeants qui considèrent qu’il faut aider l’Afrique à se développer économiquement pour diminuer les flux migratoires. Mais si la restitution comporte donc un volet économique, elle est davantage une question de morale et de droit. Avant de développer ces deux aspects, revenons sur les deux actualités récentes qui ont posé les termes du débat dans notre pays. La première est le résultat d’une enquête du journaliste Michel Bouffioux pour l’hebdomadaire Paris-Match Belgique. Au cours de celle-ci, publiée en plusieurs fois, il découvrait l’existence d’une collection macabre comportant près de 300 crânes, 12 fœtus et 8 squelettes ramenés d’Afrique Centrale en Belgique à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. (1) Collectés pour le compte de la Société d’anthropologie de Bruxelles, ils se sont ensuite retrouvés dans les collections d’anthropologie anatomique de l’ex-Musée du Congo avant, en 1964, d’être transférés vers l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique (IRSBN). Quelques pièces sont également conservées à l’Université Libre de Bruxelles (ULB). Ce n’est toutefois qu’en 1996 que l’IRSBN procéda au décompte de ces ossements et découvrit qu’il manquait les documents d’acquisition. (3) Dans cette collection restée si longtemps enfouie se trouvait le crâne de Lusinga, un chef local « insoumis » qui avait été décapité. L’enquête revient sur les conditions de sa mort et le parcours de son « bourreau » pour bien éclairer dans quelles circonstances ont été constituées certaines collections muséales. Lusinga Iwa Ng’ombe était un chef Tabwa. Refusant de se soumettre à l’autorité du militaire belge Emile Storms, qui commandait entre 1882 et 1885 une expédition de l’Association Internationale Africaine, il a avait été tué. Et les villages sous son autorité avaient été pillés puis incendiés tandis que les habitants étaient assassinés, violés ou capturés. Emile Storms, ce militaire qui collectionnait les têtes des chefs insoumis, est mort et enterré depuis 1918 mais une statue le représentant trône depuis 1909, square de Meeûs à Bruxelles. (4) À 700 m. du Musée des Sciences naturelles où sont enfermés dans des boîtes, à l’abri des regards, les crânes de deux de ses victimes, les chefs Marilou et Lusinga. Tout un symbole est- on tenté d’écrire. Storms avait ramené un troisième crâne, celui du prince Mpampa mais personne ne sait où il se trouve. D’autres fruits de ses pillages, comme des statuettes, sont exposées au Musée de Tervueren. 6
Une réaction politique. Et puis ? Tous ces ossements sont la propriété de l’État belge. C’est donc le ministre ou le secrétaire d’État à la police scientifique, qui assurent la tutelle sur les établissements scientifiques fédéraux tels l’IRSNB, qui sont compétents pour décider du sort de cette collection macabre. Au moment d’écrire ces lignes, c’est Sophie Wilmès (MR), ministre du Budget et de la Fonction publique, qui a repris cette compétence suite au remaniement ministériel consécutif au départ de la N-VA du gouvernement. Avant elle, cette matière était du ressort de la secrétaire d’État, Zuhal Demir (N-VA). Une fois cette remarquable enquête publiée, en mars 2018, elle s’était montrée ouverte à une restitution. Via sa porte-parole, elle déclarait ainsi le 30 mars à Paris-Match Belgique : « Nous ne sommes pas responsables de ce qui s’est passé il y a plus de cent ans, mais nous le sommes de ce que nous faisons de ces restes humains aujourd’hui. Clairement, ces crânes ne sont pas des objets de musée. Ce sont des restes de personnes humaines identifiées. Nous leur devons le respect. Dès lors, si une famille congolaise apparentée devait les réclamer, je serais favorable à une évolution du cadre légal afin de permettre leur restitution. » (5) Quelques mois plus tard, en commission de la Politique scientifique, elle se montrait plus nuancée en annonçant la mise en place d’un groupe administratif « composé de collaborateurs appartenant à mon administration et aux établissements scientifiques fédéraux concernés par cette problématique. Je soumettrai au gouvernement les résultats formulés par ce groupe de travail accompagnés éventuellement d’une proposition d’adaptation du cadre juridique. La décision finale reviendra au gouvernement ». (3) Si un tel groupe est censé survivre aux turbulences politiques actuelles, il faut voir quelle sera la position sur cette problématique de la ministre actuelle et du responsable politique qui héritera de la matière dans le gouvernement qui sera formé après les élections de mai 2019. Un musée décolonisé ? Le renvoi devant une commission de l’affaire du crâne de Lusinga n’a toutefois pas enterré le débat sur la restitution. Celui-ci s’est même offert un nouveau coup de projecteur il y a peu lors de la réouverture du Musée royal de l’Afrique Centrale (dites AfricaMuseum désormais). Fleuron du patrimoine muséal belge pendant plus de 60 ans, il avait fermé ses portes le 1er décembre 2013 pour une transformation de fond en comble. (4) 7
Cet archétype du musée colonial, aux collections riches de près de 200.000 pièces dont 75% auraient été acquises durant la période coloniale, ambitionne de devenir autre chose qu’« un placard à trophées à la gloire des colons belges ». (6) Il revendique ainsi une lecture critique de la période coloniale et une plus grande place laissée aux artistes africains. Une déclaration d’intention qui laisse froids l’asbl BAMKO-CRAN et les signataires de la carte blanche déjà citée. Considérant que la volonté de dialogue interculturel de l’institution ne peut être fondée sur des pillages et meurtres coloniaux, ils demandaient un moratoire sur l’ouverture du musée et l’exposition d’objets acquis de manière violente. (1) Par la bouche de présidente Mireille-Tseuhi Robert, l’asbl demande également la mise sur pied d’une commission pour déterminer l’origine des pièces muséales et déterminer lesquels ont été acquis par la violence, la ruse ou la tromperie. Tout en précisant que « restitution ne veut pas forcément dire retour physique des œuvres ». (7) Le directeur de l’AfricaMuseum, Guido Gryseels, reconnaît qu’il faut mener des recherches approfondies sur la provenance des collections et la façon dont les pièces ont été collectées. (8) Mais sa volonté semble être d’avancer prudemment : « Comment va-t-on définir l’acquisition illégale de certaines pièces ? Est-ce que le fait qu’elles aient été collectées pendant la période coloniale est suffisant pour dire que c’est illégal ? » (9) Il préfère évoquer la mise sur pied d’un inventaire qui serait ensuite mis à disposition des musées africains. Mais à la place d’une restitution pure et simple, il parle de prêts à long terme et d’expositions itinérantes. (7) Un premier pas vers le Rwanda L’actuel ministre de la Coopération au Développement, Alexander De Croo (Open VLD) se déclare, pour sa part, prêt à discuter de restitution avec les directeurs de musée et les experts des pays concernés. Il est d’ailleurs prévu qu’en 2019, une délégation d’archivistes rwandais soient accueillis en Belgique dans le cadre de la numérisation des archives royales, ainsi que celles de l’AfricaMuseum, qui concernent ce pays. Une enveloppe de 400.000 euros est prévue pour ce travail qui devrait aboutir à la mise à disposition de ces archives pour le Rwanda. (10) Un premier pas qui en appelle d’autres. Lors d’un débat participatif 8
au Parlement bruxellois - « Restitution des biens culturels africains : question morale ou juridique ? », le 16/10/2018 – Louis-Georges Tin, Premier ministre de l’État de la diaspora africaine, une association internationale qui milite pour la réparation des crimes coloniaux, signalait au 72 députés bruxellois francophones présents que la Belgique était à la traîne dans cette problématique de la restitution. Pour Mireille-Tseuhi Robert, cela s’explique notamment par le fait que le Musée de l’Afrique Centrale est un symbole, une vitrine d’un passé colonial qui a toujours été motif de fierté pour la Belgique. Le critiquer reviendrait à critiquer la royauté puisque le Congo belge est indissociable de la figure de Léopold II. (8) On notera d’ailleurs que l’actuel roi Philippe n’a pas participé aux cérémonies officielles de réouverture de l’AfricaMuseum. Signe d’une gêne évidente. En effet, les milieux royalistes n’acceptent pas la remise en cause croissante de l’action du deuxième roi des Belges au Congo. Tout comme les nationalistes dénoncent ce qu’ils appellent la « repentance coloniale », à savoir la remise en cause de ce qui était vu à l’époque comme une « mission civilisatrice », peu importe l’asservissement de peuples considérés comme inférieurs, le massacre des réticents et le pillage du patrimoine et des ressources. Un problème légal À l’issue du débat devant le Parlement bruxellois, il a été décidé de la constitution d’un groupe d’experts ainsi que de l’adoption d’une résolution, proposant des amendements à la loi pour permettre concrètement des restitutions, qui devrait être partagée avec les autres parlements du pays. (10) En attendant que les autorités agissent, BAMKO-CRAN propose aux particuliers de leur remettre les objets provenant du Congo en leur possession. Ils seront transférés au Forum international des souverains et leaders traditionnels africains qui est chargé de retrouver les familles, lignées et villages d’où proviennent ces biens. Et si cela est impossible, ils seront donnés à des musées africains. Nous l’avons déjà noté : la restitution est une problématique notamment légale. En effet, les collections de musées publics font partie du patrimoine de l’État et ce droit de propriété est réputé inaliénable. C’est-à-dire qu’il ne peut être remis en cause. En 1970, la Convention de l’ONU « concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels » tente bien de résoudre le problème en obligeant les États parties à envisager la restitution des biens volés. Mais ses effets ne portent que sur les biens volés après son entrée en 9
vigueur. (11) Et les ex-États colonisateurs ne se sont pas bousculés pour la ratifier. Il a fallu ainsi attendre 2009 pour que la Belgique la signe. Dans un rapport, commandé par le président français Emmanuel Macron et présenté à la fin du mois de novembre, l’historienne de l’art française Bénédicte Savoy et l’universitaire sénégalais Felwine Sarr préconisent de signer des accords bilatéraux, entre la France et les pays africains demandeurs, prévoyant qu’il peut être fait exception au code du patrimoine pour les objets de collections de musées sortis de leur territoire d’origine pendant la période coloniale. (12) En définissant, notamment, quels biens doivent faire l’objet d’une restitution puis en imaginant les modalités de mise en œuvre de celle-ci, le rapport a fait grand bruit. Des craintes ont été exprimées de voir des musées français vidés de leur contenu. Felwine Sarr se veut pourtant rassurant : « Les conservateurs que nous avons rencontrés ne sont pas intéressés de tout reprendre d’un coup, ils sont intéressés par des objets à valeur symbolique. Ce n’est pas tout ou rien ». (13) Critiques paternalistes et colonialistes Tant en Belgique qu’en France, une partie des critiques à l’encontre de ce processus de restitution n’ont pas pu éviter les vieux réflexes paternalistes, voire colonialistes. Suite à la publication du rapport Sarr-Savoy, des conservateurs de musée et des historiens ont de suite mis en avant le problème de conservation des œuvres si elles retournaient en Afrique. Un continent où, selon eux, les infrastructures culturelles manquent ou sont en mauvais état. On a pu lire le même type de propos en Belgique. Supposer que les institutions culturelles africaines ne peuvent pas remplir la mission de sauvegarde de leur patrimoine est un préjugé paternaliste, colonialiste et méprisant. Comme le relève le Pr Thioub, recteur de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal) : « Les sociétés africaines, les Africains, ont produit ces œuvres, les ont conservées pendant des siècles, la conquête coloniale par sa violence abrupte a capté ces biens culturels alors qu’ils n’étaient pas destinés à des musées. » (14) Les auteurs de la carte blanche publiée dans Le Soir se demandent, pour leur part, si les pays qui ont volé des biens, et brûlé et détruit de nombreux autres durant les guerres coloniales, sont bien placés pour donner des leçons « sur la sécurité et le respect dû aux œuvres d’art en Afrique ? » (1). 10
En plus de ces relents colonialistes, ce souci pour la conservation du patrimoine africain s’avère infondé. Comme le signale les deux rapporteurs français, qui ont séjourné dans plusieurs pays d’Afrique, il existe environ 500 musées sur le continent. Et si une partie d’entre eux peut effectivement avoir des problèmes d’infrastructure, d’autres sont tout à fait en mesure d’accueillir leurs trésors volés. (13) Du reste, ces problèmes d’infrastructure existent également en Europe où la culture est souvent un parent pauvre des budgets publics. Doit-on rappeler qu’en 2016, des seaux étaient placés dans certaines salles du Musée royal des Beaux-Arts de Belgique pour recueillir l’eau s’écoulant du plafond ? Deux ans plus tard, la situation est d’ailleurs à peine améliorée par des réparations de fortune qui lâcheront sans doute un jour ou l’autre. (15) À l’instar de l’asbl BAMKO-CRAN on peut enfin se demander si c’est bien au receleur de définir les conditions de restitution d’un objet volé. Le philosophe camerounais Achille Mbembe s’étonne ainsi de voir que dans ce débat, droit de propriété et acte de créer ont été complètement dissociés. Comme si la question de savoir qui était l’auteur de la création n’était plus importante à partir d’un moment où un État s’en emparait et le déclarait « propriété inaliénable ». Créer une œuvre ne serait donc plus une condition suffisante que pour en réclamer la propriété. Il y voit une distorsion du droit qui, dans ce cas, servirait à sacraliser des rapports de force et d’extorsion. Or, rappelle-t-il : « Il n’y a guère de droit qui soit complètement détaché de toute obligation de justice. Là où le droit ne sert pas la justice, il doit être amendé. » (16) Demandes africaines, réponses européennes Il nous semble donc important de répondre aux demandes africaines de restitution. Le Bénin a posé officiellement la sienne. Le gouvernement sénégalais a déclaré qu’il souhaitait la restitution de l’ensemble de ses œuvres d’art qui se trouvent dans les musées français. Cameroun, Nigéria, Éthiopie et Mali se sont déjà dits prêts également. Et dernièrement, le président congolais Joseph Kabila a annoncé qu’une requête officielle de restitution parviendrait à la Belgique en 2019. (17) Pour notre pays, ce sera l’occasion d’avancer dans ce dossier. Les autorités pourront s’inspirer de ce qui se fait déjà ailleurs. Dans la foulée de la remise du rapport Sarr-Savoy, Emmanuel Macron, qui avait lui-même relancé le débat lors de son discours du 28 novembre 2017 à Ouagadougou (Burkina Faso), a posé un geste de bonne volonté en décidant de rendre 26 regalias (des objets symboliques de royauté) au Bénin. Ils avaient été pris par le général 11
Dodds dans le palais du Béhanzin en 1892. (18) À la fin du mois d’août, c’est l’Allemagne qui organisait une cérémonie officielle pour restituer des restes humains, dont des crânes, aux autorités namibiennes. Ces ossements provenaient de la guerre coloniale menée au début du XXe siècle contre les peuples Herero et Nama. (19) Et de l’autre côté de l’océan, au Canada, le débat sur la restitution aux communautés autochtones pré-coloniales remontent à 40 ans lorsqu’en 1978, le musée canadien de la Civilisation décidait de franchir le pas et d’organiser une cérémonie traditionnelle pour rendre des objets de sa collection. Depuis, d’autres musées ont emboîté le pas, des provinces ont légiféré sur le sujet et le gouvernement fédéral étudie un projet de loi. (20) Une question d’équilibre Il nous semble important que la Belgique s’engage de manière sérieuse et déterminée dans cette voie. C’est évidemment une question de justice et d’éthique. Après avoir pillé ce continent, peut-on décemment refuser à ses habitants l’accès à leur propre patrimoine ? Peut-on encore garder de larges parties de leur histoire dans des vitrines ou dans des caisses auxquelles seuls quelques scientifiques ont accès ? Ne dit-on pas qu’il faut savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va ? Ce débat entourant la restitution doit être inscrit explicitement dans un contexte de réparation des crimes coloniaux. (21) Il ne s’agit pas d’un simple geste diplomatique envers des pays avec lesquels la Belgique partage une part d’histoire commune. La restitution doit être, sans ambiguïté, un geste par lequel le colonisateur reconnaît ses torts. Ce serait le premier volet d’un « travail de mémoire approfondi, sur des crimes commis au nom de la “ civilisation “ et méconnus chez nous. » (4) Il est plus que temps que la Belgique, qui fut entièrement partie prenante dans le partage européen de l’Afrique, ose regarder cette partie sombre de son histoire en face. Cette conclusion est d’ailleurs valable pour l’ensemble des pays colonisateurs. Il n’est pas seulement question de rétablissement d’une vérité historique : sans ce travail de mémoire approfondi et sans tabou, il est illusoire de vouloir prétendre bâtir une relation saine, où toutes les parties se retrouvent sur un pied d’égalité, avec les ex-pays colonisés. De la même manière, ce processus de reconnaissance de tort, mais aussi de souffrances causées à l’autre, est sans doute une étape obligatoire dans la lutte contre un racisme structurel qui mine le vivre-ensemble dans nos sociétés. 12
Bibliographie (1) BAMKO-CRAN asbl, « Restitution des trésors coloniaux : la Belgique est à la traîne » (en ligne) c 2018. Consulté le 01/12/2018. Disponible sur : https://docs.wixstatic.com/ugd/3d95e3_ ebf1ce40b4534d5383b4ae254e1d9014.pdf (2) Paris Match, « Lusinga... Et 300 autres crânes d’Africains conservés à Bruxelles (partie 1) : un vieux registre du Musée du Congo » (en ligne) c 2018. Consulté le 24/05/2018. Disponible sur : https://parismatch.be/actualites/societe/144577/lusinga-et-300-autres- cranes-dafricains-conserves-a-bruxelles-partie-1-un-vieux-registre-du- musee-du-congo (3) Paris Match, « Collections coloniales de restes humains : le gouvernement encommissionne Lusinga » (en ligne) c 2018. Consulté le 28/09/2018. Disponible sur : https://parismatch.be/actualites/societe/178487/collections-coloniales- de-restes-humains-le-gouvernement-encommissionne-lusinga (4) RTBF, « Biens coloniaux belges : une restitution inéluctable » (en ligne) c 2018. Consulté le 04/12/2018.Disponible sur : https://www.rtbf.be/info/article/detail_biens-coloniaux-belges-une- restitution-ineluctable-safia-kessas?id=10088952 (5) Paris Match, « Crâne de Lusinga : le gouvernement belge favorable à une restitution des restes humains » (en ligne) c 2018. Consulté le 28/09/2018. Disponible sur : https://parismatch.be/actualites/132376/exclusif-crane-de-lusinga-le- gouvernement-belge-favorable-a-une-restitution-des-restes-humains (6) Libération, « Restitutions : le British Museum va prêter des œuvres africaines. Le débat fait rage en Belgique » (en ligne) c 2018. Consulté le 07/12/2018. Disponible sur : https://next.liberation.fr/culture/2018/12/07/restitutions-le-british- museum-va-preter-des-œuvres-africaines-le-debat-fait-rage-en- belgique_1696337 (7) La Libre Afrique, « La restitution d’œuvres en débat chez les anciens colonisateurs » (en ligne) c 2018. Consulté le 22/11/2018. Disponible sur : https://afrique.lalibre.be/27766/la-restitution-dœuvres-en-debat-chez- les-anciens-colonisateurs/ 13
(8) Le Point, « Bruxelles : doit-on « décoloniser » l’Africa Museum ? » (en ligne) c 2018. Consulté le 09/12/2018. Disponible sur : https://www.lepoint.fr/culture/bruxelles-doit-on-decoloniser-l-africa- museum-09-12-2018-2277723_3.php (9) RTBF, « Restitution d’œuvres d’art : le président congolais Joseph Kabila annonce une requête officielle » (en ligne) c 2018. Consulté le 07/12/2018. Disponible sur : https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_restitution-d-uvres-d-art- le-president-congolais-joseph-kabila-annonce-une-prochaine-requete- officielle?id=10092049 (10) RFI, « Belgique : la restitution du patrimoine africain en débat » (en ligne) c 2018. Consulté le 07/12/2018. Disponible sur : http://www.rfi.fr/afrique/20181102-belgique-restitution-patrimoine- africain-debat (11) Le Figaro, « Des musées des Pays-Bas se disent prêts à restituer leurs trésors coloniaux » (en ligne) c 2018. Consulté le 04/12/2018. Disponible sur : http://www.lefigaro.fr/arts-expositions/2018/12/04/03015- 20181204ARTFIG00023-des-musees-des-pays-bas-se-disent-prets-a- restituer-leurs-tresors-coloniaux.php (12) Le Figaro, « Restitution d’œuvres à l’Afrique : des experts proposent d’amender le code du patrimoine » (en ligne) c 2018. Consulté le 04/12/2018. Disponible sur : h t t p : / / w w w. l e f i g a r o . f r / f l a s h - a c t u / 2 0 1 8 / 1 1 / 2 0 / 9 7 0 0 1 - 20181120FILWWW00389-restitutions-d8217uvres-a-l-afrique-des- experts-proposent-d-amender-le-code-du-patrimoine.php (13) France 24, « Où, comment, à qui ? Les questions que pose la restitution du patrimoine africain » (en ligne) c 2018. Consulté le 28/11/2018. Disponible sur : https://www.france24.com/fr/20181128-restitution-patrimoine- africain-rapport-savoy-sarr-benin-quai-branly (14) Agence de Presse Sénégalaise, « La restitution des biens culturels fait ressurgir l’idéologie coloniale » (en ligne) c 2018. Consulté le 29/11/2018. Disponible sur : 14
http://aps.sn/actualites/article/le-professeur-ibrahima-thioub-estime- que-les-africains-sont-bien-capables-de-conserver-leurs-œuvres (15) Vivre Ici, « Les musées des Beaux-Arts, laissés pour compte de la rénovation ? » (en ligne) c 2018. Consulté le 12/12/2018. Disponible sur : http://www.vivreici.be/article/detail_les-musees-des-beaux-arts-laisses- pour-compte-de-la-renovation?id=212902 (16) Le Monde, « La vérité est que l’Europe nous a pris des choses qu’elle ne pourra jamais restituer » (en ligne) c 2018. Consulté le 01/12/2018. Disponible sur : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/01/achille-mbembe-la- verite-est-que-l-europe-nous-a-pris-des-choses-qu-elle-ne-pourra-jamais- restituer_5391216_3212.html (17) RTBF, « Restitution d’œuvres d’art : le président congolais Joseph Kabila annonce une requête officielle » (en ligne) c 2018. Consulté le 07/12/2018. Disponible sur : https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_restitution-d-uvres-d-art- le-president-congolais-joseph-kabila-annonce-une-prochaine-requete- officielle?id=10092049 (18) Le Monde, « Restitutions au Bénin: des œuvres à valeur historique » (en ligne) c 2018. Consulté le 30/11/2018. Disponible sur: https://www.lemonde.fr/culture/article/2018/11/30/restitutions-au- benin-des-uvres-a-valeur-historique_5391030_3246.html (19) Paris Match, « Collections coloniales de reste humains : l’Allemagne montre l’exemple à la Belgique » (en ligne) c 2018. Consulté le 30/11/2018. Disponible sur : https://parismatch.be/actualites/societe/167994/collections-coloniales- de-restes-humains-lallemagne-montre-lexemple-a-la-belgique (20) RFI, « Restitution des œuvres : le Canada, un exemple à suivre pour la France ? » (en ligne) c 2018. Consulté le 04/12/2018. Disponible sur : http://www.rfi.fr/ameriques/20181204-restitution-œuvres-le-canada- exemple-suivre-france (21) BAMKO-CRAN, « Restitutions postcoloniales : de quoi parle-t- on ? » (en ligne) c 2018. Consulté le 04/12/2018. Disponible sur : https://docs.wixstatic.com/ugd/3d95e3_ d6100c6979f9470193d222cee21f3d78.pdf 15
Pascal De Gendt La restitution des biens coloniaux aux pays africains : plus qu’une simple question morale La réouverture du Musée royal de l’Afrique centrale (MRAC), à Tervueren, a amené dans le champ médiatique la question de la restitution du patrimoine africain volé lors de la colonisation. Selon les estimations, plus de 90% des œuvres d’art classique africain, par exemple, seraient en- dehors du continent. Plusieurs pays réclament donc aujourd’hui les objets, documents ou ossements détenus par les ex-puissances colonisatrices. Alors que la Belgique est à la traîne par rapport à des pays voisins comme la France ou l’Allemagne, des associations ont mis ce dossier sur la table des autorités politiques. Dans nos sociétés multicuturelles et dans le contexte des relations internationales, notamment entre Europe et Afrique, cette problématique recèle de nombreux enjeux. Nous allons tenter d’en exposer quelques-uns. Siréas asbl Avec le soutien de la Fédération Service International de Recherche, Wallonie-Bruxelles d’Éducation et d’Action Sociale asbl Secteur Éducation Permanente Rue du Champ de Mars, 5 – 1050 Bruxelles Tél. : 02/274 15 50 – Fax : 02/274 15 58 16 educationpermanente@sireas.be – www.lesitinerrances.com
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