La transition Prendre son envol - ASRIMM
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Journal de l’Association Suisse Romande Intervenant contre les Maladies neuroMusculaires Septembre 2020 Covid-19, un révélateur de failles Dossier : La transition akse.ch ; un Accès pour Tous La transition Prendre son envol
SOMMAIRE 3 ÉDITORIAL Par Sébastien Kessler 4 COVID 19 · Le COVID un révélateur de failles · Le COVID-19 et la solidarité · Projet pour les personnes de 65 ans et plus 8 DOSSIER : LA TRANSITION · La transition · La transition « pédiatrique – adulte » au CHUV · Témoignage · La transition école · Témoignage · Les changements AI quand l’enfant devient adulte 18 CENTRES POUR DES MALADIES RARES 19 TÉLÉTHON 20 CULTURE & LOISIRS · akse.ch ; un Accès pour Tous 21 AGENDA · Journée proches-aidants · Journée intercantonale proches-aidants · Journée transition 22 ANNONCES 23 CONSULTATIONS NEUROMUSCULAIRES · Impressum entre nous 09.2020
ÉDITORIAL 3 La crise sanitaire du COVID-19 a été dure et n’est pas terminée. Une phase a certes été franchie mais d’autres nous attendent avec leurs lots d’incertitudes et difficultés : physiques, psychiques, sociales et économiques. Chacun a plus ou moins bien vécu cette année, les réa- lités ont été variées. Certains récupèrent en convalescence alors que d’autres vivent un deuil. Beaucoup ont profité d’une « pause » en famille dans leur jardin ; d’autres ont été plus isolés que d’habitude, immobiles ou angoissés, confinés dans leur corps comme dans leur tête. Et vous, de quelle catégorie faites-vous partie ? Pourtant la question importante n’est pas celle-ci. Mais plutôt de ne pas oublier les autres, ceux qui ont moins de chance : les anciens dans leur résidence, les familles qui dysfonctionnent et sont cloîtrées, les personnes dépendantes physiquement ou psychiquement, les per- Il faudra sonnes déjà en précarité, etc. Les conséquences du confinement – pourtant une juste mesure – vont se faire ressentir longtemps, écono- résumer les miquement notamment. difficultés vécues Mais comme on dit, de tout malheur, petit ou grand, il faut en faire pour en témoigner. quelque chose de positif. Par exemple, il faudra résumer les difficul- tés vécues pour en témoigner. A nous, membres et associations, d’y A nous, membres participer. L’ampleur de la crise est aussi à voir comme un point positif en cela qu’elle a touché tout le monde, handicapé ou pas. Cela peut et associations, être un puissant moyen de faire comprendre notre vécu « singulier » d’y participer. à ceux et celles qui, non handicapé·e·s, ne peuvent pas comprendre car ne vivent pas des difficultés respiratoires, un isolement au quoti- dien, une précarité économique, une crainte du futur, un immobilisme emprisonnant, etc. Au début du confinement, je me rappelle l’humour de personnes tétraplégiques sur les réseaux sociaux qui évoquaient être des « pros » de la distance sociale, du rationnement, du divertisse- ment induit par leur seul esprit. La « nouvelle normalité » devra être plus inclusive et passera par expliquer nos réalités, nos besoins, toujours et encore même si cela est épuisant, et par souligner tout ce qui nous ressemble plutôt que ce qui nous différencie entre êtres humains. Sébastien Kessler entre nous 09.2020
COVID-19 4 Le coronavirus, ce révélateur de failles ! Âgé de 46 ans, Carlo vit avec une amyotrophie spinale proximale, qui lui provoque une insuffisance respiratoire aigüe. Il vit avec sa fille Anne et exerce sa profession d’enseignant à temps partiel, de manière auto- nome grâce à ses quatre assistantes et assistants personnels, qu’il rétribue par le biais de la contribution d’assistance de l’assurance- invalidité (CA). Impossible de se passer de ses assistants Dès l’annonce des mesures exceptionnelles décrétées par le Conseil fédéral pour lutter contre le coronavirus, Carlo est resté strictement confiné, puisqu'il est une personne à risque. Mais comment respec- ter les consignes de distanciation sociale lorsqu’on dépend d’assis- tants pour tous les actes de la vie ordinaire ? Certes l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a publié très rapidement des informations à l’intention des bénéficiaires de la CA, notamment en ce qui concerne les relations de travail avec les assistants et le versement du salaire en cas d’absence. Et des absences, il y en a eu. Une de ses assistantes est mère de trois enfants en âge scolaire. La fermeture des écoles l’a ren- due indisponible pour Carlo jusqu’à fin avril, mais conformément aux directives de l’OFAS, il lui a versé trois jours de salaire et l’assistante a pu ensuite bénéficier des allocations pour perte de gain COVID-19. Heureusement, une amie de Carlo a pris au pied levé le relais de l’assis- tante empêchée, et Carlo a pu l’engager rapidement car l’AI a renoncé à contrôler le contrat de travail dans ce genre de situation. Anne était là aussi pour colmater les brèches. Le salon de coiffure où elle travaille ayant été fermé, elle a été quelques semaines au chômage partiel et donc plus disponible. Mais financièrement, c’était la galère. Impossible de rémunérer les proches Carlo aurait bien aimé verser à sa fille un salaire d’assistante. Mais l’OFAS s’y refuse toujours, en dépit d’une demande qui lui a été adres- sée début avril par le Groupe d’accompagnement art. 74 LAI (les orga- nisations de personnes handicapées au bénéfice de contrat de pres- tations). Impossible de respecter les mesures sanitaires En tant qu’employeurs, les bénéficiaires de la CA peuvent, dixit l’AI, contraindre leurs assistants à travailler, pour autant qu’ils respectent les règles d’hygiène. Mais comment faire lorsque les masques sont en rupture de stock et que le prix du désinfectant avoisine celui d’un grand cru de Bordeaux ? Les assistants personnels ne sont pas reconnus comme profession- nels de santé. Les personnes privées ne peuvent pas être approvi- sionnées en masques de protection, fussent-elles handicapées. Telle entre nous 09.2020
fut la réponse donnée à Carlo par la cellule de crise AGILE.CH s’engage depuis la fin des années 90 en mise en place dans son canton. En tant qu’employeur, faveur de la CA et poursuivra son combat pour amélio- Carlo n’était donc tout simplement pas en mesure de rer cette prestation à différents niveaux, au-delà de la respecter ses obligations de protéger son personnel, situation extraordinaire décrétée par le Conseil fédé- sans parler de sa propre protection et de celle de sa ral. Mais il serait temps que les bénéficiaires de la CA fille, qui l’aide à se lever et à se coucher. s’organisent en tant que branche professionnelle au niveau national. Cela leur permettrait d’être reconnus, Les leçons à tirer de la crise du COVID-19 de formuler des revendications communes, de faciliter 5 La rémunération des proches par le biais de la CA est leurs rapports de travail avec leurs assistants et de l’une des revendications des organisations de per- pérenniser l’assistance personnelle, qui garantit leur sonnes handicapées, qui soutiennent la motion que le autodétermination, comme le stipule la Convention de Conseiller national Christian Lohr (PDC/TG) a déposée l’ONU relative aux droits des personnes handicapées dans ce sens en 2012 déjà. La crise actuelle prouve (CDPH). que cette mesure est indispensable. AGILE.CH Nombre de bénéficiaires de la CA pointent du doigt les Catherine Rouvenaz difficultés liées au rôle d’employeur. D’autres problèmes Secrétaire romande, porte-parole, mai 2020 s’y sont ajoutés durant la crise, comme l’impossibilité d’endosser ses responsabilités d’employeurs et de ne pas être considéré en tant que tel. Les organisations de personnes en situation de handicap seront peut- être mieux entendues dans leurs demandes d’assou- plissement du modèle de l’employeur. Le COVID-19 et la solidarité Toute l’équipe de l’ASRIMM s’est mobilisée pour soutenir les membres durant la période de pandémie. Nous avons sollicité dès le début de la crise sanitaire différentes entreprises afin de recevoir du matériel de protection pour nos membres les plus vulnérables. ❱ L’entreprise Givaudan SA, basée à Vernier (GE) et spécialisée dans la fabrication d’arômes, de parfums et d’ingrédients actifs cosmétiques a généreusement offert 300 litres de solution hydroalcoolique. ❱ L’entreprise Boissons de Siebenthal SA, basée à Yverdon-les-Bains (VD) et active dans le commerce de boissons a offert à l’ASRIMM des centaines de bouteilles vides pour nous permettre de transvaser les litres de solution hydroalcoolique. ❱ L’entreprise Baudat Imprimerie, basée à la Vallée de Joux (VD) et active dans l’édition nous a offert l’impression des étiquettes autocollantes pour mettre sur les bouteilles. ❱ Le groupe de bénévoles « Covid-19 Vaud Makers» nous a fait don de visières de protections. ❱ La Schweizerische Muskelgesellschaft, nous a généreusement soutenu avec 2500 masques. ❱ Et enfin, les cantons de Vaud, Valais et Genève ont accédé à nos différentes sollicitations pour nous fournir des masques selon des critères bien établis. entre nous 09.2020
SOLIDARITÉ 6 Fin avril, une distribution directe a été réalisée par les collaborateurs du secrétariat et deux bénévoles à travers les cantons de Genève, Vaud, Valais, Fribourg, Neuchâtel et le Jura Bernois. Plus de 2000 kilomètres ont été parcourus pour livrer le matériel de protection directement dans les boîtes à lettre ou devant les portes de nos membres. L’ASRIMM remercie très chaleureusement tous ceux qui nous ont soutenus. Merci pour votre générosité, solidarité et votre investissement pour les autres pendant cette période difficile ! Réception des visières du groupe « COVID-19 Vaud Makers » Quelques mots de remerciement parmi de nombreux messages reçus par nos bénéficiaires : C'est vraiment une formidable nouvelle ! En fait, comme j'ai quelques personnes qui viennent s'occuper de moi, elles doivent très régulièrement se désinfecter les mains pour être certaines de réduire les risques... du coup, c'est le genre d'éléments qui s'utilisent très vite. MERCI beaucoup ! Prêt pour la distribution dans les Quelle bonne nouvelle dans cantons romands ! cette période si difficile. Un grand merci pour tous ces signes de solidarité Je tenais à vous dire un énoooooorme merci ! de la part de personnes et En cette période particulièrement difficile d’entreprises. C’est gentil pour nous les personnes vulnérables, cela fait d’avoir pensé à nous. chaud au cœur, en plus de recevoir tout cela directement à mon domicile m’a énormément Merci pour votre mail. soulagée ! J'accepte volontiers cette Prenez bien soin de vous tous. offre, car je rencontre actuellement beaucoup de difficultés à me procurer ce produit. Il est réconfortant de constater tous les élans de solidarité et d’aide qui sont apportés aux ainés, personnes handicapées ou fragiles pendant Grâce à vous tous, j’ai reçu cette crise sanitaire Covid-19. (…) des masques, une visière et de Un grand merci éga- Toute notre gratitude à l’ASRIMM la solution hydro alcoolique, lement pour le liquide et à l’entreprise Givaudan. Avec bref vous êtes mes mamans et hydro-alcoolique et les tous mes remerciements ! papas Noël du printemps. diverses enveloppes pleines de masques anti-corona ! Merci à l’entreprise Givaudan ainsi qu’à la Dream-team de l’ASRIMM. entre nous 09.2020
PROJET 7 Projet pour les personnes Vos interlocuteurs : de 65 ans et plus Jura / Berne Olivia Saucy Durant la période de confinement que nous avons traversée, la perte 079 120 66 64 de contacts sociaux a été parfois difficile, en particulier pour les per- olivia.saucy@asrimm.ch sonnes à risque. Les proches sont absents et au téléphone, il manque le contact visuel. Pour certains, l’informatique a alors joué un rôle pré- Fribourg / Neuchâtel pondérant dans la conservation des liens avec la famille et les amis. Mireille Geiser Seulement, beaucoup de personnes ne sont pas à l’aise avec cet 079 606 85 57 outil et n’ont pas pu avoir accès à ces facilités, en particulier chez les mireille.geiser@asrimm.ch seniors. Genève / Valais Dans cette optique, grâce à un soutien de la fondation Leenards, les Petra Benamo membres de l’ASRIMM de 65 ans et plus peuvent bénéficier de cours 079 121 77 25 d’informatique personnalisés. L’objectif étant d’apprendre à utiliser des petra.benamo@asrimm.ch programmes de visioconférences, dans le but d’entretenir les contacts avec la famille, mais aussi de participer à des groupes d’entraide Vaud virtuels, de bénéficier d’un entretien à distance avec une assistante sociale de l’ASRIMM, ou encore d’autres possibilités que peut offrir ce Carole Stankovic type d’outil. 079 120 68 95 carole.stankovic@asrimm.ch Si vous êtes intéressés à pouvoir bénéficier d’un soutien pour des cours d’informatique individuels et adaptés à vos besoins, veuillez contacter votre assistante sociale de référence au plus vite. entre nous 09.2020
LA TRANSITION 8 Introduction La transition est le passage d’un état à un autre et le retour en arrière n’existe pas. On attribue souvent à l’adolescence le terme de transi- tion. Il y en a pourtant d’autres, comme l’âge de la retraite, un divorce ou le veuvage, plus positif serait une formation réussie, une promotion professionnelle, le mariage ou la survenue d’un enfant peuvent aussi être considérés comme des périodes de transition. Une rupture avec un passé et une ouverture sur un devenir. En fait tous les jours de la vie sont des jours de transition, mais il ne s’agit pas ici de philosopher, l’auteur s’égare. L’adolescence L’idée que le jeune se fait de l’âge adulte et l’image qu’il se fait de lui à l’âge adulte peuvent être floues ou précises, et peuvent être très différentes l’une de l’autre. Tout dépend de son histoire personnelle et de son contexte de vie. Communément, l’âge adulte se réfère aux relations avec la société, à la trajectoire professionnelle, à un projet de famille, à un éventuel engagement politique et un choix de style de vie. En général, une transition très attendue chez les jeunes est celle d’avoir 18 ans et d’enfin être adulte ! Il y a bien entendu une part de mystère sur cet état ou ce devenir, mais il importe peu à ce moment, l’enthousiasme efface les éventuelles inquiétudes liées au changement. Et pourtant l’inconnu peut conduire à une perte de sécurité, « on sait ce qu’on a, mais on ne sait pas ce qu’on aura ». Que ce soit un ressenti d’excitation teinté ou non d’inquiétude, cette expérience est propre à chacun et repose sur l’expérience au changement, à la confiance, à la capacité d’adaptation. Cette période est ponctuée de quelques rituels, dont le bal des promotions. Bien entendu, l’adolescence se vit de manières différentes selon l’environnement familial et social, et dépend aussi des perspectives d’intégration au monde du travail et à l’inclusion sociale. Au niveau plus intime, c’est une période de découverte de soi et de son apparence et la métamorphose du corps. Il y a la responsabilité de son pouvoir de décision, le besoin d’autonomie et de vivre sa sexualité, les rencontres amicales ou amoureuses et les séparations, l’apparte- nance à un ou des groupes, les frustrations, les échecs et les espoirs, les réussites, que ce soit dans les études, dans l’exercice d’un art ou dans le sport. On s’accorde encore aujourd’hui à dire que les anciens ne comprennent pas les jeunes, mais le veulent-ils ? C’est avant tout un chemin solitaire et comme le signifiait Winnicott, l’adolescent n’aime pas se sentir com- pris 1. Si ce chemin est solitaire, c’est parce que le jeune le traverse à sa manière, avec ce besoin instinctif de se détacher progressivement de sa famille. 1 D.W. Winnicott, L’adolescence. De la pédiatrie à la psychanalyse, Paris, Payot, 1969 entre nous 09.2020
9 Vivre avec une maladie neuromusculaire depuis son Un des concepts de la transition veut que le/la jeune plus jeune âge ou un peu plus tard fait de cette période adulte prenne progressivement en main sa vie, ses de transition qu’est l’adolescence une période un peu envies, sa pathologie et ses besoins. En condition de plus complexe. Le jeune aura vécu déjà plusieurs « rup- bonne santé, cela exige déjà beaucoup de temps et tures » ou adaptations importantes, dont l’annonce d’investissements. La maladie neuromusculaire chro- du diagnostic, la perte de la marche, la présence nique amène une complexité supplémentaire, prendre d’une fratrie. Cette longue période qu’est la scolarité son autonomie malgré une possible dépendance d’au- confronte le jeune atteint à ce paradoxe difficile que trui, de loin pas facile. Une prise en charge très souvent sont ce besoin d’être un élève comme les autres, de pluridisciplinaire fragmentée entre les nombreuses faire comme et avec ses camarades et ce besoin tout spécialités médicales hospitalo-universitaires et de aussi important d’être respecté dans ses limites. Et par cabinet. En plus, tout un monde virevoltant autour du/ ailleurs le besoin de se détacher de sa famille alors de la principal(e) intéressé(e) : thérapeutes, écoles (ou qu’il en est fortement dépendant. C’est à cette période lieux de formation), des proches aidants/soutenants/ que ses médecins sont progressivement remplacés, garants, et bien d’autres personnes encore. il entre dans le monde de la médecine adulte et des assurances sociales adultes. Au CHUV, les équipes de neuroréhabilitation/neuro- musculaire pédiatrique et adulte ont construit au fil des Dans le cadre scolaire, beaucoup d’autres élèves pré- années un certain fonctionnement pour la transition à sentent des problématiques diverses et il est rassurant la consultation neuromusculaire. De façon générale, de constater la variété des mesures possibles pour l’idée d’un passage « chez les adultes » est amenée leur inclusion, les associations de parents d’élèves y quelque part entre 14 et 16 ans, pas de règle stricte ont œuvré « Tous différents, tous élèves » 2. Néanmoins, pour cela. Ceci est repris durant les consultations les élèves atteints de maladies neuromusculaires sont suivantes, non pas comme un couperet qui tombera rares et leurs besoins doivent être décrits et compris forcément, mais comme une étape vers laquelle nous pour qu’il y soit répondu. nous dirigeons ensemble. Et pour s’y préparer, on Petra Benamo essaie de donner un rôle grandissant à l’adolescent(e), dans les demandes, les décisions. Ce n’est évidem- ment pas aussi facile qu’on le lit. Certaines maladies La transition « pédiatrique – s’accentuent durant l’adolescence, des décisions adulte » au CHUV doivent être prises pour préserver la mobilité, pour garder le dos droit, pour pouvoir continuer de souffler. Et dans des circonstances pareilles, il faut faire preuve Le point de vue de deux médecins du CHUV de sensibilité pour évoquer et préparer cette transi- La transition est un processus complexe qui ne peut tion. Aux transitions ! Car chaque « spécialité » fera la se résumer à un transfert de dossier médical, aussi sienne, et la consultation neuromusculaire n’est pas « épais » soit-il. Ce passage d’un univers de soins forcément la dernière. pédiatriques à un univers adulte est un véritable che- min (à sens unique !), entamé plus ou moins tôt dans Après cette phase « préparatoire » pouvant durer l’adolescence, et qui s’accompagne fréquemment de quelques années vient le moment de la « consulta- sentiments mêlant du positif et du négatif. Quitter une tion de transition », réunion des 2 équipes (souvent équipe et des lieux côtoyés parfois depuis de nom- 2 binômes, médecin et infirmière de coordination de breuses années, avec des hauts et des bas, peut certai- l’équipe pédiatrie et leur pendant adulte) autour de nement être un moment délicat. Cela est très probable- la famille, donc facilement 6 personnes rassemblées ment valable dans tous les domaines de la médecine, pour faire une synthèse, un dernier contrôle pour les maladies neuromusculaires ne font pas exception. les uns qui tutoient, une première rencontre pour les 2 APE Vaud, dossier pédagogie spécialisé entre nous 09.2020
autres qui vouvoient, et mettre les premiers jalons Pour finir avec un bref aperçu chiffré, cette transition du suivi adulte. Il est possible que certain(e)s lec- en neuromusculaire concerne un petit nombre de teurs/lectrices se disent que c’était une consultation jeunes adultes, en 2019 moins de 5, cette année une assez « ordinaire », avec peut-être juste un peu plus dizaine (ce qui est assez rare !). de monde. Il est vrai que la consultation en soi n’est pas forcément très différente, mais ceci ne reflète pas Nous vous remercions pour la confiance que vous les discussions qui ont lieu entre les équipes, avant nous portez, et nous continuerons à œuvrer ensemble 10 et après la consultation. Et nous devons ici souligner pour vous offrir des soins de qualité. l’importance du rôle de nos collègues infirmières de coordination pour le « succès » de cette transition, qui Pour les consultations neuromusculaires pédiatrique repose tant dans la coordination et planification que et adulte du CHUV, dans les échanges d’information. Dr David Jacquier et Dr Stefano Carda Témoignage de Jonas La transition médicale enfants-adultes Jonas aura 19 ans au mois de septembre. Fraîche- ment entré dans l’âge adulte, il pratique le vélo en été et le ski handicap en hiver et il vient de terminer son apprentissage d’employé de commerce. Vous le connaissez certainement, car il était, avec sa famille, l’ambassadeur du Téléthon 2019. Atteint d’une mala- die neuromusculaire, il a accepté de nous faire part de son témoignage de la phase de transition qu’il est en train de vivre au niveau de son suivi médical, entre la pédiatrie et les services « adultes ». Une étape importante, qui touche la plus grande partie du per- sonnel de santé autour de lui. Comment se décline votre suivi médical? Quels chan- gements sont engendrés par ce passage à l’âge adulte? J’ai un rendez-vous de contrôle tous les six mois à la consultation neuromusculaire du CHUV. La transition est bien commencée, j’ai déjà fait le rendez-vous avec les deux médecins enfants-adultes et désormais je suis suivi par la consultation des adultes. Deux consultations par année sont également planifiées en cardiologie et en pneumologie. Dans ces deux services, les rendez-vous sont déjà organisés pour faciliter cette transition. Au niveau thérapeutique, je fais deux séances de physio- thérapie par semaine, l’une en salle qui va rester la même, J’ai eu des contrôles réguliers chez une ophtalmologue et l’autre, qui va changer, en piscine avec la pédiatrie du en lien avec de possibles effets secondaires dûs à un CHUV. J’ai aussi une ergothérapeute pour les moyens médicament. auxiliaires selon mes besoins. entre nous 09.2020
Comment s’est passée la transition entre la consultation C’est aussi important de pouvoir être au centre du suivi neuromusculaire pédiatrique et adulte? médical. C’était le cas en pédiatrie, et j’imagine que cela sera aussi le cas par la suite. Je n’ai jamais eu l’impres- Cela s’est bien passé, je n’ai pas dû gérer moi-même, sion qu’on décidait quelque chose dans mon dos. On cela a été organisé par l’infirmière de coordination. m’explique bien les choses, je suis informé et je peux dire Nous avons commencé à en parler environ une année oui ou non. La discussion est ouverte et je peux poser en amont. Le sujet a été amené progressivement et j’ai des questions. confirmé que c’était en ordre pour moi. Cela s’est fait en 11 douceur et avec ma collaboration. Selon vous, qu’est-ce qui a aidé pour que cette transition se passe bien? Le rendez-vous avec les deux médecins enfants-adultes s’est bien passé. J’ai eu un petit souci de santé juste Le travail de l’infirmière de coordination est important après ce rendez-vous et cela a été l’occasion de clari- dans cette étape. Je la connaissais bien et elle a bien fier la nouvelle façon de procéder. Il faut s’adapter mais organisé tout cela. La discussion avec les médecins a été je pense que pendant le Covid, les choses se passent ensuite positive également. probablement différemment qu’en temps normal. Un petit mot pour les jeunes qui vont bientôt vivre cette Comment avez-vous vécu le fait de quitter des médecins étape? qui vous suivaient depuis des années? Il est vrai que l’inconnu peut inquiéter, on se demande Cela fait un peu bizarre car le contact était inévitable- qui sera le médecin. Il y a déjà eu des changements de ment plus proche. Après tout ce temps, on connaît les médecins en pédiatrie, mais jamais tout le monde d’un personnes. L’infirmière de coordination en pédiatrie était coup, c’est donc une perte de repères. Je n’ai pas encore efficace et la relation de confiance établie. C’est sûr que tout vu, mais pour le moment cela se passe bien et ne c’était agréable avec le personnel de pédiatrie, mais il faut semble pas insurmontable. Honnêtement, je pensais que bien aussi changer. Les liens sont à créer avec la nouvelle ce serait plus compliqué. Il faut peut-être être plus attentif équipe et j’ai confiance. à des choses qui se passeraient différemment, mais dans mon cas je n’ai pas eu vraiment de grosses nouveautés. Qu’est-ce qui est important selon vous, pour qu’un suivi Je leur dirais donc qu’il n’y a pas trop besoin de s’inquié- médical se passe bien? ter, cela fonctionne bien, on est bien accompagné. La qualité du contact avec le médecin est importante et je Propos recueillis par Carole Stankovic-Helou souhaite avoir mon mot à dire dans le choix des dates de rendez-vous. Si c’est bien fixé, c’est plus agréable et cela permet de ne pas devoir prendre congé trop souvent. Pour approfondir • Questionnaire « Good2Go » - Suis-je prêt(e) pour la transition ? Le questionnaire a pour but d’éva- luer le niveau de préparation au transfert des adolescents. Une première version du questionnaire « Good2Go » validée en langue française est disponible. https://advenir-robertdebre.aphp.fr/wp-content/uploads/2019/10/questionnaire-g2g-site.pdf • La transition des soins pédiatriques aux soins adultes des adolescents souffrant d’affections chroniques. Joan-Carles Suris, Françoise Dominé, Christina Akré ; Rev Med Suisse 2008; volume 4. 1441-1444 https://www.revmed.ch/RMS/2008/RMS-161/La-transition-des-soins-pediatriques-aux-soins-adultes-des-adolescents-souffrant-d-affections- chroniques • Transition aux soins adultes : une vue d’ensemble. Anne Meynard, Anne-Emmanuelle Ambresin, Joan- Carles Surís; Rev Med Suisse 2015; volume 11. 434-437 https://www.revmed.ch/RMS/2015/RMS-N-462/Transition-aux-soins-adultes-une-vue-d-ensemble • Du pédiatre au généraliste : apporter une continuité aux soins de premier recours de l'enfance à l'âge adulte Meynard-Colomb, Anne, et al. Revue médicale suisse, 2018, vol. 14,no. 606, p. 966-970 entre nous 09.2020
12 La transition à l’école blesse musculaire elle peut provoquer des crampes et des déformations articulaires. Ces élèves seront sui- vis médicalement, ils auront à subir des examens et Quel élève n’a pas ressenti parfois quelques craintes à des tests auxquels s’ajouteront progressivement des passer d’un cycle à l’autre en raison du brassage des séances de physiothérapie, logopédie, ergothérapie élèves, du changement d’enseignant ou à cause de et un soutien psychologique. ses résultats et s’est senti rassuré en sachant que ses camarades passaient ce cap eux aussi, un passage En plus de ces moments de transition propre au cur- somme tout assez banal. sus scolaire et de la lourdeur du suivi médical peuvent venir s’y ajouter ces transitions d’ordre plus person- Ces moments de transition passent normalement et nelles mais au combien visibles quand il s’agit de sont par exemple, le passage d’un cycle à l’autre (voir l’introduction de l’utilisation de l’ascenseur à l’école, tableau annexé), le changement de local de classe, d’un fauteuil roulant, d’un assistant de vie scolaire. Car de camarades et d’enseignant, un plus grand nombre vous le savez, manquer de force physique est encom- d’enseignants selon les branches, le changement brant c’est le moins que l’on puisse dire ! Oui, le monde d’établissement scolaire, et plus tard la transition au s’est construit par et pour des personnes qui peuvent post-obligatoire. Pour un élève ordinaire ces transi- tions sont vécues avec les camarades sans état d’âme particulier, juste un cap de franchi. « Ne considérons plus les enfants plus fragiles comme des étrangers à intégrer. Leur privation du droit d’ap- prendre parmi les autres fait injure à l’idée même d’éducation, à celle de dignité. Apprendre et vivre, c’est la même chose : autorisons-les à vivre aussi plei- nement que possible. Faisons fi des écueils et des résistances. » 3 En revanche, un élève avec des besoins particuliers vit cette transition différemment, il est en partie tribu- taire de la reconnaissance que les autres, camarades et enseignants, auront de ses besoins. Ses parents doivent anticiper (verbe bien connu…) et expliquer sa situation lors de réunions de réseau afin d’y obtenir les mesures nécessaires qui vont des adaptations au niveau des barrières architecturales, à l’aide motrice à apporter avant, pendant et après les périodes d’en- monter et descendre des rampes ou des escaliers ou seignement, à l’attitude générale à adopter pour lui quelques marches, qui ont la force d’ouvrir et fermer apporter le soutien. les portes des lieux publics, des magasins ou de leur immeuble, peuvent entrer et sortir seul d’un transport Certains élèves reçoivent le diagnostic avant d’entrer scolaire ou public, et qui peuvent porter leurs sacs, à l’école. D’autres verront les signes et symptômes et même écrire à la main. Et qu’en est-il pour les plus d’une maladie neuromusculaire apparaitre au cours jeunes et leur accès aux bâtiments scolaires, aux ves- de leur fréquentation scolaire. Si heureusement, la tiaires et WC, à la salle de travaux manuels dans les maladie ne provoque pas toujours de douleurs, la fai- sous-sols ou à la salle de musique dans les combles ? 3 Charles Gardou, Conférence à l’Université de Lausanne le 5 mai 2010, p 12 entre nous 09.2020
Un élève au centre d’un patchwork de compé- « La dépréciation des enfants les plus vulnérables, liée à tences. Ou comment soutenir l’élève ? des préjugés récurrents et comparable à celle qui touche les minorités culturelles, a des conséquences incalcu- Vous seriez étonnés de savoir combien de parents lables sur le plan éducatif et social. Cela défait côté cour ont (eu) le sentiment d’être considérés comme des ce que les discours prônent côté jardin. C’est par une parents « poules » alors qu’ils exposaient les besoins action en profondeur sur la culture, mobilisant l’ensemble spécifiques de leur enfant à l’enseignant. Une récente des citoyens de nos pays, que nous parviendrons, à épu- 13 étude de la Faculté de biologie et de médecine UNIL rer, à désincruster le regard sur le handicap ». 5 concluait dans son rapport sur les difficultés d’inté- gration scolaire des enfants atteints de maladie neu- Précisons, qu’avec l’entrée en vigueur du Programme romusculaire, en écrivant « qu’il est du devoir de la d’étude romand à la rentrée 2012 et des Lois canto- société de s’adapter aux particularités des enfants nales sur la pédagogie spécialisée entre 2014 et 2018, souffrant de MNM et de pallier les inégalités par des les services cantonaux de l’enseignement spécialisé, prises en charges adéquates et adaptées afin de pré- les institutions spécialisées et les établissements sco- venir toute exclusion de l’environnement scolaire du laires ont mis en œuvre les mesures visant à l’inclu- fait de la situation de handicap, quelle qu’elle soit » 4. sion scolaire des élèves présentant un handicap et/ Ainsi il est recommandé que l’élève et ses parents ou des difficultés d’apprentissages. La plupart de ces soient soutenus pour communiquer ouvertement avec mesures sont proposées aux élèves présentant des les enseignants et les autres élèves afin de s’adapter, difficultés de concentrations, de socialisation, des s’habituer. Mais que faut-il dire et à qui ? élèves malvoyants et malentendants, de difficultés cognitives et les diverses déclinaisons de dys… pour La présence de professionnels spécialistes MNM ne citer que les principaux. (atteints de maladie neuromusculaire) qui connaissent l’élève en dehors de l’école est souvent profitable pour « L'intégration d’un enfant à besoins particuliers néces- expliquer les fragilités, la fatigabilité. Il s’agit d’échanger site, en ce qui le concerne : régulièrement pour comprendre et d’ensuite adapter • L’implication des parents de l’enfant et de l’enfant lui- les soutiens aux besoins de l’élève. Pédiatre, pédiatre même dans le processus d’évaluation des mesures spécialiste, physiothérapeute, logopédiste, ergothéra- octroyées, peute, psychologue et/ou assistante sociale sont des • Un suivi de la part du SESAF (Service de l’ensei- ressources de premier plan, leur compréhension et gnement spécialisé) pour veiller à l’équité et la perti- leurs observations sur le patient-élève sont une source nence de la mesure, d’information indispensable. En effet, la maladie étant • L’existence d’un projet pédagogique qui, dans une rare, les enseignants comme les autres élèves n’ont pro- école qui reste sélective, valorise les progrès et bablement encore jamais rencontré une autre personne ouvre des portes pour l’avenir, avec ce diagnostic et n’en rencontreront peut-être • Une prise en charge des transports quand c’est jamais. Par ailleurs, l’expérience de parents-pairs ayant nécessaire (en fonction du type de handicap). » 6 passé par-là est à solliciter sans modération. En revanche, ces protocoles d’accompagnement qui Mais avant tout, il s’agit de créer une relation de recouvrent des mesures simples ou renforcées ne confiance avec l’élève. Quelque soit son âge, il est tiennent pas compte du handicap physique des élèves capable et a besoin de pouvoir dire à son enseignant, MNM car ils sont rares (prévalence de 1:10'000 alors à son assistante de vie scolaire, à son physiothéra- qu’il y a en général 1'000 élèves par établissement peute ce qu’il peut faire ou pas chaque jour. Et ceux scolaire, donc un élève MNM pour 10 établissements). qui pensent que l’élève pourrait profiter de la situa- Ainsi ce sont les parents qui jouent en premier lieu le tion se trompent, il aimerait tellement être et faire rôle de « Case-manager ». Alors que les profession- comme les autres. Nous avons l’obligation de lui faire nels négligent parfois ou trop souvent, osons quand confiance, il a besoin d’oser dire ses limites. La pre- même le dire ici, la valeur de leur savoir expérientiel. mière relation où il apprend à se confier est celle qui Tout au long du cursus scolaire, à chaque transition ou le lie à ses parents. Et ses parents tant bien même le changement, l’élève et ses parents doivent expliquer lien fort qui les unit ne peuvent se mettre à sa place. les besoins et discuter de l’adéquation des mesures Personne d’autre que lui sait ce dont il a besoin. proposées. Le travail en réseau est indispensable. Se 4 L’intégration scolaire des enfants vivant avec une maladie neuromusculaire AebyDylan, AtitallahNadia, ChahidBadr, NailiRachid, RoubatyAurélie , UNIL, Faculté de biologie et de médecine 5 Charles Gardou, Conférence à l’Université de Lausanne le 5 mai 2010,p 3 6 APE Vaud résolutions AGD 2012 entre nous 09.2020
faire accompagner de professionnels non scolaires encore dialoguer » se demandait une maman. L’élève est indispensable et s’inspirer de l’expérience d’autres doit avoir confiance en chacun, seule cette confiance parents est enrichissant. Le témoignage qui suit l’il- diminuera l’impact de la maladie sur lui, sa vie. Ces lustrera. enfants et ces jeunes ont une combativité, d’autres diraient qu’ils sont des « Têtes brûlées », ils vont de l’avant et se plaignent si peu. Les parents ont une Seule la confiance énorme charge, celle de défendre les droits de leur 14 diminuera l’impact de la enfant. Ils doivent en outre savoir accueillir leurs émo- tions et celles de leur enfant (sans l’aborder ici, nous maladie sur lui, sur sa vie n’oublions pas la place de la fratrie). Il est vite insup- portable pour les parents de ressentir l’injustice subie par leur enfant. Ce besoin d’offrir protection, sécurité, chaleur et confiance sont les fondements de l’amour. En d’autres termes et pour conclure ici, le cursus sco- Accompagner ces élèves et leurs parents, c’est tenter laire des élèves MNM est une traversée commune de se mettre à leur place, de changer notre regard. d’obstacles. On y rencontre de magnifiques per- Cela nous apprend à les respecter au plus juste de sonnes bienveillantes qu’il suffit d’informer pour mettre leur dignité et nous offre en retour ce riche sentiment en commun un suivi personnalisé. Mais vous imagi- de solidarité. nez ou savez bien qu’il y a aussi des professionnels Petra Benamo qui ne comprennent pas, « faut-il taper sur la table ou Service d’enseignement spécialisé par canton : Service de l'enseignement spécialisé Service de l'enseignement spécialisé et des et de l'appui à la formation (SESAF) mesures d'aide SESAM https://www.fr.ch/dics/sesam https://www.vd.ch/toutes-les-autorites/departements/ departement-de-la-formation-de-la-jeunesse-et-de- la-culture-dfjc/service-de-lenseignement-specia- lise-et-de-lappui-a-la-formation-sesaf/ Office de l'enseignement spécialisé https://www.ne.ch/autorites/DEF/SEEO/organisation/Pages/OES.aspx Enseignement spécialisé https://www.ge.ch/enseignement-specialise Pédagogie spécialisée - Une école pour tous ! https://www.jura.ch/DFCS/SEN/Ecole-jurassienne/Pedago- Pédagogie spécialisée gie-specialisee/Pedagogie-specialisee-Une-ecole-pour-tous.html https://www.vs.ch/web/scj/pedagogie-specialisee entre nous 09.2020
Témoignage de Romain 15 Rentrée au cycle d’orientation • Le directeur, qui a inlassablement écouté pour comprendre jusqu’aux plus subtils ajustements si Aujourd’hui âgé de 10 ans, Romain entrera au cycle importants pour Romain alors qu’ils semblent si d’orientation à la rentrée et si vous avez lu l’article pré- minimes aux yeux du profane afin d’offrir à Romain cédent, alors vous savez qu’il a déjà franchi quelques la richesse de se sentir compris, donc accepté. La transitions. Romain était jusque-là scolarisé dans sécurité, la confiance. Même si le chemin est diffi- son village, il ira dorénavant dans l’établissement des cile, que la voiture est bousculée dans tous les sens Grands et il se réjouit tellement, c’est La Transition ! Il par les nids de poule, les orages, les ravins, il suffit n’a pas peur, il a visité le nouvel établissement, les WC que le chauffeur et la voiture soient sûrs pour qu’on et vestiaires, il a rencontré certains de ses nouveaux se sente la force d’avancer. Cette posture centrale a enseignants, le directeur adjoint est venu lui souhaiter aussi contribué à donner de la légitimité aux autres la bienvenue. intervenants pour exprimer leurs observations, oser questionner pour mieux comprendre, de réévaluer Vous le connaissez sans doute déjà un peu ou même les mesures testées, des nuances à apporter, et que bien, il se déplace depuis de nombreuses années en rien n’est figé fauteuil électrique. Son témoignage a un intérêt ici • Les enseignantes de classe, un rôle clé de dis- pour vous lecteurs afin de décrire l’importance des ponibilité, de soutien, d’ouverture, de compréhen- mesures prises pour lui permettre de suivre sa sco- sion, d’enseignement et d’éducation, elles suivent larité. Ne baissez pas les bras, aucun jeune ne baisse Romain tous les jours avec ses hauts et ses bas, les bras si vous ne les baissez pas. Si parfois ce senti- elles le comprennent ment vient, c’est que l’environnement scolaire n’est pas ouvert, il attend que vous trouviez la clé. Les parents • L’enseignante spécialisée, dont le rôle consiste à et leur enfant MNM sont des précurseurs. Sa maman adapter les supports de cours, les évaluations où qui a appris à mettre son poing dans sa poche s’est l’oral est privilégié au lieu de l’écrit, il épèle les mots souvent sentie avec des bottes en caoutchouc aux de vocabulaire appris, (8 unités/sem) pieds et une fourche à la main pour aller réexpliquer, • L’assistante de vie scolaire, un rôle d’écoute, négocier encore et encore. Elle a à de nombreuses de force motrice, une aide concrète à prendre ses reprises ressenti l’angoisse qu’il lui soit dit « on vous affaires, à écrire à sa place, etc., ne fais pas à sa le flanque en institution ». Oh, cette peur d’être allée place mais à sa demande trop loin, trop loin à batailler contre le système pour qu’il s’ouvre pour qu’il comprenne et que ce système • L’ergothérapeute veille à ce que Romain puisse se retourne contre elle. Finalement, ils (les parents et avoir accès à tous les lieux, puisse être changé, toute l’équipe) ont déniché, inventé des montagnes transféré en toute sécurité, veille à ce que les de mesures, monté en haut des hiérarchies canto- moyens auxiliaires pour communiquer – commande nales pour être entendus, jamais sur Fribourg de telles de la tablette par le joystick de fauteuil et se dépla- mesures n’avaient été mises en place, pourtant cela a cer soient fonctionnels été possible à force de patience, de dialogue, d’ouver- ture et de confiance. • La physiothérapeute qui explique la force de Romain, ses capacités et limites Pour préparer cette rentrée 2020-2021 voici ce qui a • La psychologue le suit depuis de nombreuses été fait depuis de nombreuses années. années (3H) pour parler de l’école et de tout et de rien. Elle a son cabinet en ville mais vient à l’école De régulières séances de réseau composé de : pour limiter la fatigue des déplacements • Les parents sont présents et font ensuite une syn- thèse à Romain, selon les situations le directeur lui • Le médecin pédiatre, est venu sporadiquement, fait également un retour selon les besoins entre nous 09.2020
• Le médecin spécialiste du CHUV est venu une l’ancien directeur restent à disposition de la nouvelle fois pour expliquer clairement les limites de ce qui équipe pour transmettre. peut être demandé à Romain. Sa présence a permis un véritable déclic de compréhension par le corps Vous le savez, l’attitude des intervenants auprès de enseignant Romain a été et sera déterminante. Il sent quand un adulte fait à sa place au lieu de l’aider, qui sait distin- • L’assistante sociale de l’ASRIMM, est venue spo- 16 guer cette nuance ? Il sent quand ce qu’il dit est pris en radiquement, en fonction des moments clés. compte ou pas ou mal. Illustrons avec la fatigue. Il ne sert à rien de lui dire qu’il devrait se coucher plus tôt et qu’il Peut-être, a-t-il manqué un dossier avec les mesures devrait faire moins d’activités ; non il a déjà la fatigue liée expliquées par écrit : la prise en charge pour faire les transferts aux WC, pour lui mettre sa veste, que mettre à sa faiblesse musculaire, il a de nombreuses séances dans son sac, etc. afin de ne pas avoir à répéter les paramédicales en plus des élèves ordinaires, comme un explications sur le qui fait quoi comment et quand. sportif de haut niveau. Et il a aussi besoin de faire des Dossier d’autant plus précieux dès la rentrée parce activités sympas voire nulles. Cette posture est subtile. que les enseignants y seront nombreux. Il a besoin de vivre, de créer, de s’inventer. Lui donner le goût d’apprendre, d’apprendre à apprendre, d’aiguiser Les projections des parents sur cette rentrée sco- ses intérêts et de devenir ce qu’il sera sans le savoir. laires différent de celles de Romain qui se réjouit. Les Oser lui donner la joie et la confiance d’être là. parents ont l’habitude d’anticiper, ils ont traversé des périodes difficiles où Romain n’avait plus le goût d’aller Souhaitons bon vent à cette nouvelle équipe ! à l’école parce qu’il n’était pas compris, ses résultats avaient dégringolé. Cela les insécurise, néanmoins, Propos recueillis auprès de Mme Bossy, le témoin est passé, les anciennes enseignantes et la maman de Romain, par Petra Benamo Bibliographie / Pour approfondir MuscleFacts - Guide pour les écoles, Sensibilisation aux maladies neuromusculaires, Dystrophie musculaire Canada, https://muscle.ca/wp-content/uploads/2019/09/MuscleFacts_SchoolResourceGuide_FR.pdf consulté le 22.07.2020 L’intégration scolaire des enfants atteints de maladie neuromusculaire, Dylan Aeby, Nadia Atitallah, Badr Chahid, Rachid Naili, Aurélie Roubaty, UNIL, Faculté de biologie et de médecine, 3e année de médecine, Module B3.6 – Immersion communautaire, https://www.chuv.ch/fileadmin/sites/dumsc/dumsc-imco2018-poster-g15.pdf consulté le 22.07.2020 Neuromusculaires (Maladies) : BEP (Besoins éducatifs Particuliers), Publié sur le site Tous à l'école, http://www.tousalecole.fr/printpdf/1281 http://www.tousalecole.fr/content/neuromusculaires-maladies-bep consulté le 22.07.2020 La scolarisation des enfants et adolescents en situation de handicap : quels enjeux pour nos pays ? Charles Gardou Conférence à l’Université de Lausanne le 5 mai 2010, https://www.vd.ch/fileadmin/user_upload/organisation/dfj/sesaf/oes/ECES_forma- tion_continue/ECES-Conf_Gardou_texte.pdf consulté le 22.07.2020 Parlons de sexualité : un guide ressources pour les parents, Guide pour les parents d’adolescents et jeunes adultes atteints d’une maladie neuromusculaires, Dystrophie musculaire Canada, https://muscle.ca/wp-content/ uploads/2019/09/Parlons-de-Sexualite-FR.pdf consulté le 22.07.2020 Pédagogie spécialisée, Association des parents d’élèves Vaud, RESOLUTIONS ADOPTEES EN ASSEMBLEE GENERALE DES DELEGUES 7 JUIN 2012, http://www.apevaud.ch/wp-content/uploads/2014/06/Resolutions-LPS-AGD-2012.pdf, consulté le 22.07.2020 INTEGRER LES DIFFERENCES A L’ECOLE : ENJEUX, RESOLUTION AGD 2008 VOTEE EN 2008, http://www.apevaud. ch/wp-content/uploads/2014/06/R%C3%A9solution-Int%C3%A9gration-AGD-2008.pdf consulté le 22.07.2020 « Tous différents, tous élèves », APE Vaud, https://www.ape-vaud.ch/dossiers/pedagogie-specialisee/ consulté le 22.07.2020 entre nous 09.2020
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