La Vie économique - Die Volkswirtschaft
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Revue de politique économique La Vie économique 3-2004 77 e année CHF 14.90 Page 5 Thème du mois: Page 39 L’économie extérieure L’élargissement de l’UE suisse en 2003: et ses répercussions pour la reprise est en vue la Suisse Page 54 Les PME face aux contrôles étatiques Page 59 OMC: le règlement du litige sur l’acier et le rôle de la Suisse
Sommaire Thème du mois 3 Éditorial 5 Le 1er mai 2004, huit pays d’Europe centrale et Joseph Deiss, président de la Confédération orientale ainsi que Chypre et Malte adhéreront à l’Union européenne, qui s’étendra sur 740 000 ki- 5 L’élargissement de l’UE: une chance pour la Suisse lomètres carrés de plus et s’enrichira de 75 mil- Michael Ambühl lions d’âmes. Cet élargissement historique aura des répercussions directes sur la Suisse: le paquet 9 Les conséquences économiques de l’élargissement de l’UE pour la Suisse des accords bilatéraux conclu par la Suisse avec Aymo Brunetti l’UE s’étendra automatiquement aux nouveaux membres, à l’exception de celui sur la libre cir- 14 La position de la Suisse à Bruxelles envers les nouveaux États culation des personnes, sujet de négociations à de l’UE et la libre circulation des personnes Bruxelles et soumis au référendum facultatif. Martin Hirsbrunner et Claudius Schäfer 19 L’élargissement de l’UE et ses répercussions sur le marché suisse du travail Débat entre Serge Gaillard et Peter Hasler 25 L’élargissement de l’UE et ses conséquences pour l’Autriche Jarko Fidrmuc et Thomas Gruber 30 La Pologne avant l’adhésion à l’UE et ses relations économiques bilatérales avec la Suisse Maurizio Cerratti et Stefan Klötzli 39 Au début de 2003, la conjoncture internatio- Économie suisse nale se trouvait dans une situation critique. À la fin de l’année, le cadre économique mondial s’est nettement amélioré, ce qui a contribué à relancer 34 Agenda de politique économique l’économie extérieure suisse. La croissance des exportations suisses s’accélérera probablement encore en 2004, même si celle de la demande 39 L’économie extérieure suisse en 2003: la reprise tant attendue commence à se dessiner dans la zone euro demeure manifestement in- Walter Brodmann férieure à la moyenne mondiale. 45 Les budgets de la Confédération, des cantons et des communes pour l’année 2004 Eva May 49 La compétitivité de la Suisse pour les PME dont le potentiel de succès est supérieur à la moyenne Franz Jaeger 54 Les PME face aux contrôles et dispositions étatiques Peter Balastèr et Andreas Burri 54 Le test de compatibilité PME du seco sur les contrôles et les dispositions étatiques révèle que International leur fréquence varie énormément selon la bran- che. La bonne coordination entre les organes de 59 Les mesures de sauvegarde américaines sur les produits contrôle représente un point positif: les interfé- en acier face à la plainte helvétique à l’OMC rences techniques ou les accumulations indésira- Anne-Sophie Dreyfus Roth et Matthias Oesch bles sont très peu nombreuses. Les deux branches les plus contrôlées sont les garages et la chimie; 63 Le Programme Pefa: ce sont les organes de l’AVS qui ont contrôlé le renforcer les finances publiques dans les pays en développement et en transition plus fréquemment les entreprises. Odile Keller Données économiques actuelles 67 Sélection de tableaux statistiques 59 La Suisse a porté plainte pour la première fois, avec sept autres plaignants, dans l’affaire de l’acier contre les États-Unis. Ce désaccord, qu’un tribunal a réglé en juillet 2003 en faveur de la partie demanderesse, représente l’un des litiges qui ont le plus fait parler d’eux dans l’histoire de la diplomatie commerciale internationale. Le présent article présente la procédure de rè- glement des différends à l’OMC, résume l’affaire Thème du mois du prochain numéro: et relate les expériences vécues par la délégation Le rôle des hautes écoles spécialisées suisse.
Zollikofer AG Impressum Publication: Département fédéral de l’Économie (DFE), Secrétariat d’État à l’économie (seco) Comité de rédaction: Aymo Brunetti (président du comité), Rita Baldegger, Christian Maillard, Manuel Sager, Eric Scheidegger, Geli Spescha, Markus Tanner, Boris Zürcher Rédaction Effingerstrasse 1, 3003 Berne Téléphone 031 322 29 39/18 Fax 031 322 27 40 Courriel: kaethi.gfeller@seco.admin.ch Direction générale: Markus Tanner Rédacteur en chef: Geli Spescha Rédaction: Urs Birchmeier, Simon Dällenbach, Käthi Gfeller, Christian Maillard, René Sintucci, Séverine Weber La teneur des articles reflète l’opinion de leurs auteurs et ne correspond pas nécessairement à celle de la Rédaction. Reproduction autorisée avec l’accord de la Rédaction, avec indication de la source; remise de justificatifs souhaitée. Édition, Production Zollikofer AG, Fürstenlandstrasse 122, Désormais, vous aurez un souci en 9001 St-Gall, téléphone 071 272 77 77, moins. Zollikofer se charge, en effet, à la Fax 071 272 75 86, www.zollikofer.ch fois de l’impression, de la confection et de l’envoi de vos documents. Avec une Annonces Zollikofer AG, Alfred Hähni, grande expérience dans le domaine des téléphone 01 788 25 78, Fax 01 788 25 79, Courriel: dievolkswirtschaft@zollikofer.ch magazines. Si, avant le bon à tirer, vous voulez vous simplifier la vie, alors ren- Abonnements/Service aux lecteurs Zollikofer AG, Lena Yesilmen, seignez-vous immédiatement sur les téléphone 071 272 74 01, Fax 071 272 75 86, Courriel: services offerts par Zollikofer dans le dievolkswirtschaftabo@zollikofer.ch domaine pré-presse. Prix de l’abonnement Suisse Fr. 149.–, Étranger Fr. 169.– Étudiants Fr. 69.– Vente au numéro Fr. 14.90 (TVA comprise) Parution mensuelle en français et en alle- mand (en allemand: Die Volkswirtschaft), 77e année, avec suppléments de la Commis- sion pour les questions conjoncturelles et de la Banque nationale suisse. ISSN 1011-386X Zollikofer SA Fürstenlandstrasse 122 9001 St-Gall Téléphone 071 272 77 77 Téléfax 071 272 75 86 www.zollikofer.ch
Thème du mois Editorial L'élargissement de l'UE contribue à l’essor de l’économie La Suisse, malgré la reprise économique qui se dessine peu à peu, souffre, depuis maintenant deux décennies, d’une très faible croissance. Le marché intérieur, où ne règne que peu de concurrence, entrave de plus en plus le secteur des expor- tations – lequel présente une forte productivité et la capacité de se mesurer à la concurrence internationale – contribuant pour beaucoup à cette faible croissance. Il est, par conséquent, d’une importance primordiale de renforcer ces deux facteurs de croissance fondamentaux que sont la productivité et le volume de travail. D’autres réformes structurelles dans les domaines dominés par l’État et qui intéressent l'économie domestique sont indispensables pour qu’une pression simi- laire à celle qui s'exerce dans tous les secteurs économiques aujourd’hui exposés à la concurrence internationale, y fasse progresser la valeur ajoutée par habitant. Une politique concurrentielle aisément compréhensible et d’autres mesures d’intégration au plan international sont les conditions nécessaires à une politique d’ouverture des marchés conséquente. Le Conseil fédéral a adopté, le 18 février, un train de mesures destiné à favoriser la croissance, lequel comprend également, sous le titre «Poursuivre l’intégration dans l’économie mondiale», l’extension de la libre circulation des personnes aux nouveaux candidats à l’adhésion à l’UE. Le Conseil fédéral est convaincu que la Suisse profitera considérablement de cette mesure. Premièrement, les entreprises helvéti- ques accèderont plus facilement aux marchés d’Europe centrale et orientale, qui con- naissent une croissance exceptionnelle. Deuxièmement, l’élargissement de l’UE augmente de près de 75 millions de personnes le marché intérieur de l’UE. La Suisse peut tirer d’autres avantages de l’intégration, notamment par les nouvelles possibi- lités offertes de part et d'autre dans le recrutement de main-d’œuvre. La Suisse a tout intérêt à contribuer, avec les moyens dont elle dispose, à l’événe- ment historique que sera l’élargissement à l’Est de l’UE. Il ne s’agit pas seulement de considérations politico-écono- miques: l’élargissement de l’UE représente la condition nécessaire à la sécurité, la stabilité et la paix sur un conti- nent qui, il n’y a pas si longtemps encore, était marqué par des antagonismes fondamentaux dans les domaines idéologique, politique et économique. Le président de la Confédération Joseph Deiss Chef du Département fédéral de l’économie
Thème du mois L’élargissement de l’UE: une chance pour la Suisse Dès le 1er mai 2004, l’Union européenne comptera dix États membres de plus. Huit d’entre eux proviennent d’Europe cen- trale et orientale. Cette nouvelle De nos jours, on a trop vite fait de quali- bertés et de la démocratie. C’est d’ailleurs fier des événements et des développements pour cette raison qu’elle a largement con- vague d’adhésions – la cinquième, d’«historiques». Pour une fois, ce terme peut tribué au passage des anciens États com- déjà – met définitivement un être utilisé à bon escient: le 1er mai 2004, huit munistes d’Europe de l’Est à la démocratie pays d’Europe de l’Est rejoindront l’Union et à l’économie sociale de marché, à raison terme à la division de l’Europe européenne (UE), sans compter Malte et Chy- de quelque 2,5 milliards de francs entre née de la guerre froide. L’«élar- pre. Il y a encore quinze ans, personne n’au- 1991 et 2001; rait osé imaginer que l’Estonie, la Hongrie, – au plan économique, la Suisse profite de gissement à l’Est» de l’UE est la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Répu- l’agrandissement du marché intérieur de donc une étape décisive pour la blique tchèque, la Slovaquie et la Slovénie se- l’UE, de l’ouverture d’une réserve de main- raient un jour membres de la puissance qui d’œuvre intéressante à plus d’un titre, consolidation de la stabilité et s’identifie aujourd’hui à l’Europe, autrement d’une meilleure sécurité pour ses inves- la prospérité en Europe. Suite à dit l’UE. tissements sur des marchés d’Europe cen- «Cette extension profitera à tout le conti- trale et orientale en pleine croissance. Mê- l’élargissement de l’UE, la Suisse nent. De nouvelles relations culturelles et éco- me en restant prudent, on estime que étendra son réseau d’accords nomiques vont se développer. Cette ouverture l’augmentation du PIB suisse pourrait consolide la stabilité politique et instaure une osciller à long terme entre 0,2 et 0,5%, ce bilatéraux aux nouveaux États solidarité fondée sur des faits.» C’est par ces qui représente 1 ou 2 milliards de francs de membres. L’intégration de l’Eu- mots que le président de la Confédération de plus par an. l’année dernière, Pascal Couchepin, commen- rope et l’agrandissement de l’UE tait l’élargissement de l’UE à l’Est, lors de la Des six États fondateurs ouvrent aussi à notre pays des Conférence européenne d’avril 2003. Son dis- à la communauté des Vingt-cinq cours replace cet élargissement dans la pers- perspectives politiques et éco- pective du projet de paix européenne qui a Le processus de l’intégration européenne nomiques. toujours été celui de l’UE, dès ses origines: ga- commence dans les années cinquante, quand rantir la paix par le biais de l’intégration éco- six pays – Allemagne, Belgique, France, Italie, nomique et de la prospérité commune. L’élar- Luxembourg et Pays-Bas – fondent les gissement à l’Est met définitivement un terme Communautés européennes du charbon et de à la division de l’Europe héritée de la guerre l’acier (CECA, 1951), de l’énergie atomique froide. La paix, la stabilité et la prospérité s’y (Euratom, 1957) et la Communauté écono- trouvent renforcées. mique européenne (CEE, 1957). Ils inaugu- Ce progrès comprend aussi des avantages rent ainsi un processus d’intégration qui ne économiques, comme le montrent les prévi- cessera de se développer au cours des décen- sions de croissance de l’UE. Grâce à l’élargisse- nies suivantes et qui exercera un attrait puis- ment de l’UE, les quinze pays membres actuels sant sur de nombreux pays. escomptent à long terme une augmentation Il y aura quatre vagues d’adhésion: en 1973, durable de leur produit intérieur brut de l’or- le Danemark, la Grande-Bretagne et l’Irlande dre de 0,5 à 0,7%. intègrent les trois institutions citées, réunies La Suisse profite elle aussi du nouvel élar- désormais sous le nom de Communauté euro- gissement de l’UE, et ce à double titre: péenne (CE); la Grèce adhère en 1981; en – au plan politique, elle a tout à gagner de la 1986, c’est le tour de l’Espagne et du Portugal, stabilisation et de la consolidation des li- suivis en 1995 de l’Autriche, de la Finlande et de la Suède: la communauté initiale des Six est devenue celle des Quinze. Le 1er mai 2004, la CE, rebaptisée Union européenne (UE) par le Traité de Maastricht (1992), comptera vingt-cinq États membres. Les conditions d’adhésion Michael Ambühl Ambassadeur, chef du La voie de l’adhésion à l’UE pour les États Bureau de l’intégration DFAE/DFE, Berne d’Europe de l’Est s’est ouverte après que ces pays eurent recouvré leur indépendance poli- 5 La Vie économique Revue de politique économique 3-2004
Thème du mois Photo: UE L’élargissement à l’Est poursuit l’objectif que s’était fixé l’UE depuis ses origines: garantir la paix par le biais de l’intégration économique tique et économique à la fin de la guerre froide et de la prospérité commune. En illustration: La portée politique et économique le sommet européen de Salonique en juin 2003. et après l’effondrement de l’Union soviéti- du dernier élargissement que. La décision fondamentale d’admettre treize pays jusque-là «associés» – Bulgarie, L’élargissement prochain de l’UE revêt une Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, grande importance politique et économique. Malte, Roumanie, République tchèque, Slova- Cette vague d’adhésions, la plus considérable quie, Slovénie et Turquie – a été prise par le depuis la fondation de la CEE, fait progres- Conseil européen de juin 1993 à Copenhague. ser significativement l’«alliance toujours plus Pour que cette admission soit effective, elle a étroite des peuples européens» (traité de la été assortie de critères précis définis lors du CEE de 1957). Le marché intérieur de l’UE, même sommet à l’intention des pays candi- caractérisé par la libre circulation des per- dats: sonnes, des marchandises, des services et des – un critère politique: la stabilité de la démo- capitaux, s’accroît d’environ 20% et compte cratie et de ses institutions (État de droit, désormais 450 millions d’habitants. Les règles droits de l’Homme, protection des mino- sont partout les mêmes, la sécurité du droit et rités, système multipartite); des investissements augmente. Les habitants – un critère économique: une économie de des nouveaux pays membres espèrent, par leur marché performante, capable d’affronter adhésion à l’UE, rattraper le niveau de vie de la concurrence sur le marché intérieur de celle-ci.Cet espoir est d’ailleurs justifié,comme l’UE; le montrent les précédentes vagues d’adhé- – un critère juridique: la capacité de repren- sion (pensons à l’Irlande, la Grèce, l’Espagne dre toute la législation de l’UE (acquis ou le Portugal). Entre 2004 et 2006, l’UE sou- communautaire). tiendra financièrement les nouveaux adhé- rents en les faisant profiter d’une enveloppe Ces critères, dits de Copenhague, ont ser- globale de 40 milliards d’euros. vi de guide pendant les négociations d’ad- L’élargissement est un défi immense non hésion, qui ont débuté en mars 1998 avec seulement pour les nouveaux États membres, Chypre, l’Estonie, la Hongrie, la Pologne, la mais encore pour l’Union européenne et ses République tchèque et la Slovénie, puis ont institutions. Pour fonctionner à vingt-cinq, repris, en février 2000, avec la Bulgarie, la l’UE devrait adapter ses structures. Un pre- Lettonie, la Lituanie, Malte, la Roumanie et la mier pas a été fait en décembre 2000 avec le Slovaquie. En décembre 2002, de nouveau à traité de Nice, mais l’UE entend progresser en- Copenhague,les négociations d’adhésion ont core vers plus de démocratie, de transparence été parachevées avec dix États. Le 16 avril et d’efficacité. Elle a institué, à cet effet, une 2003, c’est à Athènes qu’a eu lieu la signature Convention chargée de réfléchir sur l’avenir de solennelle des traités admettant les dix futurs l’Europe et de formuler des propositions pour membres. l’avenir. En juin 2003, la Convention a soumis 6 La Vie économique Revue de politique économique 3-2004
Thème du mois son projet de Constitution européenne, lequel chés, dont le pouvoir d’achat augmente et qui prévoit une réforme en profondeur des struc- ont à combler bien des retards. Quant à l’ex- tures de l’UE. L’adoption espérée de ce nou- tension de l’accord sur la libre circulation des veau traité fondamental n’a, cependant, pas personnes, sans doute le plus important des abouti en décembre 2003; il faudra donc se Bilatérales I économiquement parlant, il ou- remettre à l’ouvrage. vre à l’économie suisse un intéressant poten- tiel de main-d’œuvre qualifiée ou d’appoint. Plusieurs secteurs économiques (tourisme,hô- La Suisse et l’élargissement de l’UE: tellerie, santé, agriculture) ont déjà manifesté l’extension des accords bilatéraux leur intérêt pour cette ouverture. Il va de soi, Dans la mesure où elle a des effets sur les re- bien évidemment, que les marchés de l’emploi lations bilatérales de notre pays avec son prin- des dix nouveaux États membres de l’UE sont cipal partenaire, l’extension de l’UE revêt éga- ouverts eux aussi aux Suisses. lement une grande importance pour la Suisse. Le réseau des accords bilatéraux entre la Suisse Risques et mesures préventives et l’UE – soit l’accord de libre-échange de 1972 et les sept accords bilatéraux I de 1999 – sera, Il est évident que la mise en œuvre concrète en effet, étendu aux dix nouveaux membres de d’une étape aussi importante de l’intégration l’UE. L’extension de ces accords à l’UE élargie européenne ne va pas sans risques, mais il con- est automatique, sauf pour celui sur la libre vient de considérer ces derniers comme autant circulation des personnes de 1999. Il nécessite de chances. L’ouverture provoque, par exem- des adaptations,notamment en matière de dé- ple, une augmentation de la concurrence: la lais de transition, qui sont actuellement l’objet libéralisation de l’accès aux marchés étant de négociations. réciproque, certains secteurs de l’économie intérieure suisse subiront une concurrence Un accès progressif et accrue. La concurrence est cependant souhai- contrôlé au marché suisse de l’emploi table, dans la mesure où elle stimule la crois- En ce qui concerne la libre circulation des sance économique. personnes, les règles appliquées aux dix nou- La libre circulation des personnes suscite, veaux pays de UE seront les mêmes que celles toutefois, des craintes plus graves: immigra- en vigueur pour les quinze membres actuels: tion massive de main-d’œuvre étrangère tra- l’accès au marché suisse de l’emploi de ressor- vaillant à des salaires inférieurs aux normes tissants des nouveaux États membres se fera (dumping salarial), exploitation abusive des progressivement et sous contrôle. Lors des né- assurances sociales suisses. Il faut prendre ces gociations, la Suisse et l’UE sont tombées d’ac- craintes au sérieux et adopter des mesures cord sur l’application d’un régime de tran- préventives contre les risques avérés. L’ins- sition séparé pour les dix nouveaux venus. trument principal pour pallier les effets né- L’UE accorde à ses membres actuels le droit de gatifs de l’ouverture réciproque des marchés faire usage d’un tel dispositif durant sept ans de l’emploi est sa régulation à travers un ré- vis-à-vis des nouveaux adhérents. La Suisse gime transitoire qui comporterait des délais pourra faire de même et appliquer un régime et des contingents. Des mesures d’accompa- transitoire de sept ans pendant lequel la libre gnement protègeront, en outre, de la concur- circulation des personnes entre elle et les fu- rence de travailleurs étrangers sous-payés et turs membres sera introduite progressivement du dumping social en général. Ces mesures et sous contrôle. Elle pourra donc continuer seront aussi appliquées aux travailleurs pro- de restreindre l’accès à son marché du travail venant des nouveaux États membres de l’UE. aux ressortissants de ces pays. Les modalités de On ne dispose pas encore d’expérience, ce régime transitoire (priorité aux nationaux, étant donné que les mesures d’accompagne- contrôle des salaires, augmentation des con- ment n’entrent en vigueur qu’en juin 2004. Le tingents) font encore l’objet de négociations. Conseil fédéral attache une grande importance à ce qu’elles soient appliquées rigoureusement Une chance économique pour la Suisse et efficacement. Ces mesures sont les suivantes: Le Conseil fédéral a déjà souligné à la fin de – il devient plus facile de déclarer de force l’année 2002 que l’élargissement de l’UE et obligatoire les conventions collectives, avec l’extension des accords bilatéraux aux nou- les salaires minimaux et les horaires de tra- veaux pays de l’UE constituaient une chance vail qu’elles comportent; économique pour la Suisse: les marchés en – il est possible de promulguer des contrats- pleine croissance que sont les pays d’Europe de types avec des salaires minimaux; l’Est deviennent des partenaires commerciaux – la loi sur les travailleurs détachés assujettit plus intéressants et des lieux d’investissement les travailleurs étrangers envoyés en Suisse plus attractifs; les accords bilatéraux de libéra- aux dispositions suisses en matière de sa- lisation améliorent notre accès à ces mar- laire et de conditions de travail. 7 La Vie économique Revue de politique économique 3-2004
Thème du mois En vertu de la clause dite de la guillotine, cela aurait pour conséquence d’abroger automati- quement les six autres accords sectoriels de 1999. Les dégâts politiques et économiques de ce scénario seraient catastrophiques. Conclusion En conclusion de cette analyse des chances et des risques, on peut dire ceci: le bilan des effets économiques est positif sans être spec- taculaire, si on considère la taille encore mo- deste des marchés est-européens. L’Europe de l’Est n’est certainement pas un eldorado, mais elle représente néanmoins un marché intéres- sant au vu de sa croissance. Les risques aux plans migratoire, du marché de l’emploi et de la politique sociale sont connus, et les mesures nécessaires ont été prises. L’élargissement prochain de l’Union euro- péenne aux dix nouveaux membres va trans- former le visage de l’Europe et encore ac- centuer son rôle de poids lourd politique et Photo: UE L’extension des accords bilatéraux aux nou- économique. La Suisse en sera inévitable- veaux pays de l’UE rendront les pays d’Europe ment touchée, mais elle n’a pas de raison de de l’Est, dont les marchés sont en pleine crois- sance, plus attrayants pour l’économie suisse. D’autres raisons font qu’il n’y a pas lieu s’inquiéter, bien au contraire, car la croissance En illustration: la production de transforma- de craindre des effets migratoires négatifs. de l’UE est une chance pour notre pays, tant teurs en Slovénie. L’exploitation abusive des assurances sociales sur le plan politique qu’économique.Le réseau suisses, ce qu’on appelle parfois le «tourisme d’accords bilatéraux que nous avons signés – social», n’est pas à redouter, pour la simple rai- à la fois très large et répondant à nos besoins son que la libre circulation des personnes ne – nous donne la garantie de pouvoir saisir s’applique pas aux chômeurs. Les travailleurs cette chance. Les Bilatérales II, encore en cours de l’UE ne peuvent donc pas s’établir en Suisse de négociation, y ajouteront de nouveaux sans contrat de travail valide. accords importants en matière d’économie, Les expériences faites jusqu’ici et les pré- de politique de l’asile, de sécurité intérieure, visions scientifiques permettent d’ailleurs de d’environnement et de culture. conclure qu’il ne faut pas s’attendre à de forts flux migratoires en provenance des pays d’Eu- rope de l’Est. Il ne s’est jamais produit d’émi- gration massive des pays à bas salaires vers les pays à hauts salaires à l’occasion de l’adhésion de nouveaux membres. En ce qui concerne l’élargissement à l’Est, l’UE table sur un po- tentiel migratoire à long terme de 1% de la population de l’UE actuelle, soit 4 millions de personnes. Selon les études réalisées, cette émigration se concentrera sur les zones limi- trophes des pays voisins: l’Allemagne absor- bera deux tiers des émigrants et l’Autriche un dixième. Le peuple suisse aura son mot à dire Il convient, enfin, de relever un facteur important: la décision d’élargir l’accord sur la libre circulation des personnes est soumise au référendum facultatif. Le cas échéant, les citoyens auront donc la possibilité de se pro- noncer. Si cet objet échoue en votation, la Suisse doit cependant s’attendre à ce que l’UE dénonce l’accord, parce que cette dernière ne pourra pas tolérer longtemps que ses pays membres soient divisés en deux catégories. 8 La Vie économique Revue de politique économique 3-2004
Thème du mois Les conséquences économiques de l’élargissement de l’UE pour la Suisse L’élargissement de l’UE à dix nou- veaux États de l’Europe centrale, orientale et méridionale ouvre menté d’un facteur 3,9 et les exportations ve- aux pays adhérents de larges La poussée de croissance des nouveaux nant de ces pays se sont multipliées par 3,1. États membres possibilités de développement, Cette évolution a été particulièrement profi- L’élargissement élimine les obstacles aux table aux deux parties, puisque la plupart des dont profiteront également les échanges et de nombreuses entraves techni- échanges portaient sur des biens complémen- États membres actuels à la faveur ques et administratives (formalités douanières, taires: les pays candidats livraient essentielle- normes techniques, etc.) entre les États mem- ment des produits à forte intensité de travail et du marché unique. Grâce aux ac- bres actuels et futurs. L’entrée dans l’union de matériel ainsi de nombreux produits inter- cords bilatéraux que la Suisse a douanière et le marché unique revêt une très médiaires, tandis que l’UE leur fournissait grande importance pour les pays adhérents, surtout des biens de haute technologie. signés avec l’UE, cette intégration dont l’UE absorbe aujourd’hui déjà 60% des La diminution des coûts de transaction, aura aussi des effets bénéfiques exportations. Dans ces pays, la libéralisation l’achat croissant de produits semi-finis plus du commerce résultant de l’adhésion à l’UE va avantageux (produits intermédiaires et d’équi- pour notre économie, même si accélérer la conversion à l’économie de mar- pement) à l’Europe de l’Est ainsi que l’inten- ses effets ne seront pas specta- ché et accroître le rendement des ressources sification de la concurrence vont, en outre, di- utilisées. L’amélioration des conditions-cadres minuer les coûts de production, accroître la culaires compte tenu de la taille et des perspectives de développement stimu- pression sur les marges et les prix, et se tradui- encore modeste des marchés lera les investissements en ressources propres re par des gains d’efficience supplémentaires. et les investissements directs de l’étranger, ce Dans le domaine des ressources humaines, des d’Europe de l’Est. Au total, on qui renforcera encore la croissance des écono- zones de recrutement intéressantes s’ouvrent peut escompter pour la Suisse, mies des nouveaux membres. Les transferts en aux actuels États membres et l’élargissement provenance de l’UE contribueront à soutenir permettra d’optimiser l’allocation du facteur selon une estimation conser- l’essor économique. travail à l’intérieur du marché unique. vatrice, une progression supplé- L’introduction de la libre circulation des En ce qui concerne les coûts, les économies personnes s’accompagnera temporairement de l’UE-15 doivent inscrire à leurs budgets des mentaire du PIB de l’ordre d’une émigration de main-d’œuvre et de res- transferts aux nouveaux membres et prévoir de quelque 0,5% à long terme. sources humaines qualifiées (ce qu’on appelle une hausse des taux d’intérêt sur le marché des la «fuite des cerveaux») hors des nouveaux capitaux, en raison de l’accroissement de la États membres. Les investissements liés à la demande d’investissements, ainsi qu’une pro- reprise de l’acquis communautaire constitue- gression des dépenses sociales. ront un facteur de coûts supplémentaires. Pour l’UE-15, la Commission européenne Au bout du compte, la Commission euro- évalue sur les dix premières années qui sui- péenne prévoit que les dix nouveaux membres vront l’élargissement, après déduction des subiront des effets économiques positifs sous coûts afférents probables, le bénéfice total de forme d’une croissance annuelle supplémen- l’opération à quelque 0,5–0,7% du PIB, résul- taire du PIB pouvant atteindre 2 points de tat pour moitié de la libéralisation des échan- pourcentage durant les dix premières années.1 ges et pour l’autre de la libre circulation des personnes.2 Les conséquences pour l’Europe des Quinze La Suisse part gagnante Les économies de l’UE-15 vont tirer pro- À l’exception de la libre circulation des per- fit de l’élargissement à maints égards. Tout sonnes, tous les accords résultant des négo- d’abord, l’augmentation de la demande en ciations bilatérales I sont automatiquement P r Aymo Brunetti biens d’exportation en provenance de l’ancien adaptés et appliqués aux nouveaux membres Chef de la Direction de la espace communautaire, qui résultera de l’ac- lors de l’élargissement de l’UE. L’extension de politique économique, membre du Comité de célération de la croissance économique des l’accord de libre circulation fait, en ce moment, direction, Secrétariat nouveaux membres, stimulera l’investisse- l’objet de négociations. Grâce à l’application d’État à l’économie ment. Avant l’adhésion, d’ailleurs, le commer- aux nouveaux États membres des accords bi- (seco), Berne ce entre l’UE et ses dix nouveaux adhérents latéraux, la Suisse peut aussi – à l’instar des était déjà en progression rapide et régulière: de membres actuels – escompter des retombées 1 Commission européenne, 2001. 1989 à 1999, le volume des exportations euro- positives de cet élargissement. Les dix pays 2 Commission européenne, 2001. péennes vers les candidats à l’adhésion a aug- adhérents deviennent pour la Suisse: 9 La Vie économique Revue de politique économique 3-2004
Thème du mois – des partenaires commerciaux de plus en plus l’Est de l’industrie suisse d’exportation, paral- intéressants; lèlement aux besoins de rattrapage encore – un bassin de recrutement au potentiel très considérables que connaissent ces pays en ma- prometteur pour notre économie; tière d’infrastructures. – des sites d’investissement plus attractifs. Les échanges commerciaux avec les nouveaux adhérents à l’UE actuellement La libéralisation du commerce En 2003, la valeur des exportations helvéti- L’extension des accords bilatéraux avec ques destinées aux nouveaux États membres l’UE offre à la Suisse un accès facilité aux de l’UE a atteint l’équivalent de 0,9% du PIB marchés d’une région en pleine croissance de la Suisse et la valeur moyenne des exporta- de 75 millions de consommateurs potentiels. tions et des importations 0,75% de ce même L’élargissement va encore accroître l’impor- PIB. L’importance du commerce extérieur de tance déjà considérable des accords bilaté- la Suisse avec ces pays n’a donc été que légère- raux I. ment inférieure à ce qui se passait dans l’UE- On peut notamment escompter des effets 15 qui, vers la fin des années nonante, échan- positifs de l’extension de ces accords dans le geait en moyenne l’équivalent de 1% de son domaine des «obstacles techniques au com- PIB avec les nouveaux membres. On note, merce» et des «marchés publics»: la simplifi- toutefois, de sensibles différences à l’intérieur cation des règles d’autorisation des produits de cette même Union, où deux pays surtout, permettra de substantielles économies dans l’Allemagne et l’Autriche, tirent la moyenne le domaine des échanges de marchandises. De vers le haut. plus, les fournisseurs suisses pourront se battre Le commerce extérieur de la Suisse avec les à armes égales avec leurs concurrents euro- dix nouveaux États membres de l’UE a évolué péens. Cette égalité de traitement est particu- au même rythme que pour les Quinze. De lièrement importante, car au cours des dix 1990 à 2003, les exportations suisses ont pro- dernières années, les économies des nouveaux gressé d’un facteur 3,5 et les importations d’un États membres ont connu une évolution très facteur 5. Nos ventes à l’Est ont ainsi augmen- dynamique et gagné en importance pour notre té un peu moins que celles de l’UE-15, alors industrie d’exportation. L’adhésion à l’UE de- que les entreprises helvétiques ont acheté là- vrait encore accélérer leur expansion écono- bas un peu plus de produits semi-finis (ma- mique et accroître leur pouvoir d’achat. Cela tériaux de base et équipements) que leurs ho- ne peut donc qu’améliorer les débouchés à mologues européens. Tableau 1 Le commerce avec les pays d’Europe de l’Est en transition a, 1990–2003 Groupes de marchandises 2003 1990 Croissance 1990–2003 Exportations Importations Exportations Importations en milliers Part en milliers Part en milliers Part en milliers Part Exp. Imp. de francs en % de francs en % de francs en % de francs en % en % en % Exportations/Importations total 3 523 683 100.0 2 453 603 100.0 1 020 873 100.0 493 153 100.0 245.2 397.5 Denrées alimentaires préparées ou tranformées 49 706 1.4 35 933 1.5 14 833 1.5 17 878 3.6 235.1 101.0 Textiles, habillement, chaussures 146134 4.1 170 626 7.0 35 324 3.5 46 898 9.5 313.7 263.8 Papier, ouvrages en papier, produits des arts graphiques 101 692 2.9 39 897 1.6 31 430 3.1 8 101 1.6 223.5 392.5 Matières plastiques 86 888 2.5 52 558 2.1 7 733 0.8 4 402 0.9 1023.6 1093.8 Produits chimiques et connexes 1 519 473 43.1 166 646 6.8 284 918 27.9 97 968 19.9 433.3 70.1 Produits pharmaceutiques, vitamines, diagnostics 1 110 848 31.5 65 476 2.7 118 074 11.6 14 978 3.0 840.8 337.1 Métaux 281 241 8.0 225 645 9.2 51 596 5.1 58 956 12.0 445.1 282.7 Produits métalliques 235 031 6.7 174 054 7.1 45 987 4.5 17432 3.5 411.1 898.5 Machines, appareils, électronique 913 462 25.9 805 927 32.8 429 540 42.1 34 934 7.1 112.7 2207.0 Construction de machines 489 941 13.9 198 474 8.1 324 363 31.8 18 106 3.7 51.0 996.2 Appareils de l’industrie électrique et électronique 317 632 9.0 369 304 15.1 62 196 6.1 6 304 1.3 410.7 5758.3 Instruments et appareils de précision 135 041 3.8 33 030 1.3 61 559 6.0 2 045 0.4 119.4 1515.0 Horlogerie 59 612 1.7 2 614 0.1 15 929 1.6 198 0.0 274.2 1221.0 a Pologne, République tchèque, Slovaquie, Hongrie, Estonie, Lettonie, Lituanie. Source: DGD / La Vie économique 10 La Vie économique Revue de politique économique 3-2004
Thème du mois Graphique 1 l’instar de l’Allemagne et de l’Autriche – bien Formation de la population des 25–64 ans, 2001 que dans une moindre mesure – tirer profit de sa proximité géographique et linguistique Formation de niveau tertiaire Pas de formation après l’école obligatoire ou culturelle à l’égard de plusieurs pays adhé- rents, ce qui est généralement propice à une Parts en % intensification des liens économiques. Cepen- Grèce dant, l’importance effective qu’auront ces nou- veaux marchés pour la Suisse ne devrait guère Italie dépasser la moyenne de l’UE. C’est d’ailleurs UE-15 sud conforme au niveau actuel d’interpénétration Espagne économique et au dynamisme des échanges Portugal de la décennie écoulée. Il faut ajouter que la Suisse, en tant que pays non membre de l’UE, Tchéquie ne peut pas profiter autant que les États adhé- rents des effets positifs que le marché unique Slovaquie élargi aura sur l’offre et que, contrairement nouveaux États membres de l’UE aux nouveaux membres, elle est également ex- Pologne posée désormais, comme pays n’appartenant Hongrie pas à l’union douanière européenne, au risque d’être contournée au plan commercial. Pour Suisse les mêmes raisons, il ne semble pas certain que la Suisse puisse tirer le même profit que les Allemagne Pays-cibles types États membres des conséquences indirectes de Autriche l’accroissement de l’UE-15. Dès lors,si on se réfère aux valeurs citées pour 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 l’UE et abstraction faite des effets migratoires, le Source: OCDE 2002 / La Vie économique fait que l’élargissement de l’espace communau- taire entraîne un gain de croissance durable de Avec 43% du total des exportations, les l’ordre de 0,2 à 0,3% du PIB de la Suisse apparaît produits chimiques ont formé, en 2003, une comme un ordre de grandeur réaliste. part importante des ventes suisses à sept pays d’Europe de l’Est faisant partie des nouveaux La libre circulation des personnes candidats (c’est-à-dire tous sauf la Slovénie, Chypre et Malte). Les produits pharmaceu- En plus de la libéralisation des relations tiques absorbaient 32% de ces exportations et commerciales, l’extension progressive de la li- les biens d’équipement (machines, appareils, bre circulation des personnes aux nouveaux électronique et instruments de précision) États membres présente un grand intérêt pour 30%. Le rythme de progression de l’industrie l’économie suisse. Elle facilitera, en effet, le dé- pharmaceutique est également remarquable, tachement et le recrutement de main-d’œuvre puisqu’elle a multiplié par 9 ses exportations par des entreprises établies en Suisse. Il est très vers les nouveaux États membres entre 1990 et important pour elles de pouvoir accéder à ce 2003. En revanche, l’évolution a été nettement nouveau réservoir de travailleurs, afin d’at- moins dynamique pour les dépenses d’inves- ténuer la pénurie chronique de personnel – tissement; seul le sous-domaine de l’industrie principalement de personnel qualifié – dont électrique et électronique a enregistré une pro- elles souffrent. gression supérieure à la moyenne, soit d’un À cet égard, deux éléments semblent parti- facteur 5. La construction de machines a con- culièrement intéressants: d’un côté, le niveau nu une croissance encore plus faible (+51% de qualification des actifs est relativement éle- seulement depuis 1990), alors qu’elle assurait vé dans les nouveaux États membres, plus que encore 13,9% des exportations en 2003. dans les pays méridionaux de l’UE, par exem- ple (voir graphique 1). De l’autre, l’extension Estimation des effets du champ d’application de la libre circulation prévus sur le commerce extérieur des personnes déploiera probablement tous Sur la base des volumes actuels et du dy- ses effets en une période où la Suisse, pour des namisme de l’évolution, l’impact positif pour raisons démographiques, verra sa population l’UE-15 de la libéralisation des échanges active stagner, voire reculer. commerciaux, que la Commission évalue à 0,2–0,4% du PIB (la moitié de l’effet total de Il est difficile d’estimer l’importance l’intégration des dix nouveaux membres, en y de l’immigration incluant celui de la libre circulation des per- Il est très difficile d’évaluer, pour la Suisse, sonnes), pourrait constituer une limite supé- le surplus d’immigration qui résultera directe- rieure pour la Suisse. Celle-ci peut certes, à ment de l’extension de la libre circulation des 11 La Vie économique Revue de politique économique 3-2004
Thème du mois personnes. Si l’on extrapole pour notre pays 7 ans au maximum, donc jusqu’en 2011. Nos les estimations valables pour l’UE 3, il faudra négociateurs doivent dès lors obtenir que la s’attendre, dès que la libre circulation s’appli- Suisse ne soit pas plus mal lotie que les autres quera dans son intégralité, à un afflux de quel- États membres actuellement de l’UE. que 4600 personnes par année provenant des En résumé, l’extension de la libre circula- nouveaux États membres. Pour la Suisse, ce tion des personnes aux nouveaux membres de chiffre est certes important, mais n’a pas de l’UE ouvre de nombreuses possibilités à l’éco- quoi inquiéter. À titre de comparaison, entre nomie suisse, et les risques éventuels peuvent 1994 et 2002, le solde net de l’immigration être maîtrisés grâce aux délais transitoires et atteignait chez nous quelque 20 000 personnes aux mesures d’accompagnement. par année. Les craintes selon lesquelles la Suisse pour- Des sites intéressants pour rait subir un flux d’immigrants non qualifiés les investissements ainsi que de fortes pressions sur les niveaux de salaires dans le sillage de l’élargissement de En qualité d’États membres de l’UE, les l’UE ne doivent, certes, pas être prises à la légère nouveaux adhérents reprennent le droit euro- en tant que telles, mais sont souvent exagérées. péen. C’est par la même occasion un gage de En réalité, la demande de main-d’œuvre non sécurité juridique et d’égalité des chances pour qualifiée a constamment diminué en Suisse les investisseurs suisses. À l’avenir, donc, les ces dernières années et rien n’indique qu’elle règles uniformes de l’Union européenne, su- veuille augmenter parmi les entreprises. Même pranationales et exigibles en justice, s’appli- au sein d’une UE élargie, l’immigration de- queront en Europe centrale et orientale, par meure liée à la demande des entreprises. exemple aux chapitres de la concurrence, de la protection de la propriété et de la lutte contre Des mesures d’accompagnement la corruption. contre le dumping des salaires L’élargissement de l’UE renforce ainsi l’at- Afin de prévenir tout danger de dumping trait des nouveaux États membres aux yeux salarial et social, le Conseil fédéral avait adopté des investisseurs. En 2001 déjà, pas moins de en son temps, avec les accords bilatéraux I, 5,5% des investissements directs suisses pre- la série de mesures d’accompagnement que naient le chemin de l’Europe de l’Est. Comme voici: nous l’apprend au demeurant une étude du – la loi sur les travailleurs détachés et l’ordon- Kof/EPFZ, son engagement croissant en Eu- nance correspondante fixent des conditions rope de l’Est dans les années nonante a été minimales de salaire et de travail, qui s’ap- bénéfique aux sites de production suisses.4 En pliquent aux travailleurs détachés en Suisse d’autres termes, les investissements à l’est ont par un employeur ayant son domicile ou eu pour effet de compléter et d’élargir l’activité son siège à l’étranger, pour une prestation économique de la place helvétique (dominance fournie dans notre pays; des effets de complémentarité sur les effets de – en cas de sous-enchère importante et ré- substitution). Dans le secteur industriel et con- pétée par rapport aux conditions de travail formément aux avantages comparatifs pro- ordinairement pratiquées dans une bran- pres à la place économique suisse, les branches che ou une région, l’autorité peut déclarer à forte intensité de ressources humaines et plus facilement de force obligatoire des con- très innovantes comme la chimie, l’électro- ventions collectives de travail fixant des sa- nique/instruments, les machines, l’industrie Encadré 1 laires minimums et une durée de travail électrique et l’horlogerie, ont été nettement déterminée; gagnantes. Les perdants se retrouvent – là Bibliographie – lorsqu’il n’existe pas de convention collec- aussi, conformément à la théorie du com- tive dans une branche concernée, des salai- merce extérieur – dans les branches à fort – Commission européenne, The Impact of res minimums peuvent être prescrits dans emploi de main-d’œuvre, comme l’habille- Eastern Enlargement on Employment and Labour Markets in the EU Member States – des contrats-types de travail. ment ou certaines industries (ameublement, Part 1, Rapport final 22 mai 2000. articles de jeu ou de sport, etc.), ainsi que celles – Commission européenne, Direction gé- Ces mesures entreront en vigueur en juin qui consomment beaucoup de capital fixe et nérale pour les Affaires économiques et de cette année et empêcheront les sous-enchè- de matières premières comme le bois, la pro- financières (DG Ecofin), «The Economic Impact of Enlargement», Enlargement res abusives en matière de salaires et de condi- duction métallique et de papier. L’industrie Papers n°4, juin 2001. tions de travail. textile à forte composante de capital fixe ainsi – Hollenstein Heinz, «Die Wirtschaftsbezie- Afin d’éviter une brusque montée de l’im- que les branches du travail des métaux et des hungen zwischen der Schweiz und Ost- migration, il faut, en outre, accompagner l’ex- produits plastiques, difficiles à classer sous europa», Strukturberichterstattung n°7, Studienreihe des Staatssekretariats für tension de la libre circulation des personnes de l’angle de l’allocation des ressources, se situent Wirtschaft, Berne, 2001. contingents et délais transitoires. Des négo- dans une position intermédiaire. ciations ont lieu en ce moment avec l’UE à ce 3 Commission européenne, 2000. sujet. La réglementation interne de l’UE pré- 4 Hollenstein, 2001. voit des délais transitoires pouvant atteindre 12 La Vie économique Revue de politique économique 3-2004
Vous pouvez aussi lire