QUEL AVENIR POUR L'INNOVATION À GENÈVE ? - novembre 2016 - CCIG
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quel avenir pour l’innovation à genève ? 2-3 sommaire PRÉAMBULE 5 CE QU’IL FAUT RETENIR 6 1. Pourquoi s’intéresser à l’innovation ? 8 2. Qu’est-ce que l’innovation ? 10 3. Comment favoriser l’innovation ? 18 4. La Suisse championne de l’innovation, mais… 26 5. Les spécificités genevoises 40 6. Quel avenir pour l’innovation à Genève ? 54 Pour en savoir plus 68 Conclusion 71
quel avenir pour l’innovation à genève ? 4-5 préambule « L’innovation est d’ordinaire un effort collectif qui implique la collaboration entre des visionnaires et des ingénieurs. Ce n’est que dans les livres d’images que les inventions se présentent sous la forme d’un éclair tombant du ciel. » Walter Isaacson 1 L’innovation est le graal du XXIe siècle. Dans un monde toujours plus com- plexe et concurrentiel, elle constitue le moteur de la croissance économique d’une région et le carburant des entreprises. Une réalité encore plus vraie en Suisse, pays qui arrive à compenser sa cherté structurelle par son inventivité. Mais comment stimuler l’innovation ? Doit-elle forcément être de rupture ? Quelles sont les conditions à remplir pour créer un véritable écosystème de l’innovation ? Dans quels secteurs Genève pourrait-elle faire la différence ? Telles sont quelques questions traitées dans cette étude publiée par la Chambre de commerce, d’industrie et des services de Genève (CCIG) et la Banque Cantonale de Genève (BCGE), avec la collaboration de l’Office canto- nal de la statistique (OCSTAT). Dans cette édition, la dixième du genre, le choix s’est porté sur ce thème d’autant plus brûlant que les transformations numé- riques et la nouvelle révolution industrielle brisent de nombreux modèles. Certes, aujourd’hui, les entreprises helvétiques figurent parmi les plus inno- vantes du monde et la Suisse caracole en tête des classements internatio- naux de l’innovation. Mais derrière ces bons scores, se profile une réalité plus nuancée. L’avance de la Suisse a en outre tendance à diminuer, notamment parce que les autres pays progressent, que certaines faiblesses internes per- sistent et que les bouleversements actuels peuvent remettre en cause bien des acquis. Genève, qui ne figure pas dans le trio de tête des cantons considérés comme les plus innovants, est consciente des enjeux. Les initiatives fourmillent et des projets prometteurs voient le jour. Il reste toutefois du chemin à parcourir et de nombreuses actions doivent encore être conduites par tous les acteurs – économiques, académiques, politiques, mais aussi par tout un chacun – avant que le canton ne devienne un champion de l’innovation. Nos remerciements s’adressent à Aline Yazgi, auteure de l’étude, ainsi qu’au comité de pilotage, composé d’Hélène De Vos Vuadens et Olivier Schaerrer 1 Directeur général de l’Institut Aspen, auteur (BCGE), Alexandra Rys (CCIG) et Roland Rietschin (OCSTAT). de plusieurs ouvrages sur les innovateurs, dont une biographie de Steve Jobs. Nous vous souhaitons une lecture inspirante. Blaise Goetschin Jacques Jeannerat CEO Directeur BCGE CCIG
# novembre 2016 Ce qu’il faut retenir « Nous nous imaginons en sécurité parce que nous évitons les risques. Mais c’est une sécurité trompeuse. Dans dix ans, la Chine nous aura rattrapés en matière de technologie. Nous devons donc investir aujourd’hui dans l’avenir et dans l’innovation pour que dans 10 ans nous ayons conservé notre longueur d’avance. » Henri B. Meier 2 L’innovation est dans tous les discours, ou presque. Aujourd’hui plus que jamais, seules les idées innovantes semblent pouvoir garantir le succès économique. Tant au niveau d’une région que des entreprises. Et c’est encore plus vrai dans un canton cher, sans réserve de matières premières et exposé à un environne- ment marqué par de profondes mutations. Mais d’abord, qu’est-ce que l’innovation ? Ce terme « fourre-tout » et souvent uti- lisé à mauvais escient est un processus qui transforme une idée en valeur éco- nomique, qui amène sur le marché une plus-value3. Une invention n’en est donc pas (encore) une, la recherche et le développement non plus, bien que ces élé- ments y contribuent fortement. L’innovation peut revêtir plusieurs formes et concerner les produits, les ser- vices, les procédés, la commercialisation ou encore l’organisation. Elle peut consister en une amélioration de l’existant ou marquer une véritable rup- ture, en rendant obsolètes les technologies ou les manières de faire utilisées jusqu’alors. L’innovation de rupture est de nature à bouleverser l’ordre établi et à transformer les règles du jeu, faisant apparaître de nouveaux acteurs et parfois disparaître des entreprises pourtant florissantes. Raison pour laquelle elle inquiète autant qu’elle séduit. Face à elle, le succès du passé ne garan- tit pas forcément celui du futur. Pire, il peut même porter en lui les germes du déclin si l’entreprise étouffe ses idées trop différentes ou refuse de voir les changements qui s’annoncent. Imaginer, tâtonner, essayer, risquer. Et peut-être arriver à innover. Il n’existe – bien évidemment – pas de recette pour faire naître l’innovation. Une série d’ingrédients contribue toutefois à créer un écosystème favorable à celle-ci. Il s’agit d’une conjonction de plusieurs éléments qui concernent les conditions cadre (systèmes de formation et de recherche de très bon niveau, mais aussi infrastructures de qualité, marché du travail ouvert, fiscalité adaptée et toutes les mesures encourageant et facilitant l’entrepreneuriat), les entreprises (dé- velopper et libérer l’énergie créatrice qu’elles ont en elles) et la population (être porteuse de la volonté et de la capacité d’innover). La Suisse figure depuis des années en tête des classements sur l’innovation, en raison de la qualité de sa recherche et développement, de son système de 2 Notamment ancien chef de division formation, du nombre de brevets déposés, de la force de ses PME, de la pré- à la banque mondiale et CFO de Roche. Aujourd’hui retraité, il aide les jeunes sociétés sence de multinationales, etc. Les montants consacrés à la recherche et au innovantes et travaille à la constitution d’un développement figurent également parmi les points cités en exemple, eux qui fonds de capital-risque alimenté par les caisses de pension suisses. atteignent près de 3% du PIB. Particularité helvétique : les trois quarts de ces frais sont supportés par l’économie privée, l’un des plus hauts taux de l’OCDE. 3 Cette étude ne se penche que sur Le dispositif d’encouragement public est quant à lui limité et fort peu média- le contexte de l’économie et non sur les innovations sociales, par exemple, dont les tisé. En outre, l’aide publique à l’innovation n’est pas versée aux entreprises, définitions et impacts sont différents. mais aux instituts de recherche collaborant avec ces dernières.
quel avenir pour l’innovation à genève ? 6-7 Cette position de leader est bien entendu réjouissante. Son maintien futur n’est toutefois pas garanti, d’une part en raison des efforts réalisés à l’étran- ger, d’autre part – et c’est plus grave – en raison de ses propres faiblesses : une fiscalité qui n’encourage pas l’innovation ni ceux qui veulent la financer, la difficulté de trouver en Suisse des fonds de croissance pour les start-up, des coûts élevés, un retard certain dans la culture numérique, une mentalité ris- quophobe, etc. Quant à l’application concrète de la votation de février 2014 sur l’immigration, elle constitue une importante source d’inquiétude tant les canaux de l’innovation dépendent, eux aussi, des talents étrangers. Genève, pour sa part, partage avec la Suisse la très grande majorité des points forts et son côté international constitue un avantage certain pour le brassage d’idées. Mais, s’il appartient certes au peloton des cantons les plus innovants, il ne figure pas parmi le trio de tête. C’est ainsi que ses entreprises introduisent moins de nouveaux produits que la moyenne suisse. Il n’empêche, Genève compte de nombreuses sociétés très innovantes et le terreau est propice à l’éclosion de nombreux projets novateurs. Notamment dans le secteur des sciences de la vie (en particulier grâce au formidable cata- lyseur qu’est en train de devenir le Campus Biotech, en coordination avec les autres acteurs du domaine), des technologies financières, de la sécurité des données numériques et de la culture digitale (dans laquelle existe à Genève un véritable savoir-faire, bien qu’encore peu connu). Autre poche intéressante d’innovations : les organisations internationales où émergent actuellement de nombreuses initiatives. L’innovation étant un processus permanent, la Suisse et Genève devront veil- ler à ce qu’un certain nombre d’améliorations aient lieu permettant de créer une véritable culture de l’innovation, de faciliter la promotion des innovations, d’encourager les activités de recherche et développement, de favoriser les investissements dans les sociétés innovantes, de revoir certaines lois, de pré- server l’attractivité du canton (et du pays) et de favoriser les échanges entre les domaines différents ainsi qu’entre la Genève traditionnelle et la Genève internationale. Autant de pistes qui pourraient renforcer la capacité de la ré- gion à transformer les nombreuses idées qui naissent ici en affaires rentables et en entreprises qui créent des emplois. Le premier chapitre explique pourquoi s’intéresser à l’innovation. Le second vise à cerner l’innovation. A force d’en parler, le mot a perdu en force et en sens. Il s’agit dès lors de le définir, de comprendre les différentes formes d’in- novation et de rappeler ce qu’est la révolution 4.0. Le troisième chapitre s’at- tache aux éléments favorisant l’innovation : conditions cadre, rôle de la for- mation, conditions liées à l’organisation de l’entreprise et traits de caractère des individus, afin que chacun, quelle que soit sa fonction, puisse trouver des sources d’inspiration. Le quatrième chapitre dresse un état des lieux de l’innovation en Suisse et de sa place sur l’échiquier mondial de l’innovation ainsi que ses forces et fai- blesses. Le cinquième s’attache plus spécifiquement à Genève et à ses carac- téristiques ainsi qu’aux structures d’aides existantes. Il comporte également des tableaux chiffrés inédits sur l’innovation à Genève. Le sixième chapitre tente de dégager des pistes pour l’avenir de l’innovation à Genève : les sec- teurs où pourraient naître l’innovation, les modifications des conditions cadre à venir et les actions qui seraient souhaitables. Le chapitre Pour en savoir plus donne quelques idées de lectures pour celles et ceux qui désireraient creu- ser davantage le sujet. Enfin le dernier rappelle pourquoi il ne faut jamais tom- ber dans l’autosatisfaction.
# novembre 2016 1 Pourquoi s’intéresser à l’innovation ? « Si j’avais demandé aux gens ce qu’ils voulaient, ils auraient répondu des chevaux plus rapides. » Henry Ford 4
quel avenir pour l’innovation à genève ? 8-9 4 Fondateur du groupe automobile Ford. 5 VIGNE, Antoine et FAUCHIER DELAVIGNE- MELTZ, Hortense, 2012. Les erreurs dans l’histoire du XXe siècle. Editions courtes et longues. 6 Voir chapitre 5, point Les structures d'aide à l'innovation pour les précisions sur cette structure. Pour illustrer la nécessité d’inno- D’abord, l’économie est toujours plus monde, très orienté sur les produits ver au XXIe siècle, rien de tel qu’une fondée sur le savoir et les éléments à forte valeur ajoutée et connaissant histoire empruntée au cinéma de la immatériels, contexte dans lequel l’in des coûts de production élevés, il fin des années 1920. La production novation joue un rôle central. est particulièrement important que Queen Kelly réunissait trois des plus les entreprises innovent pour rester grandes figures du septième art de Ensuite, l’innovation concerne dé- concurrentielles au niveau internatio- l’époque : Gloria Swanson, l’une des sormais tous les secteurs et tout le nal. « Cette nécessité est encore plus stars incontestées du film muet, Eric monde. La transformation numérique impérieuse lorsque les paramètres von Stroheim, metteur en scène ta- (Internet, technologies mobiles, mé- macroéconomiques, comme le franc lentueux, et Joseph Kennedy, hom dias sociaux, cloud computing, objets fort, leur sont défavorables », font re- me d’affaires brillant. Difficile de trou- connectés, blockchain 7, etc.) et l’éco- marquer les chercheurs de l’institut ver un trio plus auréolé de réussite. nomie collaborative (échanges directs zurichois KOF 9. Le résultat fut pourtant un fiasco. Les entre particuliers rendus possibles par trois partenaires n’avaient en effet la transformation numérique) boule- Face à l’évolution monétaire et con pas vu qu’un vent nouveau s’était le- versent profondément l’ensemble de joncturelle, il est donc plus néces- vé : le cinéma parlant venait de faire l’économie, en générant de nouvelles saire que jamais de se préoccuper son apparition. L’époque avait défini- manières de créer de la valeur (nou- de ce thème et d’œuvrer, chacun tivement changé 5. veaux modèles d’affaires), de financer dans sa sphère d’influence, pour créer (crowdfunding), de payer (bitcoins), de un véritable écosystème favorable à L’histoire économique est remplie s’organiser (coworking, organisation l’innovation. Genève, en particulier, et de ce genre de scénarios : des en- en réseaux)… des mutations qui per- la Suisse, en général, sont déjà relati- treprises prospères, reconnues, ad- mettent d’incroyables opportunités, vement bien outillés et des initiatives mirées disparaissent soudain du gé- mais provoquent également de pro- intéressantes sont en préparation. nérique. Parmi les multiples raisons fondes déstabilisations. Dans son rapport Stratégie écono- de ces funestes épilogues figure la mique 2030 10, le Conseil d’Etat pré- non-anticipation des mutations. Car Enfin, l’innovation est devenue l’ob- sente l’innovation comme un axe stra la réussite tend parfois à endormir. jet de nombreuses études, en Suisse tégique majeur. Autant de nouvelles Comme le répétait inlassablement comme à l’étranger, qui ont permis réjouissantes qui ne doivent toutefois Andy Grove, le CEO d’Intel : « Le suc- de mieux cerner les processus d’in- pas faire perdre de vue que les amé- cès nourrit l’autosatisfaction. L’auto- novation et de quantifier leurs effets. liorations doivent être continues. Au satisfaction nourrit l’échec. Seuls les risque de tomber dans l’autosatisfac- « Au niveau macroéconomique, il exis paranos survivent. » Sans aller jusqu’à tion et de ne pas réussir à s’adapter te un solide réseau de faits montrant la paranoïa, il est évident qu’au- aux évolutions permanentes du monde que l’innovation est le facteur domi- jourd’hui plus que jamais, il faut être dans lequel nous vivons. nant de la croissance économique prêt à affronter un monde en perpé- nationale et de la spécialisation com- tuelle évolution. merciale des pays. Au niveau micro Et pour faire face au défi du change- économique – c’est-à-dire au sein ment, « l’innovation n’est pas une ré- des entreprises – la recherche & dé- ponse ; elle est la seule réponse », veloppement (R&D) apparaît comme martèle Antonio Gambardella, direc- un élément qui renforce l’aptitude 7 Le blockchain est un programme informatique virtuel partagé entre de teur de la Fongit, incubateur d’entre- d’une entreprise à assimiler et à utili- nombreuses parties permettant de garantir la prises basé à Plan-les-Ouates 6. Si elle ser toutes sortes de connaissances traçabilité d’un échange. En résumé, il s’agit est l’œuf, elle est aussi la poule : l’in- nouvelles et pas seulement des con d’une succession de blocs dont chaque élément contient le calcul du bloc précédent, formant novation permet certes de réagir au naissances technologiques. En outre, ainsi une chaîne dont tous les maillons sont changement, elle est elle-même au pour l’entreprise, c’est une manière connectés et chronologiques. Le système est d’augmenter sa marge bénéficiaire, sécurisé (chaque acteur ajoutant un bloc signe cœur du changement, façonnant les avec sa propre clé), immuable (l’historique ne mutations. Elle va au-delà de la simple de jouir d’une situation de monopole peut pas être modifié) et infalsifiable. sphère économique, permettant éga- légal grâce aux brevets et /ou de ga- 8 OCDE, 1997. La mesure des activités lement de répondre à certains dé- gner des parts de marché sur ses scientifiques et technologiques. Manuel d’Oslo. fis sociétaux et environnementaux concurrents », détaille ainsi l’OCDE 8. 9 ARVANITIS, Spyros, EGGER, Peter, (énergie propre, par exemple). Les entreprises helvétiques l’ont bien WOERTER, Martin, 2016. La Suisse a aussi sa politique économique. La vie économique Le phénomène n’est pas nouveau, compris, elles qui permettent à la (un magazine du Département fédéral de mais l’innovation n’a probablement ja- Suisse de se hisser régulièrement l’économie), 25.07.2016. mais autant fait parler d’elle. Plusieurs en tête des classements consa- 10 DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ ET DE raisons expliquent cette actualité. crés à l’innovation. Or, pour un petit L’ÉCONOMIE, 2015. Stratégie économique 2030. pays comme le nôtre, ouvert sur le Adoptée par le Conseil d’Etat en juin 2015.
# novembre 2016 2 Qu’est-ce que l’innovation ? « Il est difficile d’imaginer que la chenille, cette espèce de ver poilu, va se mettre à voler et devenir un beau papillon. Beaucoup d’innovations ne vont jamais plus loin que le stade de la chenille parce que les managers ouvrent les parapluies de l’analyse des risques, de la preuve de la rentabilité et de l’existence du marché. » Elmar Mock 11
quel avenir pour l’innovation à genève ? 10 - 11 Définition - L’innovation de commercialisation : pro cédé impliquant des changements si Il convient enfin de noter que l’innova- tion dépasse aujourd’hui le cadre stricte- Le terme innovation est tellement utilisé gnificatifs de la conception ou du ment économique, avec notamment tout qu’il s’est transformé en un cliché vide conditionnement, du placement, de le champ des innovations sociales (qui de sens précis, souvent employé de ma- la promotion ou de la tarification d’un consiste à élaborer des réponses nou- nière erronée. Il convient dès lors d’en produit. C’est notamment l’entreprise velles à des besoins sociaux nouveaux préciser la signification. Une invention, qui met ses produits (de par leur prix ou mal satisfaits, en impliquant la partici- une idée ou une découverte scientifique et/ou leur simplification) à la portée de pation des différents acteurs concernés, ne constituent pas (encore) une innova- tout le monde alors que cette presta- notamment les utilisateurs et les usa- tion. Une simple nouveauté marketing tion était jusqu’à présent réservée aux gers) et des projets citoyens, que le pré- non plus. seuls spécialistes. sent document n’aborde pas. L’innovation est un processus qui trans- - L’innovation d’organisation : mise en forme une idée en valeur économique. œuvre d’une nouvelle méthode or- Elle amène sur le marché une plus-value ganisationnelle dans les pratiques, par rapport à l’existant. l’organisation du lieu de travail ou les relations extérieures de la firme. Pour reprendre la classification de l’OCDE, Elles incluent, par exemple, la mise en l’innovation peut être de quatre types 12 œuvre de nouvelles pratiques pour (pour des illustrations genevoises, voir en- améliorer le partage du savoir au sein cadrés ci-contre et aux pages suivantes), de l’entreprise ou de nouvelles mé- qui peuvent d’ailleurs être combinés : thodes d’attribution du capital aux Des capteurs - L’innovation de produit : bien ou ser- salariés. C’est aussi toute l’économie collaborative qui établit des relations intelligents nés vice nouveau. Cela inclut des amé- liorations sensibles de spécifications directes entre particuliers et concur- rence frontalement les pratiques habi- de l’intelligence techniques, composants, matière, etc. d’un produit qui est mis sur le marché. tuelles, à l’instar de ce qui s’est passé avec Airbnb, Uber et leurs déclinaisons collective C’est l’innovation à laquelle on pense dans divers secteurs économiques. Il existe de nombreuses innovations de généralement. produits. L’exemple de PrestoPark est Plus simplement, on peut reprendre l’ex- toutefois particulier. D’abord, en raison - L’innovation de procédé : mise en pression imagée de Genilem, associa- de l’innovation elle-même : la technologie œuvre de méthodes de production tion d’aide à la création d’entreprises 13 : mise au point permet de déceler à ou de distribution nouvelles ou sensi- « L’innovation, c’est l’un des 3 A : Autre 100% la présence d’un véhicule garé blement améliorées. Cette notion im- chose (nouveau produit/service). Autre- et de proposer un système de parking plique des changements significatifs intelligent, en guidant l’automobiliste ment (nouveau concept d’affaires). Ail- vers une place vide. Ce concept novateur, dans les techniques, le matériel et/ou leurs (idées venues d’ailleurs et encore installé à Carouge, intéresse plusieurs le logiciel. Elle permet notamment de jamais réalisées en Suisse). » 14 villes étrangères, en raison de la meilleure raccourcir le temps de traitement des gestion du territoire et de la réduction de processus. C’est, par exemple, le cas On le constate : l’innovation ne s’arrête pas la pollution qu’il permet. d’une entreprise qui trouve le moyen aux frontières de la seule technologie et de fournir ses clients en quatre heures concerne les entreprises de tous les sec- Ensuite, en raison de la genèse de alors que la norme dans le secteur est teurs, de l’agriculture à l’hôtellerie en pas- cette innovation : elle est le fruit d’une sant par l’industrie la plus traditionnelle. collaboration entre plusieurs acteurs de deux jours. genevois, comme l’explique le conseiller D’ailleurs aujourd’hui, les nouveautés d’Etat Pierre Maudet 15. L’entreprise quadragénaire IEM, active dans 11 MOCK, Elmar et GAREL, Gilles, 2012. La technologiques sont moins nombreuses l’ingénierie électronique et la monétique fabrique de l’innovation. Dunod. Elmar Mock que les innovations de modèles d’af- urbaine, a conçu la technologie et a lancé est le coinventeur de la Swatch. faires, même si elles constituent le le PrestoPark. Le centre de recherche de 12 OCDE, 1997. La mesure des activités socle d’une très grande quantité d’in- la multinationale Dupont de Nemours, scientifiques et technologiques. Manuel d’Oslo. novations (les nouvelles pratiques is- approché par l’Office de la promotion des sues de l’économie participative ont pu industries et des technologies, a conçu la 13 Pour le détail sur Genilem, voir chapitre 5, coque protégeant le capteur. L’entreprise émerger précisément grâce aux avan- point Les structures d'aide à l'innovation. LEM a pour sa part apporté sa contribution cées de la technologie, notamment nu- pour garantir la parfaite étanchéité du 14 Interview avec Sylvie Léger, directrice mérique). Uber, pour ne prendre que adjointe, responsable communication. produit. Enfin, la start-up OrbiWise s’est cet exemple, est une innovation de bu- attelée à la technologie de transmission 15 MAUDET, Pierre, 2016. Genève : une siness model qui n’aurait pas pu voir des informations entre le serveur central et « smart city » à l’échelle du territoire. La vie le jour sans les réseaux sociaux et les l’automobiliste, une technologie très peu économique, juillet 2016. platesformes digitales. gourmande en énergie.
# novembre 2016 Innovation de Le concept, lui, a été défini au mi- lieu des années 1990 par un profes- Autre raison : les grandes entreprises allouent leurs ressources prioritaire- rupture et innovation seur de la Harvard Business School, Clayton Christensen 16, qui a théma- ment en fonction des demandes de leurs gros clients, les plus rentables. incrémentale tisé autour du fait que l’innovation Or, ces derniers ne vont pas utiliser de soutien (ou « incrémentale ») amé- les produits basés sur des technolo- Depuis quelques années, le terme liore l’existant alors que l’innovation gies disruptives, en tout cas pas pen- « innovation de rupture » (disruptive in- de rupture transforme les règles du dant les premiers temps. Ainsi, les novation, en anglais) est très souvent jeu. Il a également montré pourquoi entreprises qui ont l’habitude d’écou- employé. On entend par là une inno- les grandes entreprises dominantes ter leurs meilleurs clients pour lan- vation radicale qui rend obsolètes ont tendance à privilégier les amélio- cer leurs nouveautés vont privilégier les technologies utilisées jusqu’alors. rations plutôt que les ruptures. l’évolution plutôt que la révolution. C’est, par exemple, le cas de l’arrivée Elles risquent même de tuer les idées sur le marché du CD, du téléphone Clayton Christensen donne plusieurs qui ne répondent pas à la demande. portable ou de la photo numérique. raisons au fait que ces sociétés ne Elles ont en effet davantage d’inté- sont pas les mieux outillées pour les rêts à rester sur des produits pour les- Bien que le numérique ait boulever- révolutions. D’abord, les produits ba- sé passablement de domaines, l’in- quels elles sont en position de force sés sur des technologies disruptives et qui sont lucratifs plutôt que d’aller novation de rupture ne date pas du sont généralement plus simples et XXIe siècle. Ni même du XXe. Elle a vers des produits ayant des marges moins chers, du moins au début, ce faibles et destinés à une clientèle res- accompagné l’histoire de l’humanité, qui génère des marges plus basses. depuis que l’être humain a dévelop- treinte. Elles attendent donc que le Ils ouvrent certes de nouveaux mar- marché soit mûr pour y investir. Le pé l’agriculture alors qu’il avait tou- chés, mais, et c’est la deuxième rai- jours chassé, modifiant ainsi totale- hic : une fois que leurs clients tradi- son, il s’agit dans un premier temps tionnels désirent ces nouveautés, il ment le mode de vie de nos ancêtres. d’une clientèle émergente et donc est souvent trop tard... L’intérêt de sa peu nombreuse. Les entreprises tra- théorie est de montrer que l’échec ditionnelles n’ont pas l’habitude de face à la rupture ne résulte pas d’un traiter avec ces clients et n’ont pas manque de connaissance, mais bien non plus les structures de coûts d’un raisonnement rationnel. adaptées à de petits volumes. Face à ce dilemme vécu par la grande entreprise au regard des innovations de rupture, Clayton Christensen et D’importants gains de temps les spécialistes de l’innovation préco- nisent d’établir de nouvelles entités in- Les entreprises genevoises ont mis en place de nombreuses innovations de dépendantes libérées de l’influence procédés qui touchent des secteurs très variés. Ainsi, Selexis, une société basée des consommateurs de la société à Plan-les-Ouates, est devenue le deuxième fabricant au monde de lignées traditionnelle. C’est ce qu’avait par cellulaires permettant de produire des protéines recombinantes, car ses outils exemple fait – avec succès – Nestlé technologiques permettent de réduire fortement le temps de production des cellules et de diminuer les coûts de production des médicaments. avec Nespresso. Autre exemple : Contexa, à Aïre-le-Lignon, lauréate du Prix de l’innovation 2013 Cela dit, il serait faux de n’avoir d’yeux décerné par la CCIG, le Département de la sécurité et de l'économie (DSE) et que pour l’innovation de rupture. l’Office de promotion des industries et des technologies (OPI), a bouleversé D’abord, elle ne se planifie pas, elle les procédés de production des compositions de parfumerie en « pesant sans balance » les ingrédients, ce qui permet là aussi un gain de temps considérable : est risquée et peut ne jamais trou- avec les systèmes traditionnels (balance), pour peser précisément 100 matières ver un marché plus élargi que celui premières liquides et les mélanger, il faut exécuter 100 fois l’action de pesage sur des premiers convaincus. Ensuite, balance pour déterminer le poids exact de chaque substance, puis les déverser les modifications incrémentales per- dans un mélangeur final. Avec le système genevois, on peut injecter les 100 mettent d’améliorer les produits, ser- produits simultanément et les mélanger en une seule étape dans le conteneur. vices ou procédés et contribuent ain- Les domaines sont très variés. Et ces innovations de procédé sont très utiles à si à la bonne santé des entreprises. l’économie genevoise, qui gagne en efficacité. Comme le constate Christophe Enfin, il semblerait qu’en Suisse, nous Renner, président du groupe de pilotage du Laboratoire de Technologies soyons excellents pour faire mieux, Appliquées, elles émanent souvent « d’entreprises bien établies, notamment du domaine du luxe, de l’horlogerie ou des machines, qui viennent avec des idées un peu moins pour être disruptifs. très novatrices, notamment en termes de matériaux. Elles arrivent ainsi à innover Une question d’ordre culturel proba- dans leur cœur de métier». blement liée aux mentalités.
quel avenir pour l’innovation à genève ? 12 - 13 Pendant combien de Comment mesurer temps peut-on parler l’innovation ? d’innovation ? Certaines innovations sont faciles à La question de la durée de vie d’une mesurer : toutes celles basées sur un brevet. Les brevets constituent une De nouvelles innovation ne trouve pas de réponse définitive. Dans leurs enquêtes sur donnée intéressante pour objectiver l’innovation, notamment parce qu’ils prestations clientèle l’innovation, les instituts de recherche représentent une mesure simple et Les innovations de commercialisation tels que l’institut zurichois KOF et ses facilement comparable, tant au niveau permettent notamment de toucher de équivalents suisses ou étrangers de- des entreprises que des secteurs et nouvelles cibles de clientèle. C’est le cas mandent aux entreprises si elles ont de NonStop Gym, premier club de fitness des pays 18. D’ailleurs, ils figurent en de Genève à être ouvert 24 heures sur 24 introduit des nouveautés au cours bonne place dans la composition tous les jours de l’année afin d’être adapté des trois dernières années. des indices visant à établir les clas- à tous les styles de vie. Un concept qui existait à l’étranger, mais pas ici. Misant En pratique, les chefs d’entreprises sements en termes d’innovation. Mais sur la technologie (pour ses contrôles estiment que la durée de l’innova- se contenter de ce seul critère serait d’accès notamment) et sur les petits prix, tion dépend du secteur. En informa- réducteur. D’une part, certaines inno- les deux fondatrices ont réussi à ouvrir cinq tique ou en téléphonie, elle est plus vations (notamment d’organisation et salles de fitness moins de trois ans après de commercialisation) ne sont pas avoir créé leur société, et ce malgré la courte que ces trois ans, alors que concurrence régnant dans le secteur. dans les technologies médicales, la couvertes par des brevets. D’autre construction ou l’hôtellerie elle peut part, tout un pan du secteur tertiaire Autre innovation de commercialisation aller jusqu’à cinq ans, voire bien plus. échappe à ces protections légales. visant, elle, à offrir une prestation d’un hôtel cinq étoiles à un établissement Indépendamment de l’industrie, les De même, les dépenses en recherche de trois étoiles : l’hôtel des Horlogers spécialistes basent également leur et développement (R&D) ne per- à Plan-les-Ouates qui a introduit dans jugement sur d’autres éléments. Ain- son système de réservation un logiciel mettent de quantifier l’innovation au de conciergerie permettant à ses clients si, on s’entend souvent répondre niveau macroéconomique que de de commander des services destinés qu’une innovation est jugée comme manière très incomplète, bien que normalement aux établissements de luxe telle tant que la technologie n’a pas pendant longtemps les mesures de (champagne dans la chambre, véhicule à été dépassée et que le produit n’a l’innovation se soient principalement disposition, table et fer à repasser, etc.). pas été copié. basées sur cette donnée. Ainsi, l’as- Pour certains types d’innovation, une sociation britannique dédiée à l’inno- part de subjectivité est assumée. Ain- vation, Nesta, a développé un indice si l’association d’aide aux entreprises permettant de mesurer la valeur fi- innovantes Genilem estime qu’une nancière de l’innovation du Royaume- « innovation en reste une tant qu’elle Uni qui inclut de nombreuses autres étonne, qu’elle est perçue comme données, dont les logiciels, le design, nouvelle, unique », ou alors tant qu’elle le développement de produits dans n’est « pas entrée dans les mœurs et les services financiers et la création ne constitue pas un standard sur le artistique, les investissements dans marché» 17. les marques, les actifs intangibles ou encore l’acquisition de savoir 19. Comment donc mesurer une inno- vation lorsqu’il n’y a pas de brevet ? Dans ses enquêtes, l’OCDE explique aux destinataires de son formulaire : 16 Voir également la bibliographie chapitre « La nouveauté ou l’amélioration se En savoir plus. mesurent par rapport aux caractéris- 17 Interview avec Jean-Christophe Calmes, tiques essentielles du produit, de ses directeur de Genilem, et Sylvie Léger, directrice spécifications techniques ou de la adjointe, responsable de la communication. convivialité. » Il est donc question de 18 La question des brevets est également « caractéristiques objectives de per- traitée au chapitre 4, point Brevets : image formance ». Or, il faut bien reconnaître trompeuse. que celles-ci ne sont parfois pas ai- 19 http ://www.nesta.org.uk/publications/ sées à saisir, en fonction notamment innovation-index-2012. du type d’innovation.
# novembre 2016 Une autre difficulté repose sur le Les réactions des clients consti- Au niveau genevois, un think tank fait que malgré la tentative d’établir tuent également une mesure, « la sur cette thématique, piloté par l’OPI des définitions scientifiques comme plus fiable, surtout maintenant que avec le soutien du DSE, a été créé celles proposées par l’OCDE (voir de nombreux métiers de services récemment. En Suisse, il ne semble point 4.1), il existe une grande subjec- sont notés sur Internet », estime pour pas exister pour l’heure d’initiative tivité entraînant des différences d’in- sa part Anne Southam, cofondatrice politique nationale à ce sujet. Mais terprétations et donc de mesure. de l’organisme d’aide à la création quatre associations issues du secteur d’entreprises Genilem, fondatrice du privé (asut, Electrosuisse, Swissmem « On peut certes se poser la question groupe Hôtels et Patrimoine (qui mise et SwissT.net) se sont regroupées de savoir si un tel produit existe déjà, beaucoup sur l’innovation) et de plu- pour créer Industrie 2025 23. tenter de voir si un service est assor- sieurs autres sociétés. ti d’une différence remarquable ou si un procédé est nouveau ; il y a un cô- té très émotionnel dans ce que l’on Les risques liés a envie de voir de nouveau », admet Jean-Christophe Calmes, directeur Le poids réel à l’innovation de Genilem. de l’industrie 4.0 Pour se distinguer de la concurrence, La Confédération reconnaît aussi ce Difficile de ne pas évoquer, même toutes les entreprises ont besoin d’in- flou dans son premier rapport consa- brièvement, l’industrie 4.0 dans une nover. Cela dit, certaines se méfient cré à l’innovation, sorti au printemps étude sur l’innovation 21. Cette ex- de l’innovation, car cette dernière re- 2016 20. Elle l’attribue essentiellement pression renvoie à l’idée qu’après la présente un risque : financier, mais à la taille des entreprises. « Les PME mécanisation, l’électrification et l’au- aussi de management. Il faut accep- voient déjà des innovations dans les tomatisation, une quatrième révolu- ter la possibilité que les recherches petites améliorations qui sont appor- tion industrielle est en train d’avoir ne débouchent sur rien, que le résul- tées aux produits et qui n’exigent lieu. Elle se base sur la numérisa- tat diffère grandement de ce qui était qu’un investissement modeste alors tion et se caractérise par une fu- souhaité ou que la nouveauté soit un que, s’agissant du développement sion des technologies « qui brouille échec. Parfois également, certaines de nouveaux produits, les grandes les frontières entre les mondes phy- innovations arrivent trop tôt et le mar- entreprises procèdent de manière sique, numérique et biologique, énu- ché n’est pas prêt. Les entreprises systématique et engagent davantage mère Klaus Schwab. Et le fondateur peuvent alors persévérer au risque de fonds pour développer des pro- du World Economic Forum (WEF) de d’épuiser leurs liquidités ou tempori- duits présentant un degré de nou- prédire que cette révolution change- ser au risque de laisser la place à des veauté plus élevé. » ra profondément nos modes de vie, concurrents (tel Kodak, avec la photo de travail et l’ensemble de nos inte- numérique). Voilà pour les tentatives extérieures ractions sociales. Par son ampleur et de quantifier le niveau d’innovation. sa complexité, cette transformation Pour l’entreprise qui voudrait me- n’est comparable en rien à ce que surer son « innovativité » (sa capaci- l’humanité a connu auparavant »22. té d’innover), il existe une méthode simple, comme le souligne Pierre Les produits physiques peuvent dé- Strübin, président de l’incubateur sormais être connectés. Ainsi, la Fongit : regarder quelle est la part communication est continue et ins- du chiffre d’affaires réalisée avec tantanée entre les différents outils des produits/services mis sur le mar- et postes de travail, ce qui permet ché durant les dernières années (la une multitude de nouveautés : me- période exacte dépendant du sec- sures de qualité en temps réel et teur d’activité) ou voir si elle a intro- non plus par échantillonnage, locali- duit des innovations de procédé, de sation instantanée d’un produit dans commercialisation ou d’organisation une chaîne de production, passage 20 DÉPARTEMENT FÉDÉRAL DE au cours de cette période. d’un modèle « push » (les entreprises L’ÉCONOMIE, DE LA FORMATION ET DE LA proposent) à un modèle « pull » (les RECHERCHE, 2016. Recherche et innovation en Suisse. consommateurs demandent), etc. 21 Voir également l’article HEG dans le Cette révolution contient certes des CCIGinfo 7 de 2016. risques (notamment en termes de 22 PILET, François, Interview de Klaus suppressions d’emplois et de né- Schwab dans L’Hebdo du 19 mai 2016. cessités de mises à jour de compé- 23 www.industrie2025.ch Site uniquement tences), mais aussi d’importantes op- en allemand, du moins au moment de la portunités d’innovation. rédaction de ce rapport.
quel avenir pour l’innovation à genève ? 14 - 15 Le degré de risque diffère évidem- ment en fonction du type d’innova- tion. Une amélioration comporte peu de risques et a un côté très consen- suel. Une innovation de rupture en revanche ne va pas sans heurts. Elle s’accompagne généralement d’une réallocation des ressources entre les secteurs, les entreprises voire les pays, avec des perdants et des ga- gnants. Les technologies nouvelles entrent en concurrence avec celles qui sont bien établies et, bien sou- Une organisation pour booster l’innovation vent, elles s’y substituent. Comme l’a L’entreprise Loyco a misé sur une innovation d’organisation afin, notamment, de souligné au milieu du XXe siècle déjà permettre… l’innovation. Spécialisée dans l’externalisation des fonctions de support (RH, l’économiste Joseph Schumpeter, le finances, assurances…), elle a opté pour une structure actionnariale participative. Elle est changement technologique peut être ainsi détenue en grande partie par les personnes qui y travaillent : chaque actionnaire, quel que soit le nombre de ses parts, a le même poids que les autres lors du vote en synonyme de « destruction créatrice ». assemblée générale. Ainsi, son directeur, Christophe Barman, détient 25% des actions et n’a qu’une seule voix. Et les perdants ne sont pas forcé- ment les entreprises les moins per- Et il est convaincu du bien-fondé de cette organisation : « Vous tuez l’innovation si vous formantes. Comme l’a montré Clayton mettez vos collaborateurs dans des entonnoirs et sous trop de couches hiérarchiques. Pour qu’ils osent essayer de créer, ils doivent s’identifier pleinement à l’entreprise, sentir Christensen 24 dans son ouvrage The qu’ils ont un impact sur elle, savoir qu’elle leur appartient en partie et avoir l’assurance Innovator’s Dilemna, dans de très que leurs initiatives seront considérées d’un œil bienveillant. Une structure où tout doit nombreux cas, les technologies dis- être validé par une succession de chefs débordés et où il faut attendre six mois pour ruptives ont précipité la chute d’en- avoir un feedback génère de la démotivation. Elle castre les gens, qui n’ont alors plus treprises auparavant érigées en mo- envie de proposer des améliorations et qui ne font alors plus que leur job en attendant la fin de la journée. » dèles de réussite. Aujourd’hui, la transformation boule- verse profondément l’ensemble de l’économie et risque de faire dispa- raître des entreprises. Quant aux mo- dèles innovants, basés sur des tran- sactions intervenant directement de personnes à personnes (tels les Uber, Airbnb et dérivés), ils fâchent autant qu’ils plaisent. La capacité d’accep- tion du changement et d’adaptation à ce dernier étant une composante que l’être humain gère de manière très diverse. Bien que l’innovation soit reconnue de manière quasiment unanime comme positive, car néces- saire, il convient d’admettre qu’elle comporte aussi des revers et une di- mension conflictuelle. 24 CHRISTENSEN, Clayton, 2016. The Quant à l’Industrie 4.0, elle présente Innovator’s Dilemna. 1re éd. 1997. Harper Business. certes d’incroyables opportunités, avec la création de nouvelles so- 25 Selon une étude du cabinet de conseil ciétés, activités et professions 25. En Deloitte, d’ici à 10 ans 270 000 nouveaux emplois seront créés. même temps, elle risque de faire dis- paraître de nombreux postes, en rai- 26 Selon Hans Hess, président de Swissmem cité dans la Tribune de Genève son de leur automatisation 26. du 1er juillet 2016. Sur les 330 000 employés que compte l’industrie suisse des machines, Le reconnaître permet d’anticiper la de l’électrotechnique et des métaux (MEM), problématique, notamment en ma- « près de 13% d’entre eux occupent des postes répétitifs (peu qualifiés) appelés à disparaître tière de formation et de gestion des avec Industrie 4.0 ». Soit près de 50 000 compétences. emplois.
# novembre 2016 3 Comment favoriser l’innovation ? « Une personne qui n’a jamais commis d’erreur n’a jamais tenté d’innover. » Albert Einstein
quel avenir pour l’innovation à genève ? 16 - 17 Les ingrédients Les conditions cadre Ils favorisent une coordination plus étroite entre les divers agents éco- L’innovation ne se décrète pas. On ne Le premier étage de la fusée est nomiques, privilégient la constitution la planifie pas sur sa planche à des- constitué par des conditions cadre de réseaux et l’amélioration de la sin. Ce n’est pas non plus, comme on favorables à l’innovation. coordination. l’a cru pendant longtemps, un pro- Formation et recherche Coopération hautes cessus linéaire dont le point de dé- Les plus importantes conditions écoles-économie privée part serait la recherche scientifique cadre ont trait à la formation et à la L’innovation naît fréquemment de fondamentale et qui se déroulerait recherche. La capacité d’innover contacts entre grandes entreprises et en allant, d’étape en étape, jusqu’à la d’une région dépend en effet de PME, fournisseurs et clients, centres commercialisation. manière décisive de la qualité de publics et privés de R&D, établisse- Face à cette réalité, il n’existe certes son système de formation et de re- ments de formation, secteur associa- pas de recette miracle pour faire jail- cherche. Une main-d’œuvre quali- tif et pouvoirs publics. La politique lir l’innovation. Il ne suffit pas non plus fiée, capable de donner naissance adoptée en matière d’innovation que les gouvernements aient une à des idées et technologies nou- doit faciliter la collaboration au sein politique scientifique pour favoriser velles, puis de les commercialiser de ces réseaux et l’améliorer, insiste celle-ci. est en effet nécessaire. Des institu- également la Confédération 28. De tions scientifiques et technologiques bonnes conditions cadre sont néces- Il y a toutefois une série d’ingrédients permettant de repousser les limites saires à l’éclosion de coopérations qui, mis ensemble, contribuent à créer des connaissances sont également entre hautes écoles et économie pri- un écosystème propice à l’innova- indispensables. Enfin, la valorisation vée dans le domaine de la recherche tion. Il s’agit d’une conjonction de plu- de la recherche par le biais de sys- et de l’innovation. sieurs éléments qui concernent les tèmes de transfert de technologies conditions cadre (améliorer les poli- Organismes d’aide à la création efficaces constitue une autre donnée tiques en faveur de l’innovation et de Enfin, les pouvoirs publics peuvent de l’équation. manière plus générale en faveur d’un financer des organismes d’aide à la environnement encourageant et fa- Infrastructures, création d’entreprises qui fournissent cilitant l’entrepreneuriat, assurer une marché du travail et fiscalité des conseils gratuits : « Pour les auto- formation de qualité), les systèmes de Outre ces facteurs touchant direc- rités les coûts sont assez faibles tan- formation et de recherche (créer des tement à l’innovation, des éléments dis que les frais sont souvent très éle- connaissances et les mettre en pra- tels qu’un marché du travail ouvert, vés pour les sociétés 29. » tique), les entreprises (libérer l’éner- des infrastructures modernes, un sys- gie créatrice qu’elles ont en elles) et tème numérique développé, un sys- la population (être porteuse de la vo- tème fiscal attractif, des démarches lonté et de la capacité d’innover). administratives légères, une bonne protection de la propriété intellec- Et tout ce qui peut générer un bras- tuelle et des investissements, un sage d’idées et des interactions accès adéquat aux ressources fi- – même improbables – entre per- nancières pour les entreprises, no- sonnes de divers horizons, entre- tamment les start-up… impactent prises, instituts de formation consti- positivement l’écosystème de l’inno- tuent des facteurs favorables… vation. Les différents indices mesu- rant l’innovation des pays prennent Comme une fusée, l’innovation né- d’ailleurs en compte ces critères cessite une série d’étages pour pou- pour établir leurs classements (ces voir décoller. Ce n’est que s’ils sont éléments sont développés pour la tous présents qu’elle pourra vérita- Suisse au chapitre 4). blement s’envoler. 27 OCDE, Stratégie de L’OCDE pour Constitution de réseaux l’innovation 2015 – Un programme pour Les pouvoirs publics ont donc un l’action publique. rôle important à jouer pour l’établis- 28 DÉPARTEMENT FÉDÉRAL DE sement ou la supervision de ces L’ÉCONOMIE, DE LA FORMATION ET DE LA conditions cadre. Comme le sou- RECHERCHE, 2016. Recherche et innovation ligne l’OCDE 27, ils agissent en outre en Suisse. de plus en plus comme facilitateur 29 UBS Indicateur de compétitivité des face à la complexité et à l’incertitude. cantons, 2016.
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