Laboratoire de Physiologie de la Perception Institut des Sciences du Sport-Santé de Paris - Sylvain Hanneton - Causa Mundi
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Sylvain Hanneton Laboratoire de Physiologie de la Perception Institut des Sciences du Sport-Santé de Paris 16 janvier 2019
La nature de la pensée ? → question de philosophe ! La philosophie de l'esprit est l'étude philosophique de la nature de l'esprit (psyché), des événements, des fonctions et des propriétés mentales, de la conscience, et de leurs rapports avec le corps, particulièrement avec le cerveau. ● Un système informatique peut-il être doué de quelque chose qui ressemble à l’intelligence ? (spoiler : oui) ● L’intelligence d’un système informatique est-elle de même nature que la pensée humaine ? → mais de quelle NATURE est la pensée humaine ???
→ envisager que la pensée et l’ « intelligence » d’un système informatique sont de même nature c’est adopter une approche matérialiste Le matérialisme est un système philosophique qui soutient que toute chose est composée de matière et que, fondamentalement, tout phénomène est le résultat d'interactions matérielles. → la « pensée » ne serait qu’une propriété émergente fonctionnelle de la matière vivante... Par le Médecin et philosophe La Mettrie
Intelligence artifcielle forte et faible ... IA FAIBLE Système artifcielle capable de résoudre des problèmes précis avec une effcacité comparable à celle de l’être humain IA FORTE Comportement intelligent, mais aussi ● Conscience de soi ● Sentiments ● Émotions
→ La question posée revient à examiner l’hypothèse du cerveau-ordinateur Neurosciences (Hebb, ...) 1958 Sciences du langage Hypothèse du (fonctionnalisme) (Fodor, Putnam, Harman, Chomsky...) cerveau-ordinateur (J. von Neuman, « The computer Sciences de la communication, Mathématiques and the brain) (théorie de l’information) (Shannon, Turing, von Neuman….) « le fonctionnalisme soutient que nous sommes semblables à des ordinateurs et que nos états psychologiques sont simplement des états fonctionnels » Putnam, 1994, p. 507 Putnam (1994) article Putnam, in Guttenplan, S. (éd.) A Companion to the Philosophy of Mind, Oxford, Blackwell, pp. 507-513. [tr. fr. à paraître sous le titre Aller et retour au pays du fonctionnalisme].
Software Connexionnisme : software = connaissance distribuée dans les poids des synapses 10010100010011110101010010001……. Hardware
Comment pense-t-on que cela marche dans le cerveau ?
→ le cerveau en quelques mots... ● Il consomme environ 20 watts ● Il comporte environ 100 milliards de neurones mais aussi des cellules gliales ● Ces neurones établissent 100 000 milliards de connexions Le neurone est la cellule spécialisée du système nerveux qui transmet et intègre les signaux. C’est une cellule polarisée : les signaux transitent depuis les synapses des dendrites ou du corps cellulaires vers le bouton terminal via l’axone. Chaque neurone n’a qu’un seul axone et ne synthétise et libère qu’un seul type de neurotransmetteur.
Chaque neurone communique en moyenne avec 10 000 autres neurones via des synapses. Le dogme est donc que l’information transite par des décharges électro-chimiques : les potentiels d’action. Hypothèse : Notre cerveau apprend en modifant l’efficacité des synapses via notre expérience du réel. (Connexionnisme)
Les algorithmes d’intelligence artifcielle imitent-ils le cerveau ?
→ C’est quoi un algorithme d’intelligence artifcielle ? C’est un programme informatique qui apprend à résoudre un problème par un apprentissage. Ce programme utilise des paramètres dont les valeurs sont optimisées (apprises petit à petit), au cours de cet apprentissage La plupart du temps, il apprend à résoudre le problème parce qu’on lui présente une série d’exemples Lorsqu’il a appris à donner des réponses correctes pour ces exemples, on attend de lui qu’il soit capable de généraliser les connaissances apprises pour des situations nouvelles
Apprentissage supervisé et non supervisé → Dans l’apprentissage supervisé, le superviseur (humain) guide lui même l’IA en l’entraînant sur un ensemble d’exemples (base d’exemples) C’est un peu comme « dresser » l’IA à répondre correctement On espère qu’ensuite l’IA sera capable de généraliser ce qu’il a appris à des cas qui ne font pas partie de la base d’exemple. → Lors d’un apprentissage non-supervisé, l’IA est censé apprendre toute seule, par l’expérience qu’il a de son environnement → Ce qu’on sait le mieux faire, pour l’instant, c’est l’apprentissage supervisé
Apprentissage supervisé ERROR ! Sortie IA NON OUI superviseur Lors de chaque pas d’apprentissage, un exemple est présenté au réseau. Le superviseur compare la réponse du réseau à la bonne réponse et l’erreur éventuelle est utilisée pour changer les paramètres du réseau.
→ Quelle est la nature des systèmes d’intelligence artifcielle utilisés aujourd’hui ? Les plus courants utilisent des petites unités de calcul, organisées en couches de traitement, connectée entre elles… Ces systèmes sont appelés réseaux de neurones formels. ENTRÉES SORTIE (images, sons….) = réponse Les réseaux de neurones formels apprennent en modifant la force des connexions entre neurones.
→ C’est quoi un neurone artifciel ? Paramètres du neurones : poids synaptiques ? ? calcul ? ENTRÉES SORTIE = réponse ? C’est une unité de calcul qui produit une valeur de sortie en fonction de valeurs d’entrées Le calcul accorde plus ou moins d’importance aux entrées, selon la force (poids synaptique) associée à chaque entrée
Erreur ? ENTRÉES SORTIE (images, sons….) = réponse
← 1936 – Machine de Turing 1959 – Simple cells and complex cells - David H. Hubel and Torsten Wiesel ← 1957 – Le perceptron – Frank Rosenblatt 1966 – Synaptic Long term potentiation – Serge Lomo ← 1969 – Perceptrons - Marvin Minsky and Seymour Papert 1987 – Long term depression – Sakurai ← 1986 – Backpropagation - Rumelhart, Hinton and Williams Désaffection pour les Réseaux de neurones formels 1996 – Mirror neurons / neurones miroirs – Rizzolati et al. ← 1998 – Gradient-based learning - Yann LeCun ← 2009 – Launch of ImageNet - Fei-Fei Li ← 2011 – Win of AlexNet - Alex Krizhevsky Deep Learning
Alan Turing, « On Computable Numbers, with an Application to the Entscheidungsproblem », ← 1936 – Machine de Turing Proceedings of the London Mathematical Society, série 2, vol. 45, 1936, p. 230-265 ← 1943 – First mathematical model of a neural network - Pitts and McCulloch F. ROSENBLATT. THE PERCEPTRON: A PROBABILISTIC ← 1957 – Le perceptron – Frank Rosenblatt MODEL FOR INFORMATION 1959 – Simple cells and complex cells - David H. Hubel and STORAGE AND ORGANIZATION IN THE BRAIN. Psychological Review Torsten Wiesel Vol. 65, No. 6, 1958 ←1965 – First working deep learning networks - Alexey Ivakhnenko and V.G. Lapa 1966 – Synaptic Long term potentiation – Serge Lomo ← 1969 – Perceptrons - Marvin Minsky and Seymour Papert Rumelhart, David E.; Hinton, Geoffrey E.; Williams, Ronald J. (8 October 1986). "Learning representations by back- propagating errors". Nature. 323 (6088): 533–536. 1987 – Long term depression – Sakurai ← 1986 – Backpropagation - Rumelhart, Hinton and Williams ← 1995 – Support vector machines - Cortes and Vapnik 1996 – Mirror neurons / neurones miroirs – Rizzolati et al. ← 1998 – Gradient-based learning - Yann LeCun ← 2009 – Launch of ImageNet - Fei-Fei Li ← 2011 – Win of AlexNet - Alex Krizhevsky
→ Beaucoup de réussites récentes en IA pour les réseaux de neurones artifciels ● Identifcation d’objets/visages dans les images (Google, Facebook etc.) ● Reconnaissance de la voix (Assistants Google Home,Alexia…) ● Reconnaissance des émotions (dans un visage, une voix...) ● Aide au diagnostic en imagerie médicale ● Aide à la conduite ou conduite autonome pour les véhicules ● Assistants intelligents (chat bots) → Et des réseaux capables de créer, d ‘ « imaginer » (?) des choses qui n’existent pas Generative Adversial Neural Networks (Grigory Antipov Moez Baccouche Jean-Luc Dugelay, Orange Labs 2017)
→ Opposer l’humain à l’ordinateur ? 1996 : Kasparov - Deep Blue : 4-2 1997 : Kasparov - Deep Blue : 2,5 - 3,5 2002 : Kramnik - Deep Fritz : 4-4 2003 : Kasparov - Deep Junior : 3-3 2003 : Kasparov - Fritz X3D : 2-2 2006 : Kramnik - Deep Fritz : 2-4 2012 – Zen vs Takemiya Masaki 2013 – Crazy Stone vs Ishida Yoshio 2015 – AlphaGo vs Fan Hui (champion d’europe) 2016 – AlphaGo – Lee Sedol 2016 – AlphaGo devient le meilleur joueur du monde 2017 : DeepMind présente AlphaZero, capable d'apprendre à jouer au go, aux échecs ou au shōgi à partir de la simple connaissance des règles ; le programme parvient en quelques heures à battre les meilleurs programmes existants.
→ Alors ? Où en est l’IA ? Intelligence artifcielle au sens faible : nul doute que le contrat est rempli Les algorithmes d’intelligence artifcielle sont maintenant capables de résoudre des problèmes, d’effectuer des tâches intelligentes, mieux et souvent plus rapidement qu’un opérateur humain
MAIS Attention…..
1 Il n’existe pas d’architecture intelligente omnipotente, capable de s’attaquer à la résolution d’un très grand nombre de problèmes variés, comme le cerveau humain est capable de le faire Les algorithmes d’intelligence artifcielle sont conçu, optimisés, adaptés, par leurs créateurs, dans le but d’être effcace dans l’accomplissement d’une tâche spécialisée.
2 L’intelligence des systèmes d’IA provient en partie de l’intelligence de leurs créateurs : ● Par le choix de l’architecture utilisée (ANN, RNN, CNN … ?) ● Par la nécessité de créer des bases de données organisées et souvent annotées qui sont nécessaire à l’apprentissage. ● Par l’utilisation de « recettes » , de « bidouilles » , souvent choisies par essais-erreurs permettant d’obtenir les meilleurs performances. ● Beaucoup de paramètres de l’apprentissage doivent être défnis « à la main » ing t d ecay out r un gh Dro p Unit p Wei
3 Les systèmes d’IA ne comprennent pas ce qu’ils font ! ● Percevoir et créer des concepts n’est pas vraiment comprendre ! ● Il ne sont pas capables « d’auto-programmation », l’apprentissage non supervisé n’est pas encore maîtrisé. ● Le système d’IA n’a pas d’accès déclaratif à son fonctionnement : il ne peut expliquer comment il s’y prend pour résoudre un problème.
Existe-t-il une autre voie pour créer un « système pensant » ?
La connectomique : peut-on « copier » un cerveau dans un ordinateur ?
→ L’idée de cette approche alternative est de construire des outils imitant au plus près le fonctionnement des neurones et du cerveau... Créer un cerveau synthétique par « rétro-ingénierie » du cerveau humain ● Années 1990 : Réseaux de neurones biologiquement plausibles (XNBC, Genesis etc.) ● 2005 - Le « blue brain project » (avec IBM) ● 2013 - Le « human brain project » (contesté en 2015) ● 2005 – Naissance du mot connectome ● 2009 – Création de SpikeNet devenu BrainChip (puce Akida) ● Open connectome project ● NIH Human Connectome project ● Harvard Connectome project Un connectome optimal : cartographie précise des connexions de chaque neurone.
→ Comment peut-on construire un connectome ? Chez l’humain on utilise l’imagerie par résonance magnétique (IRM) Avec des techniques adaptées : IRM de diffusion (DTI) Et des logiciels de traitement très puissants capables de reconstruire le trajet des fbres dans le cerveau. Ce domaine technique s’appelle la TRACTOGRAPHIE Le connectome de la mouche (Drosophile) a été complètement réalisé ! (cf virtualfybrain)
Gigandet X, Hagmann P, Kurant M, Cammoun L, Meuli R, et al. (2008) Estimating the Confdence Level of White Matter Connections Obtained with MRI Tractography. PLoS ONE 3(12): e4006 (Thomas Schulz) Trajets des fbres de la matière blanche dans le cerveau humain
Dans le cerveau, les neurones forment des cartes (layers) ou des noyaux, qui s’inter- connectent This image shows the group connectome, with the nodes and connections colored according to their rich-club participation. Green represents few connections. Red represents the most. Credit: Van den Heuvel, et al. The Journal of Neuroscience 2011 Dans certaines régions les connexions sont surtout locales (connections longues), alors que d’autres régions envoies des fibres dans des régions plus distantes (connections longues).
→ relation entre organisation des connexions et comportement ? Différence entre hommes et femmes : ● Une connectivité forte dans les sous-réseaux du cerveau impliquées dans les fonctions motrices, sensorielles et exécutives correspondant à des compétences motrices et spatiales supérieures -en moyenne- chez les hommes. ● Chez les femmes, la connectivité est plus élevée dans les sous-réseaux associés aux tâches cognitives, sociales, d’attention et de mémoire, ce qui corrobore une capacité de mémoire et des compétences sociales plus développées chez les femmes. Connectome et émotions : le stress ● de multiples zones corticales sont liées anatomiquement aux glandes surrénales. (cortisol). ● les plus grandes zones de connexions sont celles impliquées dans la cognition et l’affect. Birkan Tunç , et al. Establishing a link between sex-related differences in the structural connectome and behaviour.Philosophical Transactions of the Royal Society B 1 February 2016. Richard P. Dum, David J. Levinthal, Peter L. Strick. Cortical infuence over the adrenal medulla.Proceedings of the National Academy of Sciences Aug 2016
→ Où en est-on de cette approche ? ● Les projets « human brain project » et « blue brain project » ont été critiqués, abandonnés ou bien ont changé d’objectifs. ● La connectomique progresse mais pas dans le but de vraiment « copier un cerveau », plutôt pour mieux connaître le cerveau « reconstructing and simulating the human brain is a vision, a target; the benefts will come from the technology needed to get there. That technology, developed by the HBP, will beneft all of neuroscience as well as related felds... » (HBP head)
→ Pourquoi cette approche est en échec ? ● Enorme complexité du projet : niveaux moléculaires, cellulaires, tissulaires… ● Des freins technologiques : puissance de calcul, stockage des données… ● … mais surtout : en ce moment la recherche en neurosciences semble avancer « moins vite » que la technologie informatique ! On ne sait vraiment pas tout du fonctionnement du cerveau… Des données récentes montrent des difficultés ou des phénomènes encore inexpliqués
Non-synaptic neurotransmission Les autres cellules du système nerveux, les cellules gliales, sont souvent vues comme des cellules de statut inférieure, s’occupant juste de donner un environnement contrôlé aux neurones. Cependant, de nombreux travaux actuels semblent infrmer cette vision simple. Par exemple : Lorsque les neurones sont actifs, les cellules gliales voient leur concentration interne en calcium (Ca2+) augmenter, et répondent en libérant des transmetteurs chimiques dans l’espace cellulaires. Ces molécules vont en retour moduler l’activité du neurone et des synapses contactant les neurones. On parle de synapse tripartite. Alfonso Araque, Vladimir Parpura, Rita P. Sanzgiri, Philip G. Haydon. (1999). Tripartite synapses: glia, the unacknowledged partner, Trends in Neurosciences, Volume 22(5):208-215.
Non-synaptic release of neurotransmitters Il existe des boutons synaptiques qui ne font pas contact avec un autre neurone. (neurones de l’hippocampe) Vizi, E. , Fekete, A. , Karoly, R. and Mike, A. (2010), Non‐synaptic receptors and transporters involved in brain functions and targets of drug treatment. British Journal of Pharmacology, 160: 785-809. doi:10.1111/j.1476- 5381.2009.00624.x
Autres modes de communication Activité ondulatoire : Certains neurones fonctionnent dans un mode oscillatoire : leur activité crée des « ondes » se propageant dans le système nerveux. Nous ne connaissons pas à l’heure actuelle la fonction précise de ces ondes ni la façon dont elles participent au traitement de l’information. Ainsi les ondes alpha se déclenchent lorsque l’on se réveille doucement, mais sont aussi présentent dans les mécanismes de l’attention. Certains chercheurs ont émis l’hypothèse que ces ondes présentes dans le cortex serait à la base de notre perception unifée de la conscience. Biophotonique : Des expériences montrent que les cellules (et donc les neurones) émettent de la lumière. Cette lumière est appelée la lumière biophotonique. Des chercheurs ont émis l’hypothèse (très controversée) que cette lumière porte des signaux et que les biophotons sont des médiateurs d’information dans le système nerveux. Phénomènes quantiques : les théories de l’esprit quantique suggèrent que des phénomènes quantiques (intrication et superposition d’états) seraient impliqués dans l’émergence de la conscience (Penrose, Pribram, Stapp...)
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