Le commerce de détail suisse face à la concurrence internationale
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Investment Solutions & Products Swiss Economics Le commerce de détail suisse face à la concurrence internationale Retail Outlook 2019 | Janvier 2019 Rétrospective de 2018 Focus Perspectives 2019 Timide croissance dans le L’internationalisation de la concur- Un «copier-coller» de 2018? commerce de détail suisse rence a laissé des traces Page 7 Page 11 Page 20
Impressum Éditeur Dr. Burkhard Varnholt Vice Chairman IS&P +41 44 333 67 63 burkhard.varnholt@credit-suisse.com Dr. Oliver Adler Économiste en chef, CIO Office Suisse +41 44 333 09 61 oliver.adler@credit-suisse.com Clôture de rédaction 7 décembre 2018 Copyright Ce document peut être cité en mentionnant la source. Copyright © 2019 Credit Suisse Group AG et/ou sociétés liées. Tous droits réservés. Auteurs Credit Suisse AG Sascha Jucker Andreas Christen +41 44 333 03 96 +41 333 77 35 sascha.jucker@credit-suisse.com andreas.christen@credit-suisse.com Fuhrer & Hotz – Excellence in Retailing Marco Fuhrer Martin Hotz +41 41 766 14 18 +41 41 766 14 14 m.fuhrer@fuhrer-hotz.ch hotz@fuhrer-hotz.ch Contributions Fabian Diergardt Tiziana Hunziker Tomasz Limberger Swiss Economics | Retail Outlook 2019 2
Éditorial Chères lectrices, chers lecteurs, Lorsque nous avons publié la première édition du Retail Outlook il y a exactement dix ans, le commerce de détail suisse présentait une image bien différente d’aujourd’hui. Zalando venait à peine d’être créé, Alibaba était un personnage des «Milles et Une Nuits» pour la plupart des Suisses et le cours EUR/CHF s’établissait à près de 1.50. Pour les consommateurs helvétiques, un panier moyen de marchandises ne coûtait qu’environ 10-15% de plus qu’en Allemagne, en France ou en Italie. La ma- jorité des concurrents des détaillants de notre pays se trouvaient dans la même rue commerçante, la même ville ou, le cas échéant, le centre commercial le plus proche. Depuis lors, les conditions-cadres ont radicalement changé pour des motifs conjonctu- rels et technologiques. Les vagues d’appréciation du franc face à l’euro et l’essor de l’e-commerce ont modifié la structure de la concurrence en profondeur. Seul un com- merçant sur trois subissait la concurrence étrangère il y a dix ans, contre plus de la moi- tié actuellement. Une PME sur sept affirme même avoir des concurrents chinois. Dans notre focus de la présente édition, nous examinons cette internationalisation de la concurrence. Nous exposons notamment les répercussions d’une telle évolution sur les chiffres d’affaires et l’emploi dans la branche ainsi que les stratégies utilisées par les commerçants pour relever ces défis. Bien que – du moins pour l’instant – une certaine accalmie soit observable sur le front du cours de change, nous anticipons que la pres- sion de la concurrence internationale restera élevée voire s’intensifiera dans les années à venir. Dans cette édition du Retail Outlook, nous passons de nouveau en revue l’évolution du marché pendant l’année écoulée. Malgré le boom qu’a traversé l’économie suisse en 2018, le commerce de détail n’a connu qu’une très faible croissance, sous l’effet entre autres du léger recul du pouvoir d’achat des consommateurs et des problèmes structu- rels auxquels est confronté le segment non alimentaire, lesquels sont étroitement liés à l’accentuation de la pression concurrentielle internationale. Quelles sont les perspectives pour 2019 en pareil contexte? Le Retail Outlook se con- clut comme chaque année par un pronostic sous l’angle macro-économique et une en- quête menée auprès de spécialistes de la branche par nos partenaires de longue date Fuhrer & Hotz – Excellence in Retailing. Nous vous souhaitons une lecture aussi agréable que passionnante. Albert Angehrn Oliver Adler Responsable Large Swiss Corporates Économiste en chef Credit Suisse Swiss Economics | Retail Outlook 2019 3
Sommaire Éditorial 3 Synthèse 5 Rétrospective de 2018 7 Timide croissance dans le commerce de détail suisse Focus: Internationalisation de la concurrence 11 L’internationalisation de la concurrence a laissé des traces Alimentaire: ni duopolistique ni propice aux discounters E-commerce 17 Zalando: L’épineux problème des retours gratuits Suisse: pas une partie facile pour Amazon Perspectives 2019 20 Un «copier-coller» de 2018? Prévisions et indicateurs 23 Economie suisse et commerce de détail Résultats de l’enquête de Fuhrer & Hotz 24 Rétrospective de 2018 Prévisions pour 2019 Swiss Economics | Retail Outlook 2019 4
Synthèse Pas de fièvre Le commerce de détail suisse a vu ses chiffres d’affaires augmenter d’environ 0,4% en 2018, acheteuse malgré la grâce au soutien de l’économie du pays, qui s’est accélérée cette année dans le sillage d’une vigueur du marché du embellie conjoncturelle à l’étranger. Ce rebond a également influé sur le marché du travail: à travail 2,6% en moyenne, le taux de chômage devrait s’être révélé extrêmement faible en 2018. La (p. 7) vigueur du marché du travail n’a cependant pas encore contribué à accroître la propension à l’achat de la population suisse. Cette année, le climat de consommation n’a été que légèrement supérieur à sa moyenne à long terme, probablement en raison de l’actualité négative sur le front géopolitique en Suisse et à l’étranger. 2018: perte de Mais la propension à l’achat et le revenu disponible des consommateurs suisses ont également pouvoir d’achat et été pénalisés par le renchérissement qui, couplé à la croissance relativement faible des salaires, a raffermissement de légèrement réduit leur pouvoir d’achat pour la deuxième année consécutive. Le commerce de l’EUR détail a profité de la dépréciation du CHF face à l’EUR au cours du premier semestre 2018. (p. 8) L’évolution du taux de change et le fait que les prix des biens de consommation ont davantage augmenté dans les pays limitrophes qu’en Suisse ont rendu les achats à l’étranger moins attractifs que l’an passé. Cela étant, les écarts de prix sur certaines catégories de produits n’en demeurent pas moins conséquents. Recul des CA du non- Les conditions climatiques exceptionnelles de l’année passée ont eu des répercussions positives alimentaire lié à pour certains segments, mais très défavorables pour d’autres, parmi lesquels les détaillants vesti- l’industrie de la mentaires dont les chiffres d’affaires ont fortement reculé (–9% environ) en raison notamment du mode; rebond dans temps et de divers effets spéciaux. Le segment des loisirs et du bricolage a profité du printemps l’alimentaire chaud et de l’été caniculaire. Les chiffres d’affaires ont aussi progressé dans d’autres segments (p. 8–10) non alimentaires comme l’électronique grand public et le domaine ménage et habitat en 2018. Suite à l’effondrement dans l’habillement, les chiffres d’affaires du non-alimentaire se sont néan- moins révélés dans l’ensemble inférieurs à l’année précédente (–0,8% par rapport à 2017). L’alimentaire a vu l’évolution de ses chiffres d’affaires et prix (+1,5% et +0,4% respectivement) s’accélérer quelque peu, distançant encore davantage le non-alimentaire après 2017. 800 mio. CHF en Le recul marqué des chiffres d’affaires dans l’habillement est dû non seulement à la météo, mais Suisse pour Zalando aussi au fait que Zalando a encore gagné des parts de marché en Suisse en dépit de nombreux en 2018 avertissements sur bénéfices liés à la canicule. En 2018, l’e-vendeur allemand devrait avoir gagné (p. 17) près de 800 mio. CHF dans notre pays, soit une part de marché de presque 10%. Pas de véritable raz L’entrée (partielle) sur le marché d’Amazon devrait encore accélérer le glissement du hors ligne de marée pour vers le en ligne dans le non-alimentaire. Nous décelons cependant divers indices suggérant que le Amazon en Suisse géant de l’e-commerce ne pourra pas facilement accéder à une position aussi dominante en (p. 18–19) Suisse que dans d’autres pays. D’une part, les Suisses achètent depuis longtemps sur Amazon – les transactions ne seront que légèrement facilitées. D’autre part, la Suisse n’est plus un «terri- toire vierge» pour les e-vendeurs comme l’étaient d’autres pays à l’arrivée d’Amazon, puisque de puissants commerçants y sont bien établis. Enfin, Amazon réalise sa plus forte croissance en Allemagne p. ex. par le biais de coopérations avec des vendeurs tiers, qui à ce jour ne livrent que rarement dans notre pays ou ne bénéficient pas du système de dédouanement automatisé de la Poste suisse. La Suisse n’est pas Ces exemples montrent néanmoins que le commerce de détail helvétique est confronté à la con- un pays propice aux currence de commerçants du monde entier. Nous examinons l’internationalisation de la concur- discounters malgré rence dans notre focus de la présente édition. Il existe trois types de concurrence étrangère, le Aldi et Lidl premier revêtant la forme des commerçants étrangers qui ont ouvert des filiales en Suisse. Parti- (p. 15–16) culièrement marquée sur la période 2005–2010, cette évolution est largement imputable à l’entrée sur le marché des discounters alimentaires Aldi et Lidl, à l’origine d’une mutation structu- relle qui s’est fait – et se fait toujours – nettement ressentir dans le commerce de détail alimen- taire. Ils ont d’un côté gagné des parts de marché; ensuite, la politique de prix a changé, ce qui s’est traduit par une sensibilité aux prix et aux promotions accrue des consommateurs. En compa- Swiss Economics | Retail Outlook 2019 5
raison internationale, force est toutefois de constater que la part de chiffre d’affaires des discoun- ters demeure inférieure à la moyenne en Suisse. La concurrence Deuxièmement, la concurrence subie par le commerce de détail s’est aussi internationalisée à la internationale suite des appréciations récurrentes du CHF, qui ont notamment eu pour effet de rendre les achats s’intensifie «en ligne» dans les pays limitrophes nettement plus attractifs et de les multiplier. Cette tendance a débuté en (p. 11–14) 2010–2011 puis s’est réactivée en 2015, pour se stabiliser à niveau élevé ces deux dernières années. Troisièmement: à l’heure actuelle, l’intensification de la concurrence résulte moins de l’entrée sur le marché physique de concurrents étrangers ou du tourisme d’achat suisse que du commerce en ligne étranger. Les frontières disparaissent et le champ d’action des fournisseurs s’accroît avec l’avènement de l’e-commerce. La Suisse attire les Les commerçants ressentent nettement l’intensification de la concurrence étrangère: seuls un commerçants tiers d’entre eux étaient confrontés à des concurrents étrangers majeurs il y a dix ans, contre la étrangers moitié aujourd’hui. Cette évolution n’est pas sans effets: les chiffres d’affaires du commerce de (p. 11–14) détail en Suisse (corrigés de l’inflation et de l’évolution économique) ont connu une progression parmi les plus faibles en Europe occidentale entre 2005 et 2017. Alors que les effectifs employés dans le commerce de détail ont augmenté dans la plupart des pays d’Europe occidentale, ils ont été réduits de 3% dans notre pays. Plus une région était proche d’un supermarché étranger et plus le recul de l’emploi a été marqué – conséquence directe du tourisme d’achat stationnaire. Mais les périodes difficiles sont aussi presque toujours porteuses d’opportunités: les commerçants affectés par l’intensification de la concurrence internationale ont consenti, en vue de développer leur entreprise, à des efforts plus importants que leurs homologues qui ne sont pas (encore) con- cernés. À long terme, la capacité de résistance de la branche s’en trouvera renforcée. Nouveau soutien de En 2019, le commerce de détail devrait bénéficier d’impulsions conjoncturelles aussi consé- la conjoncture en quentes que l’année précédente. La croissance économique devrait certes quelque peu ralentir, 2019 mais davantage sous l’effet du repli du commerce extérieur que sous celui de la demande natio- (p. 20–23) nale. Nous anticipons une hausse modérée du pouvoir d’achat grâce à la progression des salaires plus forte et à la légère baisse de l’inflation. En cas d’apaisement des conflits géopolitiques, le CHF devrait en outre se déprécier face à l’EUR. De plus, la BNS s’opposera sans doute à toute appréciation marquée de la monnaie nationale – au moins temporairement. 2019: stagnation La conjoncture positive se heurte aux effets négatifs de la mutation structurelle, qui devrait encore dans le non- prédominer dans le non-alimentaire en 2019. Nous attendons un léger recul des chiffres alimentaire, d’affaires nominaux (–0,3% par rapport à 2018) et une stagnation des prix (+0,1%) dans ce dynamique accrue segment. Cela correspond largement aux résultats de l’enquête menée par Fuhrer & Hotz, selon dans l’alimentaire lesquels à peine la moitié des représentants du non-alimentaire anticipent une progression de (p. 22–27) leurs chiffres d’affaires. D’après nos estimations, les chiffres d’affaires nominaux du segment alimentaire devraient connaître une croissance légèrement supérieure à celle de la population (+1,3%), et les prix n’augmenter que très modérément (+0,5%). Swiss Economics | Retail Outlook 2019 6
Rétrospective de 2018 Timide croissance dans le commerce de détail suisse L’économie suisse s’est accélérée en 2018, ouvrant ainsi la voie à une année fruc- tueuse pour le commerce de détail. Mais malgré la vigueur du marché du travail, les consommateurs ont fait preuve de retenue sur fond de pouvoir d’achat en légère baisse. Les problèmes structurels affectant le segment non alimentaire pèsent en outre lourdement sur les chiffres d’affaires. Accélération de Le commerce de détail suisse a vu ses chiffres d’affaires augmenter d’environ 0,4% en 2018, l’économie et du grâce au soutien de l’économie du pays, qui de son côté a profité de l’embellie conjoncturelle à commerce extérieur l’étranger. La forte demande en produits suisses émanant de la zone euro a dopé le commerce suisses extérieur et donc l’industrie helvétique, encourageant les entreprises à investir. Les exportations réelles et les investissements d’équipement devraient globalement avoir enregistré une croissance supérieure à la moyenne durant l’année écoulée. En conséquence, le produit intérieur brut a aussi progressé de 2,7% – une valeur élevée qui n’avait plus été atteinte depuis le boom de la reprise en 2010. Pas de fièvre L’accélération conjoncturelle de 2018 a également influé sur le marché du travail: à 2,6% en acheteuse malgré la moyenne, le taux de chômage devrait s’être révélé extrêmement faible en 2018. Le rebond de vigueur du marché du l’emploi, qui s’est certes fait attendre un peu plus longtemps, n’était pour une fois pas unique- travail ment attribuable aux branches proches de l’État comme la santé ou l’administration publique, mais aussi au secteur privé, dans lequel les créations de postes ont progressé d’environ 1,5% en 2018 (fig.). Malgré la vigueur du marché du travail, la propension à l’achat des Suisses est restée mo- dérée et le climat de consommation n’a été que légèrement supérieur à sa moyenne à long terme cette année. Ce phénomène s’explique sans doute par l’actualité négative concernant les diffé- rends commerciaux entre les États-Unis et la Chine, non résolus à la fin 2018, et leurs poten- tielles répercussions défavorables sur la croissance économique mondiale. Mais les discussions au sein de l’UE à propos du budget italien et le blocage des réformes en Suisse (AVS, réforme de l’imposition des sociétés, accord-cadre avec l’UE) ont aussi pesé sur le climat de consommation. Nette embellie de la situation sur le marché du travail Renchérissement non compensé par la hausse des salaires Croissance de l’emploi en glissement annuel Croissance par rapport au même trimestre de l’année précédente 4% 4% Salaire nominal 3% 3% Inflation (inversée) Salaire réel 2% 2% 1% 1% 0% 0% -1% Secteur privé -1% -2% Secteur public -3% -2% -4% -3% 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 Source: OFS, Credit Suisse Dernières données: T3 2018 Source: OFS, Credit Suisse T4 2018: estimation Credit Suisse Swiss Economics | Retail Outlook 2019 7
Nouvelle perte de La propension à l’achat et le revenu disponible des consommateurs helvétiques ont été pénalisés pouvoir d’achat en par les hausses de prix. L’inflation a augmenté à près de 1,0% en 2018 surtout en raison du 2018 rebond des prix du pétrole et du renchérissement des importations. Comme les salaires nominaux n’ont progressé que d’environ 0,7%, les Suisses ont dû composer avec une baisse de salaire réel pour la deuxième année consécutive (2018: –0,3%; fig.). Et la perte de pouvoir d’achat s’est encore aggravée suite à la hausse de 4,0% des primes d’assurance maladie. Achats à l’étranger Le cours de change EUR/CHF enregistre une évolution qui peut être qualifiée de positive: entre moins attractifs en janvier et novembre 2018, il s’est ainsi établi à un niveau en moyenne supérieur de 5% à celui de termes de prix la même période de 2017 – même si, depuis avril, il est retombé à 1.13 à la fin novembre après avoir temporairement atteint 1.20. Globalement, le pouvoir d’achat à l’étranger des Suisses a baissé pour la deuxième année de suite. Déterminer le pouvoir d’achat relatif des consommateurs de deux pays nécessite cependant d’observer tant les fluctuations monétaires que l’évolution des prix. Et cette dernière s’est également inscrite en faveur des détaillants helvétiques, puisque les prix des biens de consommation ont généralement augmenté plus fortement à l’étranger qu’en Suisse. Un examen tenant compte simultanément des effets de la monnaie et des prix relatifs permet d’évaluer l’attrait des achats à l’étranger pour les consommateurs de notre pays, lequel a nettement diminué depuis son sommet de 2015 (fig.). À l’époque, le panier de marchandises typique d’un consommateur suisse était presque 50% plus cher qu’en Allemagne, écart qui de- vrait encore s’être élevé à près de 40% en 2018. Cette tendance est très positive pour le com- merce de détail helvétique, mais ne doit pas occulter le fait que la différence de prix est toujours importante et que les achats transfrontaliers restent intéressants. Stabilisation de Moteur fiable du commerce de détail, mais qui tendait à s’affaiblir ces dernières années, l’immigration l’immigration a fait en sorte que quelque 50 000 personnes supplémentaires vivaient en Suisse à la fin 2018. La croissance démographique cette année devrait ainsi à peu près égaler celle de 2017. Le recul de l’immigration et, partant, de la croissance démographique observé sur les cinq dernières années s’est donc interrompu – un point positif pour le commerce de détail. Repli des CA de L’année passée a été marquée par des conditions climatiques exceptionnelles: avec une tempéra- l’habillement sous ture moyenne de 1,3 °C, le mois de mars a ainsi été le troisième le plus froid depuis le change- l’effet de la météo, de ment de millénaire, tandis que septembre et octobre ont été nettement plus doux que durant les la faillite d’OVS et de années précédentes avec 12,5 et 8,0 °C (fig.). Outre un décembre très lucratif, ces mois comp- Zalando tent parmi les plus importants pour les détaillants vestimentaires puisqu’ils signent l’arrivée des nouvelles collections été et hiver. Les basses températures du printemps ont largement freiné la demande de tenues estivales, tout comme les mois d’automne chauds pour les vêtements d’hiver. Les nouvelles collections ont par conséquent dû être proposées avec des remises parfois considé- rables, ce qui, couplé à la faillite d’OVS et à l’effondrement des parts de marché en faveur de Zalando (voir p. 17), s’est traduit par des pertes de chiffres d’affaires à nouveau très élevées (8,8%) pour les détaillants vestimentaires en 2018. Nouvelle perte d’attrait des achats à l’étranger en Détaillants vestimentaires victimes de la météo 2018 Écart de prix entre un panier de marchandises moyen acheté en Suisse et dans le Températures moyennes par mois, en degrés Celsius, moyenne suisse pays respectif 50% 20 2000-2017 2018 45% 40% 15 35% 10 30% 25% 5 20% Allemagne France 15% 0 Italie 10% 5% -5 0% -10 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 Janv. Fév. Mars Avril Mai Juin Juil. Août Sept. Oct. Nov. Déc. Source: Eurostat, OFS, GfK, Datastream, Credit Suisse Source: Météo Suisse, Credit Suisse 2018: estimation Credit Suisse Swiss Economics | Retail Outlook 2019 8
Croissance nettement La bonne nouvelle est que l’évolution dans le commerce de détail vestimentaire constitue une supérieure au non- exception en 2018. Les chiffres d’affaires des commerçants du non-alimentaire ont certes baissé alimentaire pour le de 0,8% dans l’ensemble (fig.). Mais si l’on exclut le repli enregistré par les détaillants vestimen- segment alimentaire/ taires, les chiffres d’affaires nominaux pour les produits non alimentaires ont modestement aug- near-food menté (+0,2% environ). La légère diminution de la pression sur les prix, probablement attribuable aux fluctuations des cours de change et à l’essor économique général, a profité aux détaillants de la plupart des segments. Les prix ont globalement augmenté de près de 0,1% dans le non- alimentaire. L’alimentaire a vu l’évolution de ses chiffres d’affaires et prix (+1,5% et +0,4% res- pectivement) s’accélérer quelque peu, distançant de nouveau largement le non-alimentaire après 2017. Pour les deux segments cependant, la hausse des prix à la consommation n’est pas obliga- toirement synonyme de regain de pouvoir de fixation des prix et n’a donc pas d’impact positif à l’identique sur les marges, mais découle dans une certaine mesure du renchérissement des pro- duits intermédiaires ou finis provenant de l’étranger. Le raffermissement (partiel) de l’EUR face au CHF explique sans doute grandement l’augmentation des prix des importations. Suppressions de Malgré ces évolutions en partie positives, un certain désenchantement règne: la grande majorité postes consécutives des segments est restée très à la traîne de l’économie durant de nombreuses années et n’a enre- à la restructuration gistré qu’une croissance minime même lors des phases de haute conjoncture. Cela démontre persistante de la clairement que le commerce de détail suisse reste soumis à une forte pression liée à branche l’internationalisation et à la numérisation continues de l’offre et de la concurrence. De toute évi- dence, la mutation structurelle dans la branche devrait durer encore un certain temps (voir focus p. 11). Dans ce contexte, il n’est guère surprenant que des plans de restructuration soient annon- cés et que davantage de postes aient été supprimés que créés récemment dans le secteur. Sur les trois premiers trimestres, l’emploi dans l’ensemble du commerce de détail s’est établi 0,7% en deçà de son niveau de l’année précédente. Cette tendance n’est certes pas nouvelle, mais elle s’est renforcée ces deux dernières années: à la fin 2018, la branche devrait employer à peine 234 000 personnes, soit 16 000 de moins que dix ans auparavant. Augmentation des CA dans de nombreux segments Déclin persistant de l’emploi dans le commerce de détail CA nominaux du commerce de détail1, croissance en glissement annuel Emploi dans le commerce de détail, croissance par rapport au même trimestre de l’année précédente, Ø sur 2 trimestres 8% 4% 6% 2016 2017 2018 4% 3% 2% 0% 2% -2% -4% 1% -6% -8% Non-alimentaire -10% 0% Électronique grand public Loisirs Total Non-alimentaire Habillement/chaussures Bricolage/jardinage/ Soins personnels et santé Ménage et habitat Alimentaire/near-food -1% accessoires auto -2% -3% -4% 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 Source: GfK, Credit Suisse 2018: estimation Credit Suisse Source: OFS, Credit Suisse Dernières données: T3 2018 1 Sauf mention contraire, tous les chiffres d’affaires indiqués dans la présente publication sont corrigés des effets de calendrier. Swiss Economics | Retail Outlook 2019 9
Non-alimentaire I Moniteur Soins personnels Demande en hausse, mais prix toujours sous pression Soins personnels: CA et prix, croiss./même trimestre de l’année précédente Dans le segment des soins personnels, les chiffres 6% d’affaires nominaux devraient avoir progressé pour la pre- Prix mière fois depuis longtemps en 2018 (+0,6% en glissement 4% Demande (CA réels) CA nominaux annuel). Tout comme dans d’autres pays, la demande – de 2% produits cosmétiques notamment – est généralement très forte en Suisse (chiffres d’affaires réels: +2,3% en glisse- 0% ment annuel). La pression sur les prix, qui s’était quelque -2% peu affaiblie en 2017, s’est cependant de nouveau intensi- fiée l’année passée, évolution sans doute imputable à -4% l’essor de l’e-commerce. Il n’existe certes pas de données à -6% ce sujet pour la Suisse, mais les chiffres d’affaires en ligne dans ce segment ont progressé de 14,8% en 2017 déjà en -8% 2013 2014 2015 2016 2017 2018 Allemagne. Source: GfK, OFS, Credit Suisse T4 2018: estimation Credit Suisse Électronique grand public Chiffres d’affaires soutenus par les hausses de prix Électronique grand public: CA et prix, croiss./même trimestre de l’année précédente Depuis longtemps sous l’emprise de tendances déflation- 12% Prix nistes, les prix dans ce segment ont en moyenne augmenté 10% Demande (CA réels) de 1,0% en glissement annuel en 2018, ce qui s’est réper- CA nominaux 8% cuté sur les chiffres d’affaires nominaux (+3,2%). Les 6% smartphones ont sans doute été les principaux moteurs de cette croissance, tandis que les prix à la consommation pour 4% les PC, ordinateurs portables et caméras ont généralement 2% baissé, à l’instar des dernières années. 0% -2% -4% -6% 2013 2014 2015 2016 2017 2018 Source: GfK, OFS, Credit Suisse T4 2018: estimation Credit Suisse Bricolage Après 2017, météo à nouveau favorable en 2018 Bricolage: CA et prix, croiss./même trimestre de l’année précédente Contrairement à d’autres domaines du commerce de détail, 8% Prix les conditions météo ont joué en la faveur du bricolage Demande (CA réels) 6% l’année dernière. Durant les mois d’avril et de mai aux im- CA nominaux portants chiffres d’affaires, les températures moyennes ont 4% été nettement supérieures aux valeurs des années passées. 2% Cela s’est traduit par une hausse d’environ 1,2% des 0% chiffres d’affaires nominaux qui sans ces deux forts mois auraient tout au plus stagné. -2% -4% -6% -8% 2013 2014 2015 2016 2017 2018 Source: GfK, OFS, Credit Suisse T4 2018: estimation Credit Suisse Swiss Economics | Retail Outlook 2019 10
Focus: Internationalisation de la concurrence L’internationalisation de la concurrence a laissé des traces L’internationalisation croissante de la concurrence dans le commerce de détail ne va pas sans conséquences: les commerçants suisses perdent des parts de marché, et leurs chiffres d’affaires et effectifs déclinent. Mais les détaillants touchés font davan- tage d’efforts pour leur compétitivité que leurs homologues non exposés à la concur- rence internationale. Un commerçant sur La concurrence étrangère n’est pas nouvelle pour les commerçants helvétiques. Divers fournis- deux subit la seurs internationaux comme IKEA ou H&M sont implantés en Suisse depuis plusieurs décennies concurrence déjà. Ces dernières années, la pression de la concurrence étrangère s’est toutefois fortement étrangère intensifiée, comme l’indiquent les données que nous avons collectées lors de notre enquête an- nuelle auprès des PME.2 Un commerçant sur deux déclare être confronté à des concurrents étrangers majeurs, contre un sur trois dix ans auparavant (fig.). Cette pression concurrentielle accrue émane généralement des pays proches, mais aussi de Chine pour 14% des sondés. Différents groupes de L’internationalisation revêt trois formes – implantation physique de fournisseurs étrangers en fournisseurs Suisse, achats de consommateurs helvétiques dans des magasins au-delà de la frontière ou chez étrangers renforcent des e-vendeurs étrangers3 – qui ont toutes affecté le commerce de détail suisse ces dernières la pression années. Fondées sur des estimations, les données ne sont qu’approximatives, mais révèlent trois concurrentielle tendances claires. Les chiffres d’affaires des fournisseurs étrangers dans notre pays ainsi que les dépenses des Suisses dans des magasins stationnaires et sur des sites Internet étrangers se sont envolés entre 2005 et 2017 (fig.). Sur 2005–2010, période marquée par l’entrée sur le marché d’Aldi et Lidl, les commerçants étrangers avec une présence physique en Suisse ont notamment progressé (voir p. 15). Simultanément, la pression concurrentielle liée au tourisme d’achat station- naire s’est surtout accrue du fait de magasins frontaliers de pays limitrophes. Depuis 2015, ce sont pour l’essentiel les e-commerçants étrangers qui ont gagné des parts de marché. Concurrence commerciale toujours plus internationalisée Différents types de concurrence étrangère Part des commerçants confrontés à des concurrents majeurs en provenance… CA, par groupe de fournisseurs, en mrd CHF 80% 12 Aujourd’hui Il y a 10 ans 70% 10 60% ... des régions suivantes ... 8 50% 6 40% 30% 4 20% 2 10% 0 0% 2005 2010 2015 2017 2005 2010 2015 2017 2005 2010 2015 2017 … des environs … du reste de la … de l’étranger … des pays … d’autres pays … d’autres pays … de Chine industrialisés voisins émergents Suisse Fournisseurs étrangers Fournisseurs E-commerçants avec filiales en CH* stationnaires à étrangers*** l'étranger ** Source: Enquête PME 2018 du Credit Suisse Source: GfK, ASVAD, Credit Suisse; * fournisseurs avec CA identifiables et éva- luables uniquement; ** 2005, 2010 et 2017: estimations avec incertitude élevée; *** y c. Zalando 2 Credit Suisse (2018): L’économie des PME en Suisse en 2018 – Avec succès face à la concurrence mondiale. Sur les 1100 PME interrogées, 161 étaient des entreprises commerciales dont les réponses servent de base aux analyses suivantes. 3 L’internationalisation du commerce de détail n’est bien entendu pas à sens unique. Ensemble, Migros et Coop vendent pour plusieurs mrd CHF à l’étranger. L’exemple le plus récent est l’entrée sur le marché allemand de Digitec Galaxus. Dans ce chapitre, nous analysons cependant essentiellement la pression de la concurrence étrangère en Suisse. Swiss Economics | Retail Outlook 2019 11
Marché restreint avec À l’ère de l’e-commerce, l’internationalisation croissante du commerce de détail est un phéno- obstacles douaniers mène qui ne se limite pas qu’à la Suisse. Le nombre de consommateurs effectuant leurs achats et pouvoir d’achat en ligne à l’étranger a ainsi fortement augmenté en Europe ces dernières années (fig.). Certains élevés aspects de la concurrence internationale sont cependant liés à des spécificités helvétiques, parmi lesquelles un marché relativement restreint et protégé par des formalités douanières contrai- gnantes. Pour les commerçants étrangers, il est donc généralement moins intéressant de s’établir en Suisse que dans des grands pays totalement intégrés au marché intérieur européen. Cet obs- tacle est en partie compensé par le fort pouvoir d’achat des Helvètes: chaque habitant dépense 10 000 EUR par an dans le commerce de détail de notre pays – soit le troisième montant le plus élevé d’Europe après le Luxembourg et la Norvège. Cela rend le marché suisse plus attractif pour les fournisseurs étrangers que ne l’impliquerait sa taille réduite. L’essor de l’e- Les importants chiffres d’affaires par habitant reflètent une différence encore plus décisive par commerce (étranger) rapport à d’autres marchés du commerce de détail: l’écart de prix colossal avec les pays limi- s’est produit au trophes. Celui-ci s’est nettement creusé pour de nombreuses catégories de produits suite aux moment même des appréciations répétées du CHF ces dernières années (fig.), incitant encore davantage les con- turbulences sommateurs à se tourner vers les fournisseurs à l’étranger. Comme différentes offres en ligne monétaires étrangères ont simultanément vu le jour, les achats transfrontaliers – qui s’en trouvaient facilités – ont vu leur attrait de nouveau renforcé. En d’autres termes: alors que les commerçants d’autres pays étaient aussi de plus en plus confrontés à la concurrence d’e-vendeurs étrangers, les détail- lants suisses devaient parallèlement composer avec des prix moins compétitifs. Évolution très Les écarts de prix marqués (couplés à l’absence de frontières de l’e-commerce) se sont révélés inférieure à la particulièrement préjudiciables: notre enquête auprès des PME montre que les commerçants avec moyenne des chiffres des concurrents étrangers évaluent leur position concurrentielle plus défavorablement que ceux d’affaires et des qui n’y sont pas confrontés (fig. page suivante). La comparaison sectorielle internationale met revenus bruts également en évidence les répercussions de l’intensification de la pression de la concurrence étrangère: les chiffres d’affaires du commerce de détail en Suisse (corrigés de l’inflation et de l’évolution économique) ont connu une progression parmi les plus faibles en Europe occidentale entre 2005 et 2017 – surtout à compter de 2010 (fig. page suivante) 4. Les détaillants helvé- tiques ont certes pu en partie compenser le recul des chiffres d’affaires grâce à l’évolution moné- taire qui a rendu les achats moins onéreux. Les revenus bruts estimés se sont tout de même légèrement repliés entre 2010 et 2016 alors que la somme des salaires de la population suisse a augmenté de 14% sur la même période. La numérisation n’internationalise pas qu’en Suisse Hausse généralisée de l’écart de prix jusqu’en 2015 Part des personnes interrogées qui ont effectué des achats auprès d’un e-vendeur Écart de prix pour divers groupes de produits; Suisse vs Allemagne étranger durant l’année correspondante 50% 70% 45% 2011 2017 2005 2010 2015 2018 60% 40% 35% 50% 30% 40% 25% 20% 30% 15% 20% 10% 10% 5% 0% 0% UE Grande-Bretagne Allemagne France Italie Autriche Belgique Suède Danemark Norvège Finlande Pays-Bas -10% Denrées Vêtements Appareils Aménagement alimentaires et chaussures informatiques intérieur, et électroniques équipements, gestion du ménage Source: Credit Suisse, Eurostat Source: OFS, Eurostat, Credit Suisse 2018: estimation Credit Suisse 4 En lieu et place de l’évolution des chiffres d’affaires, nous examinons la relation entre les chiffres d’affaires (nominaux) et les masses salariales. Cela permet de contrôler pour différents développements tant de la conjoncture que de l’inflation et de tirer des conclusions sur l’évolution du commerce de détail au regard de la situation économique propre à chaque pays. Swiss Economics | Retail Outlook 2019 12
Recul de l’emploi Cette évolution a influé sur la structure de l’offre: alors que les effectifs employés dans le com- surtout dans les merce de détail ont augmenté dans la plupart des pays d’Europe occidentale entre 2010 et 2017, régions frontalières ils ont été réduits de 3% dans notre pays (fig. page suivante). Le recul de l’emploi n’a pas touché toutes les régions de Suisse dans la même mesure. À l’échelle de l’ensemble de la branche, plus un territoire se trouvait à proximité d’un supermarché étranger, plus le déclin a été important entre 2011 et 2016 (fig. page suivante). Il s’agit là d’une conséquence directe de la progression du tourisme d’achat stationnaire. Ce constat est à relativiser quelque peu, pour deux raisons. D’une part, une telle relation ne s’observe pas s’agissant du nombre d’établissements. La «mort des petits magasins» n’a généralement pas plus touché les régions frontalières que celles de l’intérieur du pays. D’autre part, l’équation «plus grande est la proximité de la frontière, plus le repli est im- portant» ne se vérifie pas dans toutes les régions. En Suisse alémanique, seules les zones à proximité immédiate de la frontière ont été plus affectées par les suppressions de postes. Dans d’autres régions assez proches de la frontière, le ralentissement n’a en revanche pas été plus marqué qu’à l’intérieur du pays. La relation entre proximité de la frontière et baisse de l’emploi se confirme également en Suisse romande, sauf pour les zones situées dans le voisinage immédiat de la frontière (moins de 10 minutes). Et le Tessin sort aussi quelque peu du cadre de cette équa- tion puisque l’emploi y a même progressé – une évolution cependant due à un effet spécial et imputable à la seule commune de Mendrisio, où se trouvent des magasins d’usine. Sans Mendri- sio, la croissance de l’emploi aurait aussi été négative à proximité de la frontière au Tessin. Malgré cette relativisation, force est de conclure que le tourisme d’achat stationnaire a été à l’origine d’une profonde mutation structurelle dans les régions frontalières. Le tourisme d’achat La situation diffère dans le commerce de vêtements. Avec plus de 9% sur la période 2011–2016, en ligne soumet le le déclin de l’emploi s’est révélé bien pire que dans l’ensemble de la branche, mais n’a à l’inverse commerce de pas été plus marqué dans les régions frontalières que dans celles de l’intérieur du pays. Cette vêtements à forte divergence s’explique aisément: aucun autre segment n’a été aussi malmené par le commerce en pression dans toute ligne étranger, avec à sa tête Zalando, le leader du marché avec près de 800 mio. CHF. Les la Suisse chiffres d’affaires des fournisseurs établis ont diminué de près d’un quart depuis l’entrée sur le marché de l’e-vendeur allemand en 2012. Depuis 2011, l’habillement a perdu au moins 7-8% de ses chiffres d’affaires directement au profit d’e-commerçants étrangers – contre 3-4% à ce jour pour tous les autres segments du commerce de détail non alimentaire. 5 Alors que le tourisme d’achat stationnaire se limite essentiellement aux régions frontalières, son pendant en ligne modi- fie la structure même de la concurrence dans l’ensemble du pays. Les commerçants aux prises avec la concurrence Évolution inférieure à la moyenne du commerce suisse étrangère Réponses à la question sur la position concurrentielle (évolution actuelle et attendue à CA divisés par la somme des salaires; indice: 2005 = 100; lignes grises: pays l’avenir); réparties suivant l’importance de la concurrence internationale d’Europe occidentale; ligne rose: moyenne Europe occidentale 100% 105 90% 13% 15% 24% Insatisfaisante; hausse 80% significative de la 100 70% concurrence attendue 60% 50% 95 58% 50% Bonne/satisfaisante; 40% 65% hausse significative de 90 30% la concurrence attendue 85 20% 37% 10% 27% Bonne; peu de hausse Suisse 11% de la concurrence 80 0% Europe occidentale attendue Pas de Concurrence Concurrence concurrence étrangère déjà étrangère 75 étrangère il y a 10 ans seulement depuis ces dernières 70 années 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 Source: Enquête PME 2018 du Credit Suisse Source: Credit Suisse, Eurostat 5 Nos estimations reposent sur les chiffres de GfK et de l’ASVAD. Il s’agit uniquement des pertes de chiffres d’affaires au profit de fournisseurs étrangers. Les effets indirects de la concurrence accrue, et notamment de la baisse générale des prix, ne sont pas pris en compte. En 2017, les prix dans le commerce de détail vestimentaire s’établissaient en moyenne 7% en deçà de leur niveau de 2011. Swiss Economics | Retail Outlook 2019 13
L’internationalisation Quelle sera la suite? Le futur développement des structures de marché est en définitive incertain. de la concurrence se L’évolution des facteurs décisifs à cet égard que sont la technologie (numérisation), les écarts de poursuit prix (cours de change) et les obstacles à l’entrée sur le marché (barrières douanières ) est diffici- lement évaluable à moyen et long terme. Nous n’anticipons cependant pas de changement fon- damental des conditions-cadres. La concurrence devrait rester vive dans les années à venir, sur- tout attisée par l’e-commerce et les écarts de prix considérables persistant dans certains seg- ments. Ainsi, l’entrée sur le marché d’Amazon pèse actuellement telle une épée de Damoclès au- dessus des têtes des commerçants suisses, bien que nous démontrions dans le chapitre suivant que les craintes sont quelque peu exagérées. Les répercussions de la concurrence croissante de l’Extrême-Orient, avec actuellement à sa tête le géant chinois AliExpress, sont encore imprévi- sibles. Si de tels fournisseurs devaient progresser à un rythme aussi rapide que ces dernières années, le commerce de détail suisse serait soumis à une pression supplémentaire – une appré- hension qui se reflète dans notre enquête: les détaillants qui se disent déjà confrontés à des con- currents chinois évaluent leur position concurrentielle non seulement plus défavorablement que les commerçants sans concurrents étrangers, mais l’estiment aussi un peu plus mauvaise que ceux qui ont des concurrents des pays voisins6. Sur le front du commerce stationnaire, d’autres entrées sur le marché sont à attendre, comme le montre p. ex. l’ouverture de la première filiale suisse du marchand de meubles autrichien XXXLutz en avril. La mutation structurelle initiée ces dernières années va donc très probablement se poursuivre, même en l’absence de nouvelles poussées d’appréciation du CHF face à l’EUR. La pression Mais les périodes difficiles sont aussi presque toujours porteuses d’opportunités: dans le meilleur concurrentielle des cas, l’intensification de la concurrence internationale agit comme un «programme de remise internationale incite à en forme», comme souvent dans l’industrie exportatrice. Cela peut sembler une maigre consola- agir tion pour les victimes de la mutation structurelle, voire une estimation trop optimiste à court et moyen terme pour l’ensemble de la branche. Notre enquête auprès des PME révèle néanmoins que les commerçants exposés à la concurrence étrangère ont ces dernières années pris davan- tage de mesures visant à préserver leur compétitivité que ceux qui n’ont pas à faire face à une telle situation (fig.). Il s’agissait certes de stratégies défensives et réactives (baisses de prix ou réorientations de modèles commerciaux), mais aussi d’investissements dans le développement de produits, la conquête de nouveaux marchés et groupes de clients ainsi que la numérisation. Les commerçants soumis à la concurrence étrangère ont ainsi consenti, en vue de développer leur entreprise, à des efforts plus importants que leurs homologues qui ne sont pas (encore) concer- nés. L’enquête ne permet pas de savoir si ces mesures suffisent, mais confirme que les défis des dernières années ont influé positivement sur les efforts d’innovation des détaillants suisses. Effet frontalier le plus prononcé en Suisse alémanique La concurrence étrangère incite à agir Évolution de l’emploi dans le commerce de détail sur la période 2011–2016, en Part de PME commerçantes ayant pris les mesures correspondantes pour préser- fonction du temps de trajet jusqu’au supermarché étranger le plus proche ver/améliorer leur compétitivité au cours des 3–5 dernières années; répartie suivant l’importance de la concurrence internationale 15% Concurrence étrangère seulement depuis ces dernières années 60 min. Concurrence étrangère déjà il y a 10 ans Pas de concurrence étrangère 10% Réduction des prix 5% Réorientation totale du modèle commercial Abandon de domaines d’activité 0% Conquête de nouveaux marchés/ groupes de clients -5% Lancement/développement de produits Numérisation des canaux de vente ou -10% de l’offre Numérisation des processus de production et des opérations -15% Toute la Suisse Suisse alémanique Suisse romande Tessin 0% 20% 40% 60% 80% Source: Credit Suisse, OFS, Geostat, Open Street Map Source: Enquête PME 2018 du Credit Suisse 6 Ce résultat est toutefois à interpréter avec prudence, seuls 20 participants à l’enquête ayant indiqué avoir des concurrents chinois. La probabilité qu’il s’agisse d’un résultat aléatoire est par conséquent élevée. Swiss Economics | Retail Outlook 2019 14
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