Le dromadaire, entre féralisation1 et intensification - Publications scientifiques ...
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1 Le dromadaire, entre féralisation et intensification Bernard FAYE CIRAD-EMVT, Programme Productions Animales, Campus International de Baillarguet, F-34398 Montpellier cedex 5 (France), faye@cirad.fr Sébastien GRECH École Nationale Vétérinaire de Toulouse 23 Chemin des Capelles F-31076 Toulouse cedex (France) sebabas@yahoo.fr Touhami KORCHANI Institut des Régions Arides, Médenine, Tunisie Khorchani.Touhami@ira.rnrt.tn Faye B., Grech S. & Korchani T. 2004. – Le dromadaire, entre féralisation et intensification. Anthropozoologica 39 (2) : 7-14. RÉSUMÉ Cet article s’attache à décrire la double évolution observable pour cette espèce MOTS CLÉS domestique, le dromadaire, qui seule, parmi la trentaine d’espèces animales Dromadaire, domestication, domestiquées par l’homme, est parfaitement adaptée aux rudes conditions de féralisation. l’aridité : la féralisation et l’intensification. ABSTRACT The dromedary, between feralisation and intensification. This article attempts to describe the observable double evolution for this KEY WORDS domestic species, the dromedary, which is the only one, among about thirty Dromedary, domestication, animal species domesticated by man, to be perfectly adapted to the hard feralisation. conditions of aridity : feralisation and intensification. 1. Le terme de « féralisation » est un anglicisme assumé pour des raisons d’effet de titre. Le terme de marronnage conviendrait mieux en français. ANTHROPOZOOLOGICA • 2004 • 39 (2) © Publications Scientifiques du Muséum national d’Histoire naturelle, Paris. 7
Faye B., Grech S. & Korchani T. Le dromadaire est un animal qui, dans l’imagerie L’HISTOIRE D’UN ENSAUVAGEMENT : populaire, reste indissolublement associé à l’idée LE DROMADAIRE AUSTRALIEN du désert. Il évoque pour le commun des mortels de mythiques caravanes traversant les vastes espa- Dès la découverte par les européens des vastes ces désertiques de l’Ancien Monde, un coursier étendues désertiques du centre de l’Australie, des dunes pour le plaisir de quelques richissimes l’idée de l’introduction du dromadaire paraissait émirs ou au pire, l’ex-monture des méharistes évidente (McKnight 1969). En 1849, 6 animaux contrant les velléités rebelles des hommes du en provenance des Îles Canaries furent acheminés désert, si difficiles à « pacifier ». Autrement dit, par bateau jusqu’au port d’Adélaïde. Cependant indécrottable compagnon des marchands, des un seul d’entre eux survécut au voyage. D’autres pétroliers et des militaires, le dromadaire, avec dromadaires suivirent la même année et les années la fin des grandes caravanes transsahariennes suivantes, notamment en provenance des Indes concurrencées par le camion et la prédominance britanniques, mais toujours en assez petit nombre. des 4 × 4 dans les conflits de la région saharienne, En 1866, de Karachi dans l’actuel Pakistan, par- ne pouvait plus que se confiner dans quelques vinrent 121 spécimens de dromadaire (accompa- prestigieuses écuries de course à l’usage quasi- gnés de 31 chameliers indiens) qui constituent exclusif des émiratis prêts à engloutir les fortunes avec les quelques éléments ayant atteint le conti- de leurs pétrodollars dans un loisir de luxe, der- nent quelques années plus tôt, la base du troupeau nier vestige d’une vie nomade passée et succédané camélin australien (Wilson, 1984). En 1895, on d’une culture bédouine moribonde. On pouvait comptabilisait déjà 6 000 dromadaires, les cha- croire, au tournant des indépendances des pays meaux de Bactriane comptant pour quantité africains, que ce scénario était inéluctable, négligeable. À son apogée vers 1920, l’effectif du comme l’a été avec la mécanisation de l’après- troupeau australien atteignait plus de 12 000 indi- guerre, la dégringolade des effectifs de chevaux vidus, essentiellement concentrés dans les zones dans l’Europe du tracteur et de l’automobile2. Sud et Ouest du pays (Gee 1996). Le dromadaire Exit donc le dromadaire, hormis ces quelques était un auxiliaire remarquable pour l’exploration consolations réduisant notre « vaisseau du du continent soit comme animal de bât, soit désert » à la seule dénomination d’« animal de comme animal de selle, soit comme animal de loisir ». trait (dans les années 50, policiers et postiers se Mais l’histoire réserve des surprises et notre ani- déplaçaient encore à dos de dromadaire !). Curieu- mal a connu et connaît encore des évolutions sement, son utilisation zootechnique au sens strict intéressantes, interrogeant largement au-delà (lait, viande) est restée marginale. des corps de métiers cités plus haut. L’avenir du Avec la motorisation, l’intérêt du dromadaire en dromadaire ne se dessine ni chez les caravaniers, Australie a considérablement décru à l’instar de au demeurant pas tous disparus, ni chez les tur- ce qui se passait au même moment en Afrique fistes du désert, ni même dans les compagnies du Nord après les indépendances. On ne de méharistes qui, partout, doivent réapprendre comptait plus dans les années 60 qu’environ la biologie d’un animal dont les secrets ont 2 000 animaux domestiques. Cependant, un pourtant largement été décryptés précisément autre phénomène remarquable devait surgir : le par d’éminents méharistes de la période colo- retour à l’état sauvage d’une part importante du niale. cheptel camélin : le dromadaire féral faisait son 2. À l’exception notable cependant des pays de la Corne de l’Afrique et du Golfe où l’augmentation des effectifs est demeuré régulier, contrairement aux pays de l’Afrique du Nord et dans une moindre mesure d’Afrique de l’Ouest, dans les pays du Proche et Moyen-Orient où les effectifs ont décru jusqu’au milieu des années 80 et même en Inde où l’on assiste à un reflux des effectifs encore aujourd’hui (Gahlot 2002). 8 ANTHROPOZOOLOGICA • 2004 • 39 (2)
Le dromadaire, entre féralisation et intensification FIG. 1. – Carte de la distribution et de la densité des dromadaires sauvages en Australie (source : Wilson et al. 1989). apparition. Ce retour devait être initié lors de cheptel ensauvagé a fait l’objet de plusieurs recher- l’abandon d’animaux au cours des nombreuses ches éthologiques et écologiques. À partir des expéditions au travers du désert central austra- données collectées sur ce troupeau marron sans lien. Privé quasiment de prédateurs, bénéficiant doute unique au monde, on a pu mieux compren- d’un milieu désertique assurant un minimum de dre le fonctionnement de l’espèce sans la gestion fourrages et de points d’eau, le dromadaire féral imposée par l’homme. Le comportement du dro- allait se développer d’une manière considé- madaire, isolé de la pression humaine, a effective- rable. Dans les années 60, on évaluait à près de ment évolué vers une organisation interne sans 90 000 têtes l’effectif de ce cheptel sauvage. doute proche de ce que devait être les premières Aujourd’hui, les estimations varient entre hardes domestiquées probablement dans les 100 000 et 500 000 têtes (Fig. 1). L’isolement et vallées de l’Hadramaout vers le second millénaire le peu de pénétration de ce désert devaient facili- avant J.-C. (Epstein 1971 ; Uerpmann & ter cette croissance. Aux marges désertiques, le Uerpmann 2002). dromadaire féral rentrant en concurrence avec Le dromadaire sauvage occupe un espace variant les autres espèces domestiques, un Camel des- selon les disponibilités alimentaires et les condi- truction Act fut édité en 1925, autorisant l’abat- tions climatiques, le tout fortement dépendant tage des animaux « en surnombre ». L’histoire de critères saisonniers (Heucke et al. 1992). En retient entre autres pendant la sécheresse de saison chaude, les groupes spontanés (cf. plus 1961, l’abattage de 1 150 têtes autour de loin) qui se forment se déplacent peu sur une 3 points d’eau (Wilson 1984). aire dépassant rarement 10 km 2. Les mouve- La tendance aujourd’hui est à l’utilisation « tou- ments les plus importants sont relatifs à la ristique » du dromadaire domestique (il y a recherche des points d’eau, le rythme d’abreuve- aujourd’hui environ 40 entreprises australiennes ment étant en moyenne d’un abreuvement tous organisant des randonnées à dos de dromadaires les deux jours. En hiver, les mouvements sont dans les zones désertiques du pays), et à l’exploi- d’autant plus amples que les besoins d’abreuve- tation rationnelle du cheptel sauvage par abattage ment s’espacent pour atteindre moins d’une fois au fusil pour la consommation de viande. Ce par semaine. ANTHROPOZOOLOGICA • 2004 • 39 (2) 9
Faye B., Grech S. & Korchani T. Les animaux s’organisent en groupes utilisant LE DROMADAIRE DANS LA MODERNITÉ : presque toutes les disponibilités fourragères du LA PRODUCTION INTENSIVE milieu : 234 plantes sur les 295 répertoriées dans la zone sont consommées par les dromadaires. L’élevage du dromadaire est classiquement de Pendant la période la plus chaude, le choix se type extensif, mode parfaitement adapté à la bio- porte de préférence vers les plantes succulentes, logie d’une espèce marquée par un cycle pro- plus riches en eau et en minéraux. La résistance à ductif lent : longue durée de gestation (près de la déshydratation permet aux animaux de rester 13 mois), faible précocité de la mise à la repro- plusieurs jours dans les portions marginales du duction (rarement avant 3 ans), important inter- territoire. La densité de la population a été esti- valle entre les mises bas (18 mois à 2 ans). Cela mée entre 0,05 et 0,15 dromadaire/km2, ce qui conduit donc à une faible productivité numé- est loin de constituer un risque quelconque pour rique aggravée souvent par le faible taux de survie l’environnement. des jeunes (Hjort & Hussein 1993), et à peine Dans les conditions naturelles, la durée de vie est compensée par une longévité remarquable pour de l’ordre de 30 ans, l’intervalle entre les mises un herbivore (jusqu’à 40 ans). Ses données issues bas de 19 à 24 mois (la durée de gestation est de de l’observation des systèmes de production qua- près de 13 mois). Les parturitions surviennent lifiés de « traditionnels » se caractérisent pourtant toute l’année, mais un pic de mise bas est observé par une extrême variabilité, ce qui laisse supposer en hiver (juillet-septembre). Si le taux de morta- une marge importante de progrès zootechnique. lité des jeunes est comparable à celui de l’élevage L’intensification se traduit par un phénomène de en milieu traditionnel (28 %), une des caractéris- substitution d’un facteur de production par un tiques fortes de ces animaux ensauvagés, est la autre. Il s’agit par exemple d’augmenter la pro- part élevée due aux infanticides (Heucke et al. duction par unité de surface (production hors sol 1992). par exemple) ou par unité de main-d’œuvre ou L’aspect le plus remarquable du dromadaire féral par tête d’animal. Les voies de l’intensification est sans doute son organisation sociale « sponta- animale peuvent combiner des actions sur l’en- née ». Celle-ci se caractérise par la formation de semble de ces facteurs (la terre, l’homme ou l’ani- 3 types de groupes : 1) les mâles célibataires mal). En élevage camélin, se sont développés en composés de hardes comprenant une vingtaine plusieurs endroits au monde, des systèmes de d’individus, 2) les mères suitées comprenant une production que l’on pourrait qualifier d’intensifs, vingtaine de femelles avec leur chamelon pendant c’est-à-dire des systèmes s’appuyant sur un en- les périodes de repos sexuel pour les mâles, 3) les semble de techniques et de moyens visant à opti- mêmes animaux accompagnés d’un mâle domi- miser les capacités de production de l’animal, de nant pendant la période de rut. C’est lors de ces la terre ou de la main d’œuvre. C’est par exemple périodes que le mâle dominant peut faire preuve le cas des élevages laitiers périurbains à la périphé- d’une grande agressivité vis-à-vis de jeunes, obli- rie de villes sahariennes comme Nouakchott en geant la femelle à s’isoler du groupe lors de la Mauritanie, ou en Asie centrale comme à Almaty parturition. au Kazakhstan : les chamelles laitières sont en sta- Il existe une certaine instabilité dans la composi- bulation et principalement nourries avec des tion des groupes avec des transferts importants concentrés. C’est également l’exemple des droma- entre « troupeaux » bien que ce terme soit, dans daires de course dans les pays du Golfe pour les- le cas présent, parfaitement inadapté. Par quels les biotechnologies les plus modernes sont exemple, on estime que le groupe de mères n’est développées (insémination artificielle, transfert constant dans sa composition que pendant une d’embryons) au service de montures sélectionnées durée limitée de 2 ans. Par ailleurs, il n’y a (Skidmore et al. 2000). pas d’appropriation territoriale par un groupe Les travaux réalisés en Tunisie dans le domaine donné. de la production de viande sont à cet égard un 10 ANTHROPOZOOLOGICA • 2004 • 39 (2)
Le dromadaire, entre féralisation et intensification excellent exemple de moyens mis en œuvre pour caméline. Le désaisonnement par induction hor- formaliser des systèmes intensifs de production. monale permet d’affranchir le cycle sexuel des Différentes pratiques sont proposées pour amé- aléas saisonniers. Appliqué aux femelles qui n’ont liorer la productivité zootechnique de l’espèce. pas pu être saillies au moment de la saison de Elles consistent à agir : reproduction ou ayant avorté précocement, un tel – sur une meilleure performance de reproduc- traitement à base de PMSG (pregnant mare serum tion de la chamelle par une diminution de la gonadotrophin) et de progestérone permet de durée des cycles de reproduction et une meilleure réduire l’intervalle moyen entre deux mises bas de fécondité des femelles ; 3 à 4 mois (Khorchani et al. 1997). L’autre voie – sur une meilleure capacité de survie des chame- d’action pour améliorer la fécondité des femelles lons afin de limiter l’érosion de la productivité est la voie alimentaire. Dans toutes les espèces numérique ; domestiques, il est connu qu’un apport supplé- – sur une alimentation complémentaire raison- mentaire aux moments clés du cycle de reproduc- née pour améliorer la croissance des jeunes tion (fin de gestation, période de mise à la conduisant à une bonne productivité dans la pro- reproduction) a un effet très positif sur l’activité duction de viande ; sexuelle. Par un apport de concentré à base – sur une valorisation de la production laitière d’orge, de son de blé, de grignon d’olive et de permettant d’appuyer une sélection raisonnée des concentré minéral et vitaminique (CMV) du meilleures productrices. commerce, on améliore très significativement le taux de saillie, dénotant une reprise plus précoce Ainsi, sur le premier axe d’intensification (amé- de l’activité sexuelle après la mise bas (Hammadi liorer les performances de reproduction), une et al. 1997). première pratique consiste à réaliser une sépa- La productivité numérique peut être également ration précoce du chamelon, afin de diminuer améliorée en diminuant le taux de mortalité des l’intervalle entre deux mises bas. En milieu tradi- jeunes. En milieu « traditionnel », un tel taux tionnel (comme chez les individus ensauvagés), apparaît très élevé, les données de la littérature l’intervalle moyen entre mises bas est de l’ordre indiquant des chiffres compris entre 20 et 50 % de deux ans. La séparation du jeune immédiate- de mortalité dans la classe d’âge 0-6 mois (Faye ment après la prise du colostrum permet un 1997), ce qui obère considérablement les perfor- retour plus rapide de l’œstrus et donc une mise à mances démographiques des troupeaux camélins. la reproduction plus rapide. En effet, l’allaite- Une amélioration significative peut être attendue ment a pour principal effet de retarder le retour par un suivi sanitaire rapproché des troupeaux en chaleur chez la femelle. Dans les essais réalisés (rendu plus facile en élevage intensifié) par un en Tunisie, l’intervalle moyen entre deux mises dépistage précoce des principales causes de mor- bas a pu ainsi passer de 714 ± 31 jours à 403 ± talité, la diarrhée néonatale étant la première 8 jours (Moslah 1993). Associée à la technique de d’entre elles (Bengoumi et al. 1998). Au Kenya, l’allaitement artificiel (Khorchani et al. 1991), il l’encadrement en soins vétérinaires dans le cadre est possible d’obtenir ainsi une augmentation très d’un projet de développement, a permis de dimi- significative de la productivité numérique. Dans nuer la mortalité néonatale de 46 à 12 % les conditions optimales obtenues en station, il a (Simpkin et al. 1997). Dans une hypothèse d’in- été possible d’obtenir 5 naissances en 5 ans avec tensification, à l’instar des systèmes laitiers la survie de tous les chamelons, ce qui confère à bovins, la pratique de l’allaitement artificiel des l’espèce cameline, un potentiel de productivité jeunes représente une pratique efficace. Dans les numérique comparable à celui de l’espèce bovine. essais réalisés en Tunisie, l’allaitement artificiel à Ce dispositif peut se compléter par l’induction partir de lait reconstitué a permis d’assurer la hormonale de l’activité sexuelle chez la femelle. séparation précoce du chamelon pour accélérer le En effet, celle-ci est très saisonnée dans l’espèce cycle de reproduction comme cela a été évoqué ANTHROPOZOOLOGICA • 2004 • 39 (2) 11
Faye B., Grech S. & Korchani T. plus haut, avec une croissance pondérale similaire Il est reconnu que la productivité laitière de la à celle obtenue avec le lait maternel (Khorchani chamelle est supérieure à celle de la vache dans les et al. 1991). Par ailleurs, la surveillance rappro- mêmes conditions d’élevage (Schwartz & Dioli chée que cette pratique suppose, constitue à 1992). Cependant, des marges de progrès consi- l’évidence un facteur favorable de contrôle dérables sont possibles par l’intensification. des troubles sanitaires précoces et se traduit de Outre l’amélioration des apports alimentaires en fait par une diminution effective des taux de fin de gestation et début de lactation comme il a mortalité. été évoqué plus haut, il est possible de favoriser L’apport alimentaire supplémentaire dans les l’intensification laitière par la séparation des phases clés du cycle sexuel favorise non seulement cycles de vie de la chamelle : les femelles suitées les performances de reproduction signalées plus sont sédentarisées durant la durée de leur lacta- haut, mais également la croissance ultérieure des tion (10 à 12 mois) alors que les autres animaux jeunes par le biais d’une meilleure production lai- (femelles taries, jeunes sevrés et mâles) sont élevés tière : le gain moyen quotidien (GMQ) au cours selon un mode extensif traditionnel (Faye et al. du premier mois de vie passe ainsi de 537 g chez 1998). C’est sur ces bases que se sont mis en place des animaux issus de mères non supplémentés des élevages laitiers périurbains au Maroc ou en à 858 g lors de complémentation alimentaire Mauritanie. Il est en effet plus aisé aux produc- (Khorchani et al. 1991). On améliore de ce fait la teurs de se focaliser sur les femelles en période de productivité pondérale du troupeau. Il existe par production pour améliorer aussi bien leur ali- ailleurs dans différents pays (notamment dans la mentation que leur suivi sanitaire et tirer ainsi le Corne de l’Afrique) une tradition d’embouche meilleur profit de l’amélioration de la production caméline (Faye 1990). Un engraissement accéléré laitière. Le raccourcissement des filières qui s’en permet d’obtenir une viande de meilleure qualité suit (du fait du rapprochement des lieux de pro- et un abattage plus précoce des animaux répon- duction aux lieux de consommation), représente dant mieux aux besoins des consommateurs. En un facteur encourageant la valorisation des pro- effet, en milieu traditionnel, l’essentiel de la duits laitiers (le fromage de chamelle n’existe pas viande disponible provient d’animaux de réforme en milieu traditionnel) par l’apport de nouvelles conférant aux carcasses des qualités organolep- technologies de transformation (Abeiderrahmane tiques peu engageantes en comparaison à la 1997). viande bovine. Dans le cas d’embouche précoce, Enfin, il est clair que l’intensification laitière en particulier chez les mâles, on peut se permettre exige une meilleure maîtrise de la reproduction : d’abattre des animaux avant leur mise à la repro- les pratiques conduisant à l’accélération du cycle duction, soit avant que les modifications compor- reproductif sont à même de contribuer à l’aug- tementales liées au rut, ne détériore la capacité mentation de la productivité laitière dans le d’engraissement (Kamoun 1990). Chez les femelles, temps. L’amélioration du potentiel génétique, une croissance accélérée est un facteur favorable autre voie visée, implique le développement de pour diminuer l’âge à la mise à la reproduction, techniques modernes s’appuyant sur l’insé- ce qui contribue encore à l’accélération du cycle mination artificielle et le transfert d’embryons de reproduction. Enfin, la production d’une (Skidmore et al. 2000). Ces techniques sont viande jeune, aux qualités diététiques reconnues encore peu développées chez les producteurs du fait de sa faible teneur en matières grasses est camélins. Leur coût, et surtout la faible efficacité en facteur commercial pouvant être mis en avant de ces techniques chez la chamelle, nécessite la par la filière : le tissu adipeux étant concentré sur poursuite de recherches de base sur la physiologie la bosse, le taux de matière grasse dans la viande de la reproduction dans l’espèce caméline, et en de dromadaire est deux fois inférieur à celui de limite leur extension. Cependant, des avancées la viande bovine dans les mêmes conditions de significatives dans la mise en œuvre de ces tech- production. niques ont été obtenues pour le contexte très 12 ANTHROPOZOOLOGICA • 2004 • 39 (2)
Le dromadaire, entre féralisation et intensification particulier des dromadaires de course dans les FAYE B. 1990. — Éleveurs d’Éthiopie. Karthala, Paris. Émirats Arabes. FAYE B. 1997. — Le guide de l’élevage du dromadaire. Sanofi, Libourne. En tout état de cause, on dispose aujourd’hui de FAYE B., BENGOUMI M. & HIDANE K. 1998. — Le toute la panoplie des pratiques et techniques pour développement de l’élevage laitier périurbain : extérioriser au mieux les capacités zootechniques l’exemple de Laâyoune (provinces sahariennes du du dromadaire. Maroc), in DUTEURTRE G. & MEYER C., Marchés urbains et développement laitier en Afrique sub- saharienne. Actes de l’atelier international : « Marchés urbains et développement laitier en CONCLUSION Afrique sub-saharienne », 9-10 sept. 1998, Mont- pellier. CIRAD, Montpellier : 103-108. GAHLOT T.K. 2002. — Camel population data-2002. Ainsi, le dromadaire montre, en dépit de son J. Camel Pract. Res. 9 : V. adaptation à un écosystème particulier qui le G EE P. 1996. — The camel in Australia. J. Camel confine aux zones désertiques, une remarquable Pract. Res. 3 (2) : 139-140. plasticité. Dans ses relations avec l’homme, il a HAMMADI M., KHORCHANI T., KHALDI G., ABDOULI H. & SLIMANE N 1997. — Effets d’une supplémen- été capable de se situer aux extrêmes de la proxi- tation par un aliment concentré sur les perfor- mité et de l’éloignement : soit rejeté par une mances de production et de reproduction en civilisation techniciste, il a su retourner à l’état période post-partum chez la chamelle (Camelus sauvage en retrouvant une auto-organisation dromedarius) suitée et élevée sur un parcours du Sud Tunisien, in Acquis scientifiques et perspectives pour assurant non seulement sa survie mais aussi une un développement durable des zones arides. Actes du grande capacité d’occuper des espaces déser- séminaire international « Acquis scientifiques et tiques sans prédateurs naturels au point que perspectives pour un développement durable des zones arides », 5-7 déc. 1996, Djerba. N° spécial de l’homme se décide d’agir par une régulation la Revue des Régions Arides : 377-385. démographique basée sur la chasse ; soit totale- H EUCKE J., D ÖRGES B. & K LINGEL H. 1992. — ment intégré dans une dynamique productiviste Ecology of feral camels in central Australia, in ALLEN visant à satisfaire les besoins en protéines ani- W.R., HIGGINS A.J., MAYHEW I.G., SNOW D.H. & WADE J.F. (eds), Proceedings of the First International males (lait et viande) pour des populations urba- Camel Conference, Dubai, 2-6 feb. 1992. R & W nisées des régions arides de la planète, sur la base Publications Ltd, Newmarket : 313-316. de systèmes de production en voie d’intensi- HJORT A.H. & HUSSEIN M. A. 1993. — Camel herd fication. dynamics in southern Somalia : long-term develop- ment and milk production implications, in HJORT À ce titre, le dromadaire, loin d’être une espèce AF ÖRNAS A. (ed.), The multi-purpose camel : inter- marginalisée par l’évolution des habitudes de disciplinary studies on pastoral production in Somalia. vie et des cultures alimentaires, a su rentrer Uppsala University, Uppsala : 31-41. dans la modernité. Dans tous les cas, il a de KAMOUN M. 1990. — Dromadaire et intensification, in Actes de la 41e réunion annuelle de la Fédération l’avenir. Européenne de Zootechnie, Toulouse. Pudoc, Wageningen : 5-16. KHORCHANI T., HAMMADI M. & MOSLAH M. 1991. RÉFÉRENCES — Résultats des recherches obtenus à l’Institut des régions arides de Médenine dans le domaine de l’amélioration de la productivité des dromadaires. ABDEIRAHMANE N. 1997. — Camel milk and modern Séminaire national sur l’élevage camelin, 29-30 déc. industry. J. Camel Prac. Res. 4 : 223-228. 1991, Douz (Tunisie). Institut des Régions Arides, BENGOUMI M., BERRADA J., ROCHDI M., HIDANE K., Médénine. D E L A F ARGE F. & F AYE B. 1998. — Physio- KHORCHANI T., ISMAIL M., HAMMADI M., MOSLAH pathologie des diarrhées du chamelon au Maroc. M. & CHAMMEM M. 1997. — Sauvegarde du dro- Signes cliniques et perturbations métaboliques. madaire et amélioration de sa productivité : bilan Rev. Élev. Med. Vét. Pays Trop. 51 : 277-281. des principales recherches menées à l’Institut des EPSTEIN H. 1971. — History and origin of the african Régions Arides de Médenine (Tunisie), in Acquis camel, in The origin of the domestic animals in scientifiques et perspectives pour un développement Africa. African Publishing Corporation, New York : durable des zones arides. Actes du séminaire interna- 558-564. tional « Acquis scientifiques et perspectives pour un ANTHROPOZOOLOGICA • 2004 • 39 (2) 13
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