LE LABORATOIRE UNITÉ DE RECHERCHE ET D'ANALYSE DE RISQUE POLITIQUE 2020/04

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LE LABORATOIRE UNITÉ DE RECHERCHE ET D'ANALYSE DE RISQUE POLITIQUE 2020/04
LE LABORATOIRE
  UNITÉ DE RECHERCHE ET D'ANALYSE DE RISQUE POLITIQUE

                   Présidentielle américaine 2020
                         Scénarios préliminaires sur les enjeux
                      économiques, géopolitiques et sectoriels

                                                   Philippe Fournier

No. 007                                   CENTRE D'ÉTUDES
                                         ET DE RECHERCHES

2020 I 04
                                                                     rH,
                                         INTERNATIONALES

                                                            Université
                                                              de Montréal
Introduction

L’objectif de ce rapport est d’établir des scénarios plausibles pour analyser les impacts
potentiels de l’élection présidentielle américaine du 3 novembre 2020 sur l’économie,
la géopolitique et les enjeux sectoriels. Nous aborderons, de façon non-exhaustive, les
sujets suivants : l’économie et la fiscalité, l’environnement et le secteur de l’énergie, les
politiques commerciales, la haute technologie et les médias sociaux, les infrastructures,
les dépenses militaires, la santé, la réglementation du secteur financier et les risques
liés à l’augmentation de la polarisation politique aux États-Unis.

Conjoncture post-électorale : rapports de force entre
républicains et démocrates

La capacité d’un président à mettre œuvre son programme dépend dans une large
mesure de sa marge de manœuvre et des rapports de force politiques au lendemain de
l’élection. Pour chacun des enjeux abordés, nous examinerons donc sommairement
l’état de l’opinion publique, les politiques de Trump, celles de Biden et des démocrates
modérés et celles de la gauche démocrate (Sanders, Warren), tout en évaluant les
obstacles/limites auxquels ces différentes politiques feront face, y compris les rapports
de force politiques existants dans les deux chambres, la Cour suprême, les pouvoirs du
président et le système politique lui-même.

Au moment d’écrire ces lignes et malgré l’incertitude générée par la pandémie, la
victoire de Joe Biden aux dépens de Bernie Sanders pour la nomination démocrate
semblait assurée. Néanmoins, la gauche du Parti démocrate (en particulier Sanders), qui
a contribué à « radicaliser » les politiques et les prises de position des modérés (y
compris celles de Biden) dans les dernières années, a contribué à réduire le fossé
idéologique entre les deux ailes du Parti. Reste à voir si l’aile gauche continuera
d’exercer une influence importante au sein du Parti, surtout avec l’élection de Joe
Biden. Dans ce contexte, il nous a semblé pertinent de porter attention aux politiques
des progressistes.

Quant à l’opinion publique, que le Président Trump et d’autres présidents avant lui ont
souvent choisi d’ignorer, elle demeure un baromètre important pour les membres du
Congrès puisque tous les membres de la Chambre des représentants et un tiers des
sénateurs vont en élections aux deux ans. Par contre, le financement électoral dépend

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largement de donateurs privés et met énormément de pression sur les élus pour qu’ils
accordent leurs politiques avec les intérêts économiques et/ou politiques de leurs
bienfaiteurs. Cet équilibre délicat contribue à entretenir ce que plusieurs appellent un
cycle électoral permanent.

La marge de manœuvre du président élu dépend dans une large mesure du rapport de
force entre les partis au Congrès et donc du résultat des élections à la Chambre et au
Sénat. Concrètement, il y a quatre scénarios possibles : victoire de Trump à la
présidentielle, avec des majorités républicaines au Sénat et à la Chambre; victoire de
Trump et majorité républicaine dans l’une des deux chambres; victoire démocrate à la
présidentielle, et majorité dans les deux chambres; et victoire démocrate à la
présidentielle, et dans l’une des deux chambres. Nous avons exclu deux autres
scénarios, soit l’élection d’un président qui ne bénéficierait de l’appui d’aucune des
deux chambres. Dans cette éventualité, le président élu doit compter principalement
sur son pouvoir exécutif et son pouvoir de persuasion, ce qui dans bien des cas mène à
l’impasse, comme ce fut fréquemment le cas sous la présidence d’Obama. En général,
le momentum généré par l’élection d’un président lui permet de gagner une majorité
dans au moins une des deux chambres, scénario qui nous semble probable pour les
présidentielles de novembre 2020.

Dans le premier scénario, le président Trump profiterait d’une marge de manœuvre
considérable, semblable à celle dont il a bénéficié durant la première moitié de son
mandat initial. Rappelons aussi que la discipline de parti est forte chez les républicains
(particulièrement dans la dernière décennie), qui la plupart du temps appuient les
politiques du président ou de leurs leaders dans les deux chambres. Pour certains, si le
président Trump remporte un second mandat, il sera nécessairement moins soucieux
de sa réélection, ce qui pourrait le pousser à gouverner de façon moins partisane et à
se préoccuper un peu plus de son héritage politique. Ceci nous apparaît improbable.
Peu importe les promesses électorales de Trump, qui viseront à rassurer les américains
sur la santé, les programmes sociaux et laisseront entrevoir des allègements fiscaux
pour la classe moyenne, le scénario le plus plausible est qu’un deuxième mandat de
Trump se déroulera sous le signe de la continuité. Avec deux nouveaux juges à la Cour
Suprême, le président bénéficie d’une majorité de 5-4 au sein d’un organe de plus en
plus politisé, qui est souvent appelé à se prononcer directement ou indirectement sur
les politiques du président et du parti au pouvoir. Ce changement dans la composition
de la Cour suprême pourrait s’avérer l’un des legs les plus importants et les plus
durables de la présidence Trump.

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Si les républicains échouent dans leur tentative de regagner la Chambre des
représentants_ ce que les sondages actuels semblent indiquer_ la marge de manœuvre
du président sera réduite, et on peut s’attendre à ce qu’il continue à faire un usage
fréquent et parfois abusif des pouvoirs formels et informels de l’exécutif. Reste à voir si
la perte d’influence du président sur les élus républicains vers la fin de son deuxième
mandat, surtout si elle s’accompagne d’une baisse de popularité de Donald Trump, le
forcera à faire plus de compromis ou le mènera à perdre le contrôle de ses troupes.

Rappelons que les pouvoirs formels et informels du président sont considérables. Parmi
les pouvoirs formels, il y a le privilège de nommer son cabinet et un très grand nombre
de hauts fonctionnaires et dirigeants d’agences fédérales, les ambassadeurs, les juges
fédéraux et plusieurs autres, dont certains sont sujets à l’approbation du Sénat.
L’ampleur de ce changement de garde a peu d’équivalents dans les démocraties
occidentales. Le président est aussi le commandant en chef, ce qui fait qu’il façonne la
politique étrangère, qu’il peut déclarer un état d’urgence (qui lui donne des pouvoirs
additionnels), et peut imposer un veto sur les lois adoptées par le Congrès, qui peut
seulement être renversé avec l’accord des 2/3 des membres du Congrès. Parmi les
pouvoirs informels, on compte le pouvoir de persuasion, la présentation de projets
législatifs au Congrès, la possibilité d’adjoindre une interprétation écrite aux lois qu’il
accepte de signer et les décrets présidentiels.

Dans l’éventualité d’une victoire de Biden et d’une conquête démocrate des deux
chambres, le Parti démocrate serait bien positionné pour faire adopter une partie de
son programme. Par contre, la marge de manœuvre du nouveau président serait
vraisemblablement moins grande que celle de Trump dans la même position. Les
démocrates modérés doivent composer avec l’aile progressiste mais aussi avec bon
nombre de démocrates plus conservateurs (surtout des sénateurs élus dans des États
républicains), qui n’hésitent pas à appuyer les républicains dans certains dossiers.

Si les démocrates perdent l’une des deux chambres (vraisemblablement le Sénat), le
président Biden aura sans doute les mains liées, du moins si l’on se fie aux actions de la
majorité républicaine au Sénat sous la direction de Mitch McConnell dans les dernières
années. Ce sera alors l’impasse, et Biden devra tenter de rallier un certain nombre de
républicains pour faire avancer son agenda législatif. Il devra aussi avoir recours au
veto, aux décrets et à sa capacité de mobiliser l’opinion publique. On peut facilement

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imaginer que, dans de telles circonstances, une présidence Sanders aurait été moins
déstabilisante que ce que pensaient ses adversaires démocrates et républicains.

Enjeux et impacts financiers, géopolitiques et sectoriels
de l’élection américaine

À la lumière des différents scénarios que nous venons de décrire et des différentes
politiques proposées par le président Trump, Joe Biden et les démocrates
progressistes, ainsi que des grandes tendances dans l’opinion publique, nous
examinerons les principaux enjeux de l’élection et les impacts potentiels de la
présidentielle sur les politiques économiques, financières et sectorielles.

1. Économie et fiscalité

Étant donné la crise actuelle, il y a fort à parier que la performance économique de
l’administration Trump avant l’arrivée de la pandémie n’aura pas énormément
d’incidence sur sa réélection. Si Trump est réélu, ce sera en grande partie à cause de la
perception qu’il gère adéquatement la crise du coronavirus et ses conséquences
sociales et économiques. En date du 2 avril 2020, les deux dernières semaines avaient
vu une augmentation sans précédent dans l’histoire du pays des demandes de
chômage (10 millions) (New York Times, 2 avril 2020), et plusieurs économistes
prévoyaient une crise économique sévère.

Le plan de relance de $2 trillions adopté le 27 mars 2020 par le gouvernement
américain, qui surpasse très largement celui de l’administration Obama de $800
milliards en 2008, prévoit des prêts massifs, une baisse d’impôts et des paiements
directs aux grandes, petites et moyennes entreprises et aux individus dont les revenus
et salaires ont été durement touchés par les mesures de confinement. Le quart du plan
de relance est consacré à un fonds pour les grandes entreprises, qui sera géré sur une
base discrétionnaire par la Maison-Blanche. Plusieurs démocrates progressistes comme
Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez ont critiqué le plan de relance sévèrement,
le décrivant comme un renflouement massif des grandes corporations aux dépends des
moins nantis qui va accentuer les inégalités aux États-Unis.

Reste à voir si les mesures arriveront à temps pour des milliers d’entreprises qui sont
déjà au bord de la faillite et qui ont dû mettre à pieds la plupart de leurs employés.

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D’autres mesures seront certainement adoptées sous peu considérant l’ampleur de la
crise à venir. L’efficacité dans la mise en place et la distribution des fonds sera donc
cruciale dans l’évaluation de la réponse de l’administration Trump par l’opinion
publique américaine. Étant donné les coupures importantes et le manque de personnel
dans plusieurs branches du gouvernement fédéral, la tâche pourrait s’avérer ardue pour
l’administration actuelle.

En revanche, la croissance des inégalités sur le plan des revenus et de la richesse sera
vraisemblablement un enjeu dans l’élection. Dans les dernières décennies, la part des
revenus du 1% a augmenté de 10 à 20%, et sa part de la richesse est passée de 25 à
42%.    Selon les démocrates, les politiques de Trump n’ont fait qu’amplifier ces
tendances. Près de 50% des ménages les moins fortunés n’ont bénéficié que de 4% de
l’augmentation totale de la richesse jusqu’au 3e trimestre de 2019. Dans ces conditions,
il apparaît clair que les coupures d’impôts, estimées à deux trillions de dollars,
avantagent principalement les grandes entreprises et les mieux nantis. Cette tendance
semble se confirmer dans le plan de sauvetage de l’administration Trump.

Selon les prévisions du CBO, entre 2016 et 2021, la part des revenus nationaux
augmentera pour le top 1%, mais diminuera pour les autres groupes. Pour les
entreprises du Fortune 500, le taux d’imposition réel s’établissait à 11,3% en 2018, soit
le niveau le plus bas depuis 40 ans. Pour la période 2008-2015, le taux moyen
s’établissait à 21,2%. Selon une analyse du New York Times (novembre 2019), les
entreprises ont augmenté les dividendes et les rachats d’actions à raison de trois fois
plus que les investissements en capital.

L’un des principaux engagements électoraux des démocrates est l’augmentation
substantielle des impôts pour les plus riches et les grandes entreprises, dans le but de
financer davantage la santé, l’éducation, de nouveaux programmes sociaux et la lutte
aux changements climatiques.

Même si ces objectifs font consensus chez les démocrates, il y a des différences
notables quant aux moyens pour les atteindre. Alors que les progressistes
souhaiteraient imposer les grandes fortunes (« Wealth tax »), Biden et les modérés
préfèrent imposer le revenu. Biden promet que la tranche d’imposition supérieure
passera à 39,6% (de 37% en 2019), et que les exemptions d’impôts seront plafonnées à
28,7%. Il s’engage aussi à imposer les gains en capitaux des contribuables gagnant plus
d’un million de dollars au même taux que les autres revenus. Les propositions des

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démocrates de hausser les impôts des mieux nantis semblent populaires auprès de
l’opinion publique. Dans un sondage de Fox News mené entre le 20 et 22 janvier 2019,
70% des répondants se déclaraient favorables à une augmentation des impôts sur les
revenus de plus de $10 millions, et 65% sur ceux de plus d’un million. Selon un
sondage effectué par POLITICO/Morning Consult en février 2020, 61% des répondants
se disaient favorables à la taxe sur les fortunes de Warren, alors que 20% s’y opposait.

Quant aux impôts pour les grandes entreprises, plusieurs modérés proposent d’éliminer
les coupures de 2017 et de ramener le seuil d’imposition sur les profits de 21 à 35%,
alors que Biden propose de le fixer à 28%. Ce dernier promet aussi d’imposer une taxe
minimale de 15% pour toutes les entreprises ayant des profits nets de plus de $100
millions. Encore là, ces propositions sont populaires auprès de l’opinion publique. Dans
l’hypothèse d’une victoire démocrate dans seulement une des deux chambres, il
apparaît peu probable que le Parti démocrate puisse concrétiser son ambitieux
programme fiscal. Les démocrates feront face à l’opposition des républicains mais
devront aussi composer avec certains de leurs élus au Sénat qui sont plus soucieux des
déficits et de la dette.

Les démocrates (y compris Biden) sont largement favorables à une augmentation
substantielle des investissements dans les programmes sociaux et l’éducation, y
compris la santé, les congés parentaux, la garde des enfants, l’accès à la propriété, la
construction de logements sociaux, la réduction des dettes d’étude, le financement des
écoles de métier et des formations en apprentissage et l’augmentation du salaire des
enseignants. Comme une forte majorité de démocrates, Biden est en faveur d’une
hausse du salaire minimum de $7.25 à $15 de l’heure. Cette mesure a été introduite en
chambre par le parti en janvier 2019, et elle est populaire chez une majorité d’électeurs.

Plusieurs mesures proposées par les démocrates prennent la forme de crédits d’impôts,
comme par exemple des crédits pour les enfants à hauteur de $3,000 par année. En qui
a trait aux politiques en matière de logement, les démocrates modérés veulent bonifier
les programmes existants en fournissant un crédit d’impôt remboursable pour les
individus dont les loyers sont supérieurs à 30% de leurs revenus. Biden s’engage à
investir $640 milliards dans ce secteur sur une période de dix ans, dont $300 milliards
serait consacrés à des nouveaux projets domiciliaires, qui seraient financés par
l’augmentation des impôts sur les grandes entreprises.

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Les propositions budgétaires du Président Trump pour 2020 (F2021) s’inscrivent dans la
lignée de ce qu’il a présenté dans les trois dernières années. Nonobstant la probabilité
que le Congrès rejette plusieurs de ses propositions, le budget record de $4,8 trillions
met en lumière les priorités de l’administration Trump à court et moyen terme. Sur une
période de dix ans, le budget propose de couper $2 trillions dans les programmes
sociaux, y compris dans l’aide au logement, les coupons alimentaires, la santé (surtout
Medicaid qui cible les Américains le plus pauvres) et les prêts et bourses pour les
étudiants.

Pour 2020 (F2021), le budget propose des coupures de 7,8% dans l’éducation, 26%
pour l’Agence de Protection de l’Environnement, 29% pour le Département de
l’Énergie (sauf pour les programmes liés à la défense et l’énergie nucléaire), 22% pour
le Département d’État et 33% pour l’aide internationale et les organisations
internationales (y compris des coupures majeures dans les contributions aux Nations-
Unies). Des augmentations importantes sont prévues pour restreindre l’immigration, y
compris $2 milliards pour la construction du mur à la frontière avec le Mexique, le
développement d’armes ultra-modernes, pour aider la NASA à établir une présence
durable sur la lune en prévision de l’établissement d’une présence sur Mars et pour la
création d’une réserve nationale d’uranium, qui bénéficierait à des compagnies comme
Ur-Energy Inc et Energy Fuels Inc. (Bloomberg News, 10 février 2020).

Il va sans dire que ces prévisions budgétaires pourraient changer dans le sillage de la
crise du coronavirus, qui demandera une réponse concertée du gouvernement fédéral.
Le Parti républicain est présentement amené à reconsidérer ses politiques fiscales et
budgétaires habituelles. Des coupures significatives dans la santé et les services
sociaux, des plans de relance vus comme étant à l’avantage exclusif des corporations et
une réponse bâclée de l’administration Trump à la crise du coronavirus qui mettrait en
danger la santé et la sécurité des Américains, pourraient remettre en cause la réélection
de Trump. Les différents aspects de la réponse de l’administration Trump seront passés
au peigne fin par les démocrates, qui bénéficient d’un avantage net sur le plan du
maintien et de l’élargissement des protections sociales et de l’assurance santé.

Victoire républicaine = statu quo au niveau de la fiscalité, coupures modérées dans le
social et l’éducation mais pas aussi importante que prévue

Victoire démocrate = marge de manœuvre fiscale réduite, tentatives d’augmenter les
dépenses dans le social, la santé, l’éducation et la lutte aux changements climatiques.

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2. Commerce international, tarifs et protectionnisme

La crise du coronavirus expose la vulnérabilité des chaînes d’approvisionnement
globales, mais elle risque aussi d’exacerber le protectionnisme. Pour le moment, les
États consacrent leurs ressources à la gestion de crise au niveau national et la
coopération demeure minimale dans le cadre de regroupements internationaux comme
le G-20 et les organisations internationales. Les mesures post-crises viseront sans doute
à améliorer la résilience des économies nationales, ce qui pourrait amener plusieurs à
réduire leur dépendance au capital étranger et réaffirmer le rôle de l’État dans la
gestion de l’économie. Cette tendance s’inscrirait dans le sillage du nationalisme
économique préconisé par l’administration Trump mais elle pourrait aussi emporter les
démocrates modérés, dont Joe Biden, mieux disposés au libre-échange en temps
normal.

Avant la pandémie, le commerce international a occupé une place centrale dans le
premier mandat du Président Trump. Trois jours après son élection et fidèle au mantra
de l’« Amérique d’abord », le président Trump s’est retiré du Partenariat Trans-Pacifique
(PTP), qui inclut maintenant 11 pays, tous d’accord sur la nécessité de contrebalancer
l’influence chinoise dans la région. Il a ensuite entamé la renégociation l’Accord de
Libre-Échange Nord-Américain (ALÉNA) avec le Canada et le Mexique, qui a débouché
sur l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACÉUM). Enfin, une guerre commerciale (et
tarifaire) avec la Chine a marqué une bonne partie de son mandat. Un accord baptisé
« phase 1 », temporaire et partiel, a été signé le 15 janvier 2020, incorporant certaines
réductions tarifaires, et un engagement de la Chine d’acheter $200 milliards
additionnels de produits et de services des États-Unis dans les deux prochaines années.

Les sondages (Gallup, janvier 2017) démontrent que la population américaine était
favorable à la renégociation de l’ALÉNA (70%), et au retrait du PTP (57%). Bien qu’une
majorité d’Américains considère que le commerce international a des effets bénéfiques
pour l’économie américaine, 45% des répondants (sondage Gallup, juillet 2018)
croyaient que la guerre tarifaire avec la Chine aurait des impacts négatifs sur l’économie
américaine, contre 31% qui pensaient le contraire. Ici encore, l’écart partisan est
important. 70% des républicains affirmaient que les tarifs contre la Chine auraient des
effets positifs contre 18% des démocrates (Realclearpolitics, 10 juillet 2019).

Les candidats démocrates à l’investiture sont cependant divisés. Bien qu’ils se soient
opposés aux tarifs sur l’acier et l’aluminium imposés au Canada et à l’Union

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Européenne, Biden et Sanders appuient les tarifs comme outil de négociation ou
comme moyen pour imposer des pénalités à des pays comme la Chine et la Russie.
Cependant, Biden et l’ensemble des démocrates prônent l’apaisement et une approche
coordonnée avec les alliés des États-Unis envers la Chine, plutôt que l’approche
unilatérale de Trump. Biden a donné son appui à L’ACÉUM, mais plusieurs
progressistes, y compris Sanders, croient que le nouveau traité ne va pas assez loin
parce qu’il ne contient aucune provision sur les changements climatiques. Quant au
PTP, les candidats de gauche s’opposent à une adhésion éventuelle, alors que Biden et
les modérés y sont favorables, à condition que les normes en matière d’environnement
et de travail soient renforcées.

Le rapport de force politique autour du libre-échange et du protectionnisme demeure
complexe et fluide. Trump, Sanders, les syndicats du secteur manufacturier et une
partie de l’opinion publique continuent d’être bien disposés à l’égard du
protectionnisme. Plusieurs élus républicains et démocrates, ainsi que les milieux
d’affaires et la majorité des économistes et des think-tanks (American Enterprise
Institute, Institute of Economic Affairs, Adam Smith Institute, Cato Institute, Club for
Growth, etc.), sont favorables au libre-échange, et s’entendent pour dire que les
politiques commerciales de Trump n’ont pas réduit le déficit commercial et ont eu un
effet négatif sur l’économie américaine.

Trump et Biden sont d’accord pour confronter la Chine sur la question de la propriété
intellectuelle (y compris le vol des secrets industriels). Ils s’opposent également tous les
deux aux transferts forcés de technologie pour les entreprises américaines qui
s’implantent en Chine, et condamnent les violations des règlements de l’Organisation
Mondiale du Commerce. Pour Biden, cependant, ces objectifs peuvent être atteints par
la négociation et une réglementation plus stricte. Il propose une approche plus
conciliante avec la Chine et exprime sa confiance en la compétitivité des entreprises
américaines. Il soutient aussi une stratégie conjointe avec les pays alliés pour contrôler
les excès et la corruption de la Chine et condamne l’utilisation excessive des tarifs qui,
selon lui, sont néfastes pour les agriculteurs et les entreprises manufacturières
américaines.

Par contre, Trump et son entourage immédiat perçoivent la Chine comme une menace
existentielle non pas seulement sur le plan économique mais aussi sur les plans militaire
et politique. Leur priorité semble être de bloquer ou freiner la montée de la Chine
plutôt que d’impulser la productivité, la compétitivité et la recherche et le

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développement aux États-Unis. L’objectif de l’administration Trump à moyen et long
terme est d’évincer la Chine des chaînes d’approvisionnement et de production
mondiales. Une forte pression (y compris des menaces) est exercée sur les alliés
américains pour qu’ils adhèrent à cette vision, quitte à ce qu’ils en paient les coûts
économiques, et qu’ils contribuent à la division du monde en deux blocs concurrents.
L’un des effets pervers de la crise du coronavirus pourrait bien être d’accentuer les
craintes par rapport à la globalisation, notamment la dépendance à l’égard des chaînes
d’approvisionnement mondiales, de renforcer le protectionnisme et d’accélérer le
rapatriement des emplois et de la production.

A moyen et long terme, on peut douter que cette stratégie sera avantageuse pour les
États-Unis. Pour plusieurs pays, la stratégie optimale est de transiger avec les deux
géants économiques et non de choisir un camp. Les pays qui seront forcés d’agir sous
l’effet de la contrainte et du chantage tenteront de se soustraire à cette situation par
tous les moyens.

Le Président Trump a déjà suggéré que l’importation de voitures européennes (au
même titre que l’acier et le fer venant du Canada) constituait une menace pour la
sécurité nationale américaine et qu’il imposerait des tarifs additionnels aux fabricants
qui refusaient d’adopter la ligne dure (et les sanctions) à l’égard de l’Iran. Cet usage
abusif des menaces économiques et des tarifs pour atteindre des objectifs financiers et
politiques, mine la confiance et créé de l’incertitude. À terme, la situation pourrait se
retourner contre les entreprises américaines. Par ailleurs, ces questions ont été peu
abordées dans les débats démocrates jusqu’à maintenant.

Les pays qui n’ont pas encore été ciblés semblent avoir saisi le message: à l’ère du
« America First », il ne faut rien prendre pour acquis et réduire la dépendance à l’égard
des États-Unis. La diversification des importations et des exportations devient une
priorité autant économique que politique. Comme le soulignait un rapport de
l’American Intelligence Community en janvier 2019, les politiques commerciales et
l’unilatéralisme de Trump ont endommagé les alliances traditionnelles et ont poussé les
alliés à nouer de nouvelles relations. A moyen et long terme, les grandes entreprises
américaines implantées à l’étranger dans les secteurs manufacturier et des services
pourraient faire les frais de cette orientation.

Si les États-Unis excluent la Chine de ses chaînes d’approvisionnement, cela aura des
effets négatifs sur des alliés régionaux comme le Japon, la Corée du sud et les

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Philippines, lesquels doivent déjà faire face à des exigences financières importantes en
échange de la protection militaire américaine. Cela aurait pour effet de diminuer
l’influence des États-Unis dans la région.

De façon générale, la politique de l’« America First », y compris l’agressivité des États-
Unis sur la scène commerciale et dans les relations internationales, a miné la confiance
d’une grande partie de la communauté internationale à l’égard de l’administration
Trump. Un sondage du Pew Research publié au printemps 2019, qui mesurait la
confiance des citoyens de 33 pays envers Angela Merkel, Emmanuel Macron, Vladimir
Poutine et Donald Trump, plaçait le président américain au dernier rang, avec 64% des
répondants affirmant ne pas lui faire confiance. De même, une majorité de répondants
s’opposait aux tarifs sur les importations, au retrait des accords de Paris, à la
construction d’un mur, au retrait de l’accord sur le nucléaire iranien et à la politique
migratoire de l’administration Trump.

Au moment d’écrire ces lignes, la crise du coronavirus ne semble pas avoir atténué la
rivalité géopolitique entre la Chine et les États-Unis. La réponse des deux pays a été
marquée par le déni, les accusations à caractère xénophobe et la volonté de supplanter
l’autre à travers la propagande, ce qui pourrait retarder l’élaboration d’une réponse
concertée à une crise mondiale

Victoire républicaine = continuation des guerres commerciales et de l’hostilité envers la
Chine.

Victoire démocrate = malgré les influences protectionnistes au sein du Parti, qui
pourrait être plus prégnante à cause de la pandémie, une réduction des tensions
commerciales et une reconstruction des alliances sont des scénarios plausibles.

3. Changements climatiques, environnement secteur de l’énergie

Même si l’économie demeure l’enjeu clé, la protection de l’environnement et les
changements climatiques sont devenus dans les dernières années beaucoup plus
importants pour les Américains. Selon un rapport du Pew Research paru en février
2020, une majorité d’Américains croyait que l’environnement devait être un enjeu
prioritaire pour le président et le Congrès, soit une augmentation de 14% depuis 4 ans.
Cette opinion est particulièrement marquée chez les plus jeunes (77% pour les 18-29
ans) et, plus que tout autre enjeu, hautement sujet à la partisannerie (85% chez les

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démocrates contre 39% chez les républicains). Par ailleurs, un sondage Gallup publié en
mai 2019 démontrait que 65% des Américains croyaient que la protection de
l’environnement devrait avoir la priorité sur la croissance économique.

Le président Trump dénonce « l’alarmisme » face aux changements climatiques, et met
en doute les preuves scientifiques sur le réchauffement de la planète et l’augmentation
des perturbations climatiques. Le 1er juin 2017, il annonça le retrait des États-Unis des
Accords de Paris. En mai 2018, il donna l’ordre au Département de l’Énergie
d’intervenir pour protéger les industries du charbon et du nucléaire contre les pressions
concurrentielles du marché. L’administration Trump a aussi assoupli la réglementation
touchant l’industrie des mines de charbon et a amputé la capacité de l’Agence de
Protection de l’Environnement de réglementer l’environnement en résiliant la loi sur
l’énergie propre par décret. De même, le président Trump a signé un décret pour
élargir le forage pétrolier et gazier et a assoupli les règles concernant la protection des
cours d’eau et des milieux humides pour faire suite aux demandes du secteur agro-
alimentaire, des développeurs immobiliers et des producteurs d’énergies fossiles. A
peu près au même moment, le président annonça son intention de réduire la portée
d’une loi exigeant des évaluations environnementales pour les projets d’infrastructures
(ponts, pipelines, etc.). Selon des études menées par le Bureau de la Gestion et du
Budget (Office of Management and Budget) et l’Agence de Protection de
l’Environnement, les bénéfices à long terme d’une réglementation environnementale
plus stricte dépassent largement les coûts.

Alors que la seule initiative récente du Parti républicain a été de s’associer à une
initiative visant à planter un trillion d’arbres d’ici 2050, le Parti démocrate a fait de
l’environnement et des changements climatiques un enjeu central dans la campagne
présidentielle. Les candidats à l’investiture démocrate sont unanimes sur la nécessité de
réduire les gaz à effet de serre. Il existe cependant des différences importantes entre
les démocrates modérés et progressistes quant aux moyens à prendre et à la rapidité
de la transition des énergies fossiles vers les énergies vertes et renouvelables.

Biden propose une révolution d’énergie propre (« clean energy revolution »), qui
prévoit que l’économie américaine fonctionnera en utilisant 100% d’énergie propre d’ici
2050, que les États-Unis élimineront les gaz à effet de serre et qu’ils deviendront le
premier exportateur mondial de technologies vertes. Il promet de réintégrer les accords
de Paris dès son premier jour au pouvoir, et d’investir $1,7 trillions sur dix ans pour
lutter contre les changements climatiques. Il propose aussi : une taxe sur le carbone

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pour encourager les entreprises à réduire les gaz à effets de serre; l’aménagement à
travers le pays de 500,000 nouveaux points de service pour les véhicules électriques;
des subventions pour les agriculteurs (avec des contrats de cinq ans) qui acceptent
d’adopter des pratiques réduisant les gaz à effets de serre et les émissions de carbone;
la fin de l’octroi de nouvelles concessions pour exploiter le pétrole et de gaz sur les
terres fédérales et pour les forages en mer (qui sont responsables ensemble de 25%
des émissions de dioxyde de carbone dans le secteur), ce qui peut être décrété sans
l’accord du Congrès. Contrairement à plusieurs démocrates, Biden ne veut pas éliminer
l’énergie nucléaire, qu’il considère comme partie intégrante de la stratégie pour
combattre les changements climatiques.

Les plus progressistes (Sanders et Warren) sont en faveur du remplacement complet
des énergies fossiles par des énergies propres d’ici deux ou trois décennies, se mettant
à risque dans certains États clés, comme l’Ohio, la Pennsylvanie et le Dakota du Nord,
qui sont des producteurs importants d’énergies fossiles. Ils misent sur la création de
dizaines de milliers d’emplois à travers la production de panneaux solaires et de
turbines, la géothermie et l’électrification des transports (plus grand producteur de gaz
à effets de serre). Ils favorisent aussi une réglementation fédérale stricte, l’élimination
graduelle du nucléaire et du gaz naturel et l’abolition de la fracturation hydraulique sur
tout le territoire. La plupart de ces mesures exigeraient l’approbation du Congrès, ce
qui est peu probable, étant donné l’opposition des républicains et des démocrates
dans les États où les industries fossiles sont des employeurs majeurs.

Les prises de position démocrates reçoivent un fort appui dans l’opinion publique. En
mars 2019, un sondage du Pew Research révélait que 62% des républicains et 90% des
démocrates considéraient qu’il fallait prioriser les énergies alternatives plutôt que les
énergies fossiles. Une défaite de Trump pourrait ouvrir la porte à une plus grande
ouverture chez les élus républicains à l’égard des changements climatiques. Notons
aussi que plusieurs mesures implantées par le président Trump peuvent être renversées
sans passer par le Congrès, notamment à travers des décrets présidentiels.

Il est trop tôt pour mesurer l’impact de la crise du coronavirus sur le secteur
énergétique mais la baisse de la consommation (particulièrement dans le secteur
aérien) et du prix du pétrole va entraîner une baisse de la production aux États-Unis,
particulièrement à moyen terme. Le faible prix du pétrole pourrait aussi retarder la
transition vers des énergies vertes et renouvelables.

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Victoire démocrate : positive pour les énergies alternatives et propres

Victoire républicaine : positive pour les énergies fossiles

4. La haute technologie et les médias sociaux

La haute technologie est de loin le secteur le plus névralgique dans la concurrence
économique et politique entre les superpuissances. Il va de soi que chaque sous-
secteur de la haute technologie a sa propre dynamique économique et politique : les
énergies alternatives, le matériel médical et la pharmacologie, le matériel militaire, les
équipements de télécommunication, l’aérospatial, etc.

La Chine a annoncé il y a déjà plusieurs années son intention de développer tous les
secteurs à valeur ajoutée de la haute technologie et de créer des « champions »
nationaux   largement    autonomes.     Depuis    plusieurs   années,   la   Chine       investit
massivement dans la recherche et le développement, l’innovation et l’éducation, avec
l’ambition non seulement de réduire au maximum sa dépendance à l’égard des
produits et technologies américaine et européenne, mais aussi de créer des produits
plus performants à moindre coût.

Le secteur des télécommunications est extrêmement important sur le plan économique
mais renvoie à toute une série de complications politiques. Plusieurs pays désirent
garder une mainmise sur le secteur, fabriquer leur propre équipement de
télécommunications et en contrôler l’accès et le contenu pour préserver leur
souveraineté et leur sécurité nationale. À titre d’exemple, l’administration Trump
cherche à empêcher des pays alliés d’adopter la technologie 5G développée par le
géant chinois Huawei, qui est moins coûteuse et plus efficace que la technologie
américaine, en invoquant une menace à la sécurité nationale. Les alliés qui adoptent la
5G de Huawei s’exposent à des actions punitives américaines (Bloomberg
Businessweek, 27 février 2020). Par ailleurs, l’administration Trump a demandé dans son
budget 2020 (F2021) du financement dans des secteurs clés pour la compétitivité de
l’économie, y compris l’intelligence artificielle, l’informatique quantique, les techniques
avancées de fabrication manufacturière et les réseaux de télécommunications 5G. La
Maison Blanche propose aussi de permettre au Département du Commerce de mettre
aux enchères la gestion du spectre et des télécommunications aux compagnies privées
pour faciliter les efforts de développer le 5G.

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Plusieurs candidats démocrates ont proposé une forte augmentation des impôts sur les
géants technologiques et critiquent les pratiques monopolistiques et les effets du
commerce en ligne et de l’automation sur les détaillants et l’emploi. Les candidats
progressistes (Sanders et Warren) ont carrément proposé le démantèlement de
compagnies comme Facebook, Amazon, Google et Twitter. Biden préfère une enquête
des régulateurs fédéraux sur les pratiques monopolistiques et la concurrence déloyale
par ces compagnies afin de déterminer si elles violent les lois anti-monopoles.

Dans ses propositions budgétaires de 2020 (F2021), Trump a annoncé que la division
antitrust du département de la Justice verrait son budget augmenter de 13%. En juillet
2019, il a annoncé une enquête sur le pouvoir de marché des entreprises dans les
recherches en lignes, les médias sociaux et le commerce en ligne.

La question de la confidentialité des données des utilisateurs des médias sociaux
préoccupe de plus en plus les Américains et les autorités gouvernementales. Les élus
au Sénat ont d’ailleurs ouvert le débat en 2019 sur les moyens de protéger la
confidentialité des données pour les usagers de Facebook et Google. Biden et les
démocrates proposent d’éliminer l’immunité légale qui protège les médias sociaux,
autant pour l’utilisation des données confidentielles que pour les contenus « nocifs ou
dommageables » générés par les usagers du net.

Dans le cadre de la crise du coronavirus, le président Trump a demandé aux géants du
Web d’analyser les bases données médicales pour lutter contre l’épidémie. Par contre,
les appels à ce que des compagnies comme Facebook, Amazon et Microsoft
contribuent plus de ressources (financières ou autres) pour gérer la crise pourraient se
faire plus insistants, surtout chez les progressistes.

Victoire démocrate : resserrement de la réglementation sur les contenus dans les
médias sociaux, et réduction de la marge de manœuvre du big tech dans le commerce
du détail et l’utilisation et la commercialisation des données.

Victoire républicaine : pas de mesures pour réduire le pouvoir de marché, mais plus
grand contrôle sur les contenus des médias sociaux.

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5. Les infrastructures

Le président Trump est présentement en discussion avec ses homologues démocrates
sur un plan d’infrastructure massif, qui se chiffrerait en trillions de dollars, pour
dynamiser l’économie, déjà sévèrement touchée par la crise du coronavirus. Les
contours d’une entente demeurent incertains et plusieurs républicains sont réfractaires
à l’idée d’ajouter à la dette, mais on peut penser qu’une partie de cette initiative va
être mise en place.

De manière générale, il y a consensus chez les experts que le mauvais état des
infrastructures aux États-Unis constitue un frein à la productivité. Quoique l’opinion
publique n’en fasse pas une priorité, le mauvais état des infrastructures préoccupe de
plus en plus d’Américains (Pew Research, Février 2020).

Même si Trump a promis de réparer et d’améliorer les infrastructures pendant la
campagne de 2016, il n’en a pas fait une priorité si l’on se fie aux trois dernières
années. En février 2018, il a proposé un plan de $1,5 trillions sur 10 ans, qui a suscité
peu d’intérêt au Congrès, alors que les deux chambres étaient contrôlées par les
républicains. Sa proposition de créer un fonds pour les infrastructures, financé par des
obligations gouvernementales que les investisseurs privés pourraient acheter, n’a pas
non plus suscité beaucoup d’enthousiasme. Dans son budget 2020 (F2021), Trump
propose des investissements fédéraux directs de $1 trillion sur 10 ans, qui seraient
principalement consacrés aux autoroutes, au système ferroviaire et à d’autres
infrastructures liées au transport.

Chez les démocrates, l’amélioration des infrastructures est prioritaire dans la mesure où
elle contribue à réduire les gaz à effet de serre et à garantir l’accès à l’eau potable et
propre pour tous les citoyens. Autant les modérés comme Biden que les progressistes
veulent investir dans le transport en commun, les trains à haute vitesse, les autobus
électriques, un réseau de bornes de recharge électrique, les pistes cyclables, en plus
des aéroports, des routes et des ponts. En plus de doubler les investissements dans les
infrastructures, Biden s’engage à consacrer $100 milliards pour moderniser les écoles.
Pour financer ces projets, plusieurs éléments restent à préciser mais on évoque le
renversement de la réforme fiscale de Trump de 2017, une hausse de la taxe sur
l’essence et l’élimination des subventions aux industries fossiles.

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Les démocrates veulent aussi investir dans les réseaux d’aqueducs pour éviter des
crises comme à Flint au Michigan. Ils promettent aussi de réinstaurer le Clean Water
Rule (adoptée par Obama) que le Président Trump a aboli en septembre 2019.

Une victoire démocrate = priorité pour la réfection et l’amélioration des infrastructures,
avec de nouveaux investissements majeurs dans les infrastructures favorisant la
réduction des gaz à effet de serre dans les transports et dans le logement social.

Une victoire républicaine = investissements plus importants que prévus à cause de la
crise économique générée par la pandémie mais résistances au sein du Parti
républicain.

6. Les dépenses militaires

Bien que la lutte contre le terrorisme soit une priorité pour 74% des Américains, les
dépenses militaires se situent au 15e rang des priorités nationales (Pew Research, janvier
2020). Néanmoins, l’accusation d’être « faible sur la défense » peut être coûteuse
politiquement. Trump a augmenté considérablement le budget de la défense depuis
qu’il a pris le pouvoir, après qu’Obama ait effectué des coupures significatives. En
2019, le budget de la défense a atteint un sommet historique de $750 milliards, avec
de nouveaux fonds pour l’équipement militaire de haute technologie. Les candidats à
l’investiture démocrate étaient divisés sur cette question. Les progressistes exigent des
réductions importantes et veulent utiliser ces ressources pour financer les programmes
sociaux. Joe Biden ne veut quant à lui pas réduire le budget de la défense. Il croit que
les États-Unis doivent jouer un rôle important dans la sécurité mondiale et favorise, par
exemple, le maintien de troupes américaines en Iraq et en Afghanistan.

Peu important le gagnant : statu quo sur les dépenses militaires, sauf en cas de
ralentissement économique sérieux à cause du coronavirus, qui pousseraient les élus à
transférer plus de ressources vers les protections sociales.

7. La santé

Dans le contexte de la crise du coronavirus, l’hésitation initiale du président Trump et
de plusieurs gouverneurs (surtout républicains) et le manque chronique d’équipement
médical, plus particulièrement de ventilateurs et de masques, pourraient contribuer à
une éclosion dramatique du virus aux États-Unis, qui comprend déjà le plus grand
nombre de cas au monde. De plus, la fragilité et le manque d’accessibilité du système

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de santé rendent les États-Unis particulièrement vulnérables. Les hôpitaux du pays,
comme c’est déjà le cas dans la ville de New York, pourraient être complètement
submergés d’ici peu, ce qui entrainerait une hausse du taux de mortalité.

Les appels à revoir le système de santé en profondeur pour être mieux préparés face à
une crise de cette nature pourraient se faire plus insistants. Dans ce contexte et dans le
contexte de l’élection présidentielle, il serait difficile de voir l’administration Trump et
Parti républicain opter pour des coupures importantes qui auraient pour effet de
réduire l’accès au système et aux soins de santé en temps de crise sanitaire. Même si
les circonstances peuvent s’y prêter, les républicains n’envisagent pas la création d’un
système de santé universel. De façon générale, les positions du Parti démocrate en
matière de santé sont plus en phase avec l’opinion publique américaine qui se plaint
des coûts prohibitifs de l’assurance-santé, des soins et des médicaments.

Même si cela ne semble pas être le cas pour l’instant, la gestion de crise serait facilitée
par une meilleure coopération et coordination internationale au niveau des politiques
de santé publique, de l’approvisionnement en équipement médical et de la recherche
et de la mise en disponibilité de traitements et de vaccins.

S’il y a un enjeu électoral sur lequel les démocrates devraient bénéficier d’un avantage,
c’est bien la santé, notamment à cause des coûts élevés du système et du manque
d’accès pour un grand nombre d’Américains moins fortunés. Le système américain est
de loin le plus coûteux au monde per capita, tout en affichant des performances
médiocres en termes de mortalité infantile et d’espérance de vie. Les montants que les
assurés doivent débourser avant de bénéficier de l’assurance (« deductibles ») sont
passés en moyenne de $989 en 2014 à $1,655 en 2019, soit une augmentation de 41%.
En même temps, les primes que les employeurs doivent payer augmentent plus
rapidement que les prix fixés par les programmes gouvernementaux (Medicare et
Medicaid). Le fait que les démocrates aient beaucoup insisté sur la santé contribue à
expliquer leur reprise de la Chambre lors des élections de mi-mandat en 2018.

Le premier décret signé par le président Trump visait à affaiblir le Affordable Care Act
(Obamacare) en remettant en cause l’obligation pour tous les Américains d’acheter une
assurance, sous peine de pénalités financières. En général, les républicains favorisent
les coupures dans le secteur de la santé, une résiliation de l’Obamacare et un rôle
prépondérant pour le secteur privé et les compagnies d’assurance. Leurs alternatives au
système actuel demeurent vagues. Si le coronavirus continue de se propager dans les

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