La stratégie des Etats-Unis en matière de commerce maritime - Sous la direction de Christian Harbulot

 
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La stratégie des Etats-Unis en matière de commerce maritime - Sous la direction de Christian Harbulot
La stratégie des Etats-Unis
 en matière de commerce
         maritime

                Sous la direction de Christian Harbulot

                              Auteurs :
  Héloise Moreau, Thibault Chaya, Elvire de Kermel, Stevel Le Manach,
                   Maxime Louchart, Daniel Walsh
La stratégie des Etats-Unis en matière de commerce maritime - Sous la direction de Christian Harbulot
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La stratégie des Etats-Unis en matière de commerce maritime - Sous la direction de Christian Harbulot
Executive Summary
Dans un monde globalisé où les échanges commerciaux sont la base des rapports entre les
puissances. Le vecteur sur lequel ces échanges sont basés est indiscutablement le transport
maritime. Pour tous pays, organisations, qui a une volonté de puissance, ma maitrise de ce
vecteur est un enjeu primordial.
Les États-Unis en étant la 1ère puissance économique mondiale sont une puissance maritime
aussi bien marchande que militaire. Elle s’est organisée au fil du temps, et a su s’adapter à la
libéralisation économique du monde.
Tout d’abord par sa législation, relativement ancienne, mais qui a su s’adapter au fil des
années pour maintenir cette puissance.
En libéralisant son marché domestique, mais en le réservant pour ses propres acteurs, les
Etats-Unis ont donc créé une base solide d’acteurs privés maitrisant tous les aspects
techniques du transport maritime. La projection de ces professionnels sur la scène
internationale les a conduits en premier à utiliser les pavillons de complaisance, pour
préserver leur compétitivité face aux pays en voie de développement.
Enfin, sa marine militaire, la plus importante du monde, a toujours su remonter les
informations utiles pour ses propres entreprises privées, et on la voit en temps réel sur ce
qu’elle est capable de faire avec la toute nouvelle zone maritime qui sera disputée : l’Arctique.

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La stratégie des Etats-Unis en matière de commerce maritime - Sous la direction de Christian Harbulot
Introduction
    Le commerce extérieur de la première économie mondiale est extrêmement dépendant
de son transport maritime. La place prépondérante de la flotte militaire américaine dans le
monde assure entre autres le bon déroulé de ses échanges en protégeant et en soutenant la
marine marchande. La structure du commerce maritime américain est le fruit d’une histoire
maritime riche de partenariats et d’une série de législations anciennes qui lui confèrent
aujourd’hui une forme et un cadre tout à fait particulier.
    Le soutien protectionniste apporté à l’écosystème maritime américain par la législation
fédérale se heurte aux volontés privées, soumises à la loi du marché et à la gestion des coûts.
En cela, il est important de distinguer une dynamique maritime régulatrice et protectionniste
dans le cas du marché domestique américain et une volonté de libéralisation des échanges
extérieurs. De l’organisation politique américaine, en ce qu’elle a de plus décentralisé, découle
un secteur maritime à strates décisionnelles multiples.
    Au cours du XVIIème siècle, on voit apparaître un système de conférence qui permet aux
transporteurs desservant les mêmes marchés et utilisant les mêmes itinéraires maritimes de
travailler ensemble. Ces accords permettent aux armateurs d’assurer un service continu
coordonné ainsi que de fixer des tarifs de fret homogènes sur les marchés offrant ainsi une
stabilité des prix et un service de qualité.
    Pour l’observateur, il est donc essentiel d’appréhender le secteur maritime américain et
ses évolutions récentes à travers ce prisme. Les contradictions entre les dynamiques
maritimes internes et externes américaines ne sont en somme que des ajustements
nécessaires à la survie d’un écosystème unique made in USA, en total anachronisme avec la
tendance économique mondiale.

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La stratégie des Etats-Unis en matière de commerce maritime - Sous la direction de Christian Harbulot
Table des matières
Executive Summary .......................................................................................................... 3
Introduction ..................................................................................................................... 4
I.         Un marché intérieur protégé ..................................................................................... 6
      A.  Les organisations .............................................................................................................. 6
      B.  La législation : outil évolutif de la puissance maritime américaine ..................................... 7
        1) Seamen’s Act de 1915 ............................................................................................................ 7
        2) Merchant Marine Act de 1920 appelée aussi Jones’ Act ....................................................... 8
        3) Merchant Marine Act de 1936 ............................................................................................... 9
        4) Shipping Acts de 1916, 1984 & 1998 ..................................................................................... 9
        5) Foreign shipping practices de 1988 ..................................................................................... 10
        6) Tonnage tax & American jobs creation act de 2004 ............................................................ 10
      C. Le financement, un outil au service de la compétitivité ................................................... 11
      D. Affaires maritime américaines : des acteurs privés attentifs ............................................ 11
II.        Un contrôle ciblé international des Etats-Unis.......................................................... 13
      A.  Contexte ........................................................................................................................ 13
      B.  La gestion optimisée des pavillons .................................................................................. 13
        1) Iles Marshall ......................................................................................................................... 13
        2) Panama ................................................................................................................................ 14
        3) Libéria................................................................................................................................... 15
      C. Implantation géostratégique des bases militaires navales américaines dans le monde ..... 15
      D. L’Arctique : un terrain de jeu (quasiment) vierge ............................................................. 16
Conclusion ...................................................................................................................... 17
Annexe 1 : Les échanges commerciaux américains .......................................................... 19
Annexe 2 : La logistique interne des Etats-Unis................................................................ 20
Annexe 3 : Les flux logistiques mondiaux VS la présence militaire américaine .................. 21
Annexe 4 : Caractérisation des futures routes commerciales arctiques ............................ 22

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La stratégie des Etats-Unis en matière de commerce maritime - Sous la direction de Christian Harbulot
I. Un marché intérieur protégé
    A. Les organisations
        L’Organisation Maritime Internationale est une institution spécialisée créée en 1848
 par les Nation Unies et basée à Londres. A l’origine appelée Organisation Maritime
 Consultative Intergouvernementale (OMCI), elle est chargée d’assurer la sécurité et la sûreté
 des transports maritimes et de prévenir la pollution des mers par les navires1. Elle doit ainsi
 encourager la collaboration entre les 172 Etats membres pour l’adoption de normes de
 sécurité et la levée des barrières à l’échange entre les pays en vue de développer un
 commerce international sans discrimination. En 1982, la 3ème conférence sur le droit de la mer
 à Montego Bay abouti sur la signature de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la
 Mer (CNUDM). Cette conférence faisait suite à de nombreuses critiques des pays émergents
 qui estimaient que les lois internationales issues de la conférence de Genève de 1958
 favorisaient les pays les plus industrialisés. Le CNUDM ajoute 4 zones maritimes en plus des
 zones existantes : les eaux archipélagiques, le fond des mers, les détroits navigables et surtout
 les Zones Economiques Exclusives (ZEE).

         Les Etats-Unis signataires de ce traité, ne l’ont jamais ratifié. Les raisons évoquées sont
 multiples : perte de souveraineté, standards environnementaux élevés qui entraineraient une
 vague de procès et la suspicion que la Chine ne tiendrait pas compte des éventuels jugements
 des Nations Unies en sa défaveur. Ces arguments ne sont cependant pas la raison principale
 du refus de ratification des Etats-Unis. Cette dernière est essentiellement économique. En
 effet, en plus d’imposer des contraintes normatives à ses Etats membres, la convention des
 Nations Unies sur le droit de la mer encadre l’exploitation des fonds marins au travers de la
 partie XI. Il s’agit là d’un point de friction qui a longtemps découragé les pays industrialisés à
 ratifier le traité, ces derniers ayant depuis longtemps déjà porté leur attention sur les
 ressources sous-marines, notamment sur les nodules2. Les nodules polymétalliques sont
 devenus en quelques dizaines d’années, avec les terres rares, un enjeu stratégique majeur, et
 ce dès 1960 avec la publication du scientifique John Méro mettant en exergue l’intérêt
 économique de ces ressources. Dans ce texte, il est démontré que la majorité des fonds marins
 seraient recouverts de nodules et que la plupart des gisements se trouveraient dans le
 Pacifique Nord, entre l’ile Hawaï et le Mexique. Les Etats-Unis se sont bien entendu
 positionnés dans la course aux nodules dès 1962 avec la société Deep Sea Ventures Inc., filiale
 du groupe Tenneco et la création de plusieurs consortiums dédiés à l’exploitation des fonds
 marins.

         En réponse à cette course effrénée et face aux risques environnementaux et de conflits
 liés à l’exploitation des nodules, les Nations Unies ont, lors de Montego Bay, intégré ces
 nouvelles dimensions à la convention sur le droit de la mer. La partie XI précise ainsi les
 conditions d’exploitations et crée l’Autorité Internationale des Fonds Marins (AIFM) qui
 délivre et renouvelle les permis d’exploitation aux pays en ayant fait la demande. Voyant dans
 ces dispositions une perte d’autonomie et plaidant une atteinte à leur souveraineté, les Etats-

 1
  Organisation Maritime internationale (OMI)
 2
  Témoignage de Roger Rufe, Président de la Conservation de l’Océan, devant le Comité du Sénat sur les Relations
 Etrangères, 21 Octobre 2003.

                                                                                                              6
La stratégie des Etats-Unis en matière de commerce maritime - Sous la direction de Christian Harbulot
Unis refusèrent donc de ratifier le traité et allèrent même jusqu’à créer une contre-autorité
délivrant des permis d’exploitation. Le bras de fer avec les Nations Unies dura jusqu’en 1994
et le succès des négociations entre les deux groupes qui aboutit sur une révision de la partie
XI avec notamment un siège garanti aux Etats-Unis au sein de l’AIFM et la création d’un Comité
Financier chargé de valider les décisions financières de l’Autorité et dont les sièges seront
alloués aux plus gros donateurs. Malgré ces modifications favorables aux Etats-Unis, le pays
n’a pour l’heure toujours pas ratifié le traité malgré de nombreuses tentatives. En effet, afin
qu’un traité soit ratifié, les 2/3 du sénat américain doivent voter en sa faveur. Or, l’opposition
des conservateurs à ce sujet demeure très forte, ces derniers craignant un futur refus de
passage ou de stationnement de leur flotte lors d’opérations militaires par plusieurs pays3. En
2007, George W. Bush voyant dans la CNUDM un moyen d’accroitre la souveraineté côtière
du pays et d’atteindre de nouvelles ressources au Nord, tenta en vain de pousser le Sénat à
voter en faveur d’une ratification du texte. Hillary Clinton mena le même combat lors de son
passage en tant que Secrétaire d’Etat entre 2009 et 2013, sans plus de réussite. Toujours sur
le plan interne, les Etats-Unis délèguent depuis leur création la gestion des ports aux Etats
fédéraux. Cela permet d’offrir aux villes, aux acteurs privés et aux états eux-mêmes la
possibilité de construire et de d’administrer un port commercial sur leurs côtes de la façon
qu’ils souhaitent. Quand bien même il n’existe pas d’organe centralisé étatique avec des
normes communes de gestion des ports, ces derniers sont regroupés dans l’« American
Association of Port Authorities »4.

    B. La législation : outil évolutif de la puissance maritime américaine
    Les Etats-Unis ont promu un certain nombre de lois afin de rendre leur marine marchande
compétitive que cela soit d’un point de vue domestique ou international. Les lois primordiales
ont pour la majorité été passées au XXème siècle, période durant laquelle il y a eu une réelle
prise de conscience de la part du publique sur la nécessité de façonner le développement de
la marine marchande et sur les conditions de travail des marins.

    1) Seamen’s Act5 de 1915
    Le Seamen’s Act de 1915 a été la première loi passée en faveur de l’amélioration de la
sécurité des marins présents à bord des navires américains. Cette loi lance un volet législatif
qui, en tenant compte du bien être des marins, va aussi permettre d’imposer des mesures
clairement protectionnistes. En plus de l’amélioration des salaires, il est stipulé dans la loi que
pour 75% des effectifs à bord d’un bateau, la compréhension de la langue anglaise est
obligatoire. Ou encore qu’il est obligatoire d’avoir des marins qualifiés Able Seamen,
qualification obtenue en fonction des expériences en mer. Cependant, les grands armateurs
locaux ont considéré que les mesures décrétées étaient excessives notamment avec la
limitation de la liberté dans les contrats. Selon ces derniers, la baisse du chiffre d’affaires de
la marine marchande a été en partie due à l’augmentation des salaires et aux conditions
requises par la loi6. C’est aussi en réaction à cette loi que se sont développés les pavillons de

3
  The Hill, Zack COLMAN, «Republican senator says sea treaty might pass after election».
4
   American Association of Port Authorities.
5
  Etats-Unis, Act to Promote the Welfare of American Seamen in the Merchant Marine of the United State, 4 mars 1915.
6
  Albrecht, Arthur Emil, International Seamen's Union of America: A Study of Its History and Problems, Washington D.C.,
U.S. Government Printing Office, 1923, 120 p.

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complaisance arborés par les navires américains à l’étranger. Ces nouveaux pavillons leur
permettaient ainsi de passer outre les contraintes du Seamen’s Act7.

    2) Merchant Marine Act de 1920 appelée aussi Jones’ Act
    Cette loi prévoit la préférence de la marine marchande américaine et de son entretien
ainsi que la régulation du commerce maritime dans les eaux territoriales américaines et entre
les ports américains. Elle formalise les droits des marins notamment en termes de
compensations pour les blessures faites à bord8.

    Le Jones’ Act a pour objectif de construire une marine marchande américaine :
     - Autonome en termes de commerce intérieur afin de favoriser et de maintenir le flux
         de commerce national et étranger sur les voies maritimes ;
     - Capable de servir de flotte militaire auxiliaire en temps de guerre ;
     - Permettant aux Etats-Unis de posséder et d’utiliser une flotte américaine ;
     - Compétitive et composée de citoyens formés9.

   Elle prévoit aussi le développement des chantiers navals pour la construction ainsi que
pour la réparation des navires.

    L'article 27 du Jones’ Act traite du cabotage et exige que tous les biens transportés par
l'eau entre les ports américains soient transportés sur des navires battant pavillon des États-
Unis. Le pavillon américain impose que le bateau soit construit aux États-Unis, qu’il
appartienne à des citoyens américains et qu’il soit équipé par des citoyens américains et des
résidents permanents des États-Unis. Autre interdiction, des marchandises sur un navire avec
un pavillon étranger et ayant comme destination finale l’île de Guam, Hawaï, Puerto Rico ou
l’Alaska ont l’obligation de passer par un port situé sur le continent américain et d’être
transborder vers un navire battant pavillon américain.

     Toutes les justifications sont bonnes pour faire du protectionnisme dans le pays
s’affirmant comme le chantre du libéralisme mondial : cette loi aiderait également à lutter
contre les contrebandiers10. Dès lors que les navires doivent être américains et que l’équipage
doit être composé d’au minimum 70% de citoyens américains, cela limite la capacité des
marins étrangers à utiliser les voies navigables américaines pour faire rentrer des produits
illégaux.

    Le Jones’ Act et les obligations inhérentes permettent de maintenir les capacités de
production et de technologie sur le sol américain et ainsi de participer à l’indépendance
stratégique des États-Unis. Cette loi a aussi aidé à limiter les revendications des armateurs
exprimées lors de l’entrée en vigueur de la Seamen’s Act de 1915 en obligeant le commerce
domestique à travailler avec des navires et des marins américains.

7
  De Sombre, E.R., Flagging Standards. Globalization and Environmental, Safety, and Labor Regulations at Sea, MIT Press,
Cambridge, Massachusetts, 2006.
8
  Legal Information Institute, Jones Act.
9
  Legal information Institute, 46 U.S. Code § 50101 - Objectives and policy.
10
    United States Government Accountability Office, janvier 2011, Maritime Security, Federal Agencies Have
Taken Actions to Address Risks Posed by Seafarers, but Efforts Can Be Strengthened .

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Ainsi, cette loi a permis de relancer l’industrie navale marchande américaine et a promu
l’idée que la marine marchande et la marine militaire américaine devraient travailler en étroite
collaboration afin d’établir une puissance maritime américaine omniprésente.

    3) Merchant Marine Act de 193611
    En 1936, le Congrès adopte la loi sur la marine marchande créant par la même occasion la
Commission maritime des Etats-Unis. Cette loi reprend les exigences édictées dans le Jones’
Act et les complètent et modifient. Ainsi, la marine marchande américaine se doit en plus :
    - « D’être capable de transporter une part conséquente du commerce extérieur », une
        telle orientation n’avait été explicité aussi clairement auparavant.
    - « D’être détenue et exploitée sous le pavillon américain par les citoyens américains
        dans la mesure du possible », une nuance a été apportée et laisse la porte ouverte à la
        possibilité de déroger à cette obligation protectionniste.

    La loi a également autorisé la Commission à concevoir et à construire 500 navires
marchands sur une période de 10 ans, en commençant par la construction du paquebot
transatlantique America12. Cette législation régit encore à ce jour de nombreux programmes
soutenant l'industrie maritime américaine.

   4) Shipping Acts de 1916, 1984 & 1998
a. Merchant Marine Act de 1916 appelée aussi Alexander Act
        Cette loi a été promulguée afin de créer la US Shipping Board (USSB)13. Cette
commission a pour but principal de développer le transport maritime, d'exploiter les navires
marchands appartenant au gouvernement et de réglementer les voies maritimes naviguant
sous pavillon américain ainsi que d'appliquer le Seamen's Act. La loi a aussi aidé à la création
d’une agence de réglementation, la Commission Maritime Fédérale (FMC). Son but était de
contrôler les caractéristiques de monopole de ces conférences afin d'éviter tout préjudice
pour les entreprises américaines et de protéger les accords de la législation antitrust des États-
Unis. Ainsi, les Etats-Unis continuent à appliquer une politique protectionniste dans le
domaine de leur marine marchande. En effet, via le USSB, les Etats-Unis se sont donnés entre
autres l’autorité pour intervenir lorsqu’un accord entre les transporteurs est jugé comme
étant injuste, ou que ce dernier opère au détriment du commerce des Etats-Unis.

b. Shipping Act de 198414
    La loi de 1984 sur la marine marchande des États-Unis traitait de la réglementation
concernant le transport maritime vers et depuis les États-Unis d'Amérique. L’accroissement
de la concurrence ainsi qu’une plus grande indépendance pour les transporteurs maritimes
avec la loi de 1984 sont des éléments clés. Selon la Commission maritime fédérale, avant la loi
de 1984, il y avait une situation oligopolistique causée par les conférences : les transporteurs
maritimes ne pouvaient pas fonctionner en dehors de ce système. Désormais, les acteurs
mineurs peuvent être présents sur le marché en dehors et cela favorise la rivalité entre
entreprises ce qui permet d’offrir le meilleur service possible. Une autre modification notable

11
   Etats-Unis, Merchant Marine Act, 1936.
12
   MARAD, A Short History of the Maritime Administration.
13
   Hurley, Edward, The Bridge to France, Philadelphie & Londres : J. B. Lippincott Company, 1927
14
   Etats-Unis, Shipping Act of 1984, 20 mars 1984.

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a été apportée avec le passage sur la façon dont les accords de conférence entrent en vigueur.
Avant, en vertu de la loi de 1916 et des modifications, les accords devaient être approuvés par
la FMC, qui était un processus extrêmement long. Avec la loi de 1984, les ententes entrent en
vigueur après 45 jours, à moins que la FMC n'ait déposé une injonction pour l'arrêter. Avec
cette loi, les États-Unis ont promu la croissance et le développement de leurs exportations
grâce à un transport maritime compétitif et influent tout en s'appuyant davantage sur le
marché.

c. « Shipping Act » de 1998 aussi appelée OSRA15
   La Ocean Shipping Reform Act (OSRA) est un amendement de la Shipping Act de 1984 qui
consiste en la modernisation et la dérégulation du marché maritime international. La réforme
a été votée afin d’augmenter le pouvoir de négociation des petits acteurs présents sur le
marché. En effet, jusqu’à présent, grâce au montant important des volumes, les acteurs
majeurs bénéficiaient de réductions tarifaires. La dérégulation du marché a aussi eu pour
conséquence d’autoriser les affréteurs et les transporteurs à rendre les montants des contrats
confidentiels. Les expéditeurs à grand volume ont vivement contesté cette dernière règle
notamment à cause de la transparence du système américain qui désavantage les expéditeurs
américains par rapport à leurs concurrents étrangers dans les marchés tiers.

    5) Foreign shipping practices de 198816
    Cette loi qui offre un nouveau pouvoir à la FMC (Federal Maritime Commission), la
possibilité d'enquête et d’intervention contre des armateurs et des gouvernements étrangers.
Dès lors qu’il serait caractérisé comme gênant le commerce établi entre un acteur américain
et un acteur étranger, peu importe sa nationalité, la FMC peut intervenir. Un nouvel outil
législatif dans la compétition économique internationale qui permet de soutenir
indirectement les acteurs américains.

     6) Tonnage tax & American jobs creation act de 200417
     La marine marchande américaine subissait un désavantage concurrentiel car les bateaux
américains devaient payer plus d’impôts à l’étranger. Pour pallier à cette position défavorable,
et dans le cadre de la loi américaine sur la création d'emplois de 2004, le Congrès a adopté un
régime de taxe sur le tonnage pour les navires commerciaux battant pavillon américain dans
le commerce extérieur. La majorité des concurrents de la marine marchande américaine à
l'étranger bénéficient de régimes spéciaux à faible imposition ou sans impôt sur leur revenu
d'expédition dans leur pays de résidence. Par ailleurs et en vertu des lois fiscales ou des traités
américains ces derniers ne paient aucune taxe américaine sur les revenus provenant des
trajets vers et depuis les Etats-Unis. Cette mesure aide donc à la création d’un environnement
positif pour les navires possédant un pavillon américain et à termes cela favoriserait la
création d’emplois.

   Grâce à ces lois, les Etats-Unis imposent des contraintes aux flottes étrangères ce qui leur
permet de gagner une certaine autonomie vis-à-vis du reste du monde. Ces lois mettent aussi
en valeur une autre partie de la stratégie de puissance mise en place : une dérégulation du

15 Etats-Unis, The Ocean Shipping Reform Act, 1998.
16
   Etats-Unis, Foreign Shipping Practices Act of 1988, 1988.
17
   Etats-Unis, American Jobs Creation Act of 2004, 22 octobre 2004.

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marché qui va de pair avec une augmentation de la compétitivité sur le marché de la marine
marchande pour les acteurs américains.

     C. Le financement, un outil au service de la compétitivité
        L’acteur public en charge de la gestion de l’écosystème maritime américain, MARAD,
agit dans une importante mesure sur le dynamisme du financement du secteur. Via le Federal
Ship Financing Program, l’agence gouvernementale compile la majorité de l’investissement
fédéral pour la modernisation et le développement des chantiers navals et des infrastructures
portuaires. Pour l’année 2015, le budget total attribué à ce programme s’élevait à 35 millions
de dollars. A ce jour, l’administration Trump souhaite y consacrer 5 millions de dollars de
budget, sous réserve de l’approbation du Congrès. De manière détournée et en parallèle de
l’action de l’agence MARAD, une autre institution fédérale américaine contribue à l’essor de
secteur maritime américain. L’Export-Import Bank of the United States est un organisme de
crédit attaché au gouvernement américain. Connu par son qualificatif de « Boeing Bank », par
l’intensité des rapports que l’organisme entretien avec l’avionneur, il a pour but de soutenir
l’exportation de produits américains dans le monde. Le financement public de la banque, et
sa mission affichée en fait le recours de choix des entreprises américaines dans
l’environnement compétitif international. Au-delà des crédits importants attribués à ces
mêmes entreprises exportatrices, et aux acheteurs internationaux, l’entité publique
américaine assume les défauts de payement des acheteurs étrangers. Depuis 70 ans, l’Ex Im
Bank a contribué à plus de 455 milliards de dollars d’exports. A ce titre, elle est un outil
essentiel du dynamisme du secteur maritime américain. Elle est par ailleurs, un rouage
essentiel au dynamisme de l’écosystème maritime made in USA. Dans l’esprit du Jones Act, la
Ex-Im Bank exige comme condition préalable, que les produits à l’export qui ont bénéficié de
son soutien soient transportés sur des bateaux naviguant sous pavillon américain.

     D. Affaires maritime américaines : des acteurs privés attentifs
    Une puissance maritime internationale ne peut être efficace que si le commerce maritime
sur le territoire national est optimal. Il pourrait s’agir de la devise américaine tant le sujet
préoccupe les acteurs du pays. La promulgation du Jones Act se veut être une action visant à
encadrer et à protéger l’économie américaine. Ce texte a cependant récemment été remis en
question puisque sur la fin de l’ère Obama, le CPB, « US Customs and Border Protection », a
proposé de le modifier.18 L’agence a notamment proposée de créer une exception pour
certains types de navires transportant de l’équipement industriel à la condition qu’il n’y ait
pas assez de navires américains afin de maintenir les approvisionnements. Si cette proposition
était soutenue par des entités telles que l’American Maritime Partnership, le Shipbuilders
Council of America ou encore la Offshore Marine Service Association (OMSA), elle a
immédiatement provoqué une levée de bouclier de la part des républicains et des différents
lobbys américains des énergies. L’American Petroleum Institute (API) et l’International Marine
Contractors Association (IMCA) ont ainsi activement milité pour que le projet de modification
soit retiré prétextant qu’il provoquerait la destruction de milliers d’emplois américains
(« 125 000 emplois détruit en 2030 ») et la perte de « 23% de la production de gaz et de
pétrole américain ».19 Fin mai 2017 le CPB a finalement retiré sa proposition. La question n’est
cependant pas entièrement close puisque l’OMSA est revenu à la charge dans la foulée en

18
 Offshore, CBP withdraws proposed modifications to Jones Act.
19
 Ajot, ones Act under fire, battle lines drawn.

                                                                                             11
précisant que seulement 31 nouveaux navires seraient nécessaires et que leurs commandes
auprès d’armateurs américains permettraient de créer des emplois sur le territoire national
tout en renforçant, à terme, le contrôle américain sur les mers.

         L’autre enjeu crucial annoncé par le Président Trump est la modernisation des
infrastructures du pays. Durant sa campagne, il n’a cessé de marteler son engagement en
faveur d’un investissement massif de l’Etat en vue de rénover les ponts, routes, aéroports et
autres travaux publics aux Etats-Unis. Fin mars le Président américain a annoncé un plan de 1
trillion de dollars sans toutefois préciser d’où sera issu le financement.20 La question des
infrastructures portuaire a assez peu été abordée lors des différents communiqués qui ont
suivi l’annonce. Cependant, de nombreux organismes tels que le Consortium for Ocean
Leadership, composé de nombreuses universités et centres de recherches, ont d’ores et déjà
exprimé l’idée du financement de la modernisation des ports via le développement de
partenariats public-privé, l’augmentation des taxes fédérales ou encore l’utilisation des 9
milliards d’excédents du Harbor Maintenance Trust Fund (HMTF)21. Les Etats-Unis ont depuis
longtemps compris l’importance du commerce maritime et ont créé en 1986 un fond qui
prend en charge l’intégralité des coûts des opérations et de maintien des voies d’eau
profondes et côtières. Ce fond est intégralement financé grâce à une taxe de 0.125% de la
valeur commerciale de toute cargaison chargée ou déchargée d’un navire commercial dans
un port ayant reçu un financement fédéral ayant servi à des constructions, maintenances ou
opérations et ce depuis 1977. Le commerce maritime ayant explosé aux Etats-Unis, le fond est
excédentaire depuis 2003.

        Les Etats-Unis ont une politique de puissance affichée se basant sur un commerce
maritime intérieur développé. Cette ambition croisée se retrouve notamment dans les
estimations du Comité des Transports et des Infrastructures pour l’exercice financier 2018
dans lequel est clairement demandée une aide du HMTF afin de financer les ports américains
par lesquels transiteraient « 70% des importations et 75% des exportations du pays ». Selon
ce même Comité, l’intérieur est donc une priorité puisque « des infrastructures fortes
signifient une Amérique forte ». Le développement extérieur n’est cependant pas négligé
puisqu’il demande aussi un refinancement afin d’aider les garde-côtes à accomplir leurs
missions de lutte contre les migrants et la pêche sauvage et surtout de protection des
nouvelles frontières maritimes arctiques.

20
     Reuters, Trump to unveil $1 trillion infrastructure plan in 2017: official.
21
     Ocean Policy and Legislation, Fair Share Wanted For Transportation Spending.

                                                                                          12
II. Un contrôle ciblé international des Etats-Unis
     A. Contexte
     En 2009, les États-Unis étaient la 1ère puissance importatrice et la 3ème exportatrice. Ils
 participent de fait, de manière largement significative dans les échanges maritimes
 internationaux. Sans surprise, le vecteur maritime est le plus important dans les échanges
 commerciaux américains22. Les principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis sont situés
 en Asie (Annexe 1), ce qui implique que les ports de la côte ouest sont les plus importants du
 pays (Annexe 2). Les chiffres qui justifient de la puissance maritime américaine ne sont pas
 révélateurs de la puissance réelle. En effet, en 2007, les Etats-Unis étaient à la 21ème place,
 équivalant à 0,8% de la flotte mondiale, mais à la 7ème place si on considère en termes de
 maitrise économique.
         La flotte américaine a été la plus importante du monde avant le transfert vers des
 pavillons de complaisance qui l’a réduite à très peu de chose. Historiquement, le registre
 panaméen a commencé dans les années 1930. Ce sont d’ailleurs les armateurs américains,
 avec le soutien du gouvernement, qui ont inventé cette pratique, notamment pour contrer les
 dispositions en terme social du Seamen’s Act, mais aussi pour pouvoir produire en plein mer
 de l’alcool pendant la prohibition23. C’est après la seconde guerre mondiale que cette pratique
 de libre immatriculation des navires a transformé en profondeur le commerce maritime. En
 effet, moins de 2 % des exportations américaines sont transportées sur des navires battant
 pavillon américain. Cette dépendance vis à vis des navires de drapeau étranger s’exerce même
 dans des domaines stratégiques tels que l’approvisionnement militaire et le transport de
 produits pétroliers.

        Les immatriculations des navires sont ainsi rapidement transférées vers les registres
 de pays "proches" et sous influence américaine tels que le Panama, le Libéria ou le Honduras.
 Aujourd'hui, l'ex-territoire américain des Îles Marshall concentre la moitié des pavillons
 américains destinés au commerce international. Le Panama, les Bahamas et le Libéria
 représentent le reste24. Le principal argument de cette pratique est la préservation de la
 compétitivité du transport maritime américain, via l’application de règlementations fiscales,
 sociales et réglementaire moins contraignantes. En 2014, parmi les dix premiers du
 classement de Review of Maritime Transport (CNUCED, 2013), six sont des pavillons de libre
 immatriculation (Panama, Libéria, Îles Marshall, Bahamas, Malte, Chypre) ; les trois premiers
 assurent 42.3 % du port en lourd mondial25.

      B. La gestion optimisée des pavillons
     1) Iles Marshall
     Après plus de 30 années sous tutelle américaine, la République des Îles Marshall signe un
 accord d’association libre avec le gouvernement américain. L’indépendance formelle eu lieu
 le 22 décembre 1990, date à laquelle le Conseil de sécurité des Nations Unies ratifie la fin de
 la tutelle. En vertu du contrat de libre association, les États-Unis fournissent 65 millions de
 dollars d’aide annuelle. Faisant de l’aide gouvernementale américaine le principal moteur de
 l’économie des Iles Marshall. Depuis 2001, les Îles Marshall sont classées parmi les principaux

 22
    ISEMAR « Les Etats-Unis et la mer », note de synthèse N°143 – Mars 2012.
 23
    ECSA, « Qui contrôle la mer », interview de Paul Tourret, 41ème minute.
 24
    ISEMAR, Les Etats-Unis et la mer .
 25
    Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, Etude sur les transports maritimes.

                                                                                                            13
pavillons de complaisance. A cette date, la flotte enregistrée dans l’archipel atteint les 11,7
millions de tonnes d’emports en lourd contre 2,1 millions de tonnes en 1994 26.

     Essentielle à l’économie locale, la concentration importante de la flotte mondiale dans ces
iles (3ème pavillon au classement mondial) s’explique par la fiscalité avantageuse mise en place
par le gouvernement. La compétitivité de la marine marchande américaine repose par ailleurs,
en grande partie sur les économies importantes réalisées par une immatriculation dans les
Iles Marshall. En effet, si le protectionnisme mis en place par le législateur américain dans le
secteur maritime garanti un écosystème protecteur eu égard aux chantiers navals et au
personnel navigant américain, il contribue aussi parallèlement à augmenter les coûts de
transport des armateurs. La libéralisation du pavillonnement permet de compenser ces
augmentations de coût via des immatriculations dans des Etats en voie de développement
désireux de mettre en place des politiques avantageuses.
     Les liens politiques historiques entre le gouvernement américain et les Iles Marshall ainsi
que la position stratégique occupée par l’archipel sur les routes commerciales du Pacifique,
s’ajoutent aux facteurs économiques et expliquent encore davantage la part grandissante de
l’immatriculation Marshallienne au sein des flottes d’armateurs américains.

     2) Panama
     Le Panama a un statut particulier dans la liste des pavillons de complaisances les plus
utilisés. Le canal du Panama dont le projet a initialement commencé avec le Français
Ferdinand de Lesseps en 1881, permet aujourd’hui d’économiser des jours de transport et
donc de rendre plus compétitif le transport maritime. En pleine guerre d’indépendance
panaméenne face à la Colombie, un groupe d’indépendantistes soutenus par les États-Unis
déclare l’indépendance du Panama le 3 novembre 1903. Et 15 jours plus tard, le 18, les États-
Unis signent le traité de Hay-Bunau-Varilla qui leur octroie la souveraineté du canal à
perpétuité. Sous la pression des nouveaux propriétaires américains, les travaux reprennent et
le canal sera inauguré en 1914. Ce faisant, ils maitrisent un nœud logistique d’envergure
mondial. Les États-Unis exploitèrent pendant près d’un siècle les droits du canal, sur une zone
large de dix miles de chaque côté du tracé du canal27. En 1978, le Panama signe un traité avec
les États-Unis qui prévoit la rétrocession de la concession grâce aux multiples interventions du
général au pouvoir, Omar Torrijos28. Depuis le 31 décembre 1999, c’est ainsi que l’Autorité du
Canal de Panama a repris la gestion de cette infrastructure majeure.

    La Convention internationale demande qu’il doive exister un lien substantiel entre l’Etat
et le navire. L’Etat doit exercer, effectivement sa juridiction et son autorité dans tous les
domaines (commercial excepté) sur les navires battant son pavillon29. L’un des avantages dont
bénéficie les pavillons de complaisances par rapport aux pavillons classique est que ces pays,
souvent trop petits, très peu organisés, n’ont pas les moyens ni la volonté de réquisitionner la
flotte en temps de guerre ou de crise, comme c’est le cas par exemple aux États-Unis. Les
États-Unis, nation pour le moins belligérante, voyant une partie significative de sa flotte

26
   Organisation des nations unies, « Statistical Yearbook for Asia and the Pacific 2004: Annuaire Statistique Pour
L'Asie Et Le Pacifique », 11 avril 2006, p. 243
27
   Observatoire Politique de l'Amérique latine et des Caraïbes : « Panama : Système électoral », sur
sciencespo.fr
28
   El Tiempo, Congreso decide abolir ejecercito en Pananma.
29
   SlideShare, Commerce maritime-et-contentieux .

                                                                                                               14
marchande partir sous pavillon étranger, ne pouvait faire l’économie de cette force en cas de
besoin. George Bush a donc imposé au Panama qu’en cas de guerre les navires sous pavillon
Panama soient réquisitionnés par l’armée américaine pour venir en renfort, notamment pour
le transport de troupes ou le ravitaillement. Ce qui montre une fois de plus que les États-Unis
savent très bien adapter leur puissance maritime pour augmenter sa compétitivité à
l’internationale, tout en conservant les moyens de l’utiliser quand elle le décidera.

    3) Libéria
Le Libéria est un pays indépendant des États-Unis depuis le 26 juillet 1847, mais il est organisé
politiquement comme les Etats-Unis. On retrouve aussi le modèle américain dans l’éducation
avec l’Église épiscopale des États-Unis qui est appliqué par l’université de Cuttington. L’armée
américaine est venue à plusieurs reprises formés les militaires du pays entre 1941 et 1989.

Le Libéria est donc un pays lié en profondeur aux Etats-Unis, de cette proximité est née le
pavillon de complaisance libérien qui a été mis en place par les américains, ce dernier leur
permet d’avoir accès à de multiples privilèges :
    • Pavillon de prestige, vous permettant de vous faire assister diplomatiquement par un
        réseau d’ambassades et de consulats.
    • Votre bateau sera accepté dans tous les ports du monde.
    • Rentrée de capitaux facilités, et totale discrétion en cas de succession.
    • Pas de TVA.
    • Aucune imposition sur la plus-value en cas de revente, ou en cas de succession.
    • Anonymat garanti sur demande grâce au Porteur ou prête-nom, et protection des
        avoirs.

     C. Implantation géostratégique des bases militaires navales américaines dans
        le monde
        Depuis, la révolution des transports maritimes, entraînants la baisse des coûts de
transports dans cette phase d’intensification de la mondialisation. Le transport maritime
représente 90 %30 des canaux de fret dans le monde. Les États-Unis avec leur armée navale
ont une forte présence (Annexe 3) sur les routes maritimes internationales pour de multiples
raisons.
        La première, relativement classique, va être de protéger ses navires commerciaux sur
les « autoroutes commerciales marines » mondiales, tout en protégeant dans le même temps,
les sites stratégiques comme le Moyen-Orient pour son pétrole.
        La seconde va permettre de surveiller et observer les différents navires passant aux
points clés. La recherche et la consolidation systématique des informations sur le commerce
maritime mondial est devenu un axe stratégique majeur développé par les Etats-Unis
récemment. Après avoir fait le constat qu’il ne pouvait seul maîtriser toutes les eaux
mondiales, ils sont passés du concept de « 400 ships navy » 100% américain, aux concepts du
« 1000 ships navy »31, mais avec le concours de marines alliées. L’effort en bâtiments
physiques étant partagé, les Américains se sont orientés vers la maîtrise de toute la chaine
d’information. Ainsi, ils peuvent contrôler les Etats-majors et rester en haut de la pyramide de

30
   Organisation des Nations Unies, Un rapport de la CNUCED met en évidence le lien entre transport maritime
et changement climatique.
31
  US Naval War College, Building Partner’s capacity.

                                                                                                         15
commandement. En restant dans cette position de force dans la maîtrise des mers, avec le
concours d’alliés, les Etats-Unis deviennent l’acteur incontournable pour toutes les activités
se passant sur l’eau.

        On peut constater sur la carte des routes maritimes32 le positionnement des bases
navales américaines à l’étranger33 (Annexe 3). Les États-Unis sont essentiellement implantés
dans des zones géographiques où ils n’ont pas de forts alliés. Ces forts alliés sont les pays
collaborateurs anglo-saxons de toujours (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud
et Grande-Bretagne). Cette répartition du monde n’est pas sans rappeler l’alliance du
renseignement Five Eyes34 rassemblant les mêmes pays pour mieux protéger leurs biens et
personnes, seule l’Afrique du Sud vient compléter l’alliance. On peut observer que les trajets
qui sont sur tout ou partie du chemin suivant : États-Unis + les Caraïbes / Europe / Golfe
d’Aden / Asie du Sud Est / Japon + Mer de Chine méridionale / États-Unis (côte ouest) sont
parsemés de leurs bases militaires. Il faut rajouter que les cinq bases du golfe persique
contrôlent aussi l’exportation des hydrocarbures des pays arabes. En superposant ces
différentes sources, les Etats-Unis sont en capacité de pouvoir suivre tous les points
logistiques névralgiques qui constituent les plus importantes routes maritimes.

     D. L’Arctique : un terrain de jeu (quasiment) vierge
    Le cas de la conquête progressive de la zone arctique par les Etats-Unis est un excellent
exemple d’une volonté d’accroissement de puissance dans une zone stratégique longtemps
vierge d’activité humaine intensive, et dont la composante maritime, via le contrôle des routes
de commerce, demeure un aspect essentiel. S’il faut noter que les objectifs affichés des Etats-
Unis sont la défense du territoire américain et la sécurité de ses citoyens, les administrations
qui se sont succédé dans les dernières années ont exercé leur souveraineté sur les eaux
territoriales d’Alaska et ont entretenu les relations privilégiées historiques avec l’état
canadien aux fins de déployer trois volets d’une stratégie arctique ambitieuse.
En effet, les Etats-Unis ont exprimé leur volonté de contrôle des activités et de la gestion de
la région dans un titre de mission explicite « Pursue Responsible Artic Region Stewardship »35.
Concrètement, ce plan consiste en l’intégration des organes existants et futurs de la gestion
de la région. Déjà membre d’Artic Council, une présence accrue au sein de ces institutions est
une garantie de prise de leadership, compte tenu du poids naturelle d’une puissance
économique et militaire telle que les Etats-Unis.

        La description du caractère stratégique de l’exploitation des ressources énergétiques36
de la région, soutien d’une indépendance énergétique, est un indice particulièrement
révélateur de la volonté américaine dans la région. Cette bataille pour le contrôle des
ressources arctiques a été révélée par la très médiatique sortie de la Russie sous le pôle nord
en 200737.
Enfin, l’Annexe 4 expose les trois différentes routes maritimes qui devraient voir le jour
comme conséquence du réchauffement climatique. On peut y voir notamment le rôle

32
   Wikiversité, Approche géostratégique des espaces maritimes d'aujourd'hui/Routes commerciales.
33
   WashingtonPost, Navy Annex being razed after 70 years of service.
34
   PrivacyInternational, The Five Eyes ,
35
   Barack Obama, « National Strategy for the Arctic Region ». May 2013
36
   Barack Obama « National Strategy for the Arctic Region », May 2013
37
   Le Figaro, La Russie plante son drapeau au fond de l'océan Arctique .

                                                                                                   16
stratégique du détroit de Béring dans ces nouvelles routes. Un élément qui laisse présager de
futurs conflits avec la Russie lorsque l’exploitation passera de 483 navires en 2012 à plus de
1000 en 202538. L’application de leur concept « Freedom of the sea » au niveau du détroit de
Béring sera donc tout aussi conflictuel qu’avec la Chine dans la mer de Chine orientale.

       Dans un premier temps, les objectifs énoncés par la Maison Blanche dans cette région,
ont été transposés dans un cadre militaire. Les premiers retours d’expériences dans cette zone
longtemps ignorée seront assurés par l’Armée. Jusqu’en 2020, les Etats-Unis s’appuieront
donc sur leur flotte, la plus puissante du monde, ainsi que sur un certain nombre de
contingents de scientifiques. Cette logique de « dégrossissage » et de collecte d’informations
est une étape essentielle pour la maitrise future des enjeux stratégiques américains et de
l’implantation de groupes industrielles privés. Pour le moment, la conquête de l’océan
arctique, de par son caractère de dernière frontière, est un excellent exemple de l’utilisation
de l’appareil de défense américain au service de futurs intérêts marchands.

Conclusion
    Les Etats-Unis se sont toujours considérés comme investis d’un rôle messianique et à ce
titre la citation de Saint Matthieu semble bien illustrer leur vision du commerce extérieur :
« Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée… ».
En effet, les Etats-Unis tendent à développer et à optimiser leur marché domestique afin
d’influencer et d’attirer le monde extérieur. Ils souhaitent ainsi devenir un modèle de réussite
et d’exemplarité vers lequel tendre. En outre, ce mode de pensée leur permet de se
désengager des marchés matériels pour se concentrer sur les immatériels tels que la maîtrise
de l’information. Ce changement de stratégie s’observe particulièrement sur la gestion des
pavillons : en 2015, les Etats-Unis étaient ainsi le 8ème plus important propriétaire de la flotte
mondiale alors que plus de 85% de son transport de port en lourd était sous pavillon
étranger39. D’un autre côté, le rachat du registre maritime Lloyds par IHS Markit (une
entreprise américaine)40 ou ses partenariats historiques (Panama, Libéria et Iles Marshall),
permettent aux Etats-Unis de collecter un très grand nombre d’information et de créer un
réseau commercial sur le marché maritime mondial. Un autre levier qui leur permet d’obtenir
de l’information est le militaire : en effet, là où sont les pavillons américains, il y a
généralement aussi la présence de l’armée américaine ou alliée pour les protéger et pour
connaître les grands flux maritimes. Par ailleurs, le business model des Etats-Unis a toujours
été très orienté vers le développement de ses exportations et la voie maritime a dès lors été
perçue comme le moyen de transport le plus adapté. Il y a donc eu une réelle volonté
d’encadrer rapidement ce marché à l’aide de lois qui permettraient ainsi de favoriser le
développement de la marine marchande américaine et de maximiser leur réseau d’influence.

   On observe ainsi deux formes de stratégie qui semblent aller de pair : une première
protectionniste sur le marché domestique afin de rendre ses acteurs ultra-compétitifs et une
deuxième plutôt tournée vers l’influence à l’international en pratiquant des mesures libérales
ou via des accords tarifaires. Cependant, nous pouvons remarquer que les Etats-Unis n’ont

38
   Navy task force Climate Change « U.S. Navy Artic Roadmap 2014-2030 » February 2014 page 11.
39
    Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, Etude sur les transports maritimes,
tableau 2.3.
40
   IHS MARKIT, IHS Completes Acquisition of Remaining 49.9 Percent of Lloyd’s Register-Fairplay.

                                                                                                      17
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