Le magazine suisse de l'incitation créative
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n°1 automne 2012 - semestriel - www.whats-magazine.ch le magazine suisse de l’incitation créative ESPACES le Flux laboratory GENETIQUE le génie Duboule LUMINAIRES nitescences rares Daniel Schlaepfer art • littérature • mode • sciences • formation • technologies • économie • horlogerie • gastronomie • loisirs
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| 02 edito | Impressum | sommaire Direction éditoriale Serge Bimpage Administration bimpagecommunication Comité de création Christian Bernard, Christian Le poinçon Robert-Tissot, Titan Lacroix, Un triomphe de genève Reynald Aubert, Catherine Graf pour denis fait peau duboule Entreprendre ensemble Articles Jean Cordey, Catherine Graf, Antonin Moeri, Pascal Bourgier 03 > 12 neuve 15 > 18 What’s magazine a une double ambition. Correction D’une part, offrir une meilleure visibilité de Isabelle Sbrissa Douna Loup se qui se crée, s’innove et s’entreprend dans Direction artistique a les dents notre pays et dans tous les domaines. D’autre La Fonderie longues part, What’s se veut un acteur de mise en Mise en page 13 > 14 relation des créateurs avec les investisseurs Ludovic Pilot et les institutions de soutien à la création, Publicité l’entreprise et l’innovation. bimpagecommunication Photolitho et impression Notre monde change, et les arcanes Respirez, rêvez, lisez! Laissez-vous sur- Imprimerie Genevoise SA de la création de même. Les barrières prendre par What’s deux fois par an, tombent, qui ont longtemps séparé les au printemps et en automne. Entrez Tirage mondes de la création et du business. dans notre réseau. Parce que la Suisse 20’000 exemplaires Favoriser le rapprochement de ces est l’un des pays les plus innovants au derniers revient à répondre à un nou- monde. Et parce que seul, on n’entre- Parutions veau besoin: celui d’une compréhen- prend jamais rien. What’s, magazine de l’incitation sion mutuelle et d’une solidarité désor- créatrice, paraît deux fois l’an, mais nécessaires au succès. Léger au printemps et en automne mais crédible de par son équipe solide et son comité de parrainage, What’s prend ses distances avec les sirènes de la morosité. Pour apporter du rêve, de belles histoires de réussites et les SERGE BIMPAGE Editeur Contact La fabuleuse clés qui les ont favorisées. What’s magazine aventure 9 ch. des Lilas-Blancs de l’horlogerie CH-1225 Chêne-Bourg/Genève genevoise T +4178 680 49 53 19 > 25 www.what’smagazine.ch bimpage@hotmail.ch
| 04 AGENDA INSPIRATION SCANDINAVE DESIGN PO! Sorties innovantes À chaque édition, des idées pas comme les autres! Découvrez notre agenda exclusivité. LES VESTIGES CONTEMPORAINS DE SALLY MARSLAND GOOD DESIGN, GOOD BUSINESS DESIGN GRAPHIQUE ET PUBLICITÉ PAR GEIGY RED DOT DESIGN AWARD 2008 LE TABOURET PLOPP D’OSKAR ZIETA
| 06 SCIENCES Un triomphe « On ne peut pas jouer en première ligue en étant dépourvu d’ambition. Ceux qui pour Denis disent le contraire mentent. » Duboule Par SERGE BIMPAGE PRIX DE LA FONDATION POUR GENÈVE Dans un Victoria Hall archi comble s’est déroulée le 12 septembre la remise du Prix de la Fondation pour Genève. Destiné à récompenser une personnalité œuvrant pour le rayonnement de Genève au plan international, le Prix a désigné cette année le généticien de renommée mondiale. A vec ses yeux noirs pétillants j’étais bien ! J’ai toujours aimé les ani- fique. L’affaire provoque un scandale d’intelligence, son aisance à maux. Aujourd’hui encore, la première international. Il n’empêche qu’on prie discuter de n’importe quel chose que je fais, en arrivant dans Denis Duboule d’aller voir ailleurs et il sujet, Denis Duboule semble fait pour... une ville, c’est de me rendre au jardin se retrouve sans superviseur. Dix ans tout! Au reste, comme il le dit lui- zoologique ou à l’aquarium. C’est une plus tard, le succès revenu, l’Université même, sa carrière n’était pas marquée passion. Avant-hier, j’étais au Jardin de Genève le priera de revenir. Il ne dans l’agenda. «J’aurais pu être prof de des Plantes à Paris. Je suis tombé en cache pas que la recherche n’est qu’un sport. Je passais mon temps à faire du extase devant une famille de wallabys, concours de circonstances. tennis, du ski et de la planche à voile des kangourous de petite taille. J’aurais dans la rade. Tout simplement, j’adorais pu rester des heures à les contempler, la nature.» A l’âge de dix ans, il partait bien davantage que des graphiques de Genève à vélo avec son pic-nique scientifiques!» Naturel, franc de collier, et pédalait jusqu’à La Plaine. «En face direct. Au milieu de sa thèse de doc- de la gare, il y avait cette vigne qui torat en biologie, il dénonce son pro- grimpait. J’arrivais en haut, au soleil, et fesseur pour cause de fraude scienti-
| 08 SCIENCES «Notre découverte la plus importante est que le système génétique de la mouche est applicable à tous les animaux.» Sa thèse en poche, il collabore dans un de géologie, récupérés à Uni-Bastions. Non, jamais Denis Duboule ne se serait laboratoire de pointe à Strasbourg. «C’est un grand luxe d’évoluer dans un douté qu’il serait mondialement connu environnement qui garde les traces du un jour. Pour autant, il affiche son ambi- «J’ai eu la chance d’arriver à une époque passé. » Contre le mur, une installa- tion sans détour. « On ne peut pas jouer où on faisait des découvertes remar- tion en mobile attire l’attention. Il s’agit en première ligue en étant dépourvu quables. On doit notamment à ce labo- d’une encyclopédie créationniste qu’il d’ambition. Ceux qui disent le contraire ratoire l’explication du fonctionnement a sciée à la circulaire. «Un acte fort: mentent. Après, il faut que celui-ci ne des hormones. Il y régnait une dyna- on ne scie pas des livres impunément. s’enfle pas trop. Cela dit, quelle joie, mique de succès extraordinaire! C’était En plus, ils sont vissés, on ne peut quelle fierté quand les petits Suisses un peu comme si vous entriez dans le pas les ouvrir!» Plus loin, encore, une que nous sommes parviennent à pu- vestiaire du Barcelone FC: Vous vous reproduction de L’Homme sauvage, blier un article scientifique aux Etats- dites, j’ai envie de faire du foot, d’avoir de Paul Klee. Il lui est arrivé de l’uti- Unis! La concurrence est rude. Pour un mon armoire, mes maillots. Quand vous liser dans ses conférences aux Etats- article publié, quinze de refusés. Il faut parvenez à combiner le côté ludique de Unis. Ce qui lui valut quelques sèches avoir la pêche.» Equilibré. la recherche à la passion des animaux, lettres anonymes. L’humour en plus. Or, c’est formidable. Je n’ai jamais l’impres- l’humain, tout autant que les animaux, Le Nobel? «On ne peut pas construire sion de travailler. J’ai la chance d’avoir l’intéresse. une carrière heureuse si on recherche un hobby qui me fait vivre.» la récompense. Et puis, chaque année, Denis Duboule aime enseigner. «J’aime une cinquantaine de chercheurs, au Curieux, joueur et critique. A Genève, déceler, dans les yeux de l’élève, l’étin- moins, le méritent. Certains le reçoivent, dans son bureau du quai Ernest-An- celle de la compréhension. Tout peut d’autres pas. Qu’importe. L’un de mes sermet, à Sciences III, trône une ar- s’expliquer. » Il ne recule pas devant la étudiants a été engagé pour un poste moire vitrée. Remplie de curiosités zoo- vulgarisation mais il avertit malicieuse- prestigieux, tandis que j’en préférais un logiques et de bocaux aux créatures ment: «La vulgarisation pose un pro- autre. Il y a beaucoup de d’aléas, dans étranges. Ce sont des échantillons blème: celui du mensonge du raccourci tout cela. » d’une partie des collections de l’Institut pour bien se faire comprendre.»
| 10 SCIENCES En raison de sa facilité d'élevage, la mouche drosophile est l'espèce modèle dans la recherche en génétique.
| 12 SCIENCES En Suisse la science n’est pas interview de DENIS DUBOULE suffisamment Q ue vous inspire la réception du Prix de la Fondation pour Genève? Je n’ai jamais eu de prix quand j’étais jeune. Alors, vous pensez si je suis content! Lorsque la Fondation me l’a annoncé, on demandé si j’acceptais. Je ...encouragée ne me voyais tout de même pas dire non! Plus sérieusement, quand je me Vos découvertes nous suis retrouvé devant la salle comble apprennent que les mam- du Victoria Hall, j’étais plus qu’ému: mifères sont composés… jamais je n’ai vécu pareille qualité de des mêmes gènes quasiment partage lors de mes conférences de que ceux la mouche! par le monde. Cela dit, je souligne En effet, notre découverte la plus que ce prix récompense une équipe. importante est que le système géné- tique de la mouche est applicable à tous les animaux. Par ailleurs, nous nous sommes aperçus que les mêmes gènes fabriquent des parties diffé- rentes du corps.
| 14 SCIENCES Le latin, c’est bien, mais je regrette pondront: des assurances sociales. Et le peu d’engouement de beaucoup ils auront raison. C’est 85% de son job. d’enseignants pour les sciences. Plus Quand s’occupe-t-il donc du reste ? Le globalement, au niveau fédéral, je ne Conseil fédéral considère sans doute comprends pas pourquoi on place les que l’éducation, la recherche et les sciences dans le département de l’éco- universités sont du ressort cantonal. nomie. Dans notre pays, personne n’est Une telle affirmation est totalement en charge actuellement de l’éducation, dépassée. On voit par là qu’en Suisse de la recherche et de l’innovation. Si la science n’est pas suffisamment en- vous demandez aux gens de quoi s’oc- couragée. Elle mériterait mieux. cupe monsieur Burckalter, ils vous ré- Propos recueillis par SERGE BIMPAGE Par exemple, que les gènes qui orga- nisent exemple, que les gènes qui organisent «Nous aimerions comprendre comment l’être humain est passé A savoir, par exemple, que les gènes tiques, nous tenterons de comprendre des nageoires aux qui organisent votre colonne vertébrale pourquoi le poisson n’a pas fabriqué de membres.» sont les mêmes que ceux qui struc- mains. Cela nous prendra une dizaine turent votre tube digestif. Cela signifie d’années. qui si vous modifiez un gène, cela entrai- nera des changements dans d’autres Vous déplorez volontiers que parties du corps. La chose est d’impor- la science est mal défendue en tance du point de vue de la théorie de Suisse. l’évolution. Car, contrairement à ce que disait Darwin, les différentes parties des Nos quatre enfants ont accompli individus n’évoluent pas de façon totale- leur maturité. Or, nous avons entendu ment autonome. L’environnement n’est le mêmediscours: «pourquoi ne les là que pour sélectionner une variation mettez-vous pas en latin?» qui s’est déjà produite. Sur quoi porteront vos prochaines recherches ? L’un de nos grands projets concerne précisément l’évolution. Nous aimerions comprendre comment l’être humain est passé des nageoires aux membres. Pour cela, il nous faut d’abord com- prendre comment les gènes fabriquent nos mains. A partir de quoi, à l’aide de certaines manipulations géné-
16 | LITTERATURE Douna Loup a les dents longues Par exemple, que les gènes qui organisent exemple, que les gènes qui organisent NAISSANCE D’UNE JEUNE payé d’un changement d’identité son ÉCRIVAINE GENEVOISE immigration perçoit combien la décou- verte macabre de son ami n’est peut- être pas un hasard, en tout cas un signe. C’est elle qui va le lui faire com- C’est à une belle, fraiche et confondante légèreté que nous convie Douna prendre, l’encourager, au travers d’une Loup dans son premier roman L’embrasure paru au Mercure de France. enquête sur le mort, lui-même victime Pour cette jeune auteure genevoise née en 1982, voilà un bien un coup de son passé, à se plonger dans le sien de maître annonçant une authentique écrivaine. et envisager sa vie sous un tout autre jour. Tels ces faits-divers où tout un chacun peut se trouver confronter au D détour d’une promenade en forêt, ce ès les premières lignes d’une les fougères avec la mort. Du cadavre récit de Douna Loup fait mouche par simplicité convaincante, voilà qu’il découvre, il n’a que faire. Pas plus sa charge émotionnelle. Impeccable- le lecteur embarqué dans la que du carnet noir qu’il ne rend pas ment maîtrisé, inventif, remodelant les vie d’un ouvrier qui n’est autre que tout de suite à la police à qui il fait part expressions courantes, il touche mine le narrateur de l’histoire. Le jeune de sa découverte. C’est précisément de rien à des considérations graves homme, entre le boulot et les stations ce carnet qui constituera la bombe à comme l’amour, la mort et l’identité. au bar du coin, adore se promener en rebours de son existence. Encouragé «Le récit de Douna Loup forêt. C’est un chasseur amoureux par son amie Eva, une fille rencontrée Se glisser dans la peau d’un garçon fait mouche par sa charge de précision et de permanence quo- au bar et qu’il héberge à contre cœur, aux prises avec ses aspirations et ses émotionnelle» tidienne tout autant que de nature. le narrateur se remettra totalement en désirs n’est pas le moindre des tours Rien que de très banal, dans cette vie question. Avant de quitter son pays en de force de cette embrasure ouvrant d’usine. Si ce n’est la rencontre parmi guerre, Eva s’appelait Zora. Celle qui a sur le meilleur des écrivains du crû.
| 18 LITTÉRATURE Z’ L orsque j’avais seize ans, mon père J’ai souvent mangé avec Georges Haldas moments «sympa», sans hauteur, dans un m’emmena pour quelques jours au Domingo, au Café des Banques, chez environnement détendu où Narcisse se à Paris. Nous avons assisté à un Saïd, enfin au Café de La Paix et je garde sent très à l’aise, parce que l’autre est spectacle monté par Grotowski. J’étais as- de ces soirées un souvenir ému: questions, comme lui, nourrit les mêmes rêves, aspire sis à côté d’un vieil homme encore alerte, considérations philosophiques, éclats de aux mêmes honneurs, songe aux mêmes Jean-Louis Barrault. Ce petit homme frisé rire, discussions à bâtons rompus. C’était stratégies, déguste les mêmes sorbets, cet me fit forte impression, pas aussi forte ce- un vrai échange, à l’ancienne, où chacun environnement où le culte du relationnel pendant que celle exercée par Roger Blin était censé pouvoir apprendre autant l’un vous donne le sentiment d’exister. qui me reçut, quelques années plus tard, de l’autre. On pouvait aborder avec lui tous dans son appartement Rue Saint Honoré. les sujets, mais aux littératures russe et Rien de nostalgique dans mon petit voyage Blin me montra le portrait que fit de lui américaine allaient nos préférences. Hal- à Saint Germain-des-Prés et au Domingo Antonin Artaud en disant: Vous avez des das ne donnait jamais l’impression d’être mais une évidence. Le style cool, chaleu- lèvres sensuelles. En quoi Artaud avait rai- un professeur installé dans ses certitudes reux et communicationnel qu’adoptent les son. Les lèvres de Blin étaient celles d’un ou un écrivain officiel. Il s’inquiétait de ce hordes d’écrivains qu’on croise dans les sybarite, mais rien à voir avec celles du que vous faisiez, de vos difficultés, de vos salons et les journées consacrées à La Lit- jouisseur invétéré qu’on croise ici et là et projets, de vos amours. Pour traduire sa térature est moins iksaiting que le retrait qui sont plutôt repoussantes. pensée, il cherchait et trouvait le mot juste, privilégié par l’écrivain d’un autre temps. parce que sa pensée allait à l’essentiel. Hal- Et pourtant, comme ces milliers d’écrivains ’avez dit Lors de ce même séjour à Paris en com- pagnie du padre, je fus comme tétanisé lorsque j’entendis cette phrase T’as vu, das versait un peu d’eau dans son vin rouge car, disait-il, je me lève à cinq heures et, si j’ai trop bu la veille, mes mains tremblent, au sourire point com, je rêve d’écrire un livre qui retienne l’attention des lecteurs et des journalistes, je rêve d’avoir ma « écrivain» ? là-bas, c’est Sartre et que, levant le nez, je ma tête reste dans la brume. photo dans le journal des consommatrices vis effectivement Jean-Paul Sartre, assis à et de recevoir un mail de l’université de La Rotonde et lisant Le Temps retrouvé. La Avec Peter Handke, j’ai passé de longs mo- Salamanca, de celle du Québec, de celle figure de l’écrivain avait sur moi un pouvoir ments sur la terrasse du Café Apollinaire de Pékin. Et quand je croise l’un de ces de fascination que je ne saurais décrire et sur celle du Flore, à Saint Germain-des- auteurs, nous allons boire un chocolat en avec exactitude. C’était la fin de l’année, Prés. Nous parlions de Pavese, de Goethe, évoquant la jeune romancière qui vient de il faisait froid, j’avais cet âge magnifique de Beckett avec qui il s’était promené dans recevoir 100.000 francs, celui qui aura cer- où l’individu ignore presque tout, a des la banlieue de Paris, évoquant des matchs tainement le Prix Anémone, celle qui eut la PAR ANTONIN MOERI désirs, se croit ceci et cela, imagine des de rugby. Là aussi, j’étais en présence chance d’être invitée à l’émission Champ Libre. Nous nous quittons avec cette pe- déserts de cendres et de lave, a quelques d’un être singulièrement présent, écoutant talents, admire les forçats intraitables l’autre au moins autant, sinon plus, qu’il tite satisfaction de celui qui en fait partie, sur qui se referme le bagne, étouffe dans ne parlait, l’écoutant avec une attention de celui qui est connecté. C’est un léger un vêtement trop étroit, rêve croisades, soutenue qui n’est pas altruisme coeur frisson qui court le long de nos nuques, voyages de découvertes dont on n’a pas sur la main, mais autre chose. C’est cette un frisson qui nous sert de viatique dans de relations. Je marchais le long des autre chose que j’aimerais interroger. Elle notre longue quête de reconnaissance. grands boulevards parisiens en compagnie a sans doute à voir avec le mystère qui Recherche qui n’est pas sans rappeler le d’un homme qui voyait grandir son fiston entoure ces figures, peut-être altières. Des cheminement du saint. et qui se demandait ce qu’il ferait de sa figures qui ont, me semble-t-il, cherché vie. L’image de Sartre lisant Proust à La à se hisser au-dessus des autres et dont Rotonde est gravée dans ma mémoire. le souci premier n’était pas de vivre des
| 20 horlogerie Le poinçon de Genève fait peau neuve Par exemple, que les LABEL DE QUALITÉ gènes qui organisent exemple, que les gènes qui organisent Le 9 novembre 2011, le fameux «Poinçon de Genève» fêtera ses 125 ans d’existence au BFM (Bâtiment des forces motrices) de Genève. Comme par le passé, le «Poinçon de Genève» exige des fabricants une perfection de l’ensemble des pièces qui composent les calibres de base. Et revisite ses critères à la hausse. V éritable symbole de qua- té unique en son genre. Ses tenants et lité de la Haute Horlogerie aboutissants seront révélés lors d’une Genevoise, le «Poinçon de conférence de presse le 9 novembre. Genève» représente ainsi un standard L’aventure du Poinçon remonte au d’excellence reconnu au niveau inter- XVIIème siècle, époque où l’horlogerie national. Après avoir géré l’activité du devient une industrie prospère à Ge- «Poinçon de Genève» pendant 123 nève. Les horlogers décident alors de ans, l’Ecole d’horlogerie de Genève a se regrouper, de mettre au point des passé le flambeau à TIMELAB - Fon- statuts, bref d’organiser le métier et dation du Laboratoire d’horlogerie et de lui fournir un label de qualité. Les de microtechnique de Genève - en règlements de maîtrise sont sévères. 2009. Dès à présent, un logo et un Le seul nom de Genève, gravé sur le certificat d’origine «anniversaire» sou- mouvement d’une montre, suffit à ga- ligne cette année particulière. Par rantir qu’il s’agit d’une pièce de qualité ailleurs, afin de marquer le 125ème supérieure. Or, la qualité se protège. anniversaire de cette référence horlo- Surtout quand elle fait l’objet d’abus gère, TIMELAB travaille activement à de la part de fabricants non Genevois la modernisation du règlement qui pré- usant du nom de Genève, voire de side à l’attribution de ce label de quali- journaux l’exploitant pour leur publi-
| 22 HORLOGERIE «Timelab travaille activement à la modernisation du règlement qui préside à l’attribution de ce label de qualité unique en son genre.» cité. Fondée en 1873, la Société des sons horlogères ayant leur siège social horlogers chercha les moyens de dans le canton. Autant de conditions remédier à cette situation. Ils abou- qui expliquent que seules quelques tirent en 1886 à l’adoption par le marques bénéficient actuellement du Grand conseil d’une loi établissant le prestigieux label. On le voit, le Poinçon «Poinçon de Genève». Caractérisé par de Genève correspond à une véritable douze critères rigoureux réaménagés philosophie qui préside à la production au cours des décennies pour répondre des mouvements mécaniques dès leur à l’évolution du métier, le «Poinçon de conception. Elle nécessite bon nombre Genève» est octroyé uniquement mou- d’interventions manuelles dans la pure vements assemblées et réglés sur le tradition des professionnels qui les ont territoire genevois. Et ce, par des mai- mises au point voici plus d’un siècle.
| 24 HORLOGERIE La fabuleuse aventure de l’horlogerie genevoise Le «Poinçon de Genève», pas plus que Paris, ne s’est fait en un jour! Il est le fruit d’une longue et passionnante histoire horlogère genevoise. Qui remonte au XVIème siècle. A noter qu’au moment où du travail des métaux pré- apparaissent, venus de cieux dans la cité. Ce d’au- France, les premiers horlogers tant plus que le Réformateur, à Genève, la montre n’existe que depuis en même temps que l’abolition quarante ans en Europe. L’horloge est de la messe, a fait un sort aux mieux connue, ne serait-ce que par sa joyaux, ornements liturgiques et visibilité sur les églises et les édifices autres objets ostentatoires. Or, l’alliance publics. Il en existe une sur le «Pont de la traditionnelle orfèvrerie avec la d’Isle» à Saint-Gervais, une autre sur le toute récente horlogerie, fait des mi- clocheton en face de l’ancienne façade racles. Durant près d’un siècle, montres de Saint-Pierre.Pour que les Genevois et horloges constitueront le fruit d’une découvrent la montre, il faut attendre étroite collaboration de ces deux corps 1554 que débarque à Genève le pre- d’artisans qui se regrouperont en maî- mier horloger signalé: Thomas Bayard, trises, respectivement en 1566 et en qualifié d’orfèvre et «orologeur» par le 1601. Celles-ci, surtout pour les hor- registre des habitants. Les réfugiés, logers, sont dotées de règlements sé- pour cause de religion, affluent comme vères assurant la qualité des montres lui par milliers dans la ville. Calvin, dans et l’accès au métier est restreint en le but d’accroître le nombre de ses par- nombre. La collaboration des deux pro- tisans, leur ouvre les portes de la bour- fessions est à l’origine de la Fabrique, geoisie, la population double en trois nom qui désigne l’ensemble des arts et décennies. Les réfugiés, qui font partie métiers qui concourent à la fabrication d’une élite intellectuelle et profession- des montres et bijoux à Genève. Col- nelle, apportent de nouvelles industries, laboration qui présidera à la lente mais parmi lesquelles l’horlogerie. Et c’est un irrésistible montée de l’horlogerie qui se grand soulagement de constater que soldera par une place croissante dans l’activité économique redémarre. Le dé- l’économie genevoise entre le XVIème clin des foires, de même que la rupture et le XVIIIème siècle. En chiffres: plus de des relations avec la cour de Savoie, à deux hommes sur dix y trouvent un em- Par exemple, que les gènes qui l’époque de la Réforme, avait en effet ploi à partir de 1725 et près de quatre organisent exemple, que les gènes failli précipiter la disparition complète sur dix en 1788. qui organisent
| 26 HORLOGERIE A cette dernière date, pour une popu- Ce brillant essor du plus élevé des Dans la mesure où les règles calvinistes bonne partie du XVIIIème siècle, l’horlo- lation de 27’000 habitants, 3000 per- métiers manuels de l’époque aura une limitent le port des bijoux et autres ob- gerie genevoise domine ainsi le marché sonnes sont occupées dans l’horloge- double conséquence: d’une part, une jets ostentatoires, les orfèvres et horlo- européen. Dans les pays d’outre-mer rie et 5000 dans la Fabrique. Ce qui très forte division du travail ; le premier gers genevois travaillent dès le début et en Orient, les produits de la Fabrique signifie que les orfèvres, longtemps recensement professionnel enregistre surtout pour l’exportation. «En même sont connus jusqu’aux Indes, en Chine, majoritaires, se voient largement dé- plus de trente corps de métiers au temps que des livres, des velours, des au Japon et dans les colonies espa- passés par les horlogers dès le XVIIIème sein de la Fabrique; la boîte, le mou- passements et des draperies, Genève gnoles et portugaises de l’Amérique. siècle. De surcroît, les femmes font vement, le cadran, les aiguilles sont envoyait donc ses montres et ses bijoux A leur indépendance, même les Etats- peu à peu leur entrée dans la profes- fabriqués par des artisans différents. aux grandes foires de France, d’Italie, Unis deviennent clients de Genève. sion. D’autre part, une âpre lutte commence d’Allemagne ou de Suisse», note Anto- Pour autant, nous l’avons dit plus haut, contre la concurrence horlogère des ny Babel dans Histoire économique de la montée en puissance ne sera pas un villages et territoires avoisinants. Elle Genève. Certains vont jusqu’à s’établir jardin de roses. Rapidement, Genève se poursuivra plus tard contre celle à Constantinople, d’autres entrent en se voit confrontée à une rude concur- des montres françaises. Arrêtons-nous relations d’affaires avec les Turcs, les rence. A commencer par celle des hor- un instant sur cette division du travail. Arméniens, les ports grecs de l’Asie mi- logers de la campagne avoisinante. D’un côté, les maîtres orfèvres, orga- neure et même avec la cour du «Roy de nisés déjà depuis le XVIème siècle, de Perse». Durant le XVIIème siècle et une l’autre, les horlogers, répartis en deux catégories principales: les «maîtres- marchands» horlogers, qui travaillent en boutique, et les «maîtres-horlo- gers» qui travaillent en chambre pour les maîtres-marchands. Jusque là, tous capables de monter toutes les parties d’une montre ou d’une hor- loge mais avec un accent plus commercial chez les pre- miers et plus artisanal chez les seconds. Cela dit, le succès des succès des montres venant, les mouvements et les boîtiers de- viennent de plus en plus complexes. De sorte que la fabrication des res- sorts, des aiguilles, des clés, des chaî- nettes ou des timbres de montres sont confiés à des artisans n’exécutant plus qu’une seule pièce. «A leur indépendance, même les Etats-Unis deviennent clients de Genève.»
| 28 HORLOGERIE Le « Poinçon Elle débouchera sur une longue série d’arrêtés du Conseil à la fin du XVIIème de Ferney» avant de faire faillite) puis anglaise et autrichienne, disposant de de Genève » unique au monde siècle et jusqu’au XVIIIème visant à pro- puissants réseaux commerciaux. Les téger les horlogers de la ville. Puis vagues d’émigration (notamment celle cette concurrence s’étend à celle du provenant de la révolution genevoise Pays de Gex, du Faucigny, du Jura de 1792), ainsi que le déplacement vaudois, de Neuchâtel ou de la Vallée de la demande vers d’autres régions de Joux. Le but visé est de contraindre étrangères afin de produire à moindre ces régions à ne produire pour les hor- coût, constitueront les deux causes logers genevois que les ébauches dont principales de la crise de l’horlogerie ils ont besoin, et d’empêcher qu’elles à la fin du XVIIIème siècle. Les débou- continuent d’attirer à elles des arti- chés se fermeront les uns après les sans genevois capables de terminer autres. La ville commencera dès lors les montres. A quoi il faudra bientôt à se dépeupler. En dépit de toutes les ajouter la concurrence française (Vol- mesures de redressement, il faudra taire fit construire une quarantaine de attendre le premier quart du siècle sui- maisons pour débaucher et loger des vant pour qu’une reprise se produise horlogers genevois travaillant dans enfin dans la Fabrique qui retrouvera sa «Manufacture royale de montres son apogée. Une caste à part : les cabinotiers Dans le quartier du faubourg de Saint-Gervais, là où l’on dénombre le plus grand nombre d’artisans et d’horlogers au XVIIIème siècle, fleu- La création du «Poinçon de Genève », en 1886, constitue une réponse rit une caste à part : les cabinotiers. Appelés ainsi en raison de leurs directe aux préoccupations des horlogers genevois vers la fin du XIXème siècle. ateliers « cabinets » situés sous les toits, ils composent une sorte Il s’agit en un mot de redonner lustre et crédibilité à une industrie soumise d’aristocratie ouvrière. Outre leur savoir-faire remarquable, ils se à la rude concurrence des pays étrangers. distinguent non seulement par leur salaire relativement élevé mais tout autant par leur engagement politique. On les voit regroupés I dans des cercles qui jouent un rôle important dans la vie sociale des l faut dire que la fin du siècle peu à peu. Un nombre croissant d’ou- ouvriers de la Fabrique. Marqués par un grand désir de s’instruire précédent fut un vrai désastre. A vriers travaillent. Pour la ville de 30’000 (Rousseau affirmait avoir puisé sa passion des livres dans le cabinet d’horloger de son père), ils prennent part à tous les conflits du siècle Genève, la crise était générale. habitants, un sixième de la population et constitueront l’un des foyers d’agitation politique de la Révolution Les débouchés se fermaient les uns vit de la Fabrique. Une invention fera genevoise. On sait l’admiration de Stendhal, qui avait constaté qu’à après les autres. La ville se dépeu- faire un bond en avant à la Fabrique, Genève il n’était pas rare de voir le moindre horloger un peu ins- plait et le nombre d’employés de la en 1839 : l’inventeur Georges Auguste truit publier une brochure politique pour faire savoir ses vues. Plus Fabrique (association des horlogers Leschot, à la demande de la maison généralement, par cabinotiers, il faut entendre tous les métiers liés et des orfèvres) diminuait de manière Vacheron Constantin, met au point un à l’horlogerie qui se spécialisent en monteurs de boîte, guillocheurs, inquiétante. Ce n’est qu’au début du outillage complet permettant la fabri- ciseleurs, emboîteurs, doreurs, émailleurs. Le réseau haute pression de l’usine de la Coulouvrenière promet de XIXème que les perfectionnements cation mécanique de toutes les pièces permettre le développement de petits moteurs à pistons qui concurrecent ainsi les moteurs à vapeur. Ils sont apportés à l’horlogerie commencent d’une montre.Vacheron Constantin est promptement installés chez les cabinotiers. L’art des cabinotiers de Saint-Gervais, conjuguant minutie, préci- à porter leurs fruits. Ils entraînent la la première à utiliser ces nouveaux sion technique et innovation a contribué à la renommée de Genève tout autant que la Réforme. Des femmes création de l’Ecole de « blanc », ancêtre procédés. Quant à la maison Patek même se mettent à faire des chaînettes, à polir les pièces des mouvements ou des boîtes. Peintres sur émail, miniaturistes de talent inaugurent la tradition des montres de luxe. En 1800, la Fabrique fait vivre 5’000 des de l’actuelle Ecole d’horlogerie qui per- Philippe, elle inaugure la fabrication de 26’000 habitants de la cité. Les «cabinotiers» se sont ainsi forgés une solide réputation par la qualité de leur met aux apprentis en ébauches de se quantités importantes d’une montre à travail, leur minutie et leur précision. former à Genève même. Vers 1830, remontoir inventée par Adrien Philippe les positions perdues sont reconquises en 1842.
| 30 HORLOGERIE «Afin de se protéger tout autant que pour démontrer leur excel- lence, les horlogers genevois décident de graver le nom de Genève sur le mouvement des montres, signe de qualité De surcroît, les établisseurs genevois pays lointains. «La concurrence des Au surplus, le bureau délivrera ou léga- supérieure » construisent des boîtes luxueuses montres anglaises et neuchâteloises, lisera des certificats d’origine. Seront destinées aux Indes et à la Turquie, où puis bientôt américaines, obligera plus poinçonnées les montres qui, après exa- s’active sur place une importante colo- que jamais les marchands-fabricants men, possèderont toutes les qualités ga- nie d’horlogers genevois. Innovation à améliorer sans cesse leurs modèles rantissant «une marche régulière et du- qui doivent être réalisées par des ou- et machine-outil, incontestablement, et à en faire des objets recherchés rable». Et afin d’assurer une surveillance vriers habitant le canton de Genève. Bref, constituent une belle alliance. On aurait pour leur perfections, leur précision et irréprochable, le bureau de contrôle est à l’effort et à l’exigence de qualité vient tort de croire, cependant, que le bond leur beauté», note Antony Babel dans placé sous la direction d’une commission enfin s’ajouter une protection stricte en avant fut rapide. L’horlogerie étant Histoire économique de Genève. Afin composée d’un Conseiller d’Etat, qui en et sérieuse des horlogers genevois. Et par nature une industrie hétérogène, de se protéger tout autant que pour est le président, et de douze membres gare à ceux qui auront imité, contrefait impliquant de nombreux processus démontrer leur excellence, les horlo- dont six nommés par le Conseil d’Etat et ou falsifié les poinçons ou les certificats: disparates, les progrès ne se font que gers genevois décident de graver le six par le Grand Conseil. ils seront punis des peines prévues à graduellement. Cela d’autant plus que nom de Genève sur le mouvement des l’article du Code pénal. On le voit, l’horlo- les mentalités très individualistes des montres, signe de qualité supérieure. Ces douze membres sont (ré)élus tous gerie est prête à conquérir le XXème sicle, cabinotiers de Saint-Gervais jouent un Or, difficulté supplémentaire, certains les deux ans. Cette commission est char- et à le faire savoir. Les maisons Vache- rôle non négligeable dans la résistance fabricants peu scrupuleux abusent du gée de déterminer le degré de qualité ron Constantin et Patek Philippe seront à la machine. Qui plus est, toutes ces nom de la ville sur des montres confec- des différentes parties techniques de la les premières à bénéficier du prestigieux transformations et innovations se font tionnées hors de ses murs. Même les montre, ainsi que le minimum de celles label. dans un climat atteint par les redou- journaux exploitent le filon en publiant tables retombées des crises et des réclames frauduleuses. C’est sur des guerres du XIXème siècle. cette toile de fond que se constitue Elles s’effectuent en dents de d’abord la Société des horlogers, en L’Ecole d’horlogerie de Genève : une pépinière de jeunes talents scie. Si, en 1843, le recense- 1873. Ses efforts sont appuyés par les ment cantonal de la population horlogers qui souhaitent que le nom de Que de chemin parcouru entre l’Ecole d’horlogerie de Genève des tous débuts (1824) et maintenant ! Ima- enregistre que l’horlogerie oc- Genève constitue une preuve de l’au- ginez. A la place Longemalle, anciennement place de la Grenette, chaque élève, exclusivement genevois, cupe 3207 personnes et que thenticité des montres du crû. Mieux, ils devait payer lui-même son écolage, réunir et apporter ses propres outils et faire preuve de zèle pendant son effectif passe en 1860 à font pression afin que les acquéreurs trois mois avant d’être certain de son admission. Les cours, qui débutaient à cinq heures du matin l’été 5821, elle ne fournit de postes bénéficient de garanties établies par la et à six heures en hiver, du lundi au samedi inclus, étaient dispensés à la lueur de la lampe à huile… Au qu’à 3324 personnes en 1870 loi. La mobilisation des horlogers s’avè- cours du temps, et en fonction des besoins, l’Ecole a déménagé souvent. En 1879, un bâtiment ad hoc fut pour passer à seulement 1022 rera payante. Elle aboutit à une loi qui construit à la rue Necker, où les filles, de plus en plus nombreuses, y firent leurs classes. Après la crise, en en 1880. Un événement, tou- établit un label de certification qui fera 1933, décision fut prise de l’intégrer à l’Ecole des arts et métiers avant de l’installer en 1966 au Petit-Lancy aux côtés de l’Ecole d’électricité.Aujourd’hui, l’Ecole d’horlogerie, d’électronique et d’informatique de la rue tefois, constituera un aiguillon date: le «Poinçon de Genève»! Propo- du Pont-Butin accueille 238 élèves par année, accompagnés de 26 enseignants-métier sans compter les bienvenu pour le dynamisme sée le 6 novembre 1886 par le Conseil enseignants généralistes et les maîtres d’ateliers. Au travers de trois filières spécifiques, ils seront conduits des horlogers genevois: l’ex- d’Etat, et promulguée au mois de dé- au fameux certificat de maturité professionnelle CFC. Son directeur Pierre Amstutz en assure tout autant position de Philadelphie de cembre suivant, la Loi sur le contrôle l’administration que les relations avec les entreprises (Rolex, Vacheron, Chopard et Patek) où les élèves 1876. Car cette manifestation révèle facultatif des montres dans le canton effectuent des stages. Dans des conditions plus enviables qu’au XIXème siècle, le parcours n’en demeure brutalement aux Genevois l’avance de Genève ne fait pas dans la demi- pas moins exigeant. Au fil de leurs études, les élèves seront amenés à réaliser entièrement une « montre prise par les Etats-Unis en matière de mesure. Elle établit tout d’abord l’ins- école » compliquée, propre à recevoir la certification du « Poinçon de Genève » et du Contrôle officiel suisse machines-outils. De quoi doper, dans la tauration d’un bureau de contrôle des des chronomètres (COSC). Près d’une quarantaine deviendront ainsi horlogers chaque année. ville du bout du lac, la fabrication méca- montres genevoises. En substance, ce nique de la montre. L’industrialisation bureau est chargé d’apposer sur les se met ainsi définitivement en marche. montres présentées par des fabricants établis à Genève le poinçon officiel de Il n’en reste pas moins, en cette fin de l’Etat. Ce dernier sera alors apposé sur XIXème siècle, que Genève a conscience une pièce du mouvement (sur la platine qu’elle ne domine plus comme aupa- et un pont), le plus en vue possible. ravant le marché jusque dans les
| 32 APARTÉ Où va l’innovation C ela paraît pas visionaire du tout puisque qu’il existe déjà près de 40 parcs technologiques et scientifiques en Suisse dont les deux Comment dès lors procéder ? En premier lieu, il est bon de se souvenir que le processus d’innovation n’est pas li- néaire - de l’idée au marché -. L’installation C’est donc bien au niveau de la créativité - comme source première de l’innovation – que désormais se joue l’avenir de l’inno- vation en Suisse. La politique politicienne en Suisse? plus important de l’ETHZ à Zurich et celui d’un processus interactif est primordial. en matière d’innovation devrait se rendre de l’EPFL à Ecublens, ce qui nous permet Ce qui est dans cette perspective néces- sur le terrain plutôt que de dupliquer de d’affirmer que l’implantation de ce concept saire, c’est de faire remonter les usagers vieilles recettes qui certes fonctionnent des années 90 a fort bien marché. Ce n’est potentiels dans la chaîne de la valeur de bien mais qui répondaient à un besoin spé- d’ailleurs pas pour rien que la Suisse se l’innovation tels que le font les living labs cifique aujourd’hui largement couvert. classe dans les premières nations au ou encore les fablabs. monde en ce qui concerne l’innovation. Le Puis, il est essentiel d’associer dès la Mais pour demain, de nouvelles énergies problème est donc ailleurs! génèse d’une idée, des compétences doivent être initiées et canalisées dans Le 9 novembre dernier, le Conseil fédéral par la voix de Didier diverses allant du design à la commercia- des lieux qui feront la différence pour Burkhalter annonçait sa volonté de créer à terme un parc d’innovation Dans une étude parue déjà en 2009, Ave- lisation, des réseaux sociaux à la sociolo- notre avenir dans un monde de plus en plus national en mettant à disposition des terrains de la Confédération, nir Suisse avait identifié comme nouveau gie, du story telling à la communication, globalisé et hautement compétitif. L’argent annonce précédée le 24 octobre par le Conseiller d’Etat fribourgeois, challenge celui de la «qualité» des projets etc. Pour ce faire, il est souhaitable d’avoir étatique va se fait rare et il serait judicieux Beat Vonlanthen de transformer 55’000 m2 de l’ancienne brasserie innovants et en aucun cas la question de des lieux, des plateformes pour l’échange de le mettre là où les forces et les syner- la quantité, de l’argent ou encore moins la de compétences. En faite, ces lieux émer- gies se regroupent au sein d’approches Cardinal en parc technologique et d’innovation. Il semblerait donc mise à disposition de «mètres carrés». gent depuis quelques années, ils portent innovantes afin de maintenir la capacité que le principal enjeu de l’innovation en Suisse soit réduit tantôt le nom de «think tank» tantôt celui d’innovation du pays. au «mètre carré» disponible! Revenons quelques instants sur ces de «centre créatif». La «Muse» à Genève, conclusions. L’étude montrait que sous l’ECAL/EPFL à Lausanne, le «Swiss Crea- la pression du transferts technologiques, tive Center» à Neuchâtel sont de tels lieux des prix à l’innovation, du coaching, des d’expérimentation. cours entrepreneurials, etc. bon nombre de PAR XAVIER COMTESSE jeunes scientifiques, ou simplement des Ces nouvelles structures sont la forme innovateurs, avaient été incités à se lancer publique de ce que les grandes entre- AVENIR SUISSE dans l’aventure des «start- ups» sans avoir prises ont déjà mis sur pied ces dernières pris le temps d’avoir un projet solide, bien années. Le «Invent Center» de HP à Meyrin pensé en terme de design, de commercia- ou le «Think Tank» de Cartier à la Chaux- lisation ou de réponse aux changements de-Fonds sont en quelque sorte des pré- sociétaux. En d’autres termes, le chemine- curseurs de ce mouvement. Toutes ces ment linéaire classique se faisait à partir plateformes répondent, avec leurs spécifi- d’une idée originale, suivi de l’installation cités propres, à la question d’améliorer la dans un parc technologique de la start- qualité des projets innovants soit en fai- up avec recherche de fonds sans savoir sant appel en priorité aux réseaux sociaux grosso modo si le client allait suivre. C’est (Muse), soit au client (Invent Center), soit exactement cette démarche linéaire qu’il au design (ECAL/EPFL) soit encore aux faut briser . créatifs (Swiss Creative Center).
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