LE POUVOIR DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS - Unifor et la politique à l'ère des bouleversements - Unifor National
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
LE POUVOIR DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS Unifor et la politique à l’ère des bouleversements LE POUVOIR DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS Unifor et la politique à l’ère des bouleversements Table des matières 1. Pourquoi faire de la politique?............................................................................................................5 2. La révolution de la droite: en marche depuis trois ans..............................................................8 3. Pourquoi le « populisme » de droite est-il si populaire de nos jours? ..................................12 4. Mouvements et résistance: l’opposition prend de l’ampleur ................................................16 5. La politique électorale canadienne : une vague populiste de droite? ................................20 6. La position d’Unifor: une politique fondée sur la prise de décision démocratique ........24 7. Unifor et les prochaines élections fédérales ..............................................................................27
LE POUVOIR DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS Unifor et la politique à l’ère des bouleversements Préparé par le Service de recherche d’Unifor Août 2019
LE POUVOIR DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS Unifor et la politique à l’ère des bouleversements 1. Pourquoi faire de la politique? « Pourquoi le syndicat fait-il de la politique? » peuvent se demander certaines personnes. La réponse réside dans la réflexion sur ce qu’est la « politique ». Beaucoup de gens perçoivent automatiquement la politique en termes d’élections et de campagnes électorales, et pensent à tous les événements hebdomadaires qui se déroulent dans nos parlements et nos assemblées législatives et qui font la une des journaux. Certains de nos membres peuvent avoir cette perception et dire : « Mais l’objectif de notre syndicat, c’est le milieu de travail et ma convention collective. Quel est le rapport avec la politique? » Notre vie au travail – et notre vie économique influencée par le travail – n’existe pas dans le vide. Les objectifs que nous visons en tant que syndicat, ainsi que notre force et notre capacité de représenter nos membres, sont influencés par le climat politique, social et économique général dont nous faisons partie. Pensons simplement à la façon dont les programmes sociaux et les lois du travail peuvent renforcer – ou miner – nos objectifs de négociation collective. Pensons à la façon dont les politiques gouvernementales en matière de commerce ou d’industries particulières influent sur notre sécurité d’emploi. Prenons en considération: • l’impact des programmes publics et des normes prescrites par la loi qui touchent directement notre vie au travail et ce que nous devons négocier, y compris les lois sur la santé et la sécurité, les normes du temps de travail, les soins de santé publics, les régimes publics de retraite, les règles liées aux fermetures de lieux de travail et à la faillite, l’assurance- emploi, le salaire minimum, l’équité salariale, la non-discrimination et les lois en matière de droits de la personne; • les politiques économiques générales qui influent sur nos gains et notre pouvoir potentiels. Une économie forte jette les bases d’une plus grande richesse à partager. Le plein emploi nous donne la confiance et le pouvoir de défier les employeurs, tandis que les niveaux élevés de chômage nous minent. Les accords de libre-échange et les accords 5
LE POUVOIR DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS Unifor et la politique à l’ère des bouleversements sur les droits des investisseurs menacent nos emplois, tandis que le commerce équitable et bien géré permet de partager la prospérité. Une fiscalité équitable est nécessaire pour financer les programmes sociaux, alors que les réductions d’impôt minent généralement les conditions sociales; • les politiques industrielles qui jouent un rôle central dans de nombreuses industries alors que les gouvernements établissent les règles de base et mettent en œuvre d’importants programmes de soutien et d’investissements. Prenons, par exemple, les règles générales sur les télécommunications et la radiodiffusion, les politiques qui façonnent le développement de l’industrie de l’énergie, les programmes de soutien à l’investissement dans des secteurs manufacturiers clés comme l’automobile et l’aérospatiale, les politiques environnementales et d’aménagement du territoire qui touchent la foresterie, les mines, les pêches et autres, les règles sur la propriété étrangère et la concentration dans le secteur du transport aérien ou des médias, les marchés publics comme le transport en commun ou les navires pour la Marine royale du Canada ou la Garde côtière canadienne, et les questions commerciales particulières comme les tarifs sur l’aluminium, l’acier et les produits forestiers; • les libertés syndicales, y compris le droit des syndicats d’exister, de recruter sans harcèlement, de moderniser les lois du travail pour étendre la négociation collective, d’exercer le droit de grève et de négocier librement sur les questions qui nous touchent. Ces droits ont été attaqués à maintes reprises par les gouvernements au cours des dernières années, ce qui a nécessité une défense constante de la part du mouvement syndical. Tout cela, c’est de la politique. La leçon la plus importante Notre vie s’étend également au-delà du lieu de travail. Nous sommes des citoyennes et citoyens, des membres de communautés et, à ce titre, nous nous que nous avons apprise en préoccupons de la qualité de vie de nos villes, de notre environnement et d’un milieu de travail au fil des ans avenir durable, des écoles que fréquentent nos enfants, des soins de santé pour est que, individuellement, la nos familles, des parcs et des installations publiques dont nous disposons et travailleuse ou le travailleur des perspectives des jeunes d’aujourd’hui. Nous nous préoccupons également n'est pas en mesure de défier de l’égalité sociale au sein de nos collectivités et de notre pays, de la l’employeur. L'action discrimination, de la vie des personnes âgées, de la pauvreté et de l’itinérance. C’est le travail du syndicat de s’impliquer dans tout cela. collective est fondamentale pour défendre nos intérêts et Comment le syndicat fait-il entendre sa voix pour orienter les politiques et atteindre nos objectifs. Cette l’action du gouvernement? Presque tous les jours, quelque part dans le syndicat, des dirigeantes et dirigeants élus, des représentantes et même leçon est vraie sur le représentants, des dirigeantes et dirigeants de sections locales ou des plan politique. membres de la base rencontrent des représentants élus et des décideurs pour expliquer nos points de vue, proposer des idées de nouvelles lois et des changements nécessaires et défendre les intérêts de nos membres. Le syndicat interagit également auprès des médias à tous les niveaux pour faire connaître son point de vue au grand public. Nous participons aussi activement à des campagnes d’éducation et de sensibilisation à l’intention de nos membres sur des questions et des événements d’actualité, et sur les raisons pour lesquelles ils sont importants pour notre syndicat. Au moment des élections, nous évaluons les dossiers du gouvernement et des partis d’opposition, examinons les programmes et les idées des partis, faisons valoir les intérêts de nos membres et participons au débat public. Or, il ne s’agit pas seulement d’interagir avec les gouvernements. La politique, c’est aussi bâtir des mouvements plus vastes et forger des alliances et des liens qui contribuent à élargir notre base et à établir un soutien mutuel sur un certain 6
LE POUVOIR DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS Unifor et la politique à l’ère des bouleversements nombre de questions importantes. Qu’il s’agisse de participer à l’ensemble du mouvement syndical (ou de le contester), de participer avec des organismes voués à l’égalité des sexes, aux droits des LGBTQ, aux droits de la personne et à l’équité, de lutter contre le racisme ou de militer pour un meilleur logement, de meilleurs soins de santé, la réduction de la pauvreté, l’action environnementale – trouver un intérêt commun et travailler avec un large éventail de mouvements et d’organismes constitue un élément essentiel du travail politique du syndicat. Bien sûr, certaines personnes peuvent se demander: « Mais pourquoi ne pouvons-nous pas nous impliquer dans toutes ces questions simplement en tant qu’individus? En quoi l’engagement politique du syndicat est-il nécessaire? » La réponse est simple: le pouvoir politique de la travailleuse ou du travailleur individuel, lorsqu’elle ou il exprime une voix, ne correspond pas au pouvoir politique des actionnaires qui possèdent les entreprises qui nous emploient. Ceux qui contrôlent la richesse productive de notre économie influencent non seulement les campagnes électorales avec leur argent, mais aussi les politiciens élus et les décisions quotidiennes du gouvernement avec leur capacité de réduire les opérations, de déplacer les emplois et les investissements ailleurs, d’importer plus et d’exporter moins, ou de fermer complètement les lieux de travail. Les employeurs s’organisent aussi collectivement, avec de puissants groupes de pression comme les Chambres de commerce, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, l’Alliance des manufacturiers et exportateurs (entre autres), ayant une influence incroyable dans les couloirs du pouvoir gouvernemental. Pour équilibrer le pouvoir politique dont disposent les employeurs, les travailleuses et travailleurs doivent aller au-delà de la simple tentative d’agir en tant que citoyens individuels et s’orienter vers une action collective, par l’intermédiaire des syndicats qui constituent une base fondamentale pour une action politique collective. L’implication des syndicats au-delà de la négociation collective est fondamentale dans une société démocratique. Les syndicats fournissent une base pour contester la domination de la société par quelques-uns et proposer d’autres priorités et politiques alternatives qui sont importantes pour nous. La leçon la plus importante que nous avons apprise en milieu de travail au fil des ans est que, individuellement, la travailleuse ou le travailleur n’est pas en mesure de défier l’employeur. L’action collective est fondamentale pour défendre nos intérêts et atteindre nos objectifs. Cette même leçon est vraie sur le plan politique. Unifor a été créé en 2013 pour renouveler le mouvement syndical, renforcer notre capacité de promouvoir les intérêts de nos membres et de tous les travailleurs et travailleuses, et jouer un rôle de premier plan dans la politique au pays. Lors de la première réunion de notre Conseil canadien à Vancouver en septembre 2014, les déléguées et délégués ont discuté, débattu et approuvé un document d’orientation globale sur la politique, « Politique en faveur des travailleuses et travailleurs : projet politique d’Unifor ». Cinq ans se sont écoulés depuis l’adoption de ce document d’orientation et trois ans depuis notre dernier congrès. Cette politique a résisté à l’épreuve du temps et a servi de base et d’orientation à notre travail politique actuel. Alors que nous nous réunissons à l’occasion du congrès d’Unifor de 2019 à Québec, nous devons profiter de l’occasion pour examiner l’évolution de la situation, revoir et renouveler nos politiques et notre engagement à l’égard de notre projet politique en prévision des prochaines élections fédérales. 7
LE POUVOIR DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS Unifor et la politique à l’ère des bouleversements 2. La révolution de la droite: en marche depuis trois ans Point de départ: l’été de 2016 l est parfois difficile d’imaginer l’ampleur et la rapidité des développements politiques depuis la dernière grande I assemblée de notre syndicat au congrès du mois d’août 2016. Des mots comme « bouleversement », « spirale », « étourdissant » et « effrayant » viennent à l’esprit. Dans ce qui semble aujourd’hui être un déferlement quotidien de déclarations et d’actions auparavant impensables de la part des dirigeants élus et des gouvernements, et devant l’indignation et la frénésie constantes ressenties par tant de gens, il est plus important que jamais pour nous de comprendre ce qui s’est passé ces trois dernières années, et ce qui nous attend. Revenons à l’été 2016. Les progressistes au Canada célébraient encore le départ de Stephen Harper, l’un des premiers ministres les moins populaires du pays. Le règne de Harper, qui durait depuis dix ans et qui cherchait à remodeler le Canada en sabrant et en détruisant les programmes sociaux, en démantelant Dans ce qui semble les droits de la personne et les gains sur le plan de l’égalité, en renversant le aujourd'hui être un progrès social sous toutes ses formes et en attaquant carrément les syndicats, déferlement quotidien de a finalement pris fin. déclarations et d'actions Le remplaçant de Harper fut un contraste saisissant. La participation de Justin auparavant impensables de Trudeau, le premier ministre canadien fraîchement élu, jeune et « rock-star », à la part des dirigeants élus et notre congrès à Ottawa en 2016, n’aurait pas pu être un plus grand contraste des gouvernements, il est avec Harper, dont la rancœur contre les syndicats et plusieurs mouvements progressistes au Canada durait depuis une décennie. plus important que jamais pour nous de comprendre La visite de Justin Trudeau, voguant sur sa soi-disant « voie ensoleillée » et une ce qui s'est passé. lune de miel politique insufflée par un soutien et un enthousiasme incroyables de la part des Canadiennes et Canadiens, ne dura que quelques années. Des progrès importants ont été réalisés sur de nombreux fronts, mais au cours des derniers mois, nous avons vu des promesses non tenues et des espoirs laissés sans réponse, juste avant le déclenchement des élections. Toutefois, pendant l’été 2016, il était facile d’avoir l’impression que des jours plus ensoleillés se pointaient à l’horizon. Avec le recul, bien sûr, nous pouvons constater que des nuages plus sombres se formaient également. Cette année-là fut l’aube d’une révolution populiste de droite qui visait à renverser l’ordre mondial libéral de l’après-guerre et qui, trois ans plus tard, ébranle encore une grande partie du monde dans son essence. Le premier signe de ce changement fondamental était évident de l’autre côté de l’Atlantique. En juin 2016, les électeurs au Royaume-Uni ont stupéfié le monde (et se sont probablement surpris eux-mêmes) en soutenant une sortie de l’Union européenne, le « Brexit », par une mince majorité de 52 p. cent. Le parti conservateur au pouvoir s’était engagé dans un référendum sous la pression croissante et l’influence d’un parti de droite émergent, l’UKIP (le parti indépendant britannique), et de son chef Nigel Farage. L’UKIP a servi un menu de plats réactionnaires, anti-immigrants, nationalistes et anti-UE, et a été ridiculisé comme la « frange folle » de la politique britannique. Cette année-là, le vote entourant le Brexit fut un événement stupéfiant, mais il laissait surtout entrevoir que le chemin à parcourir allait être long et laborieux sur le plan technique pour le mettre en place. Peu de gens s’attendaient à ce 8
LE POUVOIR DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS Unifor et la politique à l’ère des bouleversements que, trois ans plus tard, le Brexit soit toujours au centre d’une crise politique qui secouerait le Royaume-Uni, menacerait les fondations de l’UE et renforcerait un mouvement d’extrême droite en plein essor en Europe. Le mois suivant, en juillet 2016, après le spectacle le plus controversé d’une course à l’investiture présidentielle républicaine américaine jamais vue par les Américains, Donald Trump, un homme considéré comme une mauvaise plaisanterie par l’establishment politique, a remporté l’investiture. Sa campagne choquante et toxique – caractérisée par des provocations raciales, le dénigrement du Mexique et l’appel au nationalisme pour « rendre sa grandeur à l’Amérique », à l’islamophobie, à une misogynie ouverte, tout en suggérant qu’il On peut soutenir qu'aucun fallait « enfermer » son adversaire Hillary Clinton – a jeté à la poubelle ce qu’il autre président américain restait du discours politique civilisé dans ce pays. n'a autant bouleversé et Que Trump ait remporté l’investiture en s’affichant comme une machine à semé le chaos que Trump. scandale humaine était profondément troublant pour les non-partisans, mais la plupart estimaient que la présence de Trump dans la course allait garantir la présidence à Hillary Clinton, la première femme des États-Unis à la Maison Blanche. Les ondes de choc qui se sont propagées dans l’ensemble des États-Unis – et dans le monde entier – aux premières heures du 8 novembre, se font toujours sentir. On peut soutenir qu’aucun autre président américain n’a autant bouleversé et semé le chaos dans les politiques intérieures et les relations internationales, soulevé des tensions militaires (pensons à la Corée du Nord, à la Russie et maintenant à l’Iran) et fait exploser les relations commerciales mondiales, en grande partie par son utilisation sans filtre de Twitter, et sa mauvaise utilisation de celui-ci, que Trump. À ce moment-là, de nombreux opposants à Trump étaient certains qu’il ne se rendrait pas à mi-parcours de sa présidence, qu’il serait destitué ou forcé de démissionner. D’autres imaginaient qu’il serait limité par la majorité démocrate au Congrès après les élections de mi-mandat de 2018. Mais d’une manière ou d’une autre, Trump est toujours debout, forçant les électeurs à se tourner vers 2020 et à se démener pour trouver un moyen de le vaincre. Il est également devenu le porte-drapeau d’une politique de division et d’une révolution de droite qui a pris de l’ampleur et ne semble pas près de s’éteindre. Bien sûr, ces mouvements n’ont pas seulement commencé avec Trump et le Brexit en 2016 – ils ont toujours été là, dans une petite frange de droite, à l’affût et en train de s’organiser, attendant l’occasion d’avancer. En particulier en Europe, cette frange de la population bénéficie d’un soutien sans précédent. Par exemple, en mars 2017, aux Pays-Bas, un bastion de la démocratie libérale, Geert Wilders, dirigeant du Parti pour la liberté, un parti de droite virulent et anti-immigrant, a fait front commun avec le parti au pouvoir lors des élections. Il a finalement été battu, mais a obtenu une solide deuxième place, ce qui montre que cette frange a reçu un soutien sans précédent. Le mois suivant, en avril 2017, Marine Le Pen, leader du Front national d’extrême droite en France, termine deuxième au premier tour des élections françaises. À la fin du cycle électoral, les partis socialistes et conservateurs traditionnels avaient été mis en déroute. Emmanuel Macron l’a finalement emporté, sa victoire n’était assurée que parce que l’opposition est venue à bout de Marine Le Pen. 9
LE POUVOIR DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS Unifor et la politique à l’ère des bouleversements Élections après élections dans toute l’Europe de l’Ouest, nous avons assisté à la montée des partis « populistes » de droite. En Allemagne, l’AfD (Alternative pour l’Allemagne) a remporté le troisième plus grand nombre de sièges aux élections fédérales de 2017 et 11 p. cent des voix aux élections européennes en mai de cette année. En 2017, le Parti de la liberté d’extrême droite d’Autriche a obtenu suffisamment de voix pour élire son chef au poste de vice-chancelier. En Italie, le parti de droite The League est devenu un La situation n'est partenaire de coalition au gouvernement en mars 2018, avec le leader Matteo Salvini guère mieux ailleurs au poste de vice-premier ministre et qui agit maintenant en tant que principal dans le monde. rassembleur de l’extrême droite européenne. En Scandinavie, les partis populistes de droite poursuivent leur progression. Le Parti populaire danois a remporté 21 p. cent des voix aux dernières élections générales; les démocrates suédois ont remporté près d’une voix sur cinq aux élections générales de 2018, et le Parti finlandais a manqué de peu la victoire aux élections de mai 2019. La vague de l’extrême droite s’est également propagée aux pays de l’ancien bloc de l’Est. La Pologne continue d’être gouvernée par le Parti de la justice et de la loi, un parti d’extrême droite. En Slovaquie, Marian Kotleba, néonazie ouvertement fasciste, a obtenu l’approbation d’un électeur sur dix lors du premier tour des élections en mars 2019. Et en Hongrie, Viktor Orbán a été réélu pour un troisième mandat en 2018. Son parti anti-immigrés et islamophobe Fidesz continue de réprimer l’opposition et de saper la liberté de la presse – et bon nombre de personnes estiment que le pays se dirige vers une dictature. À la fin mai de cette année, les élections au Parlement de l’Union européenne ont vu les partis d’extrême droite continuer à gagner du terrain. Le Britannique Nigel Farage et son nouveau Parti du Brexit, la Française Marine Le Pen et son nouveau parti Rassemblement national, l’Italien Mateo Salvini et son parti The League ont tous remporté le plus grand nombre de voix parmi les électeurs de leur pays. 10
LE POUVOIR DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS Unifor et la politique à l’ère des bouleversements Près de 75 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’existence même du projet d’un gouvernement paneuropéen visant à restreindre le nationalisme et le militarisme est menacée. La situation n’est guère mieux ailleurs dans le monde. Le président philippin Rodrigo Duterte, qui a mené une campagne antidrogue qui, selon les militants des droits humains, a tué 20 000 personnes, a remporté davantage de sièges au Sénat en mai cette année. En Turquie, Recep Tayyip Erdoğan an continue de sévir contre la liberté de la presse et, plus récemment, en avril dernier, il visait à forcer une réélection municipale à Istanbul après une victoire de l’opposition. L’élan vers la démocratie au Moyen-Orient, connu sous le nom de « printemps arabe » de 2010-2012, est vaincu depuis longtemps, une grande partie de la région étant de nouveau en proie à des dictatures et embourbée dans la guerre civile. Et la « vague rose » du début des années 2000 des gouvernements de gauche en Amérique centrale et en Amérique du Sud s’est totalement effondrée, surtout avec l’élection en janvier dernier de Jair Bolsonaro, populiste brésilien de droite et farouche défenseur de l’armée. Les soi-disant dirigeants « hommes forts » continuent de dominer deux des pays les plus peuplés du monde alors que le Chinois Xi Jinping réprime encore les droits de la personne et annule toute tentative de réforme démocratique, tandis que l’Indien Narendra Modi et son parti nationaliste hindou, le BJP, ont récemment été réélus ce qui a ravivé la peur des communautés minoritaires, surtout des musulmans. Et Vladimir Poutine contrôle la Russie, et sa formidable armée, avec une main forte largement incontestée depuis vingt ans. Alors, que cela signifie-t-il pour nous? Tenter de comprendre ces bouleversements et d’y faire face semble pratiquement impossible. On pourrait également penser qu’il serait simplement plus facile de détourner le regard. Il semble aussi que nous sommes entrés dans une nouvelle ère sombre, que la longue marche vers le progrès, l’égalité, la justice sociale et la démocratie a été brusquement interrompue. Et, bien sûr, cette résurgence de la droite soulève une question importante : le Canada est-il immunisé? Allons- nous, nous aussi, nous tourner vers le genre d’avenir conflictuel dont nous sommes témoins ailleurs? Jusqu’à présent, il semble que nous ayons réussi à contenir le pire de l’extrémisme de droite, mais l’émergence récente de dirigeants comme Andrew Scheer au fédéral, Doug Ford en Ontario, Jason Kenney en Alberta et d’autres gouvernements conservateurs au Canada a suscité de nombreuses inquiétudes quant à ce qui pourrait se profiler à notre horizon. Une partie de notre travail politique en tant que syndicat consiste à essayer de tout « démêler »: tenter de comprendre en quoi consistent tous ces changements, ce qu’ils ont en commun et ce qu’ils signifient pour notre mouvement. 11
LE POUVOIR DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS Unifor et la politique à l’ère des bouleversements 3. Pourquoi le « populisme » de droite est-il si populaire de nos jours? e mot « populisme » est très utilisé de nos jours, mais que signifie-t-il au juste? Le terme a été utilisé pour la première L fois dans les années 1890 aux États-Unis, pour décrire les mouvements progressistes parmi les agriculteurs qui ont rallié ceux qui avaient peu de pouvoir pour lutter contre les intérêts économiques plus importants. Le populisme, à sa base, est un appel révolutionnaire au peuple Pour la droite, ce n'est pour qu’il s’élève contre l’élite. pas un appel au peuple, Mais aujourd’hui, ce terme est généralement utilisé pour décrire un programme c'est plutôt un appel à de droite. Un éminent commentateur de la politique a ainsi caractérisé les notre peuple. éléments clés des populistes de droite d’aujourd’hui: ils combinent la loyauté à un modèle de capitalisme laid et autoritaire avec le nationalisme blanc, le dénigrement des immigrés, le racisme, le sexisme, tout en faisant allusion aux « valeurs traditionnelles »1. Le terme populisme est un excellent outil de marketing: qui ne veut pas être populaire? Mais de quel populisme s’agit-il? On entend parler à la fois de populisme de « droite » et de « gauche », ce qui peut prêter à confusion. Ceux de gauche, traditionnellement alignés sur les syndicats et les travailleuses et travailleurs, séduisent généralement le peuple et défient les élites. Cibler « l’autre » Il est important de distinguer le populisme de droite du populisme de gauche – pour la droite, ce n’est pas un appel au peuple, c’est plutôt un appel à notre peuple. C’est l’une des grandes caractéristiques du populisme de droite. Dans son livre, The Populist Explosion, publié en 2016, l’auteur John Judis écrit: « Les populistes de gauche défendent le peuple contre une élite ou l’establishment. Pour eux, il s’agit d’une politique verticale des classes défavorisée et moyenne contre la classe favorisée. Les populistes de droite défendent le peuple contre une élite qu’ils accusent de choyer un troisième groupe. »2 Cette distinction est essentielle: le « troisième groupe » non méritant qui mine apparemment les droits et privilèges de « notre » peuple sont les immigrants, les femmes, les Autochtones, les pauvres, les LGBTQ, les personnes de couleur et les autres groupes qui recherchent l’équité. Une autre caractéristique déterminante des populistes de droite est leur penchant contre la « classe politique ». Ils aiment se présenter comme des étrangers, comme des opposants à « l’establishment », et prétendent que les médias et le système judiciaire travaillent contre eux. Ils aiment dire qu’ils agissent pour le « peuple », et leur attrait se concentre directement sur la classe salariale moyenne des personnes de leur héritage ethnique et national choisi. La plupart des populistes de droite actuels sont très différents des partis conservateurs du passé. En termes économiques, plutôt que de démanteler l’État et de viser un gouvernement plus petit, ces populistes veulent souvent que l’État joue un rôle fort et actif dans l’économie – souvent sous la forme de dépenses militaires. Leur projet est aussi de plus en plus nationaliste (par opposition à mondialiste), centré sur le renforcement des frontières avec des politiques économiques protectionnistes, tout en fermant la porte à l’immigration. 1 Paul Street, Counterpunch, 28 avril 2017 2 John B. Judis, The Populist Explosion : How the Great Recession Transformed American and European Politics, New York : Columbia Global Reports, 2016. 12
LE POUVOIR DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS Unifor et la politique à l’ère des bouleversements Selon de nombreux analystes, avec la montée mondiale du populisme de droite, nous assistons à l’abandon de ce que l’on considérait autrefois comme les piliers du conservatisme traditionnel: le libéralisme et la mondialisation à l’époque de la guerre froide. Ces deux piliers jumeaux ont soutenu un modèle de capitalisme qui combinait les libertés politiques et personnelles avec une économie mondiale intégrée en expansion dans un projet internationaliste, à l’origine comme rempart contre la propagation du communisme. Le populisme de droite a une capacité insidieuse d’attirer des gens parmi les travailleuses et travailleurs en utilisant « l’autre » comme bouc émissaire, mais cette tactique camoufle les services généreux offerts à la classe des milliardaires. Prenons les principales politiques économiques du président américain Donald Le populisme de droite a Trump. Selon une analyse récente, 90 p. cent des réductions d’impôt d’une une capacité insidieuse valeur de 1,2 billion de dollars qu’il a accordées en 2018 sont allées aux d'attirer des gens parmi les 10 p. cent de ceux qui gagnent les revenus les plus élevés. Son abandon des travailleuses et travailleurs réformes des soins de santé est un cadeau à l’industrie de l’assurance. La déréglementation environnementale et le retrait de l’Accord de Paris sur les en utilisant « l'autre » changements climatiques ont aussi été un cadeau aux entreprises pétrolières comme bouc émissaire, et gazières, et les dépenses militaires massives ont été un cadeau aux mais cette tactique entrepreneurs de contrats de défense. Il s’attaque également à la législation du camoufle les services travail aux États-Unis, empiétant sur le Conseil national des relations de travail généreux offerts à la classe et s’efforçant de faire adopter une loi nationale sur le droit au travail pour les États qui ont encore des droits de négociation collective adéquats. des milliardaires. Plus près de chez nous, en Ontario, nous avons été témoins d’une série semblable de cadeaux donnés aux riches dans le cadre des plans du gouvernement de Doug Ford en matière de réductions d’impôt, de compressions dans les services publics, de déni des changements climatiques et de déréglementation généralisée. Et bien sûr, plutôt que de remettre en question le pouvoir des entreprises, Doug Ford a immédiatement jeté l’éponge face à une fermeture potentielle de l’usine de GM à Oshawa. En Alberta, le gouvernement Jason Kenney a réduit le salaire minimum des jeunes travailleuses et travailleurs de 2 $ l’heure et assoupli les règles de rémunération des heures supplémentaires. Pourquoi cela arrive-t-il maintenant? Bon nombre des idées fondamentales qui sous-tendent le populisme de droite existent depuis longtemps. Et de nombreux partis marginaux se battent en périphérie depuis des années. Alors pourquoi ce soutien connaît-il cette soudaine montée en puissance? Il n’y a peut-être pas de consensus sur ce qui se cache exactement derrière la révolution de droite actuelle, mais il y a une forte entente sur les principaux facteurs qui l’ont stimulée. Plusieurs placent les échecs économiques en tête de liste. La crise financière mondiale et la récession qui a suivi – déclenchée par un festival de corruption et de collusion gouvernementale à Wall Street – ont jeté 27 millions de personnes au chômage dans le monde entier et ont fait reculer l’économie mondiale pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale. Nous en ressentons encore les conséquences économiques et politiques. Dix ans se sont écoulés depuis que le pire de la crise financière mondiale de 2008-2010 a dévasté la vie de millions de personnes, mais cette crise n’est toujours pas terminée pour un grand nombre de personnes dans le monde. Même dans les régions où le faible taux de chômage et la croissance économique laissent présager une certaine vigueur, une transformation constante de l’économie a entraîné une précarité accrue du travail, une instabilité et une insécurité permanente, même dans les périodes apparemment « favorables ». 13
LE POUVOIR DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS Unifor et la politique à l’ère des bouleversements Le désespoir est encore répandu et beaucoup de ceux qui se sentaient autrefois en sécurité dans les emplois de cols bleus dans les secteurs de la fabrication et des ressources ne le sont plus. Des centaines de collectivités ont été laissées pour compte. Trop de jeunes ont trop peu de perspectives d’avenir et la génération plus âgée se sent moins en sécurité que jamais. Face à ces réalités, il est logique de Leur principale réponse, pointer du doigt ceux qui sont aux commandes depuis plusieurs décennies et de dont beaucoup se moquent dire : « Le système ne fonctionne pas ». à juste titre, a été de Cette frustration a ouvert la porte aux populistes de droite qui prétendent « sauver le capitalisme » détenir les réponses, au moins pour « vous et votre peuple » (au lieu de nous avec plus de capitalisme. tous). De manière critique, ces arguments gagnent du terrain étant donné que peu de solutions ont été émises par les partis sociaux-démocrates et socialistes européens traditionnels de centre- gauche et établis; ces derniers n’ont généralement offert aucun programme solide ou transformationnel. Leur principale réponse, dont beaucoup se moquent à juste titre, a été de « sauver le capitalisme » avec plus de capitalisme. L’éminent analyste politique John Bellamy Foster a récemment présenté un résumé cinglant et sobre de l’état du capitalisme mondial: « Moins de deux décennies après le début du 21e siècle, il est évident que le capitalisme a échoué en tant que système social. Le monde est enlisé dans la stagnation économique, la financiarisation et l’inégalité la plus extrême de l’histoire de l’humanité, accompagnée d’un chômage et d’un sous-emploi massifs, de précarité, de pauvreté, de faim, de production et de vies gaspillées, et ce que l’on ne peut, à ce stade, qu’appeler une « spirale de la mort » écologique planétaire. La révolution numérique, la plus grande avancée technologique de notre époque, est rapidement passée d’une promesse de libre communication et de production libérée à de nouveaux moyens de surveillance, de contrôle et de déplacement de la population active. Les institutions de la démocratie libérale sont sur le point de s’effondrer, tandis que le fascisme, l’arrière-garde du système capitaliste, est à nouveau en marche, avec le patriarcat, le racisme, l’impérialisme et la guerre. »3 Ce sont des mots forts pour des moments difficiles, mais ils indiquent aussi clairement qu’il est essentiel que nous ayons une réelle conscience de là où nous sommes rendus. Plusieurs autres facteurs ont été mis en évidence comme ayant contribué à la montée du populisme de droite. La peur est toujours un puissant facteur de motivation, et l’aile droite montante l’a bien saisi, en partie à la suite des attentats du 11 septembre 2001 à New York et des réponses mondiales qui y ont été apportées, alimentant ainsi la crise et la guerre en cours en Syrie, la crise des migrants qui en a résulté et, bien sûr, une série dévastatrice d’attaques terroristes ces dernières années. Les populistes de droite ont également exploité et alimenté une vive réaction parmi les privilégiés de longue date de la société (les hommes blancs hétérosexuels) contre ceux qui défendent avec succès leurs droits, qu’il s’agisse des femmes, des communautés LGBTQ, des communautés racialisées et minoritaires, des peuples autochtones, des migrants ou autres. Enfin, et ce n’est certainement pas le moins important, il y a le rôle de la technologie. De nombreux observateurs soulignent ce qu’ils appellent « l’atomisation » des médias. Devant un millier de sources d’information concurrentes, vous pouvez tout simplement trouver des gens partageant vos points de vue, les écouter et leur parler toute la journée si vous en avez envie. Vous pouvez créer votre propre canal médiatique – et le rendre aussi extrême que vous le souhaitez – et n’écouter que les personnes qui partagent vos opinions. Agissant de concert, les plates-formes des médias sociaux facilitent de plus en plus la connexion et la mobilisation. 3 John Bellamy Foster, « Capitalism Has Failed – What Next ? », Monthly Review, vol. 70, no 9 (février 2019). 14
LE POUVOIR DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS Unifor et la politique à l’ère des bouleversements Les partis établis semblent être passés à côté de plusieurs de ces développements cruciaux. Il est justifié de critiquer le fait qu’un trop grand nombre de partis établis (de centre-gauche et de centre-droite) n’ont tout simplement pas réussi à saisir les défis auxquels nous sommes confrontés ou à proposer des solutions sérieuses, qu’il s’agisse ou non du Parti démocrate américain, du Parti travailliste du Royaume-Uni ou des socialistes français – et très probablement plusieurs partis canadiens. Le populisme de droite et le mouvement syndical Que signifie ce sursaut de la droite pour les travailleuses et travailleurs et le mouvement syndical? Le vrai problème, c’est que les populistes de droite parlent souvent de nos problèmes, des inégalités et des échecs économiques. Ils contestent le libre-échange; ils parlent de l’élite. Si vous n’écoutez pas assez attentivement, certains populistes de droite peuvent même sonner un peu Leurs succès électoraux comme des syndicalistes. ont souvent dépendu de Le problème, bien sûr, ne porte pas seulement sur la haine et le racisme qu’ils leur capacité à convaincre défendent, mais sur les solutions politiques opposées qu’ils proposent. Plutôt juste assez d'électeurs que de viser l’égalité et de rassembler les gens, leur but est de diviser et de cols bleus des partis conquérir, de former une base parmi les travailleuses et travailleurs comme progressistes. étant « leur » peuple. Les populistes de droite lancent des appels directs à nos membres, et leurs succès électoraux ont souvent dépendu de leur capacité à convaincre juste assez d’électeurs cols bleus des partis progressistes et de leur style de politique qui divise. Pour contrer cette tendance au Canada et ailleurs, le mouvement syndical doit mener la lutte. L’un des dangers pour le mouvement syndical est d’être coopté alors que les gouvernements populistes de droite progressent avec un programme qui semble, à première vue, proposer des choses qui nous intéressent. Jusqu’à présent, les syndicalistes du monde entier ont dénoncé très clairement les politiques d’extrême droite et les extrémistes, et se sont abstenus de s’engager avec la plupart de ces gouvernements de droite, même dans les domaines où ils essaient de parler à nos membres. De nombreux mouvements syndicaux se sont également efforcés de pousser les partis établis nettement plus à gauche. Bien que la politique, telle que nous la connaissons, soit en train de disparaitre dans de nombreuses régions du monde, il existe également une forte opposition à la montée du populisme de droite. Nous avons assisté à une mobilisation incroyable et à de nouvelles opportunités pour des mouvements et des partis progressistes. 15
LE POUVOIR DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS Unifor et la politique à l’ère des bouleversements 4. Mouvements et résistance: l’opposition prend de l’ampleur Partout où la révolution populiste de droite a gagné du terrain, elle s’est heurtée à une résistance farouche. Dans une mer de mauvaises nouvelles et d’événements décourageants, il est essentiel que nous prenions part à la vague de résistance et au travail d’innombrables mouvements qui luttent pour la justice sociale et économique au pays et dans le monde. Au cours des trois années qui se sont écoulées depuis notre dernier congrès, les mouvements sociaux et les actes de résistance n’ont cessé de croître et de lutter avec une vigueur renouvelée. Certains sont apparus récemment pour lutter contre des politiques spécifiques et repousser les populistes de droite, tandis que d’autres ont poursuivi des luttes de longue haleine pour la justice. Ces mouvements revigorés contrastent fortement avec le flot constant de division et de haine qui émane des dirigeants populistes de droite. Tout effort visant à saisir l’ampleur et la portée des milliers de manifestations, rassemblements, marches et autres manifestations ne peut être voué à l’échec que par omission, étant donné le nombre considérable de mouvements populaires qui s’activent dans le monde entier. Ainsi, plutôt que d’essayer de tout couvrir, un survol rapide et un coup d’œil sur les événements récents peuvent nous rappeler les mouvements et la résistance plus vastes qui prennent forme. Mobilisation de masse : une démonstration de force Un grand nombre des actes de résistance les plus urgents et les plus dramatiques se sont produits aux États-Unis à la suite et sous le choc de la présidence Trump, y compris le soir des élections, lorsque ce pays a vu des milliers de personnes se rassembler spontanément dans plusieurs villes sous le slogan « Ce n’est pas mon président ». Au cours du premier mois au pouvoir, en réponse à l’islamophobie ouverte de Trump et son affront contre les libertés civiles lorsqu’il a tenté d’interdire illégalement aux musulmans de voyager aux États-Unis, des milliers de personnes ont manifesté spontanément dans les principaux aéroports du pays. Ce même mois, la plus grande manifestation jamais organisée aux États-Unis a également eu lieu, et probablement la plus importante au monde, avec la Marche des femmes en janvier 2017. La Il est essentiel que nous participation a atteint plus de 5 millions de personnes aux États-Unis. Bien que la Marche ait été centrée à Washington, des activités se sont étendues à participions et des villes du monde entier, dont au Canada, et les organisatrices et reconnaissions la vague de organisateurs ont signalé que quelque 673 marches ont eu lieu dans le résistance et le travail des monde, sur les sept continents. innombrables mouvements Le Royaume-Uni a connu aussi son lot de rassemblements et marches de protestation contre le Brexit, y compris la marche massive pour un « vote du qui luttent pour la justice peuple », qui a fait descendre plus de 600 000 personnes dans les rues de sociale et économique. Londres en mars dernier. 16
LE POUVOIR DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS Unifor et la politique à l’ère des bouleversements Partout au pays, les communautés LGBTQ du Canada ont pris des mesures contre la discrimination et les violations des droits de la personne sévissant partout dans le monde, comme au Brunei et en Tchétchénie, et ont continué de mobiliser des millions de personnes dans le cadre des événements de la fierté pour défendre et célébrer l’égalité et la diversité sexuelle. Les étudiants du monde entier ont été inspirés dans leur action par la manifestation immobile organisée par Greta Thunburg, une élève de 15 ans, devant le Parlement suédois, pour une action contre les changements climatiques. Le 15 mars dernier, environ 1,4 million d’étudiants de 112 pays du monde entier se sont joints à son appel au changement par des débrayages et des protestations. Aux États-Unis, la Marche pour nos vies, dirigée par des étudiants, a réuni plus de deux millions de personnes à l’occasion d’événements organisés dans tout le pays en mars 2018 pour protester contre la violence armée et réclamer un contrôle des armes. Partout aux États-Unis et dans le monde, des centaines de manifestations anti-Trump ont eu lieu chaque fois qu’il s’est présenté quelque part, y compris dans des dizaines de villes américaines dans les mois suivant son élection et son investiture. Les voyages de Trump à l’étranger ont également donné lieu à des manifestations de masse, notamment en Pologne, aux Philippines, en Belgique, en Argentine, en Palestine, en Israël, au Royaume-Uni avec le ballon volant Trump, puis en juin de cette année lors d’une visite officielle à Londres. Et bien sûr, Trump a été une cible des manifestants à Québec en juin 2018, lors de la marche contre le sommet du G7, qui comprenait la première et, à ce jour, la seule visite de Trump au Canada. Cette année, alors que plusieurs États américains ont tenté d’interdire l’avortement et de supprimer les droits reproductifs des femmes, des dizaines de milliers de personnes ont participé à des rassemblements et des événements pro-choix partout au pays. En Ontario, les étudiants ont lutté contre les compressions d’austérité dans l’éducation en débrayant et en organisant une manifestation massive devant l’Assemblée législative en avril dernier, suivie quelques semaines plus tard d’un grand rassemblement des citoyens contre les efforts visant à ouvrir la porte à la privatisation des soins de santé. La lutte pour les droits des travailleuses et travailleurs se poursuit partout dans le monde. Le nombre de pays qui excluent les travailleurs du droit de former des syndicats ou d’y adhérer est passé de 92 en 2018 à 107 en 2019, et 80 p. cent des pays refusent tout ou partie des droits de négociation collective aux travailleurs, selon l’Indice mondial des droits de la Confédération syndicale internationale. À chaque fois, et dans chaque pays, les travailleuses et travailleurs continuent de s’organiser, de se mobiliser, de protester et de lutter pour leurs droits. Mouvements soutenus partout Bien sûr, les mouvements et la résistance ne sont pas seulement des événements de masse réunissant un grand nombre de personnes. Ces dernières années, nombre des mouvements les plus puissants ont nécessité des actions soutenues et généralisées sur une longue période de temps et en de nombreux endroits à la fois. Le mouvement #MoiAussi, né il y a plus de dix ans, a attiré l’attention du monde entier en 2017, lorsque l’utilisation du mot-clic est devenue virale en réponse aux cas de violence sexuelle très médiatisés. Le mouvement s’est répandu spontanément et dans le monde entier alors que les femmes ont pris la parole pour dénoncer la violence sexuelle et soutenir les survivantes. Le mouvement Black Lives Matter (La vie des Noirs compte) a continué de nourrir les efforts visant à lutter contre le racisme et les pratiques policières injustes envers les Noirs. Né à la suite de la fusillade de Trayvon Martin par la police 17
Vous pouvez aussi lire