LE SEXISME DANS LES JEUX VIDEOS
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LE SEXISME DANS LES JEUX VIDEOS INTRODUCTION Avant d’évoquer le sexisme dans les jeux vidéos, définissons tout d’abord de quoi il s’agit. Le sexisme est une attitude qui se base sur une distinction entre les deux sexes pour en faire une discrimination envers l’un ou l’autre. Ce comportement se traduit dès le début des jeux vidéos et les années 1970 par la création d’univers qui mettent en scène des personnages sexualisés et des comportements sexuels différenciés. En 1982, sur Atari on trouve par exemple le jeu Custer’s Revenge. Ses graphismes sont très simplifiés, et son but n’est autre que d’éviter des flèches pour aller violer une Indienne attachée à un poteau. Le jeu reproduit ainsi le fantasme basique d’une domination masculine sur la femme. Aujourd’hui, le sexisme dans les jeux vidéos prend des formes plus subtiles et presque plus perverses. Il apparaît dans la place donnée aux personnages féminins, dans le design de ces personnages, dans le marketing ou encore dans le comportement des joueurs, et touche aussi les protagonistes masculins. I - La représentation féminine dans les jeux vidéos 1 - Des personnages féminins au service de la domination masculine & l’Affaire Lara Croft Lorsqu’on traite du sexisme dans les jeux vidéos, on remarque qu’il est majoritairement tourné vers les femmes, et se traduit à la fois sur le plan physique et sur le plan moral par l’usage de stéréotypes très forts. Sur le blog Genre !, la bloggeuse et gameuse Mar_Lard analyse les représentations de la femme les plus répandues dans les jeux vidéos. Et le constat est sans appel. Dans une grande majorité des cas, le design des personnages féminins reproduit tous les attributs physiques censés émoustiller le joueur mâle hétérosexuel : seins énormes, fesses rebondies... D’abord assez évocatives, ces représentations sont devenues de plus en plus précises au fur et à mesure que la qualité du graphisme s’améliorait. En résultent des sex-symbols aux mensurations “parfaites” et fantasmées. La plus connue est Lara Croft, l’héroïne de Tomb Raider, née en 1996. Pour expliquer sa plastique de bimbo, la légende voudrait que son créateur ait accidentellement augmenté sa poitrine de 150% en la modélisant. Le résultat aurait enthousiasmé le reste de l’équipe qui aurait décidé de conserver cette caractéristique.
Lara Croft, un physique de poupée Barbie Selon Usul, joueur et chroniqueur sur Jeuxvideos.com, cette hypersexualisation est particulièrement remarquable dans les jeux japonais, où les personnages féminins sont des supports destinés à recevoir les fantasmes de leurs créateurs. Ces corps féminins parfaits sont par ailleurs récurrents dans les jeux de combats tels que Mortal Kombat ou Soul Calibur, où ils sont censés incarner différentes formes de fétichismes, parmi lesquels le joueur pourra faire son marché. Le tout est mis en valeur dans les séquences animées, grâce à des angles de caméra savamment étudiés pour placer le joueur en position de voyeurisme. Et ce ne sont pas les costumes des héroïnes qui pourraient jeter un voile de pudeur sur tout cela. Les armures et vêtements féminins sont beaucoup plus dénudés que ceux des hommes. Mieux, dans les rares jeux où le personnage féminin possède un costume plus neutre (on peut citer l’armure de Samus de Metroid), il finit par révéler son corps à plus ou moins long terme. Cette mise à nu peut même parfois jouer le rôle de récompense lorsque le niveau joueur augmente, voire être l’enjeu majeur de la partie.
Samus de Metroid, celle qui n’allait pas tarder à tomber l’armure Skarlett de Mortal Kombat et les filles de Dead or Alive Et si l’industrie du jeu vidéo fabrique ces corps de rêve, c’est bien pour en faire un argument de vente. Certaines mauvaises langues avancent ainsi que le succès de Tomb Raider doit plus au physique de bimbo de son héroïne qu’à la qualité de ses graphismes et de son scénario. Idem pour Rumble Rose et Dead or Alive. La plastique des personnages féminins est une façon de s’assurer l’attention du public, comme l’explique le créateur de Lara Croft : “Si le joueur va regarder un cul pendant des heures et des heures, autant que ce soit un joli cul”.
Le comportement de ces créatures virtuelles n’est pas extrêmement flatteur pour la gent féminine non plus. Marie Colville, chercheuse, résume ainsi les rôles tenus par les femmes dans les jeux vidéos : “On peut dénombrer trois types de personnages féminins : les héroïnes, les adjuvantes, et les objets de quête. À quelques exceptions près, les héroïnes de jeu reproduisent ces archétypes : princesses, amazones, sorcières, etc.” En effet, le personnage féminin est souvent relégué au rôle de faire-valoir d’un héros masculin. La femme est alors présentée comme l’être fragile et dévoué à conquérir ou protéger. On peut citer ainsi la Princesse Peach, dont la tâche consiste à être constamment sauvée par le plombier Mario. Même combat pour les héroïnes à priori fortes et indépendantes, qui finissent par reproduire le scénario traditionnel de femme soumise à l’homme. Ainsi, Linoa de Final Fantasy VIII se fait hypnotiser puis attaquer par des monstres avant d’être sauvée par le héros, et Gwendolyn d’Odin Sphere va tomber amoureuse de celui qui l’a “gagné” pour avoir tué un dragon. Dans d’autres jeux, comme Alpha Protocol, l’enjeu majeur est la séduction. Dans une grande majorité des cas, la femme va occuper la fonction de victime ou de récompense pour le personnage masculin. Ce sont toutes ces caractéristiques que l’on retrouve dans l’”Affaire Lara Croft” survenue en juin 2012. À l’époque, une séquence du nouveau Tomb Raider prévu pour 2013 montre l’héroïne en train de se faire agresser. Si la tentative de viol est faiblement suggérée dans l’animation, elle est en revanche fortement mise en valeur dans un article du magazine Joystick. Kévin Bitterlin fait le portrait d’une Lara de 21 ans qui “arbore un visage juvénile, des formes tout ce qu’il y a de plus décentes et un accent de snobinarde anglaise qui la rend à la fois sexy et insupportable”. Le rédacteur semble particulièrement emballé à l’idée de “la remettre à sa place, quitte à l’humilier et à la souiller sans ménagement”. La blogueuse Mar_Lard réagit aussitôt et accuse Joystick d’encourager une culture du viol propre à une « société patriarcale » engoncée dans le cliché de l’homme dominateur. Anthony De Muelenaere, blogueur sur Le Plus Nouvel Obs, estime quant à lui que l’article de Joystick insiste sur le côté sexuel et ne définit le jeu que par son héroïne, sans parler du gameplay lui-même. La polémique enfle sur Twitter où se discute la place des personnages féminins dans les jeux vidéos et la domination masculine. Joystick s’excuse en août sur Facebook, et affirme : "Que vous le croyiez ou non, sachez que c'est l'idée de briser un personnage emblématique pour mieux le reconstruire qui nous a séduits et emballés. De plus, nous tenons à préciser qu'à aucun moment le fait que ce personnage soit une femme n'est entré en ligne de compte pour orienter notre article". Quoiqu’il en soit, le producteur du jeu reconnaît que le personnage féminin n’est pas fait pour être incarné mais regardé, le but étant que les joueurs aient envie de la protéger et non de se projeter sur elle. La vidéo du trailer Lara Croft http://www.youtube.com/watch?v=N3HfmcDRbn8
Images tirées de la scène critique du dernier Tomb Raider 2 - Des jeux stéréotypés “réservés” aux filles On l’a vu, les jeux vidéos destinés à un public masculin (ou au moins mixte) véhiculent une image ultra-sexualisée des personnages féminins, qui reprend tous les codes grossiers de la féminité classique et de la soumission au pouvoir masculin. Mais on retrouve également d’importants clichés sexistes dans un autre type de production : le jeu vidéo pour filles. Depuis quelques années, on a vu surgir des séries de jeux payants et une toute une kyrielle de gratuits sur Internet. Parmi ces jeux, certains sont présentés comme “réservés” à un public féminin. Au programme, des graphismes mignons et simplifiés, beaucoup de rose, et des activités très ciblées : cuisine, maquillage, beauté... Tandis que les jeux pour garçons sont eux orientés sur le sport et l’action.
Des jeux pour filles... Et pour garçons C’est ce que le blogueur Marguerin, de Chantier Politique, définit comme “le régime rose/bleu”. Une signalétique genrée qui se base sur les comportements supposés traditionnels des hommes et des femmes : les uns dominent et font des activités d’extérieur tandis que les autres restent cantonnées à la maison. Un cliché illustré par la série des Léa Passion beauté, cuisine etc. Pire, lorsque l’enjeu pourrait sembler neutre en terme de genre, il est adapté pour coller aux stéréotypes : à activité semblable, les personnages féminins ont moins de pouvoir ou agissent différemment. Marguerin note également que les intrigues sont globalement simplifiées et les graphismes “plus laids” dans les jeux vidéos destinés aux filles. Pour Usul, ces jeux participent ainsi à perpétuer l’image de la femme dévouée inscrite dans l’imaginaire collectif. Plus extrême, Marguerin va jusqu’à s’interroger sur les technologies comme enjeu de pouvoir. Puisque celles-ci servent à augmenter les capacités de l’être humain, si l’on fait en sorte qu’elles ne donnent pas trop de pouvoir aux femmes, on conserve la domination masculine existante. Créer des jeux gratuits volontairement peu excitants pour les filles ferait donc partie d’un mécanisme psycho-social destiné à les maintenir en position de soumission. Girls Go Game, plateforme de jeux gratuits pour filles, du rose et des graphismes simplifiés
Léa Passion et ses activités ultra genrées Dans l’esprit de Peter Hofstede, directeur du développement des jeux chez SpilGames, le fait de genrer le jeu permet de toucher une nouvelle cible marketing, celles des joueuses, qui selon lui sont moins clientes du support que leurs homologues masculins. Devant l’accès grandissant des filles aux outils numériques, il est pour lui essentiel de leur proposer des jeux adaptés à leur “goût féminin” supposé. Cette affirmation est très discutable dans la mesure où certains soutiennent que les héroïnes plébiscitées par les joueuses sont justement celles qui sortent de cette représentation stéréotypée des femmes, comme dans Bayonetta ou Beyond Good and Evil. II – La représentation masculine dans les jeux vidéos 1 – L’image des personnages masculins côté Occident Si les personnages féminins dans les jeux vidéos sont très codifiés et stéréotypés, les personnages masculins ne sont pas en reste. On peut facilement dégager des motifs récurrents qui encouragent une représentation dichotomique du genre dans les jeux vidéos : on a d’un côté la bimbo-demoiselle en détresse à sauver et de l’autre le personnage masculin ultra-viril. Les premières figures masculines n’étaient pas assez détaillées pour poser la question de la représentation du genre dans les jeux vidéos. De plus, le cœur de cible des éditeurs était, à l’époque, les enfants. Les personnages contrôlés étaient juvéniles à l’exemple de Link et Alex Kidd, débonnaires/bienveillants comme Mario ou des animaux comme Sonic. Puis les joueurs ont grandi et sont entrés dans la puberté. Les développeurs ont décidé de “s’adapter” et ont proposé des héros ressemblant aux archétypes de virilité véhiculés, entres autres, par le cinéma d’action américain : muscles saillants synonymes de puissance, barbe drue et teint basané pour le côté rebelle aventurier, regard impénétrable et impassibilité pour la force mentale.
On peut citer ainsi Kratos de God of War ou Duke Nukem (créé en temps que caricature assumée de macho) qui incarnent à merveille ces héros stéréotypés. Kratos, personnage du jeu God of War Duke Nukem, un macho caricatural Même dans les jeux vidéos où il est possible de créer son avatar comme dans World of Warcraft, les personnages masculins sont plus massifs, plus musclés.
World of Warcraft, des personnages non humains mais à la musculature virilisée Autre représentation de la virilité par excellence : la possession de nombreuses et variées femelles. Ainsi, Duke Nukem est toujours bien entouré. Dans God of War III, l’épisode de la chambre d’Aphrodite est évocateur. Après avoir démembré la majorité de ses ennemis, il n’est pas rare que Kratos soit sollicité par des personnages féminins pour coucher avec elles, ce qui entraîne un mini-jeu particulièrement inutile. Mais dans cet épisode particulier du jeu, Kratos entre dans la cour des grands et se fait prier par une Aphrodite « les seins-à-l’air », de le rejoindre au lit. Elle va même jusqu’à dire à Kratos pour le convaincre : “Est-ce que tu sais depuis combien de temps je n’ai pas reçu de vrai homme dans mes appartements ?”. Kratos est considéré comme l’incarnation d’« un homme, un vrai ». Vidéo : God of War III, « Aphrodite’s Chamber » http://www.youtube.com/watch?v=5Qsh7rfXLVA Par ailleurs, on parle souvent de l’évolution physique du personnage de Lara Croft, qui a vu son tour de poitrine croître avec les différentes versions du jeu, mais les héros masculins subissent un sort semblable. Ainsi, les muscles du Prince Of Persia grossissent étrangement avec le temps…
Prince of Persia version 1992 Et la version années 2000 2 – L’image des personnages masculins côté asiatique (Japon) Si les développeurs ont tendance à coller systématiquement à ce modèle de virilité quand ils proposent leurs jeux aux Occidentaux, il n’en est pas de même pour le public asiatique. Il existe un modèle de masculinité alternatif, nettement plus adressé au public féminin, proposé par les jeux du marché asiatique. Pour souligner à quel point la différence est grande, il n’est pas meilleur exemple que le jeu Nier, où les créateurs ont cru bon de proposer deux versions du héros, l’une destinée au public occidental et l’autre au public asiatique.
Nier, en version occidentale et en version asiatique Alors que les jeux vidéo occidentaux présentent souvent des hommes forts, musclés et virils, les jeux asiatiques préfèrent mettre en scène des jeunes hommes, généralement des éphèbes, avec de longues mèches effilées parfois décolorées ou teintes, un physique longiligne et une attention toute particulière pour leur style vestimentaire. Il s’agit d’un idéal masculin qui s’inscrit dans l’histoire culturelle japonaise. Les jeux vidéo japonais, sont à considérer comme des produits culturels pop, et sont une des représentations de cette façon de penser la beauté masculine. Cet idéal remonte à l'époque du théâtre Kabuki (XVIIème siècle). À l’époque, le gouvernement avait interdit aux femmes de jouer dans les pièces de théâtre, jugées trop choquantes. Ce sont donc les hommes qui se mirent à jouer le rôle des femmes. Cette difficulté a permis à l’art du Kabuki de se raffiner de plus en plus. Les hommes devinrent des « modèles de féminité » pour les femmes. Le Kabuki se transforma en un haut lieu de la mode où les femmes venaient observer des hommes s’habiller en femmes et s'en inspiraient par la suite pour leur propre garde-robe. Le Kabuki existe encore aujourd'hui, sa représentation de l'homme a dépassé le cadre du théâtre pour toucher d’autres domaines culturels actuels, comme la musique.
Un groupe de musique pop japonaise, représentatif de cette image « féminisée » de l’homme Pour la jeunesse japonaise, le jeu vidéo se consomme comme la musique, c’est-à-dire comme un bien culturel populaire. Les éditeurs de jeux vidéos ciblent un public jeune et tentent donc de créer des héros qui lui ressemblent ou un idéal qu’il aimerait incarner. C’est pourquoi les héros de jeux vidéo sont généralement jeunes, mais sont aussi androgynes. III - Sexisme : marketing et publicité 1 - Le joueur « aime les seins » L’idée est tenace, tant pour l’imaginaire collectif que pour les concepteurs de jeux vidéos : le joueur type est un individu masculin, hétérosexuel, plutôt jeune et sexuellement frustré. Il est donc naturel que le marketing s’oriente dans cette voie. Notons à travers ces quelques exemples combien l’image de la femme dans la publicité défie toute réalité. Premier cliché que les publicitaires exploitent sans la moindre honte : une publicité pour un jeu vidéo se doit d’insister lourdement sur le fait qu’une femme possède deux seins.
Photo de la publicité PSVITA (2012) Cette publicité toute récente pour la Playstation VITA de Sony n’est pas passée inaperçue. “Deux faces tactiles, deux fois plus de sensations”, clame l’image parue à l’occasion de la Paris Games Week, qui montre un buste féminin à double poitrine, moulé dans une robe bustier. Comprendre : “Notre nouvelle console provoque autant de jouissance qu’une mutante quadri- boobs”. Autre must dans le genre, la publicité pour Ninja Gaiden Sigma 2. Capture de la publicité pour le jeu Ninja Gaiden Sigma 2 (2009) Vidéo de la publicité Ninja Gaiden Sigma 2 http://youtu.be/czFwddhsb-4 Ici, pas de slogans, le message est suffisamment équivoque : “les seins de nos héroïnes sont tellement réalistes qu’ils peuvent hypnotiser n’importe quel mâle” (et Bobonne fait la vaisselle pendant que son rejeton se rince l’œil sur des mamelles virtuelles). Le facteur “sein” se voit souvent complété par une kyrielle d’accessoires tels que les plumes, les tourbillons de feu, les expressions faciales idiotes et les oreilles d’elfes. Tout particulièrement dans les publicités pour des jeux de rôle multi-joueurs en ligne (MMORPG) qui pullulent sur le web.
Quatre MMORPG pris totalement au hasard Le cliché, tout comme le bonnet, parait peut-être exagéré. C’est malheureusement une triste vérité, un surf rapide sur les pages d’accueil de l’énorme majorité des MMORPG vous le confirmera. Et pour ceux qui ne jouent pas, les guerrières à gros nénés ont même le pouvoir de vous poursuivre sur Facebook. Publicité pour un MMO sur Facebook (2012)
Cette publicité réunit tout : le MMO, l’Asie (parce que le joueur-type est évidemment focalisé sur l’Asie, et plus particulièrement le Japon, « pays le plus pervers du monde ») et les énormes « obus ». Quant à l’âge, on ne sait pas trop s’il s’agit de celui du modèle ou celui du jeu, le public ciblé par cette publicité n’étant de toute façon pas censé se focaliser sur le texte. À en croire le nombre de nouveaux MMOBBB (Massively Multiplayer Online Bimbo Big Boobs) qui sortent tous les ans, on peut arriver aux mêmes conclusions qu’avec les spams pour agrandir son pénis : s’il y en a autant, c’est que des gens cliquent dessus. Autre étape importante de l’instrumentalisation des seins à des fins mercantiles : elles sont belles, elles sont grandes et elles sont pratiquement nues, voici les hôtesses des conventions de jeux vidéo. Elles sont surtout payées par les grandes enseignes pour faire vendre leurs produits. Que ce soit ici, au salon de l’E3 (célèbre foire de l’Hi-Tech) ou dans n’importe quelle convention susceptible de rameuter du mâle, ces mannequins hantent les stands et permettront aux gamers d’imaginer que toutes les joueuses leur ressemblent. Hôtesses d’accueil du salon E3 (2011)
2 - Les filles sont un peu limitées « Les filles sont un peu limitées » : c’est une évidence pour beaucoup de publicitaires. Capture d’écran de la publicité Gameloft Duo (2012) Lien de la vidéo : http://youtu.be/M1YjH_GBfqk Dans cette vidéo, nous voyons un sympathique joueur essayer la nouvelle console de Gameloft. Au programme, un jeu de shoot et une course de voitures, deux genres bien virils par excellence. Une jeune femme blonde (probablement la petite amie du joueur en action) est visiblement très heureuse de regarder son ami s’amuser. À un moment, le plaisir est trop intense pour ne pas être partagé, il faut un deuxième joueur ! C’est alors qu’un autre garçon arrive et rejoint la partie, laissant notre belle ingénue dans son rôle de spectatrice trop stupide pour se servir d’une manette. Autre anecdote récente : lors de la soirée de lancement de la Xbox360 en Israël, un acteur déguisé en Master Chief, héros du jeu Halo4, récite une tirade bien virile à coup de “don’t waste your time on girly games” (ne perdez pas votre temps sur des jeux de filles). Pas mal, surtout quand on sait combien la communauté de joueurs féminins s’agrandit d’années en années. Faute d'être assez compétentes pour les jeux masculins, les filles sont donc réduites à des jeux spécialisés, comme le note Marion Colville, chercheuse dans le domaine des jeux vidéos. "Les femmes ne sont présentes qu'au sein de publicités pour jeux occasionnels ou familiaux. Cette représentation est éloignée des pratiques réelles et restreint l'image des joueuses à un genre très particulier". Des genres non violents, doux, remplis de poneys, qui sentent bon les fleurs et le gloss fraise, comme évoqué précédemment avec la série des Léa passion. Lentement mais sûrement, on bascule dans le terrible univers du jeu vidéo girly.
« Imagine Movie Star » et « My baby girl », deux jeux girly par excellence Les publicités pour les jeux en ligne qui ciblent un public féminin vont, elles aussi, forcer sur les couleurs rose/mauve/bleu ciel. Quant aux activités proposées, elles nageront bien souvent autour des mêmes thèmes, notamment l’habillage de poupées virtuelles. J’habille, je déshabille, je rhabille, je re-déshabille... Et qu’est ce qu’on s’amuse ! La différence de traitement dans la publicité entre les hommes et les femmes est encore plus criante à la télévision. Prenons deux exemples. D’un coté, on aura Chuck Norris pour le jeu World Of Warcraft. Fidèle à sa réputation d’avatar de la virilité américaine, il vante la férocité de son alter égo barbare.
“Chuck Norris est un chasseur !” (2011) Lien vers la vidéo : http://youtu.be/rAW7VTQZjxw Et de l’autre, la chanteuse Joyce Jonathan, pour le jeu Pokémon version Blanche. Que fait- elle ? Elle minaude, ne parle presque pas du jeu en lui-même mais a “trop envie de sortir le Pokémon de l’écran pour qu’il soit sa peluche”. Joyce Jonathan parle des Pokémons : “Il a une p’tite tête trop mignonne !’ (2011) Lien vers la vidéo : http://youtu.be/MyQSK4jsvEs
Par ailleurs, on oriente davantage les filles vers les consoles portables comme la Nintendo DS, plus pratiques à transporter dans un sac à main qu’une console de salon. Si les publicitaires voulaient faire passer les gameuses pour des cruches, qu’ils se rassurent, la mission est accomplie. IV - Sexisme dans la communauté des gamers 1 – Démonstrations de sexisme Les jeux vidéos sont donc une « affaire d'homme ». Les publicistes et créateurs font en sorte que peu de femmes s’identifient à cet univers. Mais ces choix marketing ne sont pas les seuls responsables de cette vision de la femme dans les jeux vidéos. Le sexisme est très présent, dans la communauté des gamers : est ce la cause de l'image véhiculée par les industries du jeux vidéo ou sa conséquence ? Quoiqu’il en soit, ce sexisme est renforcé par le communautarisme élitiste dont font preuve les joueurs. Tous les gamers ont, au moins une fois, assisté à une scène de harcèlement envers une gameuse. Sur la plateforme Fat Ugly or Slutty, les joueuses sont invitées à mettre en ligne les messages d'insultes qu'elles reçoivent lors de leurs sessions de jeux en ligne. La vidéo des messages d’insultes sur Fat Ugly or Slutty http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=-ywFpQU4xW8 Le cas le plus récent est celui de la joueuse Miranda Pakozdi. Elle participait au tournoi Assault Croix cette année. Après 6 jours de compétition, en pleine partie, son entraîneur l'interroge devant la caméra sur la taille de son soutien-gorge, lui demande aussi d'enlever ses vêtements ou encore dirige la webcam sur ses jambes et sa poitrine pour que les membres de l'équipe en profitent. Suite à ces actes, la jeune femme a préféré mettre un terme à sa participation au tournoi. Autre exemple qui illustre parfaitement le problème : un joueur a décidé de montrer du doigt ce qu'il avait pu observer en jouant à Call of Duty. Il s'est créé un faux compte et se fait passer pour une fille nommée « Laurie–GiRL ». La partie commence, et les remarques sont aberrantes. La vidéo de « Laurie-GiRL » http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=-ywFpQU4xW8 Mais le plus incroyable dans tout ça, ce ne sont pas seulement les remarques sexistes qui fusent tout au long de la vidéo, ce sont surtout les commentaires. On peut lire « Arrêtez d'en faire tout un plat, y a pas mort d'homme ! », mais aussi « En même temps, Laurie-GiRL, c’est un pseudo qui ne peut que susciter des réactions comme ça ! » ou encore « Ho, c'est pas grave, ils ont 14 ans ! ».
Selon un rapport élaboré par des chercheurs de l'Université de Colombia, les remarques sexuelles, les menaces ou les moqueries sont monnaie courante dans certaines communautés de jeux. Et certains gamers vont jusqu’à prétendre que la présence des femmes « distrait » et que ces dernières ne cherchent qu'à attirer l'attention. Certains ont même offert de l'argent ou de l'or virtuel en échange de sexe en ligne. La première cause de ces actes est, sans aucun doute, l'anonymat. On est derrière son ordinateur, personne ne sait qui l'on est, et l’on ose forcément plus de choses. Des choses que l'on n’aurait jamais faites dans la vie de tous les jours. Mais le faire derrière son ordinateur, « c'est pas grave ». La deuxième cause est que, même si les temps changent, les gens ont toujours besoin d'un temps d'adaptation. Les femmes, même si elles sont de plus en plus nombreuses à s'y intéresser, sont toujours minoritaires sur la plupart des plateformes de jeux en ligne. L'apparition d'une fille dans le jeu est toujours remarquée, sous-entendue exceptionnelle, voire anormale. Aujourd'hui, on peut être « signalé » pour ce genre de comportements, voir être sanctionné. Mais il est très difficile de surveiller les 2, voir 3 millions de joueurs actifs dans le monde. Pourtant, le sujet commence a être pris au sérieux et de plus en plus de blogueurs, gamers ou encore acteurs de l'industrie du jeux réfléchissent à des solutions. 2 - Harcèlement : le cas d’Anita Sarkeesian Anita Sarkeesian est une féministe américaine spécialisée en sociologie des médias. Elle étudie, entre autres, la représentation des femmes dans la culture populaire. En mai 2012, Anita lance une campagne de crowdfunding pour récolter suffisamment de fonds pour financer une série de vidéos éducatives. Son projet, « Tropes (= schémas communs) vs Women in Video Games », entend mettre en lumière les schémas récurrents concernant les femmes dans les jeux vidéos. À la suite de l’annonce du lancement de son projet, Anita a été victime d’un harcèlement extrêmement violent. Commentaires misogynes sur son compte Youtube, trolling des commentaires sur son blog Feminist Frequency, modification de sa page Wikipedia pour y insérer des photos pornos : tout était bon pour montrer à Anita qu’il valait mieux qu’elle abandonne son projet. Le harcèlement dont elle a été victime a cependant attiré l’attention des médias et a placé Anita au centre du débat concernant le sexisme au sein de la communauté des gamers.
Les critiques sur la vidéo d’Anita Sarkeesian Lien vers une capture des commentaires apparus en à peine deux heures http://www.feministfrequency.com/archive/YouTube_Harassment_2hours.jpg Anita Sarkeesian ne s’est pas laissée impressionner pour autant et a déclaré au New York Times que l’industrie du jeu était en plein processus de changement et que c’était très positif. CONCLUSION OUVERTE AU PUBLIC • Aujourd’hui, est-il toujours aussi épineux d’évoquer le sexisme dans les jeux vidéos ? • Avez-vous déjà été confronté, en tant que joueur-euse), au sexisme de la communauté des gamers ?
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