LE PREMIER CONGRES DU Toucher-massage
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LE PREMIER CONGRES DU Toucher-massage Par Jean Manuel BERTRAND Jean-Manuel Bertrand est journaliste spécialisé à France 3. Passionné par les nouveaux faits de société dans le domaine du bien-être et du para médical, il a travaillé pour Radio France, Libération, le Point, le Canard Enchaîné et diverses revues de société. Ce texte est extrait du livre «Toucher-massage : 20 ans de pratique» paru en 2006 aux éditions de Parry. 1. LE BIEN ETRE A PORTEE DE MAINS Joël Savatofski est fébrile en cette froide matinée ensoleillée de mars 2004 à Paris. Il sait au fond de lui que son institut et tout ce qu’il véhicule en France va tourner une page historique après une vingtaine d’années constituée de labeur et de persuasion, avec, en toile de fond une quête éternelle de reconnaissance auprès de pouvoirs publics qui restent étrangement silencieux. Nous sommes le mardi 23 mars et Martine, présidente de «l’association Joël Savatofski nationale de soutien aux massages bien être» compte parmi les invitées de choix. Elle est d’ailleurs au premier rang : «Je suis heureuse d ‘assister à ce premier congrès et j’y vois un message d’avenir» confie cette femme de caractère qui va conduire la future fédération française des praticiens de massage bien-être. L’organisateur a réservé pour deux journées entières de débats le grand auditorium de l’Hôpital des Diaconesses à Paris (12ème) afin d’organiser le premier Congrès Européen du Toucher-massage. Une date attendue dans l’histoire de cette pratique présentée comme novatrice et bienfaisante par Joël Savatofski, son initiateur et son mentor. Dès le premier jour, l’amphithéâtre de l’hôpital est déjà plein comme un oeuf. 400 personnes s’entassent à l’intérieur et l’équipe de bénévoles autour de Joël «a été contrainte, la mort dans l’âme, de refuser de nombreuses ins- criptions au dernier moment», me confie Corinne. 400 personnes ont répondu à l’invitation de ce premier congrès.
Ici, on trouve une majorité de soignants mais aussi des personnes issues de tous les horizons : étudiants, en- seignants, cadres hospitaliers, esthéticiennes, quelques kinésithérapeutes et même des radiesthésistes. Avec l’école du Toucher-massage, on baigne dans l’éclectisme et la disparité. C’est ce qui fait son charme et chacun est là pour apporter sa pierre à l’édifice. Pour Frédérique, 25 ans, élève infirmière dans une école de la Croix Rouge à Limoges et qui a fait le déplace- ment : «C’est une amie qui m’a initié à l’art du toucher-massage et ensuite j’ai tenté par mes moyens d’en savoir plus et c’est pourquoi je suis là aujourd’hui!» confie-t-elle doucement avant de souffler dans un murmure : «Le Toucher-massage donne une dimension intéressante à son propre corps et une véritable connaissance de soi !» Dans les travées de l’auditorium on se salue, on se reconnaît. On fait tout simplement connaissance. Ici on éprouve la sensation d’être en famille et de vivre une immersion à la fois chaleureuse et complice ou cha- cun est là pour donner et recevoir dans une communauté de partage. Ici, aucun formalisme et encore moins de protocole. Les sacro-saints costumes cravates et autres accessoires de décorum sont remisés au placard. D’ailleurs, Joël Savatofski se définit lui même comme un atypique : «J’aime créer ce type d’ambiance ou la convi- vialité permet véritablement l’authenticité et l’expression de soi, hors des formalismes et des rapports protoco- laires qui dénaturent trop souvent nos relations.» 2. UNE AMBIANCE DECOMPLEXEE ! Ce premier Congrès Européen se veut avant tout un lieu Un public particulièrement détendu ! d’échanges et d’idées pour développer une pratique «qui ap- porte résolument un mieux être à l’individu», à entendre tous ses praticiens venus des quatre coins de l’hexagone et même de plus loin. Ruth, infirmière enseignante à Lausanne, parle de «gageure et de défi car le Toucher-massage contribue à une meilleure qualité de vie au sein des institutions et les soignants le qualifient d’expérience forte au contenu riche de sens !». Avant de gagner le pupitre pour ouvrir les débats, Joël est ten- du, presque grave quand il descend deux à deux les marches de l’amphi. Depuis 20 ans, il se bat contre vents et marées afin de populariser cet art de la communication et de la convivia- lité. Il connaît surtout l’enjeu que revêt ce premier congrès à l’échelle européenne. L’assistance est enthousiaste et décomplexée, un peu à l’image de l’orateur. Tour à tour sérieux et franche- ment drôle, Joël fascine son auditoire par son humour et ses mimiques qui enrobent irrésistiblement et joliment son flux verbal. Il raconte ses débuts comme masseur-kiné, sa première formation avec une poignée de stagiaires, la création de son institut de formation. Joël a fait également de la danse et du théâtre, et il s’en donne à cœur joie : «Si les gens ne sont pas en confiance, le geste est mécanique et codifié» lance-t-il au public, avec toujours cette manière de joindre le geste à la parole qui déclenche l’hilarité d’une salle acquise à ses idées. Il cite l’exemple des pauses massage dans le métro parisien et leur succès : une heure d’attente pour cinq bonnes minutes de bonheur avec ce constat édifiant d’un voyageur sous le charme: « je n’ai jamais été touché comme cela!». Que du bonheur en somme ! Joël balance ses bras pour induire cet effet apaisant et relaxant et conclut par une définition de son art si communicatif : «le Toucher- massage est une intention bienveillante qui prend forme grâce au toucher sur tout ou partie du corps et qui invite à détendre, relaxer ou procurer du bien être ». Fin du cours magistral. La salle vibre sous les applaudissements. Merci Maestro ! 3. LA FIN D’UN MONOPOLE Les intervenants vont ensuite se succéder à la tribune. Les exposés sont clairs et concis. La salle réfléchit à haute voix et les questions fusent. Dès l’ouverture du congrès, Gilbert Gasparutto, cadre de santé et auteur d’ouvrages sur la communi- Gilbert Gasparutto cation soignante, a donné le ton sous forme de plaidoyer: « Le chemin parcouru en
20 ans est énorme car les soignants comme le grand public sont passés d’une attitude méfiante à une adhésion enjouée et sans complexe ». Évolution aussi chez les patients, souligne l’orateur, car «ils apprécient de plus en plus cette technique de détente et de bien-être et le font savoir autour d’eux !». Et Gilbert de dénoncer ces professionnels du soin qui restent «figés dans des comportements rétrogrades et dé- crètent encore au 21ème siècle que pour toucher autrui, il faut un diplôme dûment estampillé». La salle vrom- bit alors de plaisir en identifiant les professionnels visés. «Comme si on pouvait proclamer un monopole pour apporter du bien être!» lance très haut un congressiste. Joël Savatofski renchérit : «le toucher serait il encore un sens interdit ?». Très vite, on a le sentiment que ce congrès veut rapidement refermer un volet et que grâce à l’expérience des pionniers qui ont promu cette pratique, le droit de proposer des techniques non agressives apportant un bénéfice immédiat à chacun est aujourd’hui reconnu et accepté. C’est l’heure de la pause et une petite foule se dirige alors vers Pause massage une salle adjacente ou des «massages minutes» sont proposés aux congressistes. Corinne, qui coordonne ces pauses massages, sourit tout en massant, et pourtant pas moins de 250 massages (nuques, bras, mains, visages) seront dispensés durant ces deux jours par une dizaine de praticiens et quelques amateurs pas- sionnés. Chacun attend patiemment son tour. Sandrine, une charmante étudiante en psychologie, confie qu’elle est venue au congrès «pour sentir l’ambiance car c’est un art de vivre, une philosophie et l’école de formation de Joël enseigne cette qualité d’approche !». Un peu plus loin, Odile, 22 ans, étudiante infirmière à Lille, affiche un profil radieux en se faisant masser les mains puis le visage. Pour elle, le toucher-massage est asso- cié à l’idée de plaisir, de confiance et d’échange : «Cela m’a tout de suite emballée, j’ai essayé et adoré, car cette pratique aide à renforcer les liens avec les autres !» 4. « BLOTTI DANS LA CONFIANCE, MON CORPS REPREND CONSCIENCE… » Dans l’auditorium, avant la reprise des débats, des groupes de discussion se forment. On échange, on rit de bon cœur. Certains feuillettent les ouvrages techniques sur les présentoirs. D’autres ont décidé de pratiquer directement leur art… dans les travées de l‘amphi… On se masse les épaules, le dos ou les mains. L’am- biance est bon enfant, à l’image d’une cour de recréation avant la reprise de la classe. Une « élève » se distingue. Ses yeux pé- tillent. Régine est cadre supérieur à Paris. Pour elle, le toucher permet d’entrer en communication avec l’autre dans un souci constant d’écoute et d’attention: « Il y a 1O ans, à Lariboisière, j’ai fait appel à Joël pour former 14 soignants qui voulaient don- ner du sens à leur travail en chirurgie cardiaque ; à l’époque on me parlait de papouilles ». Le Toucher-massage comme traitement complémentaire ? Une forme d’accompa- gnement thérapeutique ? Autant de questions abordées au cours de ces deux journées de congrès. « Quand on est motivé, on devient audacieux, rien ne vous freine !» rajoute malicieusement Régine. Chacune des contributions à la tribune va s’employer ensuite à dresser un véritable état des lieux en Europe mais aussi à dessiner des projets d‘avenir. Vu de l’extérieur, l’apprentissage du « bien toucher » induirait une fonction très apaisante. Tantôt vécu comme un cadeau ou encore associé à un plaisir-douceur, les témoignages sur le toucher-massage affluent comme celui-ci, entraperçu sur un livre d’or exposé lors de ce congrès: « Blotti dans la confiance, mon corps reprend conscience ! ». Juliette, praticienne de Toucher-massage, parle d’un véri- table mode de vie « doublé d’un anti stress puissant et efficace ». Une gériatre, qui a porté l’expérience sur des personnes âgées malades, relève une diminution de doses supplémentaires d’antalgiques mais aussi des trans- formations physiques perceptibles avec des visages plus détendus.
Par ailleurs, le toucher revêt aussi une expérience vitale pour le développement de l’enfant. Luce, docteur en médecine et formatrice de toucher-massage, rappelle que « la peau est comme une toile de fond pour vaincre les résistances ». Aux États Unis, une étude très sérieuse a même démontré chez les prématurés massés une augmentation de près de 40% de leur poids ainsi qu’une croissance de leur densité osseuse. Dans la salle, Agnès, infirmière, confirme que le toucher peut aider le soignant dans la prise en charge de la douleur de l’enfant car pour elle: « Évaluer la douleur chez l’enfant c’est questionner, observer, tester, toucher masser pour mieux appréhender ». La salle répond par des applaudissements quand elle proclame haut et fort : «Usons et abusons de cette merveilleuse pratique! ». 5. LE ROLE BENEFIQUE DU TOUCHER Ce bien-toucher implique néanmoins une expérience du contact et une distance Pascal Prayez professionnelle à respecter. C’est en ce sens qu’intervient l’exposé très riche de Pas- cal. Ce docteur en psychologie clinique, par ailleurs auteur de plusieurs ouvrages, précise que « la juste distance ce n’est pas être distant, elle ne coupe pas d’autrui. Elle construit un lien de qualité tout en ouvrant un espace de jeu et de créativité ». Il existerait donc en réalité une sociologie du toucher si l’on en croit Florence qui achève une thèse de sociologie au Canada sur ce thème: « Le toucher-massage permet de restaurer un rapport plus sacré au corps dans un souci éthique», confie- t-elle avant de poursuivre : « le toucher est toujours auréolé d’une vague de soup- çons car notre culture reste marquée par l’esprit judéo-chrétien avec une inflation de discours sur un corps-objet et une pénurie de références sur un corps-plaisir ». Cette première journée de congrès aura confirmé la somme de bienfaits physiques et psychologiques que procure toute forme de toucher dans la relation du soignant vers le soigné. Marie Jeanne, qui a œuvré de son coté dans une unité de soins palliatifs, confirmera les effets positifs du toucher notamment pour améliorer la fin de vie douloureuse et inconfortable de leurs patients. Alors que la nuit enveloppe l’auditorium, les intervenants regagnent la salle. Les lumières s’estompent douce- ment pour laisser entrer deux danseuses qui, des pieds et des mains, vont entamer un ballet gracieux et sen- sible. Sur une musique empreinte de douceur, les corps ondulent gracieusement et exécutent une séance de massage dansée très applaudie. Irène, la brune et Sophie, la blonde, ont longuement répété cette chorégraphie signée Janine Bharucha, danseuse et formatrice Toucher-massage très inspirée de la philosophie indienne. Le spectacle conclut très poétiquement une première journée chargée en travaux de réflexions. Régine, qui tra- vaille dans une unité mobile de soins palliatifs au CHU de Montpellier, est fascinée par ce spectacle et glisse : « Comme avec la danse, il existe une subtilité relationnelle, il faut savoir redescendre dans la réalité du contact pour être présent à ce que l’on fait, pour se poser et surtout réfléchir». Les participants vont ensuite se diluer dans la nuit parisienne. Certains se retrouvent dans un restaurant asia- tique des environs et les débats reprennent. Chacun y va de son commentaire. Entre une salade de nems et un poulet à l ‘ananas, Chantal, une kiné quadragénaire, me confie que ce congrès l’a fait vraiment réfléchir en profondeur car, selon elle: « Les kinés devraient masser davantage, car ils revendiquent exclusivement le mas- sage et le pratiquent trop peu à mon goût. Le toucher ne s’approprie pas, il se crée ! » Elle ouvre le débat en proclamant que la profession de kiné s’est enfermée au fil des années dans une technicité qui ruine sa réputation et l’essence même de sa fonction. Son voisin de table reprend la balle au bond et lance un avertissement : « Il faut parvenir à installer ces techniques de relaxation et de bien-être comme des méthodes à part entière, je dirais même des méthodes presque banales! ». Il réfléchit et lance à la cantonade: « Attention aux tentatives de récupération à des fins mercantiles car le toucher ne doit pas être utilisé dans un souci de productivité par les entreprises de santé publique ! ». A la table, chacun acquiesce, mais il devient difficile pour certains de réprimer les premiers bâillements et les Démonstration de danse-massage lourdeurs des paupières d’autant que le lendemain, le congrès proposera plusieurs séances de travaux pratiques.
6. DES ATELIERS D’ANIM’ MASSAGES ! Cette seconde journée du congrès va débuter par un « lever idyl- lique » expliqué par Élisabeth, formatrice de longue date à l’école de Joël Savatofski. Par des gestes de Toucher-massage aisés à pratiquer et immédiatement efficaces, elle va montrer comment détendre, rassurer et préparer un lever agréable et confortable. Et cela tombe plutôt à pic devant une assistance encore embrumée à 9h du ma- tin. Celle que tout le monde appelle Babeth annonce d’emblée que les prises de parole en public ne sont pas son truc. Pourtant, cette aide-soignante à domicile a mis au point, après quinze années de pra- tique assidue, une série de techniques et de gestes essentiels. Elle demande une poignée de volontaires dans la salle avant de commen- cer ses démonstrations sur table de massage. Une dizaine de doigts se lèvent dans le public et la démonstration peut commencer. Pour elle, une bonne communication par le toucher débute infailliblement par un contact verbal: « Bonjour, vous allez bien ce matin ? » Avec son avant bras, la main prend contact avec la nuque d’une volontaire allongée: « C’est comme un bercement », indique-t-elle en plaquant ses mains sous les jambes avant de relever doucement la personne et Démonstration de «lever idyllique» d’enchaîner par des pressions toutes simples sur les épaules. « Allez- y, faites la même chose que moi! » lance-t-elle en direction d’une salle aux anges qui va immédiatement jouer le jeu. Résultat : dans l’amphi, chacun va s’employer à masser sérieusement son voisin pendant une grande partie de l’intervention de Babeth. Elle termine en montrant comment « chauffer » avec les paumes qui glissent et s’arrondissent doucement sur l’articulation des genoux. Ce « lever idyllique » séduit le public et bon nombre de soignants sont tombés d’accord pour se donner le temps de pratiquer ces gestes à la fois simples et efficaces. Le meilleur exemple sera donné par Stéphanie, infirmière et sapeur-pompier volontaire à Brive La Gaillarde. «J’ai toujours aimé masser les autres!» proclame fièrement cette femme de 29 ans qui a quitté le milieu hospitalier ou elle exerçait comme infirmière car, explique-t-elle : « on a voulu me mettre dans un moule et on m’a reproché d’être trop près des patients.» Un comble pour cette jeune femme qui s’est formée au Toucher-massage et a obtenu son premier niveau à l’école de Joël Savatofski. A l’issue de l’intervention de Babeth, Stéphanie confie qu’il lui arrive de masser ses collègues et certains accidentés de la route : «Quand je masse, je suis à fond dedans et rien ne peut me perturber ». Une philosophie partagée par un grand nombre de participants à ce congrès. Un état d’esprit que l’on va retrouver dans une série de mini ateliers pratiques ou chacun apporte son savoir faire et reçoit aussi de l’autre. Au total, quatre ateliers sont proposés dans l’enceinte de l’hôpital. Dans le premier, « En soins palliatifs », animé par Martine et Roselyne, l’ambiance est feutrée, quasi ouatée. Une salle où flotte une douce musique d’ambiance. Sur des chaises, chacun s’emploie à masser déli- catement son partenaire. Un parfum de bien être se répand ici et Martine conseille métaphoriquement : «l’idée du massage anti-stress c’est comme un chemin qui va commencer par abais- Atelier Toucher-massage en psychiatrie ser les épaules jusqu’à allonger vos doigts!». Les expirations se font plus longues et une participante lâche doucement dans un murmure : «j’aimerai donner aussi bien que je reçois ». Plus loin, dans l’atelier « En psychiatrie » avec Rolande et Pascal, l’ambiance est moins relâchée. Ici on trouve une majorité de soignants et de cadres en psychiatrie. Une infirmière prend la parole et déplore sur un ton teinté d’amertume: «Dans notre secteur nous sommes encore trop dans une culture du non toucher ». Pascal lui répond et évoque un toucher nécessaire et juste dans l’attention portée au patient. Les témoignages fusent et Rolande qui anime l’atelier simule à terre avec deux volontaires une intervention tout en douceur sur un patient en crise avant de conseiller à la petite assemblée : «Votre outil c’est la main, une main calmante et relaxante doublée toujours d’une parole apaisante! ». Dominique, un quadragénaire infirmier psy en Alsace,
confirme que ce premier congrès européen est «une chance de Atelier «avec les personnes âgées» rencontrer un tas de gens différents et de confronter des expé- riences sur un même thème transversal». Cet aficionado du Tou- cher-massage confesse aussi que sa hiérarchie a désormais un autre regard envers cette pratique sans comprendre pour autant sa véritable finalité. Le toucher-massage sonnerait-t-il le réveil des consciences soi- gnantes endormies? Dans un autre atelier « Autour de la nais- sance », qui réunit une vingtaine de personnes, une majorité de femmes entoure Janine, avec une série de touchers appropriés sur un ventre gonflé par un coussin. Une volontaire simule en riant une femme enceinte allongée sur une table de massage. Janine, riche d’une expérience acquise à travers des voyages fréquents en Inde, prône la communication non verbale avec la mère et son fœtus. Une caresse très enveloppante va alors susciter une série de questions dans l’assistance. Une femme demande : «Faut-il demander l’autorisation de la mère avant de masser son ventre?» Une autre lui répond immédiatement que tout ici est affaire de ressenti entre la personne qui masse et celle qui reçoit le soin. Chacun s’accorde à penser que dans le cadre du Toucher-massage, le dialogue doit rester vivant et s’avère toujours nécessaire. Dans le dernier atelier «Avec les personnes âgées» autour de Babeth, une quarantaine de personnes s’ap- pliquent à répéter les gestes et postures de l’intervenante. Ici, on se pétrit délicatement la nuque, on s’effleure doucement le visage sur un fond musical apaisant. Les paupières retombent doucement, les visages irradient de quiétude et les corps s’amollissent. On sourit, on savoure et la séance s’achève dans un immense soupir de satisfaction. Une expiration générale et profonde en guise de remerciement… 7. OSER PRENDRE DU TEMPS ! Dans l’auditorium, le congrès reprend sa marche avec des inter- Joël Savatofski et Françoise Duboissières ventions passionnantes. Françoise, infirmière et formatrice en Toucher-massage, insiste sur l’étirement du temps qui est au centre de sa réflexion. «Sous prétexte de gagner du temps sur un soin, on finit par en perdre car l’important est d’être dans ce que l’on fait », précise cette spécialiste du burn out. A ses cotés, Joël Savatofski ne peut s’empêcher de lui emprunter la parole : « la pratique du Toucher-massage est une re-création, ou récréa- tion, un temps privilégié que le soignant doit s’accorder pour lui même et naturellement c’est tout bénéfice pour le patient ». Et il enchaîne, geste à l’appui devant une salle médusée: «Si le praticien n’est pas en confiance, le geste est mécanique, codi- fié distancié». Joël fait la démonstration concrète en se levant. Comment à tout moment se relâcher ? Puis il évoque les pauses massages qui se mettent en place ici et là, à l’hôpital notamment, animées par des soignants comme un cadeau offert à l’ensemble du personnel. «Il y a encore quelques années, on n’acceptait même pas l’idée qu’on puisse ainsi se tripoter entre collègues. Aujourd’hui, les mentalités ont évolué, et des formations spécifiques nous sont demandées». A la pause déjeuner, dans une petite brasserie voisine, un couple retient mon attention. Claude et Martine sont professeurs des écoles en Bourgogne, et surtout formateurs à l’Institut de Formation Joël Savatofski. Depuis des années, ils animent ensemble des ateliers de jeux à base de massage dans leurs classes respectives. C’est Martine qui parle la première. Elle a connu Joël dans les années 80 à Paris : «le toucher-massage était alors une idée expérimentale très new age et j’ai commencé par animer des groupes de parole avant de me former à cette pratique ». Claude a ensuite rencontré Martine lors d’un stage et ce pratiquant d’aïkido est demeuré très emballé par cette pratique : «Grâce à Joël, j’ai pu soulager mon propre père affecté par un cancer lorsqu’il était en chimiothérapie et c’est vraiment gratifiant de faire du bien autour de soi et à ceux que l’on aime! »
8. BILAN ET PERSPECTIVES Le congrès touche à sa fin et Isabelle va ranimer énergique- Isabelle Robard ment les débats. Dans un tailleur élégant, sa démarche est ré- solument volontaire; elle parle haut et fort ; ses phrases sont ciselées et martelées. Avocate spécialisée dans le droit de la santé, ses premiers mots résonnent comme des sentences. En guise de préambule juridique, elle rappelle tout d’abord que « le massage appartient au patrimoine de l’humanité et non à une seule profession qui en revendiquerait l’exclusivité ». En effet, la cour de cassation a définitivement tranché en énonçant que les effleurements, touchers et pressions légères ne font pas partie du monopole de l’exercice de l’activité de massage - kinésithéra- pie. Conclusion logique : «Plus on exagère un monopole, plus on discrédite la profession de masseur kinésithérapeute ». Elle poursuit son exposé juridique avec un large sourire ironique qui recueille l’adhésion de la salle : «On pourrait donc poursuivre les coiffeurs, les podologues, les pra- tiquants de yoga et même les mères de famille qui massent leurs enfants ! ». Le congrès s’achève alors autour d’un pot convivial. Pour Joël Savatofski, visiblement ému du succès rencontré, c’est l’heure du bilan: « Il est extrêmement positif car ce congrès confirme que le Toucher-massage et les massages minutes sont maintenant bien ancrés dans notre quotidien et qu’ils contribuent largement à l’amélioration de la qualité de la vie. » Ce rendez-vous professionnel est arrivé à point nommé pour conforter bon nombre de personnes sur leur pra- tique habituelle du Toucher-massage. «Je retiens surtout la qualité des intervenants, la richesse et la diversité des apports théoriques ainsi que des démarches pratiques. Un seul regret néanmoins : nous n’avons pas eu le temps d’aborder les thèmes relatifs à l’éducation, à l’esthétique ou encore à l’entreprise. Mais vous avez vu com- ment les participants se sont appropriés les lieux ? Ce n’est pas un hasard si c’est devenu un forum d’échange et d’idées. Tout le monde pouvait recevoir une séance gratis et certains se sont même improvisés masseurs ». La nuit tombe sur Paris. Les derniers rires résonnent sur le trottoir et Joël, le passionné, ne peut plus s’arrêter de parler en agitant les mains : «C’est une date hyper importante pour nous, car le toucher a gagné la faveur du grand public qui a senti à quel point il est indispensable à la vie! » Et il poursuit en accélérant le pas avant de s’engouffrer dans le métro : «Et durant toute une existence ! C’est à dire du nouveau né… jusqu’à la personne en fin de vie ! ».
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