Les abeiLLes se font péter La ruche - Apiculture - Agrobio Bretagne

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Les abeiLLes se font péter La ruche - Apiculture - Agrobio Bretagne
LE dossier du mois

                                                                                                                     Apiculture
                         Les abeilles se font
                              péter la ruche
                                                                                       PAr NIels Bize (FRAB) & Damien DEïss (GAB29)

Un convoi mortuaire de ruches. L’image fait    José Nadan, apiculteur au Faouët, membre          chimiques utilisées (par exemple les néo-
froid dans le dos. C’est pour faire prendre    de la FFAP* et organisateur de l’événement,       nicotinoïdes) jouent un rôle majeur dans la
conscience de leur situation critique que      se faisant la voix des apiculteurs en dé-         décimation de nos abeilles. Sur ce dossier
les apiculteurs bretons ont organisé cette     tresse, demande l’indemnisation de l’en-          en effet, il est essentiel que l’ensemble des
funeste manifestation du 30 avril au 4 mai.    semble des apiculteurs, professionnels ou         acteurs concernés prenne ses responsabi-
En effet, ce sont pas moins de 20 000 colo-    amateurs, pour la perte de leur cheptel et la     lités : consommateurs, agriculteurs, pou-
nies d’abeilles qui ont été décimées l’hiver   diminution de leur chiffre d’affaires en vue      voirs publics ; chacun a un rôle déterminant
dernier. Le convoi mortuaire, composé de       de sauver les producteurs proches du dépôt        à jouer pour préserver nos abeilles, notre
ruches mortes, a démarré en début de se-       de bilan.                                         biodiversité et pour in fine éviter un drame
maine de la place des halles au Faouët avec                                                      écologique ».
pour objectif de se rendre à la chambre ré-    La mortalité explose
gionale d’Agriculture en fin de semaine et                                                       En effet, la mortalité des abeilles a explo-
de demander audience aux représentants         Sandrine Lefeur, députée de la 4 circons-
                                                                                   e
                                                                                                 sé depuis l’apparition de ces substances
politiques et agricoles de la région Bre-      cription du Finistère et maraîchère biolo-        au milieu des années 90. L’agriculture bio-
tagne, ainsi qu’à Nicolas Hulot, ministre de   gique, présente à l’occasion de la manifes-       logique représente une réelle alternative
la transition écologique et solidaire.         tation à la chambre régionale d’agriculture       face à l’emploi de produits chimiques de
                                               twittait alors : « Je serai vendredi matin à      synthèse en agriculture.
C’est malgré une saison apicole déjà dé-       Rennes pour l’arrivée du cortège en soutien
marrée que les apiculteurs ont décidé de       aux apiculteurs. Avec mes collègues nous          Le réseau des agriculteurs biologiques de
consacrer leur semaine à la dénonciation,      soutenons un amendement pour l’interdic-          Bretagne soutient les apiculteurs dans leurs
pointant du doigt les produits chimiques de    tion des néonicotinoïdes. Tous, il est temps      difficultés et leur démarche et réaffirme sa
synthèses utilisés en agriculture et respon-   de prendre nos responsabilités. Aujourd’hui,      position pour l’interdiction des insecticides
sables de la mort de milliers de ruches et     engageons nous tous dans une réduction            néonicotinoïdes. Même si on savoure la vic-
colonies sur le territoire breton.             massive de l’utilisation des produits phyto-      toire du 27 avril dernier, avec le vote de l’UE
                                               sanitaires. ». La députée du Finistère a éga-     pour l’interdiction des 3 principaux « néo-
Les      politiques   publiques     locales,   lement publié une tribune sur son site Inter-     nics », le combat continue. Il faut veiller a
conscientes du problème, constatent les        net : « Depuis plusieurs années, on entend        ce que la loi soit appliquée et Il faut aller en
difficultés dans lesquelles se trouvent les    ici ou là, avec insistance, que nos abeilles se   plus loin en interdisant tous les « néonics »,
apiculteurs. Pierre Guitton, le maire de la    meurent. Un nouveau cap vient tristement          notamment les nouveaux de type sulfoxa-
commune de Saint-Meen Le Grand, affirme        d’être franchi puisqu’en Bretagne, au sortir      flor.
au passage du convoi avoir perdu 5 des 6       de l’hiver, c’est plus de 30% de la popula-
ruches pédagogiques implantées à l’auto-       tion d’abeilles qui a d’ores et déjà disparu.     *Fédération Française des Apiculteurs Pro-
nome 2017.                                     […] Il est évident que certaines substances       fessionnels

                                                                                                                symbiose | Juin 2018       13
Les abeiLLes se font péter La ruche - Apiculture - Agrobio Bretagne
LE dossier du mois
                                                                Élevage des abeilles en bio
         Comment ça marche?
                                                  L’apiculture est un domaine très particulier, et le développement de cette filière en bio
                                               est conditionnée par le développement des surfaces agricoles bio en général (mellifères
                                              et pollinifères de préférence). Le choix de l’emplacement des ruchers constitue la base de
                                                                                                              l’élevage des abeilles en bio.

Emplacements des ruchers                                                L’achat d’essaims et de reines. Les essaims et reines doivent en
                                                                        principe être achetés en bio. Cependant, il est très difficile au-
Le cahier des charges bio repose sur 2 principes.                       jourd’hui d’en trouver en France et déconseillé d’en acheter plus
                                                                        loin. Il est possible de convertir un essaim conventionnel en res-
Premièrement, les abeilles doivent butiner essentiellement sur          pectant le cahier des charges bio pendant 1 an. Le renouvellement
des cultures bio, de flore spontanée ou de cultures « peu trai-         en colonies non bio est limité à 10% de son cheptel. Les essaims
tés ». Concrètement, il s’agit de veiller à ce que, dans un rayon       « sauvages » devront respecter une période de conversion d’un
de 3 km autour du rucher, plus de 50 % des plantes mellifères et        an, exceptés ceux récupérés à proximité immédiate des ruches
pollinifères en floraison soient bio ou constituées de flore spon-      bio (qui seront considérés comme bio). Enfin, une dérogation est
tanée ou de surfaces agricoles « peu traitées ». Sont considérées       possible en cas de mortalité importante, comme cette année par
comme « peu traitées », même si elles ne sont pas certifiées bio,       exemple…
les prairies, les forêts, les jachères, les zones humides, landes,
etc. Ce principe ne s’applique ni pendant l’hivernage, ni quand les     L’achat des essaims et reines pour l’élevage doit prendre en
plantes ne sont pas en floraison. Ce principe guide la rédaction        compte un critère essentiel : l’hygiène. Le test du couvain congelé
d’un cahier de butinage, obligatoire dans le cadre de la certifi-       permet de déterminer différents niveaux d’hygiène : le principe
cation bio. Chaque déplacement de rucher doit y être enregistré.        est de prélever une partie de couvain, le congeler, le replacer sur
                                                                        le cadre et mesurer la vitesse de nettoyage de ce couvain.
Deuxièmement, les ruchers doivent être suffisamment éloignés
des sources susceptibles de contaminer les produits de l’apicul-        Au vu de la faible disponibilité en essaims certifiés, les apiculteurs
ture ou de nuire à la santé des abeilles : zones urbaines, indus-       bio français sont près de 70% a pratiquer l’auto-renouvellement.
trielles, etc.
                                                                        Les ruches
Il est possible de positionner les ruchers ponctuellement sur des
cultures ou vergers conventionnelles, dans le cadre de presta-          Tous les types de ruches sont autorisés en bio. Les ruches Dadant
tion de pollinisation par exemple. Ces déplacements doivent être        et Langstroth sont les plus utilisés (comme en conventionnel). Les
enregistrés et les miellées associées seront déclassées. Elles ne       matériaux utilisés pour les ruches doivent être en bois naturel
pourront ni être vendues en bio, ni être utilisées pour nourrir les     non traité. Certains éléments de la ruche peuvent être en plas-
colonies. Si cette pratique est autorisée et intéressante, elle n’est   tique (matériel d’élevage, nourrisseur, plancher) mais le corps, les
pas sans risques. Elle nécessite une relation de confiance avec         hausses et les cadres doivent être en vois naturel. Les peintures à
l’agriculteur conventionnel, qui devra respecter scrupuleusement        pigment aluminium (ex : Thermopeint) peuvent être utilisées pour
la réglementation. Les insecticides néonicotinoïdes utilisés sur le     peindre l’extérieur de la ruche, tout comme l’huile de lin, l’essence
colza notamment, ont la particularité d’être présent dans le pollen     de térébentine et les peintures ou lasures à base d’eau (peinture
et le nectar des végétaux traités. Ces substances vont être ainsi       suédoise facile à fabriquer : farine de blé, eau, huile de lin, ocre,
consommées par les abeilles pendant leurs vols, mais également          sulfate de fer et savon noir).
par toute la colonie au sein de la ruche. Ces substance, d’une ré-
manence exceptionnelle, déciment les colonies d’abeilles depuis         La cire utilisable en agriculture bio
plus de 20 ans.
                                                                        La cire ne peut pas être certifiée bio puisqu’elle n’est pas considé-
Le cheptel bio                                                          rée comme un produit agricole mais comme un intrant. Elle doit
                                                                        cependant provenir d’une structure certifiée bio. Il y a aujourd’hui
Les races. Même si toutes les races d’abeilles peuvent être éle-        de grandes difficultés pour s’approvisionner en cire bio, et la tra-
vées en bio, Apis mellifera et ses écotypes locaux restent les plus     çabilité de ces produits n’est pas très aisé. Une dérogation peut-
utilisées et considérées comme étant les plus adaptées naturelle-       être demandée en cas de non disponibilité de cire bio sur le mar-
ment à leur environnement. C’est un des principes de l’agriculture      ché, pour pouvoir acheter de la cire conventionnelle d’opercule
biologique, favoriser la rusticité, la résilience des systèmes. On      uniquement, non-contaminée par des substances interdites en
cherche donc des abeilles résistantes aux maladies, qui ne sont         agriculture biologique (analyse multi-résidus et d’adultération). Il
pas ultra-spécialisées pour le miel (nous avons besoin de cire bio),    faut faire très attention aux cires que l’on achète (risque de conta-
pour respecter au maximum les cycles naturels.                          mination important), et privilégier au maximum l’autonomie en

 14   symbiose | Juin 2018
L’apiculture bio en Bretagne
cire. La qualité de la cire a un rôle central pour la santé des colo-
nies et elle peut-être analysée par l’organisme certificateur.              On dénombrait environ 2000 ruches certifiées bio en Bretagne,
                                                                            fin 2016. Cela représente moins de 2% du cheptel bio français.
                                                                            La demande en miel en bio et local est aujourd’hui très forte,
Soigner ses abeilles                                                        il y a une vraie opportunité à développer des ateliers apicoles
                                                                            en Bretagne.
Le nourissement de ses ruches. Le cahier des charges de l’agricul-
ture biologique met en avant l’importance de « respecter le com-            A l’initiative de plusieurs adhérents porteurs de projet no-
                                                                            tamment, nous vous proposons pour cet hiver une formation
portement naturel de l’abeille », en évitant donc l’alimentation en
                                                                            régionale d’initiation à l’apiculture biologique, ainsi qu’une
sucre de ses colonies. Cependant, il est parfois nécessaire de com-         formation sur la gestion du Varroa.
penser les ressources alimentaires naturelles limitées. Le nourris-
sage des colonies n’est autorisé que lorsque la survie de la ruche          Pour plus d’informations et pour vous inscrire, vous pouvez
est menacée (conditions climatiques particulières) et l’apiculteur          contacter Damien, référent apiculture, au 02 98 25 16 76 ou
                                                                            d.deiss@agrobio-bretagne.org
bio doit veiller à laisser suffisamment de miel et de pollen dans
les ruches pendant les périodes d’hivernage. Les apports de pro-
téines sont interdits, seul le sucre bio est portable.
                                                                                         Un Guide édité par la FNAB
Les maladies et parasites. En bio, encore plus qu’en convention-
                                                                                              Un guide technique « Produire bio en apicul-
nel, la lutte contre les maladies et parasites passe avant tout par                           ture » d’une centaine de page, publié par la
une bonne hygiène et des mesures préventives.                                                 FNAB vient de sortir, pour vous le procurer,
                                                                                              vous pouvez contacter Damien, référent api-
La gestion du Varroa est une des principales difficultés à gérer                              culture, au 02 98 25 16 76 ou d.deiss@agro-
pour l’apiculteur bio. Les traitement les plus répandus en conven-                            bio-bretagne.org
tionnel ne sont pas autorisés en bio, il existe des méthodes parti-
culières combinant prévention et traitements curatifs.

Les principales maladies des abeilles
    Catégorie            Exemples              Prévalence                 Gravité                                Solutions
                                           Largement répandu                                ff Pas de traitement homologué
 Virus              DWV, SBP, CBPV, ABPV   (existence de ruches    Modéré à important       ff Le parasite Varroa favorise l’infestation par
                                           « porteuses saines »)                               certains virus
                                           Répandu, sous forme
                    Loque européenne                               Modéré à important       ff Prophylaxie et utilisation d’abeilles hygiéniques
                                           de spores.
                                                                                            ff Déclaration obligatoire
 Bactéries                                                                                  ff Transvasement/destruction de la colonie ; désin-
                                           Répandu, sous forme     Virulents et
                    Loque américaine                                                           fection du matériel
                                           de spores.              contagieux
                                                                                            ff Antibiotiques interdits
                                                                                            ff Prophylaxie et utilisation d’abeilles hygiéniques

                    Ascosphérose                                                            ff   Considérées comme des maladies opportunistes
                                           Toutes trois large-
                                                                                            ff   Antibiotiques interdits
 Mycoses                                   ment répandues
                    Noséma apis                                    Modéré à virulent        ff   Huile essentielle de sarriette des montagnes
 (champignons)                             (existence de ruches
                                                                                            ff   et utilisation d’abeilles hygiéniques
                    Noséma ceranae         « porteuses saines »)
                                                                                            ff   Changement des reines sensibles
                                           Répartition actuelle
                    Acarapis woodi                                 Modéré à important       ff Pas de cas répertorié en France
                                           inconnue

 Acariens                                                                                   ff Lutte annuelle indispensable à l’aide de médi-
 parasitaires                                                                                  caments homologués (avec autorisation de mise
                    Varroa destructor      Largement répandu       Très virulent               sur le marché)
                                                                                            ff Suivi des chutes naturelles
                                                                                            ff Luttes bio-mécaniques
                                                                                            ff Gestion des colonies (ruches fortes, cadres
                                                                   Touche les colonies         neufs,...)
 Insectes           Fausse teigne          Largement répandu
                                                                   faibles et le matériel   ff Traitement du matériel entreposé (acide acé-
                                                                                               tique)

                    Mouche, frelon,                                Faible incidence         ff Mesures de lutte limitées
                                           Largement répandu
                    guêpe, araignée                                Problème gérable         ff Emplacement des ruchers

                                                                                            ff Piégeage, uniquement lorsque leur présence est
                                                                   Grosse incidence en
 Prédateurs                                                                                    constatée au rucher
                    Frelon asiatique       Largement répandu       particulier sur les
                                                                                            ff Réducteur d’entrées « frelons »
                                                                   ruches faibles
                                                                                            ff Destruction des nids
                                                                   En hiver, peut tuer
                    Souris, musaraigne     Largement répandu                                ff Réducteur d’entrées
                                                                   une colonie faible

                                                                                                                   symbiose | Juin 2018        15
Le dossier du mois
                                                                          Ancien menuisier-charpentier en éco-
                                                                        construction, Sylvain Koeller a choisi de
                                                                         s’orienter vers l’apiculture et la culture
                                                                        de PPAM, en biodynamie. Il sera officiel-
                                                                       lement agriculteur dans un an, mais il se
                                                                      teste déjà depuis 3 ans, ce qui lui permet
                                                                           déjà d’appréhender l’avenir avec une
                                                                                               forme de sérénité.

                                                                     « En 2015, j’ai suivi une formation apicole
                                                                     en biodynamie. Le formateur nous a dit : «
                                                                     si vous appelez les abeilles, elles viendront !
                                                                     ». Quelques jours plus tard, une grande
                                                                     quantité entraient dans ma maison par la
                                                                     cheminée, probablement des éclaireuses...
                                                                     Plus tard encore, lors d’une sieste, j’entends
                                                                     un sourd vrombissement et vois un essaim
                                                                     arriver et entrer dans la ruche « auberge »
                                                                     que j’avais installée contre le pignon de la
                                                                     maison suite à cette visite. ».

                                                                     En cours d’installation sur ce coteau caillou-
                                                                     teux des Montagnes noires, à Laz, Sylvain
                                                                     Koeller a acheté sa première ruche il y a trois
                                                                     ans. Depuis, des essaims viennent régulière-

     Le miel et les
                                                                     ment chez lui et ils les récupèrent petit à pe-
                                                                     tit. Son projet d’installation, il le conçoit au-
                                                                     tour d’une délicate symbiose entre les PPAM
                                                                     (plantes à parfum, aromatiques et médici-

        abeilles                                                     nales) et l’apiculture. Ancien menuisier char-
                                                                     pentier en reconversion, il se teste depuis 3
                                                                     ans déjà. L’an dernier, il a acquis 3 hectares
                                                                     pour développer sa production de PPAM.
                                                                     Pour l’instant en formation BPREA à dis-
                                                                     tance, à Venours (à côté de Poitiers), il récolte
                                                                     déjà un peu de miel et des plantes qui sont
                             Laz                                     séchées afin de confectionner les tisanes
                                                                     qu’il commercialise en direct. « Je ne me vois
                          Finistère                                  pas apiculteur avec 400 ruches. Je prévois
                                                                     produire de petites quantités, pas plus de
                                                                     10-12 kilos de miel par ruche, et je vais diver-
                                                                     sifier au maximum les produits de la ruche
                                                                     et les plantes : le miel, la propolis, la cire,
                                                                     que je pourrais valoriser vus les problèmes
                                                                     actuels de qualité de cire. En visant petit, je
                                                                     ne pourrais avoir que de bonnes surprises si
                                                                     ça marche mieux », explique Sylvain.
                          Sylvain Koeller
                                                                     L’abeille, pas un animal domestique
                          Apiculture - PPAM
                          Installation :                             Il devrait à terme avoir une centaines de
                1er juin 2019 - Porteur de projet                    ruches. Bien qu’il ne soit pas encore installé,
                                                                     Sylvain se teste donc chez lui, mais aussi à
                                                                     travers des stages. Il travaille en biodynamie
                                                                     depuis trois ans. Au risque de faire « hurler
                                                                     certains », comme il dit, il n’utilise aucun
                                         Commercialisation           produit de traitement, même utilisés en
                                                                     bio : acide formique ou acide oxalique. Il se
                                                                     contente de tisanes de plantes et de soins
                                              Vente directe :
            1 UTH                                                    homéopathiques.
                                              magasin de
                                              producteurs, vente à   Pour lui, la spécificité de l’abeille réside
                                              la ferme, marché       dans le fait que ce n’est pas un animal do-
             SAU
16   symbiose |4 ha2018
               Juin
mestiqué. « Contrairement à un troupeau               Une année d’abeille                                   de miel, mais j’y vois le côté indispensable
de bovins, on ne va pas pouvoir maîtriser,                                                                  pour participer à la survie de l’abeille. »
avec plein de guillemets, l’alimentation et           L’année de l’apiculteur démarre à l’au-
l’environnement de l’animal », remarque Syl-          tomne. C’est à ce moment là qu’il va préparer      Un essaimage peut par exemple permettre
vain. Pour pouvoir certifier son miel en bio,         ses colonies à passer l’hiver pour avoir des         de baisser fortement la pression du varroa,
il faut qu’il y ait plus de 50% de cultures en        abeilles robustes au printemps. «Je m’assure          cet acarien qui peut décimer des colonies
bio ou de zones sauvages, ou des prairies,            qu’elles ont assez de miel en ré- serve et leur      d’abeilles. Quand il se constitue en grappe,
ou de friches, dans un rayon de 3 kilomètres.         apporte les soins nécessaires. Si une colonie         l’essaim va mon- ter très vite en tempéra-
« Dans la région, c’est compliqué », estime           est faible, il y a différentes méthodes, soit       ture et va construire des nouvelles cires (son
l’apiculteur. C’est pourquoi il faut bien po-         je la réunis avec une autre colonie, soit je la      squelette). Cette forte montée en tempéra-
sitionner ses ruchers. Sans faire de concur-          laisse comme telle : il y a parfois quelques          ture n’est pas favorable au varroa, qui va ain-
rence à ses collègues, il a trouvé des accords        belles surprises malgré tout l’année suivante.        si plus facilement se détacher des abeilles.
avec des éleveurs voisins pour installer des          La reine interrompt sa ponte à l’automne.             Et Sylvain de renchérir : « C’est aussi l’ab-
ruches.                                               À sa reprise, vers fin janvier, je m’assure           sence de couvain pendant plusieurs jours,
                                                      qu’elles aient toujours assez de réserves. Les        qui contient les futures générations de var-
Même si pour Sylvain on ne peut garantir             abeilles consomment alors beaucoup plus et            roa, qui permettra cette forte baisse. Il pa-
à 100% un miel sans résidu de pesticides,           les floraisons ne démarreront que quelques            raît que l’essaimage permet aussi à la vieille
il s’emploie à mettre toutes les chances             semaines plus tard. Je leur donne du miel en          reine qui a quitté sa colonie avec la moitié
de son côté. Par exemple, il ne fait pas de         complément si nécessaire »                          des abeilles environ, de retrouver comme
récolte de printemps. « Aux alentours de                                                                   une second jeunesse dans sa ponte. La créa-
la ferme, il y a certaines années du colza            A partir d’avril, Sylvain peut commencer à           tion d’un essaim artificiel revient pour moi à
conventionnel. Je veux éviter d’avoir du miel        revisiter les ruches et reprendre les activités      mettre un coup de scalpel dans une colonie.
issu de ces fleurs là. Je fais en sorte de pla-      d’élevage : divisions, cueillettes d’essaims.        Autant donc l’éviter au maximum ! »
cer les hausses pour la miellée d’été, princi-        « Selon les années on peut imaginer des
palement pour la floraison des plantes sau-           récoltes de miel au printemps. J’ai choisi de        On revient encore à la rusticité des abeilles.
vages. Et je place les ruchers sur des fermes         ne pas en faire pour favoriser au maximum le          Concernant le varroa, Sylvain nous ex-
bio, avec un environnement immédiat                  développement des colonies, surtout cette             plique que certaines abeilles savent le
sain ». A terme, Sylvain aimerait pour para-          année. Je choisis de faire une récolte en été,    repérer, s’épouiller et s’en débarrasser
chever la diversification également cultiver         une par an. Si l’année est exceptionnelle,           naturelle- ment. « Si l’abeille n’est pas
un peu de céréales et de plantes mellifères,       pourquoi pas une récolte de printemps,               adaptée, si elle ne sait pas s’épouiller et
comme le sarrasin.                                    mais ce n’est pas la base de mon système »,          détecter puis supprimer ces acariens pré-
                                                      répète Sylvain.                                     sents dans le couvain, il prend le dessus ».
Comme pour d’autres types d’élevage, l’api-                                                                De par son passé de menuisier, Sylvain
culteur en devenir considère qu’on peut              L’essaimage plutôt que la division                    construit ses ruches. Il a construit une ruche
avoir une approche intensive ou extensive.                                                                  dite kenyanne, en forme de berceau (donc
Lui penche pour le modèle extensif. « Dans           Il observe beaucoup, patiemment, méti-               horizontale et non verticale), sur la- quelle il
certaines régions de grandes cultures, ils           culeusement. Il constate d’ailleurs que les           fait des comptages varroa. « Elle n’en a pas,
peuvent produire le double de quantité               abeilles sont globalement affaiblies. Les             en tout cas pas suffisamment pour qu’il y ait
par ruche, mais ils vont aussi avoir des gros         reines, dans un élevage classique, sont               des chutes naturelles visibles au fond de la
trous entre chaque miellée, car entre deux           facilement remplacées au bout de deux-               ruche », observe-t-il. Il fait également part
cultures, les abeilles n’ont rien à manger,          trois ans voire parfois chaque année, alors           des recherches qui commencent à mettre
ce qui peut les fragiliser et oblige à les bi-        qu’elles peuvent en vivre cinq. « Les colo-           en évidence l’adaptation d’abeilles capables
beronner au sirop de sucre. Ici, c’est moins          nies essaiment désormais parfois chaque               de détecter le varroa dans les cellules du
marqué », remarque Sylvain. Dans ce coin de          année, ce qui est difficilement acceptable            couvain et à retirer les larves infestées. «
Finistère, plutôt froid et humides, il faut des     pour l’apiculteur qui recherche une produc-           D’elles même, les abeilles peuvent avoir un
abeilles adaptées au terroir. En Bretagne, il        tion de miel. Or, ce processus d’essaimage            comportement sanitaire sain, surtout si on le
y a l’abeille noire, dont il existe un conser-        est notamment ce qui permet à la colonie              leur permet : richesse et grande diversité de
vatoire à Ouessant, qui semble particulière-        de se régénérer : diminution de la pression           la ressource en pollen et nectar, qualité de
ment adaptée au climat breton.                       de parasites, cire neuve... L’équilibre est donc      l’eau, pas de produits phyto sur les cultures,
                                                      subtil à trouver.»                                    bref, un environnement et des pratiques api-
Sylvain estime élever majoritairement de                                                                    coles sains. »
la type « noire », mais qui s’est croisé avec        L’essaimage reste pour Sylvain un processus
d’autres abeilles indigènes. Néanmoins, ce          naturel, qu’il ne veut pas essayer d’empê-           Sylvain est conscient que son système se
qui l’intéresse au-delà de ça, c’est d’avoir une   cher coûte que coûte. « Mon but, ça va être         base sur un début de pratique et qu’il est
abeille bien acclimatée à sa ferme, capable         d’accompagner le processus d’essaimage                facile à envisager sans avoir pour l’instant
de passer des hivers qui peuvent être longs          pour garder les essaims et bénéficier du pro-         la pression financière. Mais il va son rythme,
et humides, comme l’hiver passé. « Ce que            cessus naturel de régénération qui va avec.        petit à petit. Que va piano va sano comme
je retiens, c’est que les abeilles s’adaptent         J’aimerais avoir des ruches de production et          on dit.
au fur et à mesure des générations, et c’est       des ruches pourvoyeuses d’essaims. Après
ce qui m’intéresse, étant don- né que je sou-      qu’un essaim ait quitté sa ruche d’origine, il
haite apporter le moins d’intrants possibles.         est très vite productif une fois dans son nou-                                    Antoine Besnard,
Par exemple, la Buckfast, la prim’hosltein des        veau logis ; il a une sacrée patate ! L’équilibre                    Rédacteur en chef Symbiose
abeilles, je ne suis pas sûr qu’elle tienne le       est difficile à trouver parce qu’en fonction-
coup ici sans intrants. »                             nant comme ça, on a moins de production

                                                                                                                           symbiose | Juin 2018       17
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