Les accords de Minsk ébranlés : les Bayraktars turcs permettront-ils de vaincre le Donbass ?

La page est créée Marie-christine Marques
 
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Les accords de Minsk ébranlés
:   les   Bayraktars    turcs
permettront-ils de vaincre le
Donbass ?
par Dmitri Litovkine.

L’observateur militaire, Dmitri Litovkine, analyse les
éventuelles répercussions que l’utilisation par l’Ukraine de
drones turcs Bayraktars pourrait avoir concernant le conflit
dans le Donbass.

Les Bayraktars changent-ils la donne dans le Donbass ?
L’Ukraine est prête à faire subir à la Russie un « bain de
sang » en cas d’attaque. Igor Romanenko, lieutenant général et
ancien chef adjoint de l’état-major général des forces armées
ukrainiennes, l’a écrit avec assurance dans un article pour
Glavred. Selon lui, les dirigeants militaires et politiques
russes se préparent à frapper le pays. « Bien sûr, ils s’y
préparent, mais si Poutine déclenche une guerre, il aura un
« bain de sang » en Ukraine et cela ne se terminera pas par la
capture de territoires », a prévenu Romanenko.

Il a ajouté que si des hostilités éclataient, l’Ukraine ne
pourrait compter que sur ses propres forces et sur l’aide des
États-Unis. « Mais comme Merkel se retire en Allemagne et que
Macron se prépare aux élections en France, tous les espoirs
reposent sur les Américains et nous-mêmes », a-t-il ajouté et
il a appelé à introduire la loi martiale en Ukraine à
l’avance, sans attendre le début des événements.

Les combats de 2014 n’ont non seulement pas apporté de succès
à Kiev, mais n’ont pas non plus réussi à la dégriser.
Apparemment, le nouveau président, Volodymyr Zelensky, est
resté fidèle à la précédente stratégie – la guerre jusqu’à la
victoire. Lors du forum YES Brainstorming, Zelensky a déclaré
sans ambages, en réponse à une question du modérateur de la
discussion sur la possibilité d’une guerre totale avec la
Russie : « Je pense, peut-être ». Et aujourd’hui, cela
s’explique par le fait que les « occupants » russes ont
augmenté les prix du gaz, que les régions rebelles ne livrent
plus de charbon à la métropole – le pays est au bord d’un
effondrement énergétique face à l’hiver qui approche.

Fin octobre, les forces armées ukrainiennes ont utilisé pour
la première fois dans le Donbass un des drones de frappe
Bayraktars TB2 achetés à la Turquie. Sans pénétrer dans
l’espace aérien de la République autoproclamée de Donetsk, le
drone a tiré une munition guidée à une distance de huit
kilomètres de la zone de démarcation, qui a touché avec succès
une position d’artillerie des combattants de la RPD. Une vidéo
de ce triomphe a immédiatement été publiée sur Internet. Les
médias ukrainiens ont annoncé triomphalement qu’une arme
permettant une victoire inconditionnelle avait enfin été
trouvée.

Mais il y a une nuance : Kiev s’est employé à nier l’incident
ou à assurer que « l’Ukraine n’a rien violé ». Mais de mon
point de vue, avec une seule bombe, Valery Zaloujny,
commandant des forces armées, a fait sauter non seulement un
canon, mais aussi l’ensemble des accords de Minsk visant à
résoudre le conflit du Donbass.

Moscou avait précédemment averti Ankara que la fourniture de
telles armes n’était pas propice à la résolution de la
situation en Ukraine. Le président russe Vladimir Poutine
s’est entretenu avec son homologue turc Recep Tayyip Erdogan à
Sotchi le 29 septembre au sujet de l’escalade potentielle du
conflit dans l’est de l’Ukraine due au fait que Kiev a reçu de
nouvelles armes.

« Notre position selon laquelle le transfert de tels systèmes
d’armes à l’Ukraine est lourd de conséquences, car ils peuvent
être utilisés par les forces armées ukrainiennes contre leur
propre peuple, est bien connue, y compris en Turquie », a
déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

L’incident impliquant l’utilisation d’un drone turc dans le
Donbass a également trouvé un écho à Ankara. Le ministre turc
des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, lors de l’émission
« Moscou. Kremlin. Poutine » a déclaré que « lorsqu’un pays
achète une arme de défense à nous ou à un autre pays, elle
cesse d’être turque, russe ou ukrainienne. C’est-à-dire que
dès qu’ils nous achètent des armes, elles cessent d’être
turques. Bien qu’elle ait été produite en Turquie, elle
appartient désormais à l’Ukraine. »

Tonnerre de la victoire
Le drone de reconnaissance Bayraktar TB2 est en effet une arme
moderne et très dangereuse. En termes de rapport poids/charge
utile, il est parfait. Le drone peut lancer simultanément
jusqu’à quatre missiles antichars à guidage laser UMTAS ou des
bombes aériennes de précision Roketsan MAM-C, MAM-L. En outre,
le drone peut rester en l’air pendant 12 à 24 heures sans être
rechargé et peut atteindre des cibles situées jusqu’à huit
kilomètres de distance.

En 2022, selon le directeur technique de Baykar Makina, Selcuk
Bayraktar, une version radicalement remaniée du Porte-bannière
(traduction depuis la langue turque), indexée TB3, prendra
l’air. Il sera spécialement adapté pour être basé sur le TCG
Anadolu, le futur navire amiral de la marine turque, qui
pourra transporter jusqu’à 50 drones ainsi que d’autres
équipements d’aviation.

L’euphorie de la partie ukrainienne au sujet de son nouvel
armement est compréhensible. L’efficacité du système a été
clairement démontrée par l’armée turque pendant les conflits
en Libye, en Syrie et la récente guerre en Transcaucasie. Dans
le livre « Tempête dans le Caucase », le chef du centre AST
Rouslan Poukhov et l’ancien chef d’état-major général Iouri
Balouevski notent que l’utilisation massive de drones a permis
à Bakou d’obtenir rapidement « la suprématie aérienne et
d’utiliser activement des drones de frappe, notamment les
drones turcs Bayraktars TB2 devenus célèbres après cette
guerre ». Les auteurs soulignent que les moyens de défense
anti-aériens arméniens étaient tout simplement incapables de
leur résister. Selon le CAST, rien qu’au premier jour des
hostilités, le 27 septembre, les Azerbaïdjanais ont réussi à
détruire jusqu’à 60 % des défenses anti-aériennes et jusqu’à
40 % de l’artillerie des forces d’autodéfense du Karabakh.

Kiev a reçu le premier lot de six drones et trois stations de
contrôle des forces armées ukrainiennes dès 2019 – le contrat
était estimé à 69 millions de dollars. En septembre 2021,
l’Ukraine et la Turquie ont signé un contrat pour la livraison
de 48 drones supplémentaires. Aujourd’hui, comme l’a déclaré
l’ambassadeur ukrainien en Turquie, Vassily Bodnar, « Kiev est
déjà en train de négocier avec Ankara l’ouverture d’une usine
où seront assemblés les drones Bayraktars TB2 ». Et, comme l’a
noté le diplomate, il est prévu non pas un simple assemblage,
mais un cycle de production complet à partir de zéro.

Le postulat est plus que substantiel. L’achat de systèmes de
missiles sol-air S-400 Triumph à la Russie a provoqué un
refroidissement des relations entre la Turquie et les États-
Unis. Washington n’a pas toléré les libertés de son satellite
et a imposé des sanctions économiques à Ankara. En
conséquence, même l’achat de chasseurs avancés de cinquième
génération F-35 aux États-Unis a été annulé – ils ont tout
simplement refusé de les livrer, et ce malgré le fait
qu’Ankara avait déjà payé 1,4 milliard de dollars à
l’entreprise américaine Lockheed Martin pour 116 appareils.

Pour la première fois dans l’histoire des relations militaro-
techniques, le président Recep Tayyip Erdoğan a exigé
publiquement que les États-Unis rendent l’argent ou livrent
les avions. Ni le président Donald Trump ni son successeur Joe
Biden n’ont commenté la situation, laissant Ankara seule avec
ses problèmes. Et ils sont arrivés à la vitesse de l’éclair –
le projet militaire le plus abouti du pays, le drone Bayraktar
TB2, est resté sans composants occidentaux. Il en est presque
entièrement constitué, à l’exception peut-être du fuselage.
Cela peut expliquer le développement rapide des programmes de
drones de la Turquie et son ascension dans le trio de tête
mondial de la production de drones aériens – derrière les
États-Unis et Israël.

Étourdis par le succès
Ainsi, l’interaction avec l’Ukraine sauve les ambitions de la
Turquie de promouvoir le Bayraktar TB2 et d’autres drones sans
pilote sur le marché mondial. Parmi les acheteurs figurent non
seulement l’Azerbaïdjan, le Qatar et l’Ukraine, mais aussi la
Hongrie, la Bulgarie, le Maroc, le Rwanda, l’Éthiopie et le
Kazakhstan, et les militaires somaliens sont également formés
au pilotage de drones. Le Kirghizstan, favorable à la Russie,
a également annoncé son achat (comme pour atténuer l’effet
négatif, Kamtchybek Tachiyev, président du Comité d’État pour
la sécurité nationale du pays, a déclaré que Bichkek prendra
également des drones légers russes Orlan-10E en plus des
drones turcs).

Dans le même temps, c’est l’Ukraine qui fournit actuellement
les moteurs d’une série de drones turcs. Et la nouvelle usine
près de Kiev permettra également d’augmenter la cadence de
production de ce produit prometteur, comme l’a indirectement
confirmé l’ambassadeur ukrainien Vassily Bodnar dans une
interview à Radio Liberty (reconnue en Russie comme un agent
étranger) : « Des travaux sont en cours pour attribuer un
terrain afin de commencer les travaux de fondation pour la
construction d’un centre de stockage et de réparation
(drones). Parallèlement, des travaux sont également en cours
pour établir des installations de production et fabriquer les
Bayraktars en Ukraine ».
Il ne fait aucun doute que ce programme sera mis en œuvre.
Malgré le caractère subventionné du pays, le budget militaire
de Kiev dépasse 6 % du PIB. À titre de comparaison, il est
d’un peu plus de 3 % en Russie et d’environ 2 % dans les pays
européens de l’OTAN. Le fait même de coopérer avec la Turquie
donne aux chefs de guerre comme Valery Zaloujny l’occasion de
« jouer aux soldats », en bluffant de manière flagrante et en
enflammant la situation dans le Donbass. Les experts admettent
que le « Porte-bannière » est bon, mais il est réservé de
manière évidente aux conflits militaires de moyenne intensité
et contre des armées qui ne disposent pas d’un système de
défense anti-aérien développé. En Libye et en Syrie, selon
certains rapports, une cinquantaine de ces drones ont été
détruits.

Les milices du Donbass ne disposent pas de systèmes de défense
anti-aériens avancés, comme l’a prouvé la partie ukrainienne
en lançant une munition guidée à l’aide d’un de ses Bayraktars
TB2 fin octobre (ce qui confirme peut-être aussi que le Boeing
malaisien – MH17 – de 2014 n’aurait pas pu être abattu par les
milices sans systèmes de défense anti-aériens appropriés).

Toutefois, en raison de l’effondrement du système de droit
international et des accords de non-prolifération des
technologies militaires, constamment promus par les États-
Unis, Donetsk et Lougansk pourraient bien acquérir non
seulement une défense anti-aérienne moderne, mais aussi des
capacités de frappe à longue portée. Nous parlons de systèmes
de missiles anti-aériens, de missiles de croisière et de
missiles opérationnels-tactiques. D’où viendront-ils ? La
Chine, l’Iran et la Corée du Nord, par exemple. C’est une
question d’argent. Comme dans le cas de l’Ukraine, qui est
réarmée aux frais des États-Unis, les pays « favorables » au
processus de démocratisation et d’autodétermination peuvent
également fournir des fonds aux républiques non reconnues.

source : https://tass.ru
traduit par Christelle Néant pour Donbass Insider

via https://www.donbass-insider.com
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