Les desseins de Disney - John K. Grande Vie des Arts - Érudit
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Document generated on 09/22/2021 10:38 p.m. Vie des Arts Les desseins de Disney John K. Grande Volume 41, Number 167, Summer 1997 URI: https://id.erudit.org/iderudit/53279ac See table of contents Publisher(s) La Société La Vie des Arts ISSN 0042-5435 (print) 1923-3183 (digital) Explore this journal Cite this article Grande, J. K. (1997). Les desseins de Disney. Vie des Arts, 41(167), 29–31. Tous droits réservés © La Société La Vie des Arts, 1997 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/
ES DESSEI llSNEY UJ I- -I < *ohn K. Grande Le château de Cendrillon maquette et dessins U ©Centre Canadien d'Architecture Photo ; Michel Legendre < Qui aurait jamais songé que l'espace principal d'exposition du Centre canadien d'architec- ture était structuré comme un parc thématique de Disney? Incroyable, n o n ? Et pourtant, le visiteur entre par une rue principale (comme dans tous les parcs de Disney q u ' i l s soient à Paris, à Tokyo, à Anaheim ou à Orlando), il passe par un centre autour duquel sont distribués les sous-thèmes du parc, en l'occurrence ceux de l'exposition L'architecture d u r é c o n f o r t : les parcs théma- tiques de Disney. Évidemment, Karal Ann Marling, com- missaire de l'exposition, a tiré parti de la similitude de la distribution des salles du CCA pour transposer, en miniature, un parc de Disney. Ainsi, autour de la Place centrale et au pied de l'inamovible château de conte de fée se répartissent les thèmes chers à Disney: Frontierland et Adventureland qui illustrent la triple relation humain-nature-culture; puis, Fantasyland soutenu par l'imagerie des films de Disneyfomorrowland balisé par les visions futuristes; de plus, une salle est consacrée aux Simulations (ré- pliques d'icônes architecturales célèbres que l'on trouve au Centre EPCOT: pour l'Italie, la Place Saint-Marc; pour le EXPOSITION Mexique, une pyramide dans la jungle; L'architecture du réconfort: les parcs pour Paris la tour Eiffel) ; une salle, enfin, thématiques de Disney sur l'architecture réelle, comporte des Centre canadien d'architecture rendus des hôtels effectivement construits 1920, rue Balle, Montréal et le projet non réalisé de ville industrielle. Jusqu'au 28 septembre 1997 VIE DES ARTS N 167 29
Ces mondes souvent de vraies pierres caractère factice est destiné à nous ras- Dès 1939, à l'époque de la Studebaker mais qui simulent le carton pâte à s'y surer, à nous protéger momentanément et du grille-pain électrique, Walt Disney méprendre, sont-ils tournés en dérision de la dure réalité. Or cette artificialité avait déjà imaginé un studio de 51 acres au CCA? Pas du tout. Quelle surprise de déborde les parcs et se prolonge, par à Burbank, en Californie. Ville idéale, constater que c'est au visiteur de faire exemple, dans les décors familiers des éloignée du miheu industriel environnant, preuve d'esprit critique ou de se laisser fast-foods. Les enfants en sont conscients, sa configuration aurait été linéaire et fasciner (ou réconforter) par les réaUsa- tout autant que les adultes, et l'attraction rationnelle avec ses axes baptisés Dopey tions disneyennes, ne serait-ce que sous tient, en majeure partie, à l'idée que tout Drive ou Mickey Avenue. Après la formes de reconstitutions inanimées ! cela a été conçu uniquement pour nous Deuxième Guerre Mondiale, Disney visite Quelque 350 pièces (plans, dessins, amuser. le Greenfield Village de Henry Ford dans peintures, maquettes des parcs et de leurs le Michigan; le site était composé d'une attractions, ainsi que de projets non réali- variété d'édifices historiques comme la sés) ouvrent au visiteur l'envers du décor, LA NOSTALGIE D'UN maison du chanteur noir Stephen Foster, les intentions, les méthodes de travail, les PARADIS PERDU le laboratoire de Thomas Edison, l'école stratégies de séduction des concepteurs Les défenseurs de Disneyland citent où le petit mouton de la célèbre comp- et des ingénieurs de l'imagination (les souvent le fait que Disney a créé un tine suivit Mary, et la ferme où Ford passa imagénieurs). La plupart des pièces sont monde qui n'existait pas avant qu'il l'ait sa jeunesse. En 1948, il se rendit à la présentées pour la première fois au public. conçu, et que c'est là, en soi, une inno- Chicago Railroad Fair, où l'on proposait A cet ensemble, s'ajoutent des photogra- vation suffisante. Certes. Mais pourquoi des «copies» de «pays» ou de villages: phies originales de Catherine Wagner. Il avoir choisi la fuite dans la consommation le quartier français de la Nouvelle- s'agit de clichés destinés à mettre en scène plutôt qu'une transformation sociale Orléans, un parc national avec un geyser les formes architecturales (paysages et intelligente de notre environnement et de mécanique, un village indien; un train édifices) des quatre parcs de Disney. Ces notre communauté « réels » ? J'avoue de foire reliait les attractions. Walt Disney images sans personnage ont la froideur avoir peu vu les films de Disney dans ma se mit à rêver d'un parc thématique sem- d'un monde déserté. jeunesse. Cependant s'ils sont restés blable. Mais sa foire à lui allait être Avec l'exposition L'architecture du gravés dans ma mémoire c'est qu'ils pourvue d'un décor magnifique, comme réconfort: les parc thématiques de proposaient une perception singulière de celui du Parc Tivoli de Copenhague, au Disney, le Centre canadien d'architecture la vie dans la nature ou de la vie urbaine. Danemark. Prudent, il consulta tout de propose à ses visiteurs de faire un tour L'artificialité des dessins animés était atti- même les directeurs de Coney Island et de derrière les écrans de la mythologie hol- rante justement parce qu'elle se distinguait la Philadephia Toboggan Company avant lywoodienne afin d'examiner le monde des artifices communs. Au non-espace du d'entammer les travaux d'aménagement. et les espaces réels conçus, construits cinéma (lieu de rêve) Disney à souhaité En 1954, après l'annonce officielle de et orchestrés par Walt Disney. Les parcs faire correspondre la réalité des non- la construction de Disneyland, le pubhc thématiques sont assimilables à de l'archi- espaces de ses foires d'amusements ignorait tout du projet. Il allait en suivre tecture phrénologique, en ce cas précis, « extra-ordinaires » pour captiver le cœur l'élaboration, semaine après semaine, au ils matérialisent les phantasmes d'un et stimuler l'imagination des enfants cours de l'émission télévisée de Disney: cinéaste d'animation devenu célèbre. Les américains de l'après-guerre au point de en l'occurrence une longue publicité crocodiles de papier-mâché, les arbres faire naître sur leurs lèvres des sourires pour son parc. Lorsque Disneyland ouvrit et les arbustes miniatures de Storybook de joie. Était-ce là, après la Dépression ses portes le 17 juillet 1955, les céré- Land, tout comme les répliques des et après la Guerre, une réponse à la nos- monies furent présentées en direct sur le maisons des Trois petits cochons, sont in- talgie d'un paradis oublié ou perdu ? Pas réseau ABC que, belle ironie, la compagnie dubitablement faux, mais justement leur tout à fait. Disney finit par acquérier en 1985. mmvmwwkxmm 6O0 BLK. 50UTH tLLV Main Street, 600 Block South Main Street USA, Disneyland, Anaheim, Californie, 1955 Aquarelle opaque sur diapose 30 VIE DES ARTS NM67 32 x 77 cm Walt Disney Imagineering Coltection ©Disney
Vue à vol d'oiseau de Disneyland préparée pour susciter d'éventuels investissements, 1953 Disneyland, Anaheim, Californie Mine de plomb sur papier 109 x 118 cm Herbert Ryman, illustrateur Walt Disney Imagineering CoUection ©Disney 5e L'architecture du réconfort: les V,' parcs thématiques de Disney est la quatrième exposition de la "7' ' jarw < 5 ^ série Le Siècle de l'Amérique que présente le Centre canadien d'architecture. Organisée par >c *^s Phyllis Lambert, directrice du CCA, cette série propose une observation critique de l'archi- tecture américaine et de ses influences. Vie des Arts a rendu compte des trois premières expositions: Scènes de la vie future: l'architecture européenne DES VALEURS DIGNES trouve aussi les simulations d'architecture et la tentation de l'Amérique, D'UN MUSÉE réelle réalisées par Disney: la Place 1893-1960{No 160); Frank Lloyd Depuis, le parc thématique originel de St-Marc à Venise et la Tour Eiffel. Wright: inventer un paysage Disney a eu ses clones. Leurs détracteurs «Architecture du monde réel» présente américain, 1922-1932 (No 163) et Frederick Law Olmsted en les fuient; les amateurs s'y engouffrent deux hôtels à thème - un contemporain perspective: photographies de inconditionnellement avec toute leur et un polynésien - les seules structures Robert Burley, Lee Friedlander famille. Après le second Disneyland conçues par Disney en collaboration avec et Geoffrey James (No 164). (Floride), ont suivi l'Eurodisney au sud de un architecte (Welton Becket). Une Paris, le Disneyland de Tokyo et le centre attention est aussi portée à un projet de Epcot en Floride. Disney jamais concrétisé, connu sous le UNE CONFORMITÉ L'élusive direction de Disney, connue nom de Projet X, soit le plan d'une vraie FAMILIÈRE ET aujourd'hui sous le nom de Imagineering, ville industrielle destinée à être érigée sur DÉRANGEANTE a longtemps entretenu une crainte à l'idée sa propriété de 28000 acres en Floride. Le Centre canadien d'architecture d'exposer les secrets de la conception Les innovations en matière d'élimination présente également une série de photos et de l'ingénierie de Disneyland, préférant des rebuts et de gestion du trafic urbain des différents sites Disney actuels. Il s'agit préserver le mystère afin de surprendre que contenaient le Projet X furent appli- de clichés pris par Catherine Wagner; et d'émerveiller le public. quées au Magic Kingdom et ailleurs dans pour la plupart, ils sont Umites aux seules Néanmoins, il reste, comme Marty les parcs de Walt Disney. Dès 1964, constructions. L'absence de gens donne Sklar, vice-président et directeur princi- l'écrivain de science-fiction Ray Bradbury à ces images l'allure de... décors de pal de la création chez Walt Disney défendait les simulacres de jungle et les dessins animés. Si ce sont là vraiment des Imagineering, l'a fait remarquer lors du crocodiles de plastique d'Adventureland non-espaces, alors ces designs, si 25 e anniversaire de Walt Disney World, et insistait sur le fait que Disney avait soigneusement réglés et réalisés pour que les parcs thématiqus ont rarement été déjà résolu la plupart des problèmes incorporer la circulation automobile et le considérés comme des sujets dignes de Los Angeles avec les innovations de divertissement ont de quoi nous laisser d'être exposés dans les musées tradionnels. Disneyland. Bradbury fut d'ailleurs pantois. On ne peut que s'interroger sur Ainsi revient au CCA le mérite d'avoir ultérieurement consulté par Imagineering la valeur de l'interaction sociale telle que le premier réussi à présenter publiquement pour la conception du Spaceship Earth la définit Disney, même fantastique, car il les plans de ces lieux de rêve. de la Géosphère d'EPCOT. s'en dégage une conformité à la fois fami- Disposée à la façon de Disneyland, lière et dérangeante. Ah ! Si seulement on l'exposition du Centre canadien d'archi- pouvait enregistrer les conversations des tecture présente les maquettes originales gens qui entrent, visitent et sortent de ces de Main Street USA et transpose le plan expériences désincarnées, quelle intéres- hub-and-weenie de Disneyland dans un sante étude sociale on aurait là! Et que décor muséologique. Nouvelle ironie: dire des conversations entre les acteurs l'architecture du réconfort se voit donc qui, chaque jour, se déguisent pour animer ainsi consacrée parmi les valeurs ap- les décors de leurs pantomimes!... D pelées à résister au temps. Sont exposés (traduit de l'anglais par Monique Crépault) quelque 350 objets recréés à partir des archives de Walt Disney Imagineering, maquettes des parcs Disney, des plans et croquis architecturaux futuristes. Le tout Le château de Cendrillon forme l'exposition la plus colorée du CCA. Fantasyland. Tokyo Disneyland, 1980 Aquarelle, peinture métallique, plume et encre, mine de plomb La partie la plus intéressante est la section et crayon de couleur sur bleu monté sur carton 81,8 x 53,4 cm Fantasyland, où est examinée l'archi- Miyuki, illustrateur tecture même des dessins animés. On y Walt Disney Imagineering Collection OOisney VIE DES ARTS N"167 31
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