Les desseins de Disney - John K. Grande Vie des Arts - Érudit

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Les desseins de Disney - John K. Grande Vie des Arts - Érudit
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Vie des Arts

Les desseins de Disney
John K. Grande

Volume 41, Number 167, Summer 1997

URI: https://id.erudit.org/iderudit/53279ac

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Publisher(s)
La Société La Vie des Arts

ISSN
0042-5435 (print)
1923-3183 (digital)

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Grande, J. K. (1997). Les desseins de Disney. Vie des Arts, 41(167), 29–31.

Tous droits réservés © La Société La Vie des Arts, 1997                       This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit
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Les desseins de Disney - John K. Grande Vie des Arts - Érudit
ES DESSEI
                                           llSNEY                                                          UJ
                                                                                                           I-
                                                                                                           -I
                                                                                                           <
                                   *ohn K. Grande
 Le château de Cendrillon
 maquette et dessins
                                                                                                           U
 ©Centre Canadien d'Architecture
 Photo ; Michel Legendre
                                                                                                           <

                                                    Qui aurait jamais songé que
                                                    l'espace principal d'exposition
                                                    du Centre canadien d'architec-
                                                    ture était structuré comme un
                                                    parc thématique de Disney?
                                                    Incroyable, n o n ? Et pourtant,
                                                    le visiteur entre par une rue
                                                    principale (comme dans tous
                                                    les parcs de Disney q u ' i l s
                                                    soient à Paris, à Tokyo, à
                                                    Anaheim ou à Orlando), il passe
                                                    par un centre autour duquel
                                                    sont distribués les sous-thèmes
                                                    du parc, en l'occurrence ceux
                                                    de l'exposition L'architecture
                                                    d u r é c o n f o r t : les parcs théma-
                                                    tiques de Disney.

                                                        Évidemment, Karal Ann Marling, com-
                                                    missaire de l'exposition, a tiré parti de la
                                                    similitude de la distribution des salles du
                                                    CCA pour transposer, en miniature, un
                                                    parc de Disney. Ainsi, autour de la Place
                                                    centrale et au pied de l'inamovible
                                                    château de conte de fée se répartissent les
                                                    thèmes chers à Disney: Frontierland
                                                    et Adventureland qui illustrent la triple
                                                    relation humain-nature-culture; puis,
                                                    Fantasyland soutenu par l'imagerie des
                                                    films de Disneyfomorrowland balisé
                                                    par les visions futuristes; de plus, une
                                                    salle est consacrée aux Simulations (ré-
                                                    pliques d'icônes architecturales célèbres
                                                    que l'on trouve au Centre EPCOT: pour
                                                    l'Italie, la Place Saint-Marc; pour le
 EXPOSITION                                         Mexique, une pyramide dans la jungle;
 L'architecture du réconfort: les parcs             pour Paris la tour Eiffel) ; une salle, enfin,
 thématiques de Disney                              sur l'architecture réelle, comporte des
 Centre canadien d'architecture                     rendus des hôtels effectivement construits
 1920, rue Balle, Montréal                          et le projet non réalisé de ville industrielle.
 Jusqu'au 28 septembre 1997

                                                                                 VIE DES ARTS N 167   29
Les desseins de Disney - John K. Grande Vie des Arts - Érudit
Ces mondes souvent de vraies pierres       caractère factice est destiné à nous ras-              Dès 1939, à l'époque de la Studebaker
     mais qui simulent le carton pâte à s'y         surer, à nous protéger momentanément               et du grille-pain électrique, Walt Disney
     méprendre, sont-ils tournés en dérision        de la dure réalité. Or cette artificialité         avait déjà imaginé un studio de 51 acres
     au CCA? Pas du tout. Quelle surprise de        déborde les parcs et se prolonge, par              à Burbank, en Californie. Ville idéale,
     constater que c'est au visiteur de faire       exemple, dans les décors familiers des             éloignée du miheu industriel environnant,
     preuve d'esprit critique ou de se laisser      fast-foods. Les enfants en sont conscients,        sa configuration aurait été linéaire et
     fasciner (ou réconforter) par les réaUsa-      tout autant que les adultes, et l'attraction       rationnelle avec ses axes baptisés Dopey
     tions disneyennes, ne serait-ce que sous       tient, en majeure partie, à l'idée que tout        Drive ou Mickey Avenue. Après la
     formes de reconstitutions inanimées !          cela a été conçu uniquement pour nous              Deuxième Guerre Mondiale, Disney visite
         Quelque 350 pièces (plans, dessins,        amuser.                                            le Greenfield Village de Henry Ford dans
     peintures, maquettes des parcs et de leurs                                                        le Michigan; le site était composé d'une
     attractions, ainsi que de projets non réali-                                                      variété d'édifices historiques comme la
     sés) ouvrent au visiteur l'envers du décor,       LA NOSTALGIE D'UN                               maison du chanteur noir Stephen Foster,
     les intentions, les méthodes de travail, les      PARADIS PERDU                                   le laboratoire de Thomas Edison, l'école
     stratégies de séduction des concepteurs            Les défenseurs de Disneyland citent            où le petit mouton de la célèbre comp-
     et des ingénieurs de l'imagination (les        souvent le fait que Disney a créé un               tine suivit Mary, et la ferme où Ford passa
     imagénieurs). La plupart des pièces sont       monde qui n'existait pas avant qu'il l'ait         sa jeunesse. En 1948, il se rendit à la
     présentées pour la première fois au public.    conçu, et que c'est là, en soi, une inno-          Chicago Railroad Fair, où l'on proposait
     A cet ensemble, s'ajoutent des photogra-       vation suffisante. Certes. Mais pourquoi           des «copies» de «pays» ou de villages:
     phies originales de Catherine Wagner. Il       avoir choisi la fuite dans la consommation         le quartier français de la Nouvelle-
     s'agit de clichés destinés à mettre en scène   plutôt qu'une transformation sociale               Orléans, un parc national avec un geyser
     les formes architecturales (paysages et        intelligente de notre environnement et de          mécanique, un village indien; un train
     édifices) des quatre parcs de Disney. Ces      notre communauté « réels » ? J'avoue               de foire reliait les attractions. Walt Disney
     images sans personnage ont la froideur         avoir peu vu les films de Disney dans ma           se mit à rêver d'un parc thématique sem-
     d'un monde déserté.                            jeunesse. Cependant s'ils sont restés              blable. Mais sa foire à lui allait être
         Avec l'exposition L'architecture du        gravés dans ma mémoire c'est qu'ils                pourvue d'un décor magnifique, comme
     réconfort: les parc thématiques de             proposaient une perception singulière de           celui du Parc Tivoli de Copenhague, au
     Disney, le Centre canadien d'architecture      la vie dans la nature ou de la vie urbaine.        Danemark. Prudent, il consulta tout de
     propose à ses visiteurs de faire un tour       L'artificialité des dessins animés était atti-     même les directeurs de Coney Island et de
     derrière les écrans de la mythologie hol-      rante justement parce qu'elle se distinguait       la Philadephia Toboggan Company avant
     lywoodienne afin d'examiner le monde           des artifices communs. Au non-espace du            d'entammer les travaux d'aménagement.
     et les espaces réels conçus, construits        cinéma (lieu de rêve) Disney à souhaité                En 1954, après l'annonce officielle de
     et orchestrés par Walt Disney. Les parcs       faire correspondre la réalité des non-             la construction de Disneyland, le pubhc
     thématiques sont assimilables à de l'archi-    espaces de ses foires d'amusements                 ignorait tout du projet. Il allait en suivre
     tecture phrénologique, en ce cas précis,       « extra-ordinaires » pour captiver le cœur         l'élaboration, semaine après semaine, au
     ils matérialisent les phantasmes d'un          et stimuler l'imagination des enfants              cours de l'émission télévisée de Disney:
     cinéaste d'animation devenu célèbre. Les       américains de l'après-guerre au point de           en l'occurrence une longue publicité
     crocodiles de papier-mâché, les arbres         faire naître sur leurs lèvres des sourires         pour son parc. Lorsque Disneyland ouvrit
     et les arbustes miniatures de Storybook        de joie. Était-ce là, après la Dépression          ses portes le 17 juillet 1955, les céré-
     Land, tout comme les répliques des             et après la Guerre, une réponse à la nos-          monies furent présentées en direct sur le
     maisons des Trois petits cochons, sont in-     talgie d'un paradis oublié ou perdu ? Pas          réseau ABC que, belle ironie, la compagnie
     dubitablement faux, mais justement leur        tout à fait.                                       Disney finit par acquérier en 1985.

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                                                                6O0     BLK. 50UTH tLLV
                                                                                                                        Main Street, 600 Block South
                                                                                               Main Street USA, Disneyland, Anaheim, Californie, 1955
                                                                                                                        Aquarelle opaque sur diapose
30   VIE DES ARTS NM67                                                                                                                   32 x 77 cm
                                                                                                                Walt Disney Imagineering Coltection ©Disney
Vue à vol d'oiseau de Disneyland préparée
                                                                                                pour susciter d'éventuels investissements, 1953
                                                                                                Disneyland, Anaheim, Californie
                                                                                                Mine de plomb sur papier
                                                                                                109 x 118 cm
                                                                                                Herbert Ryman, illustrateur
                                                                                                Walt Disney Imagineering CoUection ©Disney

                    5e                                                                              L'architecture du réconfort: les
           V,'                                                                                      parcs thématiques de Disney est
                                                                                                    la quatrième exposition de la
                                                                  "7' ' jarw < 5 ^                  série Le Siècle de l'Amérique
                                                                                                    que présente le Centre canadien
                                                                                                    d'architecture. Organisée par
                                                                >c        *^s                       Phyllis Lambert, directrice du
                                                                                                    CCA, cette série propose une
                                                                                                    observation critique de l'archi-
                                                                                                    tecture américaine et de ses
                                                                                                    influences. Vie des Arts a rendu
                                                                                                    compte des trois premières
                                                                                                    expositions: Scènes de la vie
                                                                                                    future: l'architecture européenne
   DES VALEURS DIGNES                           trouve aussi les simulations d'architecture         et la tentation de l'Amérique,
   D'UN MUSÉE                                   réelle réalisées par Disney: la Place               1893-1960{No 160); Frank Lloyd
    Depuis, le parc thématique originel de      St-Marc à Venise et la Tour Eiffel.                 Wright: inventer un paysage
Disney a eu ses clones. Leurs détracteurs       «Architecture du monde réel» présente               américain, 1922-1932 (No 163)
                                                                                                    et Frederick Law Olmsted en
les fuient; les amateurs s'y engouffrent        deux hôtels à thème - un contemporain               perspective: photographies de
inconditionnellement avec toute leur            et un polynésien - les seules structures            Robert Burley, Lee Friedlander
famille. Après le second Disneyland             conçues par Disney en collaboration avec            et Geoffrey James (No 164).
(Floride), ont suivi l'Eurodisney au sud de     un architecte (Welton Becket). Une
Paris, le Disneyland de Tokyo et le centre      attention est aussi portée à un projet de
Epcot en Floride.                               Disney jamais concrétisé, connu sous le                 UNE CONFORMITÉ
    L'élusive direction de Disney, connue       nom de Projet X, soit le plan d'une vraie               FAMILIÈRE ET
aujourd'hui sous le nom de Imagineering,        ville industrielle destinée à être érigée sur           DÉRANGEANTE
a longtemps entretenu une crainte à l'idée      sa propriété de 28000 acres en Floride.               Le Centre canadien d'architecture
d'exposer les secrets de la conception          Les innovations en matière d'élimination          présente également une série de photos
et de l'ingénierie de Disneyland, préférant     des rebuts et de gestion du trafic urbain         des différents sites Disney actuels. Il s'agit
préserver le mystère afin de surprendre         que contenaient le Projet X furent appli-         de clichés pris par Catherine Wagner;
et d'émerveiller le public.                     quées au Magic Kingdom et ailleurs dans           pour la plupart, ils sont Umites aux seules
    Néanmoins, il reste, comme Marty            les parcs de Walt Disney. Dès 1964,               constructions. L'absence de gens donne
Sklar, vice-président et directeur princi-      l'écrivain de science-fiction Ray Bradbury        à ces images l'allure de... décors de
pal de la création chez Walt Disney             défendait les simulacres de jungle et les         dessins animés. Si ce sont là vraiment des
Imagineering, l'a fait remarquer lors du        crocodiles de plastique d'Adventureland           non-espaces, alors ces designs, si
25 e anniversaire de Walt Disney World,         et insistait sur le fait que Disney avait         soigneusement réglés et réalisés pour
que les parcs thématiqus ont rarement été       déjà résolu la plupart des problèmes              incorporer la circulation automobile et le
considérés comme des sujets dignes              de Los Angeles avec les innovations de            divertissement ont de quoi nous laisser
d'être exposés dans les musées tradionnels.     Disneyland. Bradbury fut d'ailleurs               pantois. On ne peut que s'interroger sur
    Ainsi revient au CCA le mérite d'avoir      ultérieurement consulté par Imagineering          la valeur de l'interaction sociale telle que
le premier réussi à présenter publiquement      pour la conception du Spaceship Earth             la définit Disney, même fantastique, car il
les plans de ces lieux de rêve.                 de la Géosphère d'EPCOT.                          s'en dégage une conformité à la fois fami-
    Disposée à la façon de Disneyland,                                                            lière et dérangeante. Ah ! Si seulement on
l'exposition du Centre canadien d'archi-                                                          pouvait enregistrer les conversations des
tecture présente les maquettes originales                                                         gens qui entrent, visitent et sortent de ces
de Main Street USA et transpose le plan                                                           expériences désincarnées, quelle intéres-
hub-and-weenie de Disneyland dans un                                                              sante étude sociale on aurait là! Et que
décor muséologique. Nouvelle ironie:                                                              dire des conversations entre les acteurs
l'architecture du réconfort se voit donc                                                          qui, chaque jour, se déguisent pour animer
ainsi consacrée parmi les valeurs ap-                                                             les décors de leurs pantomimes!... D
pelées à résister au temps. Sont exposés
                                                                                                  (traduit de l'anglais par Monique Crépault)
quelque 350 objets recréés à partir des
archives de Walt Disney Imagineering,
maquettes des parcs Disney, des plans et
croquis architecturaux futuristes. Le tout                                                      Le château de Cendrillon
forme l'exposition la plus colorée du CCA.                                                      Fantasyland. Tokyo Disneyland, 1980
                                                                                                Aquarelle, peinture métallique, plume et encre, mine de plomb
La partie la plus intéressante est la section                                                   et crayon de couleur sur bleu monté sur carton
                                                                                                81,8 x 53,4 cm
Fantasyland, où est examinée l'archi-                                                           Miyuki, illustrateur
tecture même des dessins animés. On y                                                           Walt Disney Imagineering Collection OOisney

                                                                                                                                              VIE DES ARTS N"167   31
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